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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 14 mai 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 73

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président
puis de
M. Pierre-Alain Muet,
Vice-Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre-René Lemas, dont la nomination en qualité de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est envisagée par M. le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Pierre-René Lemas, dont la nomination en qualité de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est envisagée par M. le Président de la République, puis elle vote sur cette proposition de nomination.

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je tiens à ouvrir cette séance en saluant le retour à la commission des Finances de Pierre Moscovici et Victorin Lurel : messieurs, nous avons grand plaisir à vous retrouver au sein de cette Commission.

Par courrier en date du 18 avril dernier, le Président de l’Assemblée nationale m’a fait savoir que le Premier ministre, par lettre en date du 17 avril, l’avait informé que le Président de la République envisageait de proposer la nomination de M. Pierre-René Lemas aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Je rappelle qu’en vertu du premier alinéa de l’article R. 518-2 du code monétaire et financier, le directeur général de la Caisse des dépôts est nommé par décret.

En outre, ces fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui requièrent un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

L’article 1er de la loi ordinaire du même 23 juillet 2010 confie à la « commission compétente en matière d’activités financières » le soin d’émettre cet avis. Il dispose que cet avis est précédé d’une audition de la personne dont la nomination est envisagée. Cette audition est publique, sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale, et ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.

Monsieur Lemas, il revient donc à la commission des Finances de vous entendre ce matin, et je précise que conformément à l’usage, vous avez préparé un curriculum vitae qui a été mis à la disposition de nos collègues.

Votre audition sera suivie d’un scrutin. En application du quatrième alinéa de l’article 29-1 du Règlement de notre assemblée, ce scrutin est secret et aura lieu hors votre présence.

J’indique à nos collègues que la commission des Finances du Sénat se réunira aujourd’hui même à quatorze heures trente pour procéder à son tour à l’audition de M. Lemas. Conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 29-1 de notre Règlement, le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans nos deux commissions. Je demanderai donc aux scrutateurs que nous désignerons tout à l’heure ainsi qu’aux représentants des groupes d’être disponibles pour assister au dépouillement de notre scrutin, auquel il sera procédé dans la salle de la Commission à l’issue du vote de nos collègues du Sénat, qui devrait se tenir vers seize heures trente, donc après les questions au Gouvernement.

La Caisse des dépôts et consignations est un établissement public occupant une place singulière dans les institutions françaises, de par son objet qui est explicitement de « servir l’intérêt général et le développement économique du pays » et de par sa gouvernance puisqu’elle est placée, depuis sa création en 1816, « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative ». Les liens entre le Parlement – ses commissions des Finances plus particulièrement – et la Caisse des dépôts sont donc étroits, trois de nos membres, et deux de la commission des Finances du Sénat, siégeant à sa commission de surveillance, dont notre collègue Henri Emmanuelli assure la présidence.

Monsieur Lemas, nous avons déjà eu l’occasion de travailler avec vous à maintes reprises : vous avez été directeur général des collectivités locales au ministère de l’Intérieur, directeur de l’habitat et de la construction et directeur général de l’urbanisme au ministère de l’Équipement, directeur à la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale – DATAR –, directeur général de Paris Habitat-OPH ou encore préfet de région, notamment en Corse à un moment difficile – je pense au référendum de 2005. Vous avez donc exercé des fonctions qui correspondent aux compétences de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Pierre-René Lemas. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré d’être devant vous pour présenter ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

La Caisse des dépôts et consignations est placée depuis bientôt deux siècles sous la protection du Parlement : c’est la première des garanties et c’est sa force. Ce lien unique avec la représentation nationale fait sa spécificité. Si vous m’accordez votre confiance, je compte maintenir et renforcer ce lien qui a été tissé de manière étroite avec vous, et d’abord avec la commission de surveillance. Je tiens à saluer son président, M. Emmanuelli, dont je connais le parcours, l’énergie et les convictions et dont je mesure l’aide constante qu’il a apportée à l’institution. Je veux aussi saluer les députés membres de la commission de surveillance, Mme Grosskost et M. Goua.

Pour avoir été durant une année directeur de cabinet du Président du Sénat, j’ai pu apprécier du sein même du Parlement la vigilance des parlementaires et leur attachement à l’indépendance de la Caisse et donc de son directeur général, qui est placé « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative ». Je proposerai au président de la commission de surveillance, si la responsabilité m’en échoit, d’organiser le travail de façon que la commission de surveillance soit, mieux encore qu’elle ne l’est aujourd’hui, associée en amont aux choix qui seront faits pour l’avenir.

Je mesure parfaitement que la situation qui me conduit à me présenter devant vous est inédite. C’est pourquoi ma première priorité sera de rassurer les 5 400 collaborateurs de l’établissement public et, par-delà, tous les collaborateurs du groupe, qui sont presque 130 000 dans le monde entier, si on prend en compte tous les collaborateurs des filiales à l’étranger.

Au sein d’une telle institution, il me paraît indispensable d’éviter toute solution de continuité, c’est-à-dire toute rupture, de maintenir un cap et de m’appuyer sur l’ensemble des équipes dont je connais depuis très longtemps les compétences, l’énergie et le sens de l’intérêt général. Le responsable d’une grande organisation est un chef d’orchestre plutôt qu’un soliste.

Je sais que ma candidature a, ici ou là, suscité des interrogations. C’est pourquoi je sollicite votre confiance tel que je suis.

Le président de la Commission a bien voulu rappeler quelques éléments de mon parcours. Il y a trente ans, j’ai fait le choix du service public et le choix des territoires. Dans la vie, on bâtit souvent ses cohérences en chemin.

J’ai été nommé, très jeune sous-préfet, conseiller auprès du ministre de l’Intérieur – tout d’abord Gaston Defferre puis M. Pierre Joxe. J’étais en charge de la décentralisation et de la déconcentration. J’ai aussi exercé les fonctions de directeur du cabinet du secrétaire d’État chargé des Collectivités locales, M. Jean-Michel Baylet.

Pendant deux ans, j’ai appris à connaître les outre-mer, comme sous-directeur des DOM, en charge des finances des DOM et des TOM. Enfin, pendant quatre ans, j’ai eu la responsabilité de directeur général des collectivités locales sous l’autorité de MM. Joxe, Marchand, Baylet et Sueur. Quelques années après, j’ai été nommé directeur-adjoint au délégué à l’aménagement du territoire, M. Pasqua étant ministre.

Durant ces dix années, je crois avoir contribué à l’élaboration de toutes les lois de décentralisation et d’aménagement du territoire : des transferts de pouvoir aux transferts de compétences dans tous les domaines de l’action publique, de la réforme des régions à celle des finances et de la fiscalité locale, des lois sur la montagne ou le littoral à la loi sur la ville avec la création de la dotation de solidarité urbaine, de la loi sur l’outre-mer aux réformes en faveur du développement rural avec la création de la dotation de développement rural, de la réforme des deux statuts de la Corse à la création des communautés de communes dans le cadre de la loi sur l’administration territoriale de la République.

Un historien montrera un jour, sous la surface des choses, la très forte continuité des politiques publiques tout au long de cette période.

En deçà ou au-delà des textes, j’ai beaucoup sillonné la France, rencontré beaucoup d’élus sur le terrain ou à Paris, au sein du Comité des finances locales que j’ai longtemps animé et auquel, monsieur le président, vous avez attaché votre nom, ou encore au sein de la commission interministérielle d'aide à la localisation des activités – CIALA –, qui distribuait à l’époque la prime à l’aménagement du territoire.

Durant cette période, j’ai beaucoup travaillé avec la Caisse des dépôts, en particulier avec ses directions régionales, que les services de l’État jalousaient un peu, voire beaucoup. J’ai même, en ce temps-là, contribué à créer un réseau, qui s’appelait alors Invest in France network, devenu l’Agence française pour les investissements internationaux, qui fusionnera bientôt avec Ubifrance.

Dans un deuxième temps, c’est par l’aménagement et le développement durable du territoire que je me suis tourné vers les politiques d’urbanisme, d’habitat, de construction et de logement. Pendant près d’une dizaine d’années, comme directeur de la construction, puis, après la fusion de la direction de la construction avec celle de l’urbanisme, à la tête de la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction – DGUHC – devenue la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature – DGALN – que de noms barbares ! –, j’ai contribué à redéfinir les politiques publiques dans ces domaines importants pour la vie de nos concitoyens.

Sous l’autorité de ministres aussi différents que MM. Bernard Pons, Pierre-André Périssol, Jean-Claude Gayssot et Louis Besson, nous avons proposé au Parlement beaucoup de réformes qui ont porté leur fruit : la réforme de l’accession à la propriété d’abord, avec la création du prêt à taux zéro, qui fut une aventure, les réformes toujours inachevées de la fiscalité de l’investissement locatif ensuite, et, enfin, la réforme du financement du logement social, qui n’avait pas évolué depuis les années 1980 à la suite de la grande réforme conduite par Raymond Barre.

C’est à cette période que nous avons redéfini avec la Caisse des dépôts les outils modernes du logement social : création des différentes familles de prêts locatifs aidés ou des premiers prêts démolition-reconstruction, substitution de la TVA à taux faible aux crédits budgétaires d’aide à la pierre, première réforme des aides à la personne.

C’est à cette période aussi que nous avons réformé les principaux outils de l’urbanisme opérationnel dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. On se rappelle généralement l’article 55 sur le pourcentage de logements sociaux ; or, c’est aussi cette loi qui a substitué le plan local d’urbanisme au plan d’occupation des sols et qui a institué le schéma de cohérence territoriale.

Il ne s’agissait pas de folies technocratiques puisque, en définitive, le code de l’urbanisme avait subi à l’époque une cure d’amaigrissement sévère de près d’un tiers. Il a repris depuis lors du poids via quelques articles. C’est de cette époque aussi que datent les premières étapes de la réforme de la politique de la ville que conduisit ensuite M. Jean-Louis Borloo avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

C’est un moment de ma vie où je connaissais la plupart des villes de France bien plus par leur parc HLM que par leur centre-ville. C’est donc assez logiquement que, bien des années plus tard, j’ai été nommé par le maire de Paris à la tête de Paris Habitat, qui est l’office public de l’habitat de Paris et de la petite couronne et qui est toujours le premier organisme de logement social public en Europe.

Au fond, il est assez salubre de devoir appliquer des règles que l’on a soi-même imaginées et, parfois, de devoir pester contre elles !

C’est, au demeurant, l’expérience que j’ai vécue dans les territoires, comme préfet de l’Aisne à l’époque des premières restructurations industrielles et militaires – fermeture des bases –, puis comme préfet de Corse pendant trois ans dans des moments difficiles et, enfin, comme préfet de la région Lorraine, confrontée aux mutations industrielles.

Ayant été de 2001 à 2003, sous l’autorité de M. Daniel Vaillant puis de M. Nicolas Sarkozy, chargé du secrétariat général du ministère de l’Intérieur, qu’on appelait à l’époque la direction générale de l’administration – on disait alors que j’étais le patron des préfets –, j’ai pu mesurer combien la distance peut être grande entre les circulaires d’une administration centrale et la réalité des territoires.

Sur le chemin que je viens de dessiner brièvement – quoique peut-être trop longuement pour vous –, j’ai pu travailler en lien étroit avec tous les directeurs généraux de la Caisse des dépôts, de M. Robert Lion à M. Jean-Pierre Jouyet, et avec leurs équipes, dont beaucoup sont encore les piliers de cet établissement.

C’est notamment à ce titre que j’ai contribué à la réforme de ce qui était à l’époque la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, qui est devenue le Crédit local de France. C’était bien avant les mésaventures désastreuses de Dexia.

J’ai évoqué la réforme des fonds d’épargne et leur extension à la politique de la ville. J’ai aussi participé à l’éphémère commission consultative des prêts administrés. Je dois même confesser que je suis un de ceux qui ont beaucoup travaillé sur la situation des communes de montagne et des stations de ski en difficulté, travail qui donna naissance, bien des années plus tard, à la Compagnie des Alpes, qui est une filiale de la Caisse des dépôts.

Enfin, dans les fonctions qui étaient les miennes depuis deux ans auprès du chef de l’État, j’ai contribué notamment à la création de la Banque publique d’investissement – BPI – et aux arbitrages initiaux sur ses orientations et sa gouvernance.

Je ne prétends pas, loin de là, tout connaître de la Caisse des dépôts. Ma première tâche, si vous m’accordez votre confiance, sera de rencontrer les principaux collaborateurs du groupe, de recevoir les organisations syndicales et de me forger une opinion éclairée par l’avis de ceux qui font vivre cette maison au quotidien.

Je souhaite toutefois vous exposer les priorités que j’entendrais retenir à la tête de ce groupe, si la charge m’en était confiée.

Je connais la diversité de la Caisse des dépôts. Je sais que le groupe rassemble en son sein des activités financières et des opérateurs spécialisés dans des secteurs aussi variés que le transport, l’ingénierie, l’immobilier ou le financement des entreprises. Cette diversité, je la constate et je la mesure : je tiens à vous dire que je ne me sens prisonnier d’aucun préjugé, d’aucun corporatisme, d’aucun a priori. Un bon management me paraît devoir être fondé d’abord sur la confiance et la responsabilité.

M. Jean-Pierre Jouyet a conduit en deux ans un travail considérable et je souhaite m’inscrire dans la continuité de son action. Pendant plusieurs mois, il a animé un travail collectif qui a permis de définir les orientations stratégiques du groupe, qui sont à la fois réalistes et exigeantes. Elles s’appuient sur l’histoire de la Caisse pour se projeter vers l’avenir et fixent un cadre adapté et souple aux réponses à donner à l’urgence économique. Ces orientations ont été avalisées par la commission de surveillance. Si j’en ai la charge, je les ferai miennes.

Ces orientations concernent non seulement le logement, les infrastructures, la transition écologique et énergétique et le développement des entreprises, mais aussi le renouveau des métiers historiques de mandataire et de dépositaire.

Il faut désormais les mettre en œuvre. Cela n’exclut pas, bien sûr, que, chemin faisant, des adaptations stratégiques soient utiles ou nécessaires. Toutefois, la priorité est de tenir ce cap et d’approfondir l’action engagée.

Je partage le diagnostic de la commission de surveillance sur le fait que la Caisse des dépôts dispose d’un bilan solide mais plus rigide qu’autrefois. Dans une conjoncture où les taux sont durablement bas, alors que le coût de la ressource est élevé, le principal défi est de redonner de l’ambition et de la souplesse au groupe, dans un équilibre entre la flexibilité qui est nécessaire et la stabilité financière qui est indispensable.

Cette situation impose d’ancrer le groupe sur la principale valeur qui cimente son unité : l’intérêt général. On oublie trop souvent que, dans la définition traditionnelle du service public, à côté des principes de continuité et d’égalité, il y a le principe d’adaptabilité. Or, dans un monde en changement, l’équation économique de la Caisse des dépôts a changé puisque les fonds propres sont limités, que le bilan a évolué en raison de l’importance croissante des participations de la Caisse aux côtés de l’État, que les dépôts réglementés génèrent des marges moindres et que la Caisse contribue de manière substantielle aux finances de l’État.

La Caisse des dépôts doit donc tout à la fois, pour l’avenir, s’appuyer sur ses fondamentaux et faire évoluer ses modes d’intervention.

En tant qu’investisseur, la Caisse doit se montrer plus sélective dans ses choix et s’engager dans une logique de co-investissement efficace et utile à l’économie. Elle doit également s’attacher à un bon équilibre avec ses filiales, notamment avec Bpifrance, et se fixer des objectifs industriels clairs.

En tant que prêteur, elle doit tirer parti de l’augmentation du plafond du livret A et de l’enveloppe de 20 milliards d’euros destinée aux projets territoriaux. Le logement et les collectivités locales doivent devenir ou redevenir des priorités de l’établissement public.

En ce qui concerne les fonds d’épargne, il faut garder à l’esprit que les objectifs de construction de logements maintiendront sans doute la distribution des prêts au niveau actuel, historiquement élevé, ce qui peut produire, à moyen terme, une tension sur la liquidité des fonds d’épargne. Il faudra se montrer vigilant.

En ce qui concerne les projets territoriaux, la Caisse des dépôts a vocation à redevenir un prêteur de long terme de référence des collectivités locales et un acteur majeur au service des territoires.

Il en est de même de l’activité de prêts aux entreprises, notamment au travers de la participation de la Caisse des dépôts dans Bpifrance. Un équilibre, qui se fonde sur une répartition claire des objectifs de chacun, doit être trouvé avec cette filiale. Je salue la mise sur les rails de la BPI en moins d’un an. Elle parachève et amplifie les réformes antérieures en donnant les moyens d’une ambition industrielle pour la France.

En tant que mandataire et gestionnaire de dépôts, la Caisse des dépôts doit valoriser son expérience et son savoir-faire dans ses métiers historiques. Elle a vocation à devenir un outil de référence de la gestion publique, parce qu’elle est efficace et performante. Je pense à la gestion des retraites, au partenariat avec les notaires, à la gestion des comptes personnels de formation et, demain, à la mise en œuvre de la proposition de loi sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence, résultant d’une initiative de M. Christian Eckert.

En tant qu’opérateur, enfin, la Caisse des dépôts doit à la fois assumer son rôle dans le secteur concurrentiel et engager une réflexion sur ses participations, dans un équilibre qui ne peut être défini a priori, entre une capacité d’adaptation, qui est nécessaire, et le respect de ses intérêts patrimoniaux et de ceux de tous ses collaborateurs.

C’est à cette ambition que je convierai les filiales du groupe, qui sont de belles entreprises, en termes d’enjeux industriels, financiers et, bien sûr humains. Je sais que, dans les temps qui viennent, certaines filiales du groupe devront répondre à des défis stratégiques importants. Je pense notamment à la Caisse nationale de prévoyance. Je serai déterminé à défendre résolument les intérêts stratégiques et patrimoniaux du groupe dans l’évolution de cette entreprise.

Après cette vision globale, je veux insister sur deux dimensions qui me paraissent essentielles.

La première est territoriale. L’existence de réseaux territoriaux est un atout sans équivalent, en particulier en matière d’ingénierie publique, technique et financière. Au moment où l’État engage une réflexion sur une nouvelle réforme des structures territoriales, les siennes et celles des collectivités locales, la Caisse doit jouer le rôle qui est le sien. Le niveau d’investissement de la Caisse des dépôts dans les territoires doit être selon moi à tout le moins maintenu et je m’attacherai à cet objectif. Je m’attacherai aussi à clarifier les conditions d’intervention de la Caisse des dépôts et de ses filiales, et à mobiliser le réseau au service du développement local dans cette période difficile. La priorité pour le réseau territorial est de se montrer actif et réactif.

La seconde dimension est européenne. La Caisse devra resserrer les liens avec ses partenaires européens, que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans mes précédentes fonctions. La Caisse doit acquérir une vision internationale. Un des rôles du groupe sera d’attirer de plus en plus d’investissements étrangers au service de notre économie. Je pense non seulement aux co-investissements avec les grands fonds souverains en France, mais également à l’accompagnement du développement des filiales à l’international.

J’ai l’intuition que la Caisse des dépôts, dans ses missions d’intérêt général, ne s’appuie pas suffisamment sur les capacités d’expertises de ses filiales et qu’inversement les filiales n’apportent pas suffisamment leur contribution au déploiement des objectifs d’intérêt public de la Caisse des dépôts. Le groupe associe des compétences financières reconnues et des expertises souvent très pointues, au contact du monde économique et du marché. Il allie également les atouts de service public et ceux de l’ambition industrielle.

Il doit valoriser ses sources de financement, qui sont complémentaires, qu’il s’agisse de ses activités pour compte propre, ou de celles de ses filiales dans le champ concurrentiel. Il est enfin à la fois ancré sur le territoire et ouvert à l’international.

C’est ce modèle équilibré que je veux non seulement préserver mais aussi promouvoir : on peut en tirer le meilleur en renforçant la cohésion et la cohérence.

Vue de l’extérieur, ce qui est encore ma situation, la Caisse des dépôts est un édifice solide et robuste, qui se caractérise par la multiplicité et l’hétérogénéité de ses missions. La cohérence et la cohésion, qui sont au cœur du projet stratégique défini l’an passé, me paraissent donc des objectifs majeurs. Le socle de la Caisse est celui des valeurs léguées par l’histoire : l’intérêt général, la foi publique – la protection de l’épargne des Français –, l’indépendance, dont vous êtes les garants. J’ajoute un lien particulier avec l’équipement du territoire, c’est-à-dire le développement durable, et un rapport propre au temps long – c’est la marque singulière de la Caisse depuis deux siècles. C’est en m’appuyant sur ce socle de valeurs, qui doit rassembler tous les collaborateurs, quels que soient leurs statuts, que je m’efforcerai de conduire, si vous m’accordez votre confiance, la modernisation et le développement de cette belle institution de la République au service de l’économie et de la croissance.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez insisté avec raison sur la dimension territoriale de la Caisse des dépôts, une dimension que vous connaissez particulièrement bien, en raison des fonctions que vous avez déjà exercées et que j’ai rappelées au début de cette séance.

Compte tenu de la baisse des dotations et de la réduction de leurs capacités fiscales, les collectivités locales risquent de réduire leurs investissements, dont il convient pourtant de maintenir le flux, non seulement dans le domaine du logement, où la Caisse a toujours été présente, mais également dans celui des équipements – les infrastructures de transport ou les équipements sanitaires. Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder cette question avec votre prédécesseur et les précédents directeurs généraux. L’action territoriale de la Caisse doit couvrir un champ plus vaste que celui du seul logement tout en assumant non seulement son rôle de financeur mais aussi un rôle d’accompagnement, compte tenu de son expertise dans le domaine de l’investissement local. Si les collectivités locales ne reçoivent pas l’appui efficace de la Caisse des dépôts, nous risquons d’assister à une chute préjudiciable de l’investissement local.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. S’agissant du rôle-clé de la Caisse des dépôts dans le financement des collectivités locales, vous avez rappelé l’enveloppe des 20 milliards d’euros. La Caisse doit-elle devenir la banque des collectivités territoriales ? Quels seraient les risques – je pense à Dexia ? Comment les circonscrire ?

La Caisse a, par ailleurs, dégagé un résultat de 2 milliards d’euros en 2013 – le résultat avait été négatif en 2012, en raison de la revalorisation de portefeuilles. Le résultat financier de la Caisse est donc soumis à la valorisation sur les marchés financiers de son portefeuille de participations, via le Fonds stratégique d’investissement – FSI. Quel regard portez-vous sur le difficile pilotage financier de la Caisse ?

Le résultat de la Caisse est, pour la plus grande part, prélevé par l’État, ce qui réduit d’autant ses possibilités d’investissement futur. Ne conviendrait-il pas de préconiser le maintien de son résultat à la Caisse ?

M. le président Gilles Carrez. Je tiens à rappeler que ces prélèvements sont très utiles en fin d’année pour améliorer les recettes de l’État.

M. Henri Emmanuelli. Je préfère, sur ce point, les propos de Mme la rapporteure générale... Avec ce mécanisme négocié en 2010, les prélèvements de l’État atteignent 80 % du résultat social. Or, je rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé que les prélèvements supérieurs à 50 % sont confiscatoires. Dois-je trouver un prétexte pour ouvrir un contentieux avec l’État en vue de déposer une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet ?

Certes, ces prélèvements de l’État permettent de conforter l’action publique, mais la Caisse n’a pas d’actionnaires. Si elle est de facto le bras armé financier de l’État, au plan juridique, l’État n’entre pas pour un euro dans le capital de la Caisse. Son seul capital depuis 1816, ce sont ses fonds propres. Or, les prélèvements de l’État hypothèquent l’avenir de la Caisse car ils privent ses fonds propres de toute réelle progression. L’idéal serait d’aligner le taux des prélèvements sur celui des impôts payés par toutes les grandes sociétés : 80 %, c’est trop ! Je tiens à rappeler que la Caisse ne verse aucun dividende à ses administrateurs qu’elle nomme elle-même.

Monsieur le président, il nous faudra un jour réfléchir à l’ambiguïté du statut de la Caisse, que la loi de 2008 a placée sous l’autorité du Parlement mais dont le directeur général est nommé en Conseil des ministres – une ambiguïté qui doit faire se retourner Montesquieu dans sa tombe ! La gouvernance de la Caisse souffre de la même ambiguïté : qui la dirige ? Est-ce la direction du Trésor, qui s’accroche de toutes ses forces à ses prérogatives, ou le Parlement, par l’intermédiaire de la commission de surveillance ? Il faudra mener cette réflexion en collaboration avec le Sénat. Pourquoi la commission de surveillance n’aurait-elle pas les prérogatives d’un conseil de surveillance ? L’idée avait été lancée par M. Bouvard, ancien président de la commission de surveillance, à l’action duquel il faut rendre hommage, notamment au moment du vote de la loi de 2008. Je le répète : il faut rompre avec l’ambiguïté actuelle.

Ce groupe, qui a un immense potentiel, a un problème de gouvernance : je tiens à le dire publiquement à son futur directeur général. Il convient de réaménager les chaînes de responsabilités hiérarchiques. La Caisse, instance métisse, doit allier les qualités propres du secteur public et du secteur privé, non pas cumuler leurs inconvénients. Je suis prêt, monsieur Lemas, à réfléchir avec vous à une réorganisation de l’organigramme, qui a connu un destin inflationniste les années passées, et au rétablissement des chaînes de commandement.

M. Marc Goua. Je partage les propos du président de la commission de surveillance sur le prélèvement effectué par l’État sur les résultats de la Caisse.

Monsieur Lemas, vous avez évoqué les marges de manœuvre, l’agilité et l’adaptabilité de la Caisse : elle pourrait dégager des plus-values si l’État ne les prélevait pas à hauteur de 85 %.

Quel jugement portez-vous par ailleurs sur le plan stratégique ?

Mme Arlette Grosskost. Mon intervention concernait également le prélèvement de l’État : il s’agit, il est vrai, d’une question récurrente.

M. le président Gilles Carrez. Pour ma part, j’ai toujours rappelé l’intérêt de transférer à l’État une part des profits de la Caisse des dépôts. Le tout est de trouver un certain équilibre, et de se donner des règles stables et connues à l’avance.

M. Patrick Ollier. Avant tout, je dois remercier Henri Emmanuelli pour ses propos, d’autant que je n’aurais jamais osé aller aussi loin que lui.

Monsieur le préfet, pour avoir eu, à plusieurs reprises au cours de ma carrière, l’occasion de travailler avec vous, je peux apprécier votre volonté de servir l’État sans faire montre d’aucun esprit partisan. Je me souviens en particulier de l’adoption de la loi « montagne » et de la création de l’Association nationale des élus de la montagne, dont j’ai été le président : bien souvent, vous avez eu le courage de soutenir l’intérêt des communes concernées contre les responsables du gouvernement. Il en était de même lorsque vous avez travaillé au ministère des Départements et territoires d’outre-mer, lorsque vous étiez préfet de Corse ou directeur de la DATAR : il y a toujours eu, entre nous, un dialogue constructif au service de l’intérêt général.

En tant que maire d’une commune de la région parisienne, je suis préoccupé par la manière dont le Gouvernement se défausse sur les collectivités locales de ses responsabilités. La baisse de 11 milliards d’euros de leurs dotations va porter un coup très fort à leur fonctionnement comme à leurs capacités d’investissement. C’est un véritable transfert de fiscalité qui est ainsi organisé de façon brutale. Et dans la mesure où les collectivités assurent 70 % de l’investissement public, je ne suis pas sûr que l’on se rende bien compte des conséquences d’une telle politique.

Il convient donc de mieux accompagner les collectivités locales en mettant en place des dispositifs nouveaux pour les aider à faire face à ces difficultés. C’est d’autant plus nécessaire qu’il existe des tensions sur les liquidités. Peut-être faudrait-il mieux faire jouer les filiales. Êtes-vous prêt à inventer une nouvelle politique en ce domaine ?

Par ailleurs, allez-vous appliquer en priorité aux collectivités locales le principe d’adaptabilité que vous venez d’évoquer ?

En conclusion, je vois votre candidature d’une façon très positive, parce que vous avez toujours défendu l’intérêt général. Quand j’étais membre du Gouvernement, j’ai d’ailleurs pu à nouveau constater combien votre action était éloignée de la politique politicienne.

M. le président Gilles Carrez. Je comprends parfaitement Patrick Ollier, ayant moi-même eu l’occasion, avant de m’engager en politique, de travailler avec M. Lemas, dont j’ai pu apprécier le sens de l’intérêt général.

M. Charles de Courson. Monsieur le préfet, j’ai quatre questions à vous poser.

Tout d’abord, si vous êtes nommé, vous engagez-vous à préserver l’indépendance de la Caisse et à ne pas céder aux pressions de l’exécutif, notamment s’agissant des prélèvements excessifs qui sont constamment effectués par l’État sur ses bénéfices ?

Ensuite, quel pourrait être le rôle de la Caisse des dépôts en matière de prêts aux collectivités locales, à côté des banques qui assurent déjà cette fonction ? Jusqu’où faudrait-il aller en ce domaine ?

Par ailleurs, on ne peut pas vraiment qualifier la Caisse des dépôts d’instance métisse, comme l’a fait Henri Emmanuelli. C’est plutôt un conglomérat. Ne devrait-elle pas se désengager de certaines participations dont l’intérêt est difficile à évaluer ?

Enfin, s’agissant de la BPI, vous engagez-vous à maintenir une attitude de banquier avisé ?

M. Pascal Cherki. Pour ma part, je reconnais à M. Lemas une grande qualité – outre le fait d’être né à Alger : une capacité à écouter les élus de terrain, que j’ai pu mesurer lorsqu’il était directeur général de Paris Habitat, un organisme plutôt compliqué à administrer. Mais comme je n’ai rien à lui demander, contrairement à mon collègue Ollier, je m’en tiendrai là.

M. Olivier Carré. Le secteur du logement connaît une période difficile, y compris dans le domaine du logement social. Le groupe SNI, filiale de la Caisse des dépôts, avait le projet de relancer le logement dit « intermédiaire » pour stimuler la construction, notamment en Île-de-France. Où en est-on ? Quelle est votre analyse de la situation ? La Caisse peut-elle développer des stratégies ou des produits nouveaux pour faire sortir la construction de l’ornière dans laquelle elle se trouve ?

La Caisse des dépôts devait par ailleurs fournir une assistance, en termes d’ingénierie financière, à des universités engagées dans un processus d’autonomisation, notamment pour ce qui concerne leur patrimoine immobilier. Quel est votre regard sur ce sujet ?

De même, quel regard portez-vous sur l’évolution de la gouvernance des investissements d’avenir ? Au moment de sa création, ce programme avait été placé sous la responsabilité du Premier ministre, et cette décision avait été confirmée après l’alternance, une chose suffisamment rare pour être soulignée. Or, nous venons d’apprendre incidemment – la question n’a ainsi jamais été abordée au comité de surveillance des investissements d’avenir – son transfert sous la responsabilité du ministre de l’économie, ce qui change complètement la donne. La Caisse étant un très gros partenaire des investissements d’avenir, que pensez-vous de cette évolution ?

M. Régis Juanico. L’Assemblée nationale examine cette semaine, en séance plénière, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, qui doit reconnaître un secteur pesant 10 % du PIB et employant plus de 2 millions de salariés, et lui donner les moyens de son développement. Certains financements devraient ainsi devenir plus accessibles, en particulier s’agissant de l’épargne solidaire. En outre, trois grands leviers d’investissements sont identifiés : les 500 millions d’euros de fonds dédiés de Bpifrance – que nous considérons comme une borne, et non comme un plafond, car cette somme, rapportée aux 42 milliards du budget de la banque, ne reflète pas le poids de ce secteur dans l’économie française ; le deuxième volet du programme d’investissements d’avenir, géré par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 100 millions d’euros ; et le fonds d’innovation sociale, doté de 40 millions d’euros et financé à parts égales par l’État et les régions. Quelle sera l’action de la Caisse pour aider à la création, dans les territoires, d’emplois non délocalisables relevant de l’économie sociale et solidaire – à laquelle commencent d’ailleurs de s’ouvrir les entreprises traditionnelles ?

M. Claude Goasguen. À l’instar de plusieurs de mes collègues, je souhaite revenir sur la question de l’indépendance de la Caisse des dépôts. Nous avons en effet été très surpris de la manière dont votre nomination a été annoncée – même si vos compétences ne sont pas en cause. Il a en effet suffi d’une journée pour que l’ancien directeur devienne secrétaire général de l’Élysée à votre place, tandis que vous étiez nommé à la sienne. On ne sait même pas la raison de cet échange : que reprochait-on à votre prédécesseur, ou à vous-même ? Tout cela s’est produit dans l’alcôve de la présidence de la République.

Cela conduit à s’interroger sur l’évolution des rapports entre l’institution, le pouvoir exécutif et le Parlement. La Caisse des dépôts est en effet prise entre deux tendances contradictoires : d’une part, une gestion de plus en plus indépendante, soumise au seul contrôle de la commission des Finances et de la commission de surveillance ; de l’autre, un système de nomination auquel on n’aurait même pas osé recourir sous la monarchie de Juillet.

C’est pourquoi je souhaite poser les questions que l’on pourrait poser dans une commission parlementaire américaine. Avez-vous l’intention de garantir la complète indépendance de la Caisse par rapport à l’État ? Quelles sont vos appartenances politiques ? Il faut prendre cette habitude : il revient à la commission des Finances de poser ce genre de questions désagréables. Je connais la thèse de la neutralité du service public, mais j’ai suffisamment enseigné le droit pour savoir que celle-ci relève de la légende.

Jusqu’où, donc, ira votre indépendance à l’égard du pouvoir, sur le plan de la gestion et sur le plan politique ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je souhaite réagir aux propos qui viennent d’être tenus. Nous n’avons jamais fait de procès politique aux personnes auditionnées par notre Commission. Même si M. de Romanet ne faisait manifestement pas partie de notre famille politique, nous n’avons ainsi jamais essayé de l’attaquer sur ce terrain. De tels propos sont déplacés. Pour être crédible, monsieur Goasguen, il aurait fallu poser les mêmes questions à tous les prédécesseurs de M. Lemas. Par ailleurs, les parlementaires sont libres de s’opposer à la nomination d’une personnalité nommée par le Président de la République. Mais j’ai cru comprendre qu’au sein du groupe UMP, certains étaient très satisfaits du choix de M. Lemas : cela montre qu’un tel sujet peut transcender les clivages politiciens.

Je vous souhaite donc, monsieur le préfet, de connaître le succès, car la Caisse des dépôts et consignations suscite de nombreuses attentes dans nos territoires. À cet égard, j’ai apprécié le passage de votre intervention consacré au rôle des filiales. Dans la perspective de la réforme territoriale, il serait souhaitable de donner plus d’autonomie aux caisses régionales et de les laisser inventer de nouveaux dispositifs. La France ne peut en effet pas vivre au même rythme que Paris, certaines régions ayant besoin d’aller plus vite.

En Rhône-Alpes, nous avons ainsi monté, il y a plus de dix ans, un fonds d’investissement destiné à aider les salariés à reprendre leur entreprise. Si l’accompagnement de la Caisse des dépôts a rendu possible une telle initiative, le processus a été difficile, car chaque décision devait recevoir l’aval des services centraux. Or, les analyses parisiennes ne correspondent pas à la réalité du terrain. La pratique de la Caisse devra donc tenir compte de la nouvelle organisation territoriale.

M. Hervé Mariton. Monsieur le préfet, compte tenu des responsabilités que vous avez exercées au cours des deux années précédentes, la question de l’indépendance peut vous être posée de manière très concrète. Or, l’indépendance se juge sur les dossiers. Quelles sont les grandes décisions en matière d’investissement que la Caisse a prises pendant cette période et que vous ne prendriez pas aujourd’hui ? Pouvez-vous nous en donner un ou deux exemples ? À défaut, on pourrait douter de votre indépendance.

M. Pascal Terrasse. Chaque fois que le Président de la République nomme une personnalité à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, les mêmes reproches lui sont adressés : manque de légitimité, d’expérience ou d’indépendance. Or, non seulement M. Lemas peut se prévaloir de son expérience professionnelle, mais la Caisse des dépôts et consignations dispose d’une commission de surveillance dont la mission est justement d’orienter et de surveiller son action. La Caisse est un établissement indépendant, même si les gouvernements ont toujours la tentation de disposer de ses importantes ressources.

Je souhaite vous poser la question que je pose à chacun des directeurs généraux depuis une quinzaine d’années, au sujet de la Compagnie nationale du Rhône. La particularité de ce bel établissement, premier producteur d’électricité d’origine renouvelable en France, est de voir son capital partagé entre des collectivités territoriales, un investisseur privé, Electrabel – détenu par GDF-Suez –, et la Caisse des dépôts et consignations. Or, depuis plusieurs années, GDF-Suez souhaite s’approprier plus de parts pour obtenir la majorité absolue au sein de l’entreprise. Que pensez-vous du modèle économique fondé sur le partage de l’actionnariat entre des acteurs publics et privés ? Faut-il aller vers une privatisation totale ?

M. Éric Woerth. Il faut garder son calme : la Caisse est certes dotée d’un statut indépendant et d’une commission de surveillance, mais elle est aussi l’instrument de l’État : c’est sa raison d’être.

La Caisse est par ailleurs un acteur très influent de la politique du logement. Or, celle-ci connaît un échec : le logement est cher et difficile d’accès, en particulier pour les jeunes et en milieu urbain. Quant aux logements sociaux, on n’en construit pas assez. Avez-vous des idées, une politique, une envie, une stratégie pour tenter de résoudre cette crise ?

M. le président Gilles Carrez. C’est en effet une question très importante.

M. Alain Rodet. Trois dossiers particulièrement difficiles attendent, parmi d’autres, le nouveau directeur de la Caisse : les suites de l’affaire Dexia ; les difficultés du groupe SNI ; les relations entre Transdev et Veolia. Comment comptez-vous les aborder ?

La Caisse va bientôt fêter le bicentenaire de sa création. Or, la célébration de ses 150 ans avait été marquée par deux événements : la publication d’un ouvrage sous la signature d’un journaliste économique célèbre de l’époque, Roger Priouret, La Caisse des dépôts, 150 ans d’histoire financière ; et l’exfiltration brutale, par le général de Gaulle et Georges Pompidou, de M. François Bloch-Lainé, remplacé à la direction générale de la Caisse par un fonctionnaire du ministère des Finances un peu terne, certes, mais bien en cour. En matière d’indépendance, de gros progrès ont donc été accomplis !

Mme Monique Rabin. J’ai pu apprécier l’action que vous avez menée en tant que directeur général des collectivités locales. Vous pouvez donc compter sur ma voix.

Ma question concerne le soutien financier aux collectivités locales. Votre prédécesseur m’avait assuré qu’un financement était prévu pour les travaux destinés à assurer l’accessibilité du cadre bâti et des transports aux personnes en situation de handicap : les collectivités locales pourraient bénéficier des crédits de la Caisse des dépôts, et les entreprises de ceux de la BPI. Or, en participant à une réunion récente de la commission des Affaires sociales, j’ai compris que ce financement posait encore question. Au moment où nous nous apprêtons à examiner l’ordonnance du Gouvernement sur la question de l’accessibilité et le report de l’application de la loi du 11 février 2005, il paraît important d’envoyer des signes aux collectivités locales, lesquelles ont besoin de savoir si elles peuvent compter sur les fonds de la Caisse.

M. Christophe Castaner. Certains collègues affirment que la réduction de la dotation aux collectivités locales va avoir des effets catastrophiques. Mais je me souviens que le programme de l’UMP proposait une réduction de 20 milliards d’euros. Une réduction de 11 milliards est donc un moindre mal.

Par ailleurs, je sais, en tant qu’élu local, qu’il était pratiquement impossible, il y a deux ou trois ans, de souscrire un emprunt pour financer l’action publique dans la plupart des petites communes et dans quelques grandes communes. De ce point de vue, les choses vont mieux, désormais, notamment parce que la Caisse des dépôts et consignations assume ses responsabilités.

Enfin, au nom de l’indépendance, on en vient à mettre en cause la légitimité d’une personne et même à lui demander quelle est son appartenance politique. Mais notre rôle, monsieur Goasguen, consiste à nous prononcer sur la valeur d’un homme et à évaluer sa capacité à mener les grandes opérations dans laquelle la Caisse est engagée, qu’il s’agisse du logement, de la transition énergétique – dont M. Lemas a d’ailleurs peu parlé –, des infrastructures, du tourisme.

Je suppose que Claude Goasguen a forgé sa conception de l’indépendance politique au moment de la nomination de M. François Pérol à la tête du groupe BPCE, ou de celle de M. Stéphane Richard à France Télécom, de M. Alexandre de Jugnac à Air France-KLM, de M. Luc Vigneron à Thalès ou de M. Henri Proglio à EDF... De même, peut-être s’est-il, à l’époque, posé des questions sur la nomination de certains magistrats ou préfets. Je suppose qu’il regrette aujourd’hui ces pratiques.

La seule question qui doit être posée à M. Lemas, c’est celle de sa capacité à piloter un opérateur certes indépendant, mais qui doit être au cœur de l’action publique. L’indépendance de la Caisse des dépôts ne peut en effet être revendiquée si elle doit avoir pour effet la perte d’un outil majeur de cette action.

M. le président Gilles Carrez. Éric Woerth a eu raison de le rappeler : la Caisse des dépôts est liée à l’État.

M. Jérôme Chartier. La commission des Finances me semblait s’être donnée pour règle d’examiner sur le fond les candidatures qui lui étaient soumises, en s’attachant au profil des personnes pressenties, à ce qu’elles sont susceptibles d’apporter à l’institution dont elles doivent prendre la tête, le tout à travers un échange constructif. C’est notre mission et notre responsabilité.

Je comprends bien certaines réactions : lors de la réforme constitutionnelle de 2008, certains avaient proposé de faire désigner le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations par les assemblées parlementaires. Mais la majorité de l’époque n’avait pas souhaité aller dans ce sens. C’est donc le Conseil des ministres qui le désigne, et les assemblées qui valident cette décision.

Si j’ai apprécié les questions portant sur les intentions de M. Lemas, ainsi que son profil, je regrette les propos déplacés que vient de tenir notre collègue. Il est dommage de vouloir mettre en cause les personnes nommées à la tête d’entreprises publiques : le fait que le mandat de certaines d’entre elles ait été reconduit par la nouvelle majorité montre qu’elles sont à la hauteur de leur mission.

Ma question concerne également le logement, et en particulier l’entretien du parc locatif social. À Sarcelles, ville dont une partie constitue ma circonscription, se trouve un immense parc locatif cédé par une filiale de la Caisse des dépôts. Or, à l’instar de nombreux autres parcs toujours détenus par des filiales de la Caisse, son entretien laisse à désirer. Il en est de même, d’ailleurs, d’autres bâtiments tels que les gendarmeries : les élus comme les occupants ne cessent de souligner le besoin de mieux entretenir ce patrimoine immobilier. J’aimerais savoir quel appui M. Lemas compte apporter aux filiales de la Caisse des dépôts pour les encourager à lancer rapidement un programme d’entretien des logements qu’elles possèdent.

M. Jean-Louis Dumont. Votre curriculum vitae, monsieur le préfet, plaide en votre faveur. J’y trouve une très grande qualité, qui sera certainement utile lorsque vous devrez gérer les fonds d’épargne : vous n’appartenez pas à la galaxie de Bercy. En effet, lorsque la Caisse accorde des prêts ou élabore des outils destinés à utiliser les fonds d’épargne, les retards viennent toujours de la nécessité d’obtenir des autorisations extérieures. Votre indépendance, en tant que directeur général, sera donc simplement le fruit de l’histoire de la Caisse des dépôts, de sa culture et de sa réussite.

M. Alain Fauré. Votre expérience et vos connaissances semblent faire l’unanimité ; tant mieux.

Comptez-vous décentraliser le processus de décision en matière de financement afin d’accélérer les opérations, notamment dans le domaine du logement – rénovation et construction ?

Songez-vous à élargir le champ d’intervention de la Caisse aux projets de production d’énergie renouvelable que pourraient conduire les collectivités ?

Par ailleurs, je m’associe aux questions posées par mes collègues Rodet, Juanico et Rabin.

M. Thomas Thévenoud. À mon tour, je salue l’expérience de M. Lemas. Ce bon connaisseur des collectivités locales et du secteur du logement pourra remplir la mission d’un directeur général de la Caisse des dépôts. Celle-ci ne peut pas être indépendante de l’État : c’est son bras armé !

La vocation de la Caisse est-elle de produire des hamburgers ? L’institution a en effet pris des participations dans une grande chaîne de restauration rapide très profitable. Si cela peut lui rapporter de l’argent, pourquoi pas, mais ne devrait-elle pas se consacrer avant tout à ses missions d’intérêt général ?

M. Victorin Lurel. J’aimerais voir le futur directeur général préciser davantage le rôle que peut tenir la Caisse des dépôts dans les outre-mer et ses rapports avec l’Agence française de développement. L’action nouvelle engagée par la BPI implique en effet un partage des rôles entre les deux institutions, notamment pour la partie investissements. Quelle sera la doctrine de la Caisse à ce sujet ?

M. Guillaume Bachelay. Quel bilan faites-vous de la première année d’activité de la BPI, et quelle stratégie souhaitez-vous lui assigner demain en tant que directeur général de la Caisse des dépôts ?

M. Pierre Moscovici. Avant tout, laissez-moi exprimer mon plaisir de me retrouver ici parmi vous.

Après deux ans à Bercy, je peux apporter mon témoignage au sujet de l’indépendance de la Caisse des dépôts et consignations. Ce que nous devons choisir aujourd’hui, c’est en effet un profil, une compétence, une capacité à entretenir des relations harmonieuses avec l’État.

S’agissant de l’indépendance, il faut rappeler que la Caisse a un actionnaire, l’État. Elle a donc nécessairement des relations avec lui, et il est préférable qu’elles soient bonnes, fortes et fondées sur la confiance. Pour autant, la Caisse, ce n’est pas l’État. Henri Emmanuelli aura peut-être un avis légèrement différent du mien, mais lorsqu’elle traite un dossier avec le ministère des Finances, la Caisse défend avant tout ses intérêts, qui sont une conception de l’intérêt général.

Il sera sans doute compliqué pour l’ancien secrétaire général de l’Élysée de citer des exemples de décisions qu’il n’aurait pas prises s’il avait été à la place du directeur de la Caisse. Mais sur la création de la BPI, sur un certain nombre de dossiers concernant des entreprises, sur la question des fonds d’épargne, les discussions ont été longues et compliquées – peut-être trop – entre Bercy et la Caisse des dépôts, dont les points de vue ne convergent pas spontanément. Ce qui compte, c’est de trouver un juste équilibre entre les intérêts de l’État et ceux de la Caisse.

Ma question est donc la suivante : comment voyez-vous les relations de celle-ci avec le ministère des Finances ?

M. Henri Emmanuelli. L’indépendance de la Caisse a une limite : l’intérêt général, l’action publique, au service desquels travaillent l’État comme la Caisse des dépôts. Cela posé, il est normal que Bercy adopte un regard particulier au sujet des fonds d’épargne, auquel l’État apporte sa garantie. On pourrait d’ailleurs raisonner autrement et proposer qu’il la facture.

Mais une fois de plus, et contrairement à ce que je viens d’entendre, l’État n’est pas actionnaire de la Caisse. Depuis 1816, il n’a jamais détenu une seule action de cet établissement public. L’État n’a jamais mis d’argent dans la Caisse, mais la Caisse a mis beaucoup d’argent dans le budget de l’État, en partie en raison de la garantie donnée par ce dernier.

Je remercie au passage le Parlement d’avoir confié à la Caisse deux mandats très importants : la gestion des comptes professionnels et des comptes en déshérence.

Par ailleurs, j’indique à Hervé Mariton que les décisions prises au cours des deux dernières années ont été entérinées par la commission de surveillance et le comité d’investissement de la Caisse. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait les mettre en cause aujourd’hui, d’autant qu’au sein du comité d’investissement, une seule décision n’a pas été prise à l’unanimité.

Enfin, madame Rabault, la Caisse n’est pas une banque. Comme vous le savez, la banque des collectivités locales, ce sera la Banque postale. Quant à l’enveloppe de 20 milliards qui sera mise à leur disposition pour des prêts à long terme – entre vingt et quarante ans –, le ministère des Finances a bien voulu convenir qu’elle pourrait servir à financer tout équipement qui n’est pas expressément interdit. Avant, c’était le contraire : seuls les équipements explicitement autorisés étaient financés. Rien n’empêche donc de monter des dossiers destinés à financer des infrastructures de transport, par exemple, d’autant que la Caisse est demandeuse et que l’enveloppe est loin d’être vide.

M. François Baroin. Cette audition en commission des Finances a bien des vertus. Les questions soulevées par Claude Goasguen ne me gênent pas, même si je ne partage pas son point de vue ; il n’y a pas de question taboue. Nous sommes ici dans l’esprit et dans le fonctionnement traditionnel de la Ve République : le Président de la République nomme les hautes personnalités en Conseil des ministres. L’autre vertu d’une réforme que l’actuelle majorité n’a pas votée à l’époque est de vous permettre d’évoquer votre parcours en toute transparence, de définir une stratégie et des objectifs et de les inscrire dans un calendrier.

Je rejoins Pierre Moscovici sur la problématique de l’indépendance, qui n’est pas inintéressante pour l’opinion publique. L’État est actionnaire de la Caisse ; il est normal qu’il fixe une stratégie et des politiques publiques, et qu’il y ait un outil au service de cette politique.

Le Parlement a un rôle à jouer : la Caisse lui rend compte, aussi bien devant la commission de surveillance, où siègent d’éminents membres de notre Assemblée, que devant notre commission.

À la lumière de mon expérience à Bercy, je pense qu’il serait bon de définir en lien avec la BPI, d’ici à la fin de la législature, une stratégie, notamment sur les prises de position et les investissements qui peuvent justifier une intervention de la Caisse. Dans les problématiques qui se sont posées à propos de PSA, dans les interrogations qui se sont fait jour sur des fleurons industriels français ou européens, c’est l’intervention en urgence de la Caisse comme « pompier », à la demande de Bercy, qui a posé question. Reconnaissons que ce fut aussi le cas sous la précédente majorité, mais nous étions dans une période de crise extrême, où il a fallu prendre des décisions sur Dexia : sans la Caisse, sans la volonté de constituer un pôle public d’apport de prêts aux collectivités territoriales autour de la Banque postale, la situation eût été bien pire pour l’État, pour la Caisse et pour le financement des collectivités locales. Nous avons donc tous notre part de responsabilité. Quoi qu’il en soit, il serait utile d’avoir plus de visibilité. Nous connaissons souvent les problèmes bien en amont : le problème d’Alstom est un problème au long cours, qui justifie une stratégie permanente.

L’État va réduire ses dotations aux collectivités locales, dans des proportions dont nous discuterons dans le cadre des lois de finances. Cela aura un impact sur la fiscalité locale ou sur le volume des investissements des collectivités locales. Il serait donc précieux de définir la stratégie de la Caisse sur la maturité des emprunts ou l’écoute des collectivités locales, dont les besoins diffèrent selon leur nature.

M. le président Gilles Carrez. Messieurs les anciens ministres, monsieur le président de la commission de surveillance, pouvons-nous convenir que l’État n’est pas actionnaire de la Caisse, mais que la Caisse est une institution financière et économique de l’État ?

M. Henri Emmanuelli. Oui. Disons que la Caisse n’existe que parce que l’État lui a confié des missions particulières.

M. le président Gilles Carrez. J’observe qu’un certain nombre des questions qui ont été posées s’adressent plutôt à un directeur général de la Caisse qui serait en poste depuis plusieurs années. Je comprendrais donc parfaitement que vous ne puissiez répondre en détail à toutes les questions.

M. Pierre-René Lemas. Je vous remercie de cette introduction, monsieur le président. Il y a en effet un certain nombre de questions précises auxquelles je ne pourrai pas répondre en détail, même si je peux vous donner quelques éléments.

La question de l’indépendance de la Caisse est revenue à plusieurs reprises sous des formes différentes. Depuis l’origine, l’exécutif nomme le directeur général de la Caisse des dépôts. Depuis 2008, le Parlement peut – par l’intermédiaire des commissions des Finances – s’opposer à cette nomination. Il fut même un temps où le directeur général de la Caisse, nommé par le roi, l’était à vie. Cela fait rêver, surtout les vieux fonctionnaires...

Les raisons en sont d’abord institutionnelles, la Caisse étant placée « sous la surveillance et la garantie » du Parlement, à travers les commissions des Finances des deux assemblées et la Commission de surveillance. Nous avons là un premier élément de réponse sur l’indépendance du directeur général.

Le deuxième élément de réponse tient à la logique fonctionnelle. Si l’on souhaite que la Caisse puisse jouer son rôle au service de l’intérêt général, dans le respect des textes de 1816 et des dispositions de la loi de modernisation de l’économie de 2008, le directeur général doit être fonctionnellement en situation d’indépendance. Il doit pouvoir dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes, dans le respect de l’intérêt général et de celui de l’État, mais il ne dépend pas fonctionnellement d’une administration ou d’un ministère.

Le troisième élément de réponse est personnel. Je suis un fonctionnaire de la « vieille école ». Je peux dire oui, il m’arrive parfois de dire non ; mais je considère qu’il est de la responsabilité du haut fonctionnaire, quel que soit son statut, d’assumer les responsabilités qui sont les siennes. Il me semble que c’est ce que j’ai fait depuis une trentaine d’années, dans tous les métiers que j’ai exercés.

Un deuxième grand sujet a été abordé par plusieurs d’entre vous, que vous me pardonnerez de ne pas citer nommément : celui des collectivités locales. La situation dans laquelle celles-ci se trouvent – que vous avez décrite – est appelée à perdurer, voire à s’amplifier dans les années qui viennent. Je ne porte pas de jugement ; je me borne à constater que les collectivités locales vont être confrontées à un problème de financement. L’expérience nous enseigne que dans ce type de difficultés, la première question qui se pose est celle de l’investissement des collectivités locales. Je rappelle que selon les années, les collectivités locales représentent entre 70 % et 75 % de l’investissement public. La Caisse des dépôts doit donc jouer son rôle – mais avec un certain nombre de réserves et à certaines conditions.

Le rôle de la Caisse est double. Il consiste d’abord à mobiliser ses réseaux territoriaux, et l’ensemble des structures de l’établissement public, aux côtés des collectivités locales. Lorsque j’étais en poste sur les territoires, j’ai souvent été irrité par la lenteur, voire la difficulté de réaction de bien des acteurs territoriaux, à commencer par les services de l’État, mais aussi des services de la Caisse. Dans cette période où les collectivités locales vont devoir s’adapter à une nouvelle donne institutionnelle, si celle-ci est décidée par le Parlement, il est important de disposer d’une capacité d’ingénierie technique, financière et administrative publique. Celle-ci existe, mais moins qu’autrefois, dans les services de l’État ; elle existe dans les grandes collectivités locales, moins dans les plus petites, en raison des décisions que l’État a dû prendre pour les raisons que nous connaissons. Le premier impératif est donc de rendre les services territoriaux de la Caisse actifs et réactifs, comme je le disais tout à l’heure. Dans mon esprit, il ne s’agit pas seulement de son réseau territorial propre : nous devons faire travailler ensemble ce réseau territorial et celui des différentes filiales, dans le respect de leur statut propre, sachant qu’un certain nombre des entreprises concernées sont privées, voire cotées.

J’en viens à la capacité de prêt et d’intervention de la Caisse. Je rappelle qu’une enveloppe de prêts sur fonds d’épargne de 20 milliards d’euros a été mise en place en 2013 pour la période 2013-2017. La montée en puissance a été un peu lente. Il me semble important d’avoir une enveloppe de prêts sur fonds d’épargne sur une période longue, qui permettra de prendre le relais des prêts sur plus courte période accordés par La Banque postale. La Caisse est aussi présente à ce titre. Cette articulation entre les différents acteurs me paraît constituer le principal objectif. C’est en tout cas ce que je souhaite faire. Je ne suis pas en mesure de poser un diagnostic précis à ce jour, mais l’articulation entre La Banque postale et la Caisse, au titre des fonds d’épargne, me paraît importante. J’y ajoute une articulation « raisonnable » avec l’ensemble des acteurs privés, qui trouveront là l’occasion de renouer avec la clientèle des collectivités locales qu’ils ont, disons-le franchement, abandonnée pendant de nombreuses années.

Un dernier élément est d’ordre prudentiel. Dans la situation qui est aujourd’hui celle de la Société de financement local – SFIL –, qui a pris le relais de Dexia sur les collectivités, conduisant la Caisse à être de nouveau présente comme emprunteur sur les marchés, ce qui ne s’était pas produit depuis très longtemps, nous devons être attentifs aux échéances, notamment législatives. J’ignore où en est le débat parlementaire à la suite de la décision du Conseil constitutionnel qui a remis en cause une disposition de la loi de finances sur ce sujet, mais je me permets de rappeler qu’il s’agit d’un sujet lourd de conséquences pour l’État et pour la Caisse. Celle-ci sera donc très attentive à la suite du débat sur ce sujet difficile.

Un sujet connexe, qui concerne pour l’essentiel les collectivités locales, a été abordé à plusieurs reprises : la politique de la Caisse en matière d’infrastructures. Je suis frappé de constater que les chiffres sont différents selon que l’on s’intéresse à tel ou tel acteur à l’intérieur de la Caisse des dépôts. L’ordre de grandeur des investissements du réseau local est de 300 millions d’euros par an ; celui de l’ensemble du groupe Caisse des dépôts est de l’ordre de 4 milliards. Beaucoup de ces acteurs, de ces sociétés ou de ces filiales sont extrêmement hétérogènes. Je ne prétends pas apporter de réponse définitive, mais il me semble important d’établir un diagnostic et de mieux coordonner les différentes « unités » de la Caisse pour conduire une politique, notamment en matière d’infrastructures, au service des collectivités locales. C’est pour moi une priorité.

Le logement a bien entendu été évoqué. Je suis frappé de constater que les prêts au logement social et les prêts en matière de politique de la ville ont atteint l’an dernier des niveaux inédits – plus de 16 milliards d’euros. Il importe tout d’abord de réaffirmer que ces prêts au logement social et à la politique de la ville sont le cœur de métier des fonds d’épargne. Toutes les politiques visant par exemple à relever le plafond du livret A sont des politiques qui contribuent à accroître cette capacité de prêt et cette mobilisation des moyens.

Il faut ensuite redire que les objectifs quantitatifs sont très importants. Les objectifs quantitatifs de production de logement sociaux fixés par l’État sont de l’ordre de 150 000 par an. La Caisse doit être en mesure d’intervenir non seulement au titre des fonds d’épargne, mais aussi en tant qu’acteur des politiques du logement. Nous retrouvons ici des filiales comme le groupe SNI, qu’il faut mobiliser pour le foncier, la construction de logement social et la réhabilitation.

Pour répondre à une question qui a été posée, j’ai vu qu’en ce qui concerne le logement intermédiaire, il y avait eu une anticipation sur l’ordonnance et une mise en œuvre assez rapide des dispositions adoptées en loi de finances initiale, la SNI ayant pris l’initiative – avec la Caisse – de créer un fonds d’investissement dédié à la création de 10 000 logements intermédiaires ouvert à des investisseurs institutionnels, Argos. Je ne suis pas en mesure de vous en parler de manière détaillée, mais c’est en bonne voie.

À l’intérieur de la SNI, que j’ai connue à l’époque où elle n’était qu’une petite société HLM, certes importante puisque c’était celle du ministère de la Défense, mais pas encore l’immense structure que nous connaissons aujourd’hui, il faudra veiller à ne pas mélanger ce qui concerne le logement social au sens large et ce qui relève de la capacité d’intervention de marché – ce qui n’est pas tout à fait de même nature – sur le logement en général. Cet objectif de lisibilité me paraît de bonne administration. En tout cas, j’y serai très attentif, comme je l’ai toujours été.

L’Union sociale pour l’habitat et l’ensemble des structures HLM, y compris les sociétés d’économie mixte – SEM – de logement et les nouvelles SEM à objet unique qui vont se créer, forment un ensemble considérable qui doit être globalement soutenu, et qui a lui-même engagé une réflexion, d’ailleurs initiée par les gouvernements successifs, sur la mise en cohérence des fonds et un minimum de péréquation permettant un investissement bien compris. C’est la bonne voie. La Caisse doit et peut être un accompagnateur de ces évolutions. Vous me pardonnerez de ne pas pouvoir être plus précis à ce stade, n’ayant pas eu tous les dossiers entre les mains.

J’en viens maintenant aux trois questions de M. de Courson, qui ont été reprises par beaucoup d’entre vous. Sur les prêts aux collectivités locales, je crois avoir répondu en fixant un cap. Il y a le rôle de la Caisse, mais aussi celui de La Banque postale ; il y a les interrogations sur la suite de Dexia et la SFIL. Mon intention – qui est banale – est d’avoir une vision la plus globale possible, compte tenu de la situation financière des collectivités locales aujourd’hui. Si vous m’accordez votre confiance, je rencontrerai assez vite les responsables des grandes associations d’élus locaux. La Caisse doit entretenir un lien permanent avec l’Association des maires de France, les départements et les régions.

M. de Courson a évoqué la « CDC conglomérat ». Je ne reprendrai pas les différentes métaphores qui ont été employées, mais il est certain que la Caisse est extrêmement hétérogène. J’ai même l’intuition que l’on en découvre tous les jours à l’intérieur de la Caisse. Bref, l’hétérogénéité de la Caisse est un sujet en soi. C’est un atout, puisque deux cultures – une culture de service public, dans le champ concurrentiel, et une culture financière, avec des métiers techniques pointus – se marient. Mais en même temps, nous devons assurer la cohérence et la cohésion à l’intérieur de l’institution. Je le dirai dès mon arrivée – si vous m’accordez votre confiance – aux cadres de la maison.

J’avais été saisi dans mes précédentes fonctions de cette question de Quick, monsieur Thévenoud. Je confesse être incapable de répondre à votre question, m’étant à l’époque empressé d’en saisir le directeur général de la Caisse. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il m’ait répondu... Quoi qu’il en soit, je vais regarder le sujet de près. J’ignore dans quelles conditions cet investissement a été fait. Je me souviens néanmoins avoir reçu plusieurs lettres à ce propos. Spontanément, il est contre-intuitif, comme l’on dit parfois dans les milieux financiers, de considérer que les hamburgers font partie de l’intérêt général. Mais en sommes-nous si sûrs ? Il ne faut pas seulement se fier aux intuitions, mais aussi au rendement financier – qui peut être très utile, indirectement, à l’intérêt général.

J’en viens à la BPI. Oui, la BPI doit se comporter en banquier avisé. C’est une banque, mais une banque avec des objectifs approuvés par le Parlement, dont la vocation même est d’être – dans le prolongement de ce qui avait été fait tant par OSEO que par le FSI ou par CDC Entreprises – un outil de la politique industrielle de la France. Vous savez que Bpifrance est détenue à parité par la Caisse et l’État, ce qui confirme que l’intérêt de l’État et celui de la Caisse ne se confondent pas tout à fait. Il a fallu débattre pour décider si l’on serait à 51/49, comme on l’avait fait autrefois pour un certain nombre d’institutions, ou à 50/50. Finalement, nous sommes à parité. Des objectifs ont été déterminés ; la banque doit jouer son rôle de banquier avisé ; pour autant, ce n’est pas n’importe quel banquier de la place. Je serai donc très attentif à ce que fera la BPI en complémentarité avec la Caisse, dans le cadre des orientations et des objectifs qui sont les siens.

Il me paraît difficile de dresser un bilan de la BPI au bout de moins d’un an d’exercice. Je pourrais vous lire les excellentes fiches que m’a préparées le directeur général de la BPI, mais je n’y apporterais guère de valeur ajoutée ; cela ne me semble donc pas indispensable. En tout cas, je lui fais une grande confiance.

Je suis un vieux partisan et un très ancien compagnon de l’économie sociale et solidaire. J’ai beaucoup travaillé avec le monde coopératif et le monde HLM. J’espère que ce ne sera pas retenu comme un élément à charge... Il est important de rester dans le cadre qui a été déterminé. Je ne peux vous répondre exactement au-delà de ce que vous avez dit sur les trois financements dédiés par le programme d’investissements d’avenir ou la BPI.

Sur la gouvernance de ce programme, je n’ai pas d’avis en tant que candidat au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Il me paraît important que la Caisse et la BPI jouent leur rôle de la manière la plus rigoureuse possible dans la mise en œuvre du programme. C’est l’une des responsabilités que je m’efforcerai de remplir – si vous m’accordez votre confiance – dans les meilleures conditions. En matière d’investissement, le problème est celui de la complémentarité, de la cohérence, et celui d’une action résolue des pouvoirs publics. À mon sens, le pire est de se disperser. C’est donc un sujet auquel je serai très attentif.

Quant à Transdev et Veolia, vous me permettrez de prendre le temps d’« entrer » dans le sujet, même si j’ai eu à en connaître comme préfet de Corse – dans des conditions compliquées, voire spectaculaires. Donnez-moi donc le temps de l’appréhender avec la « casquette » Caisse des dépôts.

Je n’ai pas d’avis sur la postérité de Roger Priouret... Nous fêterons le bicentenaire de la Caisse dans deux ans ; il est important qu’elle se sente mobilisée à ce moment-là.

Je terminerai sur le prélèvement de l’État et les marges de manœuvre de la Caisse.

Sur le prélèvement de l’État, je mettrai en œuvre ce que décideront le Gouvernement et le Parlement. Je n’ai donc rien de particulier à dire en tant que candidat au poste de directeur général. En revanche, je voudrais attirer votre attention sur un point qui m’a frappé, sachant que j’ai connu la Caisse dans bien d’autres périodes de ma vie professionnelle. Une des difficultés de la Caisse tient aujourd’hui à ce qu’il est convenu d’appeler – dans sa littérature interne – la rigidification de son bilan. Elle ne peut pas tout faire, car elle s’est dotée, à l’initiative de mon prédécesseur et avec la commission de surveillance, d’un modèle prudentiel – ce qui est essentiel. Nous devons veiller à ce que ce modèle ne soit pas seulement celui d’une banque, car la Caisse des dépôts est une institution spécifique ; ce qui ne veut pas dire qu’il doive être plus laxiste.

Le capital économique de la Caisse s’élève aujourd’hui à 26 ou 27 milliards d’euros. Sur le plan comptable, la Caisse n’a pas d’actionnaires. Ses fonds propres sont constitués de l’accumulation des résultats depuis 1816. Il est essentiel de mesurer qu’aujourd’hui, avec les participations stratégiques qui ont été décidées pour des raisons d’intérêt général, qu’il s’agisse du sauvetage de Dexia, de La Poste ou encore du FSI puis de la BPI, le montant des engagements est important par rapport aux fonds propres, et que cela contribue à rigidifier le bilan.

De même, le niveau des prêts octroyés sur la section générale a considérablement augmenté. J’évoquais tout à l’heure la situation de la SFIL ; ce sont 12,5 milliards d’euros qui sont prélevés sur les marchés. Comme l’a dit Mme la rapporteure générale, les résultats positifs de la Caisse aujourd’hui sont largement conditionnés par l’évolution des taux, par les marchés d’actions et par l’évolution du marché immobilier, dont les perspectives sont liées aux perspectives de croissance. Dans une situation où le niveau des taux d’intérêt reste très bas, ce qui est une chance pour la France, les moteurs traditionnels de résultats, la marge d’intérêt exigent une attention particulière de la part de la Caisse.

J’ajoute que les revenus de participations dépendent eux-mêmes beaucoup de la conjoncture – ils peuvent être très importants ou plus volatils. C’est dans ce contexte qu’une réflexion peut être utile sur l’évolution – c’est-à-dire la croissance possible – des fonds sociaux de la Caisse. Plus les prélèvements de l’État sont importants, plus l’évolution des fonds sociaux est modeste. Il y a un moment où l’équilibre entre l’évolution des fonds sociaux, qui relèvent du long terme, et les nécessités des finances publiques, qui relèvent du court et du moyen terme, justifie un examen attentif. C’est une question qui n’est pas nouvelle, mais qui se pose davantage aujourd’hui, compte tenu du fait que la marge de croissance des fonds propres est à peu près tout ce qui permet une évolution de la Caisse au service de l’intérêt général. Il ne s’agit pas de prendre des positions de principe sur ce sujet, ce qui serait inconvenant, mais de rappeler que cette réflexion sur l’importance de l’évolution sur le court et le moyen terme des fonds propres sociaux est importante pour l’avenir de la Caisse.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie. J’invite les membres de la Commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne M. Lemas, afin que nous puissions procéder au vote.

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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination, envisagée par le président de la République, de M. Pierre-René Lemas aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

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La Commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des Finances du Sénat.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 46

Bulletins blancs ou nuls : 0

Suffrages exprimés : 46

Avis favorables : 39

Avis défavorables : 7

La Commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Pierre-René Lemas aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 14 mai 2014 à 9 h 30

Présents.  M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. François Baroin, M. Jean-Marie Beffara, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, Mme Carole Delga, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Bruno Le Maire, M. Victorin Lurel, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, M. Thomas Thévenoud, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés.  M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Gaby Charroux, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. Patrick Lebreton, M. Thierry Robert, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier

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