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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 27 mai 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 78

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président

–  Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de la Défense, sur les crédits de la Défense 2

–  Présences en réunion 15

La Commission entend M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les crédits de la Défense.

M. le président Gilles Carrez. Je souhaite en votre nom la bienvenue à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, que je remercie d’avoir répondu très rapidement au souhait unanime que nous avons exprimé à l’occasion de la réunion du bureau de notre Commission mercredi dernier.

Le bureau a décidé que cette audition, une fois n’est pas coutume, ne serait pas ouverte à la presse. Cela tient non seulement à la sensibilité traditionnelle des questions touchant à la Défense nationale mais aussi et surtout à la volonté que nos échanges puissent se dérouler aussi librement et sereinement que possible.

Vous aviez répondu favorablement à une première invitation de notre Commission le 16 janvier dernier, lorsque nous avions souhaité vous entendre sur le financement des opérations extérieures – OPEX –, un mois après la promulgation de la loi de programmation militaire – LPM. Lors de cette audition, vous aviez abordé également les questions liées à la loi de programmation et notamment celles liées aux recettes exceptionnelles, sujet qui nous préoccupe particulièrement.

En effet, nos inquiétudes sont fortes quant à l’exécution de la loi de programmation même si le Premier ministre a pu nous rassurer cet après-midi. Nous souhaitons que la loi puisse être intégralement respectée, dans le contexte que nous connaissons depuis une quinzaine d’années pendant lesquelles nos armées ont déjà consenti des efforts considérables dans le cadre plus général de la réforme de l’État et alors qu’il leur est demandé de mener des missions extrêmement difficiles, en particulier en Afrique.

Voilà donc, monsieur le ministre, l’esprit dans lequel la commission des Finances souhaitait vous entendre cet après-midi.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Mesdames et messieurs les députés, merci de me recevoir à la commission des Finances et à huis clos car cela me permet de m’exprimer librement sur les sujets de défense qui sont très sensibles. Lorsque j’ai répondu favorablement à cette demande, la semaine dernière, j’étais dans une posture délicate. Depuis vendredi dernier et singulièrement depuis tout à l’heure, je suis plus apaisé car le Premier ministre vient de réaffirmer avec beaucoup de force que la LPM serait respectée et que la Défense – je reprends ses termes – « n’aurait pas à payer deux fois ». Je souhaiterais d’ailleurs vous remercier pour votre attachement à la LPM et aux crédits de défense qui sont essentiels à la sauvegarde de notre souveraineté. Nous devons rester vigilants.

Ma conviction personnelle sur la loi de programmation, que j’ai eu l’occasion de réaffirmer à plusieurs reprises devant les militaires et devant les commissaires concernés du Sénat et de l’Assemblée nationale, est qu’elle se caractérise par sa cohérence et son équilibre. C’est le fruit d’un travail minutieux de dix-huit mois qui fait suite à la publication d’un Livre blanc. L’ensemble des éléments de la LPM a été pesé et réfléchi pour parvenir à une cohérence qui consiste dans la définition d’un nouveau modèle d’armée et dans la définition de nouveaux contrats opérationnels, adaptés à de nouvelles formes de crise. Cette cohérence permet encore d’assumer simultanément les trois missions fondamentales qui sont : la protection du territoire, la dissuasion nucléaire et l’intervention sur les territoires extérieurs. Nous disposons ainsi de contrats opérationnels adaptés en fonction des objectifs.

Le deuxième point concerne l’équilibre. La trajectoire financière qui a été associée à ce nouveau modèle est de 190,6 milliards d’euros courants entre 2014 et 2019. Il s’agit d’un effort significatif mais calculé au plus juste et c’est la raison pour laquelle je parle de cohérence et d’équilibre : si on enlève une brique du dispositif, alors l’ensemble est en difficulté.

Troisièmement, j’ai pris le soin de faire en sorte que les dépenses de la LPM soient résolument tournées vers l’avenir. Cela a conduit à infléchir un certain nombre de choix, par exemple pour permettre à la préparation opérationnelle de remonter en puissance, ou afin de combler l’absence de capacités, en particulier dans le domaine du renseignement, de la cyberdéfense, et d’affirmer la priorité de la recherche et du développement – R&D. J’ai ainsi souhaité sanctuariser dans la loi de programmation, l’effort sur les études amont de 0,73 milliard d’euros en moyenne annuelle sur toute la période. Cet effort nous permet d’être dans l’innovation et l’anticipation pour les échéances des dix prochaines années et permettra à nos successeurs de disposer de technologies de pointe.

Enfin, pour maintenir la cohérence et l’équilibre, j’ajouterai que la loi de programmation entraîne des efforts structurels extrêmement importants, gages d’un résultat extrêmement rigoureux, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Il importe que la trajectoire financière soit respectée et puisque le Premier ministre a réaffirmé cette volonté il y a un instant, j’aimerais revenir sur quelques points y afférant.

Il y a en particulier deux données que je souhaiterais aborder. D’abord la loi de finances rectificative pour 2014. Lors de la fin de gestion 2013 qui avait permis au ministère de la Défense de bénéficier de la couverture intégrale du surcoût de ses OPEX, mais qui avait vu son budget amputé dans le même temps de 488 millions d’euros au titre de sa contribution à l’effort interministériel de réduction des déficits, j’avais obtenu que 500 millions d’euros exceptionnels soient ajoutés dans la LPM (article 3), mobilisables soit en 2014, soit en 2015. Dans la loi de finances rectificative pour 2014, on m’a proposé de faire une encoche de 350 millions d’euros sur le budget de la Défense, au titre de la mutualisation des efforts pour participer à l’économie de 4 milliards d’euros sur le budget de l’État. J’ai fait savoir qu’à partir du moment où cette encoche était faite, l’article 3 de la LPM devait automatiquement s’appliquer afin que le ministère de la Défense puisse bénéficier sans tarder de ces 500 millions de crédits supplémentaires au titre des recettes exceptionnelles.

Je peux vous dire que j’ai obtenu satisfaction. Je le dis car c’était une interrogation majeure, y compris pour les industriels, dans la mesure où il fallait absolument garantir ces financements pour pouvoir engager un ensemble de programmes structurants au cours de l’année 2014. Ces programmes, que je vais engager durant l’été, sont les suivants : le programme d’avions ravitailleurs MRTT – Airbus A330 Multi Role Tanker Transport –, le programme Scorpion, l’acquisition de systèmes supplémentaires de drones Moyenne Altitude Longue Endurance – MALE –, la commande du quatrième sous-marin d’attaque Barracuda et, en ce qui concerne la dissuasion, le lancement des travaux de développement de la prochaine version du missile M51, le missile M51.3.

Comme l’a indiqué le Premier ministre, le budget triennal 2015-2017 correspond à la LPM pour sa partie 2015-2017. Je considère donc que pour la période 2015-2017, d’un point de vue strictement financier, en application de la LPM, le budget de la Défense bénéficiera de 94,3 milliards d’euros. Il existe néanmoins un sujet sensible que je souhaite aborder avec vous : dans ces 94,3 milliards d’euros sont comprises les ressources exceptionnelles pour un montant de 3,9 milliards d’euros. Le budget 2014 a perçu l’intégralité des ressources exceptionnelles pour un montant s’élevant à 1,8 milliard d’euros : pour l’essentiel, ressources immobilières, 1,5 milliard d’euros au titre du programme d’investissements d’avenir – PIA, et quelques redevances. À ce 1,8 milliard d’euros, s’ajouteront les 500 millions d’euros que j’évoquais précédemment.

Le financement des ressources exceptionnelles est précisé pour la première fois dans la LPM, qui énonce la liste des actifs mobilisables pour assurer ces ressources. Cette liste comprend les ressources immobilières, le PIA, les cessions d’actifs de type participation dans les entreprises et les recettes produites par la mise aux enchères de la bande des fréquences dite des « 700 MHz », qui est réputée être totalement affectée à la LPM. Ce sujet-là n’a fait l’objet d’aucune contestation et est garanti par la loi. Toutefois, dans l’état actuel des discussions et de la mise aux enchères de la bande des fréquences, le calendrier me paraît être plus long que prévu. Il est peu probable que cette mise aux enchères puisse se produire de telle sorte que les recettes soient assurées pour le budget 2015 et, aujourd’hui, on peut s’interroger pour 2016. La garantie de l’affectation de la recette est intacte mais nous rencontrons un problème de calendrier. Nous avons donc obtenu l’autorisation de travailler sur d’autres dispositifs dits « dispositifs innovants » qui utiliseraient tout ou partie de cessions d’actifs ayant déjà eu lieu ou pouvant avoir lieu pour permettre de combler soit définitivement, soit provisoirement l’absence de recettes provenant de la mise aux enchères de la bande de fréquences des 700 MHz. Ce travail, qui a tardé à se mettre en œuvre, est désormais en cours et j’espère pouvoir avoir des résultats rapidement. Cela peut passer par différents systèmes et cela ne concerne que l’investissement. Il nous reste à valider les options complètement et c’est un point sur lequel le Président de la République et le Premier ministre nous ont donné mandat d’agir dans les plus brefs délais.

En dernier point de mon intervention, je souhaiterais rappeler les efforts réalisés par la Défense pour participer au rétablissement des comptes publics. Je sais que certains disent que la Défense doit contribuer comme tout un chacun à cet effort. Je peux vous assurer qu’elle le fait, notamment par une réduction significative de ses postes. La LPM prévoit une nouvelle réduction de 24 000 postes auxquels il faut ajouter les 10 000 postes qui restent à « traiter » de la LPM antérieure. Les efforts résultant de cette réduction d’effectifs se traduiront par une économie de 4,4 milliards d’euros sur la durée de la LPM dont 2 milliards sur la période 2015-2017, concourant ainsi à l’effort de redressement des comptes publics, avec – et c’est le point le plus difficile pour moi à gérer mais je l’assume – un effort sans précédent de « dépyramidage » qui suppose une vraie réforme structurelle.

Dans le même temps, nous avons renégocié la quasi-totalité des grands contrats d’armement qui avaient été lancés dans la LPM antérieure. Les bases sur lesquelles avaient été précédemment menées les négociations avec les industriels étant tombées, j’ai relancé les négociations avec les acteurs industriels sur l’ensemble des programmes. Les nouveaux contrats ont été calibrés au plus juste, à la fois pour assurer les capacités de notre défense, mais également pour préserver la base industrielle des technologies de défense – BITD – et l’emploi.

J’ai également engagé une réorganisation profonde du ministère, qui se traduit par plus de trente chantiers de réformes, portant sur l’ensemble des domaines : des archives à l’action sociale, des opérateurs aux postes permanents à l’étranger, de la formation à l’habillement, en passant par l’organisation au soutien. Il s’agit de chantiers extrêmement sensibles mais telle est la condition pour aboutir à la cohérence et l’équilibre.

Enfin, je voudrais faire le point, en conclusion, des surcoûts pour le financement des OPEX pour éviter toute ambiguïté. Nous sommes passés d’un montant de 630 millions d’euros ouvert en loi de finances initiale pour 2013 à 450 millions d’euros annuels sur la durée de la LPM. Pourquoi cette diminution ? Le calcul des 450 millions d’euros, effectué à l’automne, intégrait le fait que notre présence en Afghanistan allait se terminer, que celle au Mali diminuait, que l’on renonçait à notre présence au Kosovo et que nous arrêtions aussi quelques interventions nécessitées par l’actualité, notamment en Jordanie, la crise en Syrie ou sur la Corne de l’Afrique. Par ailleurs, en raison de la réorganisation de notre dispositif en Afrique, les effectifs des forces prépositionnées vont diminuer. Mais l’opération Licorne en Côte d’Ivoire s’achève et, en gros, ses effectifs vont basculer dans les forces prépositionnées dont le financement relève du budget de la Défense, hors OPEX.

Toutefois, à court terme, ce chiffre-socle de 450 millions d’euros ne pourra pas être respecté car, entre-temps, deux événements importants se sont produits. En premier lieu, notre présence au Mali a dû être maintenue plus longtemps que prévu pour s’adapter à la situation
– le Président de la République a souhaité, à la demande des autorités maliennes, qu’on maintienne un effectif plus significatif jusqu’à la fin des législatives maliennes. Ainsi, alors que l’on devait rejoindre un effectif de 1 000 à la fin de l’année 2013 nous n’atteindrons ce seuil qu’à la fin de l’été 2014. En second lieu, le Président de la République a décidé le 5 décembre 2013 d’intervenir en République centrafricaine : il s’agit là d’une nouvelle opération, se situant hors du cadre des 450 millions d’euros. Ces deux évolutions nous amèneront à dépasser l’enveloppe des 450 millions d’euros inscrits dans la LPM 2014. Mais un tel dépassement OPEX est prévu dans la clause de sauvegarde de la LPM et sera traité par financement interministériel en fin d’exercice 2014. Ce surcoût fait partie de la mutualisation ; cela a été le cas en 2013, ce sera le cas également en 2014. Il s’agit d’une bonne chose pour la Défense car il peut toujours y avoir des opérations nouvelles et imprévues.

J’ajouterai un dernier point pour revenir à mon introduction. Avec les chefs d’état-major des différentes armées, j’ai mené depuis le mois de janvier un travail d’explication et d’information dans les unités à l’occasion de visites dans différents régiments et bases. À chaque fois, nous avons fait valoir la difficulté mais aussi la cohérence du dispositif que représente la LPM. Si l’on procédait autrement pour des raisons financières – et d’autres pays l’ont fait – il s’agirait alors d’une autre LPM car il existe une cohérence dans le dispositif choisi qui nous permet de répondre aux opérations indiquées. Si la France ne peut pas accorder un budget aussi important à sa défense, c’est un autre sujet et il faudrait alors faire une nouvelle loi de programmation.

Voilà la raison pour laquelle je me bats pour défendre cette LPM que j’estime adaptée au temps présent, c’est-à-dire aux contraintes financières de la France, mais aussi à la nécessité de nous défendre et d’obtenir une place crédible sur la scène internationale.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la préparation de l’avenir. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, de venir pour la seconde fois devant la commission des Finances. La commission de la Défense est parfaitement compétente sur toutes les questions de défense mais la loi de programmation militaire a des implications qui vont bien au-delà de ce secteur. Les enjeux, en termes de réforme de l’État et de finances publiques, sont considérables, tout comme les enjeux en termes d’influence de la France dans le monde, et en termes de stratégie industrielle. On sait bien que les industries sont duales aujourd’hui, que quand on parle industries de défense, cela a beaucoup d’autres implications. C’est pour cela qu’il est vraiment indispensable de faire de la pédagogie au sein de notre Assemblée.

Effectivement après avoir entendu le Premier ministre, il y a une heure, on est un peu rassuré. Mais le diable se cache dans les détails et il faut peut-être revenir sur un certain nombre d’entre eux. J’aurai donc quatre questions à vous poser.

Je voudrais d’abord revenir sur les rumeurs relatives à une note du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale – SGDSN : est-ce un document ancien ou récent ? Y a-t-il eu des notes, au-delà de la lettre de cadrage que vous avez reçue ? Que s’est-il réellement passé ?

Ma deuxième question porte sur les OPEX. On peut dire que l’on maintient la loi de programmation militaire telle qu’elle est prévue et puis, en fin d’année, que finalement on est plus dans un financement interministériel du surcoût des OPEX mais que c’est le ministère de la Défense qui va prendre en charge ces dépenses. C’est bien la tradition, mais vous savez, monsieur le ministre, qu’il y a chaque année une bagarre féroce sur ce point au moment où tout le monde se prépare à partir en vacances. Ne pourrait-on pas trouver une méthode pour sécuriser le fait que le financement interministériel des surcoûts des OPEX est définitivement acquis ? Je souhaiterais également des précisions sur le montant même des OPEX : les chiffres de 550 millions et 800 millions évoqués sont-ils un souhait ou une certitude ? Risque-t-on d’approcher le milliard car on voit bien que la situation internationale est très instable ?

Sur les ressources exceptionnelles, je me réjouis que vous ayez pu faire mobiliser les 500 millions de ressources exceptionnelles dans le collectif budgétaire, car cela me paraissait très important pour la crédibilité générale de la LPM, mais je voudrais revenir sur les ressources de 2015, dont on sait depuis la loi de programmation militaire qu’elles ne viendront pas à temps, comme vous l’avez évoqué vous-même. On évoque depuis plus d’un an, vous y avez fait allusion à l’instant, une société de portage. Je crois qu’il est très important, ici aussi, de parler très franchement : ce montage ne sera pas facilement validé. On peut très bien imaginer que Bercy finisse par dire oui, mais que la Cour des comptes ensuite dise qu’on est à la limite de ce qui peut se faire, et chacun se renverra la balle. Y voir clair sur le montage pour pallier ce retard sur les ressources exceptionnelles est un enjeu majeur. Cela porte sur 1,7 milliard dès l’année prochaine. Il faut le savoir le plus tôt possible, car si ce montage n’est pas possible, il faudra mobiliser l’ancien compte emprunt ou trouver une autre solution, et ce avant le mois de décembre. J’aimerais savoir où vous en êtes dans les discussions avec Bercy, et quels sont les avis juridiques autorisés que vous avez sur ce point. Et est-ce que vous envisagez vous-même d’autres solutions au cas où cette société de portage ne pourrait pas se faire ?

Enfin, on sait que l’équilibre de la LPM est assuré, notamment, par la vente des avions Rafale. Il faut que ces ventes se déroulent à peu près dans les neuf ou dix mois qui viennent. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial pour les crédits relatifs au budget opérationnel de la défense. Monsieur le ministre, lors de l’examen de la loi de programmation militaire, j’avais évoqué le maintien puis l’augmentation des crédits de la Défense, qui correspondent à la double volonté du Président de la République et du Gouvernement de maintenir l’ensemble du spectre des missions actuellement confiées à nos armées. C’est je crois ce que vous venez de définir en précisant et en insistant sur le terme de « cohérence » et la définition du nouveau modèle d’armée. Je crois aussi que cet après-midi, après quinze jours d’incertitude – mais l’incertitude sera des nôtres pendant les six ans de la durée de la LPM –, le Premier ministre a clairement répondu lors de la séance de questions au Gouvernement cet après-midi. Néanmoins, la vigilance qui est la vôtre, nous l’accompagnerons. J’avais ajouté dans cette même séance consacrée à la LPM que la volonté était de préserver notre base industrielle et technologique de défense qui représente plus de 165 000 emplois directs et indirects. C’est le sens que je donne pour ma part au mot « équilibre ». Toucher à la loi de programmation militaire, je considère, et nous sommes nombreux à le considérer, que cela déséquilibrerait cette base industrielle et de défense. Et nous souhaitons donc que la LPM soit respectée, rien que la LPM, mais toute la LPM.

J’avais attiré l’attention de mes collègues sur quatre points de vigilance particulière : la perception des ressources exceptionnelles, le respect des hypothèses d’exportation, le financement des OPEX et la maîtrise de la masse salariale. Vous les avez tous plus ou moins balayés. Je voudrais revenir sur les deux premiers points : la perception des ressources exceptionnelles, avec bien évidemment le sujet particulier de la bande des 700 MHz, dont la mise aux enchères est probablement différée compte tenu de la situation d’incertitude du secteur des opérateurs du numérique. Compte tenu du système de vases communicants qui a été prévu dans la LPM, de remplacement progressif des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires, cela peut poser un problème, non pas sur le montant des ressources mais sur leur calendrier de perception. Il y a dans la loi de programmation militaire deux clauses de sauvegarde inscrites à l’article 3. Quelles sont néanmoins, aujourd’hui, vos assurances sur la capacité, si ces autres ressources exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, de pouvoir mobiliser des crédits interministériels ?

Le second point que je voulais aborder de plus près concerne le respect des hypothèses d’exportation. On a pu constater sous la précédente LPM que l’absence d’exportation de certains matériels, notamment des avions Rafale, avait engendré des mouvements de crédits très importants au détriment d’autres programmes d’équipement, en raison des contrats de livraison liant l’État aux industriels. Dans la présente LPM, l’hypothèse est faite que les exportations prendront le relais des commandes d’État. À partir de 2017, l’État n’achètera plus d’avions Rafale. Où en est le scénario des ventes à l’exportation ? Nous avons d’ailleurs introduit dans la LPM la présentation d’un rapport au Parlement sur l’état des exportations.

Pour finir, je voudrais souligner la nécessité que la LPM, document-cadre pour les six ans qui viennent, soit dans toutes ses étapes respectée. C’est une des conditions de la souveraineté car la souveraineté passe aussi par la trajectoire financière.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la Défense et des forces armées. Ce que nos deux commissions font aujourd’hui ici, sur la loi de programmation militaire, est très important. Nous nous sommes donné dans cette loi des outils qui n’étaient pas habituels ; entre autres, pour la commission de la Défense, celui de pouvoir contrôler sur pièces et sur place. Ce n’est pas du tout de notre part une volonté d’ingérence dans les compétences de la commission des Finances, mais bien – et c’est ma présence aujourd’hui qui le vérifie – le désir de travailler ensemble dans ce domaine. J’en ai déjà fait part au président et à la rapporteure générale, de façon que la commission de la Défense et la commission des Finances puissent travailler ensemble au contrôle sur pièces et sur place de l’exécution de la LPM. Je pense que nous sommes tombés d’accord sur ce point et c’est une bonne chose.

Je voudrais revenir sur un certain nombre de points et en particulier sur les dispositifs innovants. Un certain nombre ont été étudiés comme l’a dit M. le ministre : il faut qu’ils avancent très vite. S’il y a un point de vigilance qui doit être le nôtre, c’est bien celui-là. En font partie les réflexions qui ont pu être menées par un certain nombre d’industriels sur les possibilités de location de matériel. Ce n’est pas uniquement un intérêt pour notre pays et l’équipement de nos armées, mais aussi des facilités pour nos industriels à l’exportation. Un certain nombre de pays n’ont pas les moyens d’acquérir certains matériels par des achats classiques, alors qu’il existe des systèmes de location. Je pense entre autres aux États-Unis qui y ont recours, ce qui pénalise nos industriels. C’est un aspect qu’il va falloir explorer parce que, pour notre balance commerciale, c’est un élément très important.

Je voudrais simplement insister sur un point : c’est la déflation des effectifs dont parlait M. le ministre. Cela représente 4,4 milliards dans la LPM. C’est un exercice complexe, difficile, compte tenu des déflations qui ont déjà existé. À chaque fois que nous devrons supprimer un poste, il faudra redistribuer les missions, ce qui est un exercice particulièrement complexe pour la DRH et pour les états-majors. La commission de la Défense, mais nous pouvons le faire aussi avec la commission des Finances, y portera une attention particulière dans l’intérêt de l’équilibre de la LPM, mais aussi par rapport à la réussite de cet exercice au sein de nos armées. Ceci n’avait pas été contrôlé dans la loi de programmation militaire précédente puisque malgré les déflations d’effectifs, les dépenses ont augmenté de près d’un milliard. Je pense que nous allons devoir faire cet exercice, mois par mois, avec les responsables des ressources humaines. Les militaires comme les personnels civils sont inquiets bien évidemment. Les états-majors et les chefs d’état-major se sont particulièrement impliqués dans ce sens auprès du ministre et nous avons aussi, en tant que parlementaires, une responsabilité pour accompagner cette démarche.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le ministère de la Défense a reçu tout le soutien des équipes administratives de Bercy pour que la société de portage dont il est question soit étudiée sous ses aspects juridiques et financiers ainsi que sur ses capacités à assurer le portage de dette. Si ce n’est pas le cas, la commission des Finances vous accompagnera, bien évidemment dans cette démarche. Avez-vous une idée du montant qui pourrait être porté par cette société ?

M. Xavier Bertrand. Ainsi que nous l’avons déclaré publiquement, notre objectif est d’éviter toute coupe budgétaire qui viendrait diminuer les montants affectés à la loi de programmation militaire et à notre effort de défense. Le niveau actuel de la LPM, en raison des incertitudes planant sur son financement, place déjà notre pays dans une situation qui n’est pas satisfaisante ; aller en deçà serait de la folie.

Pouvez-vous nous dire si toute menace sur l’exécution et sur le niveau de la LPM est maintenant écartée ? À quel moment avez-vous eu connaissance des risques qui pesaient sur son exécution ? En effet, le 11 mai, votre cabinet a fait savoir qu’il n’était pas informé de menaces de coupes, alors qu’une lettre rendue publique le 23 mai mais datée du 9 semble contredire cette affirmation. Cela confirme les menaces malgré les démentis cafouilleux du Premier ministre et du ministre des Finances…

M. le ministre. Vous faites allusion à deux événements différents. Comme tous les ministres, j’ai été saisi, par le Premier ministre, de propositions sur le collectif budgétaire 2014. Il était de mon devoir d’y répondre, ce que j’ai fait par lettre du 9 mai. C’est cette lettre qui a été publiée dans la presse trois semaines plus tard.

M. Xavier Bertrand. Pouvez-vous nous confirmer, au-delà du collectif budgétaire et de la seule année en cours, qu’il y a bien eu de la part de Bercy la volonté de pousser à nouveau le « scénario Z » de réduction des crédits militaires, scénario écarté lors d’un conseil de défense par le Président de la République ?

Pouvez-vous aussi nous confirmer si Bercy a évoqué deux scénarios possibles :

– un premier ne prévoyant aucune réduction en 2014 mais des réductions
de 1 à 2 milliards d’euros en 2015, puis de 2 milliards d’euros pour l’année 2016 et pour l’année 2017 ;

– un second scénario « catastrophe » qui préserve le montant global de 31,4 milliards d’euros mais dans lequel on fait supporter au budget de la Défense l’intégralité du coût des opérations extérieures ?

En effet, la semaine dernière, il semblerait que les services du ministère des Finances aient diffusé une note reprenant cette hypothèse. En avez-vous eu connaissance ?

Par ailleurs, a-t-il été envisagé que le dimensionnement des régiments soit modifié, pour passer de 1 000 à 850 militaires, ce qui permettrait de préserver le nombre d’unités mais réduirait le format des forces ? Est-il vrai qu’un groupe d’industriels aurait récemment fait valoir que toute nouvelle coupe budgétaire aurait des conséquences immédiates et dramatiques sur l’emploi et sur le dimensionnement de l’outil industriel ? Enfin, vous opposerez-vous à tout artifice budgétaire qui préserverait la valeur faciale du niveau de la LPM mais qui viendrait entamer de façon sérieuse et – probablement – définitive notre effort de défense nationale ?

Nous avons conscience que l’intérêt national ne peut pas se résumer à de seules contraintes budgétaires et qu’il y a des sujets qu’il faut savoir sanctifier. Il a été demandé beaucoup d’efforts à notre outil de défense et si l’on remet en cause en permanence les niveaux d’engagement ou d’effort qui sont demandés, plus personne ne croira jamais à la parole de l’État.

M. le président Gilles Carrez. Sans vouloir défendre le ministère des Finances, je veux rappeler que son rôle est de réfléchir à des scénarios dans tous les secteurs d’activité. C’est même rassurant…

M. Xavier Bertrand. Les contraintes budgétaires étant ce qu’elles sont, pensez-vous monsieur le ministre, que le président de la République respectera la parole qu’il a exprimée à trois reprises, sans jouer sur les mots ni sur les exercices budgétaires. Le budget de la Défense sera-t-il sanctuarisé sur toute la durée de la LPM ?

Mme Karine Berger. Tous les scénarios évoqués par Xavier Bertrand existaient déjà sous forme de notes en 2008 à la direction du budget. Jamais, pour la commission des Finances, la question de la défense ne se résumera à une question budgétaire. Jamais. Pas un député de cette commission n’appuierait une démarche réduisant la défense de la France à une simple question budgétaire. J’en profite, monsieur le ministre, pour saluer les efforts que vous consentez pour mettre en œuvre avec succès une loi de programmation extrêmement difficile.

Dans le cadre des efforts demandés dans le cadre de l’application de la LPM, et peut-être, comme vous venez de l’expliquer, à l’occasion du collectif budgétaire, se pose la question de la place de l’armée de terre. N’y a-t-il pas un risque de voir les personnels de cette armée être plus sollicités que ceux de l’armée de l’air ou de la marine ? En effet, si le coût des opérations extérieures était réintégré dans le budget de la Défense, les personnels de l’armée de terre ne seraient-ils pas les premiers concernés ?

Par ailleurs, un certain nombre de militaires ayant servi en OPEX en 2013, et qui s’apprêtent à repartir servir hors de nos frontières en 2014, n’ont toujours pas perçu les indemnités afférentes à ces opérations. Disposez-vous de tous les moyens financiers pour accompagner l’engagement de nos soldats ?

M. Jean-François Lamour. Lorsque vous avez présenté la LPM, vous nous avez dit que pas un euro ne devait manquer à son exécution. Or, dès 2014, vous vous trouvez en très grande difficulté, notamment quant aux recettes exceptionnelles qui constituent la grande faiblesse de cette programmation. En 2014, où en êtes-vous de la consommation des crédits issus des ressources exceptionnelles ? Il s’agit d’un peu plus de 1,7 milliard d’euros dont 1,5 milliard venant du programme d’investissements d’avenir et 200 millions de cessions immobilières. Cette ressource avait deux destinations, la première concernant le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA –, et elle devait être exclusivement destinée à l’investissement. Or, il semblerait qu’au CEA tout au moins, les fonds issus de ces ressources servent à payer le salaire des ingénieurs. Non seulement nous sommes loin du financement d’investissements, mais je suis inquiet sur la manière dont ces salaires seront financés dans les années à venir si le PIA ou d’autres ressources exceptionnelles ne sont pas au rendez-vous.

700 millions d’euros issus de ces ressources exceptionnelles étaient destinés à la recherche spatiale. Où en est-on de la consommation de ces lignes budgétaires ? Comment allez-vous faire pour l’exercice 2015 en l’absence de PIA ?

Les opérations extérieures constituent également une source de préoccupations. Est évoqué pour 2014 le chiffre de 800 millions d’euros. En 2013, elles ont coûté 1,26 milliard d’euros. Quelle est la part qui sera à la charge de votre ministère et quelle est la part qui fera l’objet de la solidarité interministérielle ? En effet, seuls 450 millions d’euros ont été inscrits en loi de finances initiale.

Enfin, il existe un sujet au croisement du domaine industriel et de la dissuasion : celui des ravitailleurs en vol MRTT. Avez-vous signé la commande des deux appareils qui sont indispensables à la dissuasion de notre pays ? Si non, pourquoi ?

M. Victorin Lurel. J’aimerais tout d’abord féliciter le ministre de la Défense pour l’ardeur et la détermination qu’il déploie pour défendre les crédits de la Défense. J’aimerais également rappeler la problématique de la défense outre-mer, où des ruptures capacitaires sont à craindre sur les trois théâtres maritimes que sont l’océan Indien, le Pacifique et l’Atlantique. Je souhaiterais attirer l’attention sur les quatre points suivants :

– la nécessité de déployer une unité maritime B2M dans l’océan Indien, notamment pour assurer la surveillance du canal du Mozambique et sur les Îles Éparses, qui font l’objet d’incursions fréquentes de nature à remettre en cause la souveraineté de notre pays sur ces territoires ;

– la nécessité d’un effort particulier en Guyane dans le domaine aérien, condition nécessaire pour assurer la réussite de la lutte contre l’orpaillage clandestin ;

– la nécessité de déployer des moyens aériens cohérents avec les missions, ce qui pose la question du déploiement d’un hélicoptère EC 145 à Mayotte et d’aéronefs militaires adaptés à La Réunion ;

– la nécessité de rendre un arbitrage sur la clé de répartition du coût de fonctionnement des hélicoptères Dauphin en Polynésie pour ne pas mettre en péril la seule expérience de mutualisation réussie à ce jour.

M. Charles de Courson. En l’état actuel des effectifs présents en OPEX, quel est leur coût prévisionnel en 2014 par rapport aux crédits ouverts ?

M. le ministre. Pour les raisons que je vous ai indiquées il sera supérieur aux 450 millions d’euros qui ont été provisionnés en loi de finances initiale.

M. Charles de Courson. Ce montant paraît faible dans la mesure chacun sait que le nombre de soldats engagés au Mali et en Centrafrique ne va pas diminuer de sitôt.

Le ministère de la Défense est-il concerné par la réserve budgétaire et à quel niveau ? Où en est-on d’un éventuel dégel et sur quoi porte-t-il ?

Avec le niveau de crédits dont vous disposez, pouvez-vous maintenir la disponibilité opérationnelle de nos forces, tant pour les matériels que pour les personnels ? Il semblerait que le nombre d’heures d’entraînement des pilotes diminue constamment, faute de crédits.

Enfin, pensez-vous que la création d’une société de location d’armements soit compatible avec le principe de souveraineté nationale ?

M. Alain Fauré. Je rejoins les questions de Jean Launay sur l’exécution correcte de la LPM, et je me demande, à cet égard, si les lycées militaires vont pouvoir continuer à assurer l’accueil d’élèves boursiers qui bénéficient ainsi d’une égalité des chances. Une autre question concerne la participation des pays européens aux missions extérieures assurées par la France, car il est clair que ces missions contribuent à la sécurité de l’Europe entière.

M. Hervé Mariton. Pouvez-vous nous dire quels montants pourraient atteindre les cessions d’actifs que vous avez évoquées en substitution des recettes exceptionnelles dont la perception ne sera pas assurée en 2015 et 2016 ? Cela occasionnera-t-il des coûts d’intermédiation particuliers ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les investissements d’avenir, ces crédits interviennent-ils en substitution de crédits budgétaires, contrairement à leur vocation ?

En ce qui concerne les OPEX, la définition du pré-positionnement est-elle susceptible d’évolution ? En effet, suivant que l’on raisonne à pré-positionnement constant ou que l’on y introduise des modifications, l’exercice peut devenir fictif. J’ajoute que le rapport de notre collègue Launay précise bien que les surcoûts extérieurs liés aux opérations « exceptionnelles » qui ne ressortent pas des missions traditionnelles confiées à la défense et couvertes par l’enveloppe de 450 millions doivent faire, selon la LPM, l’objet d’un financement interministériel. Pouvez-vous confirmer ce point ?

Enfin, le processus d’externalisation d’un certain nombre de coûts internes du ministère de la Défense est-il efficace ? Un ancien chef d’état-major m’a indiqué qu’il était extrêmement réservé sur les bénéfices de l’externalisation pour le ministère de la Défense et pour les finances publiques en général.

M. Philippe Meunier. Vous avez engagé la transformation d’un certain nombre de bases en Afrique en les faisant passer du champ des OPEX à celui des forces pré-positionnées. Or, dans ce cas il n’existe pas de couverture interministérielle du surcoût et ce choix est donc moins favorable pour le ministère de la Défense. Pouvez-vous vous expliquer sur ce point ?

Par ailleurs, vous venez de dire que vous n’avez toujours pas signé le démarrage du programme Scorpion. Il y a quelques semaines, vous nous aviez pourtant informés, lors d’une réunion de la commission de la Défense, que la décision était prise et que la signature allait intervenir dans les jours suivants. Cela signifie que nous avons encore perdu plusieurs mois. Doit-on comprendre que vous jouez la montre ? Dans tous les cas, cela aura des conséquences certaines sur les programmes d’équipement de nos forces terrestres, dont vous connaissez par exemple l’état d’ancienneté des véhicules de l’avant blindés.

Enfin, vous vous êtes félicité tout à l’heure du soutien unanime des groupes politiques à la loi de programmation militaire. Je voudrais vous rappeler que nous n’avons pas voté cette loi.

M. le ministre. Concernant les interventions de MM. François Cornut-Gentille et Xavier Bertrand, je voudrais rappeler que je n’ai jamais cherché à empêcher Bercy de faire son travail. Et son travail est justement d’établir des scénarios multiples. Que parmi ces scénarios, il y en ait qui amputent le budget du ministère de la Défense, c’est possible et ce n’est pas nouveau. Lorsque je suis devenu député en 1978, au sein de la commission de la Défense précisément, on entendait déjà des rumeurs à propos des scénarios venant de Bercy. On me fait parfois encore part aujourd’hui de propositions que j’avais déjà entendues à cette époque ! Le budget de la Défense est un budget important ; il ne faut donc pas s’étonner que ce sujet soit un marronnier de Bercy, même un vieux marronnier. Il s’agissait en l’occurrence de l’histoire du quart de place pour les militaires.

Il est donc nécessaire pour tous les ministres de la Défense, quelle que soit leur appartenance politique, d’être d’une très grande vigilance par rapport aux coups qui sont régulièrement portés contre le budget de la Défense. Ma position est très claire : il faut maintenir et appliquer la loi de programmation militaire telle qu’elle a été votée, et avec une vigilance de tous les instants, surtout dans une période où l’on cherche à faire des économies sur les dépenses publiques. Comme l’a dit le Premier ministre, et je reprends ici sa formule, la défense n’a pas vocation à payer deux fois. Le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé fermement que la trajectoire financière prévue par la LPM serait pleinement respectée, dont acte.

M. Xavier Bertrand. Vous évoquez la trajectoire financière d’ensemble mais vous opposerez-vous à toutes les sortes d’artifices budgétaires que l’on peut imaginer afin que, facialement, cette trajectoire apparaisse comme globalement respectée alors qu’elle ne le serait pas dans ses modalités concrètes ?

M. le ministre. Je vous le répète une nouvelle fois : la LPM sera totalement appliquée, dans chacune de ses modalités et sans artifices budgétaires. Je considère que c’est une question de souveraineté et je n’ai aucune intention de fléchir sur ce point.

Je vais maintenant revenir sur les OPEX. Il y a d’abord un point sur lequel il faut être clair : nous inscrivons une somme que la défense prend sur son propre budget et qui a été fixée à 450 millions d’euros par an. Cette somme correspondait aux engagements que nous pouvions attendre en 2014, compte tenu principalement du retrait d’Afghanistan, de la réduction du dispositif militaire au Mali et de divers désengagements. L’intérêt de la défense est que cette somme soit la plus basse possible puisque les surcoûts qui excèdent cette somme font l’objet d’une couverture interministérielle. L’année dernière, cette enveloppe était encore de 630 millions d’euros et, comme le coût total des OPEX s’est élevé à 1,26 milliard d’euros, j’ai obtenu un financement interministériel de 578 millions d’euros. Entre-temps, nous avons toutefois dû prolonger notre intervention au Mali et puis il y a eu l’intervention en République centrafricaine. La loi prévoit que la différence entre le coût total sur l’année et la dotation initiale soit financée par le budget mutualisé de l’État et je veillerai à ce que ce soit bien le cas.

J’en profite d’ailleurs pour affirmer clairement qu’il n’y a pas d’artifices ou de manipulations concernant le remodelage du dispositif des forces pré-positionnées. Au contraire, quand on passe en pré-positionnement, c’est parce qu’on se situe sur un plan de longue durée et on intègre donc la gestion en base. C’est donc une mesure vertueuse et sincère. Je prendrai l’exemple des forces en Côte d’Ivoire, qui vont intégrer le champ des forces prépositionnées. Le coût de cette translation est totalement intégré dans la LPM, notamment parce que nous allons réduire notre présence à Djibouti, Dakar et à Libreville. Cela n’entraîne donc aucun coût supplémentaire pour la défense qui ne serait pas prévu par la LPM. Tout est justifié à l’euro près.

Enfin, concernant la question des exportations, je voudrais dire qu’en 2012, le montant total des exportations s’élevait à 4,8 milliards, il est passé à 6,9 milliards en 2013 et, en 2014, j’ai la conviction qu’il sera plus important encore. J’ai l’immodestie de mettre ces résultats un peu sur mon compte car j’ai décidé de changer de méthode par rapport à la manière précédente de gérer les exportations. Cela a l’inconvénient d’être extrêmement chronophage mais aussi l’avantage de donner des résultats. Lorsque je me déplace dans tel ou tel pays, j’y passe du temps et j’y reviens plusieurs fois pour suivre le dossier. Cela fonctionne et j’espère que nous pourrons bientôt l’observer à travers deux grands dossiers en cours aussi importants pour l’État que pour le groupe Dassault.

Concernant l’utilisation des recettes exceptionnelles, je peux vous confirmer la commande en 2014 d’avions MRTT, la commande du Scorpion et de nouveaux systèmes de drones, ainsi que le lancement d’études pour le nouveau missile M 51.3. Nous avons aujourd’hui la certitude d’avoir les financements pour ces éléments.

M. Philippe Meunier. Cela entraînera-t-il un retard dans les délais de livraison ?

M. le ministre. Non, il n’y aura donc aucun décalage en termes de livraison ; nous respecterons strictement la loi de programmation militaire. En 2014, nous bénéficions de la totalité des recettes exceptionnelles prévues pour l’année. En effet, leur montant s’élèvera à 1,5 milliard d’euros, dont 1,2 milliard seront attribués au CEA – et 300 millions d’euros au Centre national d’études spatiales – CNES.

M. Jean-François Lamour. Pouvez-vous nous confirmer que les crédits attribués au CEA seront uniquement destinés à financer le salaire des ingénieurs ?

M. le ministre. Ces financements sont réalisés dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Le ministère de la Défense est dans une relation contractuelle avec le CEA. Le financement qui lui est accordé sert à financer cet organisme et donc les projets du CEA éligibles au PIA, de manière globale.

À terme, le ministère de la Défense bénéficiera des recettes issues de la cession de la bande de fréquences des 700 MHz, comme le prévoit la loi de programmation militaire. Cependant, ces recettes exceptionnelles ne devraient être effectivement disponibles qu’avec du retard par rapport à nos besoins, ce qui pose un problème de financement. L’une des hypothèses alternatives pourrait être de bénéficier des crédits issus du PIA. D’autres solutions innovantes ont été soumises au ministère des Finances. Pour répondre à la question de Mme la rapporteure générale, ce ministère n’a pas été enthousiaste à l’idée d’avancer sur ce point. Cependant, il va désormais y travailler, afin d’apporter des éléments de clarification juridique, économique et fiscale. Ce sujet est prioritaire dans la mesure où il concerne le financement du budget du ministère de la Défense dès l’année 2015 et pour les suivantes.

Je souhaite réaffirmer qu’à la fin de cette loi de programmation militaire, l’armée française sera toujours la première armée d’Europe en termes d’équipement et de capacités. Actuellement, nous sommes toutefois, s’agissant de l’activité et de l’entraînement, en deçà, d’environ 15 à 20 % des normes d’opérationnalité rappelés par la loi de programmation militaire. J’ai par conséquent décidé d’augmenter dès l’année prochaine les crédits consacrés à l’entretien du matériel de plus de 4 % par an.

La baisse des effectifs concernera les trois armées – terre, mer et air. Cependant, nous avons pris pour principe que les effectifs opérationnels participeront à hauteur d’un tiers des efforts, tandis que les effectifs administratifs, d’environnement, de support ou de soutien y participeront pour les deux tiers. Cela nous oblige à réaliser un travail complexe et très fin pour trouver des sources d’économies. Nous devrons toutefois procéder également à de nouvelles fermetures de garnisons, j’en ferai l’annonce fin juillet pour l’année 2015.

En réponse à vos questions, je précise que la réserve de précaution s’élève à 1,4 milliard d’euros de crédits, dont 1,3 milliard hors masse salariale.

M. Xavier Bertrand. Il y aura donc une baisse du nombre d’hommes par régiment.

M. le ministre. Vous me l’apprenez ! Il y aura une réduction des effectifs à hauteur de 15 000 postes. Concernant le remplacement de trois patrouilleurs, cela est prévu dans le budget pour 2014.

M. Charles de Courson. Pour finir, je souhaiterais vous interroger sur la pertinence de la composante aérienne de la dissuasion nucléaire. Qu’en pensez-vous ? Faut-il la maintenir ?

M. le ministre. Je vous ferai une réponse articulée autour de deux logiques, l’une financière, l’autre politique.

Tout d’abord, la suppression de la composante aérienne ne permettrait qu’une économie de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros sur le triennal, car l’essentiel est déjà payé (le missile ASMP-A, les avions Rafale et Mirage 2000…). Ceci représente, vous en conviendrez, un gain marginal au regard des enjeux qui sont souvent cités.

Ensuite, d’un point de vue politique, je considère qu’il est nécessaire de conserver la double composante de la dissuasion nucléaire pour des raisons de diversité et de complémentarité. Cela offre, en premier lieu, des marges de manœuvre accrues au Président de la République en cas de situation de crise. Cela oblige également l’adversaire potentiel à s’organiser en fonction non d’une seule mais de deux composantes, deux types de trajectoire et d’armes. Cela offre ensuite une capacité nucléaire plus visible et enfin cela permet d’éviter un dilemme de type tout ou rien en matière nucléaire.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 27 mai 2014 à 16 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Alain Fauré, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Arlette Grosskost, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Victorin Lurel, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, Mme Eva Sas, M. Gérard Terrier, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Étienne Blanc, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Francina, M. Marc Goua, M. Pascal Terrasse

Assistaient également à la réunion. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Alain Chrétien, Mme Marianne Dubois, M. Christophe Guilloteau, M. Jacques Lamblin, M. Alain Marty, M. Philippe Meunier, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard

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