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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 10 juillet 2012

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet, dont la nomination en qualité de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est envisagée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (article 13 de la Constitution)

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Jean-Pierre Jouyet, dont la nomination en qualité de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est envisagée par le Président de la République, puis elle vote sur cette proposition de nomination (article 13 de la Constitution).

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Jean-Pierre Jouyet, actuel président de l’Autorité des marchés financiers – AMF –, dont la nomination au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations – CDC – est envisagée par le Président de la République. Cette audition se tient conformément à l’article 1er de la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui dispose que les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat rendent un avis public sur la nomination du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ; cet avis est précédé de l’audition de la personne dont la nomination est envisagée.

Je précise que la Commission de déontologie de la fonction publique, qui s’est réunie le 4 juillet, a considéré que la fonction de directeur général de la Caisse des dépôts était de nature administrative et n’appartenait pas à la sphère des activités privées ; de ce fait, elle s’est déclarée incompétente.

À l’issue de l’audition, nous procéderons à un vote à bulletins secrets ; son dépouillement aura lieu cet après-midi, après l’audition de M. Jouyet par la commission des Finances du Sénat, pour que le dépouillement ait lieu simultanément dans les deux commissions. Les représentants des groupes seront les bienvenus pour veiller à la bonne marche des opérations.

La Caisse des dépôts et consignations est un établissement public qui occupe une place extrêmement importante dans nos institutions. Elle a pour objet de servir l’intérêt général et le développement économique du pays. Depuis sa création, en 1816, elle est placée sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative. Les liens entre notre Commission et la Caisse des dépôts sont très étroits : trois de nos membres siègent à la Commission de surveillance, et l’un d’entre eux a vocation à la présider. Les noms de ces membres ont été publiés au Journal officiel ce matin : il s’agit, par ordre alphabétique, de M. Henri Emmanuelli, de M. Marc Goua et de Mme Arlette Grosskost – laquelle y siégeait déjà précédemment. La Commission de surveillance est un organisme indépendant, qui a toujours exercé ses fonctions avec le plus grand sérieux.

Notre Commission a coutume de procéder régulièrement à l’audition du directeur général de la Caisse des dépôts, mais nous ne l’avions encore jamais entendu préalablement à sa nomination ; il s’agit donc d’une première.

M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les parlementaires, c’est un grand honneur pour moi de présenter devant vous ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Pour cela, je rappellerai d’abord brièvement mon parcours avant de présenter ma vision de l’institution.

Ce parcours, à dominante économique, est composé de deux traits caractéristiques : le service de l’État et celui d’une Europe économiquement organisée. Je précise qu’il ne m’est jamais paru nécessaire de faire un choix entre les deux, ces deux domaines m’ayant toujours semblé indissociables.

Quelques expériences emblématiques illustrent bien ce goût de l’État et de l’Europe. De 1988 à 1991, j’ai dirigé le cabinet du ministre de l’industrie et de l’aménagement du territoire – ce qui m’a conduit, dans mes fonctions ultérieures, à toujours veiller à respecter l’ambition industrielle de notre pays. J’ai ensuite travaillé auprès de Jacques Delors à la Commission européenne, avant de rejoindre le cabinet du Premier ministre Lionel Jospin pour suivre les questions économiques et sociales. J’ai été directeur du Trésor de 2000 à 2004, au moment du passage de notre pays à la monnaie unique. Puis, après avoir été chef du service de l’Inspection générale des finances, j’ai été nommé secrétaire d’État chargé des affaires européennes, avec pour mission de mener à bien la présidence française de l’Union européenne.

J’ai appris à connaître la Caisse des dépôts lorsque j’étais au cabinet de Lionel Jospin : des réunions de travail étaient régulièrement organisées avec le directeur général de l’époque. En tant que directeur du Trésor, j’ai ensuite fait partie de la Commission de surveillance, dont le rôle, qui s’est développé au cours des dernières années, est à la fois de surveiller les équilibres financiers et d’entretenir le lien avec le Parlement, consubstantiel au modèle de la Caisse des dépôts.

En décembre 2008, j’ai été nommé par le Président de la République président de l’Autorité des marchés financiers, dont la tâche principale est de faire en sorte que la régulation financière accroisse la transparence et la rationalité des marchés. Il y a encore du chemin à faire, mais je remercie le Parlement d’avoir pris conscience, dans ce domaine, des enjeux consécutifs à la crise.

Pour résumer, depuis trente ans, mon unique boussole a été le service de l’intérêt général, toujours exercé dans un esprit d’indépendance. Si vous me donnez votre aval pour assumer la fonction de directeur général de la Caisse des dépôts, je compte persévérer dans cette voie.

Une exigence d’exemplarité s’impose à tous les directeurs généraux de la Caisse des dépôts. J’ai conscience que cette maison est la vôtre, que vous la connaissez parfaitement et que le législateur l’a créée en 1816 afin de protéger l’épargne des Français et rétablir la confiance dans le crédit public. Pour être clair, le meilleur garant de l’indépendance du directeur général, c’est vous : le directeur général se doit de rendre des comptes au Parlement et, si cette fonction m’échoit, je m’engage à venir devant vous régulièrement.

Ce dialogue est d’autant plus important que la Commission de surveillance et ses comités spécialisés sont au cœur de l’exigence d’exemplarité : les décisions prises par l’institution ne doivent être entachées d’aucun soupçon, aussi bien en cas de nouvel investissement qu’en cas de cession d’actif.

Je veillerai également à l’application rigoureuse des procédures relatives aux conflits d’intérêts et, plus généralement, aux règles de déontologie.

En ce qui me concerne, j’ai été auditionné par la Commission de déontologie de la fonction publique, après sa saisine par l’Inspection générale des finances. Elle s’est déclarée incompétente pour statuer sur mon dossier, dans la mesure où il s’agit de passer d’un organisme public à un établissement public – cet avis est d’ailleurs conforme à sa jurisprudence.

Toutefois, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous, je tiens à préciser que j’ai fait valoir devant la Commission de déontologie que le Collège de l’AMF n’avait jamais eu à statuer seul sur des dossiers relatifs à la Caisse des dépôts. Les visas qu’il attribue aux émissions obligataires sont toujours accompagnés d’un avis des services de l’AMF, sur lesquels je n’ai pas autorité puisqu’ils dépendent du secrétaire général. Je rappelle que l’AMF accorde quelque 600 visas par an, lesquels ne valident pas les opérations financières, mais indiquent simplement qu’elles sont structurées selon les normes. Je n’ai jamais utilisé la voix prépondérante qui m’est reconnue en tant que président s’agissant des dossiers relatifs à la Caisse des dépôts ou à ses filiales – ni dans aucun autre cas, d’ailleurs. Les décisions ont toujours été prises collectivement, que ce soit au sein du Collège ou des commissions spécialisées.

Les décisions pouvant être prises par délégation sont énumérées dans une décision du Collège du 5 janvier dernier ; il s’agit en général de points qui ne nécessitent pas de débat. Je n’ai jamais utilisé, à l’égard de la Caisse des dépôts ou d’une de ses filiales, mes pouvoirs propres de président de l’AMF : celui de suspendre la cotation d’un titre en Bourse, celui de restreindre les conditions de négociation des instruments financiers – par exemple, les ventes à découvert –, celui de représenter l’AMF devant les juridictions ou celui de former un recours à l’encontre d’une décision de la Commission des sanctions. D’autre part, le président peut déléguer la représentation de l’Autorité devant les juridictions. Je tiens donc à préciser, concernant les recours de l’Association de défense des actionnaires minoritaires – ADAM – contre la décision du Collège relative à l’offre publique d’Icade sur Silic, que je n’ai pas signé les observations de l’AMF.

Il n’en reste pas moins que la Caisse des dépôts est actionnaire d’entreprises intervenant dans des secteurs concurrentiels, suivant des règles de droit privé. L’activité de certaines de ces entreprises ayant pu, par le passé, être soumise au contrôle de l’AMF, j’ai décidé que, si je devenais directeur général de la Caisse des dépôts, je n’exercerais pas de responsabilités au sein d’entreprises cotées dans lesquelles la Caisse des dépôts détient des participations. Toutefois, la présence du directeur général de la Caisse des dépôts au Conseil d’administration du Fonds stratégique d’investissement – FSI – est prévue statutairement.

Quoi qu’il en soit, je sais pouvoir compter sur la Commission de surveillance et ses comités spécialisés pour exercer leur contrôle et continuer à optimiser les coûts et les ressources de la Caisse des dépôts, ainsi qu’à rationaliser les structures. Cela passera notamment par la contribution des principaux dirigeants à un effort de modération salariale. Je m’en tiendrai pour ma part à la rémunération fixe existante, à l’exclusion de toute part variable et de toute prime personnelle.

La Caisse des dépôts est unique, atypique. Il faut préserver cette spécificité, que l’on nous envie, car elle est la concrétisation, sur le terrain, du concept d’intérêt général.

La question prégnante, en particulier dans ce contexte de crise économique, est celle de son identité. Quel cap choisir ?

Les bouleversements économiques, financiers, sociétaux et géopolitiques que nous vivons sont le signe d’une ère nouvelle : on ne reviendra pas en arrière. Les grandes tendances qui se dessinent influeront sur le périmètre d’action du groupe.

Tout d’abord, les difficultés de financement de l’économie touchent plus particulièrement les PME et le secteur public local ; on note une demande accrue dans les territoires, provenant des acteurs publics locaux, des entreprises, des agents économiques, dans un contexte économique et social fragile où le crédit se fait rare et où les collectivités publiques et l’État sont déjà fortement endettés. L’action du groupe s’avère plus que jamais indispensable, via deux domaines d’intervention : l’investissement dans le développement local et territorial, et l’investissement dans les entreprises. La Caisse doit relever ce défi du financement de l’économie.

Le groupe Caisse des dépôts est, de loin, le premier investisseur français en fonds propres, grâce au FSI, à CDC Entreprises et à Qualium Investissement, qui se sont positionnés prioritairement sur le renforcement des PME et des entreprises de taille intermédiaire – ETI –. La Caisse des dépôts a participé à la moitié des opérations d’augmentation de capital dans les PME françaises en 2010 et est présente au capital de 230 fonds d’investissement répartis sur l’ensemble du territoire.

Le groupe joue en outre un rôle majeur dans le renforcement du potentiel de croissance en France. Son action s’ordonne autour de trois axes prioritaires : le développement durable, la recherche et développement, les infrastructures.

Enfin, le groupe s’efforce d’anticiper les tendances lourdes qui modifient notre modèle ; en particulier, le vieillissement de la population touche tous les métiers du groupe, à commencer par la gestion des flux d’épargne et d’investissement.

Ces tendances à long terme conduisent à s’interroger sur l’identité de la Caisse des dépôts et consignations. Pour lui permettre de mener à bien ses missions, vaudrait-il mieux mettre en place une structure de type holding, plus légère à manœuvrer et plus adaptable, ou faut-il, au contraire, consolider sa nature de groupe ? Selon moi, il est essentiel de renforcer l’unité et l’identité du groupe, car c’est sa marque de fabrique ; toutefois, cela ne doit pas empêcher de faire des choix et de lutter contre l’immobilisme.

La Caisse des dépôts et consignations est un investisseur responsable, de long terme, mais elle doit aussi être un investisseur avisé, qui sache faire preuve d’audace – sans toutefois s’éparpiller. La Caisse des dépôts ne sait pas et ne peut pas tout faire ; il faut qu’elle ait un périmètre d’action, défini par une doctrine et contrôlé par la Commission de surveillance.

La Caisse doit également trouver un souffle nouveau, et c’est en partie à l’international qu’elle peut le faire. Pour citer Augustin de Romanet – à qui je rends hommage pour son action à la tête de l’institution –, la mondialisation remet en question nos valeurs et ébranle notre vision mais, à condition de s’organiser et de bien la comprendre, elle recèle d’immenses perspectives.

Même si certaines actions devraient être revisitées, la Caisse des dépôts a développé une politique internationale ambitieuse. J’entends lui donner les moyens de continuer à la mettre en œuvre et développer des partenariats qui permettront aux entreprises françaises, notamment aux PME, de se déployer plus largement vers les nouveaux marchés. Surtout, je souhaite développer sa capacité à attirer dans notre économie des capitaux à long terme, en particulier ceux des fonds souverains et des investisseurs institutionnels étrangers, grâce au Club des investisseurs de long terme, pour l’Europe, et à l’Institutional Investor Roundtable, pour l’international. Cette action s’appuiera sur la création au sein du groupe d’un pôle d’expertise dédié à cette tâche.

Les efforts de la Caisse devront être intensifiés dans trois domaines, essentiels pour le développement de notre pays : les infrastructures, qui sont un axe d’intervention prioritaire car il s’agit d’un facteur de compétitivité pour les territoires ; le logement et la performance énergétique, qui demeurent des objectifs stratégiques, devant être conjugués avec d’autres activités comme l’intégration et l’aménagement urbain ; enfin, l’accompagnement des territoires ruraux, qui est pour moi un enjeu primordial : la dévitalisation de l’espace rural et de certaines régions industrielles est une des principales causes des déséquilibres économiques et sociaux actuels et de la perte de cohésion sociale dans notre pays.

D’une manière générale, tous les territoires connaissent une diminution drastique de leurs ressources parallèlement à une inflation de leurs missions. À chaque territoire sa spécificité : la Caisse doit tenir compte de ce principe. Il s’agit d’un véritable défi pour ses directions régionales, qui devront « territorialiser » davantage leurs actions pour mieux répondre aux besoins croissants des collectivités locales.

Le numérique, la recherche et l’innovation d’une part, tout ce qui touche à la dépendance d’autre part, sont d’autres secteurs dans lesquels la Caisse des dépôts sera plus particulièrement appelée à intervenir. Soyez certains que je me déplacerai sur le terrain afin d’apporter mon soutien aux élus et aux directeurs régionaux de la Caisse, qui sont les représentants personnels du directeur général et qui ont été beaucoup sollicités ces derniers temps, avec notamment la mise en œuvre des programmes des investissements d’avenir et des investissements territoriaux directs : 400 millions d’euros de fonds propres ont été investis dans les territoires en 2011.

La Caisse des dépôts est ainsi le premier partenaire des acteurs du développement économique local, grâce à ses prises de participation dans des projets territoriaux, à son action traditionnelle en faveur du logement social – 110 000 logements HLM construits ou rénovés grâce au Fonds d’épargne en 2011 –, et à la fourniture de solutions locales par les différentes filiales de services du groupe.

La Caisse des dépôts amorce d’autre part son retour en tant qu’acteur direct du financement des collectivités locales : 10 milliards de financements sur fonds d’épargne ont été mis en place entre le second semestre 2011 et le premier semestre 2012. De plus, un nouvel acteur bancaire spécialisé dans le financement local est en cours de création, en partenariat avec la Banque Postale. Nous attendons le feu vert de la Commission européenne à ce sujet.

Dans ce contexte, le plan stratégique « Élan 2020 » sera inévitablement appelé à être actualisé. Il faudra également tenir compte des nouveaux projets, comme celui de la future Banque Publique d’Investissement, auquel la Caisse des dépôts travaillera en partenariat avec l’État, en tâchant de promouvoir une véritable vision industrielle.

Enfin, il est essentiel de protéger l’épargne. À la présidence de l’AMF, j’avais érigé cette mission en priorité ; je souhaite faire de même à la tête de la Caisse des dépôts.

La crise financière de 2007 a remis l’épargne des ménages au cœur des préoccupations des acteurs économiques et financiers ; la protection des épargnants ne doit pas être une variable d’ajustement des politiques. À la fin 2011, la Caisse des dépôts gérait pour le compte de l’État 222,5 milliards d’euros de fonds d’épargne ; je puis vous assurer que, si vous m’accordez votre confiance, je serai fidèle au serment d’investiture que je prêterai devant la Commission de surveillance et que je serai le protecteur de l’épargne.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les parlementaires, la Caisse des dépôts est un modèle d’indépendance, disposant d’un mode de gouvernance unique, fondé sur la Commission de surveillance et ses comités spécialisés. Il faut à tout prix préserver ce modèle.

Rendre des comptes au Parlement, c’est-à-dire à la nation, sera l’un de mes principaux engagements : la Caisse des dépôts doit plus que jamais faire preuve d’exemplarité. Mais je sais que cette maison a le culte de l’intérêt général et que les mots « responsabilité », « éthique », « foi publique » y ont un sens. Ses collaborateurs ont toujours agi dans cet esprit, y compris durant dans la délicate période de l’intérim qu’Antoine Gosset-Grainville a parfaitement assuré. Les missions de la Caisse des dépôts ont des répercussions sur la vie quotidienne de tous les Français et, dans la période économique difficile que nous traversons, la Caisse reste un symbole de cohésion et de solidarité.

La période qui s’ouvre sera particulièrement stimulante pour une institution appelée à relever de nouveaux défis tout en optimisant son périmètre d’action et ses marges de manœuvre. En 2016 la Caisse des dépôts et des consignations célébrera son bicentenaire. Je souhaite que ce rendez-vous soit le vôtre et qu’à cette occasion, l’on constate, plus que jamais, l’utilité de la Caisse des dépôts pour la vie économique et sociale de notre pays.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quelles missions assigneriez-vous à la BPI, qui devrait rapprocher la Caisse des dépôts d’Oséo ? Quel type d’entreprises doit-elle cibler ? Doit-elle être contrôlée par la Caisse des dépôts ?

Après la nouvelle défaillance de Dexia, la Caisse des dépôts doit-elle accroître son investissement dans la nouvelle banque créée avec la Banque Postale afin de couvrir une plus grande part des besoins financiers des collectivités ? Comment conduirez-vous cette opération ? Êtes-vous favorable à l’Agence de financement des collectivités locales, que certains élus locaux appellent de leurs vœux ?

Pensez-vous alourdir l’endettement de la Caisse pour augmenter les ressources de la section générale, et céder certaines participations pour accroître ses marges de manœuvre ?

Enfin, compte tenu des besoins réels de financement, à combien faut-il fixer le plafond du livret A ?

M. Henri Emmanuelli. À 30 000 euros !

M. Hervé Mariton. Compte tenu des missions considérables confiées à l’AMF, est-il convenable qu’une personnalité comme la vôtre, dont les qualités sont unanimement appréciées, renonce actuellement à sa présidence ?

À quel champ s’appliquera votre décision de vous abstenir, pour des raisons déontologiques, de prendre des responsabilités dans certaines filiales de la Caisse ? Cette règle ne bute-t-elle pas sur la présence statutaire du directeur général au conseil d’administration du FSI ?

Puisque vous avez évoqué votre rémunération, quid des jetons de présence ?

Quels écueils la BPI doit-elle éviter ?

Dans quels dossiers l’indépendance du directeur général de la Caisse des dépôts, qui doit parfois savoir dire non au Gouvernement, risque-t-elle d’être mise à mal ? Quelle ligne de conduite adopterez-vous lors de la préparation de la loi des finances, dans laquelle la Caisse joue chaque année le rôle de variable d’ajustement ? Comment envisagez-vous vos relations avec le Gouvernement pendant cette période ?

Quelle stratégie adopterez-vous à l’égard de Veolia Transdev, dossier urgent dont vous n’avez dit mot ?

Que pensez-vous de l’engagement de la Caisse des dépôts dans le Nord-Caucase ?

Enfin, pour financer les collectivités locales, vous êtes-vous fixé un calendrier précis de mise en œuvre de l’outil commun avec la Banque Postale ?

M. Pierre-Alain Muet. La Commission de déontologie l’a rappelé : il s’agit de nommer à une fonction publique un haut fonctionnaire réputé pour son sens de l’intérêt général. Pour vous avoir connu aux différentes fonctions que vous avez occupées, notamment comme chef de service à l’Inspection générale des finances ou, lorsque j’étais député de l’opposition, comme secrétaire d’État, je peux témoigner de votre attachement profond au service public et à l’Europe.

M. Charles de Courson. Même si le scrutin est secret, j’annonce que les quatre commissaires du groupe UDI émettront un avis favorable à votre nomination, en raison des compétences que vous avez montrées dans vos différentes fonctions et de votre indépendance d’esprit.

Le doublement du plafond actuel du livret A vous semble-t-il judicieux ou faut-il se contenter de le relever de manière plus raisonnable ? Pouvez-vous répondre aux questions que pose le document pour le moins approximatif consacré à l’affaire Quick, que Jean-Marie Kuhn a adressé ce matin aux parlementaires ?

Mme Arlette Grosskost. Préserverez-vous le modèle prudentiel spécifique de la Caisse des dépôts, adopté en janvier 2012 après mûre réflexion ? Celui-ci préserve la solvabilité de la Caisse des dépôts et la prémunit contre le risque de liquidité, mais est-il compatible avec la création de la BPI, qui, si elle respecte un modèle bancaire classique, sera très gourmande en fonds propres ?

Dès lors que les fonds disponibles pour le financement du logement social au titre du livret A ne sont pas utilisés en totalité – à beaucoup près ! –, faut-il doubler son plafond actuel ou le fixer à 20 000 euros ? La mesure ne portera-t-elle pas préjudice à l’assurance-vie ? Quelles répercussions aura-t-elle sur les frais de gestion de la Caisse des dépôts ?

Le fonds commun de placement à risque Alsace Croissance, sorte de FSI territorialisé, résulte d’un partenariat régional entre la Caisse des dépôts et une banque privée. Entendez-vous multiplier ce type d’initiative qui favorise l’investissement dans les entreprises ?

M. le président Gilles Carrez. Pour répondre à autant de questions, il faudrait disposer déjà d’une longue expérience à la Caisse des dépôts !

M. Jean-Pierre Jouyet. Je ne prétends pas à une telle expertise, m’étant interdit, pour des raisons déontologiques, d’aborder des dossiers concernant des sociétés cotées, comme Veolia.

Monsieur le rapporteur général, la BPI fait aujourd’hui l’objet d’une mission de préfiguration confiée à Bruno Parent, que je rencontrerai bientôt. Ses deux principaux piliers seront Oséo, qui prête aux PME, et le FSI, qui investit en fonds propres. Il est aussi question de CDC Entreprises. En matière de prêts comme de prises de participation, son champ sera large et ses instruments, variés. Cela dit, c’est à l’État qu’il appartiendra de déterminer la vocation de la BPI, au terme de la mission que j’ai mentionnée. Je souhaite seulement qu’elle soit opérationnelle avant la fin de l’année et que la Caisse y joue un rôle majeur. Je reviendrai vers vous le moment venu, pour vous présenter l’articulation choisie par l’État, en relation avec la Commission de surveillance.

En octobre 2011, Dexia, la Caisse des dépôts et la Banque Postale ont finalisé les termes d’un nouveau protocole de négociation sur le financement des collectivités locales, qui fait entrer l’État au capital de DexMA. La Caisse des dépôts est indirectement actionnaire de DexMA à hauteur de 31,7 % et à 35 % dans le cadre du joint-venture qui doit intervenir. Les discussions avec la Commission européenne devraient aboutir avant la fin du mois. Il est urgent de résoudre la crise du crédit qui étrangle les collectivités locales, même si l’initiative de la Banque Postale leur apportera 2 milliards d’euros de financement à court terme. Par ailleurs, le Gouvernement a mis à disposition une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards de prêts sur les fonds d’épargne, dont la moitié a déjà été consommée. En outre, il débloquera ces jours-ci une somme de 3 milliards d’euros, annoncée par le Gouvernement précédent. Je suis partisan de trouver une solution durable, dans le cadre des contraintes prudentielles qui régissent désormais la Caisse des dépôts, et compte tenu du plafond d’endettement qui doit être fixé. J’espère que la Commission européenne prendra dans ce domaine de sages décisions.

En ce qui concerne les ressources de la section générale, l’éventuelle augmentation de l’endettement devra être appréciée – de manière prudente – avec la Commission de surveillance. En matière de cessions de participation, en revanche, il faut adopter une politique d’investisseur avisé et ne pas exclure une rotation des actifs. Tout en restant sous le contrôle de la Commission de surveillance, on ne doit pas s’interdire de mener une politique active afin de dégager des ressources supplémentaires.

La protection de l’épargne populaire, réglementée et défiscalisée, est au cœur des missions que la loi confie à la Caisse des dépôts, laquelle collecte et centralise l’épargne du livret A. Compte tenu des besoins importants qui restent à satisfaire, les décisions envisagées me semblent bonnes. On doit préserver les rapports directs et centralisés entre la Caisse et les emprunteurs. Grâce à ses ressources supplémentaires, la Caisse des dépôts doit proposer des prêts à des secteurs aussi prioritaires que le logement social et le renouvellement urbain, qui intéressent fortement les élus locaux. Reste que je veillerai attentivement à la protection des épargnants.

Les différentes fonctions que j’ai assumées m’ont offert l’occasion d’entendre les arguments des assureurs. Je conviens que les placements à court terme circulent plus que les autres, mais on ne me fera pas croire que le doublement du plafond du livret A pénalisera l’assurance-vie. Les déplacements devraient plutôt avoir lieu de l’épargne très liquide ou des placements à court terme vers le livret A.

Monsieur Mariton, depuis la loi de 2003, le président de l’AMF exerce une influence en présidant un collège. S’il donne une certaine visibilité à l’Autorité, celle-ci dépend aussi du secrétaire général qui a des pouvoirs propres : il ouvre et instruit les enquêtes, les soumet au collège et procède à tous les contrôles, de même qu’il fait fonctionner les services. L’AMF obéit à une organisation très différente de celle qui régissait la COB, la Commission des opérations de Bourse. Son nouveau président doit être nommé rapidement, mais, même en cas de retard, l’intérim exercé par le second membre du collège permet d’éviter toute vacance.

Quant aux filiales de la Caisse des dépôts, le directeur général ne sera pas responsable du contrôle d’Icade, qui peut relever du directeur général délégué. L’AMF a d’ailleurs traité le dossier il y a quelques mois, compte tenu de ses relations avec Groupama. Le directeur général ne siègera pas au conseil d’administration de la CNP, pas plus qu’il n’interviendra dans les activités de Belambra, ex-VVF, ou de la Compagnie des Alpes. Je rappelle que le FSI n’est pas coté en tant que tel. Enfin, en ce qui me concerne, il n’y aura pas de jetons de présence.

M. Hervé Mariton. Ne voyez-vous pas aucun inconvénient à vous tenir éloigné d’autant d’organismes ?

M. Jean-Pierre Jouyet. Non. Le directeur de la Caisse des dépôts doit se concentrer sur ses activités essentielles, le cas du FSI étant particulier : non seulement il n’est pas coté, mais la présence du président à son conseil d’administration est statutaire.

Je fais confiance aux directeurs et aux équipes de la Caisse pour la représenter dans les conseils d’administration.

Non seulement cette situation ne posera pas de problème, mais, dans une période de rénovation, elle permettra au nouveau directeur général de se concentrer sur ses missions essentielles. Il lui appartiendra notamment, en relation avec la Commission de surveillance, de proposer les participations, ainsi que le montant des investissements. Les limitations pour raisons déontologiques, limitées à trois ans, ne couvrent pas toute la durée de son mandat.

Quelles que soient sa sensibilité ou ses amitiés, le directeur général de la Caisse doit être indépendant. Cette règle sera respectée. Pour prévenir le risque que la Caisse des dépôts ne serve de variable d’ajustement budgétaire, la Commission de surveillance fera observer strictement la règle très saine de limitation du prélèvement de l’État.

Dans le dossier Veolia Transdev, trois pistes sont envisagées : la révision de l’offre proposée par le fonds Cube, partenaire de la Caisse des dépôts, le renoncement de Veolia Environnement au désengagement, ou la remontée de la Caisse des dépôts au capital de Veolia Transdev. La Commission de surveillance les examinera, avec le souci de protéger les fonds de la Caisse des dépôts, qui n’est pas responsable de la situation. En temps voulu, j’informerai le Parlement de ces questions, qui intéressent particulièrement les députés puisqu’elles touchent au transport local.

Je n’ai pas lu le projet sur le Nord-Caucase, qui ne semble pas présenter de risque pour la Caisse. Celle-ci n’investira pas directement, mais un partenariat permettra d’aider des entreprises de la région Rhône-Alpes. Egis et la Compagnie des Alpes, filiales de la Caisse des dépôts, interviendront comme opérateurs. Je vais me pencher sur cette opération, que nous revisiterons si nécessaire.

C’est aux pouvoirs publics qu’il appartient de fixer le plafond du livret A, dont la gestion est une des missions importantes de la Caisse. Drainer des fonds vers le logement social me semble, compte tenu des besoins, une priorité à court terme, mais le directeur de la Caisse des dépôts, quel qu’il soit, suivra les décisions du Gouvernement dans ce domaine.

Quant à ce M. Kuhn, je ne le connais pas personnellement mais, depuis 2008, il envoie régulièrement des courriers à l’AMF concernant la vente de Quick à la Caisse des dépôts par le groupe Frère en 2006. On ne peut m’imputer un problème de déontologie pour une décision prise par la Caisse des dépôts à une date où je n’y étais pas ! Tout ce que je peux dire est que l’AMF n’a pas eu à connaître de ce dossier. La justice a été saisie en France et en Belgique mais le procureur de la République n’a rien demandé à l’AMF à ce sujet. Du reste, celle-ci n’était pas compétente pour saisir les tribunaux. Elle a seulement visé un document d’information sur la fusion entre GDF et Suez mais c’était, là aussi, à une date où je n’y étais pas. Il se trouve que, l’âge venant, je connais de plus en plus de personnes et – pour que les choses soient claires avec M. Kuhn – certaines de ces connaissances remontent à l’époque où j’étais à Bruxelles. En tout cas, les liens familiaux ne sont pour rien dans cette affaire !

M. Alain Rodet. Les liens entre la Caisse des Dépôts et le groupe Caisse d’épargne, autrefois forts, se sont distendus. Le rapprochement du groupe Caisse d’épargne et de la Banque populaire s’est traduit, avec l’affaire Natixis, par un sinistre considérable pour l’épargne populaire. Comment envisagerez-vous, si vous êtes nommé, les relations de la Caisse avec le nouveau groupe BPCE ?

Mme Valérie Rabault. Ma question porte sur les risques de marché – taux, liquidité, portefeuille d’actions cotées – auxquels la Caisse des dépôts est exposée. Le rapport annuel 2010 fait état, pour le portefeuille d’actions, d’une value at risk légèrement supérieure à 5 milliards d’euros sur un an avec un intervalle de confiance à 99 %, soit, sommairement, environ 330 millions sur un jour. Quelle appréciation portez-vous sur ce niveau de risque, par comparaison avec ce que pratiquent d’autres établissements ?

M. Marc Goua. La Caisse des dépôts et la banque publique d’investissement joueront, vous l’avez dit, un rôle primordial dans la nouvelle stratégie économique et industrielle. Comment voyez-vous l’articulation entre cette nouvelle entité et les régions, dont le rôle est également déterminant sur le plan économique ?

M. Pascal Terrasse. Nos auditions, monsieur le président, continuent d’avoir un caractère formel et habituel que je regrette un peu : chacun pose à son tour une série de questions qui trouvent ou non une réponse. Ne pourrait-on envisager que les questions soient moins nombreuses afin que s’établisse une relation plus dynamique et directe avec la personne auditionnée ?

M. le président Gilles Carrez. Les questions devraient être plus courtes...

M. Pascal Terrasse. Confirmez-vous, monsieur Jouyet, que le règlement de l’AMF vous interdit pendant trois ans de siéger au conseil d’administration des sociétés qu’elle contrôle ? Comptez-vous y siéger une fois ce délai expiré ?

M. Jean-Pierre Jouyet. Un réexamen aura lieu en effet au bout de trois ans. Je me déterminerai en fonction de ce qui sera utile.

M. Pascal Terrasse. Quel rôle entendez-vous donner à la Commission de surveillance ?

M. Henri Emmanuelli. Il est fixé par la loi !

M. Pascal Terrasse. Soit, mais cette commission peut être plus ou moins libre de ses choix et de ses orientations.

Par ailleurs, les placements de la Caisse s’élèvent à 222 milliards d’euros. Certains sont affectés au logement social et à la revitalisation urbaine, mais j’ai pu constater que certaines caisses de retraite – telle l’IRCANTEC – font des placements non plus dans notre pays mais à l’étranger. Le retrait massif des placements réalisés en Italie et en Grèce s’est soldé non pas par un retour en France, mais par un transfert en Allemagne. La Caisse des dépôts doit-elle « renationaliser » une partie de ces placements ?

Enfin, on sait que GDF-Suez cherche depuis plusieurs années à devenir majoritaire dans le capital de la Compagnie nationale du Rhône. Serez-vous le garant du service public assuré par la CNR ?

M. Henri Emmanuelli. Ma question s’adresse autant à l’ancien directeur du Trésor qu’au candidat à la direction générale de la Caisse des dépôts. La Caisse a récemment mis en place une tranche spéciale de prêts aux collectivités locales mais elle pratique des taux élevés. Je m’en suis étonné auprès de mon prédécesseur, M. Michel Bouvard. Celui-ci m’a répondu que la direction du Trésor les avait imposés afin de ne pas faire de concurrence aux banques
– lesquelles, à ma connaissance, ne veulent pourtant plus accorder de crédits ! Cela vous paraît-il normal ?

M. Jean-Pierre Jouyet. Si votre Commission m’accorde sa confiance, je serai à sa disposition pour avoir des échanges directs sur les différents points abordés.

Il convient en effet, monsieur Rodet, de revoir et de renforcer les liens entre le groupe Caisse d’épargne et la Caisse des dépôts. Je pourrai vous apporter ultérieurement des réponses plus précises à ce sujet.

Vous soulignez à juste titre, madame Rabault, l’importance du niveau de risque. Cela étant, le rapport que vous citez montre que la gestion a été assez performante et prudente par rapport à d’autres institutions. En particulier, monsieur Terrasse, le directeur général sortant a su se défaire au bon moment des titres grecs. Mon sentiment est que la Caisse doit continuer à tenir les rênes très courtes en matière de gestion des risques.

Monsieur Goua, je soulignerai auprès du responsable de la mission de préfiguration de la banque publique d’investissement le problème de l’articulation avec les régions. Sans doute faut-il aller vers une certaine régionalisation, car on a pu constater des attitudes trop rigides, notamment en matière de prêt. Pour autant, le pouvoir de décision ne revient pas aux régions et il convient de maintenir une coordination centrale.

J’ai le plus grand respect pour la Commission de surveillance, monsieur Terrasse. Son rôle, fixé par la loi, s’est développé ces dernières années. Vous pouvez compter sur moi pour travailler en étroite relation avec elle.

J’ai bien pris note de vos observations sur les caisses de retraite et l’IRCANTEC. Ayant débuté ma carrière au ministère de l’industrie, j’ai tendance à considérer qu’il est préférable de privilégier les placements en France. Cela étant, la Caisse est responsable des fonds d’épargne et de retraite qu’elle gère et il lui faut parfois intervenir sur les marchés internationaux. Cela fait partie de ses missions publiques.

Je souhaite également garantir le service public assuré par la Compagnie nationale du Rhône, et je souligne que je n’ai aucun lien avec le groupe GDF-Suez.

Je remercie Pierre-Alain Muet pour l’amitié dont il fait preuve à mon égard.

Enfin, monsieur Emmanuelli, il faudrait que le Trésor ait bien changé pour faire des « cadeaux » aux banques en demandant à la Caisse des dépôts de fixer des taux d’intérêt élevés !

M. Henri Emmanuelli. C’est ce que dit Michel Bouvard !

M. Jean-Pierre Jouyet. Dans ce cas, il y a quelque chose qui ne va pas et nous mènerons une investigation avec la Commission de surveillance.

M. Éric Alauzet. Les bouleversements économiques, sociaux et géostratégiques guideront votre action, avez-vous affirmé dans votre propos introductif. Vous auriez pu y ajouter la crise écologique, qu’il est essentiel de ne pas sous-estimer et que, du reste, vous mentionnez par la suite. L’épuisement des ressources, le changement climatique, la biodiversité, sont autant de questions qui vont peser très lourd. De ce point de vue, on ne peut que soutenir vos priorités d’investissement, en particulier en direction du logement et des territoires ruraux.

S’agissant des infrastructures, la Cour des comptes estime à juste titre qu’il faut étudier la rentabilité financière et économique des projets envisagés. Il convient donc de prendre un peu de recul et de mesurer tous les impacts. Dans l’hypothèse où il faudrait durcir les critères faute de moyens pour tout réaliser, les investissements dans le logement semblent bien préférables à ceux dans les infrastructures routières, tant au regard de l’emploi et des besoins sociaux qu’au regard de la crise écologique.

M. Jean-Louis Gagnaire. Y a-t-il un avenir pour CDC Entreprises à côté de la banque publique d’investissement ? À mon sens, la BPI n’a pas vocation à couvrir tous les besoins. Comptez-vous dégager les moyens qui aujourd'hui font cruellement défaut à CDC Entreprises lorsqu’il s’agit de faire du co-investissement ?

Quel est votre avis sur le recours à l’emprunt obligataire comme moyen de financement de certaines collectivités territoriales ?

Enfin, sans aller jusqu’à une structure de défaisance, seriez-vous prêt à envisager un concours de la Caisse pour aider à résoudre le problème des prêts toxiques ? Pour la seule banque Dexia, plus de 5 500 collectivités sont touchées. Le problème est devant nous et il faudra absolument le traiter.

M. Thierry Mandon. Le financement de l’innovation est un des grands problèmes de notre économie. Il ne se passe pas une semaine sans qu’une de nos jeunes entreprises innovantes, une de nos « pépites », ne soit rachetée par un groupe étranger qui récupère ainsi tous les investissements réalisés par la puissance publique pendant des années. Aujourd'hui, ces entreprises ne trouvent pas de financement et je doute que la banque publique d’investissement soit l’outil approprié. Le rôle actuel de la Caisse est modeste mais ponctuellement efficace. Quels outils, selon vous, faudrait-il élaborer ou renforcer pour financer l’innovation ?

M. Jean-Pierre Jouyet. Comme M. Alauzet l’indique avec raison, nous devons davantage tenir compte de la crise écologique, du développement durable et du changement climatique. La Caisse a déjà intégré cette dimension dans son plan stratégique et créé un fonds spécifique, mais il faut continuer à ajuster le curseur. Nous tiendrons le plus grand compte des observations de la Cour des comptes en ce domaine. En matière d’infrastructures, il est bien entendu nécessaire de mesurer les impacts.

S’agissant de CDC Entreprises et de la banque publique d’investissement, monsieur Gagnaire, je devrai étudier l’articulation entre les deux structures. Si l’on a une conception très large de la BPI, il faut alors se demander quel sort réserver à CDC Entreprises. Selon ce que les pouvoirs publics décideront, il conviendra de préciser la responsabilité de la Caisse des dépôts en ce domaine. Cela dit, je suis prêt à renforcer CDC Entreprises s’il y a des insuffisances.

Par ailleurs, mes fonctions à l’Autorité des marchés financiers m’ont amené à viser un nombre croissant de dossiers d’emprunts obligataires émis par des collectivités locales. C’est un moyen comme un autre d’accéder au marché.

En ce qui concerne la résolution des prêts toxiques, il est clair que le schéma prudentiel de la Caisse ne lui permet pas d’envisager la mise en place d’une structure de défaisance. Mais nous devrons assurément travailler avec le Trésor et les pouvoirs publics à des solutions pratiques.

J’ai vécu en tant que directeur du Trésor des cessions de petites entreprises technologiques à des investisseurs américains, asiatiques ou autres, monsieur Mandon. Je distinguerai à cet égard trois types de problème. Premièrement, les moyens pour venir en aide à ces entreprises sont éparpillés. La réflexion sur la banque publique d’investissement devra être l’occasion de réexaminer les dispositifs. Deuxièmement, il faut que la Caisse des dépôts accentue ses efforts pour le financement des start-up et autres entreprises technologiques. Troisièmement, lorsque la Caisse ou le Fonds stratégique apportent, aux côtés de grands groupes, leur concours à ces entreprises sous forme de prêt ou de participation, ils doivent examiner précisément les engagements pris par ces groupes à l’égard des entreprises innovantes. Je trouve choquant le manque de solidarité et d’articulation des premiers par rapport aux secondes, tous secteurs confondus. C’est ce qui nous distingue de l’Allemagne et explique la faiblesse de la compétitivité dans ce domaine en France. Vous le voyez, le sujet me tient à cœur.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur Jouyet.

Mes chers collègues, permettez-moi de rappeler la règle de ce scrutin : le Président de la République peut nommer la personnalité auditionnée si la somme des avis défavorables au sein de notre Commission et au sein de celle du Sénat n’excède pas les trois cinquièmes des avis exprimés.

La Commission procède ensuite au vote à bulletins secrets.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 10 juillet 2012 à 12 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Marc Laffineur, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Dominique Lefebvre, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pecresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez

Excusé. - M. Dominique Baert

Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Bachelay, Mme Anne-Yvonne Le Dain