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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 7 décembre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Patrick Bloche, président et de M. Gilles Carrez, président de la commission des Finances

– Audition, conjointe avec la commission des Finances, de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2015

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 7 décembre 2016

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation et de M. Gilles Carrez, président de la commission des Finances)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’audition, conjointe avec la commission des Finances, de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2015.

M. le président Gilles Carrez. Deux semaines après l’audition conjointe de Mathieu Gallet, nous sommes heureux de retrouver nos collègues de la commission des affaires culturelles et son président pour cette nouvelle réunion. Chaque année, nous nous efforçons en effet de concilier les fortes contraintes du calendrier budgétaire et ce rendez-vous avec les responsables des deux principaux groupes du secteur public de l’audiovisuel.

De l’ordre de 2,5 milliards d’euros, le financement public en faveur de France Télévisions est très important, ne serait-ce que parce qu’il représente les deux tiers du total des ressources publiques en faveur de l’audiovisuel public. En même temps, ce montant constitue une part largement prépondérante des ressources de France Télévisions, à hauteur de 88 % de ses ressources totales brutes, en 2015 comme en 2016. C’est dire l’importance stratégique que revêtent le financement et la gestion du premier groupe audiovisuel public français.

La discussion en première lecture du projet de loi de finances pour 2017 a récemment fourni l’occasion d’aborder cette question, non seulement en seconde partie, consacrée aux dépenses, dans le cadre de l’examen traditionnel des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, mais aussi en première partie, consacrée aux recettes. Vous vous souvenez que l’article 18 n’a pas été sans susciter des oppositions face à l’augmentation de la redevance de 1 euro supplémentaire au-delà de l’inflation proposée par le Gouvernement, en contradiction avec ses engagements.

À l’initiative de la commission des finances, notre assemblée a ainsi fait le choix de limiter à 1 euro la hausse de la contribution à l’audiovisuel public, au lieu des deux euros proposés dans le cadre du projet de loi de finances. Elle a décidé de compenser la perte de recettes pour l’audiovisuel public par une hausse du plafond de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France Télévisions, sans en augmenter le taux, car on ne peut pas faire peser systématiquement sur les opérateurs de télécommunications le financement de notre audiovisuel public – c’est une solution de facilité à laquelle on a trop recouru par le passé. Je souligne au passage que cela représente un effort pour l’État, car, pour ce qui est des taxes affectées, tout ce qui excède le plafond bascule sur le budget de l’État dans le cadre de ce que l’on appelle le plafonnement.

Cela dit, cette solution ne permet pas vraiment, à mon sens, de répondre aux interrogations qui se posent sur le financement de long terme de l’audiovisuel public.

Dans un récent rapport public thématique, la Cour des comptes relève que les ressources publiques accordées à France Télévisions ont augmenté de 27 % depuis 2008, c’est-à-dire depuis l’arrêt de la publicité, et n’ont commencé à décroître qu’à partir de 2012, tandis que, parallèlement, le marché publicitaire ne permettait plus d’assurer une ressource dynamique. Cette double contrainte financière a obligé le groupe à mettre en œuvre des réformes structurelles qui, si l’on en croit le rapport de la Cour, demeurent insuffisantes.

Il est en effet essentiel de s’interroger sur la capacité des opérateurs de l’audiovisuel public à réduire leurs coûts de fonctionnement et à mettre en œuvre une gestion efficace des moyens importants qui leur sont alloués. C’est d’autant plus primordial dans un contexte de concurrence croissante dans le secteur audiovisuel, et où France Télévisions a vu ses audiences reculer de 0,4 point entre 2015 et 2016.

Pour conclure, je souhaite vous poser deux questions, madame la présidente.

Le plan de départs volontaires prévu dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) prévoyait une diminution de 650 équivalents temps plein (ETP), finalement limitée à 558 ETP entre 2012 et fin 2015. Pouvez-vous nous exposer les différentes mesures mises en œuvre depuis 2015 pour réduire les charges opérationnelles de votre entreprise, notamment les charges salariales ? Pourquoi la mise en œuvre de l’entreprise unique en 2009 n’a-t-elle pas eu les effets escomptés en termes d’économies et de mutualisation, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes ?

Ma seconde question porte sur un sujet que nous avons déjà abordé ici même à de nombreuses reprises, à savoir le coût complet annuel de la nouvelle chaîne d’information publique en continu Franceinfo.

M. le président Patrick Bloche. Qu’il me soit permis en préambule d’avoir une pensée émue pour Rémy Pflimlin, ancien président de France Télévisions, qui nous a quittés samedi dernier. Pour ma part, je l’ai connu alors qu’il exerçait des responsabilités dans la presse quotidienne régionale, aux Dernières nouvelles d’Alsace puis à L’Alsace, avant qu’il ne devienne directeur général de France 3, puis de Presstalis et enfin président de France Télévisions. Je sais, madame la présidente, que l’annonce de son décès vous a beaucoup touchée. Ce matin, nous saluons le grand homme de médias, qui a mis tant de lui-même au service de l’audiovisuel public.

Votre audition d’aujourd’hui, madame la présidente, donne à la commission des affaires culturelles et de l’éducation une nouvelle occasion de porter un regard sur les enjeux de France Télévisions. Nous l’avons fait en donnant un avis favorable au contrat d’objectifs et de moyens qui constitue l’élément stratégique central de votre présidence, puisque ce COM va courir tout au long de votre mandat. Nous avons également pris en compte les enjeux budgétaires et financiers de France Télévisions grâce au rapport de Michel Pouzol, qui interviendra tout à l’heure. Enfin, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons débattu de l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) pour l’année 2017, que notre assemblée a ramenée de 2 euros à 1 euro par an.

Cela dit, pour ce qui est de l’enjeu budgétaire que représente le financement de France Télévisions en 2017, il ne faudrait pas croire qu’il se résume à bien placer le curseur entre les ressources tirées de la CAP et celles provenant de la taxe sur les opérateurs de télécommunications, dite « taxe Copé ». Ce faisant, on oublierait une réforme essentielle de cette législature, au terme de laquelle, depuis l’année dernière, le budget de France Télévisions ne dépend plus du budget de l’État – Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances, se souvient sans doute, comme moi, des débats auxquels cette réforme a donné lieu. Ainsi, France Télévisions ne peut plus se trouver dans la situation – que Rémy Pflimlin avait connue en son temps – où des gels ou des annulations de crédits en cours d’exercice budgétaire viennent gêner le fonctionnement de l’entreprise. L’audition de ce matin va nous donner l’occasion d’examiner la dernière année d’application de l’avenant au COM 2011-2015 signé en 2013, un avenant auquel nombre de collègues ici présents avaient donné un avis favorable, mais aussi de vous entendre sur les dernières actualités de l’entreprise que vous dirigez.

J’imagine, madame la présidente, que vous allez structurer votre intervention sur les trois axes stratégiques que sont le soutien à la création, le lancement de l’offre d’information en continu et la poursuite du développement numérique, qui sont au cœur de votre contrat d’objectifs et de moyens. Jacques Cresta, qui a été notre rapporteur sur ce COM, aura sans doute encore beaucoup de choses à dire à ce sujet.

Les engagements de l’entreprise sont également importants tant en ce qui concerne les objectifs de gestion des budgets – je sais, madame la présidente, votre préoccupation à bien tenir la maison, sans brutalité mais de manière rigoureuse – que pour ce qui est de la gestion des ressources humaines.

Évidemment, les contenus intéressent également les parlementaires ici présents, ainsi que les investissements réalisés au profit des programmes. Peut-être évoquerez-vous l’accord essentiel que vous avez signé avec les producteurs indépendants – bien entendu, quand je parle des producteurs, je n’oublie pas les auteurs.

La restructuration de l’offre d’information et des rédactions ainsi que leur adaptation au développement numérique constituent des enjeux qui nous intéressent très directement. Chacun aura compris que je suis curieux et très impatient de vous écouter, madame la présidente. Je vous donne donc la parole sans plus tarder.

Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. Messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord vous remercier pour cette audition annuelle sur l’exécution du COM. Elle est pour moi l’occasion de revenir, quinze mois après ma nomination à la présidence de France Télévisions, sur la situation de l’entreprise, d’évoquer ses missions essentielles et de tracer des perspectives pour l’avenir.

Avant de commencer cette présentation, je voudrais saluer la mémoire de Rémy Pflimlin, mon prédécesseur, qui m’a transmis la direction de cette entreprise avec beaucoup d’élégance et le sens de l’intérêt général. L’annonce brutale de sa disparition a causé un choc à France Télévisions et à l’ensemble de ses personnels. Rémy a toujours été un défenseur ardent de l’audiovisuel public et un Européen convaincu, et nous aurons à cœur de préserver cette conception qu’il nous laisse en héritage.

Un débat traverse toute l’Europe et est en train de s’ouvrir en France sur la place de l’audiovisuel public dans les grandes nations européennes. Les articles se multiplient, proposant tour à tour la suppression de telle ou telle chaîne, voire de tout ou partie de l’audiovisuel public, le découpage de France Télévisions en morceaux, ou encore de ne plus confier à l’entreprise publique qu’une partie des missions qu’elle assume actuellement.

Pour ma part, j’aimerais vous convaincre que l’audiovisuel public est indispensable à une grande démocratie comme la nôtre. En Europe, deux types de réponses ont été apportées à cette question. Certains pays ont fait le choix de confier au privé la charge entière de l’audiovisuel, en réduisant progressivement les crédits alloués à l’audiovisuel public – qui, sous l’effet de ce traitement, se rabougrit et périclite. D’autres pays, parmi nos voisins les plus proches, ont engagé des réformes sur le financement de l’audiovisuel public. Ainsi l’Allemagne dote-t-elle son audiovisuel public de 7 milliards d’euros de redevance – ce qui représente plus du double de la redevance française – et s’engage fortement en faveur de la création. De même l’Italie a-t-elle conforté la position de la RAI, ce dont on voit déjà les effets avec une fiction italienne qui revient sur le devant de la scène. Enfin, au-delà des débats sur le montant des crédits accordés à la BBC, la société de production et de diffusion britannique reste pour nous un modèle en termes de puissance et de moyens lui permettant de continuer à se développer au Royaume-Uni et à rayonner à l’international.

La réponse de ces États qui s’engagent pour leur audiovisuel public a consisté à dire que, dans un univers où l’information se fragmente – ce qui s’est passé au cours de la dernière élection présidentielle américaine en est une illustration frappante, avec le poids qu’y ont eu les réseaux sociaux, et les éventuelles manipulations dont ceux-ci ont pu faire l’objet –, il est extrêmement important de conserver un audiovisuel public pouvant servir de référence, et porteur d’un projet novateur et ambitieux.

Je suis convaincue que l’audiovisuel public a besoin de grandeur et de hauteur, car, dans un monde où les médias jouent un rôle central, nous participons à la cohésion de la Nation – et sans doute ce rôle aurait-il vocation à être renforcé. Tous les jours, 75 % des Français regardent les programmes du service public et, sur un mois, 92 % d’entre eux ont regardé une émission de la télévision publique environ une heure par jour : c’est donc comme si l’on parlait, au moyen de la télévision publique, une heure par jour à 92 % des Français, ce qui est considérable – et je suis bien consciente de la responsabilité que cela représente.

Affaiblir cet outil, c’est fragiliser un lien social essentiel pour tous les Français, car le service public ne doit pas être une niche, il ne doit pas se cantonner à une offre réservée à une élite : notre rôle consiste à parler à tous les Français. Cela peut paraître un oxymore, mais nous avons à cœur de défendre une télévision à la fois populaire et exigeante, et nous y parvenons en tissant nos programmes avec soin, jour après jour.

Être ambitieux ne nous exonère pas de l’obligation d’être rigoureux dans la gestion des données publiques, et de faire les économies légitimement attendues de notre part. Par ailleurs, comme le monde de la musique l’a été il y a quelques années, nous nous trouvons actuellement au cœur d’une révolution numérique impliquant un bouleversement des usages : les jeunes d’aujourd’hui ont une manière de regarder les œuvres très différente de celle de leurs aînés. Nous devons associer les deux nécessités, celle de faire des économies et celle de prendre en compte l’évolution des comportements, pour en faire un nouveau projet.

Je me bats contre l’idée d’une fatalité, celle qu’il ne serait pas possible de réformer le service public. Depuis quinze mois, je vois au contraire que l’entreprise que je dirige est capable d’évoluer, et que ses salariés sont très impliqués dans le service public auquel ils concourent – même s’ils ne sont pas fonctionnaires – et capables de relever des défis incroyables, comme ils l’ont fait en réussissant à lancer une chaîne en dix mois.

Qu’avons-nous fait au cours de ces quinze derniers mois pour faire bouger France Télévisions ? Pour ma part, j’ai d’abord entrepris de retisser des liens de confiance avec l’ensemble des salariés. Cela n’a rien de facile, car notre entreprise est très exposée médiatiquement : tous les jours, les salariés lisent dans les journaux des critiques – souvent justifiées, parfois injustes – sur leur travail et la manière dont il est perçu. J’ai donc voulu leur proposer une perspective dans laquelle ils puissent se projeter avec confiance et fierté.

L’une des clés de la fierté que nous devons avoir, c’est d’atteindre l’équilibre budgétaire chaque année. Je considère en effet que, si une entreprise publique n’a pas à faire de bénéfices, elle ne peut pas non plus être déficitaire. Dès 2015 – l’année de mon arrivée –, France Télévisions présentait un résultat net à l’équilibre. Pour 2016, le résultat net et le résultat opérationnel seront à l’équilibre, et le plan stratégique prévoit qu’il en soit ainsi tous les ans. L’exercice n’a rien de facile : la culture de la rigueur demande beaucoup d’efforts à l’ensemble des salariés, et il faut savoir faire preuve d’une grande agilité afin de pouvoir redresser la barre si une mauvaise nouvelle survient en cours d’année.

Pour y parvenir, j’ai souhaité sanctuariser et même augmenter un peu le budget des programmes, car c’est le cœur de notre mission. C’est donc principalement sur la structure de l’entreprise, en particulier sur la masse salariale, que porteront les efforts budgétaires à réaliser. Mon prédécesseur s’était déjà engagé sur cette voie, en mettant en place un plan de départs en retraite et un plan de départs volontaires au cours des quatre dernières années. Le COM 2016-2020 prévoit une réduction d’environ 500 équivalents temps plein d’ici à 2020, ce qui correspond au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. C’est un effort considérable pour nos salariés et pour toute l’entreprise. Cependant, je ne vais pas demander aux salariés de France Télévisions de faire le même travail avec toujours moins de moyens : pour atteindre nos objectifs, nous devons repenser notre organisation afin de gagner en agilité, mutualiser les moyens et trouver de nouvelles façons de travailler.

Dès ma nomination, j’ai organisé les Assises de France Télévisions dans la France entière : à Paris, en région et dans tous les territoires d’outre-mer ont eu lieu des débats associant l’ensemble des salariés. Au cours de ce dialogue, ils ont exprimé à la fois leur volonté de soutenir le service public et la crainte de s’entendre dire un jour qu’ils ne servent plus à rien. Mettre au point un projet solide et rigoureux, tout en ouvrant des perspectives d’avenir pour le service public, est essentiel pour nous permettre de tenir tous nos engagements.

Au cours des quinze derniers mois, nous avons également beaucoup renouvelé l’offre de programmes. Il y a un an, nous avons conclu un nouvel accord avec les producteurs, aux termes duquel la part de nos programmes « dépendants » – ceux que nous détenons en quelque sorte en copropriété – est passée de 5 % à 25 %. C’est un très grand pas, car, depuis les décrets Tasca, il existait une frontière infranchissable entre les diffuseurs que nous sommes et les producteurs, qui étaient les seuls à détenir les droits de programmes que nous avions pourtant parfois financés à 100 %. Dès 2016, nous atteindrons ce taux de 25 %, ce qui est très important, car cela nous permettra de protéger les droits de programmes très identitaires, constituant de grands marqueurs de nos chaînes : en reprenant la main sur ces programmes, nous serons beaucoup moins fragiles qu’avant.

Nous avons réussi, en dix mois, à lancer une offre d’information publique en partenariat avec Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et France 24, et je peux vous dire aujourd’hui que nous ne sommes pas peu fiers d’avoir surmonté, grâce à la volonté des quatre présidents concernés, les dissensions qui pouvaient exister entre des maisons historiquement liées, mais séparées depuis la fin de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF). Aujourd’hui, nous proposons donc un média global qui est à la fois une télévision, une radio et une offre numérique.

Notre premier pari éditorial sur la chaîne d’information consistait à faire différent, conformément à ce que vous nous aviez demandé : il ne servait effectivement à rien de créer une nouvelle chaîne d’information identique à celles qui existaient déjà. Ce pari, nous l’avons gagné, et ce sont les téléspectateurs eux-mêmes qui nous le disent.

C’est une réussite sur le numérique et les écrans mobiles puisque, pour la première fois, nous avons bâti une offre commune entre France Télévisions et Radio France, montrant en cette occasion que un plus un pouvait faire trois, au bénéfice du service public : le total des visites comptabilisées depuis notre alliance surpasse en effet l’addition du nombre de visites de nos deux sites antérieurs.

Le lancement a été très réussi également en termes d’audience. Je sais qu’il nous est souvent reproché de ne pas communiquer régulièrement à ce sujet, et il est vrai que, dans un souci d’économie, nous ne commandons pas un Médiamat quotidien à Médiamétrie. Cela dit, nous disposons de résultats d’audience mensuels qui me permettent de vous dire que, au mois de novembre, Franceinfo a réuni 18,7 millions de téléspectateurs, revenant aux chiffres du mois de septembre, où a eu lieu son lancement. Au risque de m’attirer les foudres de Médiamétrie, à qui nous n’achetons pas cette donnée, je dirai que cela correspond environ à 0,3 % des parts de marché – ce chiffre obtenu au moyen d’une conversion n’est en rien officiel.

Nous avons constaté qu’un foyer sur deux seulement a aujourd’hui accès à Franceinfo. Pour y accéder par la TNT, il faut lancer une nouvelle recherche automatique des chaînes, ce que tout le monde n’a pas forcément fait ; pour y accéder facilement à partir des box internet, il faut en principe se rendre sur le canal 27, mais ce n’est pas le cas chez tous les fournisseurs d’accès, notamment SFR et Numericable, ce qui nous prive d’un nombre important de téléspectateurs.

Pour ce qui est des programmes, nous avons beaucoup travaillé au renouvellement des magazines, et nous sommes très heureux du succès de C dans l’air, un magazine qui a su rencontrer son public et progresse régulièrement, en dépit de quelques péripéties survenues au printemps dernier, ainsi que de la nouvelle formule d’Envoyé spécial. Personnellement, je suis très satisfaite de l’émission culturelle Stupéfiant !, qui rassemble toutes les semaines 600 000 téléspectateurs – une audience qui peut paraître modeste au sens « médiamétrique » du terme, mais témoigne, à mon sens, d’un vrai succès pour un programme exigeant diffusé à une heure de grande écoute, en deuxième partie de soirée mais pas en pleine nuit.

Je suis très attentive à ce que tous nos programmes exposent la diversité en renouvelant les visages. Pour ce qui est du lancement de Franceinfo, nous partions d’une page blanche et devions donc, dès le départ, faire en sorte d’assurer la mixité et la diversité des origines. J’ai également veillé à ce que le handicap soit visible et pris en compte sur nos antennes, que ce soit avec la diffusion des Jeux paralympiques – pour la première fois, plus de 200 heures de programmes ont été diffusées – ou avec Vestiaires, une série très drôle, réalisée par des auteurs et des réalisateurs eux-mêmes handicapés, et que les téléspectateurs apprécient beaucoup.

Nous souhaitons donner toute sa place à l’événement – sportif ou politique – sur nos chaînes. Si l’événement sportif est aujourd’hui celui qui fédère le plus largement les Français, nous devons mener un combat quotidien pour conserver des droits qui connaissent une inflation régulière. La semaine dernière, les chaînes publiques allemandes ont annoncé qu’elles ne seraient pas en mesure de diffuser les Jeux olympiques de 2018 et 2020. Je rends grâce à mon prédécesseur d’avoir sécurisé une bonne partie des droits sportifs sur le long terme et je m’emploie à faire la même chose pour mes successeurs.

Les événements politiques ne sont pas toujours synonymes de succès d’audience, mais nous les relayons tout de même, car nous estimons que c’est notre rôle que d’exposer la politique. Récemment, nous sommes parvenus à rassembler les Français autour d’un événement politique majeur, à savoir la primaire de la droite et du centre : les émissions diffusées les soirs du premier et du second tour ont été de vrais succès d’audience, ce dont nous sommes fiers.

Après les quinze premiers mois dont je viens de dresser le bilan, nous devons accélérer la transformation de France Télévisions. Cette action a pu être entreprise grâce au soutien du conseil d’administration, que j’associe pleinement aux décisions importantes, même lorsqu’il ne s’agit pas de voter, mais simplement de recueillir un avis. Il est très sécurisant, pour un dirigeant, de pouvoir s’appuyer sur un conseil d’administration très présent et très vigilant, et c’est avec cette instance que nous avons établi notre plan stratégique à cinq ans, qui comprend plusieurs réformes importantes.

La première est celle de France 3, sujet compliqué sur lequel plusieurs de mes prédécesseurs se sont cassé les dents, tant il est vrai que s’y attaquer revient à faire face à une injonction contradictoire : d’une part, il faut donner à France 3 sa vraie vocation, celle d’être une chaîne nationale, diffusée sur tout le territoire sur le canal 3 ; d’autre part, il faut faire en sorte qu’elle conserve un ancrage régional qui, de mon point de vue, doit même être renforcé à l’horizon du plan de cinq ans. Enfin, tout cela doit s’accomplir dans un contexte économique contraint, alors que France 3 emploie 3 500 personnes sur les 9 800 que compte France Télévisions. La chaîne a beaucoup été mise à contribution lors des plans d’économies passés, et l’éloignement des régions par rapport à Paris ne doit pas nous conduire à relâcher notre vigilance pour que chacun bénéficie d’un traitement équitable.

Renforcer la dimension régionale de France 3 implique deux types de réformes : celle des structures, mais aussi celle de l’éditorial, auxquelles nous allons procéder simultanément. Nous avons entamé des consultations auprès des instances représentatives du personnel, qui vont aboutir prochainement, afin de transformer l’organisation actuelle de France 3 en treize directions régionales, correspondant aux treize nouvelles régions administratives françaises. Chaque directeur ou directrice sera pleinement autonome en matière de décision sur l’éditorial, sur les ressources humaines et sur les ressources financières. En effet, si nous voulons que France 3 devienne davantage la chaîne des régions, nous devons accorder une place beaucoup plus importante aux programmes fabriqués par les régions ou en lien avec des producteurs régionaux.

Nous avons donc pris l’engagement dans le COM de multiplier par deux la place à l’antenne des programmes produits localement, ce qui implique que chaque région se dote d’un projet éditorial, qui pourra évidemment différer d’une région à l’autre : les Bretons n’ont pas forcément envie de voir à l’antenne les mêmes programmes que les citoyens du Grand Est. Il faut donc laisser une autonomie d’imagination et de création à chaque région, afin de lui permettre de coller au mieux avec la réalité régionale. Nous avons l’ambition d’atteindre en deux ans la multiplication par deux de la place à l’antenne des programmes produits localement, et cela va entraîner un immense bouleversement, car alors que les éditions régionales de France 3 devaient se battre jusqu’à présent pour conserver leurs cases locales, on va maintenant leur demander de faire preuve d’imagination pour en créer de nouvelles. Ce sera, à mon sens, l’occasion de remobiliser les équipes, qui ont envie de s’investir au service d’un média de proximité.

Je précise que nous n’allons pas pour autant renoncer à la création sur France 3, car, même en multipliant par deux les programmes fabriqués par les régions, nous devons préserver la puissance du programme national en matière de fiction, de documentaires et d’animation. Avec Dana Hastier, patronne de France 3, j’ai lancé le chantier de cette réorganisation régionale au service des citoyens. Ce sera une entreprise de très grande envergure si l’on se réfère au temps qu’a pris, par exemple, la création d’une chaîne corse : certes, il s’agit d’une chaîne de plein exercice, mais cela a pris six ans ! Les équipes régionales vont monter en puissance progressivement et c’est en septembre 2017 que nous verrons à l’antenne les premiers résultats de ce chantier, qui devrait aboutir en septembre 2018.

Voulons-nous vraiment des chaînes de plein exercice en région ? On ne peut donner à cette question une réponse tranchée. Certaines chaînes pourront aller au-delà du doublement de la part de leurs programmes régionaux, parce qu’elles auront déjà passé des accords avec le conseil régional, avec la presse locale ou avec des chaînes privées. Des COM existent au niveau régional, et une forme d’écosystème est parfois en place – en lien aussi avec les autres entreprises publiques du territoire –, qui permettront à un directeur d’élaborer un projet encore plus complet. Je ne peux que m’en réjouir, car, si je propose une réorganisation en treize régions, c’est pour susciter l’initiative locale et donner la possibilité aux directions régionales de dépasser le cadre qui leur est proposé.

L’investissement dans la création est une deuxième orientation majeure de notre plan stratégique. Nous avons souhaité augmenter non seulement les fonds investis, mais aussi les volumes de création. Chaque année, ce sont quelque 650 heures de fiction qui sont diffusées sur l’ensemble des antennes françaises, alors que, en Allemagne, ce chiffre atteint 2 000 heures – se rapprochant de celui enregistré en Grande-Bretagne. Nous sommes donc très loin d’avoir la puissance créative de nos voisins. En investissant plus dans la création, en diversifiant les formats, en produisant des fictions à bas coûts à côté des fictions de prestige qui se vendront à l’étranger, nous obtiendrons un véritable rayonnement. Il s’agit donc d’élargir le spectre de nos capacités à l’ensemble de la production et de varier nos programmes.

Dès le mois de janvier, de nouveaux projets de fiction seront en développement. En matière de fiction, il faut du temps pour passer du développement à l’antenne : cela ne se fait pas en quinze mois, mais, à terme, cela se verra. Nous consacrons évidemment la même énergie aux autres genres : le documentaire, genre central à France Télévisions ; l’animation, genre français très performant qu’il est très important de soutenir, et le spectacle vivant, car nous en avons pris l’engagement.

Si nous voulons tenir notre place et consolider la prépondérance de la création française, il est essentiel que nous nous engagions en termes de qualité et de rayonnement. Je rappelle que, lorsque Netflix investit 7 milliards d’euros par an dans la création, nous y consacrons 80 millions. Nous savons qu’Amazon va débarquer sur ce marché en investissant des sommes considérables. Certes, ces mastodontes feront à l’occasion la publicité de telle ou telle production française, mais cela restera anecdotique, car leur modèle économique veut qu’ils produisent un même contenu pour 125 pays à la fois : ils ne chercheront pas à produire local. Nous savons en conséquence qu’avec les chaînes privées, nous sommes les seuls à soutenir la production française – France Télévisions finance 60 % de la totalité des investissements consacrés à la création. Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera pour nous – en tout cas, sûrement pas les plateformes américaines !

Dans ce contexte, nous estimons que nous devons être présents aux côtés d’un public qui a une nouvelle façon de regarder les programmes. Netflix et Amazon proposent un accès à des plateformes dont les contenus sont majoritairement américains. Si, face à cette offre, nous ne parvenons pas à proposer une plateforme fonctionnant sur le même principe qui mette en avant des œuvres françaises et européennes, nous n’existerons pas. Nous devons nous adapter à un nouveau monde dans lequel le spectateur ne consommera plus la télévision qu’en passant par les plateformes. Il est donc essentiel de créer une plateforme de SVOD (Subscription video on demand, vidéo à la demande par abonnement). Cet impératif ne se substitue pas à la nécessité d’une meilleure exposition de la gamme complète de l’offre actuelle : antennes linéaires, télévision de rattrapage, vidéo à la demande… Le nouveau modèle de la plateforme avec abonnement visera à concurrencer les grands acteurs américains avec des œuvres françaises et européennes. Nous avons déjà avancé sur le sujet, mais, évidemment, France Télévisions ne peut pas agir seule.

Pour le dire autrement, nous n’avons pas l’argent pour acheter un catalogue de 6 000 œuvres qui permettrait de mettre une plateforme en place. Nous devons trouver une solution intelligente pour nous allier avec les détenteurs de droits. Nous ne sommes pas loin d’y parvenir ; j’évoquerai le sujet avec le conseil d’administration à la mi-décembre, et, au mois de février, nous lui présenterons un plan d’affaires. Deux éléments conditionnent néanmoins la création de cette plateforme : d’une part, elle devra mettre en avant les œuvres françaises, et, d’autre part, elle devra s’équilibrer financièrement – autrement dit, il n’est pas question d’y consacrer un sou issu de la redevance.

Dans le même temps, nous travaillons à la refonte de notre plateforme gratuite, Pluzz. L’équipe précédente, sous l’égide de Rémy Pflimlin, nous a fait accomplir un formidable bond en matière de numérique, grâce auquel nous avons opéré un véritable rattrapage. Nous ne pouvons pas nous en tenir là, car, dans ce domaine, les progrès sont incessants. Afin de lui donner plus d’ampleur, nous préparons une refonte assez radicale de Pluzz : dès le mois de mai prochain, cette plateforme exposera la totalité des contenus numériques de France Télévisions, ce qui comprend tous les programmes gratuits, mais aussi l’offre à l’acte déjà existante. Quant à la nouvelle plateforme de SVOD, elle devrait voir le jour à l’automne 2017, si tout se passe bien et si nous recueillons l’accord du conseil d’administration.

J’ignore si j’ai répondu à la question initiale : faut-il une télévision publique en France ? Vous avez en tout cas compris que, pour ma part, je réponds sans hésiter par l’affirmative. J’espère vous avoir montré que la télévision était capable de se réformer. En dix-huit mois, nous avons déjà fait d’exigeantes réformes de structure, et nous les poursuivrons, tout en préservant ou en améliorant nos programmes.

J’ai la certitude que, pour continuer à se transformer, France Télévisions a besoin d’un horizon clair. Pour que l’entreprise ait confiance en elle et se développe, elle doit avoir le sentiment que l’on a confiance en elle. Pour accepter des changements, que ce soit à titre individuel ou collectif, nous avons besoin d’un regard bienveillant. C’est pourquoi, pour affronter des réformes difficiles, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, le bouleversement que le numérique introduit dans les pratiques de chaque salarié, et une concurrence qui dépasse largement les frontières classiques de l’Hexagone, France Télévisions a aussi besoin de bienveillance, notamment celle des élus de la Nation qui représentent nos actionnaires.

M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la mission Médias, livre et industries culturelles. Permettez-moi d’avoir une pensée émue pour Rémy Pflimlin, grand défenseur de l’audiovisuel public, qui a toujours mis un point d’honneur à répondre avec transparence, bienveillance et gentillesse aux nombreuses questions que j’ai été amené à lui poser en tant que rapporteur spécial.

Le rapport de la Cour des comptes que vous avez évoqué, monsieur le président de la commission des finances, a permis à certains de faire du « France Télévisions bashing » à bon compte – mais les personnes concernées ne sont sans doute pas les premiers défenseurs du service public audiovisuel ni du service public en général. Vous avez parlé d’une hausse des ressources publiques de 27 % durant la période 2008-2015, mais la suppression de la publicité n’était pas encore effective en 2008. Dès 2009, en revanche, les ressources publiques ont augmenté mécaniquement de 400 millions d’euros pour compenser les pertes de recettes publicitaires. La période de référence retenue n’est donc pas pertinente pour évaluer la progression des recettes publiques de France Télévisions.

Si l’on retient la période 2012-2016, ce qui me paraît plus cohérent, on constate que les ressources nettes globales de France Télévisions diminuent de 50 millions d’euros, soit un recul de 2 % – dans le détail, les recettes publicitaires reculent de 11,4 %, et la ressource publique globale de 0,7 %. Durant la même période, les charges de France Télévisions ont baissé de 2,6 %, soit 60 millions d’euros qu’il faut comparer aux 50 millions de baisse des ressources. Ces chiffres traduisent bien les efforts de gestion consentis par l’entreprise, et ils montrent que la réduction du déficit n’est en aucun cas liée à une augmentation de la ressource publique.

Ces efforts ont pris la forme d’un plan de départs volontaires, réalisé à près de 90 %, et de non-remplacements de départs à la retraite – vous annoncez sur ce dernier sujet des objectifs extrêmement ambitieux à l’horizon de 2020 avec un objectif de 996 ETP non remplacés. Ces efforts devront nécessairement s’accompagner d’une redéfinition de certains métiers. Quelles sont les discussions en cours à ce sujet ?

Le résultat d’exploitation de l’entreprise s’est amélioré de 42 millions d’euros en trois ans, mais, depuis 2014, la baisse des ressources publiques s’élève à 17,9 millions. Cela montre à nouveau que les efforts de gestion sont véritablement à mettre au crédit de l’entreprise France Télévisions.

Il paraît important que l’entreprise se tourne aussi vers des projets de développement et vers des engagements pour l’avenir, ce qui n’est possible que si son financement est sécurisé. J’ai le sentiment qu’au terme de cinq années de budgets de France Télévisions, nous avons posé les bases d’un modèle économique stable qui vous permet, madame la présidente, de vous engager dans des projets d’avenir.

La CAP reste un pilier fort du financement de l’entreprise. Il me semble cependant qu’il faudra rapidement ouvrir le débat relatif à son assiette en raison de l’évolution des usages – les Français regardent de plus en plus la télévision sur d’autres supports que le téléviseur.

L’affectation d’une partie de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions consolide et sécurise les ressources destinées à se substituer aux pertes de recettes publicitaires. Cette année, la transformation de la TOCE en taxe affectée donne au législateur et à la tutelle un outil de pilotage face aux éventuelles baisses à venir des recettes publicitaires. Aujourd’hui, sur un total de 300 millions d’euros de recettes de la TOCE, 160 millions sont affectés à France Télévisions. Il existe donc bien une marge qui permettrait une régulation future d’éventuelles baisses de recettes publicitaires dues soit à la conjoncture, soit à des décisions politiques relatives à la publicité sur France Télévisions.

Le travail entrepris auprès des producteurs afin de mieux partager la valeur ajoutée des productions donne à France Télévisions d’intéressantes perspectives d’avenir en termes de ressources propres.

Vous avez évoqué la plateforme SVOD et une meilleure répartition des droits, mais quelles sont, à moyen terme, les ressources nouvelles que l’on pourrait tirer de ces nouveaux outils ?

La Cour des comptes considère qu’il est nécessaire de présenter le coût global de la chaîne d’info, pour ma part, je préférerais que vous nous indiquiez quel pilotage vous mettez en place pour estimer le surcoût dont elle est à l’origine. Le coût global n’a finalement que peu de sens au regard des nombreuses mutualisations mises en œuvre.

France Télévisions s’engage plus fortement dans la production et la coproduction. Cette démarche doit s’accompagner d’une réflexion sur la déontologie en matière d’achats de programmes. Vous avez répondu à la Cour des comptes qui vous a interrogée sur ce sujet en évoquant la mise en place d’un code de déontologie d’ici à la fin de l’année 2016. Où en êtes-vous sur ce point, et quelles sont les perspectives en la matière ?

M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur les crédits de l’audiovisuel public. Je souhaite à mon tour rendre hommage à Rémy Pflimlin, homme de médias qui a su marquer la trajectoire de France Télévisions de son talent et de sa volonté, mais aussi de sa passion. Je veux également, bien que le lieu ne soit pas le plus approprié pour le faire, adresser une pensée amicale au général Pflimlin, que j’ai eu le plaisir de côtoyer dans l’Essonne dans le cadre de ses fonctions au sein de l’état-major de nos armées. Il devra désormais apprendre à vivre sans son frère.

Madame la présidente, chère Delphine Ernotte, nous vous auditionnons aujourd’hui peu après l’examen du projet de loi de finances pour 2017, qui n’a pas été sans encombre pour la société que vous dirigez. En effet, l’amendement de notre collègue Valérie Rabault, visant à supprimer l’augmentation supplémentaire de un euro de la redevance audiovisuelle a été adopté sans qu’une autre solution pérenne ne soit réellement trouvée, ce qui a gravement mis en péril la trajectoire financière du groupe. Je tenais à le dire avec une très grande clarté en profitant de la réunion de nos deux commissions ce matin.

Cette augmentation constituait pourtant un élément déterminant de la mise en œuvre du COM, de la même manière que la redevance elle-même est un élément majeur de l’indépendance de l’audiovisuel public. La parole de l’État doit être tenue. Je rappelle aussi qu’en France, le niveau de la redevance est inférieur à celui que l’on peut constater chez nos voisins européens chez lesquels son « rendement » est parfois moindre en matière de diversité ou d’information, même si, comme vous l’avez souligné, madame la présidente, les moyens mis en œuvre en Italie, en Allemagne ou en Grande-Bretagne ont un impact certain sur le renouveau de la création nationale dans ces pays.

J’appelle par ailleurs l’attention sur le caractère préoccupant de la trajectoire d’évolution de la trésorerie sur la durée du COM à venir si l’arrêt de la publicité pour la jeunesse et l’évolution naturelle de la masse salariale, résultant de la baisse programmée des effectifs, n’étaient pas prises en compte par le législateur et ne se traduisaient pas par une volonté claire de notre part de faire évoluer à moyen terme le modèle de financement des sociétés de l’audiovisuel public et de garantir leur financement pérenne. En conséquence, je me prononce personnellement depuis plusieurs années pour un élargissement de l’assiette de la redevance aux appareils connectés, à l’image des nouveaux usages et modes de consommation des médias qui ne cessent de se développer.

Force est de constater que, dans certains domaines, la révolution des supports et des outils est souvent plus rapide que celle des idées et des a priori. À nous, collectivement, de ne pas entériner l’idée que la représentation nationale serait incapable d’anticiper cette évolution – je suis enclin à croire qu’elle est déjà au cœur des préoccupations de l’audiovisuel public et de la présidente de France Télévisions.

Le COM de France Télévisions est structuré autour de trois objectifs stratégiques : le soutien à la création, le lancement de l’offre d’information en continu et la poursuite du développement numérique. Parmi les orientations qui me paraissent très satisfaisantes figure en premier lieu le plan de soutien à la création. Ce plan s’appuie sur un indicateur d’investissement minimal annuel dans la création audiovisuelle de 420 millions d’euros entre 2017 et 2020, et sur le maintien d’un plancher d’investissement important dans le cinéma.

Je crois que nous pouvons en particulier nous féliciter de l’accord conclu en décembre 2015 avec plusieurs syndicats de producteurs, qui permet à France Télévisions de développer la part dépendante de son investissement jusqu’à 25 %, contre 5 % précédemment.

Toutefois, permettez-moi d’émettre quelques réserves sur le projet de SVOD qui est au cœur de la stratégie numérique du groupe. Les paramètres du projet – les contenus, les partenaires, le modèle économique – apparaissent encore très incertains, même si un plan d’affaires a vraisemblablement bien été intégré dans ce COM. Je m’interroge sur la pertinence de la création d’une telle plateforme. Le groupe France Télévisions a-t-il la capacité de proposer un catalogue satisfaisant ? À moyens constants, comment le service public français peut-il prétendre rivaliser, en dehors de circuits de niche, avec les géants internationaux du secteur, alors que certaines entreprises multinationales de l’entertainment, selon le terme utilisé outre-Atlantique, ont échoué ?

Comment, par ailleurs, construire un tel projet, pour peu qu’il ait d’autres ambitions que celles des grands groupes internationaux, en l’absence d’association avec les autres acteurs de l’audiovisuel public, tel Arte, qui ont des projets similaires ? N’y a-t-il pas un risque que les uns phagocytent les autres ? Où en êtes-vous sur ce dossier ? Pouvez-vous nous donner des informations sur les partenaires et les financements prévus pour faire éclore cet ambitieux projet ?

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, en qualité de rapporteur sur les avances à l’audiovisuel public, ma réflexion a principalement porté sur le lancement de la chaîne d’information en continu. Je ne peux donc faire l’impasse sur ce sujet. Je me félicite à nouveau vivement du lancement réussi de la nouvelle offre d’information commune du service public, même s’il subsiste encore quelques ajustements à trouver à la marge, en termes d’identité éditoriale et de format. Pouvez-vous préciser le nombre et la nature des redéploiements d’emplois dédiés à cette chaîne d’information continue et l’évolution prévue de ces redéploiements dans les années à venir ?

Enfin, parmi les orientations qui me semblent devoir être clarifiées, j’insiste sur l’avenir de l’offre régionale. Le groupe opère une réorganisation du réseau régional de France 3, qui vise à créer treize nouvelles directions régionales dont le périmètre sera aligné sur la nouvelle carte des régions, et à supprimer les quatre pôles créés au moment de la fusion de l’entreprise.

Le passage des quatre pôles aux treize régions, source de crispations et d’inquiétudes récurrentes de la part des personnels, semble toutefois être davantage une réorganisation au fil de l’eau qu’une réforme structurelle qui bouleverserait l’équilibre des ressources humaines du groupe. Nous avons bien compris que votre ambition était plus large et que la réflexion menée sur l’avenir de France 3 se voulait à la hauteur des enjeux pour cette chaîne si particulière. Cette réflexion se traduit par une gestion pour l’instant délicate des ressources humaines de France 3, à mettre au crédit de la direction.

Madame la présidente, ces questions et ces remarques se veulent directes, tant nous avons été convaincus par votre façon d’aborder et de mettre en musique le COM de France Télévisions. C’est donc en pleine confiance que nous vous remercions de votre écoute et de la disponibilité de votre équipe. Vous avez effectué un travail remarquable. Ne doutons pas que vous saurez éclairer notre assemblée sur les étapes suivantes, par vos réponses concrètes au profit du service public de l’audiovisuel qui est un peu, pour paraphraser la célèbre formule, le patrimoine culturel partagé de ceux qui n’en ont pas, autrement dit, notre richesse commune.

M. Jacques Cresta. Madame la présidente, nous partageons l’idée selon laquelle l’audiovisuel public participe à l’exercice de la démocratie. Je me félicite en conséquence de la création de la chaîne d’information en continu qui constitue un complément indispensable au paysage audiovisuel.

Je me félicite également de la réduction du nombre d’indicateurs pris en compte dans le COM pour la période 2016-2020, conformément au rapport sur l’avenir de France Télévisions coordonné par Marc Schwartz en 2015. On passe de soixante-dix à quinze indicateurs ; peut-être aurait-on pu trouver un point d’équilibre entre ces deux extrêmes ?

Le COM 2016-2020 – sur lequel j’ai présenté, au mois d’octobre dernier, un rapport d’information à la commission des affaires culturelles – comportait des hypothèses robustes de financement de l’entreprise. Elles ont toutefois été partiellement remises en cause lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2017 qui a modifié l’impact de la TOCE. J’estime pour ma part que cette taxe ne constitue pas une ressource pérenne. En matière de taxe, il nous faut réfléchir à un élargissement de l’assiette.

Mon rapport d’information comportait déjà des questions sur la SVOD ou sur les chaînes comme France Ô, sur lesquelles vous apportez de réels éclaircissements. Je m’étais demandé si Maigret à Lyon ou Maigret à Clermont-Ferrand constituaient des productions à forte identité régionale ; vous nous avez fourni des éléments de réponse.

Une question reste toutefois pendante s’agissant de l’avenir de l’offre régionale de France 3, et plus spécifiquement des éditions locales. Le rapport d’exécution du COM pour l’année 2015 se félicite que les « journaux régionaux demeurent super-performants en termes d’audience. Ils permettent à France 3 d’être la deuxième chaîne la plus regardée sur le créneau très disputé de l’avant-soirée ». Si je me réjouis de ces résultats très satisfaisants, je ne peux que m’étonner que le sort des éditions locales de France 3, tout particulièrement celui des « éditions locales excentrées », soit à peine abordé dans le rapport d’exécution. Certaines éditions locales de France 3 se trouvent en grande difficulté, France Télévisions ne finançant pas leur diffusion par les box et les satellites. Or 40 % des foyers reçoivent la télévision grâce à ces équipements, et cette proportion augmente chaque année. Pour les éditions locales concernées, cela se traduit par une perte d’audience équivalente, alors même que ces programmes sont plébiscités par les téléspectateurs, demandeurs de télévision d’« hyperproximité ».

Dans mon département des Pyrénées-Orientales, ceux qui sont équipés de box ou de connexion par satellite ne reçoivent plus l’édition locale de France 3 Pays Catalan. Cela pose un vrai problème pour la visibilité de notre territoire. Dans certaines zones rurales se développe un sentiment d’abandon face à la désertion des services publics. Cela pose aussi un problème pour la diffusion des langues régionales. Cette situation est d’autant plus gênante que des chaînes privées parviennent, pour des coûts relativement réduits, à diffuser leurs programmes par le biais de ces équipements sur les mêmes bassins géographiques. Que comptez-vous faire pour que cette offre concurrente ne se substitue pas à la proposition de service public qu’attendent les téléspectateurs de France Télévisions ?

M. François de Mazières. Le groupe Les Républicains souhaite rendre hommage à Rémy Pflimlin. Grand patron de l’audiovisuel, il fut un homme de culture tout au long de sa carrière, mais aussi un grand Européen. Vous l’avez dit : c’est en grande partie à lui que nous devons les efforts de gestion du précédent COM.

Madame la présidente, votre engagement personnel est évident. Nous avons noté des améliorations. Je pense par exemple à l’accord conclu avec les producteurs, aux rapprochements avec les autres acteurs de l’audiovisuel public, ainsi qu’à ce que France Télévisions fait actuellement en matière de numérique. Tout cela est bien à mettre au crédit de votre équipe. Cependant, nous avons aussi entendu des propos qui sont un peu des contre-vérités : nous ne sommes pas à ce point à la traîne en matière de financement de l’audiovisuel public. Certes, deux pays nous devancent, l’Allemagne et l’Angleterre, mais nous sommes mieux placés en la matière que l’Espagne et que l’Italie. Le produit de la redevance n’est donc pas du tout négligeable, surtout si on lui ajoute la TOCE.

Nous avons encore des efforts à faire : le financement de l’audiovisuel public dérive depuis plusieurs années, alors que les crédits de la culture progressent moins. Mais l’effort doit être en rapport avec une politique culturelle globale : aujourd’hui, les recettes budgétaires de France Télévisions sont équivalentes à celles du reste du ministère de la culture. Si l’on devait y ajouter les sommes consacrées à tous les acteurs du secteur de l’audiovisuel, on dépasserait les 4 milliards d’euros !

Les efforts demandés par la Cour des comptes doivent porter sur le personnel. Vous l’avez rappelé, et nous espérons que vous pourrez tenir les engagements pris.

Des questions se posent sur la chaîne d’information. Vous venez vous-même de reconnaître qu’elle devait faire 0,3 % d’audience. Ce n’est pas beaucoup ! Certains de ses concurrents privés atteignent 2 %. Compte tenu des moyens de France Télévisions, on peut même dire que l’audience de la chaîne publique est très faible. Comment comptez-vous améliorer les choses ? Devant la commission des affaires culturelles, vous aviez affirmé que cette chaîne se construirait sans recrutement. Il semble pourtant que la moitié des 170 personnes qui y travaillent ont été recrutées à l’extérieur – les syndicats se sont manifestés lorsque vous avez cherché des candidats hors de l’entreprise.

Nous nous interrogeons aussi sur votre politique d’aide à la création. Nous sommes tous attachés au rôle fondamental joué par France Télévisions en matière de création culturelle. Toutefois, il n’y a pas que la fiction. Pour ma part, je suis frappé par la baisse de l’aide au spectacle vivant au cours de l’exercice 2015. Le volume de commandes a baissé de 17,8 % – il est même en recul de 25,5 % pour les premières diffusions. Les mêmes indicateurs sont en revanche en progression pour Arte, respectivement de 23,8 % et de 39 %. Au total, cependant, la place occupée par le spectacle vivant recule à la télévision publique : on passe de 433 heures diffusées en 2014, à 391 heures en 2015. Cela est dû au désengagement de France Télévisions, soit un recul de 65 heures, en dépit du volontarisme d’Arte. Madame la présidente, vous savez le rôle majeur joué par ces retransmissions pour le spectacle vivant en général. Peut-être une réforme est-elle nécessaire dans ce domaine ?

J’en viens à un problème évoqué à de multiples reprises : la transformation de l’assiette de la CAP. Les ministres successifs nous ont tous dit qu’une réforme était indispensable, mais, à ce jour, rien n’a été fait. Est-ce trop compliqué ? Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

M. Rudy Salles. Je veux d’abord m’associer à l’hommage rendu par tous à Rémy Pflimlin, qui a été un grand patron de l’audiovisuel, et un grand Européen, particulièrement sensible aux territoires. Je me souviens de nos échanges : il était toujours affable et accessible.

L’examen du rapport annuel d’exécution du COM de France Télévisions est toujours un moment important pour la commission des affaires culturelles. Le bilan et les perspectives tracées nous conduisent à être particulièrement vigilants, voire critiques. Ainsi, si l’audience du groupe est en hausse par rapport à 2014, depuis septembre 2016, les différents indicateurs sont alarmants. Selon Médiamétrie, en septembre, France 2 a enregistré la plus faible audience de son histoire, soit 12,5 %, c’est-à-dire 1,9 point de moins qu’il y a un an. Or, à la rentrée, la grille des programmes de la chaîne a été profondément modifiée. Pour donner un exemple, je ne parviens pas à comprendre que l’on rediffuse le dimanche après-midi, à un horaire qui réunit un public familial, une émission initialement programmée la veille, en troisième partie de soirée. Je pense que si le public ne suit pas, c’est qu’il y a des raisons.

Dans le même temps, nous avons appris dans la presse, il y a quelques semaines, le limogeage du directeur exécutif de France 2, Vincent Meslet, ce qui alimente certainement un climat interne difficile.

Nous estimons qu’il serait grand temps de restructurer non pas seulement la grille des programmes, mais aussi l’offre des différentes chaînes.

Si nous nous réjouissons que les objectifs relatifs au volume horaire mensuel moyen de programmes ultramarins sur France Ô soient largement atteints, ce canal souffre encore d’un vrai problème d’identification, ce qui ne met pas en valeur la richesse du patrimoine multiculturel des outre-mer.

Vous annoncez, dans le rapport d’exécution du COM, qu’en 2015 France 4 a affirmé son identité spécifique afin de devenir le média de service public des jeunes générations. Vous expliquez aussi que, durant la journée, la chaîne propose des programmes pour la jeunesse privilégiant les contenus qui considèrent l’enfant comme un citoyen plutôt que comme un consommateur, et que ces programmes visent à le divertir mais aussi à stimuler sa curiosité pour le monde. J’ai regardé cette chaîne et son cortège de Batman, d’Iron Man, de Ninjago, et j’en passe. Si l’on ne peut nier la qualité graphique de ces séries d’animation, je ne pense pas qu’elles participent à élever l’enfant au rang de citoyen. Pis, entre les programmes et les publicités qui leur font écho, les enfants sont totalement conditionnés à l’achat de produits dérivés. Finalement, ce bourrage de tête consumériste est terriblement efficace. Est-ce là votre méthode pour former les nouvelles générations de citoyens ?

Nous sommes attachés à France 3, seule chaîne de la TNT nationale à offrir aux téléspectateurs français des informations locales, de proximité. Les audiences nous inquiètent, mais je me félicite de la réflexion que vous mettez en œuvre afin de renforcer l’autonomie des régions et l’information locale. Certains de vos prédécesseurs s’y sont toutefois essayés ; nous attendons donc de voir les résultats.

S’agissant de France 2, nous restons sceptiques. La chaîne se prévaut de délivrer une offre de référence en termes d’information, de débat, de décryptage, de reportage et d’enquête, mais nous sommes parfois déçus par le contenu des émissions, et nous constatons surtout que cette chaîne généraliste fait en permanence une course à l’audience derrière les chaînes privées.

J’en viens à la nouvelle chaîne d’information en continu, Franceinfo. Alors que les recettes publicitaires du groupe sont en baisse et que le secteur de l’information continue est saturé, nous ne comprenons toujours pas les raisons qui sont à l’origine de la création de cette chaîne. Les mauvais résultats en termes d’audience semblent confirmer l’inopportunité de créer une nouvelle chaîne d’information. Après l’effet de curiosité, Franceinfo affiche 0,2 ou 0,3 % de part d’audience en moyenne, loin derrière BFM, iTélé ou même LCI, la nouvelle venue en clair. Madame la présidente, vous ne pouvez pas justifier cela par la diffusion sur le canal 27, car toutes les autres chaînes peuvent en dire autant : LCI se trouve sur le canal 26, et BFM TV et iTélé sur les canaux 15 et 16. Faut-il diffuser Franceinfo sur le canal 1 pour que la chaîne obtienne de bons résultats ?

Les chiffres sont opaques et dénotent une absence de transparence dont témoigne la mise en place de cette chaîne qui devait initialement être diffusée uniquement par le biais d’une application. En commission, nous n’obtenions pas de réponse lorsque nous vous interrogions sur son passage à la TNT : vous vous contentiez de nous dire que nous allions vers un nouveau format… Alors que Michel Field reconnaît lui-même que l’audience de la chaîne est pour l’instant « très faible », vous comprendrez que la question de son avenir se pose avec une acuité toute particulière.

Notre souci constant est de nous assurer que l’argent public est bien utilisé, et que la position particulière de l’audiovisuel public est confortée. Or l’éparpillement des ressources dû au nombre pléthorique de chaînes nous laisse particulièrement sceptiques. Nos inquiétudes ne sont d’ailleurs pas infondées puisque la Cour des comptes a récemment dressé un constat alarmant sur France Télévisions. Elle juge notamment que le groupe n’a pas été en mesure de réduire significativement ses effectifs permanents et que la maîtrise des dépenses est déficiente.

Mme Gilda Hobert. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste souhaite à son tour rendre hommage à Rémy Pflimlin.

Madame la présidente, nous vous remercions pour la clarté de votre présentation de ce COM. Les audiences de France 2 baissent, mais l’audimat semble frémir, même si cette évolution reste à confirmer. Il faut reconnaître votre refus de prêter une allégeance absolue au diktat de l’audience et votre volonté de diffuser une programmation variée, notamment sur France 2. On peut également apprécier la qualité des autres chaînes, chacune ayant sa particularité. On est en droit d’attendre du service public qu’il s’intéresse à tous les publics et leur propose des programmes diversifiés et enrichissants. Vous avez d’ailleurs parlé de grandeur, et l’on ne peut que souscrire à cette ambition. Votre souhait de vous ouvrir sur le monde est réjouissant et se traduit par des programmes thématiques, mais également par votre attention à l’action éducative, la culture, la musique et le soutien à la création.

En effet, 404 millions d’euros ont été investis en 2015 dans la création audiovisuelle, soit 4 millions de plus que l’avenant au COM ne le prévoyait. Néanmoins, elle enregistre une baisse continue depuis 2012, ce qui pose des questions pour le futur. Bien que vous ayez déjà abordé le sujet, pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet de soutien à la création et au spectacle vivant ?

Le virage numérique s’accélère, puisque le nombre de visites augmente de 7 % par mois ; 37 % de la population internaute possédant trois écrans a été atteinte en 2015, ce qui montre tous les efforts réalisés. La multidistribution portée par Franceinfo semble également une orientation positive. Un site internet, une application, une chaîne d’information en continu et une chaîne de radio permettent de toucher un large éventail de la population. À ce propos, le lancement de cette chaîne d’information répond-elle à vos attentes, notamment par rapport à BFM TV et à CNews ?

Je comprends la nécessité de consentir des investissements pour pérenniser l’offre de SVOD, qui est soumise à une concurrence importante et qui permettra, d’ici à quelques années, de dégager de nouvelles recettes. Néanmoins, l’accès payant à certaines rediffusions ne risque-t-il pas de limiter la visibilité des contenus dont vous avez acquis les droits ?

La Cour des comptes invite l’entreprise publique à engager un travail économique structurel. Malgré l’octroi d’aides exceptionnelles, vous devez faire face à une diminution des ressources publiques et des recettes publicitaires, ce double mouvement étant quelque peu compensé par la montée en puissance du numérique et les événements sportifs de l’été.

Comment expliquer que la trésorerie de 191 millions d’euros en 2011 accuse un déficit de 19 millions à la fin de l’année 2015 ? Vous prévoyez des économies de près de 70 millions d’euros, mais ne risquez-vous pas de placer le groupe dans une spirale négative ? Vous souhaitez développer les recettes de diversification, notamment à travers les offres numériques, mais cela sera-t-il suffisant ?

Le rapport d’exécution du COM m’a alarmée en ce qui concerne la diminution des budgets des programmes régionaux de France 3, qui mettrait à mal un formidable vecteur de proximité répondant à une demande importante de nos concitoyens. Vous avez évoqué le doublement des programmations régionales et l’accroissement de la proximité, mais nous resterons vigilants sur ce sujet.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je voudrais m’associer à l’hommage rendu à Rémy Pflimlin, qui a laissé une marque importante à France Télévisions grâce aux évolutions qu’il a insufflées.

Lors de notre rencontre précédant le vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, je vous avais dit que je ne défendrais pas l’augmentation de 2 euros de la redevance audiovisuelle. Je remercie mes collègues de m’avoir suivie et d’avoir ainsi évité que les ménages français ne soient trop ponctionnés. Le Gouvernement avait promis, l’an dernier, que la hausse de la redevance serait limitée à 1 euro. Il est normal que cet engagement soit respecté. Dans le même temps, nous avons fait en sorte qu’une part supérieure de la TOCE puisse être versée à France Télévisions.

À la page 6 de votre rapport d’exécution, vous écrivez que « l’identité de France 3 repose sur deux piliers : l’ancrage régional et la culture populaire ». Pourquoi, alors, n’avez-vous pas présenté d’offre pour TV Toulouse, que BFM a remportée puisqu’elle était la seule candidate ? Cette inaction, que je trouve étonnante, voire scandaleuse, entre en contradiction avec votre objectif d’ancrage territorial.

Comment envisagez-vous la déclinaison de France 3 dans les territoires ? Allez-vous épouser la carte des treize nouvelles régions ? Quel positionnement voyez-vous pour France Télévisions ?

Je n’ai pas trouvé de définition d’objectifs pour Arte : comment comptez-vous exercer votre mission d’actionnaire pour renforcer cette chaîne ? Quels objectifs et quels moyens lui donnerez-vous en lien avec nos partenaires allemands ?

Mme Martine Martinel. En demandant si la France avait besoin d’une télévision publique, le président Bloche posait une question rhétorique : nous sommes tous convaincus qu’il lui en faut une !

Madame Rabault, BFM TV a quitté hier le réseau des chaînes locales de Toulouse.

Le 10 décembre 2015, France Télévisions a signé avec les principaux syndicats de producteurs audiovisuels un accord destiné à favoriser l’exportation des fictions françaises, notamment les séries : un an plus tard, où en est France Télévisions dans sa mise en œuvre ? A-t-il déjà eu un impact sur l’exportation des fictions ?

La Cour des comptes a dressé un bilan assez sévère de la politique conduite par France Télévisions entre 2009 et 2015, en évoquant notamment une réorganisation inaboutie, une gestion insuffisamment rigoureuse et une situation fragilisée. Comment avez-vous reçu ce rapport et quelles conclusions en tirez-vous pour la gestion du groupe ?

Depuis la rentrée de septembre, les audiences de France Télévisions ne sont pas toujours très bonnes, surtout pour France 2 l’après-midi. Comment comptez-vous remédier à ce problème ?

M. Patrick Hetzel. Je voudrais à mon tour rendre hommage à Rémy Pflimlin, qui fut un grand homme de médias et un Européen convaincu. Il a commencé sa carrière dans la presse quotidienne, avant de laisser son empreinte à France Télévisions.

La Cour des comptes suggère de réorganiser le périmètre des réseaux régionaux et recommande de les calquer sur la nouvelle carte régionale française. Ces réseaux n’ont pas tous la même audience, France 3 Alsace connaissant, par exemple, des taux d’audience extrêmement élevés. Quelle évolution voyez-vous pour ce réseau, notamment dans la région Grand Est ?

La Cour des comptes souhaite que le nombre de réseaux régionaux diminue et qu’ils soient dotés d’un statut de plein exercice leur permettant de conclure des accords avec les collectivités territoriales. Quelles sont vos orientations en la matière ?

M. Stéphane Travert. Je voudrais également saluer la mémoire de Rémy Pflimlin, que j’ai rencontré à de nombreuses reprises lorsqu’il présidait le groupe France Télévisions.

Madame la présidente, nous vous remercions de votre présence et d’avoir rappelé que le maillage territorial de France Télévisions constituait l’une de ses principales forces ; fort de 116 implantations, le service public remplit sa mission de proximité. Les salariés du groupe sont attachés à leur métier, à leur chaîne et à leur territoire, dans lequel ils sont totalement immergés.

France 3 doit montrer l’innovation de nos territoires dans les domaines de l’économie, de la recherche ou de la culture. Comme vous l’avez dit, réformer France 3 est une tâche difficile, et beaucoup considèrent que cette chaîne a toujours été le parent pauvre des politiques audiovisuelles. Je constate avec plaisir que cette tendance s’inverse. Vous avez supprimé les pôles qui bloquaient la fluidité, l’énergie et la volonté de création des équipes. La nouvelle carte régionale modifie l’organisation de l’information dans les territoires. Comment faire exister durablement ces treize nouvelles unités éditoriales ? Comment assurer la nécessaire transversalité de chaînes qui pouvaient auparavant émettre dans deux régions distinctes, ainsi que l’exigence de proximité de l’information locale ? Comment garantir aux salariés leur pleine place dans cette nouvelle architecture ?

Après les violentes critiques qu’a essuyées France Télévisions il y a quelques semaines, il est nécessaire de témoigner aux équipes la grande confiance qu’elles nous inspirent. Elles connaissent leur métier et ne demandent qu’une chose : faire vivre le service public audiovisuel. Il faut leur laisser la possibilité de porter de nouveaux programmes et d’accompagner de nombreux décrochages régionaux.

Je tiens à saluer la nouvelle chaîne d’information, qui fait preuve de diversité et porte un regard nouveau sur l’actualité, mais également votre travail, votre écoute et votre engagement pour faire vivre l’audiovisuel public, madame la présidente.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, dans son rapport, la Cour des comptes met en lumière « certaines pratiques contestables en matière d’achat de programmes » et cite, à la page 94, une liste non limitative d’exemples. Ainsi, des membres de la famille d’un responsable de programme sont intervenus dans la réalisation d’une production commandée par celui-ci ; un responsable de programme a créé son entreprise de production après avoir quitté France Télévisions et a reçu des commandes pour 1,9 million d’euros dès l’année suivant son départ de l’entreprise ; un cadre du groupe a rejoint un fournisseur important de France Télévisions un an après avoir quitté l’entreprise ; un ancien président a renoué des relations contractuelles avec France Télévisions au titre d’une émission connue, sans que le conseil d’administration en soit informé malgré la sensibilité du sujet.

Dans l’avenant au COM de novembre 2013, il était prévu que des règles d’éthique et de transparence « devaient être mises en place ». Trois ans plus tard, aucun code de déontologie n’a été élaboré. La quatorzième préconisation de la Cour des comptes demande à France Télévisions d’établir sans délai un code de déontologie. Où en êtes-vous de ce travail et quand ce code sera-t-il publié ? Avez-vous pris des sanctions et des mesures pour faire cesser ces pratiques contestables ?

Dans sa vingtième préconisation, la Cour des comptes souhaite que « France Télévisions fournisse sans tarder à l’État le coût complet de la chaîne d’information en continu » du groupe. La Cour note que ce projet a été conduit à marche forcée et que son coût en année pleine ne sera connu qu’en 2017. Doit-on comprendre que l’on s’est lancé dans cette affaire sans en connaître le coût en année pleine ? La Cour ajoute en outre que la chaîne présente un risque sérieux de dérapage financier.

La Cour des comptes suggère de prendre des mesures très fortes : réduire le nombre d’antennes de France 3 de vingt-quatre à treize, ce qui semble être votre ligne, et étudier l’option d’un rapprochement entre le réseau régional de France 3 et le réseau France Bleu, comme cela a été fait pour les médias d’outre-mer. Que pensez-vous de cette proposition ?

Mme Aurélie Filippetti. J’ai une pensée très émue pour Rémy Pflimlin avec qui j’ai eu la chance de travailler et qui nous a quittés de manière très brutale. Homme de télévision et de culture, amoureux de musique – que l’on pense au festival Musica à Strasbourg –, et du spectacle vivant –, il avait d’ailleurs participé au festival d’Avignon.

Madame la présidente, vous avez repris sa difficile mission, souvent soumise à des injonctions contradictoires, émises en particulier depuis notre hémicycle. Je tiens à dire que, contrairement à certaines affirmations, France Télévisions a contribué aux efforts budgétaires plus que n’importe quelle autre entreprise de l’audiovisuel public. La subvention que lui verse l’État a chuté après que ses recettes publicitaires ont plongé, et le groupe a perdu 50 millions d’euros entre 2012 et 2016 ; cette situation a entraîné une importante réorganisation de l’entreprise et une diminution très sensible de ses effectifs.

Je salue l’augmentation de la part des productions locales dans la grille de France 3, mais la réforme territoriale pose des questions, notamment celle de l’avenir des anciennes régions ayant fusionné pour en constituer de plus grandes. Notre collègue Patrick Hetzel a évoqué le cas de l’Alsace, mais la Lorraine et la Champagne-Ardenne ont également une identité et des spécificités à préserver. Vous devrez veiller à ce que la dimension infrarégionale ne soit pas oubliée dans les treize grandes régions.

Qu’en est-il de la réorientation de France 4 vers la jeunesse, à laquelle je suis très attachée ?

Avec quels partenaires comptez-vous travailler pour développer le Netflix français ?

Mme Dominique Nachury. L’année 2015 marque pour France Télévisions le retour à l’équilibre financier, l’entreprise ayant même dégagé un léger excédent. Cependant, votre rapport d’exécution de l’exercice 2015 et le rapport de la Cour des comptes contredisent tellement ce constat que l’on a l’impression de parler de deux entreprises différentes, ce qui s’avère un peu gênant. Qui faut-il croire ?

En 2015, vous avez déclaré que l’on avait une télévision d’hommes blancs âgés de plus de cinquante ans et qu’il fallait que cela change. Or les remplacements médiatisés ont principalement bénéficié à des hommes blancs de plus de cinquante ans. N’y a-t-il pas de contradiction entre les paroles et les actes ?

Enfin, France Télévisions a récemment annoncé la tenue de vingt-six rencontres avec des téléspectateurs dans vingt-deux villes. La première s’est déroulée hier au siège du groupe : peut-on en savoir plus et pourra-t-on connaître les résultats de ces rencontres et leurs enseignements pour l’avenir ?

M. Jean-Pierre Allossery. Malgré les difficultés que connaît France Télévisions, la masse salariale a augmenté de plus de 5 millions d’euros entre 2014 et 2015, alors que 305 postes ont été supprimés. En quoi la masse salariale est-elle aujourd’hui maîtrisée, comme le proclame le COM ?

Mme Véronique Louwagie. Selon la Cour des comptes et conformément aux propos de certains de mes collègues, France Télévisions n’a pas été en mesure de réduire significativement ses effectifs permanents et de suffisamment contrôler son recours à l’emploi non permanent. Vous avez affirmé vouloir réduire les effectifs de 500 personnes dans la période couverte par le COM, et je me réjouis de votre méthode consistant à ne pas remplacer la moitié des départs en retraite et à travailler autrement en procédant à des réorganisations, preuve que ces évolutions sont possibles.

Le réseau régional de France 3 a subi un décrochage en termes d’audience, qui nourrit l’inquiétude des journalistes et des salariés. La réorganisation dont vous avez parlé est calquée sur la réforme territoriale et repose sur une diminution du nombre d’antennes. La Cour des comptes invite à réfléchir à la définition d’une nouvelle stratégie ; en effet, au-delà de la réorganisation territoriale, aucune orientation ne semble être donnée à ce réseau qualifié de dispendieux pour lui permettre de renaître et d’accroître son audience.

Depuis l’avènement du numérique, le contrôle de l’audiovisuel hexagonal revient aux fournisseurs d’accès : ne devrait-on pas traiter la question du déséquilibre existant entre les opérateurs audiovisuels et numériques ? Cette situation n’empêche-t-elle pas France Télévisions d’atteindre ses objectifs ?

M. Hervé Féron. Je pense à Rémy Pflimlin, homme de qualité que j’avais rencontré à plusieurs reprises, notamment à Avignon et à Cannes, et qui faisait montre d’une grande capacité d’écoute.

Nous nous réjouissons que France Télévisions prenne avec succès le virage numérique, comme en atteste la réussite du site francetvinfo.fr qui permet d’atteindre de nouveaux publics, particulièrement les jeunes, réceptifs à l’information en continu et aux outils numériques.

De nombreuses personnes restent attachées à la télévision et, notamment, aux journaux télévisés locaux. Ces derniers couvrent l’ensemble du territoire et assurent quotidiennement des missions importantes de service public de proximité ; ils donnent en effet la parole aux acteurs locaux et montrent les spécificités de chaque territoire. Avec la fusion des régions et la naissance de grands ensembles, les professionnels et les usagers de ce service public craignent que des éditions locales ne soient supprimées et que France 3 ne diffuse plus qu’un seul journal par région. Ce serait très grave, tant pour les salariés qui perdraient leur emploi, que pour le service public de l’information qui souffrirait d’un grand appauvrissement. France 3 Régions ne pourrait plus prétendre refléter les régions, alors que les bassins de vie régionaux sont suffisamment denses et riches pour fournir des informations détaillées. Madame la présidente, vous affirmez vouloir renforcer l’ancrage régional, mais vous parlez également d’un contexte économique contraint : qu’entendez-vous par « réforme des structures » ? Vous évoquez l’émergence de treize directions régionales et dites vouloir laisser de l’autonomie aux régions ; il me paraît essentiel de maintenir les rédactions actuelles et de rassurer professionnels et téléspectateurs.

France Télévisions mène des politiques ambitieuses en faveur de la création audiovisuelle et de la diversité du cinéma, mais fait très peu pour la musique et presque rien pour les artistes émergents de la création française. Le COM indique que soixante-seize jeunes artistes ont fait leur première apparition sur France Télévisions, mais, rapporté au nombre de jours dans une année et à celui des chaînes du groupe, ce chiffre est faible. Contribuer à la valorisation du patrimoine culturel français auquel appartient la nouvelle chanson française n’est-il pas une véritable mission de service public ?

Mme Annie Genevard. Les actions éducatives de France Télévisions s’inscrivent pleinement dans la vocation du service public ; comment sont orientés les budgets consacrés au secteur éducatif ? La demande de vidéos destinées aux enseignants et aux élèves croît-elle ? Connaît-on le nombre d’enseignants utilisant ces VOD ? Quel retour qualitatif en avez-vous au moment où l’enseignement par voie numérique se développe ? Envisagez-vous de développer ce secteur, y compris budgétairement ? 

Mme Colette Langlade. Madame la présidente, il était important de vous entendre énumérer tout ce que le groupe France Télévisions a accompli en 2015. On sous-estime souvent l’apport d’un grand service public et gratuit de télévision dans notre pays.

Sous votre impulsion, France 2 a renouvelé un grand nombre de ses programmes, notamment ses magazines de l’après-midi. Si les audiences restent pour le moment en retrait, ces changements ont permis de moderniser et d’enrichir la chaîne, en mettant en avant des talents émergents et en renouvelant son offre – je pense notamment à la création d’une émission quotidienne de décryptage de l’actualité à dix-huit heures.

Même si les audiences de l’après-midi sont stratégiques pour les revenus publicitaires du fait de la suppression de la publicité après vingt heures, les chiffres ne peuvent constituer l’unique critère d’évaluation d’un programme. Vous avez annoncé la mise en place d’un outil de satisfaction, Qualimat, mesurant l’appréciation de la qualité des programmes par les téléspectateurs. Cet instrument s’avère-t-il utile ?

Mme Virginie Duby-Muller. Je tiens à rendre hommage à Rémy Pflimlin, grand homme de l’audiovisuel public, que nous regretterons.

Madame la présidente, dans le COM 2016-2020, la volonté de conduire rapidement la mutation numérique de France Télévisions apparaît très clairement, et je salue cette orientation.

Vous souhaitez augmenter le volume de créations en investissant davantage. La création originale française doit en effet changer de dimension, et ses acteurs ne sont pas encore assez puissants pour faire face à la concurrence internationale. En matière de fiction, la France a rattrapé une partie de son retard et commence à compter dans l’univers des séries, quoique encore insuffisamment. Nos séries doivent conquérir le monde, et leur production doit encore progresser en matière de rythme de fabrication et donc d’industrialisation. La production de fictions a longtemps bénéficié d’un statut à part et d’un mode de financement spécifique : cette situation ne trouve-t-elle pas aujourd’hui ses limites ? Ne doit-on pas adapter ce modèle économique pour industrialiser la création ? Quelles sont vos recommandations pour aider les créateurs français, notamment de fiction, à devenir des leaders mondiaux ? Pensez-vous soutenir les formats de flux, plus faciles à exporter que les séries ?

Le COM propose un projet de réorganisation de France 3 visant à inverser son cahier des charges pour la transformer en chaîne régionale avec un tronc commun national, où la place des programmes construits régionalement serait doublée. Comment envisagez-vous l’avenir à long terme de l’information régionale et locale ? Quel calendrier entendez-vous suivre ? Les économies réalisées sur les ressources humaines avec le non-remplacement des départs en retraite seront-elles harmonieusement réparties dans le pôle central et dans l’ensemble des chaînes ?

La chaîne d’information en continu émet depuis le 1er septembre ; elle est intéressante, car elle propose des analyses en profondeur, mais elle reste encore trop méconnue. Quelle est votre ambition pour elle ? Quelles sont les grandes étapes à venir pour cette chaîne ?

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a renforcé les obligations d’accessibilité des personnes handicapées à tous les médias visuels et audiovisuels. Quelles mesures avez-vous prises à France Télévisions pour appliquer ce texte ? Comment améliorer en France la qualité des traductions, des sous-titrages et des audiodescriptions ?

Mme Valérie Corre. Il est nécessaire de préserver une programmation sportive diversifiée et de garantir l’accès gratuit du grand public aux événements sportifs. Le rapport d’exécution publie des chiffres positifs pour l’année 2015 : les téléspectateurs ont bénéficié de plus de 829 heures de direct et de 27 disciplines sportives différentes.

L’inflation des droits sportifs contraint le groupe France Télévisions à renoncer à la conquête de nouveaux droits et à privilégier la défense des grands événements sportifs qu’il diffuse déjà. Dans le contexte budgétaire contraint que connaît l’entreprise, je m’interroge sur sa capacité à tenir cet objectif et à être compétitive sur le marché des droits sportifs pour une compétition comme Roland-Garros.

Lors de l’examen de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, j’ai défendu un amendement qui proposait que les événements sportifs internationaux organisés dans notre pays soient prioritairement retransmis sur une chaîne gratuite. Le sénateur David Assouline vient de remettre au Gouvernement un rapport dans lequel il suggère également plusieurs évolutions. Quelle est votre opinion sur ce sujet, madame la présidente, et quelles sont les perspectives d’avenir de France Télévisions en la matière ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, le débat sur l’augmentation de 1 ou 2 euros de la redevance audiovisuelle a montré qu’il était nécessaire d’avoir, comme vous l’avez très bien dit, une gestion rigoureuse, car il s’agit du service public. On ne pouvait plus accepter les dérives du passé. Votre volonté de revenir à un équilibre budgétaire assoit la crédibilité du service public.

L’offre de programmes pour la jeunesse est assez diversifiée, mais une confusion peut apparaître entre France 3, qui diffuse des émissions pour ce public le matin, et France 4 qui est orientée vers lui : ne pourrait-on pas rassembler ces programmes sur une seule chaîne ?

Votre volonté de réduire le nombre des antennes de France 3 pour les faire correspondre aux nouvelles régions créera une difficulté pour vos équipes, qui devront trouver des thématiques embrassant l’identité de territoires très vastes. Cette politique s’appliquera-t-elle bien à enveloppe budgétaire constante ?

Mme Maud Olivier. Madame la présidente, permettez-moi de vous féliciter pour votre action en faveur de la mixité et de la plus juste représentation des femmes sur les chaînes de France Télévisions. On lit dans le rapport d’exécution du COM que 45 % des chroniqueurs et des présentateurs, la moitié des présentateurs de journaux télévisés et de magazines d’information et 30 % des experts sont des femmes. On n’est pas encore à la parité, mais ces chiffres marquent un net progrès. Aussi, je m’étonne que France Télévisions n’ait pas signé la convention pour une communication publique sans stéréotype de sexe du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Je suis certaine qu’il s’agit d’un oubli qui ne tardera pas à être réparé, car ce texte comporte des dispositions très utiles comme l’élimination de toutes les expressions sexistes et la nécessité de parler « des femmes » et non « de la femme », ou de la « journée internationale des droits des femmes » et non de la « journée de la femme ».

Le rôle de France Télévisions dans la lutte contre le sexisme est fondamental, alors que les chaînes privées y sombrent trop souvent. France Télévisions a une fonction importante d’éducation ; vous en avez d’ailleurs pris la mesure en multipliant les documentaires et les débats. Je tiens à attirer votre attention sur l’éducation à la sexualité, que la télévision aborde très peu et que les chaînes privées traitent très mal. Le sexe s’avère très présent à la télévision, mais l’angle choisi est souvent sexiste, dévalorisant pour les femmes et dénué de toute pédagogie. Il serait intéressant de développer des émissions didactiques qui s’adresseraient aux jeunes et qui pourraient constituer un support d’accompagnement pour les parents et les enseignants.

En tant que membre de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, j’attire votre attention sur l’importance de la place de France Télévisions dans la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Dans notre rapport Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles, le sénateur Jean-Pierre Leleux et moi-même avons élaboré des recommandations, parmi lesquelles la diffusion d’une courte émission traitant un sujet scientifique, technique ou industriel sur le modèle de l’émission D’art d’art, d’un programme court et ludique pour les enfants, d’une émission spéciale ou d’une retransmission de prix de la médiation des doctorants au titre du concours 120 secondes pour présenter une thèse, ou d’un feuilleton grand public mettant en scène les métiers de l’industrie comme la série Chefs le fait pour la cuisine.

Tels sont les sujets à propos desquels j’aimerais connaître votre vision et vos projets pour France Télévisions.

M. Guénhaël Huet. Je souhaite vous interroger sur la diffusion des grands événements sportifs que vous évoquez à partir de la page 42 de votre rapport d’exécution 2015. Si le service public de télévision continue d’offrir des retransmissions sportives diversifiées et consacre une place au sport féminin et au handisport, on ne peut nier que des inquiétudes se font jour. Sachant que les droits de retransmission de la Ligue 1 de football en France s’élèvent à quelque 1 milliard d’euros, et ceux de la Premier League anglaise à plus de 2 milliards d’euros, la diffusion d’un certain nombre d’événements sportifs risque, malgré tous vos efforts, d’échapper peu à peu au service public. Certains présidents de Ligue 1 ou de la Ligue de football professionnel expliquent se trouver dans une situation délicate par rapport aux championnats étrangers. Quel est votre avis sur ce sujet ? Les dispositions législatives vous semblent-elles suffisantes ? Faut-il laisser les offres se faire, au risque que, dans quelques années, et même si vous avez sécurisé quelques événements sportifs, il soit beaucoup plus difficile de retransmettre certaines épreuves ? Je rappelle que le tour d’Italie cycliste, le Giro, a échappé à la RAI alors qu’il s’agit d’un événement très populaire en Italie, et que c’est maintenant beIN sports qui le retransmet.

M. Jean Lassalle. Je salue Mme la présidente de France Télévisions et son équipe. Je me réjouis de vivre dans un pays qui possède un réseau aussi puissant que celui-ci, et j’espère que, au-delà des crises, nous pourrons le perpétuer longtemps. Nombre de pays nous envient. Je me réjouis également de voir France Télévisions fonctionner sans heurts, sans claquements de portes, depuis près de deux ans. Pourtant France 2 n’y était pas tellement habituée. C’est rassurant dans un contexte qui ne l’est pas beaucoup.

Je suis heureux de voir France Télévisions s’ouvrir à nouveau à la langue en général, et au français en particulier, à la culture, au spectacle vivant, et à la promotion des jeunes, même si les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous.

Je souhaite que l’on n’éloigne pas trop France 3 des hommes qui vivent dans les territoires. Ce n’est pas parce que nous avons perdu la tête pendant quelque temps que la télévision publique est obligée de nous imiter. Plus les territoires sont vastes, plus les femmes et les hommes qui y vivent ont le sentiment d’être abandonnés.

Enfin, nous devons nous demander si le fait médiatique ne pose pas problème. Sachant que 50 % des Français s’abstiennent, que la moitié de ceux qui s’expriment votent Front national, blanc ou nul, il reste 25 % pour les partis démocratiques que nous représentons. C’est ainsi que nous venons de vivre à la télévision trois mois palpitants, avec des émissions sur la primaire de la droite et du centre ! Nous assistons par ailleurs au sensationnel voyage de M. Macron pour sa levée de fonds aux États-Unis, à tous les combats de François Bayrou pour essayer de se présenter, aux difficultés des socialistes et au deuil vivant de François Hollande, et nous voyons M. Mélenchon et les communistes, et Mme Le Pen dont on dit qu’elle peut être très dangereuse ! En dehors de cela, au pays des droits de l’homme, au pays du peuple qui s’est déclaré souverain, il n’y a plus de place pour personne, et en disant cela je ne parle pas uniquement de moi. Une collègue me disait, il y a quelques jours : « Mais que représentes-tu ? » Que représente l’homme ou la femme qui met en garde avant que l’orage n’éclate ? Je vous invite à regarder les autres idées qui s’expriment en face, à travers notamment les réseaux sociaux. Il n’y a pas que la télévision. J’ai écrit cinq lettres ouvertes au journal Le Monde : aucune n’a été publiée.

Monsieur le président, vous aurez, d’ici au mois de mars, le temps de vous remettre de ma longue, de ma trop longue intervention, d’ailleurs certainement inutile.

M. le président Patrick Bloche. Vingt-huit députés sont intervenus. Pour évoquer des références qui vous parlent, madame la présidente, je dirai que c’est un très bon score d’audience ! (Sourires.)

Mme la présidente de France Télévisions. Mesdames, messieurs les députés, vous avez été nombreux à m’interroger à propos de France 3. Comment trouver un équilibre entre la contrainte financière, qui s’impose à cette chaîne comme à tout le groupe France Télévisions, et la nécessité d’être au plus près des téléspectateurs ? Il convient d’abord de distinguer l’antenne de la structure de décision : ainsi, nous conservons les vingt-quatre antennes actuelles et ne remettons pas en cause le maillage territorial. Nous continuerons donc d’avoir vingt-quatre journaux régionaux. Cependant, nous nous dotons de treize structures de décision, qui pourront produire, par exemple, treize magazines.

Dans l’idéal, il faudrait que nous soyons encore plus petits, car plus on colle à la réalité d’un territoire, plus on est précis et plus on est capable d’apporter aux gens ce qu’ils attendent : une vraie proximité. Mais nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de faire quarante-six, soixante ou quatre-vingts antennes. Nous devons donc nous organiser en ayant conscience de nos moyens limités.

En ce qui concerne les bureaux excentrés, il est également nécessaire de conserver le maillage du territoire : les journalistes et les équipes techniques doivent être déployés sur le terrain et ne peuvent pas être tous regroupés dans la capitale régionale. Ce serait une erreur de penser que la régionalisation, c’est la centralisation dans la capitale régionale. Les éditions locales durent sept minutes et sont diffusées tous les soirs. Ces éditions doivent-elles être diffusées sur une maille plus large que la maille locale ? C’est une question purement éditoriale. Les éditions locales continueront de vivre et bénéficieront de moyens pour rendre compte de l’actualité.

Je me suis engagée à contenir les effectifs et le budget de France Télévisions, mais j’ai une marge de manœuvre qui me permet d’affecter une part du budget national dans les antennes locales. Nous avons certes un enjeu financier de masse salariale, mais pas forcément d’effectifs, même s’il y a un lien évident entre les effectifs et la masse salariale.

Madame la rapporteure générale, vous m’avez dit à plusieurs reprises avoir été scandalisée que nous n’ayons pas répondu à l’appel d’offres lancé sur Toulouse. En fait, cela ne nous a même pas traversé l’esprit, parce que France 3 est déjà présente dans le Midi et que nous ne pouvons pas détourner des moyens de France 3 antenne locale vers un France 3 métropole Toulouse. Cela se ferait au détriment du reste de la région. Aujourd’hui, nous sommes bel et bien présents à Toulouse, et nous n’avons pas le sentiment d’en être absents. Si un autre appel d’offres est lancé pour une autre métropole, nous ne répondrons pas davantage. Il ne s’agit pas de mépris de notre part, car nous sommes présents au plan régional, mais nous n’avons pas les moyens d’avoir à la fois une télévision de plein exercice à Lille et France 3 Hauts-de-France.

En revanche, nous sommes tout à fait ouverts, dans les différentes régions, à des partenariats avec la presse, des télévisions privées ou d’autres acteurs publics. J’examinerai avec une grande bienveillance tout projet de coopération, tant avec des acteurs publics que des opérateurs privés, comme nous l’avons fait au niveau national avec Franceinfo, car nous pensons qu’il faut encourager ces projets communs.

Vous m’avez interrogée sur le coût de la chaîne d’information et son audience. Oui, nous trouvons que 0,3 % d’audience, c’est très bien. Lorsque BFM TV a démarré, son audience ne s’est pas établie tout de suite à 3 %. Une chaîne de télévision met des années à s’installer : c’est une réalité. Pour tout vous dire, je pensais que notre audience de départ serait de 0,1 %. Je suis donc très contente.

Quant à son coût, il faut savoir que cette chaîne n’est pas une entité juridique. Il faut la voir comme une édition supplémentaire, tels le 20 heures, le 19/20, le 12/13 ou le 13 heures. Elle a juste la particularité d’être une édition permanente. Il n’est pas plus aisé de calculer le coût complet de cette chaîne que de connaître celui du 20 heures ou du 12/13. Prenons l’exemple de Jean-Paul Chapel qui, tous les matins à neuf heures vingt, fait un billet économique sur Franceinfo et le soir un papier dans le cadre du 20 heures. Combien pèse-t-il dans la chaîne et dans le 20 heures ? Faut-il le couper en deux ? Comme cette chaîne s’appuie sur les rédactions existantes, celles de France Télévisions ou de Radio France, ce serait une usine à gaz que de décider que chaque intervenant compte pour tant. Nous avons donc raisonné autrement : pour maîtriser le coût de cette chaîne, nous devons maîtriser le surcoût, c’est-à-dire les recrutements supplémentaires, les investissements supplémentaires, les coûts d’exploitation du plateau. À cet égard, j’ai toujours été claire : j’ai indiqué que cette chaîne se ferait à 50 % par redéploiement et à 50 % par recrutements externes. À l’horizon de 2018, nous atteindrons bien cet objectif. Nous n’avons pas recruté plus de quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-sept personnes.

Nous avons trois objectifs avec cette chaîne : nous voulons être un média numérique de référence, être numéro un avec Radio France, faire progresser les audiences de la radio France Info et celles de cette nouvelle chaîne.

S’agissant du numérique, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’offre commune entre France Télévisions et Radio France permet que le total des visites surpasse l’addition de nos deux sites antérieurs. Cela veut dire que l’union fait la force. Nous voyons que notre empreinte numérique croît à vitesse grande V, à la fois sur notre application, notre site, mais aussi sur Facebook, Tweeter, Snapchat, et c’est notre objectif prioritaire. Demain – c’est déjà un peu le cas aujourd’hui –, c’est sur son smartphone que l’on consommera l’information.

J’en viens à la SVOD. Au sein de France Télévisions, notre filiale, France Télévisions distribution (FTD), édite et vend des DVD. Nous savons bien que les contenus seront dématérialisés et que ce support va disparaître – notre chiffre d’affaires est d’ailleurs en baisse –, pour être remplacé par la vidéo à la demande par abonnement ou l’achat à l’acte. Nous ne sommes pas en train d’inventer un nouveau modèle, mais de nous adapter à la révolution numérique, car nous voulons exister et peser sur ce marché. Il s’agit d’une nouvelle activité qui utilise des actifs qui ne sont pas les nôtres et qui appartiennent, dans leur grande majorité, aux producteurs. Il n’est pas question de rendre payants des contenus qui sont aujourd’hui gratuits, mais de conclure une alliance avec ceux qui possèdent les droits, c’est-à-dire les producteurs, pour exposer et construire une offre qui ne nécessite pas de grands besoins de financement, parce que France Télévisions n’en a pas les moyens. Notre trésorerie étant négative – c’est un héritage du passé –, il faut éviter de creuser cet écart, et peut-être même céder des actifs pour revenir à une trésorerie positive.

Depuis un an, nous avons négocié avec les producteurs : nos relations sont très bonnes, car nous tenons nos engagements. Il ne faut pas oublier que l’argent de France Télévisions vient irriguer un écosystème bien plus large que notre seul groupe. La redevance, ce ne sont pas seulement des emplois à France Télévisions, mais des auteurs, des réalisateurs, des créateurs, soit 100 000 emplois. C’est avec eux que nous réaliserons ce service, dont nous vous reparlerons dans le détail dès que nous aurons un business plan plus précis.

Le rapport de la Cour des comptes insiste sur le respect de la commande publique. En la matière, nous avons amplifié l’action de mon prédécesseur, qui avait déjà beaucoup fait. Les contrats qui posaient problème ont presque tous été renégociés, restaurés, nous avons refait des appels d’offres. Nous continuons par ailleurs à consolider des accords-cadres sous l’égide de la direction des achats que nous avons renforcée en y affectant une dizaine de personnes afin de lui donner plus de poids.

Mais la déontologie, c’est aussi de savoir ce qu’il faut faire lorsqu’un salarié de France Télévisions part travailler chez un producteur. À cet égard, il n’y a pas de solution radicale et simple, car nous avons besoin d’une certaine fluidité de l’emploi. Si nous interdisons aux salariés de France Télévisions d’aller travailler ailleurs, ils ne pourront avoir aucune perspective de carrière en dehors de notre groupe. Cela dit, il convient d’édicter des règles. J’ai créé au sein du groupe un poste de déontologue, placé sous la responsabilité du secrétaire général Francis Donnat. La femme qui a été recrutée a commencé à travailler à l’élaboration d’un code de déontologie qui a été présenté au conseil d’administration.

Très concrètement, lorsqu’un responsable d’unité de programme part chez un producteur, la décision est décentralisée : ce n’est ni son équipe d’origine ni son précédent patron qui peut décider de lui confier un programme. Cette règle vaut pendant une durée d’un an après son départ. C’est une solution très pragmatique, car les départs ne sont en fait pas très nombreux. Nous faisons plutôt du cas par cas.

Nous avons aussi mis en place un système de lanceurs d’alerte en interne pour mettre au jour des situations qui pourraient sembler ambiguës. Vous le voyez, c’est tout un code de déontologie qui sera suivi par l’un des comités du conseil d’administration auquel nous rendons compte en détail.

Nous avons également décidé de communiquer les notes de frais des membres du comité exécutif – je ne sais pas si beaucoup d’entreprises publiques le font –, dont les miennes, après analyse par le conseil d’administration. Le comité des rémunérations les décortiquera avant de les publier sur le site internet.

De nombreuses questions ont porté sur le spectacle vivant. France Télévisions y consacre 17 millions d’euros, pour un investissement global d’environ 40 millions, soit quatre fois plus qu’Arte et six fois plus que l’ensemble de la télévision numérique terrestre. Je ne prétends pas que ce soit assez, mais ce n’est pas rien. Entre 2014 et 2015, loin de baisser, les apports en faveur du spectacle vivant sont restés constants. Nous allons sécuriser ces montants sur le long terme, au travers d’accords spécifiques avec les professionnels du spectacle vivant. Il s’agit d’un enjeu important pour nous, et nous continuerons à le faire vivre.

D’un côté, on nous reproche de trop nous soucier de l’audience et on nous suggère de supprimer la publicité, tandis que, de l’autre, on nous demande ce qui se passe de quatorze à quinze heures au mois de septembre sur France 2. Changer les programmes, c’est prendre le risque de faire baisser les audiences. Pour autant, ce n’est pas dramatique. S’il est un endroit où l’on peut prendre le temps de réfléchir et d’expérimenter, c’est bien sur le service public. L’essentiel, c’est de ne pas avoir à rougir des programmes que l’on met à l’antenne l’après-midi sur France 2. Or je n’en rougis pas. Certains se développeront très bien, tandis que d’autres auront plus de difficulté. Nous prendrons des décisions en temps voulu, mais rien ne presse, car ce ne sont pas les audiences ni les revenus publicitaires qui nous guident
– d’autant que ceux de l’après-midi ne sont pas énormes. J’ajoute que les audiences connaissent des variations. Tel programme marche très bien aujourd’hui, mais la courbe peut s’inverser demain. On ne pilote pas en fonction de l’audience d’un jour, donnée anecdotique. Il faut observer comment les tendances évoluent sur le long terme. Les audiences de la veille ou du mois ne m’impressionnent pas.

Quant au Qualimat, même s’il est intéressant, il est d’un emploi délicat pour comparer des programmes. On ne l’interprète en effet pas de la même manière selon les émissions. Par exemple, lorsque vous retransmettez un match de football, si la France gagne, le Qualimat est haut ; si elle perd, il est bas ! Peut-on en déduire quoi que ce soit sur la manière dont a été réalisée la retransmission ? Je ne le crois pas. En revanche, s’agissant de la diffusion de films sur une soirée donnée, on sait dire que tel film a davantage plu que tel autre. Le débat de l’entre-deux-tours de la primaire des Républicains a été diffusé à la fois sur France 2 et sur TF1. Alors qu’il n’y avait qu’une seule réalisation et un seul signal, l’indice de satisfaction a été de 7,6 sur TF1 et de 7,1 sur France Télévisions. Pour un même programme, le score est donc différent, alors que les audiences, énormes, ont atteint un total de 8,5 millions de personnes. Peut-être ne s’agit-il pas en fait des mêmes publics.

Mme Genevard m’a interrogée sur les actions éducatives de France Télévisions. Nous avons une nouvelle offre sur le portail Éduthèque, en partenariat avec le réseau Canopé, qui prend la suite du groupement d’intérêt économique lesite.tv. Nous mettons par ailleurs des vidéos à la disposition de l’éducation nationale – nous avons d’ailleurs ce réflexe de le faire et de demander des droits aux producteurs pour les mettre à disposition. Il y a dix jours, dans la case Infrarouge, a été diffusé sur France 2 À voix haute, magnifique documentaire sur un concours d’éloquence auquel participent les étudiants de l’université de Saint-Denis. Le lendemain de sa diffusion, nous avons eu le réflexe de demander au producteur de libérer les droits pour donner ce documentaire à l’éducation nationale, afin qu’il soit diffusé dans les classes. Nous avons fait la même chose avec Ne m’abandonne pas, un film sur une jeune femme qui veut partir faire le djihad et que sa mère arrive à retenir.

Nous faisons aussi beaucoup en matière d’éducation aux médias. Par exemple, nos journalistes vont dans les classes expliquer comment on peut se faire piéger par une image, comment décoder certains sujets, comment être vigilant sur l’information véhiculée, par exemple, sur les réseaux sociaux. Nous avons également lancé un module sur Franceinfo : il s’agit d’interroger les gens dans la rue, de leur demander de réagir à telle photo, avant de leur expliquer qu’elle est truquée. Cela permet aux gens de réfléchir à ce qu’est l’information.

Le handicap est un sujet très important, à la fois à l’intérieur de l’entreprise – puisque nous avons signé, avec les organisations syndicales, un accord handicap pour l’emploi des personnes handicapées, et le recours à des entreprises qui emploient des personnes handicapées –, et en matière de diffusion, puisque nous travaillons sur l’accessibilité de nos programmes. Aujourd’hui, ils sont tous sous-titrés. Nous avons discuté avec les associations qui se plaignent que les sous-titres soient parfois de qualité inégale. On nous a notamment reproché la façon dont avait été sous-titré le dernier débat des candidats à la primaire des Républicains. Je précise qu’il est toujours difficile de sous-titrer les émissions en direct, à cause du décalage entre ce qui est dit et le sous-titre.

France Télévisions a dépassé les engagements pris dans le cadre du COM en matière d’audiodescription, puisque plus de 1 000 programmes sont audiodécrits.

Nous travaillons également sur la langue des signes. Sur Franceinfo, nous avons pris le double des engagements de LCI en la matière, puisque deux flashs d’informations sont en langue des signes. Les associations nous ont d’ailleurs demandé de les mettre en replay, ce qui est une bonne suggestion. À l’occasion de ce grand événement national qu’est l’élection présidentielle, nous souhaitons, pour élargir notre public, non pas travailler à la traduction d’un programme fabriqué par ceux qui entendent bien, mais avec des journalistes eux-mêmes sourds et qui travaillent en langue des signes.

Enfin, nous montrons des personnes handicapées qui peuvent être soit des héros de série, soit des acteurs, auteurs, réalisateurs – c’est le cas de la série Vestiaires –, sans oublier les Jeux paralympiques.

Je suis très vigilante à ce qu’il y ait diversité des origines et mixité. Vous avez pu le constater sur la chaîne Franceinfo. J’y travaille aussi en ce qui concerne l’antenne traditionnelle – je pense aux présentateurs du 20 heures par exemple – et je me suis engagée à la mixité totale s’agissant du recours aux expertes – nous sommes à 30 %, ce qui n’est pas suffisant. Nous progressons cependant en la matière grâce à un annuaire qui répertorie les expertes, parfois même celles habituées à s’exprimer à la télévision. Avec le Club XXIe siècle, nous avons constitué un autre annuaire, qui nous permet de solliciter rapidement des experts issus de diverses origines.

Depuis un an et demi, la chaîne France 4 a été repositionnée, s’adressant aux enfants jusqu’à l’âge de quatorze ans, et le soir à la famille. Nous sommes à environ 2 % de part de marché, et nous pouvons atteindre 12 % sur cette cible. C’est la première chaîne que regardent les enfants âgés de quatre à quatorze ans, avant et très souvent après l’école. Ce repositionnement a beaucoup fait progresser la chaîne en audience générale, et surtout en audience sur les enfants.

On s’est demandé s’il fallait ne la diffuser que sur internet. Comme tous les foyers n’ont pas accès à internet, il est nécessaire de garder une chaîne publique qui s’adresse à cette cible si importante que sont nos enfants. J’ajoute qu’il n’y a pas que Goldorak sur France 4. Par exemple, pour donner envie de lire aux enfants, la chaîne diffuse Yétili. Je vous recommande ce très joli programme, qui met en scène un yéti racontant des histoires.

Vous m’interrogez sur l’avenir des droits sportifs. Je pense que, à long terme, le montant de ces droits ne sera pas soutenable pour France Télévisions, étant donné l’économie qui est la sienne. Aujourd’hui, nous dépensons 150 millions d’euros en droits sportifs. Or le prix de certains droits a été multiplié par deux. Sommes-nous capables d’y consacrer 300 millions ? Non. Nous avons déjà dû abandonner la diffusion de certains sports. Les droits de diffusion du football sont beaucoup trop chers. Pour le moment, comme mes prédécesseurs, j’essaie de négocier des droits longs pour que mes successeurs ne se retrouvent pas sans aucune grande compétition sportive sur France Télévisions. Mais ce n’est pas simple. On peut très certainement légiférer. Si nous parvenons à protéger davantage d’événements, à exiger que certains d’entre eux soient retransmis en clair, les grands ayants droit internationaux seront obligés de négocier avec des chaînes locales en clair. Je crois qu’il est possible de ralentir la montée des eaux, si je puis dire, mais pas de l’arrêter.

Je suis très attachée à la culture scientifique, qui est une manière de se projeter positivement vers l’avenir. Nous diffusons des émissions scientifiques destinées au grand public, telles les émissions de médecine présentées par l’animateur préféré des Français, Michel Cymes. Depuis 2016, Le Monde de Jamy, qui est aussi un programme de vulgarisation des sciences, est diffusé en première partie de soirée sur France 3.

Depuis le mois de septembre, nous avons souhaité proposer sur France 5 un rendez-vous hebdomadaire, le mercredi, avec une case spécialement réservée aux sciences, en essayant de ne pas trop parler de médecine, car nous sommes déjà très présents sur ce créneau. Peut-être avez-vous regardé Solar Impulse, l’impossible tour du monde, un documentaire qui a été diffusé la semaine dernière. Pour le moment, nous achetons beaucoup de programmes existants. Deux productions françaises seront bientôt consacrées à des documentaires scientifiques.

On parle encore sciences dans l’émission quotidienne Le Magazine de la santé, qui est une forme de vulgarisation. Ce soir, sur France 5, sera diffusé Bâtir toujours plus haut, un documentaire consacré aux progrès scientifiques et technologiques réalisés en matière d’architecture.

M. Féron m’a interrogée sur l’exposition des jeunes talents. Chaque année, nous programmons 592 artistes francophones, soit 20 % de plus qu’en 2014. Soixante-seize jeunes talents sont parrainés et passent à la télévision pour promouvoir leur premier album. Tous les jours, après le 20 heures – moment où l’audience est considérable –, est diffusée Alcaline. Le monde de la musique nous demande de ne surtout pas toucher à cette case qui est un prescripteur essentiel pour les artistes. Je citerai aussi l’émission Prodiges, qui est un talent show autour de la musique classique et de la danse, et qui sera diffusée le 22 décembre en première partie de soirée sur France 2. Taratata a beaucoup de succès et permet d’élargir nos audiences à des cibles plus jeunes. C’est un programme assez équilibré en termes d’audience et plutôt représentatif de la population française.

Mme Nachury a évoqué l’agora des téléspectateurs. Nous souhaitons rencontrer ceux-ci – comme nous avons rencontré en interne l’ensemble des salariés –, à Paris, en province et en outremer, afin d’avoir un lien direct avec eux. Nous ne leur demandons pas leur avis sur tel ou tel programme, mais ce qu’ils attendent du service public, comment ils voient son évolution. Un dialogue assez riche s’instaure. Hier soir, par exemple, l’accent a été mis sur la façon dont on doit s’adresser aux jeunes. Ces rencontres nous confortent dans l’idée que nous devons y consacrer des moyens, à enveloppe constante. Leur parrain, Jean-Paul Delevoye, est le garant de la rigueur des débats : il est très attaché à cet engagement citoyen qui consiste à dire aux gens qu’ils sont acteurs de leur télévision publique. Nous publierons un livre qui reprendra tout ce qui aura été dit.

Au-delà, ce lien direct avec le public devrait également nous permettre de progresser en nous montrant les choses sous un angle différent, ce qui nous conduira à faire évoluer les programmes au fil du temps.

J’ai toujours considéré qu’il fallait mettre des moyens pour le service public, notamment en recourant à la publicité : l’argent n’a pas d’odeur ! Il serait ainsi possible, en réintroduisant une heure de publicité après vingt heures, de récupérer 100 millions d’euros, ce qui équivaut à 4 euros de redevance par foyer. Je précise que la publicité sur France Télévisions se pratique de manière raisonnée : elle est limitée dans le temps et elle ne viendra jamais couper une œuvre – un point auquel les téléspectateurs sont très attachés.

Faut-il également une réforme de la redevance ? Certainement, mais elle n’est pas simple à mettre en œuvre, car, si la redevance ne pèse pas lourd à côté des autres impôts des Français pour ce qui est de son montant, elle prend une part démesurée dans la discussion médiatique. Politiquement, c’est donc une décision compliquée. En tant que patronne de France Télévisions, je ne peux que vous inciter à mettre de l’argent dans l’audiovisuel public, en vous garantissant que vous ne serez pas déçus.

M. le président Patrick Bloche. J’ai l’impression que vous avez résumé une pensée largement partagée au sein de cette assemblée. Je vous remercie de l’énergie dont vous avez fait preuve au cours de cette audition, en ayant à cœur de répondre à toutes les questions qui vous ont été posées – aucune ne me semble avoir été oubliée.

Pour ce qui est du financement pérenne de France Télévisions, ce sujet qui nous a tant occupés depuis 2012 intéresse en effet directement la représentation nationale, qui participe à l’exercice de la tutelle de l’État.

Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie pour cette intervention qui a parfaitement répondu aux attentes des parlementaires et je vous dis à bientôt, puisque nous sommes appelés à nous revoir régulièrement.

La séance est levée à douze heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 7 décembre 2016 à 9 heures 30

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Deguilhem, M. Jacques Dellerie, M. Pascal Demarthe, Mme Sandrine Doucet, Mme Jeanine Dubié, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Jacques Valax, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Ary Chalus, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Pierre Giran, M. Romain Joron, Mme Sonia Lagarde, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Stéphanie Pernod Beaudon, M. Jonas Tahuaitu

Assistaient également à la réunion. - M. François André, M. Jean-Noël Carpentier, M. Jean Lassalle, Mme Monique Rabin, Mme Marie-Line Reynaud