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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 12 octobre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Examen du rapport d’information sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 de France Télévisions (M. Jacques Cresta, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 12 octobre 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine le rapport d’information sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 de France Télévisions (M. Jacques Cresta, rapporteur).

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous examinons ce matin, sur le rapport de notre collègue Jacques Cresta, le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour les années 2016-2020.

Il y a un peu moins d'un an, le 28 octobre 2015, nous auditionnions Mme Delphine Ernotte, fraîchement nommée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) comme présidente de France Télévisions, afin qu'elle nous présente son rapport d'orientation et ses objectifs pour le groupe.

Le projet de COM qui nous est soumis aujourd'hui en application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, concrétise en quelque sorte le projet que Mme Delphine Ernotte nous avait présenté à l'occasion de cette audition. Le COM qui lie France Télévisions à sa tutelle va guider l’action de la présidente et de ses équipes jusqu’en 2020.

Structuré autour de trois objectifs stratégiques – le soutien à la création ; le lancement de l'offre d'information en continu ; la poursuite du développement numérique – et de onze indicateurs seulement (contre 70 dans le document précédent), ce projet de COM s'appuie sur un plan d'affaires consolidé grâce à des ressources publiques provenant désormais exclusivement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), plus couramment appelée redevance, et de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE).

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette évolution, que nous avons obtenue du Gouvernement l'an dernier lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, car la fin des dotations budgétaires garantit aux sociétés de l'audiovisuel public un mode de financement plus pérenne et moins exposé aux risques de régulation infra-annuelles. C’est un élément déterminant de l’indépendance de l’audiovisuel public, que nous avons souhaité renforcer au travers de la loi du 15 novembre 2013.

Il me semble indispensable que ce qu’a prévu le Gouvernement dans le PLF pour 2017 puisse être maintenu, c’est-à-dire une augmentation automatique du montant de la redevance de un euro, conséquence de l’augmentation du coût de la vie, et, en plus, une augmentation exceptionnelle de un euro. C’est un élément déterminant de la mise en œuvre du COM. Si nous sommes amenés, comme je l’espère, à approuver ce COM, il faudra donc que la redevance augmente de 2 euros en 2017. La redevance est un élément majeur de l’indépendance de l’audiovisuel public, et la parole de l’État doit être tenue. J’appelle donc votre vigilance, chers collègues.

Monsieur le rapporteur, je vous laisse tout de suite la parole pour nous donner votre sentiment sur ce projet de COM.

M. Jacques Cresta, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, je suis très heureux de vous présenter ce matin mon avis sur le projet de COM liant l’État et France Télévisions pour la période 2016-2020.

Ce projet de COM propose pour le groupe France Télévisions des axes stratégiques qui m’apparaissent particulièrement satisfaisants et pertinents quand d’autres demandent à être complétés, améliorés ou précisés.

Parmi les orientations qui me paraissent très satisfaisantes figure en premier lieu le plan de soutien à la création. Ce plan s’appuie sur un indicateur d’investissement minimal annuel dans la création audiovisuelle de 420 millions d’euros entre 2017 et 2020 et le maintien d’un plancher d’investissement important dans le cinéma. Je crois que nous pouvons en particulier nous féliciter de l’accord conclu en décembre 2015 avec plusieurs syndicats de producteurs, qui permet à France Télévisions de développer la part dépendante de son investissement jusqu’à 25 %, contre 5 % précédemment.

Je salue également un effort bienvenu de clarification de l’identité des chaînes. Il en va ainsi de France 4, qui sera désormais clairement consacrée à la jeunesse et à la famille en soirée, et surtout de France Ô, qui abandonne sa dimension d’ouverture sur le monde et la diversité pour se consacrer exclusivement aux outre-mer. Je signale qu’il conviendra de mettre le cahier des missions et des charges en cohérence avec ces évolutions.

Je me félicite aussi vivement du lancement réussi de la nouvelle offre d’information commune du service public. Le groupe s’engage à évaluer la qualité de cette offre d’information au travers d’un indicateur qui sera mis en place avant la fin de l’année 2016. S’agissant d’un axe majeur, j’appelle le groupe à introduire également un indicateur de mesure de l’« audience 4 écrans » de cette offre. Je note que le COM vise aussi l’achèvement du projet info 2015, qui comme son nom l’indique a pris du retard.

Parmi les orientations qui me semblent devoir être complétées, améliorées ou clarifiées, j’insiste sur l’avenir de l’offre régionale.

Je prends acte avec un certain regret du maintien du statu quo en ce qui concerne le modèle de France 3 – chaîne nationale avec décrochages régionaux –, mais je formule des propositions qui me semblent indispensables pour garantir l’avenir de cette dimension essentielle du service public.

Le COM fixe tout d’abord un objectif de renforcement de l’offre régionale qui passerait de 25 % à 35 % de la grille de France 3. Cet objectif est mesuré par un indicateur qui ne me paraît pas suffisamment lisible puisqu’il inclut les « programmes à caractère régional », lesquels ne sont pas définis. Je conçois que « Midi en France » soit un programme à caractère régional, mais qu’en est-il de Maigret à Lyon ? Bref, cet indicateur doit impérativement être précisé.

Le document annonce aussi une réorganisation du réseau régional de France 3, qui vise à créer 13 nouvelles directions régionales dont le périmètre sera aligné sur la nouvelle carte des régions et à supprimer les quatre pôles créés au moment de la fusion de l’entreprise. Je note qu’il s’agit en grande partie de revenir à l’organisation antérieure... Je ne dispose pas d’une visibilité suffisante pour mesurer les impacts financiers et éditoriaux de cette réorganisation, mais j’invite le groupe à veiller à ce qu’elle s’accompagne d’un renforcement de l’autonomie éditoriale des éditions régionales et locales.

Je regrette beaucoup par ailleurs l’absence des éditions locales de ce projet de COM. Je rappelle que ces éditions, qui remplissent une mission essentielle d’information d’hyperproximité et d’exposition des langues régionales, sont confrontées à des difficultés de diffusion croissantes. En effet, elles ne sont pas accessibles aux téléspectateurs qui reçoivent la télévision exclusivement par box ou par satellite, soit près de 40 % des foyers. Sur mon département, les téléspectateurs équipés de box ne reçoivent pas la locale de Perpignan. Cette situation menace ces éditions, qui sont une vitrine essentielle de la vie des territoires et un vecteur majeur du lien social de proximité. Elle alimente aussi le sentiment de relégation de certaines populations concernées. C’est pourquoi je souhaite que la diffusion sur les box soit précisément chiffrée et envisagée. Cette diffusion peut techniquement se faire sur un territoire précis pour un coût limité. Au moment où des voix s’élèvent pour réclamer la suppression de France 3, il me semble qu’il serait particulièrement hasardeux que le service public se désengage de cette mission essentielle de proximité.

Enfin, alors que l’offre d’information locale et régionale de France Télévisions accuse un retard criant sur le numérique, j’appelle le groupe à introduire un objectif particulièrement volontariste pour développer cette offre.

Le projet de COM comporte un autre projet important qui ne va pas sans soulever des interrogations quant à ses contours et à son principe : il s’agit du projet d’offre de vidéo à la demande par abonnement qui est au cœur de la stratégie numérique du groupe.

Les paramètres de ce projet – contenus, partenaires, modèle économique – apparaissent encore très incertains, même si un plan d’affaires, que je n’ai pas pu consulter, a bien été intégré dans ce COM. Je note que le projet sera précisé et validé en 2017.

Le service public est plus que fondé à développer ses recettes commerciales, et l’on peut être séduit par un projet qui ambitionne de contrer la position dominante de grands acteurs américains dans l’accès aux contenus par abonnement. Je note néanmoins que le modèle économique d’un projet de vidéo par abonnement exige des investissements très importants.

Je note aussi que ce projet est particulièrement risqué en ce que son modèle économique est concurrent du modèle de financement fondé sur la contribution à l’audiovisuel public. Je crains donc que ce projet ne vienne affaiblir les arguments en faveur du nécessaire élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public. L’entreprise et ses tutelles doivent tenir compte de ces éléments dans la réflexion qui est la leur sur l’articulation entre offre gratuite et offre payante.

Le projet de COM comporte un autre volet, intitulé « accentuer la différence du service public ». Ce volet comporte différents objectifs pertinents, mais qui doivent impérativement être précisés. Il en va ainsi de la place des programmes culturels et musicaux sur les antennes. C’est également le cas des objectifs de représentation de la diversité et d’accessibilité des programmes pour lesquels le CSA a proposé d’introduire plusieurs indicateurs.

Un paragraphe est consacré au développement des synergies au sein de l’audiovisuel public. Je note que sa rédaction est peu volontariste et confie de facto à France Télévisions un rôle d’initiative. Les progrès en ce domaine sont donc conditionnés à l’adhésion des autres groupes, ce qui n’est pas acquis. Si le groupe a su jouer ce rôle pour l’offre d’information, j’estime qu’il revient à l’État d’affirmer une volonté forte d’avancer sur la voie d’une meilleure coordination entre les offres du service public.

J’en viens à présent au plan d’affaires. Ce plan repose sur des hypothèses particulièrement solides d’évolution des ressources publiques. Ces dernières augmentent de 63 millions d’euros, à l’horizon 2020, l’essentiel de l’augmentation intervenant dès 2017.

S’accompagnant de la disparition de la dotation budgétaire au profit de l’affectation du produit d’une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), le financement s’avère particulièrement protecteur de l’indépendance du groupe et de nature à lui offrir la visibilité dont il a besoin et qui lui a fait défaut dans l’exécution de tous ses précédents COM.

L’entreprise, qui demeure dans une situation très fragile, s’engage quant à elle à atteindre l’équilibre de son résultat d’exploitation et de son résultat net sur toute la durée du COM. Cette trajectoire apparaît soutenable. Pour autant, elle repose sur un ensemble de prévisions qui sont susceptibles d’évoluer tant en recettes qu’en dépenses. Il appartiendra à la direction de prendre les mesures nécessaires pour respecter les objectifs d’équilibre de ses comptes. Cependant, je pense qu’une clause de rendez-vous pourrait être utile en cas d’écarts très sensibles.

J’attire par ailleurs l’attention sur le caractère préoccupant de la trajectoire d’évolution de la trésorerie sur la durée du COM et sur la nécessité pour le groupe de présenter rapidement à ses instances de gouvernance ses différentes options en matière de gestion de cette situation.

La prévision d’évolution des recettes publicitaires et de parrainage apparaît relativement prudente. Elle intègre en particulier l’impact d’une suppression de la publicité autour des programmes jeunesse et un potentiel de recettes supplémentaires de parrainage de 10 millions d’euros résultant d’un assouplissement de la réglementation.

Néanmoins, les recettes publicitaires comportent un certain aléa qui tient soit à des facteurs extérieurs (le marché publicitaire), soit à des facteurs propres à France Télévisions (les audiences). À cet égard, les résultats d’audience du mois de septembre des nouvelles grilles de France 2 appellent une certaine vigilance.

Je relève que l’évolution des autres recettes commerciales, à savoir les recettes du distributeur et du producteur, est faiblement documentée, contrairement aux prescriptions de la loi et alors même qu’elles doivent contribuer de manière déterminante à l’équilibre des comptes. Le dynamisme de ces recettes doit s’appuyer sur le droit de propriété recouvré par France Télévisions dans le nouvel accord avec les producteurs et le développement des activités de gestion des droits parmi lesquelles la nouvelle offre de vidéo par abonnement.

En face des ressources prévisionnelles, le plan d’affaires prévoit, d’une part, une augmentation du coût des programmes, à hauteur de 3,2 %, et, d’autre part, une diminution des autres dépenses du diffuseur, de 1,15 % à l’horizon 2020.

Par ailleurs, le plan d’affaires repose sur la maîtrise de l’augmentation de la masse salariale qui passe par le non-remplacement de tous les départs à la retraite. À cet égard, j’observe que le groupe ne dispose pas encore d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et qu’une organisation cible n’a pas encore été établie. Dans la mise en œuvre d’un programme de non-remplacement systématique des départs à la retraite dans des conditions comparables, le groupe Radio France ne tiendra pas ses objectifs dès cette année. J’attire donc l’attention sur l’impératif de mettre en place rapidement une GPEC et une organisation cible.

De manière générale, le groupe s’engage à faire évoluer les métiers pour s’adapter à la transformation numérique. J’insiste sur l’importance de ce volet.

Enfin, l’exemplarité et la transparence de la gestion constituent un enjeu majeur pour France Télévisions, comme semble devoir le confirmer le prochain rapport de la Cour des comptes. Je regrette d’ailleurs que ce rapport n’ait pas pu être rendu public avant l’examen de ce projet de COM, ce qui aurait permis d’analyser les engagements pris à la lumière des dysfonctionnements constatés.

En tout état de cause, je note que l’entreprise s’engage dans une démarche de transparence et d’exemplarité des dépenses de l’équipe dirigeante. Cette démarche mérite d’être saluée.

Dans la même logique, je salue également l’introduction d’un indicateur qui permettra de mesurer la confiance des salariés dans leur entreprise et leurs managers.

Ce projet de COM comporte aussi un volet, qui me paraît indispensable, relatif à la lutte contre les conflits d’intérêts. Des règles doivent en particulier être établies afin d’encadrer les contrats passés avec d’anciens responsables de l’entreprise. Un premier pas a été franchi avec la nomination d’une déontologue en juin 2016. Il faut aller plus loin.

Le groupe doit également impérativement progresser vers plus d’exemplarité dans sa politique d’achats hors programmes. L’entreprise se doit notamment d’être particulièrement vigilante en matière de marchés de conseils et de prestations intellectuelles, compte tenu de leur sensibilité particulière et des montants en jeu. Dans un contexte de mise en place de l’entreprise unique, je rappelle que ces montants ont représenté près de 56 millions d’euros en 2012, 2013 et 2014.

L’entreprise devra remédier aux lacunes persistantes en matière de mise en concurrence pour les prestations de conseil d’un montant inférieur à 100 000 euros. Enfin, elle devra mettre un terme aux défaillances constatées en matière de respect des règles de la commande publique.

Il appartiendra aux instances de gouvernance d’effectuer un suivi exigeant de la mise en œuvre de ces engagements et j’appelle le groupe à en rendre précisément compte dans le rapport d’exécution du COM.

Sous le bénéfice de ces observations et recommandations, c’est un avis favorable que je formule sur ce projet. Je vous remercie.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur pour cette présentation synthétique et claire. Ce rapport n’est pas complaisant : il est empreint d’une grande lucidité et traduit l’attachement de la représentation nationale à France Télévisions et à l’audiovisuel public en général.

Dans les six semaines qui nous étaient imparties, il était indispensable que nous puissions nous saisir de ce projet, puisque nous ne sommes pas associés à la négociation du COM entre le groupe France Télévisions et sa tutelle.

Merci, donc de nous avoir éclairés sur les enjeux qui vous paraissent essentiels pour les quatre années à venir et de nous avoir rappelé que les ressources publiques doivent être garanties dans la durée au nom de l’indépendance du groupe France Télévisions.

Mme Martine Martinel. Monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail qui a été mené par notre collègue Jacques Cresta. Il nous a donné une lecture claire de ce projet de COM resserré autour de onze indicateurs : passer de 70 à 11 n’est pas une mince affaire.

Nous l’avons compris dans son propos, le rapporteur n’a peut-être pas disposé de tous les documents utiles à une lecture aussi précise qu’il l’aurait voulu du projet de COM. On peut en effet regretter que le rapport de la Cour des comptes ne soit pas encore paru. Néanmoins, le rapporteur nous a livré une analyse qui n’est pas complaisante, comme vous l’avez dit monsieur le président, mais aussi qui donne envie de soutenir ce COM qui marque la singularité de l’audiovisuel public.

Les orientations stratégiques me paraissent satisfaisantes, notamment la mise en place par France Télévisions d’un plan de soutien à la création auquel nous ne pouvons que souscrire, en renforçant l’investissement dans le domaine de la fiction française, avec la volonté « d’élargir l’audience » et de relever le « défi de l’exportation », ainsi que dans le domaine du cinéma.

De la même façon, l’entreprise s’engage à mieux exposer d’autres genres, tels le documentaire, à donner plus de place au spectacle vivant et toute sa place à l’animation. À cet égard, le rapporteur a évoqué l’identité des chaînes, notamment de France 4.

Cette attention portée à la création s’accompagne d’accords importants passés entre le service public de l’audiovisuel et les partenaires du secteur, tels les producteurs, les distributeurs, les auteurs.

En outre, dans ce domaine, il faut noter que l’entreprise est soutenue par une politique publique favorable, avec le renforcement du crédit d’impôt audiovisuel et du crédit d’impôt cinéma.

Ce projet de COM démontre l’envie de l’entreprise de mener à bien une politique ambitieuse pour tous les publics dans leur diversité.

Autre orientation favorable de ce projet de COM : l’affirmation de l’identité des chaînes. On a longtemps discuté de l’identité de France 4 ; il semble qu’elle trouve plus clairement sa place. Il en est de même pour France Ô. Des ajustements demeurent, me semble-t-il, souhaitables avec les clarifications nécessaires de la différence entre France 2 et France 3.

Monsieur le rapporteur, vous vous êtes plus largement attardé sur la place et le rôle de France 3. Nous sommes dans la même grande région, et je sais que vous êtes le porte-parole des Catalans. J’ai bien entendu ce que vous avez évoqué sur Perpignan et les émissions en langue régionale. Sur ce sujet, il est vrai qu’on reste sur sa faim en ne sachant pas trop si ce modèle de France 3 est obsolète ou s’il s’adapte aux nouvelles régions. Je crois aussi qu’il faut laisser du temps à l’entreprise.

Autre point important que vous avez très bien mis en valeur : la singularité de l’audiovisuel public dans la place qu’il donne à l’information, notamment à l’information en continu, avec la création depuis le 1er septembre 2016 de cette chaîne d’information fondée sur la synergie de tous les acteurs du service public. Vous avez dit avec malice et finesse que France Télévisons était l’entreprise proactive, mais qu’il faudrait voir dans la durée comment les partenaires suivraient. En tout cas, il me semble que cette chaîne d’information se différencie largement des chaînes privées et que, même si l’on ne peut pas en mesurer l’audience, elle présente de grandes qualités et connaît un grand succès.

L’entreprise insiste sur l’importance de l’offre d’information permanente sur la TNT et les supports numériques.

Vous avez émis quelques réserves sur la VOD qui serait payante ; je partage tout à fait votre avis. Il me semble que ce problème avait déjà été soulevé à propos des podcasts de Radio France et que les interrogations demeurent les mêmes.

Dans ce projet de COM, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, l’entreprise prend aussi des engagements, qu’elle tiendra je l’espère, fondés sur le devoir d’exemplarité du service public. Vous évoquez dans votre rapport la transparence en matière de rémunérations des dirigeants, mais aussi l’accessibilité des programmes à tous, la représentation de la diversité – sur les antennes ou en interne – et la parité hommes/femmes – celle-ci étant fixée à 2020.

Pour ce qui est du plan de financement, vous avez largement développé l’objectif d’équilibre du résultat d’exploitation, malgré une situation financière qui, vous l’avez dit avec beaucoup de lucidité, demeure fragile. L’État s’est engagé à des efforts importants dans la ressource publique. Je voudrais réaffirmer ce qu’a dit notre président : il est évident que cet engagement doit être tenu et que nous devons tous, quelle que soit notre appartenance politique, être particulièrement vigilants, notamment au regard de la redevance, moyen le plus fiable et le plus pérenne pour garantir le financement et l’indépendance de l’audiovisuel public.

En conclusion, même si tous les indicateurs ne sont pas satisfaits, même si comme l’a dit M. le rapporteur des garanties doivent être apportées par France Télévisions et l’État, ce projet de COM me paraît tout à fait intéressant. En conséquence, le groupe Socialiste, écologiste et républicain émettra un avis favorable.

M. Christian Kert. Monsieur le rapporteur, nous avons noté à la fois vos appréciations et vos réserves. Appréciations que nous avons pu partager sur le COM lui-même qui est présenté dans un nouveau format, avec une ambition certaine : de grands axes clairs, la réaffirmation d’un soutien fort à la création, la poursuite d’un travail de distinction des chaînes – ce qui n’est pas gagné, quoi qu’en disent certains –, la volonté de travailler en synergie avec les autres opérateurs, et le lancement de nouveaux projets en matière de recettes. Que l'on accueille favorablement ou non la stratégie de l'opérateur pour la période, on note le volontarisme de la nouvelle équipe dirigeante.

Il faut tout de même souligner que France Télévisions vit une rentrée tourmentée avec le départ précipité de Vincent Meslet, l’ancien directeur de France 2, et des résultats d’audience historiquement bas. C’est pour l’opérateur public une vraie préoccupation.

Un mot sur le lancement de Franceinfo, la chaîne d’information publique en continu. Il faut noter l’extrême facilité avec laquelle on a pu créer cette chaîne au sein du service public – on peut s’en étonner quand on sait les difficultés dans ce domaine, mais on peut se réjouir de cette création. Mme Ernotte qualifie d’ores et déjà de « pari réussi » ce lancement. Il est vrai que la chaîne présente une offre qui tranche avec les offres déjà existantes, ce qui est d’ailleurs heureux. La manière est parfois encore un peu « artisanale », mais la coordination avec les autres opérateurs demande du temps.

On s'interroge tout de même sur les capacités de la chaîne en matière d'audiences : les premières indications montrent qu'après un effet de curiosité les premiers jours, l'audience serait tombée à 0,3 %, en queue de peloton derrière les autres chaînes d'information en continu. On s'interroge aussi sur la réalité des synergies entre les rédactions. Savez-vous, monsieur le rapporteur, si le malaise est retombé, depuis cette motion votée par plus de la moitié de l'équipe côté Radio France fin septembre et qui révélait une difficile coordination avec France Télévisions, notamment après quelques « couacs » regrettables ? Se pose enfin la question du coût de cette nouvelle chaîne à terme, qui doit entrer dans les budgets de France Télévisions et dont on peine à percevoir la charge à ce stade. Qu'en est-il réellement ?

Deuxième grande préoccupation : la trajectoire financière du COM. Nous notons la volonté du groupe de faire preuve d'exemplarité et de présenter des budgets à l'équilibre sur toute la période. Toutefois, nous notons aussi que ce COM intervient à un an de l'élection présidentielle. Le gouvernement actuel donc, qui a eu des difficultés tout au long du quinquennat à respecter les précédents COM en faisant voter des budgets bien inférieurs aux trajectoires financières prévues, promet maintenant des augmentations de ressources conséquentes en année électorale...

Surtout, ce budget voulu exemplaire est en réalité fragile : les ressources restent inférieures aux dépenses, et l’équilibre repose entièrement sur les nouvelles recettes commerciales attendues et dont on ne connaît pas le détail. Ces recettes s'appuient en partie sur le nouvel accord sur la production indépendante signé le 10 décembre 2015 et qui permet à France Télévisions de recouvrer un droit de propriété de ses contenus. L'opérateur table également sur son projet de VOD par abonnement pour glaner de nouvelles recettes – cela pose question, en effet, puisqu'il s'inscrit dans une logique inverse à celle de la redevance.

Monsieur le rapporteur, auriez-vous eu connaissance de cette rumeur selon laquelle la direction de France Télévisions envisagerait de mettre un terme à la belle aventure de la Fondation France Télévisions ? Compte tenu des services que rend cette Fondation, on pourrait s’interroger sur l’opportunité d’une telle décision si elle devait être confirmée.

En conclusion, je dirai au nom du groupe Les Républicains qu’il nous semble que l’opérateur public se trouve désormais devant un double risque : le risque de se lancer dans des opérations commerciales sans cadre donné par l’État ; et le risque de devoir s'en remettre aux promesses de l’actuel gouvernement qui, comme dans tous les domaines, lâche les cordons de la bourse à la veille de l’élection présidentielle. Faites-vous de cette analyse la vôtre, monsieur le rapporteur ?

M. Rudy Salles. L'examen des perspectives de France Télévisions est toujours un moment important de notre commission, et je remercie notre collègue Jacques Cresta pour son rapport sur le futur contrat d'objectifs et de moyens.

Alors que les budgets sont toujours plus contraints, il convient de s'assurer que les moyens alloués à l'audiovisuel public sont utilisés à bon escient.

Dans le COM 2016-2020, j'ai pu lire avec intérêt que France Télévisions devra poursuivre les missions fixées par son cahier des missions et des charges et veiller à garantir une exemplarité de service public. Il convient d'insister particulièrement sur cette notion d’exemplarité du service public, alors que la ligne éditoriale de France Télévisions pose parfois, voire de plus en plus souvent, question. Comme le rapporteur, j'accueille avec intérêt la réflexion sur l'éthique de l'information menée par la direction de France Télévisions à la suite de son traitement regrettable de l'attentat de Nice.

À ce titre, l'arrivée de la nouvelle chaîne d'information en continu n'est pas de nature à rassurer. Initialement dédiée aux supports mobiles, Franceinfo occupe finalement un canal de la TNT. Tout cela a été fait dans la précipitation, comme l’a souligné Christian Kert. Vous vous rappelez mes doutes sur ce projet et sur l'espace disponible pour une nouvelle chaîne d'information, quinze ans après la création de la plupart des chaînes d’information. Passé l'effet de curiosité, chacun peut constater que les audiences marquent déjà le pas – nous sommes très loin du compte, malgré l’autosatisfaction de Mme Ernotte. Or, le financement de Franceinfo sur le seul budget de France Télévisions – soit essentiellement par la redevance et par l'État – impose un devoir d'efficacité à terme. Je ne crois pas que 0,3 % d’audience soit encourageant pour l’avenir.

Le service public audiovisuel porte en lui des exigences propres, et l’un des objectifs du COM est justement d’ « accentuer la différence du service public ». Aussi est-on en droit de s'interroger sur la cohérence du bouquet offert par l'audiovisuel public.

Aujourd'hui, un des reproches majeurs que l'on peut faire à France Télévisions est de s'engager parfois dans une sorte de course à l’audimat avec ses concurrentes privées – sans d’ailleurs y parvenir –, en diffusant, en lieu et place de programmes originaux, des émissions ou séries qui auraient leur place sur ces dernières. Vous avez rappelé que France 2 était une grande chaîne généraliste, mais on constate qu'elle ne valorise pas toujours des productions nationales.

Les fictions françaises ne s'exportent pas très bien, et je vois que ce constat est partagé par France Télévisions puisque le COM annonce que le « défi de l'exportation » est lancé. Quelles seront concrètement les pistes poursuivies pour renforcer l'attractivité de ces programmes ?

Il est précisé dans le rapport que la chaîne France 4 a été « repositionnée pleinement » sur la jeunesse. Comme j’ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, je reste opposé au maintien de cette chaîne qui occupe actuellement un créneau sur la TNT, mais qui cherche encore son public – et qui le cherchera sans doute encore longtemps – et dont on peut mettre en doute l'utilité. Alors que le COM doit énoncer la stratégie financière des prochaines années, il me semble qu'il y aurait là une piste d'économies à creuser.

Au nom des députés du groupe Union des démocrates et indépendants, je précise que nous sommes, en revanche, satisfaits que le recentrage de France Ô vers les outre-mer soit aujourd'hui assumé puisque le COM précise que « dès septembre 2016, France Ô sera consacrée exclusivement aux outre-mer afin de mieux les faire connaître à un large public, de l'hexagone et des Outre-mer eux-mêmes, et de favoriser le maintien des liens entre les originaires des outremers vivant dans l'hexagone et leurs collectivités d'origine ». Acceptons-en l’augure, mais il est beaucoup trop tôt pour se prononcer.

Nous regrettons enfin la multiplication des rediffusions de certains programmes, alors que la pratique de la vidéo de rattrapage est en plein essor grâce au développement d'internet. Le samedi soir, vous vous couchez avec une émission de M. Ruquier et, le dimanche après-midi, vous retrouvez M. Ruquier sur France 2, alors que le public de cette tranche horaire est beaucoup plus âgé et ne comprend pas comment on peut lui proposer un tel programme de deuxième partie de soirée ! Loin de moi l’idée de critiquer cette émission, mais la suppression de celle de M. Drucker en début de dimanche après-midi à son profit témoigne du manque d’imagination à France Télévisions !

Ces remarques posées, j'aurais quelques observations plus particulières à propos du budget.

Le COM insiste sur la nécessité de déployer les ressources du service public et de favoriser les synergies. C'est une mission essentielle, alors que le poids de la masse salariale de France Télévisions est toujours aussi important – 30 % des charges. À une époque, on entendait que 88 % du budget de France Ô était consacré aux personnels. Qu'en est-il aujourd'hui ? De même, quels ont été les rapprochements entre les différentes chaînes dans le cadre de la chaîne d'information commune ?

Enfin, alors que la redevance augmente encore cette année, ne serait-il pas possible de trouver d'autres pistes de financement ? Le budget de France Télévisions est en effet marqué par la faiblesse de ses recettes commerciales quand on compare notamment le groupe à son homologue d'outre-manche, la BBC, qui vend régulièrement ses programmes. Le COM prévoit une augmentation des recettes commerciales grâce à un accord signé en décembre 2015 et au développement de la production dépendante. Est-ce que cela signifie que France Télévisions pourra vendre les droits des émissions qu'elle a intégralement financées et exporter ainsi ses programmes ?

M. le président Patrick Bloche. Le poste de directeur des programmes de France Télévisions vient d’être pourvu…

Mme Gilda Hobert. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous féliciter pour la présentation de votre rapport, ainsi que pour les remarques et préconisations que vous avez formulées.

Je serai moins sévère que mon prédécesseur. Le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 propose un programme globalement cohérent pour le groupe France Télévisions, qui reste en tête des groupes médias en France en termes d’audience.

Comme vous l’avez précisé, monsieur le président, l’objectif fixé par le Gouvernement à propos de la redevance doit être tenu. L’entreprise publique présente un modèle économique fragile. Un déficit estimé initialement à près de 50 millions d’euros pour 2016 impose à la fois un effort conséquent – impératif au vu des comptes de ces dernières années – et une gestion de la masse salariale contrôlée, malgré une hausse prévisionnelle continue entre 2016 et 2020.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, l’équilibre du résultat net en 2016 tient à l’augmentation de la ressource publique et au caractère exceptionnel de la programmation lié notamment aux grands événements sportifs de 2016. La question se pose donc d’un équilibre pérenne pour les années à venir. En cela, ce COM présente plusieurs zones d’incertitude.

Au-delà de vos interrogations sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences concernant les salariés, je suis alertée par le risque de voir le nombre d’emplois précaires, de temps partiel, augmenter, et ce pour permettre au groupe de développer une plus grande flexibilité. La question des intermittents n’a pas été abordée. J’aurais aimé avoir des précisions sur le sujet.

Je souhaiterais aussi avoir quelques précisions sur les objectifs d’ici à 2020 de représentation des femmes à l’antenne, mais aussi plus largement sur leur place au sein du groupe et dans les programmes.

Certes, le besoin de recettes est évident. Je m’interroge sur la volonté du groupe de lier ses missions de service public à une augmentation du marché publicitaire jusqu’en 2020 si l’on soustrait le manque à gagner de l’arrêt de la publicité autour des programmes jeunesse à partir de 2018. Le soutien à la création audiovisuelle et à la production indépendante peut-il être corrélé à des recettes publicitaires ? On peut s’interroger. Cette pratique n’aurait-elle pas pour effet de rendre le groupe dépendant des audiences ?

Je vous rejoins, Monsieur le rapporteur, sur vos réserves concernant la vidéo à la demande par abonnement qui, encore une fois, peut être contraire au service public tel qu’on l’appréhende. Nous avons vu l’apport du numérique sur des plateformes telles que celle de la chaîne culturelle canadienne ARTV, qui témoigne de ce que peut apporter la télévision publique et du succès que cette orientation peut engendrer. Le groupe pourrait s’en inspirer et rendre les contenus gratuits un certain temps, mais distinguer une plateforme gratuite d’une autre entièrement payante me semble à la fois contre-productif et contraire aux valeurs que doit défendre France Télévisions.

Je suis d’autant plus perplexe que le COM 2016-2020 va dans le bon sens : volonté d’une chaîne d’information qui fait « primer l’information sur l’émotion », virage vers le numérique qui témoigne d’une réelle conscience de ce que doit être l’audiovisuel aujourd’hui, meilleure identification de chaque chaîne. On répertorie ainsi France 2 pour le national – avec des qualités, je le précise, même si ce n’est pas l’avis de tout le monde –, France Ô pour l’outremer, France 4 pour la jeunesse, et France 3 pour le local.

La volonté de faire passer de 25 % à 35 % la part des programmes régionaux sur cette dernière chaîne répond à une attente forte de nos concitoyens. L’information territorialisée demande néanmoins des moyens supplémentaires en termes de masse salariale. Pensez-vous que cela puisse être corrélé à l’impératif de contrôle de la dépense de fonctionnement ?

Autre point positif : le bilan de Daniel Bilalian, qui a permis au groupe de garder les droits notamment pour le Tour de France de cyclisme, pour la Coupe de la Ligue de football et pour les Jeux Olympiques jusqu’en 2020. La programmation sportive est donc ambitieuse et permet au service public de faire des choix avisés en termes de programmation et d’ancrage local, notamment pour les matches de football diffusés sur France 3 région.

Enfin et surtout, je tiens à saluer le soutien au documentaire, à l’animation et à la création, qui restent des valeurs sûres en France, notamment grâce au crédit d’impôt audiovisuel et au crédit d’impôt cinéma. Soutenir les documentaires, la création, le spectacle vivant et le cinéma, c’est permettre à des artistes d’être connus du plus grand nombre, c’est peut-être déjà un moyen de répondre à la curiosité de tous les publics.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste se prononcera favorablement sur ce contrat d’objectifs et de moyens.

Mme Marie-George Buffet. Je sais bien que le système d’élection à la présidence de France Télévisions rend difficile pour la nouvelle présidence de faire bouger les choses mais la lecture du COM m’a donné une impression de déjà-vu sur plusieurs points. Espérons que les projets suivants donneront à voir une ambition renouvelée et des idées neuves.

Bien sûr, je me félicite comme beaucoup d’autres orateurs des objectifs très volontaristes fixés en matière d’aide à la création.

Je suis plus réservée pour ce qui est de France 3. Le rôle des antennes locales est réaffirmé pour la énième fois depuis des années mais les modifications que cela implique ne sont pas plus évaluées qu’auparavant. Plus d’importance donnée au local, cela signifie davantage de journalistes et de techniciens. Il ne faudrait pas que ces besoins financiers rendent la télévision locale dépendante des collectivités régionales. L’autonomie éditoriale passe par un financement national.

S’agissant du sport, nous pouvons bien sûr nous féliciter du bilan de l’ancienne équipe. Reste que nous ne sommes pas au niveau. Comment défendre la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et nous contenter de gérer les mêmes droits ? Il faut faire un effort palpable pour mettre en valeur les sports et les pratiques sportives dans leur diversité.

Il me semble bon que le COM soit revenu sur la question de l’exemplarité, pour plusieurs raisons : il y a bien sûr le traitement de l’attentat de Nice mais aussi la couverture des Jeux olympiques de Rio, qu’il s’agisse des remarques sur l’histoire du Brésil ou du parti-pris très chauvin qui empêchait de donner à voir la beauté du sport, quelles que soient les équipes le pratiquant.

Je veux saluer la création de la chaîne Franceinfo. Nous avions besoin d’une chaîne d’information en continu relevant du service public. Je me plais à croire qu’une telle chaîne pourra influencer les autres chaînes d’information en promouvant une autre conception de l’information, marquée par la volonté de comprendre les événements et non pas simplement de les faire connaître. Je tiens ici à remercier le personnel d’avoir réussi cette synergie. J’espère que les décisions de gestion respecteront les divers métiers à l’origine de la chaîne afin d’améliorer encore sa qualité.

S’agissant de la fragilité de la situation financière, j’ai bien entendu vos propos, monsieur le président. Il faut que nous fassions tous preuve de vigilance à l’égard du niveau de la redevance. Je partage les remarques de notre rapporteur sur la vidéo à la demande.

Le COM, une nouvelle fois, ne présente que la masse salariale comme variable d’ajustement. Il est prévu de ne pas remplacer les départs à la retraite. Pourtant, si France Télévisions veut être en phase, il lui faudra aussi embaucher des jeunes recrues, formées aux nouveaux métiers du numérique. Enfin, j’estime qu’il faudrait encourager la promotion interne : je suis étonnée de voir que les nouveaux cadres arrivent de l’extérieur.

Cela dit, notre groupe émettra un vote favorable à ce contrat d’objectifs et de moyens.

M. Patrick Bloche. Merci à tous les orateurs des groupes d’avoir rendu ce débat intéressant et utile.

Vous savez que nous organisons chaque année, conjointement avec nos collègues de la commission des finances, l’audition des responsables de l’audiovisuel public sur l’exécution du COM et je pense que l’audition de Delphine Ernotte, qui interviendra avant la fin de l’année, constituera un rendez-vous important.

Mme Valérie Corre. Le projet de COM reprend certaines préconisations dont nous avons souvent débattu au sein de notre commission, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. C’est le cas de la réduction du nombre d’indicateurs destinés à mesurer l’atteinte des objectifs, de l’affirmation de l’identité des différences chaînes du groupe ou du renforcement de la création audiovisuelle.

Je souhaite vous interroger, Monsieur le rapporteur, sur l’accès d’un large public aux événements sportifs. Vous évoquez dans votre rapport le contexte d’inflation des droits sportifs qui oblige le groupe à renoncer à la conquête de nouveaux droits au profit du maintien des événements sportifs déjà diffusés sur les antennes. Compte tenu des contraintes budgétaires qui s’imposent à France Télévisions, je m’interroge sur sa capacité à remplir ses objectifs en ce domaine, même si nous sommes un certain nombre à penser qu’il faudrait plutôt aller au-delà. Le groupe peut-il être compétitif sur le marché des droits sportifs ? Qu’en sera-t-il, par exemple, en cas de concurrence avec des chaînes privées, pour la retransmission d’un tournoi comme Roland-Garros ?

M. François de Mazières. Ce projet de COM procède à une clarification, en réduisant par exemple le nombre d’indicateurs, mais au-delà de ces améliorations formelles, ne se manifeste aucun effort en faveur de vraies réformes. Le rapport Schwartz, le rapport Gattolin-Leleux comportaient pourtant des pistes de réflexion sur une autre manière d’aborder l’audiovisuel public.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Dans un contexte d’explosion du nombre de chaînes, on assiste à une multiplication des chaînes publiques alors que les parts d’audience de l’audiovisuel public baissent : de plus de 40 %, il y a une dizaine d’années, elles sont passées à 28 %. Chaque chaîne publique a de plus en plus de difficultés à fonctionner et souffre d’une dispersion des moyens.

C’est l’impression de fuite en avant qui domine. L’année dernière, on est allé trouver 70 millions de recettes grâce au produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques ; cette année, c’est une augmentation de deux euros de la redevance. Je trouve dommage que le COM repose sur des opérations de colmatage.

La question qui importe est de savoir quelle est l’ambition d’une télévision publique. Certes, un effort est fait en matière de création audiovisuelle : 400 millions d’euros lui seront consacrés. Mais il faut aller dans le détail. Quelle somme, selon vous, chers collègues, est dédiée à la diffusion du spectacle vivant sous toutes ses formes ? Avec Hervé Féron, nous sommes un peu tombés de l’armoire en apprenant son montant exact : 15 millions d’euros seulement !

Bref, ce COM est bien écrit mais il ne comporte pas de véritable stratégie de réforme.

M. Pascal Demarthe. Ma première observation porte sur le lancement de la chaîne d’information en continu, le 1er septembre dernier. Le combat de Mme Ernotte est d’en faire un anti-modèle de BFM-TV fondé sur des modules de décryptage et d’analyse de l’actualité. Cela paraît être un moyen de rajeunir l’audience et de renouer avec les jeunes générations. L’accueil fait à cette nouvelle chaîne a été plutôt positif. Il est trop tôt pour en dresser un bilan définitif mais l’on peut se demander si, après avoir suscité une certaine curiosité au départ, elle peut vraiment se faire une place face aux autres grandes chaînes d’information. Comme évaluer son audience ?

Ma deuxième observation, qui va de pair avec la première, porte sur l’offre numérique. Quand on sait que la moyenne d’âge du public de France Télévisions est d’environ soixante ans, développer l’offre numérique pour rajeunir des chaînes du groupe n’apparaît pas comme une mauvaise idée, loin de là. La volonté de mettre en place une plateforme de vidéos à la demande me semble également positive. Néanmoins, comme l’a souligné le rapporteur à la page 16 de son rapport, ce projet soulève des interrogations. Faudra-t-il pour accéder à cette offre payer un abonnement comme c’est le cas pour une plateforme comme Netflix ? En ce cas, n’est-ce pas remettre en cause la spécificité du service public ? J’aimerais savoir si vous avez obtenu des éléments de réponse de la part de la direction de France Télévisions.

Pour finir, j’évoquerai France 3. Votre rapport pointe la nécessité de préciser le renforcement de l’offre régionale. Vous faites part de vos inquiétudes au sujet de la réorganisation du réseau à la suite de la réforme territoriale. Je les partage. Dans le cas précis de ma région devenue les Hauts de France, je me demande s’il n’y a pas un risque de voir France 3 Picardie et France 3 Nord-Pas-de-Calais fusionner en un « France 3 Hauts de France ». Il faudra s’assurer que France Télévisions vise bien l’autonomie éditoriale des éditions régionales.

Mme Dominique Nachury. Concernant Franceinfo, le rapport indique que le groupe France Télévisions s’engage à évaluer la qualité de cette offre d’informations à travers un indicateur qui sera mis en place avant la fin de l’année 2016. Je me demande quel indicateur pourrait être plus pertinent que l’audience. Or Delphine Ernotte a déclaré que Franceinfo ne publierait pas de mesures d’audience en l’absence d’abonnement à Médiamétrie pour des raisons de coûts. Il faudra aussi juger dans le temps l’ambition éditoriale élevée qui a présidé à la création de la chaîne. La couverture de l’attentat de Nice ne l’a pas distinguée positivement de ses concurrentes.

Ma deuxième interrogation porte sur la régionalisation. Il semble assez logique que l’on s’adapte à la nouvelle organisation administrative du territoire – pour ma région, il suffira d’inverser l’ordre : l’antenne régionale de France 3 ne sera plus Rhône-Alpes-Auvergne mais Auvergne-Rhône-Alpes. Le rapporteur déplore que le COM ne fasse pas mention des éditions locales. France Télévisions semble se retrancher derrière des obstacles techniques comme l’équipement des foyers en boxes. Le fait que le COM ne traite pas de cette problématique empêchera-t-il la direction de s’emparer de cette question avant 2020 ?

Enfin, s’agissant du plan d’affaires, la direction de France Télévisions s’est engagée à exécuter un budget à l’équilibre en 2016. Le rapport indique qu’à ce stade de l’année, les objectifs fixés pour le résultat d’exploitation et le résultat net paraissent atteignables sous réserve que soient maîtrisées certaines charges, en particulier la masse salariale. Les arrivées récentes ou prévues n’auront-elles pas un impact sur cette dernière ?

Mme Colette Langlade. Depuis plus d’un mois, nous pouvons constater une évolution des programmes de France Télévisions vers plus d’audace et de création. Tout d’abord, la refonte des après-midi de France 2 a permis de confirmer de nouveaux talents et de faire émerger des émissions nouvelles aussi différentes que riches de contenus. Ce changement éditorial demande du temps et de la stabilité avant de se concrétiser par des résultats significatifs en termes d’audience. Notons toutefois que plusieurs émissions ont d’ores et déjà recueilli de bonnes critiques.

Ces orientations satisfaisantes ne doivent pas masquer certaines interrogations notamment en ce qui concerne la réorganisation de l’offre régionale de France 3. Le décrochage local est pourtant une condition essentielle du traitement d’une information territoriale complète et un élément constituant de l’identité de cette chaîne. Il importe que le COM précise que les treize éditions régionales de France 3 disposeront d’une autonomie éditoriale sur le contenu des journaux.

Je partage pleinement la recommandation formulée dans le rapport d’assurer la diffusion des éditions locales par l’intermédiaire des boxes des fournisseurs d’accès à internet. J’aurais souhaité connaître les solutions aux difficultés soulevées par les personnes auditionnées dans le cadre de la préparation de ce rapport.

M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur, vous avez souligné dans votre rapport que France Télévisions était en pleine transformation et devait s’adapter à un paysage audiovisuel en pleine mutation. « Observant que la télévision de rendez-vous est désertée par certains publics, qui basculent vers une consommation à la carte, France Télévisions présentera en 2017 un projet de plateforme de vidéos à la demande par abonnement ». Vous estimez que le développement d’une telle offre serait particulièrement risqué, notamment parce qu’il repose sur un modèle économique concurrent du modèle de financement fondé sur la contribution à l’audiovisuel public.

Craignant que ce projet ne vienne affaiblir les arguments en faveur de l’élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public aux terminaux autres que la télévision, vous appelez à une réflexion sur l’évolution de l’offre du service public et de son modèle de financement.

Comment, selon vous, s’articulera l’évolution de l’offre du service public et son modèle de financement avec la quasi-obligation pour France Télévisions d’instaurer une plateforme de vidéos à la demande par abonnement en réponse aux mutations du paysage audiovisuel ?

M. Christophe Premat. De ce COM, je retiens le plan de soutien à la création, la visibilité de l’outre-mer pour l’égalité réelle et télévisuelle, la capacité d’innovation du groupe au service des publics. L’objectif est bien de remplir les missions de service public en les adaptant aux nouvelles pratiques.

Ma première question portera sur le sous-titrage. Les missions de service public comprennent l’accès à la langue et l’accessibilité. Certains pays, notamment en Europe du Nord, sous-titrent automatiquement tous les programmes, permettant aux personnes déficientes d’avoir accès à l’ensemble des contenus. Cette pratique a en outre contribué, soulignons-le, à accélérer le processus d’apprentissage de la langue pour les personnes qui ne la maîtrisent pas à leur installation. Qu’en pensez-vous ?

Ma deuxième question porte sur la dimension du genre, dans le droit fil de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. On ne relève pas dans le COM de vision en termes de politique de genre, évoquée seulement dans deux brefs passages. Où réside la difficulté empêchant de mettre en place, d’une part, la parité, d’autre part, la visibilité de certains programmes consacrés à l’éducation à la sexualité ? Certaines collectivités locales en Europe intègrent une budgétisation sensible au genre. La préparation du COM me semblerait le moment opportun pour prendre en compte une telle dimension.

M. Guénhaël Huet. La brièveté du paragraphe consacré aux événements sportifs est tout à fait significative. Vous soulignez dans votre rapport, monsieur Cresta, que « la stratégie en matière d’exposition des événements sportifs n’est pas une stratégie de conquête mais de maintien de la visibilité des grands événements sportifs ». Pouvez-vous nous donner de plus amples précisions ? Comment France Télévisions compte se positionner par rapport à des opérateurs étrangers particulièrement offensifs ? À cela s’ajoute le contexte de forte concurrence lié aux candidatures pour les Jeux olympiques de 2024.

M. Michel Pouzol. Dans ce projet de COM, je salue la volonté de lisibilité, qui se manifeste entre autres à travers la réduction du nombre des indicateurs, mais je déplore que certains chapitres n’aient pas été aussi développés qu’ils l’auraient mérité.

Je voudrais revenir sur une lacune de ce document : la musique sur les antennes de France Télévisions. Elle avait totalement disparu il y a quelques années ; aujourd’hui, elle est un peu revenue grâce au module Alcaline et à l’émission Taratata. Toutefois, sa présence reste parcellaire et ne fait pas l’objet d’une réflexion globale sur ce que pourrait être une mission de service public au service de la musique. Nous avons travaillé sur ce sujet en commission et en séance publique dans le cadre de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, notamment en renforçant les quotas pour les radios. Je sais que les professionnels sont très désireux d’organiser des tables rondes avec le service public pour réinventer la présence de la musique et l’histoire qu’elle raconte aux téléspectateurs mais aussi à notre pays. Pensez-vous que les travaux sur le COM pourraient intégrer une réflexion spécifique sur la musique à la télévision afin de sortir du triptyque classique que forment les émissions de télé-crochet, les émissions de karaoké et les clips musicaux.

Mme Régine Povéda. France 3 représente pour les élus et les citoyens de régions rurales un média de proximité et d’information au quotidien proche de tous.

Comme vous, monsieur le rapporteur, je m’inquiète de la réorganisation du réseau de correspondants de France 3 : nous attendons une clarification à propos du déploiement régional de cette chaîne. Dans mon département, le Lot-et-Garonne, la taille restreinte de l’équipe de France 3 Bordeaux et France 3 Toulouse – seulement deux correspondants basés à Agen – ne permet pas de prendre en compte la spécificité du territoire. Pourtant, les médias de proximité sont plébiscités par les Français : preuve en est le public nombreux venu participer à la première édition du festival international du journalisme vivant à Couthures-sur-Garonne.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je nourris les mêmes inquiétudes à l’égard de France Bleu : les régions semblent oubliées.

Je souhaiterais également poser la question des langues régionales. Si l’occitan est relativement bien représenté sur France 3, contrairement à d’autres langues comme le basque, il faut poursuivre l’effort pour développer des programmes de qualité diffusés à des horaires visibles. Comme vous, monsieur le rapporteur, je souhaite que « soient proposées des solutions aux problèmes de diffusion de ces éditions locales, qui sont aujourd’hui une vitrine essentielle de la vie des territoires et un vecteur majeur du lien social de proximité ».

Pensez-vous, monsieur le rapporteur, que France Télévisions soit animé de la volonté de conserver ces éditions locales ? Le groupe s’en donne-t-il vraiment les moyens ?

Mme Véronique Besse. Le projet de COM comporte une sous-section intitulée « Des programmes qui reflètent la société française » où il est question de « favoriser une plus grande diversité sociale et culturelle de la société française » ou d’instaurer une juste représentation devant « prendre toutes les formes, à travers la présence de tous les parcours de vie et de tous les rôles ».

Votre rapport ne donne que très peu de précisions à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le rapporteur, après les auditions auxquelles vous avez procédé ?

M. Marcel Rogemont. En tant que responsable du groupe pour la proposition de loi créant la Chaîne parlementaire, dont Didier Mathus était rapporteur, j’ai fait partie avec de nombreux collègues ici présents de ceux qui se sont penchés sur le berceau de LCP. Je m’étonne qu’aujourd’hui encore, il puisse y avoir une concurrence entre cette chaîne et les chaînes de France Télévisions pour la retransmission des questions au Gouvernement. Celles-ci me paraissent être du seul ressort de LCP et il ne me semble pas nécessaire que France Télévisions poursuive leur retransmission. La Commission pourrait adresser une recommandation en ce sens au groupe.

Je ferai trois observations rapides sur le COM.

La première porte sur la chaîne d’information, dont j’estime le démarrage encourageant contrairement à ce qui a pu être dit. Son format essaie d’être novateur et l’on voit BFM-TV et iTélé se rapprocher de ce que pourrait être demain Franceinfo.

La deuxième renvoie aux accords avec les producteurs. France Télévisions va porter à 25 % contre 5 % actuellement la part de sa production dépendante. Le rapporteur a peut-être des éléments à nous fournir pour expliquer comment le groupe atteindra cette proportion.

Ma troisième observation a trait à la plateforme de vidéo à la demande par abonnement, qui me rappelle les podcasts de Mathieu Gallet. Comme l’a souligné Martine Martinel, est-il vraiment envisageable qu’un groupe qui a une mission de service public fasse payer la VàD ? J’ai cru comprendre que le président de notre commission, attentif au destin de France Télévisions, voulait proposer d’ajouter à l’euro d’augmentation de la redevance au titre de l’inflation, un euro pour l’audiovisuel public. Il faudrait être plus sévère vis-à-vis de France Télévisions sur cette question-là alors que nous augmentons ses moyens.

Je terminerai par les langues régionales. Il importe d’avoir les moyens d’apprécier ce que fait France Télévisions en ce domaine. Il serait intéressant de disposer, région par région, des chiffres de l’investissement dans la production avec la part respective consacrée à la langue régionale et à la langue nationale pour les mettre en regard avec le nombre de téléspectateurs concernés. J’avais demandé ces données à Delphine Ernotte, en votre présence, monsieur le rapporteur. Je n’ai pas l’impression qu’elles vous aient été transmises.

M. le président Patrick Bloche. Je tiens à préciser que je n’ai pas été amené à déposer un amendement visant à augmenter la redevance. L’objectif est de voter ce que le Gouvernement a prévu dans le projet de loi de finances : une augmentation de deux euros, avec un euro au titre de l’inflation et un euro exceptionnel. Pour être encore plus clair, l’objectif est que ne soient pas votés les amendements qui visent à supprimer l’augmentation exceptionnelle d’un euro.

M. Stéphane Travert. Comme nombre de mes collègues, je tiens à saluer le démarrage de la chaîne Franceinfo qui permet d’avoir enfin de la pluralité et de la diversité dans le traitement de l’information à la télévision.

Je me concentrerai sur l’avenir de la chaîne France 3. Vous faites part dans votre rapport, monsieur Cresta, d’inquiétudes que je partage. Vous soulignez le manque de perspectives s’agissant de l’offre de programmes régionaux et l’absence regrettable des éditions locales dans le projet de COM. Vous auriez souhaité que celui-ci propose l’inversion de la logique sur laquelle repose cette chaîne de territoires qui, à l’heure actuelle, propose finalement davantage de programmes nationaux que de programmes régionaux ou locaux. Sachez que je le déplore également. Le groupe France Télévisions s’engage à faire passer la part des programmes régionaux ou à caractère régional de 25 % à 35 %. Vous soulignez à juste raison le caractère flou de la formulation « à caractère régional ». Quels seraient selon vous les critères à retenir afin de préciser ce terme ?

Vous insistez par ailleurs sur les incertitudes qui pèsent à ce stade sur les conditions de travail au sein des antennes régionales. Le projet de COM indique que les treize directions régionales remplaceront les quatre pôles de gouvernance mis en place précédemment. C’est une bonne nouvelle. Lorsque j’avais déposé mon rapport sur France 3, nous avions convenu du caractère kafkaïen de cette organisation transversale qui a entraîné une hausse significative des charges du groupe.

Vous indiquez également qu’il sera nécessaire de veiller à ce que cette réorganisation s’accompagne d’un renforcement de l’autonomie éditoriale des éditions régionales et locales. Je souhaite comme vous que cette autonomie éditoriale soit évaluée dans le rapport d’exécution du COM afin que nous disposions des nécessaires éléments d’appréciation.

Pour conclure, je reviens avec plaisir sur votre proposition de créer une synergie entre le réseau France Bleu et le réseau des antennes France 3 afin de proposer une information locale de qualité en version numérique. Fervent défenseur d’une telle mutualisation, que j’ai mise en avant dans mon rapport de 2013, je souhaiterais avoir votre avis sur la faisabilité d’un tel projet au regard de la mutualisation de moyens à l’œuvre pour la chaîne Franceinfo. La part régionale dans les programmes de l’audiovisuel public est un débat récurrent mais comme pour bien d’autres sujets, cent fois sur le métier remettons notre ouvrage !

M. Michel Françaix. Tout a été dit ou presque. Nous avons tous insisté avec nos mots sur la singularité de l’audiovisuel public. Nous nous sommes tous félicités du soutien à la création, au spectacle vivant, au documentaire. Nous avons tous souligné l’effort fait sur l’identité de France 4 et de France Ô. Nous souhaiterions que la part régionale et locale de France 3 soit accentuée mais je suis assez dubitatif, compte tenu des moyens actuels, sur la possibilité d’une telle évolution. Il faudrait déjà pouvoir préciser ce que veut dire plus de régions et à quel niveau l’effort doit porter.

Au-delà de l’exemplarité du service public, j’aimerais revenir sur l’information continue. C’est un formidable projet qui vient d’être mis en place. On passe son temps à déplorer les lourdeurs du service public : personne n’aurait cru qu’en sept mois, on pourrait réussir à faire travailler ensemble journalistes de la radio et journalistes de la télévision. Il suffit de les voir les uns et les autres : ils sont fiers de ce qui a été accompli. Mon collègue et ami Christian Kert, dans un débat sur les chaînes d’information auquel nous participions tous les deux, affirmait que Franceinfo allait tuer toutes les autres chaînes d’information. C’est l’inverse maintenant qui est affirmé : Franceinfo n’aurait pas sa place et ne mériterait pas de rester. Nul doute qu’il y aura des ajustements à faire dans les deux sens.

Bref, il faut défendre l’augmentation de deux euros de la redevance, même si certains prétendront que ce n’est pas faisable. Tout passe par là. Il faut se donner les moyens de voir vos préconisations suivies d’effets, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. Je constate que nous sommes confrontés à la traditionnelle injonction paradoxale : l’audiovisuel public est soumis à des exigences toujours plus élevées alors qu’on cherche à lui allouer toujours moins de moyens. Ce n’est pas sans rappeler la poste en milieu rural !

Ce COM peut apparaître comme insatisfaisant. Conformément aux préconisations du rapport Schwartz, le nombre d’indicateurs a été réduit mais peut-être faudrait-il viser un juste milieu entre le trop et le pas assez. Dans mon rapport, je suggère d’introduire des indicateurs supplémentaires pour évaluer des objectifs importants.

L’absence d’une chaîne publique d’information en continu constituait une anomalie dans notre pays : il était important de mettre en avant une information s’adressant plus à la raison qu’aux pulsions et à la passion. La création de Franceinfo a obéi à la logique de mise en cohérence des moyens publics que beaucoup appellent de leur vœu, même si elle s’est heurtée à quelques difficultés, bien légitimes compte tenu du défi que constituait la rencontre entre deux métiers différents. Il faut souligner que cette chaîne n’est pas directement concurrente de chaînes comme BFM-TV puisqu’elle est appelée à être regardée sur différents supports médiatiques : outre la télévision, l’ordinateur, la tablette, le smartphone. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que l’on dispose de mesures d’audience pour ces divers modes de visionnage. On reproche souvent au service public sa lourdeur et son incapacité à se réformer : la création en sept mois de cette chaîne ne peut que faire mon admiration et je tire mon chapeau à tous ceux et toutes celles qui y ont contribué.

S’agissant de France 3, j’aurais souhaité, à la suite de Stéphane Travert, une inversion de son organisation, à savoir une chaîne régionale avec des décrochages nationaux. Les rédactions locales constituent un vivier d’informations et de professionnels qui peuvent apporter autre chose au niveau national. Les antennes locales de Radio France sont le parfait exemple de la réussite d’une information d’hyper-proximité. Je le vois avec le travail qu’accomplit France Bleu Roussillon dans mon département. Il serait intéressant que France 3 s’inspire de ce modèle.

Autre source de préoccupation : 40 % des téléspectateurs ne reçoivent pas les éditions locales de France 3, en l’absence de diffusion sur les boxes. Si France Télévisions n’investit pas entre deux et quatre millions d’euros dans l’amélioration de la diffusion, les éditions locales ne pourront survivre. Leur public vieillit, nous le savons, et n’est pas enclin à envisager un autre mode de visionnage. Dans mon rapport, je pose une question très politique : devons-nous laisser au privé l’information locale de très grande proximité ? Je vois dans ma région œuvrer une télévision privée spécialisée dans l’information de proximité après avoir obtenu l’autorisation de diffuser sur un bassin restreint. France 3 doit s’emparer de cet enjeu. S’agissant de l’offre régionale, il manque un véritable projet d’entreprise.

Je n’ai pas de réponse à tout. Il y a des lacunes évidentes dans le COM, qu’il s’agisse du sport, de la culture ou de la musique.

Pour ce qui est de l’accessibilité, je reprends les préconisations du CSA. Le COM ne contient ni objectifs ambitieux ni indicateurs permettant de savoir si les objectifs ont été atteints. Je le déplore dans mon rapport.

Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la précarité : contrairement au COM précédent, le projet actuel ne contient pas d’indicateurs permettant de la mesurer. J’estime que le groupe doit rendre compte dans son rapport d’exécution de l’évolution des emplois précaires. C’est une conséquence de la décision de réduire le nombre d’indicateurs. Je le regrette.

S’agissant des audiences de France 2, on attendait du groupe un renouvellement des programmes, qui a bien eu lieu. Peut-être aurait-il été préférable de procéder de manière plus progressive. Je fais tout de même confiance au groupe pour assurer un rééquilibrage avec des programmes qui atteignent des niveaux d’audience satisfaisants pour une chaîne publique.

À la suite de l’accord sur la production, il va falloir que France Télévisions se dote de compétences en interne pour pouvoir pleinement mobiliser la part dépendante de sa production. On ne peut d’ailleurs que déplorer, de façon plus générale, qu’il n’y ait pas de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Parmi les points positifs, je retiens l’accent mis sur la création, le lancement de la chaîne d’information en continu, la clarification de l’identité des chaînes. Parmi les points négatifs, je souligne la situation faite à France 3. Au total, j’estime que ce COM sera utile car il marque un changement d’orientation. Il devra toutefois répondre à certaines recommandations que je formule dans le rapport.

M. le président Patrick Bloche. Je vais mettre aux voix l’avis de notre commission sur ce projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour les années 2016 à 2020, le rapporteur ayant donné un avis favorable, assorti des observations et recommandations qu’il vient de nous exposer.

La Commission émet un avis favorable au contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 de France Télévisions.

Elle autorise ensuite le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures vingt.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 12 octobre 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Isabelle Attard, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, M. Ary Chalus, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, M. Jacques Dellerie, M. Pascal Demarthe, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, M. Michel Françaix, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Romain Joron, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, Mme Stéphanie Pernod Beaudon, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Patrick Vignal

Excusés. – M. Pouria Amirshahi, M. Benoist Apparu, Mme Brigitte Bourguignon, M. Bernard Brochand, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Claude Greff, Mme Sonia Lagarde, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Julie Sommaruga, M. Jonas Tahuaitu