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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 6 avril 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de M. Bernard Foccroulle, directeur général du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 6 avril 2016

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’audition de M. Bernard Foccroulle, directeur général du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir ce matin M. Bernard Foccroulle, directeur général du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. À la tête de ce festival depuis 2007 – après avoir dirigé le théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles pendant quinze ans –, vous avez, cher Bernard Foccroulle, souhaité conduire avec vos équipes, au début de l’année 2015, une réflexion prospective particulièrement intéressante sur l’avenir de cette manifestation de renommée mondiale, tant en termes de missions que d’outils et de ressources. Cette réflexion est retracée dans le document de synthèse qui a été adressé en fin de semaine dernière aux membres de la Commission.

Espace d’équilibre entre répertoire et création, ancré localement mais ouvert sur le monde, lieu d’expression et de formation à la recherche de nouvelles pratiques et de nouveaux publics : le festival d’Aix-en-Provence du XXIe siècle doit être tout cela à la fois pour « faire vivre l’Opéra, un art qui donne du sens au monde », comme vous le proposez en conclusion de cette réflexion.

Notre rencontre de ce matin nous donne ainsi l’occasion de vous entendre et d’échanger avec vous tout à la fois sur la situation actuelle du festival, tant sur le plan artistique que pour les aspects plus économiques et les relations avec les publics, mais également sur son évolution depuis que vous en assurez la direction, sur les réalisations dont vous êtes le plus fier et sur les enjeux à venir, à moyen et long termes.

Votre rapport prospectif proposait notamment cinq grands axes de travail pour les années 2015-2017 – « penser et vivre l’opéra comme création » ; « promouvoir l’accessibilité et la participation » ; « développer les missions de formation et d’insertion professionnelle » ; « renforcer la dimension internationale du Festival », « et assurer les conditions de [sa] pérennité ». Autant de sujets sur lesquels nous sommes impatients de vous entendre.

M. Bernard Foccroulle, directeur général du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Je suis très heureux d’être avec vous ce matin. Le Festival d’Aix-en-Provence, créé en 1948 alors que les festivals étaient en plein essor en France et en Europe, est une formidable histoire dont nous sommes les héritiers. C’est une fierté, mais c’est surtout du présent et de l’avenir dont je vous parlerai. À travers le cas de ce festival, auquel je suis très attaché, d’autres enjeux culturels, éducatifs et sociaux se font jour.

Comme l’a indiqué le président Bloche, le travail que nous avons mené pendant dix-huit mois porte sur l’avenir de l’opéra. Quel sera l’opéra du milieu du XXIsiècle ? Le monde se transformant à une vitesse accélérée, nous arriverons à cette échéance beaucoup plus vite que nous ne le pensons. Il nous importe de réfléchir sur le devenir de l’opéra et, plus globalement, sur la culture vivante et la création, pour tenter de mieux comprendre où nous en sommes et voir quelles sont les décisions à prendre à court et moyen terme pour être en mesure d’affronter aujourd’hui et demain ce monde en pleine mutation.

Nous nous sommes assignés quatre missions principales : la programmation artistique d’un festival et sa contribution à l’opéra, l’accessibilité du public et sa participation, la formation et l’insertion professionnelle, et enfin l’ancrage local du Festival et son développement international.

La première question pourrait sembler aller de soi, mais c’est loin d’être le cas. En situant la création au cœur du Festival d’Aix nous allons à rebours de l’évolution actuelle de beaucoup d’institutions culturelles dans le monde qui regardent plutôt le passé, s’intéressent au patrimoine et considèrent finalement la création comme une tâche subalterne qui permet
– parfois – d’attirer un peu de presse. Je suis profondément convaincu du contraire. C’est seulement en axant notre action sur la création et à travers les choix de programmation que nous portons et des artistes que nous invitons que nous serons en mesure de donner sens à ce formidable répertoire qui nous précède de quatre siècles et qu’il nous appartient de relire et de questionner. Pour ce faire, il est essentiel que les artistes vivants, compositeurs et écrivains, les grands créateurs dans le domaine des arts plastiques, du théâtre, de la chorégraphie, de l’architecture ou du cinéma, puissent avoir au cœur de nos institutions une place de choix, et non pas une place marginale.

D’où l’importance des résidences d’artistes qui nous accompagnent, non pas sur six mois, mais sur plusieurs années. Je vois dans cette proximité avec les artistes vivants une condition pour que notre festival joue son rôle sur le plan de la création.

Il ne s’agit nullement de ne présenter que des créations d’opéras contemporains : cela n’aurait aucun sens et ne correspondrait pas à notre mission. Il s’agit néanmoins d’en présenter régulièrement, avec passion et motivation. Chaque année, nous présentons un ou deux grands opéras contemporains, la plupart du temps créés dans le cadre du Festival, parfois en association avec d’autres.

Surtout, qu’il s’agisse de présenter des œuvres de Mozart, Haendel, Monteverdi ou Stravinsky par exemple, nous entendons faire appel à des artistes – chefs d’orchestre, metteurs en scène, chanteurs, plasticiens – qui sont à même aujourd’hui de nous proposer des lectures actuelles de ces œuvres. Nous n’attendons pas d’eux qu’ils « modernisent » le répertoire mais qu’ils viennent relire un passé qu’ils ne cessent d’enrichir.

La dimension interculturelle, qui a été peu développée dans le monde de l’opéra jusqu’au XXsiècle compris, me semble devoir être impérativement encouragée aujourd’hui dans un contexte de mondialisation. Nos sociétés connaissent actuellement un changement économique et culturel profond, et nous avons tout intérêt à ce que le champ de l’opéra s’ouvre à toutes les cultures du monde, qu’il s’agisse de créateurs asiatiques, américains ou méditerranéens. Il me semble que nous sommes dans un moment historique où les cultures de la Méditerranée, notamment les cultures traditionnelles vivantes, sont à même de nourrir le développement de notre genre, même si l’opéra n’est pas une tradition de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Le deuxième point qui me préoccupe tout autant que le premier est celui de la participation. Il n’est plus possible aujourd’hui d’envisager une institution culturelle qui se focaliserait sur la programmation, sans immédiatement s’intéresser à la question des publics auxquels ces programmes s’adressent. Quelle sera leur place au sein de notre Festival ? Comment élargir ce public ? Comment le diversifier socialement ? Comment le rajeunir ? Comment créer les chemins d’accès les plus divers pour que le plus grand nombre de spectateurs puissent participer aux spectacles que nous leur proposons et non pas seulement les « consommer » ?

Nous avons pour cela mis en œuvre une tarification extrêmement diversifiée. Le prix des premières places est généralement très élevé, ce qui est nécessaire à notre équilibre financier. Mais nous proposons aussi des places à des tarifs accessibles, à partir de 30-50 euros, et des tarifs pour les jeunes à seulement 9 euros. Nous avons même récemment revu notre tarification à la baisse, même si on sait bien que le niveau des tarifs ne constitue pas l’obstacle premier : les obstacles culturels et les préjugés, notamment, sont autant de barrières sur lesquelles nous devons travailler.

C’est ce que nous faisons en développant nos activités sur le terrain de l’école, au collège, au lycée et à l’université. Il me semble essentiel aujourd’hui que le Festival et les paroles d’artistes soient entendus sur le terrain de l’Éducation nationale à tous les niveaux et que nous donnions aux jeunes, quelle que soit leur origine ou leur implantation territoriale, la possibilité de profiter des spectacles que nous leur proposons et de se les approprier. C’est ainsi que, chaque année, nous accueillons au festival quelque 3 000 jeunes qui bénéficient d’un cycle d’activités qui leur permettent d’assister, avant la fin du mois de juin, aux dernières répétitions des spectacles. En dix ans, nous n’avons pas eu un seul exemple de non-adhésion de ces jeunes à un art qui n’est pourtant pas le leur. Nous n’ignorons pas que l’opéra n’est pas la culture des jeunes aujourd’hui et qu’il n’est pas prêt de le devenir. Si nous réalisons, avec eux et leurs enseignants, un travail adapté, alors l’opéra peut constituer un genre qui leur parle à merveille, parce qu’il offre une multitude de portes d’entrée : la narration, le chant, l’aspect visuel, l’orchestre, les voix, etc. Cela permet à chacun de trouver son chemin et de s’enrichir en prenant du plaisir à cette rencontre.

Il n’y a bien sûr pas que les jeunes, il y a aussi le monde associatif. Nous travaillons de manière régulière avec une centaine d’associations sur le territoire d’Aix et Marseille et parvenons avec elles à inviter au Festival des personnes qui n’y viendraient pas spontanément.

Nous avons créé un festival de juin, Aix en Juin, sorte de prélude au Festival de juillet. Accessible gratuitement, il permet de réunir une vingtaine de milliers de personnes qui peuvent accéder à l’Académie comme aux répétitions. Ce festival permet d’offrir à un large public – d’Aix ou originaires d’autres communes du Pays d’Aix ou de Marseille, y compris dans les quartiers Nord –, la possibilité de rencontres qui sont parfois d’ailleurs les plus belles qui puissent advenir.

Le troisième point que je souhaiterais aborder est celui de la formation et de l’insertion professionnelle. Nous ne sommes pas un conservatoire mais nous avons une Académie qui, depuis 1998, n’a cessé de se développer. Elle accueille aujourd’hui plus de 200 jeunes artistes venus du monde entier, chanteurs, musiciens, instrumentistes – de musique de chambre comme d’orchestre. À ce propos, nous avons depuis quelques années repris la gestion de l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée, institution particulièrement propice aux rencontres interculturelles à l’échelle de la Méditerranée. C’est un projet que nous avons mené en collaboration avec le London Symphony Orchestra, qui a développé une pratique d’intégration et de participation. L’Académie a profondément transformé le Festival. Ces jeunes artistes constituent aussi un public et des talents que nous retrouvons régulièrement sur scène et qui, pour certains, participeront de façon pérenne aux productions du Festival.

Le quatrième point auquel j’attache une importance particulière traite de deux priorités qui pourraient être considérées comme contradictoires : l’ancrage territorial et le développement international. À l’image d’un arbre dont la profondeur des racines lui permet de grandir davantage, l’ancrage territorial et la dimension internationale se complètent.

Pour ancrer un festival dans son territoire, plusieurs objectifs peuvent être poursuivis : se rapprocher du monde éducatif, du monde social ou du monde économique, pour lequel nous avons créé un club qui rassemble une trentaine de petites et moyennes entreprises de la région. Le maillage culturel territorial, très fort dans ce paysage provençal, est également primordial, car un festival doit être tout sauf une citadelle. Ce doit être un lieu qui vit d’échanges, notamment avec de petites compagnies, souvent plus dynamiques aux plans numérique, social ou culturel. Nous avons tout à gagner à renforcer de tels partenariats.

Le Festival a connu trois phases dans son développement international, qui ne se suivent pas mais se cumulent. La première étape a consisté à inviter des artistes du monde entier, voire à accueillir un public venu de toute l’Europe, de l’Amérique et même d’au-delà. Puis, en 1998, lorsque M. Stéphane Lissner a pris la direction du Festival, a été lancée une politique très ambitieuse fondée sur des coproductions et sur l’organisation de tournées à travers toute l’Europe. Nous avons perpétué cette politique, tant les coproductions sont aujourd’hui indispensables à l’équilibre financier du Festival. Sans ces coproductions, avec des partenaires prestigieux ou plus modestes, le Festival n’aurait pas pu atteindre son niveau actuel. La troisième phase, qui s’est ouverte très récemment, repose sur la sollicitation croissante, par des pays du monde entier, notamment les pays émergents, des productions du Festival mais aussi de l’identité spécifique que nous avons développée.

Nous avons ainsi très récemment signé un partenariat avec Pékin, pour une période de cinq ans, qui permettra de présenter tous les ans en octobre une production du Festival dans le cadre du très important Festival de Pékin, tourné vers l’avenir et particulièrement innovant. Nous avons également été invités par le Bolchoï pour monter à Moscou, à partir de 2017, un petit festival d’Aix-en-Provence tous les deux ans. Nous sommes également présents au théâtre national du Bahreïn, dans le Golfe, où nous espérons d’ailleurs conclure d’autres partenariats avec les institutions culturelles qui y émergent actuellement. Nous collaborons bien sûr avec les pays d’Amérique du Nord et avons des projets en cours en Amérique latine, notamment au Mexique, en Argentine et au Brésil. Les instituts français nous accompagnent également en organisant, dans plusieurs dizaines de villes dans le monde, des projections gratuites sur grand écran, ce qui constitue souvent un prélude à une coopération approfondie avec les acteurs et institutions culturels des pays en question.

De façon générale, la « marque » du Festival s’est largement renforcée au plan international. Pour autant, si la reconnaissance internationale du Festival apporte des moyens nouveaux, elle exige aussi de notre part un travail considérable. Nous avons aujourd’hui davantage de représentations des productions du Festival en dehors de la période du Festival lui-même, c’est-à-dire en juillet, que pendant ce dernier, et ce nombre va d’ailleurs croissant.

Voici les quatre missions principales que nous nous sommes fixées, en plus des missions d’accompagnement que nous avons identifiées, notamment dans le domaine du numérique. Nous nous emparons de cette véritable révolution par le biais d’une multitude de partenariats – les territoires aixois et marseillais étant particulièrement riches sur ce plan, avec, par exemple, la French Tech Culture –, par la diffusion de webdocs et l’organisation de projections. Ce sont ainsi, chaque année, vingt-cinq villes du territoire de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui nous accompagnent dans ces projections – toujours gratuites, j’y insiste. Très loin du modèle nord-américain développé par le Metropolitan Opera – qui projette ses productions dans des salles de cinémas pour des prix relativement élevés, allant au-delà de trente euros –, nous considérons en effet qu’une projection en plein air ou dans une salle de cinéma doit être l’occasion d’un premier contact avec l’opéra, mais qu’elle ne saurait remplacer l’expérience de l’œuvre vivante. Nous construisons progressivement des passerelles entre ces projections et la vie même de l’opéra, le but étant que le plus grand nombre des personnes ayant assisté à une projection participent, par la suite, au Festival lui-même.

La communication autour du Festival constitue évidemment un enjeu important. Eu égard aux contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur nous, il nous appartient d’être créatifs pour développer l’image du Festival sans toutefois recourir à une forme coûteuse de publicité.

Enfin, nous avons souhaité placer le Festival sous le signe du développement durable, qui s’exprime dans sa dimension écologique – nous sommes d’ailleurs devenus une institution culturelle de référence sur ce point – mais également dans sa dimension financière et sociale. La pérennisation des ressources financières est une nécessité compte tenu de la part de la contribution publique au Festival, qui représente le tiers d’un budget de 22 à 23 millions d’euros. Nous avons développé le mécénat, qui contribue à hauteur de 4,3 millions d’euros au budget du Festival, soit plus que la subvention de l’État. Une équipe de huit à neuf personnes travaille toute l’année à son développement, en France comme à l’étranger.

La pérennisation des ressources humaines constitue, à mon sens, le principal enjeu. Ce qui donne son âme et son identité au Festival, ce sont les personnes qui y travaillent, en contrats à durée déterminée ou indéterminée, le plus souvent sous le statut d’intermittents. Du reste, je tiens à faire part de notre inquiétude quant à la renégociation en cours de la convention d’assurance chômage et des annexes 8 et 10, et aux objectifs d’économies démesurés qui sont affichés. Je souhaite dire l’importance pour le secteur culturel d’établir des conditions de travail durables, qui permettent aujourd’hui à plusieurs centaines de personnes de vivre principalement de l’organisation du Festival.

Une étude conduite il y a trois ans sur l’impact économique du Festival a fait apparaître que ce dernier génère environ 65 millions d’euros par an, ce qui signifie qu’un euro public investi dans le Festival produit dix euros de retombées économiques. L’intérêt du Festival est ailleurs, mais je tenais à rappeler que le monde culturel, et les festivals en particulier, sont un facteur de développement économique et de stabilisation de l’emploi.

Pour conclure, je souhaite rappeler l’importance de la relation avec l’Éducation nationale. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine ; aucun des grands enjeux sociaux et sociétaux de notre temps ne pourra trouver de réponse sans une coopération plus poussée entre le monde éducatif et le monde culturel. Beaucoup d’initiatives réjouissantes émergent, mais nous sommes loin, en France et en Europe, d’avoir atteint l’objectif de démocratisation que des sociétés comme la nôtre doivent se fixer.

En ce qui concerne les territoires, il faut créer davantage de liens entre les différentes institutions culturelles, qu’elles interviennent dans le domaine des arts plastiques, de la création numérique, des arts de la rue, de la musique, de la danse ou encore du cirque ; c’est en mettant en place, au niveau local, des clusters de forces vives que nous parviendrons à irriguer en profondeur les territoires urbains et ruraux.

M. le président Patrick Bloche. Votre intervention liminaire a parfaitement répondu à nos attentes. Même si les retombées économiques du Festival apparaissent exceptionnelles, nous sommes tous ici convaincus des répercussions tant économiques que sociales des activités culturelles en général. Nous sommes évidemment sensibles à la renégociation en cours de la convention Unédic et particulièrement de ses annexes 8 et 10. La menace de suppression qui a longtemps pesé sur le statut des intermittents du spectacle a été écartée par l’intervention récente du législateur ; il n’en reste pas moins qu’une négociation, dont les conditions financières sont encore incertaines, est en cours. Comme souvent, les négociateurs en présence partent de positions extrêmement éloignées. Votre présence au sein de notre Commission témoigne de l’attachement que nous portons aux conditions d’emploi des intermittents du spectacle.

M. Stéphane Travert. Merci, monsieur le directeur général, pour la vision prospective que vous venez d’apporter à notre Commission sur le prestigieux festival d’art lyrique que vous dirigez et qui se tourne, à vous entendre, résolument vers l’avenir, avec confiance et engagement. Permettez-moi de vous féliciter pour l’excellence du travail que vous menez à la tête du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Désigné ambassadeur culturel européen en 2013, il s’est vu décerner le prix du meilleur festival aux International Opera Awards en 2014 !

Chacun se souvient de votre action à la tête du théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, l’une des plus belles maisons d’opéra en Europe. Vos qualités d’interprète sur la scène internationale, votre intérêt pour tous les répertoires, la capacité dont vous avez si souvent témoigné à relever les défis, votre attention très particulière et maintes fois manifestée pour l’accès à l’opéra du plus grand nombre ont construit ce festival et l’ont maintenu au plus haut niveau.

L’action menée en faveur du public représente en effet un volet important du projet que vous avez conduit dans un souci constant de proximité. Proximité des artistes, des œuvres et des spectateurs, proximité également du Festival avec sa ville et son territoire, dont les habitants bénéficient de conditions d’accueil particulières.

Pour reprendre le sociologue Edgar Morin, la culture est ce qui relie les connaissances éparses d’une société dont le sens se perd quand les savoirs restent trop compartimentés, et trop étrangers les uns aux autres. La société de la connaissance doit aussi être une société de culture, qui décloisonne notre vision du monde et des êtres humains.

Votre présentation souligne la richesse de l’univers culturel qu’est l’opéra, ses métamorphoses récentes et à venir, sans oublier son caractère toujours socialement orienté vers les catégories socioprofessionnelles supérieures. Permettez-moi de me référer ici à l’ouvrage L’Opéra de Paris, Gouverner une grande institution culturelle, rédigé il y a maintenant plus de dix ans par MM. Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau, qui souligne que la sociologie des publics de l’opéra a peu évolué au cours du temps et ce, malgré les actions de démocratisation engagées.

C’est pourquoi je souhaite vous interroger sur les résultats des études sociologiques que vous avez pu mener auprès des publics que vous accueillez. En effet, pour assurer son développement et son ouverture, le Festival a fait le choix de l’excellence, de la créativité, du partage et de la transmission. En proposant à la fois le grand répertoire revisité, mais aussi des petites formes et des créations interculturelles, vous avez favorisé la création lyrique et le renouvellement d’un patrimoine savant souvent considéré comme élitiste.

D’après vous, l’action culturelle passe par l’élargissement du répertoire, la mise en œuvre de nouveaux outils de communication, des actions de terrain, qui sont l’avenir et le gage de la pérennité d’un festival comme le vôtre. Quel bilan tirez-vous de cette action culturelle ? Les élèves des classes sensibilisées reviennent-ils avec leurs parents ? Comment aborder le virage du numérique pour l’opéra ? La politique tarifaire a-t-elle permis de diversifier votre public ? Le public qui assiste aux manifestations gratuites proposées dans la ville intègre-t-il ensuite les « murs » du Festival ?

Je souhaite également vous interroger sur les modes de financement du Festival. Pourriez-vous nous indiquer la structuration de vos ressources, leur répartition entre sources publiques et privées, l’intervention des différents échelons territoriaux et les résultats de la mise en œuvre de partenariats et d’incitation au mécénat culturel ?

D’ailleurs, j’aurais aimé connaître votre avis sur les sous-commissions « Culture » des commissions territoriales de l’action publique (CTAP), réunions destinées à mettre tous les décideurs publics autour de la table pour évoquer l’aménagement culturel du territoire et le financement croisé des événements d’envergure territoriale.

La culture, c’est la vie, c’est le poumon d’un territoire, ce qui fait respirer le monde. Elle doit être partout, au cœur des territoires ruraux comme dans les quartiers les plus démunis. L’accès de tous à la culture passe donc par le rééquilibrage des territoires et sa diffusion « hors les murs » pour faciliter l’accès à des esthétiques d’exception. Le Festival d’Aix-en-Provence ne peut y échapper.

Je tiens à nouveau à vous féliciter pour l’approche active et engagée que vous nous avez proposée.

M. Christian Kert. Monsieur le directeur général, je vous retrouve ici avec plaisir. Comme mon collègue Stéphane Travert, j’ai été sensible à votre présentation. J’ai cependant deux ou trois interrogations. Le Festival d’Aix-en-Provence est, à l’origine, très mozartien. Dans le document que vous nous avez remis, vous indiquez que Mozart demeure un fil rouge de ce festival. Or, ce dernier s’ouvre aussi à de nombreux autres compositeurs, ce que je trouve souhaitable. Mais qu’en sera-t-il demain de Mozart ? Est-ce que le public qui attend du Festival d’Aix-en-Provence de proposer des œuvres de l’époque de Mozart se retrouvera toujours un peu « chez lui », malgré la nécessité de s’ouvrir à d’autres époques et à d’autres formes d’expression artistique ?

J’aime beaucoup la formule que vous utilisez et selon laquelle « l’opéra est un art qui donne sens au monde ». Je pense que cette formule rejoint la préoccupation qui s’exprime tout au long des travaux de cette Commission : donner sens au monde. Au sujet des nouvelles expressions artistiques, qui se traduisent notamment par une ouverture au monde méditerranéen et à d’autres cultures, je voudrais revenir, sans vouloir vous offusquer, sur un débat qui a animé le Festival l’été dernier. La création de L’Enlèvement au sérail a alors substitué au palais du pacha un camp retranché de Daesch. Je me demande jusqu’où l’expression artistique peut aller pour se renouveler. S’agit-il encore de création ou d’une provocation voulue par un metteur en scène – autrichien je crois ? Jusqu’où peut-on aller en matière d’ouverture à toutes les cultures, en matière d’opéra comme dans d’autres formes d’expression artistique ?

Concernant les moyens techniques, le Festival s’ouvre au numérique. L’opéra est un art dont on attend qu’il produise quelque chose de très traditionnel. Si l’on va jusqu’au bout des progrès numériques, ne va-t-on pas substituer le matériel au culturel ? Est-ce que la technologie ne va pas se substituer à l’art ? J’imagine que vous avez le souci de préserver ce qui fait la nature même de l’opéra, mais je crois qu’il faut vraiment souligner cette préoccupation.

Concernant le financement, vous nous avez dit qu’entre le montant des sommes provenant du mécénat, qui équivaut approximativement à celui de la subvention de l’État, et les recettes propres du Festival, vous avez imaginé un modèle économique exceptionnel dans le monde de l’opéra européen. Cela signifie-t-il que vous bénéficiez de davantage de ressources issues du mécénat et avez moins besoin des aides publiques ? Ou bien avez-vous trouvé l’alpha et l’oméga du financement d’un opéra – ce dont on ne pourrait que vous féliciter chaleureusement ?

Concernant les territoires – que vous évoquez –, je rappellerai qu’Aix-en-Provence fait désormais partie de la nouvelle métropole Aix-Marseille – ce qui risque, monsieur le directeur général, de complexifier un peu votre tâche. Allez-vous asseoir votre activité au niveau métropolitain sur la base d’une réflexion avec les élus ? Je crois pour ma part que, si les élus n’ont pas à interférer avec vos choix artistiques, le lien entre le Festival et les élus pourrait être plus fort – c’est en tout cas ce que je souhaite.

Quelle place donnez-vous dans votre dispositif à cette excellente initiative du Festival de Pâques qui permet de diversifier les expressions artistiques et les publics ? J’ai cru comprendre que c’était plutôt une réussite : qu’attendez-vous de ce « festival bis » ?

Enfin, je sais que vous n’avez pas souhaité être renouvelé dans votre poste de directeur. Je suis désolé de vous poser cette question publiquement, mais j’aurais souhaité savoir ce qui motive une telle décision. Le festival d’Aix-en-Provence est un beau festival : pourquoi le quittez-vous ? C’est dommage. Il serait intéressant de connaître les raisons de votre départ.

M. Patrick Bloche, président. Il arrive parfois que des députés ne se représentent pas. Ce n’est pas une déclaration, mais un constat ! Je remercie M. Christian Kert de nous avoir apporté sa bonne connaissance du Festival d’Aix-en-Provence. Avant de donner la parole à M. Michel Piron, je voudrais saluer en votre nom, mes chers collègues, M. Vincent Ledoux, élu député de la 10e circonscription du Nord, qui a succédé à M. Gérald Darmanin et rejoint notre Commission. Nous en sommes très heureux et je lui souhaite la bienvenue.

M. Michel Piron. Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour vos propos de ce matin et pour votre action pour un festival qui est une haute illustration de ce que d’aucuns ont appelé « l’art total ». Je voudrais revenir sur trois points mis en exergue dans votre document de présentation.

Vous avez évoqué l’ancrage local : j’aurais souhaité que vous nous en disiez davantage au sujet de l’opération « Passerelles » au bénéfice des publics scolaires et des enseignants. Vous avez souligné l’importance de l’implication des enseignants. C’est peut-être d’abord en s’appuyant sur eux que l’on peut espérer assurer une transmission.

Le deuxième point que vous avez évoqué et qui, à mes yeux, mériterait quelques compléments est celui du rayonnement international : au-delà des continents européen, américain et asiatique, vous avez une ambition méditerranéenne qui peut se heurter à des obstacles politiques mais aussi culturels. À ce sujet, je serais heureux de connaître votre diagnostic et les solutions que vous proposez pour surmonter ces obstacles.

Enfin, vous avez évoqué l’Académie. Dieu sait si mon attachement à Mozart est grand mais je ne peux m’empêcher de penser au vers de Lorca : « si je meurs, laissez la fenêtre ouverte ». Monsieur le directeur, vous avez un art de laisser la fenêtre ouverte qui est vraiment remarquable. J’aurais souhaité que vous nous en disiez davantage sur les liens entre l’Académie et les réseaux numériques. Le document évoque à ce propos le projet Médinéa
– au sujet duquel vous voudrez bien pardonner mon ignorance. Peut-être pourriez-vous également nous en dire un peu plus au sujet de l’apprentissage à distance que pourraient faciliter les nouvelles technologies.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le directeur général, je tiens à vous remercier pour votre présentation. Charles Baudelaire écrivait au sujet de la musique, qu’il comparaît à la mer : « je sens vibrer en moi toutes les passions d’un vaisseau qui souffre ». Musicien et compositeur, on imagine, monsieur Foccroulle, que vous éprouvez cet élan passionné jusque dans la direction du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, que vous exercez depuis 2007. Ne faut-il pas répéter que la musique jouit d’un langage universel ? Elle peut, par sa diversité et les émotions qu’elle véhicule, représenter un atout précieux et réaffirmer notre volonté d’adoucir les rapports dans notre époque troublée, teintée de haine et de violence.

Le Festival, créé en 1948 par Gabriel Dussurget, a souvent été marqué – et le sera encore cette année avec l’opéra Cosi fan tutte – du souffle de Mozart, un musicien prodige et surdoué qui, très jeune, s’est brillamment illustré par sa capacité créatrice, entre autres.

Sans négliger, dans vos choix de programmation, les valeurs sûres en matière de direction musicale d’orchestre, vous vous tournez résolument vers une lecture innovante du répertoire. Vous avez même inscrit dans l’histoire du Festival la marque de la création contemporaine. Vous montrez en outre un intérêt certain pour la jeune génération d’artistes, ce que je ne peux qu’applaudir. L’académie rattachée au Festival en est par ailleurs une formidable illustration.

Saluons enfin votre engagement dans des projets interculturels et, entre autres, l’intégration au Festival de l’orchestre des jeunes de la Méditerranée, ainsi que le réseau Médinéa. À ce sujet, je ne m’inquiéterais pas de l’avenir, pour ce qui me concerne.

Le Festival d’Aix-en-Provence, par son rayonnement au-delà de nos frontières, marque, en douceur et en profondeur, la place de la musique lyrique dans nos pratiques culturelles. Il cultive les partenariats internationaux, comme celui qui existe depuis plusieurs années avec le théâtre du Bolchoï. On peut également mentionner celui conclu avec le Bahreïn ou celui avec la Chine, qui, conclu pour cinq ans, sera inauguré en octobre prochain avec Le Songe d’une nuit d’été. J’avais une question sur la manière dont se nouent ces partenariats, mais vous y avez répondu ans votre présentation liminaire.

Nous avons noté votre volonté d’ouverture à un public plus large, moins élitiste. Dans un souci de démocratisation et de plus grande accessibilité, vous avez inscrit dans votre démarche des actions participatives avec des établissements scolaires et des associations locales. L’initiation à l’opéra par le dispositif « Passerelles » illustre cette volonté de partage et permet surtout de prouver aux jeunes que, quelle que soit leur origine sociale ou culturelle, ils peuvent s’ouvrir à l’opéra.

L’édition 2016 du Festival d’Aix-en-Provence est prestigieuse par les œuvres et leurs créateurs, par les artistes qui les portent, par l’innovation et la puissance créative qui les animent.

Au sujet de la démocratisation, je souhaitais aborder la question du prix des places aux spectacles : comment comptez-vous maintenir voire développer votre politique tarifaire généreuse, en particulier en direction des publics défavorisés ?

Je voudrais m’arrêter sur la gestion responsable du Festival : tri sélectif, récupération et recyclage des documents, choix des matériaux utilisés pour la confection des costumes et des décors. Autant de pratiques à saluer. Il est à noter à ce propos qu’un certain nombre d’événements, grands ou petits, tiennent compte de ces enjeux et y sensibilisent le public, notamment à Lyon.

Ma dernière question portera sur l’impact du Festival sur l’économie d’Aix-en-Provence, notamment pour les commerçants et les hôteliers : des partenariats sont-ils instaurés avec ces acteurs ? Quelle forme prennent-ils ?

Pour terminer, je voudrais rendre hommage aux femmes et aux hommes intermittents du spectacle dont la situation devra mériter toute notre attention.

Mme Marie-George Buffet. Je vous remercie pour vos propos, monsieur le directeur général. J’aimerais vous interroger sur trois sujets.

Tout d’abord, vous avez dit votre souci concernant les négociations en cours sur l’intermittence, et nous partageons vos préoccupations. J’ai été étonnée de voir dans le document que vous nous avez remis la nécessité de mettre en place un chantier de prévention des risques psycho-sociaux. Vous soulignez la difficulté de la cohabitation en harmonie de personnels relevant de différents statuts. Près de mille personnes travaillent temporairement dans le cadre du Festival. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur ces problématiques ?

Ensuite, vous n’avez pas abordé la question de la présence des amateurs dans votre festival. Nous avons beaucoup débattu de la question des amateurs lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. J’ai vu, dans votre document, que certains chanteurs étaient des amateurs. Peut-être pourriez-vous revenir sur ce point ?

Enfin, ma dernière question porte sur l’élargissement des publics. Outre la question des tarifs, l’obstacle n’est pas tant celui de la difficulté de certains jeunes originaires de telle ou telle région ou de tel ou tel quartier à s’ouvrir à l’opéra, que celui de l’absence d’offre à leur attention. Dans certaines villes, il n’y a pas d’offre permettant à ces jeunes d’aller vers l’art lyrique. Comment concevez-vous ce travail d’amélioration de l’offre non seulement avec l’Éducation nationale mais aussi avec les collectivités territoriales ? Dans certaines villes de ma circonscription, c’est grâce à l’effort culturel animé par les collectivités locales que les enfants ont accès à l’art lyrique ou au théâtre.

Mme Régine Povéda. Monsieur Foccroulle, je tiens tout d’abord à saluer votre parcours au service de la culture pour tous et de la mise en valeur de la musique auprès de tous les publics. Mon propos va peut-être vous surprendre, mais j’ai besoin de connaître votre appréciation au sujet du Centre national d’insertion professionnelle des artistes lyriques (CNIPAL) qui a cessé son activité à Marseille. L’une des deux villes candidates pour accueillir ce centre est celle de Marmande, située dans ma circonscription. Ce projet est porté par le maire de la ville, que j’ai personnellement soutenu auprès de Mme la ministre de la Culture, car il me semble judicieux et approprié. L’opéra national de Bordeaux permet la mise en place d’un atelier lyrique très rapidement opérationnel. Une quinzaine de salles sur le territoire aquitain sont disponibles. Marmande est une ville déjà imprégnée de culture lyrique à travers son festival des Nuits lyriques qui existe depuis 1988. Un concours international d’art lyrique y est également organisé. Une véritable cohérence géoculturelle marque ce projet dont l’aboutissement contribuerait aussi à la démocratisation de la culture. J’aimerais avoir votre éclairage sur la pertinence d’un tel projet, et, plus largement, sur les moyens les plus efficaces de favoriser le rayonnement de l’art lyrique à l’international, vous qui avez développé des actions dans ce domaine.

Je m’interroge aussi sur la Maison de l’opéra qui est évoquée dans le document que vous nous avez remis. Cette Maison ou l’Académie seront-elles en mesure de répondre, à la place ou en complément du CNIPAL, aux besoins de la formation professionnelle des artistes lyriques dans la région ?

M. François de Mazières. Je salue à mon tour, monsieur le directeur général, votre parcours de musicien, d’organiste, de compositeur, de directeur du théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles et, aujourd’hui, de directeur du festival d’Aix-en-Provence ; votre souci de démocratisation de la culture est particulièrement remarquable !

Je souhaiterais vous poser quatre questions. La première a trait aux difficultés budgétaires actuelles et aux soucis que vous rencontrez avec le mécénat. Au regard de votre expérience, après le désengagement en 2014 de votre partenaire institutionnel « historique »
– Vivendi – et celui, l’année suivante, d’une grande banque allemande, n’estimez-vous pas qu’il existe aujourd’hui une crise du mécénat culturel en France ?

En second lieu, l’opéra, étant, quoique sublime, un art très coûteux, bien plus coûteux que le théâtre par exemple, ne faudrait-il pas songer à de nouveaux moyens de financement, tel l’adossement à une scène lyrique permanente ? La question risque de se poser très directement, puisque l’un de vos successeurs potentiels est un ancien directeur d’opéra. Je crois savoir que vous estimez que c’est une mauvaise idée, mais la direction du festival n’y sera-t-elle pas contrainte à terme pour des raisons budgétaires ?

Ma troisième question est relative aux partenariats étrangers qui, bien souvent, s’avèrent plus coûteux qu’intéressants financièrement, sauf peut-être lorsqu’il s’agit de coproductions. Vous avez fait part de votre volonté de grande ouverture à l’étranger, mais cela ne risque-t-il pas de coûter plus cher que cela ne rapporterait ?

Enfin, compte tenu de votre grande expérience musicale, quel regard portez-vous aujourd’hui sur la place de la France dans la création musicale ? Je pense notamment au baroque français, qui a connu un succès extraordinaire et a sans doute même permis de renouveler cette discipline ; ne pensez-vous pas qu’on ait atteint aujourd’hui une phase de stabilisation de cet élan, voire de léger essoufflement ?

M. Jacques Cresta. Je suis particulièrement heureux que notre Commission s’intéresse ce matin à l’art lyrique, ce qui n’est que trop rare, et de pouvoir parler avec vous de l’un des plus grands festivals français, dont le rayonnement dépasse largement nos frontières. Vous êtes d’ailleurs vous-même, artiste belge à la tête de cette belle institution française, la démonstration que l’art dépasse les frontières !

Nous nous félicitons souvent ici même que la France ait vu naître, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le plus grand festival de cinéma du monde – le Festival de Cannes – et le plus grand festival de théâtre du monde – le Festival d’Avignon. Je suis donc très heureux que nous ayons l’occasion aujourd’hui d’évoquer avec vous cet autre grand festival français de rayonnement international, né en 1948.

Néanmoins, ce n’est pas sur les activités du festival ou sur sa programmation 2016 que je souhaite vous interroger. Récemment, dans le cadre de l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – plus précisément de son article 16 –, nous nous sommes intéressés à la question de la relation au public. Cet article permettra en effet la création d’un observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle, outil bien nécessaire tant le secteur connaît un réel besoin de données et d’analyses pour lui permettre de s’adapter aux habitudes de fréquentation du public des lieux de diffusion du spectacle vivant. Sur la question de la diversité du public et de son élargissement, vous avez donné quelques éléments dans votre intervention liminaire, mais j’aimerais que vous puissiez les développer davantage.

Mme Sandrine Doucet. À mon tour, je souhaite vous remercier, monsieur le directeur général, pour vos propos qui sont la preuve d’une réelle ambition et en même temps d’un souci d’être au plus près des pratiques locales et des jeunes publics.

Vous avez évoqué le lien entre Éducation nationale et monde de la culture. Permettez-moi de préciser que ce souci est partagé au sein du Conseil supérieur des programmes, dans lequel je siège, et qui a élaboré un parcours d’éducation artistique et culturel, dont le maître-mot est le partenariat. Vous avez, dans le cadre du festival, lancé un laboratoire d’évaluation des pratiques éducatives socio-artistiques, par l’intermédiaire d’un institut de management lié à l’université d’Aix-Marseille. Cet outil novateur est particulièrement intéressant et correspond à ce que nous avons voulu développer dans le cadre de l’article 17 du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ; pourriez-vous nous présenter avec plus de détails les résultats de l’évaluation menée ?

En second lieu, vous avez évoqué le réseau d’opéras au niveau européen et la circulation des jeunes artistes : l’étude du profil des jeunes artistes concernés montre-t-elle une démocratisation des pratiques artistiques de l’opéra ?

Enfin, au niveau national, je m’interroge sur les contraintes budgétaires qui pèsent sur les grandes scènes : ainsi le budget de l’Opéra de Bordeaux – 15 millions d’euros – s’il représente 25 % de l’enveloppe consacrée par la ville à la culture, ne permet pourtant pas de faire venir des productions du festival d’Aix-en-Provence… Je m’interroge : est-ce uniquement une affaire de manque de moyens ou cette absence est-elle due à des liens insuffisants entre les institutions lyriques françaises ?

Mme Martine Martinel. Je salue, monsieur le directeur général, la qualité de la présentation que vous venez de nous faire, mais aussi celle de votre action à la tête de ce festival. Vous renouvelez et enrichissez le répertoire et les pratiques de l’art lyrique.

Vous avez évoqué votre ambition d’ouverture à toutes les esthétiques, toutes les pensées, toutes les cultures et tous les publics ; vous avez aussi évoqué la nécessité de partenariats pour assurer une qualité économique au festival. Comment les partenariats économiques internationaux sont-ils engagés ? Comment éviter tout risque de censure artistique ?

M. Christophe Premat. « Il faut rendre l’opéra populaire », telle pourrait être votre devise à la tête de ce festival. J’apprécie tout particulièrement votre souci à la fois de démocratisation et de rayonnement culturel international.

Je souhaiterais pour ma part revenir sur la place historique et géographique de ce festival : il y a une manière d’ouvrir un espace sur la Méditerranée, de valoriser ce que M. Salah Stétié a appelé, à très juste titre, l’« être méditerranéen » ; les rencontres autour de la Méditerranée constituent-elles le fer de lance d’une identité culturelle qui pourrait être internationale et concentrer la coopération internationale que vous avez mentionnée ? Ce serait, à mes yeux, essentiel pour assurer la jonction entre le souci de démocratisation et d’internationalisation.

La culture n’est pas qu’une affaire d’éducation – vous l’avez dit –, mais aussi le fruit d’une volonté de susciter la curiosité et le dialogue ; le choix des répertoires est déterminant. J’ai relevé votre volonté de ne pas céder au star system et de rendre le festival véritablement accessible à tous.

Comment intéresser davantage les jeunes ? Comment stimuler les territoires et leur permettre d’attirer les jeunes qui pourraient s’épanouir dans l’art lyrique ? Comment en un mot rendre l’académie populaire autour de ce festival ?

M. William Dumas. Merci pour votre excellente présentation. Je m’interroge pour ma part sur les retombées économiques des grands événements et équipements culturels. Menez-vous des études régulières sur celles de votre festival ? Ce type de données s’avère fort utile lorsqu’il s’agit de solliciter les différents niveaux de collectivités territoriales pour obtenir des financements. Lorsque j’étais président de l’établissement public du Pont du Gard, nous menions des études annuelles pour chiffrer les retombées économiques de l’existence de ce grand monument sur le territoire alentour. Je pense que le territoire d’Aix – comme ceux d’Avignon ou de Nîmes – doit bénéficier de retombées importantes du fait du festival ; vous en avez assez peu parlé et j’aimerais que vous y reveniez plus en détail.

M. Bernard Foccroulle. Je vous remercie de la qualité et de la diversité de vos interventions. Je répondrai globalement à vos questionnements en évoquant successivement les questions des publics, des amateurs, des jeunes professionnels, des limites à la liberté d’expression, des financements et des partenariats.

En ce qui concerne les publics, nous disposons d’instruments permettant de suivre l’évolution de la sociologie de nos spectateurs mais ce sujet reste complexe car les choses évoluent. Le public du Festival d’Aix ne se résume pas aux 70 % de spectateurs qui achètent des places : sur un public de 85 000 spectateurs, environ 25 000 personnes viennent participer à une activité gratuite. Les collégiens et lycéens qui viennent assister à des générales sont un public d’aujourd’hui, spontané, pas uniquement le public de demain. Pour les artistes, ces rencontres font partie des moments les plus intenses du Festival. Mais il peut s’agir également d’adultes : d’une manière générale, l’accueil de ces primo-spectateurs reste fondamental car nous nous enrichissons mutuellement, mais aussi parce que leur rapport à l’œuvre d’art est émotionnellement supérieur à celui du public cultivé, car c’est la découverte d’une nouvelle expérience.

Il n’y a pas la même proportion des spectateurs locaux et internationaux parmi les spectateurs achetant des places : ce sont les étrangers qui achètent les places les plus chères, les spectateurs locaux sont quant à eux les premiers à acheter les places moins chères. Notre public comprend schématiquement trois segments : un petit tiers prêt à acheter des places chères voire très chères ; un gros tiers va acheter des places à moins de 55 euros ; un tiers vient participer à des activités gratuites.

J’ai la nostalgie des grands théâtres grecs, pouvant accueillir toute la population d’une cité. Cela n’est plus possible pour l’art lyrique mais je souhaiterais que l’on retrouve dans nos salles la diversité sociologique de nos territoires, reflétant la composition sociale et en matière d’âge de la population.

En ce qui concerne la participation des amateurs, nous avons toujours été attentifs à rémunérer comme il se doit ceux qui interviennent dans des conditions professionnelles. Mais il y a des activités artistiques de nature différente dans lesquelles il n’y a plus de séparation absolue entre projets professionnels et amateur. Ainsi, la création du Monstre du Labyrinthe de Jonathan Dove comportait des musiciens du London Symphony Orchestra et de l’Orchestre de la Méditerranée mais aussi trois cents chanteurs amateurs, pour lesquels la pièce a été créée. Les tarifs des places ont été fixés à un niveau symbolique. Il ne s’agit pas pour des amateurs de prendre la place de professionnels, mais de ne pas être cantonnés dans un rôle de spectateurs passifs : de plus en plus d’artistes créent pour des amateurs car leurs œuvres en sont transformées. Cette expérience a été également une expérience transformatrice pour ces amateurs, pour lequel nous avons d’autres formes de reconnaissance, mais nous n’avions pas à les rémunérer. Sans porter atteinte au principe fondamental de présomption du salariat, il faut nous ménager la possibilité de développer des pratiques qui vont impliquer les amateurs.

Au contraire, notre Académie n’a pas vocation à former des amateurs, mais à favoriser l’insertion professionnelle des artistes professionnels déjà formés. Beaucoup de jeunes chanteurs ont acquis à Aix une reconnaissance internationale. L’Académie a également un rôle pour développer une action locale nationale et internationale sur d’autres modèles de production lyrique. L’art lyrique est un art très coûteux : des productions de petites formes lyriques peuvent être emportées en tournées, comme l’Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel présenté au Maroc il y a trois ans. Il y a la possibilité de sortir ainsi des sentiers battus et de faire découvrir l’art lyrique à de nouveaux publics par d’autres créations que des opéras.

L’Académie explore ainsi de nouveaux modèles économiques innovants, en France et ailleurs. Aux États-Unis, de petites compagnies prennent le relais des grandes institutions culturelles, en se montrant plus aventureuses.

La question de M. Christian Kert relatif à un festival mozartien pose la question des liens avec un patrimoine et une histoire. Je n’imagine pas le Festival d’Aix sans Mozart. Chaque année, une session de l’Académie permet à de jeunes chanteurs de travailler le style mozartien dans un lieu qui a une forte identité mozartienne. Mais ce ne sont pas les productions mozartiennes qui vont ensuite voyager le plus : cette année, les deux productions importantes du Festival présentées à New York sont Written On Skin de George Benjamin, créé en 2012 et présenté au Lincoln Center, et Elektra de Richard Strauss dans la production de Patrice Chéreau de 2013, présenté demain au Metropolitan Opera. Le Cosi Fan Tutte que nous produisons cette année sera présenté l’année prochaine à New York mais je vous confirme qu’il existe un réel intérêt pour la création dans des sentiers moins rebattus !

En ce qui concerne la question des limites à la liberté d’expression, je n’ai pas de réponse de principe. Chaque interprétation va remettre l’œuvre en mouvement : des productions qui ont pu choquer par le passé, comme la mise en scène du Ring par Patrice Chéreau à Bayreuth en 1976, sont aujourd’hui considérées comme des classiques. Beaucoup de chefs-d’œuvre ont commencé par faire scandale, comme Carmen ou Traviata, mais la provocation et le scandale ne sont pas des valeurs en soi, et je ne suis pas intéressé de collaborer avec des artistes qui la valorisent pour le principe, ce qui représente en fait un nouvel académisme. Il reste toutefois difficile de prévoir si son point de vue sera pertinent. La spécificité de notre période, marquée par la violence et la montée du radicalisme, est que des images sorties de leur contexte peuvent circuler et raconter d’autres histoires que celle voulue : une interprétation totalement légitime d’un artiste sera-t-elle assimilable par de nouveaux publics ? Je n’ai pas de réponse tranchée. Être responsable d’un festival, ce n’est pas intervenir dans les créations des metteurs en scène et des artistes autrement que par la discussion. Pourtant, l’été dernier, j’ai dû pour la première fois faire acte d’autorité pour éviter que des têtes décapitées soient représentées à l’Archevêché, avec tous les malentendus, débordements et hostilités que cela aurait pu entraîner. Penser que la liberté d’expression est une valeur absolue est une erreur. Mais il n’y a pas de règle générale : il faut inventer des solutions nouvelles pour chaque création.

En ce qui concerne les questions financières, nous sommes inquiets de voir les réductions de dotations des pouvoirs publics. Si nous pouvons comprendre les raisons, les dommages sont sans doute plus dramatiques que les économies ainsi réalisées. S’il existe des gaspillages et des restructurations à envisager, des prises de risques, je suis inquiet pour l’art lyrique en général. Le mécénat culturel atteint un plafond : les entreprises dirigent désormais davantage leurs opérations vers la santé, le social ou l’environnement et moins vers la culture. Il existe cependant de nouvelles possibilités de progression en sollicitant les grands donateurs.

En ce qui concerne plus spécifiquement le Festival d’Aix, le mécénat n’est pas en crise : il a doublé en moins de dix ans et nous avons des projets pour le faire encore progresser. Il serait néanmoins très dangereux de penser que comme le mécénat progresse, les pouvoirs publics devraient moins participer. Je pense que c’est l’exact inverse qui devrait se passer, et il faudrait voir dans quelle mesure ces pouvoirs publics peuvent davantage investir dans les missions de service public. Le mécénat n’est là que pour apporter une valeur ajoutée et nous permettre d’être plus innovants ou de prendre certains risques. Mais le mécénat ne doit pas en Europe se substituer à l’action des pouvoirs publics.

Je suis préoccupé par le fait que dans le monde culturel il y ait des entreprises florissantes et d’autres, plus nombreuses, qui le sont moins, et qui pour certaines sont proches de la fermeture. Avoir une vie culturelle la plus vivante et la plus large possible dépend également des partenariats, qu’ils soient conclus à l’échelle régionale ou internationale. Nous n’arriverons à atteindre nos objectifs avec efficacité que si nous unissons nos forces. Il y a ainsi un grand travail à faire dans le rapport entre la culture et l’Éducation nationale et l’université. Nous avons une mission dans la sphère culturelle qui nous oblige à davantage mutualiser nos forces pour être efficaces sur les territoires que nous occupons.

Concernant notre possible adossement à une structure permanente, je ne crois pas, en revanche, qu’il soit nécessaire de créer un tel partenariat. Il est possible d’en faire de très efficaces sans pour autant s’inféoder l’un à l’autre. Je pense que l’intérêt du Festival, et ce qui intéresse le public international, c’est qu’il y ait une grande liberté de programmation. La diversité de nos artistes est également majeure. Cette année, par exemple, nous recevrons les chœurs du Cap en Afrique du Sud. Il s’agit de l’un des meilleurs chœurs au monde, et je suis ravi de pouvoir les compter pour la première fois dans notre programmation.

Je terminerai par la dimension internationale. Dans les partenariats que nous contractons, nous sommes très attentifs à ne pas perdre d’argent. Celui que nous avons signé avec le Festival de Pékin est par exemple très équilibré. Nous avons pu, lors d’une tournée des Noces de Figaro au Bahreïn, susciter quelque 3 000 heures de travail pour des intermittents français.

Nous n’avons pas trouvé la panacée, aucune de ces pistes n’est à elle seule une solution à tous nos problèmes. La clé du succès réside dans une vision globale, ainsi que dans l’équilibrage des risques financiers. Il faudra faire en sorte de s’appuyer sur les nouvelles technologies et le numérique. Enfin, je regrette qu’au cours de son histoire, le Festival ait longtemps tourné le dos à la Méditerranée. Il est grand temps de reprendre contact avec ce monde. Dans l’orchestre des jeunes de la Méditerranée, qui comprend des musiciens de tous les pays du bassin méditerranéen, à l’exclusion de la Libye et de la Syrie, nous trouvons des attentes au moins aussi importantes que celles qui existent dans le sud de l’Europe. Nous commettrions, selon moi, une erreur fondamentale de ne pas y prêter attention.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le directeur général, je vous remercie.

La séance est levée à onze heures quinze.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a désigné :

– Mme Isabelle Attard, secrétaire du Bureau de la Commission et membre de la mission d’information sur la formation des enseignants, en remplacement de Mme Barbara Pompili ;

– M. Stéphane Travert, rapporteur de la mission d’information sur le marché de l’art, en remplacement de Mme Sophie Dessus.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 avril 2016 à 9 heures 45

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-François Copé, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Deguilhem, M. Jacques Dellerie, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Michel Françaix, Mme Claude Greff, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, M. Christian Paul, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. Pouria Amirshahi, Mme Huguette Bello, M. Emeric Bréhier, M. Pascal Demarthe, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Sonia Lagarde, Mme Annick Lepetit, Mme Dominique Nachury, M. Frédéric Reiss, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot, M. Patrick Vignal

Assistait également à la réunion. – M. François Vannson