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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 2 octobre 2013

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Gilles Carrez, Président, et de M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire.

–  Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Frédéric cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des Transports, de la mer et de la pêche.

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des Transports, de la mer et de la pêche.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons cet après-midi M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, de la mer et de la pêche. Il nous a en effet paru souhaitable de l’auditionner à la suite d’une série d’auditions que nous avons menées depuis le mois de juillet sur trois grands sujets : la réforme ferroviaire, sur laquelle nous avons déjà auditionné MM. Jacques Rapoport et Guillaume Pepy ; les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, à la suite de la publication du rapport d’enquête que la commission des Finances avait commandé à la Cour des comptes et de l’audition du Premier président de celle-ci, M. Didier Migaud le 24 juillet dernier ; enfin, la taxe « poids lourds », rebaptisée écotaxe puis taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, de la mer et de la pêche. Je vous remercie, messieurs les présidents, de m’avoir convié à cette audition. Il me semble d’ailleurs que c’est la première fois que je suis auditionné par la commission des Finances depuis ma prise de fonction. Ayant été invité à m’exprimer sur ces trois thèmes, je commencerai par évoquer la réforme ferroviaire, dont les grands axes ont été présentés en mai dernier. Il nous faut en effet réformer un système dont les dysfonctionnements se caractérisent par une détérioration de la qualité du service rendu, une forte dégradation de la situation financière – la dette de RFF s’élevant à 32 milliards d’euros et à 40 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur ferroviaire – et l’absence de cadre social commun à l’ensemble des opérateurs ferroviaires. Le calendrier de cette réforme se précise : actuellement à l’étude devant le Conseil d’État, le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 16 octobre prochain.

Ce texte repose sur trois grands thèmes : la structuration d’un service public ferroviaire renforcé et qui soit davantage piloté par l’État ; la création d’un groupe public industriel intégré ; et la modernisation du réseau. L’actualité dramatique a d’ailleurs donné encore plus de relief aux engagements pris antérieurement par le Premier ministre quant à la nécessité de moderniser le réseau existant et d’améliorer l’efficacité des infrastructures.

Sur le premier point, il s’agit de réformer non pas uniquement la SNCF, mais l’ensemble du ferroviaire – on recense en effet une vingtaine d’acteurs dans ce domaine. Il convient d’assurer l’efficacité du système car il s’agit du patrimoine même de notre nation. Pour cela le projet de loi prévoit de créer un Haut comité du ferroviaire qui associera tous les acteurs du secteur : les élus, les régions, les entreprises et les organisations syndicales. Nous améliorerons également la coordination des autorités organisatrices de transport et ferons en sorte d’assurer la qualité, la continuité, la sécurité et la sûreté du transport ferroviaire.

Le deuxième pan de cette réforme vise à la création d’un groupe public industriel intégré. Il convient en effet de redéfinir et de clarifier les missions de chacun, de regrouper la gestion de l’infrastructure en un pôle unique, et ainsi de disposer d’un groupe public industriel qui soit préparé à l’ouverture à la concurrence prévue – au plus tôt – pour 2019. Le projet de loi prévoit donc la création d’un établissement public à caractère industriel et
commercial – EPIC – « mère », la SNCF, dont dépendront deux autres EPIC : le gestionnaire d’infrastructure – regroupant tous les services gérant cette dernière, et dénommé SNCF réseau – et l’exploitant ferroviaire – dénommé SNCF mobilité. La place de l’État est réaffirmée et la représentation nationale sera associée régulièrement à la définition de la stratégie ferroviaire. Quant au groupe intégré, l’EPIC de tête désignera un tiers des membres des conseils d’administration du transporteur et du gestionnaire d’infrastructure unifié – GIU. Il déterminera la stratégie, la cohérence et l’intégration industrielle de l’ensemble du secteur ferroviaire.

Cette réforme devra également revêtir une dimension économique et sociale. Car si nous ne préparons pas le service public ferroviaire à la réalité de l’ouverture à la concurrence, il se retrouvera dans la même situation de compétitivité inégale entre les acteurs que celle du fret il y a quelques années. Il nous faudra donc clarifier les financements de ce service public. Ainsi, puisque l’infrastructure relève du patrimoine de l’État, c’est à celui-ci qu’il revient d’assurer le financement de son développement et on doit cesser de laisser RFF s’endetter par facilité pour financer les nouvelles infrastructures. Le rôle de financement des infrastructures que joue l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – doit donc être réaffirmé. Il conviendra aussi d’assurer une meilleure synergie industrielle et d’optimiser l’offre ferroviaire afin de rétablir l’équilibre financier du secteur et de stabiliser la charge de la dette.

Afin d’anticiper certaines questions, je soulignerai que notre réforme est tout à fait compatible avec la réglementation européenne. J’en suis d’autant plus convaincu que j’entretiens des échanges réguliers avec le commissaire Siim Kallas. Pour que cette réforme soit « eurocompatible », il convient notamment que le régulateur soit renforcé et garantisse l’impartialité du gestionnaire d’infrastructure en termes d’accès au réseau et de tarification des péages. Nous attendons désormais les conclusions du Conseil d’État et de l’Autorité de la concurrence, ainsi que le fruit des réflexions découlant de nos échanges et du travail parlementaire.

Je ne manquerai pas de répondre à vos questions relatives aux relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes et au rapport que la Cour des comptes a consacré à ce thème – rapport qui couvre la période 2009-2012 et dont il convient à présent de suivre les recommandations. Cela tombe d’autant mieux que nous en avons anticipé plusieurs. Ce rapport confirme ainsi à quel point la rigueur avec laquelle le Gouvernement actuel entretient ses relations contractuelles avec les concessionnaires d’autoroutes est justifiée. Les conditions défavorables dans lesquelles nos autoroutes ont été privatisées en 2006 n’ont pas permis à l’État de défendre les intérêts publics et n’ont pas non plus facilité la bonne exécution des contrats de concession – ainsi que le précise la Cour des comptes. Cette privatisation fut une erreur, comme l’illustre aujourd’hui le problème du financement des infrastructures de transport. Nombre de voix s’élèvent d’ailleurs pour la dénoncer, quel que soit le positionnement des députés concernés dans l’hémicycle. Il nous faut en effet non seulement régler ce problème de financement, mais également subir des relations déséquilibrées entre les sociétés concessionnaires et l’État, fondées sur des clauses contractuelles elles-mêmes souvent très complexes et mettant ce dernier en difficulté. Sans doute eût-il fallu, avant même la privatisation, modifier la nature de ce lien contractuel. Mais, cela n’ayant pas été fait, nous nous trouvons liés par ces stipulations. S’il n’est nullement question aujourd’hui de renationalisation, les préconisations de la Cour des comptes doivent cependant nous conduire, d’ici au terme des concessions, à l’horizon 2032, à nous doter d’outils juridiques nous permettant de nous affranchir de ces difficultés.

La Cour des comptes dénonce, par le biais de remarques sévères mais justifiées, un manque de rigueur dans les relations entre l’État et les concessionnaires sur la période 2009-2012.

Cela concerne tout d’abord la tarification, qui a augmenté de 2,24 % en 2011 et de 2,45 % en 2012, mais que nous avons en revanche limitée à 2 % en 2013 – soit une évolution en net recul par rapport aux années précédentes. Nous avons en outre transmis à nos services l’instruction de contrôler avec précision les grilles tarifaires et leur évolution, la réalité des travaux effectués et de mieux évaluer les contrats de plan quinquennaux et les investissements qu’ils prévoient. On a injustement reproché au ministère des Transports d’être insuffisamment armé pour faire face, seul, aux sociétés concessionnaires d’autoroutes puisque la concertation en ce domaine est interministérielle : j’ai notamment associé le ministère des Finances à ces négociations.

Par ailleurs, les sociétés concessionnaires d’autoroutes investissent 2 milliards d’euros dans les réseaux, dont 50 % sont consacrés au maintien et 50 % à des opérations nouvelles. Afin d’améliorer l’expertise de ces investissement, nous faisons systématiquement réaliser des contre-expertises des chiffres annoncés par ces sociétés. En outre, pour les nouveaux investissements, nous avons fixé depuis un an des règles claires concernant le niveau de leur rentabilité. À l’avenir, il n’y aura pas de taux de rentabilité interne – TRI – supérieur à 8%. Nous avons également revalorisé de 50 % le montant de la redevance domaniale, soit une augmentation de 100 millions d’euros par an dont profite le budget de l’AFITF. Une telle hausse est légitime – la redevance n’ayant jamais été actualisée – et soutenable, compte tenu de la réalité économique. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes enregistrent en effet un résultat net de 2 milliards d’euros, pour 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il convenait donc que l’État fasse preuve de plus de rigueur en la matière. Nous exerçons par ailleurs un contrôle serré sur les concessionnaires afin d’améliorer les conditions d’accès des PME aux marchés de travaux sur les réseaux autoroutiers et avons aussi renforcé le rôle de la Commission nationale des marchés.

Enfin, le report de l’écotaxe poids lourds ne relève pas d’un choix ; cela représente plutôt une contrainte budgétaire pour l’État et pour l’AFITF. S’il nous a fallu nous résoudre à cette décision, c’est que le système présentait des défauts techniques remettant en cause l’efficacité des études et mesures réalisées dans le cadre de la marche à blanc, mais qui sont désormais sur le point d’être corrigés. Le délai supplémentaire de trois mois, loin de constituer une perte de temps, permettra aux entreprises de continuer à s’enregistrer et donc d’accroître l’étendue de la flotte participant à la marche à blanc et, partant, de disposer de résultats plus précis.

M. Philippe Duron. Monsieur le ministre, vous avez défini depuis un an et demi une nouvelle politique de transports. Je me réjouis que les travaux de la commission Mobilité 21 vous aient aidé à en définir les fondements. Vous avez ainsi pris acte du fait qu’était venu le temps du courage et des responsabilités en établissant une feuille de route claire, réaliste et exigeante afin de redonner de l’efficacité à l’investissement. Sans abandonner les grands projets modernes, la priorité est accordée à l’entretien et à la modernisation des réseaux existants – signe fort en faveur de l’amélioration des transports du quotidien, de la lutte contre la fracture territoriale ou encore de la compétitivité économique du pays. Chacun peut saisir le bien-fondé de cette politique au vu des réalités auxquelles les usagers des transports sont confrontés au quotidien mais aussi au lendemain de l’accident dramatique de Brétigny-sur-Orge, qui a endeuillé notre pays le 12 juillet dernier. Ces orientations supposent des financements qui soient à la hauteur des besoins. Le Premier ministre a d’ailleurs formulé des annonces importantes le 9 juillet dernier impliquant que les interventions de l’AFITF demeurent à un niveau suffisant, soit a minima au niveau budgétaire actuel de 2,2 milliards d’euros et, à terme, à plus de 2,5 milliards d’euros par an pour permettre de financer le scénario 2, retenu par le Gouvernement.

Or, vous connaissez les difficultés budgétaires de l’Agence pour l’exercice 2013. Il est vrai que la redevance domaniale a augmenté de 50 %, mais le budget tel qu’il a été préparé prévoyait une hausse plus importante qui n’a malheureusement pu être instaurée. En outre, le produit de la taxe d’aménagement du territoire rentre plus lentement que prévu en raison du ralentissement économique. Surtout, il n’est plus possible de compter cette année sur les recettes de l’écotaxe poids lourds. Vous avez rappelé les raisons légitimes de du report de cette taxe au 1er janvier 2014. Toutefois, pour l’AFITF, le problème demeure : si la rémunération du prestataire diminue, elle n’en est pas pour autant annulée en 2013 et entraîne donc des dépenses non compensées qui s’ajoutent aux engagements déjà pris. Comment combler ce manque à gagner et permettre à l’AFITF de continuer à financer l’ambitieuse politique d’investissements du Gouvernement ?

S’agissant de la réforme ferroviaire, vous allez présenter dans quelques jours en Conseil des ministres un projet de loi dont l’objectif est de créer un pôle ferroviaire unifié composé de trois EPIC – point qui semble faire l’unanimité. Les commissaires socialistes au développement durable ne peuvent que se réjouir de la création du gestionnaire d’infrastructure unifié qui répond à un souci d’efficacité pour les opérateurs et d’économie pour la pérennité du système ferroviaire. Au-delà, même s’il est convenu que le bénéficiaire final de cette réforme est l’usager, il importe de ne pas limiter notre débat à des considérations d’ordre organisationnel et internes au système ferroviaire mais de le faire porter plus globalement sur la politique ferroviaire dans notre pays afin que chacun de nos concitoyens puisse plus facilement la percevoir et s’en saisir.

Dans la perspective de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en 2019, que répondez-vous aux critiques portant sur l’indépendance du GIU ? Le retour au modèle de l’entreprise intégrée ne risque-t-il pas de décourager d’autres opérateurs et de faire naître la perception d’une discrimination manifeste ?

Enfin, la Cour des comptes a pointé, dans son rapport du 24 juillet dernier, des hausses de tarifs de péages autoroutiers nettement supérieures à l’inflation et des insuffisances manifestes, tant dans l’encadrement des obligations des concessionnaires que quant à la capacité de l’État à les contrôler efficacement. Ces hausses tarifaires paraissent d’autant plus contestables que la légitimité des investissements qui les sous-tendent n’est pas toujours pleinement avérée. Or la qualité du service rendu à l’usager, garantie de l’acceptabilité du péage, constitue la pierre angulaire de ces catégories de contrat. Face à cet état des lieux préoccupant, comment se dessinent les discussions entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes sur l’achèvement des contrats de concession actuels à l’horizon 2030 ou 2032 et sur le plan de relance autoroutier décidé par le Gouvernement ? Quelles mesures votre ministère compte-t-il prendre pour que l’État retrouve tout son rôle de garant des intérêts des usagers ?

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, nous sommes dans une période particulièrement funeste pour l’environnement dans notre pays. Le projet de budget connaît pour la deuxième année consécutive une baisse sans précédent. Dans un communiqué, les associations de protection de l’environnement qualifient la Conférence environnementale de véritable fiasco. Deux exemples symboliques permettront d’éclairer la représentation nationale et ceux qui suivent nos travaux : d’une part, la politique de l’eau est sur le point de se faire amputer de 210 millions d’euros et, d’autre part, vous vous apprêtez à puiser dans le Fonds postal national de péréquation territoriale, véritable symbole de l’aménagement du territoire. Il serait grand temps de mener une politique fondée sur une vision de long terme et de cesser de faire de l’environnement la variable d’ajustement et la manne que l’on utilise pour combler les déficits de l’État.

En ce qui concerne la taxe poids lourds, nous assistons à un énième report. Si nous avons nous-mêmes reconnu en notre temps la difficulté que représentait l’instauration d’un tel dispositif, ce report aura néanmoins une incidence financière sur le budget de l’État et de l’AFITF.

S’agissant de la réforme ferroviaire, non seulement le texte qui nous est présenté ne fait pas l’unanimité mais je suis même persuadé qu’il n’y a pas aujourd’hui de majorité pour le voter ! Si les députés UMP souhaitent une refondation pérenne du système ferroviaire français préservant le rôle des acteurs concernés et rendant à l’État son rôle de stratège, il convient cependant que les régions en connaissent les coûts et choisissent les dessertes. Nous souhaitons que le gestionnaire d’infrastructure exerce pleinement sa mission de façon indépendante et que le système soit optimisé par le choix d’une tarification adéquate. Réitérant nos doutes quant à l’« eurocompatibilité » du texte que vous nous proposez, nous jugeons impératif d’ériger une muraille entre les flux financiers des différentes structures. L’affaiblissement du rôle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires – ARAF – nous inquiète également. Par conséquent, monsieur le ministre, appuyez-vous sur les parlementaires pour revoir le texte que vous nous proposez !

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre, on va bientôt vous surnommer le ministre de l’abandon des transports. Car jamais nous n’aurons assisté à une attaque aussi directe contre les transports en France ! Première torpille : la taxe poids lourds qui devait être affectée exclusivement aux nouvelles infrastructures de transport ne le sera plus que pour moitié. Et encore ! Vous en différez l’application sans nous préciser que vous ne compenserez pas à due concurrence le budget de l’AFITF. En conséquence, le développement des infrastructures de demain est repoussé très loin dans le temps. Et plus grave encore, compte tenu de la faiblesse des moyens mis à la disposition de l’AFITF, nous allons nous voir refuser le financement des grands projets européens, si bien qu’il vous faudra revoir votre copie.

Et cela ne suffisait point encore : le bateau n’avait pas complètement coulé ! Voilà que nous apprenons que vous prévoyez une augmentation généralisée de la TVA sur les transports publics, qui vont être assujettis au taux de 10 %, ce qui rend furieuses toutes les organisations professionnelles. Et ce sont évidemment les usagers et les collectivités locales qui vont devoir payer. Sans doute considérez-vous que les bus, les métros, les tramways et les RER ne sont guère utiles à nos concitoyens. Il est vrai que vu le prix de l’essence et alors que l’on prône l’usage des transports en commun, il est de bon goût d’augmenter le prix de ces derniers pour les usagers ! On peut en effet s’attendre à une hausse minimale de 4 % des tarifs des billets et des abonnements de TGV, d’Intercités et de TER. Parallèlement, la TVA sur les billets de cinéma est abaissée au taux de 5 %. Certes, il est important de se divertir et de se cultiver mais il m’eût paru préférable de privilégier les transports.

Quant au projet de loi de réforme ferroviaire, il est sans cesse différé : alors qu’il aurait dû être présenté en Conseil des ministres l’été dernier et devant le Parlement à l’automne, voilà que l’on apprend à présent par voie de presse qu’il devrait être examiné en Conseil des ministres à la mi-octobre puis par le Parlement au début de l’année 2014. On finit donc par ne plus y croire !

Il est par ailleurs invraisemblable que le Parlement ne dispose pas d’informations claires sur votre budget : d’un côté, Bercy annonce l’affectation de 1,9 milliard d’euros à l’écologie dans le cadre des investissements d’avenir ; de l’autre, le ministère de l’Écologie parle de 2,3 milliards d’euros dont une partie devrait revenir aux transports de demain : cherchez l’erreur...

Enfin, pourriez-vous nous fournir quelques informations sur la catastrophe de Brétigny-sur-Orge ? Nous n’irons pas jusqu’à réclamer la création d’une commission d’enquête sur le sujet. Il reste que l’audit de la SNCF met en exergue une maintenance défaillante, des boulons manquants, des rails fissurés – soit au total une quarantaine d’anomalies sur l’aiguillage incriminé. Pis encore, on nous indique qu’il manquerait ici et là d’autres boulons. Ce rapport d’audit ayant fait l’objet d’une fuite puis ayant été publié sur Internet, il serait souhaitable que nous ayons un débat sur ce sujet qui inquiète nos concitoyens.

M. Nicolas Sansu. Tout le monde sait pertinemment qu’un réseau d’infrastructures ferroviaires performant constitue un atout pour la nation, comme en témoigne l’histoire de notre développement industriel. Attirer des investissements directs en provenance de l’étranger n’est pas qu’une question de coût du travail ; cela dépend aussi du niveau des services que l’on peut rendre à la population et aux entreprises. C’est là un point que l’on omet souvent lorsque l’on évoque la compétitivité. En outre, en France, le secteur ferroviaire est aussi symbole d’innovation. Dès lors, afin de reconquérir le développement de notre pays et d’assurer la transition énergétique, il importe de mener une action forte en ce domaine.

S’agissant de l’organisation du nouveau pôle ferroviaire unifié, le choix opéré par le Gouvernement lui a été recommandé par la Commission européenne. Il est donc indubitablement « eurocompatible ». Cependant, en prenant une telle orientation, vous anticipez la mise en application du quatrième paquet ferroviaire qui prévoit l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs – pour laquelle vous connaissez notre peu d’appétence, dans la mesure où c’est justement le service public qui a permis le développement du transport ferroviaire dans le pays au sortir de la guerre. Notre groupe propose, à l’inverse, l’intégration de l’ensemble des fonctions ferroviaires au sein d’une seule entreprise publique – seule possibilité, selon nous, de concilier l’unification de la famille ferroviaire avec l’existence du service public. Je rappelle qu’en février 1997, la « loi Pons » fut vilipendée par l’ensemble des groupes d’opposition de l’époque – parmi lesquels le groupe socialiste. L’allocation de capacités pourrait être confiée à l’autorité de tutelle, c’est-à-dire au ministère des Transports. S’agissant du transport de voyageurs et des infrastructures, la réglementation européenne n’impose à ce jour que la séparation comptable des deux activités : dès lors, notre proposition vous paraît-elle pertinente ? Quelle est la position de la France sur le quatrième paquet ferroviaire et quelles seraient les conséquences envisagées en cas d’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs – ne serait-ce que sur le client ?

S’agissant du financement, la dette de 40 milliards d’euros du système ferroviaire, RFF et la SNCF confondus, a déjà été mentionnée. Vous semblez prévoir que le nouveau groupe public ferroviaire industriel intégré fonctionnera à recettes constantes, ce qui signifie que vous tablez sur une augmentation de la productivité pour stabiliser la dette. Mais nous aurons besoin de financements complémentaires. C’est pourquoi nous proposons de solliciter l’épargne populaire dans le cadre d’un livret vert – comme le suggèrent d’ailleurs nos deux éminentes collègues Valérie Rabault et Karine Berger, au profit du développement des infrastructures de réseau – ou encore de taxer les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Dans la mesure où la privatisation s’est déroulée dans de très mauvaises conditions et où le coût de financement de nouvelles infrastructures est très élevé, au moins pourrait-on ainsi se rattraper en partie.

Concernant le programme des investissements d’avenir, je n’ai pas trouvé dans le projet de loi de finances pour 2014 ce qui pouvait précisément être affecté aux investissements ferroviaires. Quelles sont les pistes envisagées pour relancer le fret dans le cadre de la nouvelle réforme ferroviaire ? Quant aux trains d’équilibre du territoire, ils ont fait l’objet d’une convention entre l’État et la SNCF dont la durée sera prolongée. Nous nous interrogeons néanmoins, à la suite de la publication du rapport Duron, quant à la définition de schémas directeurs sur les lignes de trains d’équilibre du territoire – notamment sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. Comptez-vous utiliser des TGV de première génération sur cette ligne interconnectable au réseau européen à grande vitesse ou devrons-nous encore attendre huit à dix ans pour obtenir de nouveaux matériels, au risque de devoir utiliser d’ici là des trains se trouvant dans un état lamentable ?

M. François-Michel Lambert. Lors de la Conférence environnementale, le Président de la République a engagé la France dans une voie d’ambition absolument nécessaire – dans la mesure où selon le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, le réchauffement climatique est bien pire que nous le croyions –, fondée sur un objectif de réduction de moitié de notre consommation énergétique et de division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Dès lors, la politique des transports ne doit-elle pas faire de ces engagements la pierre angulaire de tout choix à venir ? C’est bien tardivement que nous découvrons que le transport en TGV ne constitue une réponse que pour quelques voyageurs, mais non pour la majorité des Français au quotidien et que c’est aujourd’hui sur le transport de proximité que nous devons mettre l’accent. L’Association des régions de France – ARF – s’interroge d’ailleurs quant à notre capacité d’articuler les interventions de l’Europe, de l’État et des régions dans la mise en application des contrats de plan État-régions dans le domaine des transports de proximité. Qu’en pensez-vous ?

Le passage à 10 % du taux de TVA sur les transports nous paraît contradictoire avec les déclarations du Président de la République qui a invité nos concitoyens, il y a dix jours, à entrer dans une nouvelle ère fondée sur une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans le même temps, le diesel continue à bénéficier d’avantages fiscaux représentant plusieurs milliards d’euros. Je n’omettrai pas non plus de mentionner les 42 000 morts par an victimes de la pollution atmosphérique. Il y a donc là une incohérence totale.

En ce qui concerne le fret ferroviaire, nous continuons malheureusement à nous référer à un modèle datant du XIXe siècle : celui des grands corridors aux coûts d’investissement et de fonctionnement faramineux. Comme d’habitude, la France s’engage à utiliser un matériel 100 % français, invendable à l’étranger car incompatible avec celui de nos voisins – ressemblant en cela à toutes ces innovations « géniales » que furent le Concorde, le minitel et le Rafale ! Un tel choix ne répondra nullement aux enjeux. Plutôt que de courir après des chimères comme celle-ci ou encore comme la ligne Lyon-Turin, nous aurions pu renforcer le trafic sur des lignes sous-exploitées. Car parallèlement à cette ligne, la ligne historique située sous les Alpes n’est utilisée qu’à 17 %. Une plainte a d’ailleurs été déposée auprès du procureur de la République de Chambéry au motif que la circulation de marchandises sur la route représentait un réel problème de santé publique. L’absence de politique volontariste en la matière constitue une négligence mettant en danger la vie d’autrui.

M. Olivier Falorni. Quel schéma de gouvernance envisagez-vous dans le cadre de la réforme ferroviaire qui institue un EPIC-mère couvrant le gestionnaire d’infrastructure unifié SNCF ? Ce schéma est-il conforme à l’ouverture du marché à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire ? Est en effet réaffirmée dans ce texte l’obligation d’étanchéité totale entre le gestionnaire d’infrastructure et les opérateurs.

Sur le volet social, les partenaires sociaux et les employeurs négocient actuellement des accords de branche. Or, les agents refusent tout nivellement vers le bas de leurs conditions de travail et revendiquent le maintien de la réglementation actuelle du travail de la SNCF qui répond aux contraintes de service public, notamment en matière de sécurité. Qu’en pensez-vous ?

La réforme ferroviaire est censée permettre d’endiguer la spirale de l’endettement du rail français qui culmine à 40 milliards d’euros – condition sine qua non pour garantir l’efficacité du système. La stabilisation de cette dette suppose néanmoins de dégager 1,5 milliard d’euros par an, dont un tiers doit provenir des gains de productivité engendrés par la réforme et un deuxième tiers des économies réalisées au sein de la SNCF : le dernier tiers proviendra-t-il de l’État, celui-ci renonçant à percevoir ses dividendes ainsi que l’impôt sur les sociétés dû chaque année par la SNCF ?

Le projet de loi de finances pour 2014, présenté le 25 septembre dernier en Conseil des ministres, prévoit une baisse de 50 % de la subvention de l’État à l’AFITF. Cette diminution doit être compensée par la hausse de la redevance domaniale versée par les sociétés d’autoroutes et la mise en application de l’écotaxe poids lourds : cette dernière sera-t-elle réellement effective au 1er janvier 2014 ?

En ce qui concerne le grand port maritime de La Rochelle – ville dans laquelle votre passage de vendredi dernier a été très apprécié –, je ne reviendrai pas sur la nécessité de procéder à la construction de l’A831, mais évoquerai plutôt le contournement ferré nord de la ville : ce projet doit prendre en compte l’ensemble de l’hinterland concerné et en particulier la ligne Poitiers-La Rochelle pour laquelle la région Poitou-Charentes a fixé comme priorité de son futur contrat de plan avec l’État le doublement de la voie ferrée sur 26 kilomètres, ce qui augmenterait à la fois la capacité de l’offre TER et de celle du fret, tout en conservant les sillons de TGV. Le dégagement capacitaire fret de la ligne La Rochelle-La Pallice permettrait ainsi un développement important du TER dans La Rochelle intra muros et la desserte des quartiers populaires par un tram-train. Ainsi le contournement ferré nord pourra-t-il recevoir en toute sécurité les matières dangereuses qui traversent aujourd’hui la ville. Ce projet requerra votre soutien compte tenu de son impact sur les populations et des dispositions de la loi littoral.

Mon collègue Jacques Krabal aurait souhaité savoir si la gare de Château-Thierry, vétuste et non conforme aux normes d’accessibilité des personnes à mobilité réduite, fera bien l’objet de travaux de rénovation comme cela a été annoncé. Si oui, selon quel calendrier prévisionnel ? Mon collègue s’inquiète également de l’état de la route nationale 2 dans sa circonscription.

Enfin, j’exprimerai mon attachement à la Caisse maritime d’allocations familiales.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Dans le secteur du fret, monsieur le ministre, vous avez annoncé le lancement, à l’horizon 2016-2017, de deux nouvelles autoroutes ferroviaires : l’une, sur le parcours Dourges-Bayonne, permettrait de transférer sur le train la charge de 85 000 poids lourds par an ; la seconde correspond au prolongement vers Calais de l’autoroute reliant Bettembourg au Boulou. Cela nécessitera la réalisation de 300 millions d’euros d’investissements dans les infrastructures. Or, les objectifs, fixés par la loi Grenelle 1, de report modal des transports routier et aérien vers le rail et la voie d’eau sont loin d’avoir été atteints. On a même plutôt régressé en ce domaine. Une fois réalisées, ces deux nouvelles autoroutes ferroviaires permettront-elles d’atteindre de tels objectifs ?

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, dans son rapport sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, la Cour des comptes s’est montrée, à mon sens, extrêmement dure à l’égard de votre administration, dont elle estime qu’elle n’a pas les moyens de suivre correctement les contrats de concession. Qu’en est-il selon vous ?

En 2005, deux courants de pensée se sont affrontés. Le premier, auquel j’appartenais, considérait qu’il ne fallait pas privatiser les autoroutes, l’un des rares secteurs publics autofinancés dont les revenus permettaient d’alimenter les comptes d’investissement notamment en direction de l’AFITF. Le second courant estimait que MM. Lionel Jospin et Jean-Claude Gayssot ayant déjà cédé 48 % des Autoroutes du sud de la France – ASF – en 2000, il n’y avait aucune raison de ne pas aller au terme d’un processus qui présentait l’avantage d’accélérer notre désendettement et de permettre la création d’une dotation à l’AFITF. Nous ne sortirons pas du régime de la concession, vous l’avez confirmé, mais comment mieux contrôler que les obligations auxquelles sont tenues les sociétés concessionnaires sont bien remplies ? Envisagez-vous d’exiger la mise en place de programmes de travaux en contrepartie de la prolongation de la durée des concessions ?

M. le ministre délégué. Je remercie ceux d’entre vous qui m’ont manifesté leur soutien. D’autres ont évoqué la politique que je mène avec bien peu de nuances alors que je me vois contraint d’assumer un bien lourd héritage. Mais la violence des propos ne masque pas la carence des bilans.

Monsieur le président de la commission du Développement durable, la mise en place des autoroutes ferroviaires s’inscrit dans le cadre d’une véritable politique des transports environnementale. Nous souhaitons créer un report modal massif sur des axes aussi fréquentés que celui du franchissement de la frontière espagnole. Un maillage commence à se dessiner avec la liaison des côtes et des grands ports maritimes. La nouvelle autoroute ferroviaire qui relie la côte d’Opale – Calais et Dunkerque – et la côte Vermeille – Le Boulou – s’inscrit dans une véritable stratégie d’aménagement du territoire, de même que la liaison entre Dourges, près de Lille, et Bayonne, qui permettra de reporter 7 % du trafic de la route vers le rail.

Ces projets sont complétés par une réflexion en matière d’infrastructures de triage. En même temps qu’une action en termes de fiscalité, nous devons en effet proposer des alternatives efficaces afin que les comportements et les flux puissent évoluer car, en matière de fret, toutes les politiques menées jusqu’à ce jour ont échoué : plus les ambitions affichées étaient grandes, plus la part de marché du fret ferroviaire s’effondrait. Nous travaillons désormais avec l’ensemble des opérateurs afin de créer un dialogue inexistant jusqu’alors, de simplifier les procédures, et de lever les obstacles.

Nous devrons aussi mettre en place une véritable stratégie avec les opérateurs de proximité. Monsieur Olivier Falorni, j’ai constaté à quel point étaient fortes les ambitions du grand port maritime de La Rochelle en matière de fret portuaire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, paradoxalement, un port passé dans le giron de l’État, dont l’activité connaît une croissance à deux chiffres, consacre l’efficacité d’une loi de décentralisation portuaire.

Monsieur le président de la commission des Finances, vous avez raison : le rapport de la Cour des comptes ne rend pas justice à la qualité, à l’efficacité et à la rigueur intellectuelle d’une administration que je découvre depuis mon entrée en fonction, même si vous conviendrez avec moi qu’elle a été malmenée ces dernières années.

M. le président Gilles Carrez. Cela continue !

M. le ministre délégué. Nous reviendrons sur le sujet lors de l’examen du budget, mais ce n’est plus vraiment le cas, monsieur Carrez. L’application aveugle du principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a fait des ravages au sein du ministère de l’Équipement. Si l’on y ajoute l’absence d’une politique des transports, on comprend mieux la situation dramatique que nous avons trouvée.

Il reste que l’appréciation de la Cour est sévère. Elle serait justifiée si des consignes avaient été données afin de rendre les contrôles plus souples, mais si cela avait été le cas, il faudrait que nous le sachions. Pour ma part, j’ai demandé que l’État, l’intérêt général et le bien public soient défendus avec rigueur et exigence. À mon sens, l’administration du ministère des Transports, qui doit être exemplaire, a aujourd’hui les moyens d’agir et d’entretenir un rapport équilibré avec ceux qui gèrent le domaine public. Sur ce sujet, j’ai souhaité associer tous les ministères concernés : ce n’est pas un aveu de faiblesse ; c’est plutôt une méthode de travail.

Nous payons cher les conditions expéditives dans lesquelles s’est déroulée la privatisation de 2006 ; nous les paierons encore longtemps. Votre analyse était la mienne, monsieur Carrez : je suis sûr que nous aurions été heureux de bénéficier aujourd’hui des profits dégagés par les sociétés d’autoroutes – 2 milliards d’euros de résultat net – pour investir et créer de l’emploi.

Monsieur Philippe Duron, je salue la très grande qualité du travail effectuée par la commission Mobilité 21 que vous présidiez, au sein de laquelle toutes les sensibilités politiques étaient représentées. Le Premier ministre a retenu un scénario ambitieux qui permettra, d’ici à 2030, de consacrer 30 milliards d’euros aux investissements dans les nouvelles infrastructures de transport pour une mobilité durable. Cet effort s’inscrit dans une stratégie globale en matière de transport : 30 milliards seront également consacrés à la modernisation des réseaux existants, notamment dans le cadre des contrats de plan entre l’État et les régions, et une somme équivalente permettra de mettre en œuvre le plan de modernisation ferroviaire engagé par RFF. Alors que le schéma national des infrastructures de transports – SNIT – n’offrait aucune lisibilité, nous disposons désormais d’une méthode et d’un mode d’emploi pour agir, en termes tant de budget et de calendrier que de mode de concertation. Le Parlement sera associé à cette démarche. Nous nous apprêtons à nous tourner vers les territoires afin d’engager le volet mobilité de la contractualisation État-régions.

Nos budgets sont conçus de manière à garantir tous les financements nécessaires, en particulier les financements exigibles. Nous mettons sur pied une véritable fiscalité environnementale avec l’écotaxe poids lourds et avec des recettes de substitution, mais sans pour autant diminuer toutes les subventions publiques. À l’horizon 2015, le Gouvernement s’est ainsi engagé à sanctuariser 400 millions d’euros destinés à l’AFITF en plus de l’écotaxe poids lourds. Le budget de l’agence sera donc porté de 2,2 à 2,5 milliards d’euros d’ici à 2017. Par ailleurs, il nous reviendra de trouver ensemble les ajustements rendus nécessaires par le report de l’entrée en vigueur de l’écotaxe poids lourds.

L’impartialité et l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure unifié doivent être garanties – ce sera le rôle du régulateur d’y veiller –, mais cela n’enlève rien à la nécessité de disposer d’un groupe intégré. En effet, les dysfonctionnements actuels s’expliquent sans doute par l’éclatement des responsabilités entre RFF, SNCF Infra et la direction de la circulation ferroviaire – DCF. Le drame de Brétigny est peut-être l’une des conséquences de cette complexité et d’un manque de coordination. Le regroupement dans un EPIC unique permettra une réelle simplification en même temps qu’il sera une garantie d’impartialité.

Les interventions de M. Martial Saddier et de M. Bertrand Pancher ne sont pas caractérisées par la pondération. « Ministre de l’abandon », dites-vous ! Mais de quoi parlez-vous ? Je dois aujourd’hui assumer des mensonges d’État, des promesses données jusqu’au plus haut niveau de l’État qui ne reposaient que sur un financement en fausse monnaie ! S’il n’y a pas « abandon », il y a bien eu, en effet, mensonge s’agissant des 245 milliards d’euros de projets du SNIT : ils n’étaient pas financés. Vous avez bercé les territoires de promesses qui ne pouvaient pas être tenues ! Aussi je vous invite à modérer vos propos. Si le contournement de Strasbourg ne se fait pas, c’est parce que le partenariat public-privé est un échec ; si le canal Seine-Nord Europe ne se fait pas, c’est parce que vous n’avez pas su demander à l’Europe les subventions nécessaires. Vous avez engagé à crédit la construction simultanée de quatre lignes à grande vitesse en mettant l’AFITF en difficulté : 200 millions d’euros seront gagés pendant vingt ans pour deux d’entre elles, parce que vous ne disposiez pas du début du commencement d’un financement. Qui est irresponsable ?

En ce qui me concerne, je signerai dans quelques jours le contrat permettant la réalisation de la rocade L2 à Marseille alors que ce projet était en jachère depuis vingt ans, que des travaux ont été engagés et de l’argent public gaspillé. En matière de grands travaux, certains engagements ont été tenus, comme le contournement de Nîmes et de Montpellier ; d’autres chantiers se poursuivront – je pourrais en dresser toute une liste.

En ce qui concerne l’écotaxe poids lourds, vous n’avez pas de mots assez durs à notre endroit alors que le courage vous a manqué pour la mettre en place. En effet, en 2009, alors que nous avions voté avec vous la loi dite « Grenelle 1 » qui comportait cette mesure, vous n’avez pas été capables de transformer votre discours en actes. Vous avez multiplié les reports, ce qui n’a pas contribué à crédibiliser un dispositif innovant. Il aurait été préférable, ensuite, de nous laisser faire plutôt que de susciter une contestation générale en signant à la va-vite, sur un coin de table, le jour même de l’élection présidentielle, un décret d’application. Pour notre part, nous veillerons à ce que l’écotaxe soit en vigueur le 1er janvier prochain, dans le cadre d’un dispositif sécurisé qui concernera tous les transporteurs. J’ai rencontré ceux-ci il y a quelques jours, je les réunirai à nouveau demain, pour une table ronde : ils ont tout à gagner à ce que nous sortions au mieux de la situation qui nous a été laissée.

S’agissant du transport ferroviaire, vous vous interrogez sur « l’eurocompatibilité » avec un quatrième paquet qui n’est pas encore voté ! Nous ne nous soumettons pas aux textes issus de la Commission européenne : ce n’est plus la politique de la France. Ils font l’objet de discussions, de propositions d’amendements de notre part. Rompant avec la pratique précédente, les ministres concernés sont présents à chaque conseil des ministres européen. Pour ma part, je me rends à tous ceux qui sont consacrés aux transports ou à la pêche. Je rencontre également les parlementaires européens, et j’assiste aux réunions informelles organisées par le commissaire chargé des transports, M. Siim Kallas, ou par la commissaire chargée des affaires maritimes et de la pêche, Mme Maria Damanaki. Je vais partout où il est indispensable de faire valoir les arguments de la France. Le quatrième paquet ferroviaire est encore loin d’être définitivement arrêté, et nous jouons notre partie dans son élaboration afin que soient prises en compte l’histoire et la position de notre pays. J’y insiste donc, monsieur Nicolas Sansu, nous ne nous soumettons pas ; au contraire, la France qui était isolée est devenue acteur de la politique européenne des transports.

Le débat parlementaire sur le texte actuellement soumis au Conseil d’État permettra de lever les inquiétudes qui se sont exprimées concernant l’ARAF, son champ de compétence, le contrôle des perspectives financières, la nature de l’avis qu’elle émet sur la nomination du président du GIU…

M. Martial Saddier. Un avis simple !

M. le ministre délégué. Ce pourrait être un avis conforme. Je ne suis pas fermé à la discussion sur ce point.

La création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – évitera que l’augmentation de TVA n’entraîne une hausse des tarifs pratiqués par les opérateurs ferroviaires et par la RATP.

Je ne répondrai pas aux propos tenus par l’opposition concernant Brétigny. Ce n’est ni le lieu pour le faire, ni le sujet de cette réunion. Si Brétigny doit nous apprendre quelque chose, c’est qu’il y a eu un fiasco. Et le fiasco renvoie à la situation du ferroviaire depuis plusieurs années. Je n’endosserai pas cela !

M. Luc Chatel. C’est assez déplacé ! Ce n’est pas très digne de votre part !

M. le ministre délégué. En matière de dignité, je n’ai pas de leçon à recevoir de votre part. C’est l’opposition qui a invité le drame de Brétigny dans cette réunion ! En décembre 2012, j’ai demandé un diagnostic complet à l’établissement public de sécurité ferroviaire, non pour désigner un coupable ou émettre des critiques, mais pour disposer d’un état des lieux permettant d’ajuster les procédures. Ce travail doit être rendu prochainement. Parallèlement, il nous faudra étudier avec RFF la meilleure affectation possible des moyens dans le cadre du grand plan de modernisation du ferroviaire pour améliorer l’état du réseau. Telles sont les leçons que nous devons tirer de la catastrophe de Brétigny, monsieur Chatel, et vous auriez dû me laisser terminer mon propos avant de vous indigner...

M. Luc Chatel. Votre parole a sans doute dépassé votre pensée !

M. le ministre délégué. La capacité de dépenses du ministère des Transports, de la mer et de la pêche est stable, à 8,2 milliards d’euros, ce n’est pas un budget d’« abandon ». Certains des grands projets du programme d’investissements d’avenir – PIA – concernent les transports comme l’aéronautique pour 1,2 milliard d’euros, comme le TGV du futur, auquel 150 millions d’euros seront consacrés, ou le navire du futur, pour 300 millions. C’est également le cas de plusieurs des trente-quatre grands chantiers industriels présentés par le Président de la République et M. Arnaud Montebourg le 12 septembre dernier.

Je l’ai dit, monsieur Nicolas Sansu, je ne suis soumis à aucune idéologie européenne dominante. En matière d’organisation ferroviaire, il existe une voie qui nous permet, tout en restant « eurocompatibles », de constituer un groupe public ferroviaire intégré composé d’établissements publics – comme cela sera garanti par la loi. En la matière, le Parlement a tout son rôle à jouer au service de l’aménagement du territoire. La piste que vous évoquez d’un seul établissement est impossible car, sur le plan européen, l’attribution des sillons doit revenir à une structure indépendante du point de vue juridique comme du point de vue comptable. Sur la rénovation, le grand plan de modernisation du réseau se déclinera territoire par territoire et, à ce stade, je ne puis encore vous répondre sur le schéma directeur ou sur les matériels de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse.

J’ai déjà traité de politique environnementale des transports en évoquant le fret et le report modal. Monsieur François-Michel Lambert, votre critique de la politique du Gouvernement, que vous jugez contraire à l’équilibre des territoires, me paraît injuste. Sur ce sujet, en effet, nous travaillons à une approche nouvelle en symbiose avec Mme Cécile Duflot, la ministre de l’Égalité des territoires et du logement. Toutes les conclusions de la commission Mobilité 21, reprises par le Gouvernement, donnent une chance à cet équilibre.

Un traité international a été signé pour la réalisation de la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin. Nous avançons sur ce dossier en bonne intelligence avec nos homologues italiens, lorsque l’instabilité ministérielle ne nous empêche pas de le faire – M. Maurizio Lupi que j’ai reçu jeudi dernier n’est déjà plus en fonction !

M. Olivier Falorni a raison : il faut éviter que la compétitivité de l’opérateur ferroviaire historique ne soit hypothéquée par l’application de règles sociales auxquelles d’autres échapperaient. Une solution consisterait à passer par un « décret-socle » et par la négociation d’une convention collective déclinée en accords de branche et en accords d’entreprise.

Je ne reviens pas sur la question du port de La Rochelle. Nous cherchons à désenclaver les ports et à créer des liens ferroviaires, fluviaux ou routiers. Sur ce sujet, nous suivons les préconisations de la commission que présidait M. Philippe Duron. Le développement de nos façades maritimes constitue un enjeu de compétitivité et de croissance économiques.

Le projet d’autoroute A831 Rochefort-Fontenay-le-Comte suit son cours. Les procédures engagées sur ce projet, comme sur d’autres, prennent du temps. Il faut les laisser aller à leur terme.

M. Olivier Faure. Quel est exactement le manque à gagner pour l’AFITF du report de l’application de l’écotaxe poids lourds ? Quelles sont les conséquences prévisibles sur les projets ferroviaires ? Le contrat entre l’État et Ecomouv’ prévoit-il des pénalités en cas de report dû à des causes techniques ? Si tel est bien le cas, comptez-vous les faire appliquer ? La réticence des redevables à s’enregistrer dans le nouveau système a-t-elle été mesurée ? Peut-elle expliquer en partie la situation actuelle ? Quelle politique de contrôle et de sanction menez-vous en la matière ? À ma connaissance, à la fin du mois d’août dernier, 20 000 véhicules seulement étaient enregistrés.

Le décret de 1995 relatif aux péages autoroutiers garantit une hausse annuelle minimale du tarif kilométrique moyen correspondant à 70 % de l’inflation, mais, si un concessionnaire s’engage à réaliser des investissements dans le cadre d’un contrat de plan, cette augmentation peut être supérieure sans qu’aucun plafond vienne la limiter. Envisagez-vous de revenir sur cette dernière disposition ?

La gendarmerie et les douanes acquittent aujourd’hui des frais de péage pour circuler sur les autoroutes. Envisagez-vous de revenir sur la « circulaire Hoeffel » pour leur assurer un accès en franchise de droits ? L’économie pour l’État s’élèverait à plus de 1,5 million d’euros par an.

Enfin, quelle est la nature des engagements pris par le Gouvernement au mois de juillet dernier dans le plan de mobilisation pour les transports du Nouveau Grand Paris ? Ces engagements seront-ils tenus ?

M. David Douillet. Monsieur le ministre délégué, la mise en place de l’écotaxe poids lourds suscite de vives inquiétudes chez les responsables des établissements équestres, nombreux dans mon département des Yvelines. Non seulement le coût de la paille et de la nourriture des chevaux va s’en trouver augmenté, mais eux-mêmes auront à acquitter cette taxe puisqu’ils transportent leurs animaux dans des véhicules lourds. Il m’a donc paru de mon devoir de vous alerter sur ce problème, qui ne peut que devenir sensible après le 1er janvier prochain.

M. Yannick Favennec. Votre prédécesseur s’était engagé à faire figurer dans les prochains programmes de modernisation des itinéraires routiers – PDMI –, qui porteront sur la période 2015-2020, la modernisation et la sécurisation de la RN 12 sur le tronçon qui relie Alençon à Fougères en traversant trois départements et trois régions. C’est un axe structurant, important pour l’attractivité et le développement du nord de la Mayenne, mais aussi du pays de Fougères, cher au cœur de mon collègue Thierry Benoit. Vous aviez confirmé cet engagement du bout des lèvres à votre arrivée au ministère ; depuis, peut-être poussé à cela par notre insistance à tous deux et par celle du maire d’Alençon, vous l’avez réaffirmé clairement, en particulier pour ce qui concerne la réalisation prioritaire du contournement d’Ernée. Néanmoins, je m’interroge sur le financement de ces PDMI – et donc de la modernisation de la RN 12. En effet, l’écotaxe poids lourds ne sera plus affectée à l’AFITF qu’à hauteur de 50 %, ce qui représente un manque à gagner d’environ 500 millions d’euros – loin d’être neutre pour le financement de ce type de projets. De plus, ni la région Pays de la Loire ni la région Bretagne – qui sont dirigées par vos amis – ne se sont engagées sur le cofinancement de ce projet...

Mme Sylviane Alaux. La réforme ferroviaire doit s’accompagner d’une modernisation du cadre social qui devrait être menée sans remettre en cause le statut des personnels. J’ai compris que ce travail s’appuierait sur la négociation d’une convention collective nationale. Au vu des premiers échanges que vous avez eus avec les organisations syndicales sur le sujet, pouvez-vous nous dire comment le statut et les droits sociaux des personnels seront préservés dans le cadre de cette modernisation ?

D’autre part, le monde maritime compte beaucoup sur votre vigilance pour que soit de même préservée la Caisse maritime d’allocations familiales – CMAF –, outil social majeur auquel nos marins sont très attachés. Vous avez constitué un groupe de travail, ce dont je vous remercie, mais les rumeurs les plus contradictoires circulent. Nous avons besoin d’être rassurés.

M. Claude de Ganay. Le système de transports publics de proximité pâtit aujourd’hui d’un syndrome très français : d’une gouvernance particulièrement complexe. La région a la charge du service public de transport régional de voyageurs et finance les TER ; le département est l’autorité organisatrice des services routiers de transports publics interurbains par autocar et organise le déplacement des scolaires ; enfin, les agglomérations définissent les règles en matière de transport de personnes et de marchandises, de circulation et de stationnement en ville. Alors même qu’il existe une demande croissante en faveur des déplacements multimodaux – bus-autocar-train – qui ignorent ces frontières institutionnelles, chacune de ces autorités organisatrices pense d’abord à son territoire. Dans son rapport, notre collègue Philippe Duron insiste par conséquent sur la nécessité de les faire travailler désormais en synergie. Cependant, si certaines collectivités ont pris les devants en créant des syndicats mixtes de transports, le « maquis » institutionnel résiste, au détriment des contribuables et des usagers. Quand procéderons-nous enfin à une révision des règles de gouvernance des transports publics de proximité ?

M. Gilles Savary. En tant que rapporteur du projet de loi sur la réforme ferroviaire, je procède actuellement à un certain nombre d’auditions dans la perspective de la discussion parlementaire. Nos collègues auraient sans doute évité des propos inutilement véhéments – voire polémiques – s’ils avaient pris la peine d’y participer à mes côtés. J’observe que je suis en général seul pour procéder à ces auditions – celle de M. Pierre Cardo ayant toutefois fait exception, grâce à la présence de François-Michel Lambert. Or j’ai reçu hier M. Jean-Éric Paquet, directeur en charge du réseau européen de mobilité à la direction générale « mobilité et transport » de la Commission européenne, qui aurait pu répondre utilement aux questions posées aujourd’hui sur l’« eurocompatibilité » de la réforme. J’encourage donc vivement mes collègues à participer aux prochaines auditions – elles ont lieu toutes les semaines.

On a relevé que les sociétés d’autoroutes, bénéficiaires d’une privatisation qui a probablement été une erreur, gagnaient beaucoup d’argent. Je note quant à moi que la rémunération d’Ecomouv’ est considérable. Comment est-elle calculée ? Quel est le statut fiscal d’Ecomouv’ ? Paie-t-elle la taxe d’aménagement du territoire, comme les opérateurs de péages autoroutiers ? Acquitte-t-elle une redevance domaniale ? Cette mystérieuse société doit être d’une prodigieuse efficacité pour bénéficier de telles largesses de la part de l’État ! J’aimerais vous entendre sur ce point.

M. Régis Juanico. Ma question porte sur la future autoroute A45. Vous connaissez la situation de la liaison intercités Lyon-Saint-Étienne, aujourd’hui assurée par l’autoroute A47. Non seulement cette dernière est accidentogène, mais elle connaît une congestion croissante. La saturation du trafic affecte fortement l’environnement et le cadre de vie de quelque 100 000 riverains. Elle se traduit aussi par des difficultés d’accès handicapant le développement économique et l’activité de maintes PME industrielles, très dynamiques dans ce secteur. Ni l’élargissement de l’autoroute actuelle, impossible sur la plus grande partie du tracé, ni la liaison ferroviaire – qui est la première de province en termes de fréquentation, avec 15 000 voyageurs par jour – ne peuvent constituer une solution. Le seul remède réside donc dans la réalisation d’une liaison autoroutière parallèle à la A47 – la A45. Dans son rapport du 27 juin 2013, la commission Mobilité 21 a classé ce projet parmi les vingt premières priorités du scénario n° 2. Vous êtes vous-même venu confirmer aux élus rhônalpins, le 18 juillet dernier, le classement de la A45 en priorité numéro un. Le dossier d’appel à concession doit être finalisé d’ici à la fin de l’année, afin que l’appel puisse être lancé au cours de l’année prochaine.

Compte tenu du temps perdu en raison de la politique erratique du gouvernement précédent en matière d’infrastructures de transports, il est capital que le calendrier prévu soit respecté. Pouvez-vous nous confirmer les délais de réalisation des prochaines étapes de ce projet très attendu ?

M. le ministre délégué. Monsieur Olivier Faure, le nouveau report de l’entrée en vigueur de l’écotaxe poids lourds entraîne pour l’AFITF un manque à gagner de 35 millions en 2013 et probablement de 200 millions en 2014. Nous réfléchissons à prélever sur le fonds de roulement et à différer le remboursement de l’endettement. D’autre part, nous allons appliquer les dispositions contractuelles existantes pour identifier les responsabilités des différents acteurs. Ecomouv’ estime que certaines informations ont été fournies tardivement ; nous considérons pour notre part qu’un certain nombre de dispositifs n’ont pas été prêts en temps utile. Cette discussion devra avoir lieu – j’espère que nous n’irons pas jusqu’au contentieux. Quoi qu’il en soit, nous allons poursuivre le déploiement du dispositif, conformément au contrat signé en 2011.

Ecomouv’, monsieur Gilles Savary, est un consortium lié à l’État par un contrat de partenariat qui a été signé pour treize ans et trois mois. Au terme de ce contrat, le système de perception de l’écotaxe poids lourds sera remis à l’État. Ecomouv’ ne paye pas la taxe d’aménagement du territoire, car il ne s’agit pas d’un opérateur à proprement parler.

Peut-être n’aurions-nous pas fait nous-mêmes le choix d’une telle formule pour la perception de l’écotaxe, mais la parole de l’État est désormais engagée. Il nous appartient de veiller à la bonne exécution des dispositions contractuelles, car nous avons tous intérêt, professionnels compris, à ce que la mise en place de l’écotaxe poids lourds soit réussie.

S’agissant des rapports entre l’État et les sociétés d’autoroutes, il faut savoir que, dans le cadre actuel, une révision des règles d’évolution des tarifs pourrait justifier une demande d’indemnisation de la part des concessionnaires au titre de la modification de l’équilibre général du contrat. Cela vaut aussi en ce qui concerne la « circulaire Hoeffel ». C’est pourquoi nous devons réfléchir dès maintenant à l’après-concession : d’autres types de relations contractuelles sont sans doute envisageables.

M. Olivier Faure. Le plan de relance autoroutier pourrait peut-être nous offrir l’occasion de cette réflexion.

M. le ministre délégué. Nous travaillons depuis plusieurs mois sur ce plan de relance autoroutier. Nous devons nous montrer particulièrement rigoureux dans la mesure où, par le passé, ces plans de relance ont souvent prêté le flanc à des critiques de la Cour des comptes. Il est normal qu’il y ait un plan de relance : il faut tirer les conséquences du vieillissement des infrastructures, de la nécessité d’adapter celles-ci aux flux, voire du besoin de services supplémentaires tels que les aires de covoiturage. Bref, il faut remettre à niveau un certain nombre d’infrastructures. Mais encore faut-il le faire dans le respect du droit, notamment européen, principalement en ce qui concerne les règles de marché. De même, le taux de retour sur investissement doit être fixé à un juste niveau. Cela donne lieu à des discussions très poussées avec les concessionnaires.

Ces conditions étant posées, les négociations avancent, même si elles n’en sont pas au même point avec tous les concessionnaires. Nous pourrons donc arrêter le plan de relance dans les tout prochains jours. Nous serons bien entendu attentifs à l’attribution de marchés aux petites entreprises, notamment aux entreprises locales. Nous devons également veiller à éviter toute confusion entre le concessionnaire et l’entreprise de travaux publics, certains opérateurs étant à la fois constructeurs et exploitants d’autoroutes.

Nous avançons également sur le plan de mobilisation pour les transports d’Île-de-France. Nous avons signé en juillet avec le président Jean-Paul Huchon un protocole portant sur la mobilisation immédiate de 7 milliards d’euros, en plus des 23 milliards sur lesquels s’était engagé le Premier ministre dans le cadre du Nouveau Grand Paris. La qualité des relations que nous entretenons avec la région est naturellement un gage d’efficacité.

Où en sommes-nous de la préparation de l’entrée en vigueur de l’écotaxe ? Nous avons actuellement 4 000 camions en marche à blanc et 50 000 poids lourds enregistrés. Nous devrions ouvrir l’enregistrement aux non-abonnés dans les prochains jours. Je ne pense pas que l’on puisse parler de mauvaise volonté à propos de cet enregistrement, même si certains ont appelé les intéressés à ne pas y procéder. L’été n’était sans doute pas la période la plus favorable. Quoi qu’il en soit, tous les représentants professionnels sont maintenant sensibilisés à la nécessité de faire passer l’information sur les conditions d’enregistrement. Nous suivons tout cela au jour le jour.

Les inquiétudes dont vous faites état sont évidemment vives, monsieur David Douillet. Mais l’écotaxe poids lourds ne concerne que les poids lourds – de nombreux agriculteurs pensent à tort qu’elle s’appliquera à tout engin utilisant le réseau – et le transport de marchandises. Les circuits courts seront épargnés : ce sont moins de 1 % du réseau local et moins de 150 kilomètres par département qui seront soumis à la taxe – seuls deux ou trois axes par département devraient être taxés. Le trafic local ne sera donc pas affecté, ou le sera très peu. De plus, l’observatoire de la mise en œuvre de l’écotaxe nous permettra d’être attentifs aux situations que vous évoquez. Quant aux effets sur les prix des marchandises, ils devraient être minimes : moins d’1 % du prix final, dans la mesure où le transport entre pour 10 % dans le prix des marchandises. Les inquiétudes que vous rapportez me semblent donc excessives, d’autant qu’il est loisible de procéder à des simulations. Je le répète, ce sont principalement les trajets sur de grandes distances et sur les grands axes qui seront taxés. L’instauration de la taxe a été votée par le Parlement : à nous de la mettre en place de la manière la plus effective et la plus raisonnable qui soit.

M. David Douillet. Mais les répercussions financières seront importantes pour les grosses coopératives agricoles.

M. le ministre délégué. Veillons donc davantage à la qualité de l’information fournie aux principaux intéressés – il y a eu beaucoup d’imprécisions dans ce qui a pu être dit. Encore une fois, le transport local sera très peu affecté par la mesure, même s’il peut y avoir des situations particulières – je pense notamment aux entreprises ou aux coopératives qui se trouvent à quelques kilomètres d’un axe taxé. Je dois d’ailleurs dire que je suis déjà saisi de demandes de certains départements qui souhaitent faire évoluer le réseau taxable. Je rappelle en effet que le produit de la taxe – soit 1,2 milliard – fera l’objet d’un partage entre eux et l’État.

Les PDMI, monsieur Yannick Favennec, ne seront pas maintenus en l’état. Ils avaient été conçus pour compenser l’abandon des travaux routiers dans les contrats de plan État-régions – CPER –, abandon décidé par le précédent gouvernement. Les collectivités locales ayant fini par persuader mes prédécesseurs qu’il fallait un volet routier, on a imaginé ces programmes de modernisation – qui ne sont donc pas l’expression du volontarisme que vous voulez y voir, et le sont d’autant moins que les budgets n’ont été abondés qu’à hauteur de 350 millions par an (et encore moins à la fin du dernier quinquennat) alors que la contractualisation portait sur un montant double. Faute de crédits suffisants, nous avions donc un PDMI de retard.

Durant toute une période, on a renoncé à financer le réseau routier. Je m’emploie à rompre avec cette politique : le trafic routier représentant 80 % du trafic total, il importe d’avoir un réseau efficace en complément des autres modes de transport. Je rappelle que, faute de financements suffisants, 20 % du réseau routier national est aujourd’hui classé comme très dégradé. Nous devons rattraper ce retard, dû au décalage entre les innombrables promesses de mes prédécesseurs et les moyens budgétaires effectivement dégagés.

Les PDMI sont désormais réintégrés dans les CPER sous la forme d’un volet « contractualisation de la mobilité ». C’est donc sur les priorités défendues par les territoires – régions, départements, agglomérations – que portera la discussion dès les prochaines semaines. En fonction de ces priorités, nous définirons les cofinancements sur cinq ans. C’est dans ce cadre qu’il vous appartient de défendre la sécurisation et la modernisation de la RN 12.

M. Yannick Favennec. Je le répète, les régions Bretagne et Pays de la Loire – qui sont gérées par vos amis – ne se sont pas engagées sur ce projet.

M. le ministre délégué. Je vous rappelle que la plupart des régions ne financent pas les investissements routiers. En outre, je n’ai pas à porter de jugement sur les priorités définies par les uns et par les autres : ces choix relèvent de la libre administration des collectivités locales. En revanche, il faut qu’il y ait un dialogue entre la région, le département, les agglomérations et l’État, ce qui n’était pas le cas, et que l’État soit garant d’une action cohérente en faveur des axes qui traversent plusieurs régions. Selon le calendrier qui a été fixé, ce travail devrait être achevé pour la fin de l’année. C’est en tout cas la consigne qui a été donnée aux préfets de région.

Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger au sujet de la Caisse maritime d’allocations familiales, madame Alaux. Beaucoup d’élus se sont mobilisés sur ce dossier qui a valeur de symbole. Le groupe de travail dont vous avez parlé s’est déjà réuni. Nous nous employons à maintenir la spécificité de cette caisse et à préserver le suivi de proximité qu’elle assure, mais nous envisageons une mutualisation des allocations grâce au partage de certains moyens avec la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF. Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver un équilibre. Il est certain qu’il faut moderniser les administrations de l’État et de la sécurité sociale, mais la spécificité du monde maritime justifie le maintien de services proches des bénéficiaires.

La réforme ferroviaire appelle bien entendu un volet social. Nous devrons donc avoir une discussion qui permette de maintenir, et le statut des personnels, et leur régime de protection sociale. Néanmoins, il faudra bien tirer les conséquences de la réorganisation du paysage, à savoir une organisation par branche, avec des accords d’entreprise négociés sur la base d’un « décret socle » et d’une convention collective qui sera publié après la réforme. Des discussions sont déjà en cours, mais elles se poursuivront après l’adoption de la réforme ferroviaire. L’enjeu est évidemment d’éviter toute forme de dumping social.

Monsieur Claude de Ganay a justement décrit la complexité de la gouvernance actuelle en matière de transports de proximité. Il faudra, dans le cadre de la loi de décentralisation, prévoir un schéma régional d’intermodalité et désigner la région comme autorité organisatrice de la mobilité sur les territoires, d’autant que sa compétence devrait être réaffirmée dans le cadre de la réforme ferroviaire. Des schémas de mobilité durable et des schémas d’intermodalité devront en tout cas être élaborés. C’est aussi à vous, parlementaires, de nourrir ce débat afin que nous puissions avancer dans cette direction, sachant que des initiatives concernant la billettique ou l’intermodalité ont déjà été prises sur certains territoires.

Pour ce qui est de l’A45, monsieur Régis Juanico, l’appel d’offres va suivre son cours. Il y aura vraisemblablement un déficit d’exploitation, mais, comme vous l’avez rappelé, la commission Mobilité 21 avait retenu ce projet comme prioritaire…

M. Philippe Duron. Après en avoir longuement débattu, il nous est en effet apparu qu’il n’était pas possible de faire autrement. Nous avions aussi suggéré que l’A47 soit transformée en boulevard urbain.

M. le ministre délégué. Reste à envisager les modalités de financement du déficit d’exploitation. L’appel d’offres devrait nous permettre d’y voir plus clair.

Je pense avoir répondu à toutes les questions.

M. Martial Saddier. Je souhaite faire un rappel au règlement au nom de l’opposition, monsieur le président. Compte tenu de ce que représente le drame de Brétigny, nous sommes persuadés que les propos du ministre délégué ont dépassé sa pensée.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Des enquêtes sont en cours et nous en saurons plus dans les mois qui viennent. Quelques propos ont pu être mal interprétés ; quoi qu’il en soit, il ne saurait y avoir de malentendu à ce sujet entre la représentation nationale et le ministre.

M. le ministre délégué. Point n’est besoin de rappel au règlement. Vous m’avez invité à m’exprimer sur trois sujets ; j’ai répondu à de nombreuses autres questions. Je dis simplement que ce sujet ne peut pas servir à justifier n’importe quelle posture. Je suis allé à Brétigny ; j’étais encore sur le site dimanche avec les familles des victimes ; nous travaillons quotidiennement sur ce dossier. J’estime que vous n’avez pas à m’interpeller comme vous l’avez fait, ni à tirer parti de ce drame pour mettre ma politique en cause.

M. Martial Saddier. C’est vous qui en avez parlé !

M. le ministre délégué. Je me suis contenté de répondre à une interpellation déplacée.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie M. le ministre délégué de nous avoir consacré plus de deux heures. Nos échanges ont parfois été un peu vifs, mais ils sont restés de qualité.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. - M. Gilles Carrez, M. Olivier Faure, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean-François Mancel, M. Nicolas Sansu

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Christophe Castaner, M. Marc Goua, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Pierre-Alain Muet, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Vergnier

Assistait également à la réunion. - M. Philippe Vigier

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