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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 11 juin 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 83

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques a émis un avis qui porte à la fois sur le projet de loi de finances rectificative – PLFR – et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale – PLFRSS –, lequel sera à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 18 juin prochain.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget. Nous avons trouvé, en 2012, une situation économique, financière et sociale particulièrement dégradée : une croissance à l’arrêt, des finances publiques dans une situation significativement défavorable, un niveau de dette publique sans précédent en temps de paix, à près de 90 % de la richesse nationale, un taux de chômage sur une trajectoire de forte augmentation et des inégalités nourries par une décennie de mesures fiscales favorables aux ménages les plus aisés.

Dès l’été 2012, le Gouvernement et la majorité ont mis en œuvre un ensemble de mesures destinées à remédier à ce constat, menant, d’abord, un effort de réduction du déficit public qui a été qualifié de considérable par la Cour des comptes. L’assainissement des finances publiques est indispensable pour garantir le financement de notre modèle social. Les mesures des lois de finances successives ont permis de réduire, dès la fin de l’année 2013, le déficit structurel à un niveau proche de son plus bas depuis 2002 : en dix-huit mois, les déséquilibres budgétaires accumulés ont fortement diminué.

Le Gouvernement et la majorité ont également mis en œuvre des mesures destinées à renforcer la progressivité du système fiscal. L’impôt de solidarité sur la fortune a été rétabli après la réforme de 2011 qui l’avait vidé de sa substance. Les droits de succession et de donations ont été relevés afin de revenir sur les évolutions votées dans le cadre de la loi « TEPA ». Une tranche d’imposition sur le revenu à 45 % a été instaurée. En parallèle, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, décidé pour deux ans par le précédent gouvernement, a été compensé pour les ménages les plus modestes par le renforcement de la décote et du revenu fiscal de référence ouvrant droit à des exonérations ou minorations d’impôts locaux et de prélèvements sociaux. Enfin, dans le but de soutenir la croissance et l’emploi, un nombre important de leviers ont été mobilisés au cours des deux premières années de la législature.

Outre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, qui allège le coût du travail de 20 milliards d’euros en année pleine et doit soutenir l’emploi et l’investissement productif, je tiens à rappeler tout un ensemble de mesures dont, notamment, pour la croissance, le nouveau programme d’investissements d’avenir – PIA – d’un montant de 12 milliards d’euros, et, pour l’emploi, la mise en œuvre des contrats d’avenir et des contrats de génération.

L’objectif de cette politique économique et budgétaire est donc clairement défini : soutenir la croissance et l’emploi dans un contexte économique particulièrement dégradé tout en assainissant les comptes publics.

Le pacte de responsabilité et de solidarité et le programme d’économies de 50 milliards d’euros poursuivent et amplifient ces orientations : ils forment un ensemble cohérent, qui doit être envisagé dans sa globalité. Considérer isolément chacune de leurs mesures ne fait pas sens : l’allégement du coût du travail, le soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes et les économies sur la dépense publique constituent trois composantes indissociables l’une de l’autre.

Dans son volet relatif aux entreprises, le pacte part de trois constats. Le taux de chômage demeure supérieur à 10 % même si sa progression a été arrêtée en fin d’année 2013. Les marges des sociétés non financières ont diminué régulièrement depuis dix ans. Enfin, si le soutien fourni par l’État via les contrats aidés est utile à l’emploi, il est insuffisant pour obtenir une baisse durable du chômage.

Ces constats ont conduit le Gouvernement à proposer un ensemble d’allégements des prélèvements des entreprises – certains sont inscrits dans le présent PLFR, les autres le seront dans le PLFRSS.

Cet ensemble comprend tout d’abord un allégement du coût du travail pour inciter les entreprises à embaucher : 4,5 milliards d’euros d’allégement des cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC – une telle mesure étant estimée fortement créatrice d’emplois, le PLFRSS proposera de la mettre en œuvre dès le 1er janvier 2015 ; 4,5 milliards d’allégement des cotisations patronales entre 1,6 et 3,5 SMIC – cette mesure, qui bénéficiera particulièrement aux entreprises industrielles et exportatrices, sera mise en œuvre à compter du 1er janvier 2016 ; 1 milliard d’euros en faveur des indépendants dont le revenu est inférieur à 3 SMIC – la mesure entrera en application le 1er janvier 2015.

Cet ensemble comprend également des allégements destinés à soutenir la capacité d’investissement et d’innovation de notre tissu productif, notamment la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – à l’horizon de 2017, avec, dès 2015, un abattement de 3 millions d’euros sur son assiette – la mesure pèsera pour 1 milliard d’euros dans les comptes. Le PLFR prévoit par ailleurs de proroger d’une année la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés pour un produit de quelque 2,7 milliards d’euros.

S’agissant des ménages, il faut tout d’abord rappeler que les ménages moyens et modestes ont pris toute leur part depuis 2011 à l’assainissement des finances publiques. Outre le dégel du barème de l’impôt sur le revenu, le PLFR prévoit un allégement de l’impôt sur le revenu dès l’automne 2014, qui s’appliquera sur les revenus de l’année 2013. Cette mesure, qui a fait l’objet d’une concertation avec la majorité parlementaire, concernera 3 700 000 foyers fiscaux, dont 1 900 000 ne verseront rien au Trésor public en septembre prochain. Elle consiste en une réduction d’impôt de 350 euros par foyer fiscal
– 700 euros pour un couple –, qui viendra alléger l’imposition de ces ménages d’environ 1,16 milliard d’euros en 2014. Cette mesure devrait être pérennisée dans le cadre d’une refonte plus globale du bas du barème de l’impôt sur le revenu dans le projet de loi de finances pour 2015. Le PLFRSS comprendra en outre un allégement de cotisations sociales pour les salariés payés entre 1 et 1,3 SMIC, pour un montant total de 2,5 milliards d’euros.

Le Gouvernement vous propose, dans le cadre du PLFR et du PLFRSS, de mettre en œuvre les seules mesures du pacte ayant un effet en 2014 et 2015. En effet, l’année 2015 sera mise à profit pour étudier l’effet de ces mesures, qui seront toutefois inscrites dans le prochain projet de loi de programmation des finances publiques, c’est-à-dire dans la trajectoire de nos finances publiques, comme elles l’ont été dans le programme de stabilité. Il s’agit là du principal levier pour permettre le retour à l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui privées.

Dans le même temps, le Gouvernement propose de poursuivre l’effort d’assainissement des finances publiques : c’est le programme d’économies de 50 milliards d’euros dont les grandes lignes ont été présentées dans le programme de stabilité.

J’ai entendu certaines craintes sur l’impact que pourraient avoir ces économies sur la croissance : je souhaite les apaiser. D’une part, ce plan d’économies fait partie d’un ensemble cohérent : les allégements de prélèvements prévus dans le cadre du pacte alimenteront la demande par l’investissement, par l’embauche et par la consommation des ménages modestes. D’autre part, les annonces récentes du président de la Banque centrale européenne soutiendront l’activité économique dans les mois qui viennent.

Ce plan d’économies est donc accompagné par des mesures fiscales et monétaires : le pacte et le « plan à 50 » sont indissociables et ne peuvent être appréhendés de manière isolée.

Le PLFR et le PLFRSS prévoiront des mesures de report de revalorisation de certaines prestations sociales. Les petites retraites de base et les minima sociaux ne seront pas concernés par ces mesures. Le RSA, quant à lui, sera revalorisé de 2 % au-dessus de l’inflation, comme le prévoit le plan pauvreté. Le PLFR prévoit plus particulièrement le report de la revalorisation des aides au logement financées par l’État. Si le manque à gagner découlant de cette mesure est de l’ordre de 1,70 euro par mois pour les ménages bénéficiaires, il est plus que compensé, pour les bénéficiaires du RSA, par la revalorisation de 2 % prévue dans le cadre du plan pauvreté et, pour les salariés payés au SMIC, par l’allégement de cotisations salariales prévu par le pacte – 500 euros par an pour un salarié au SMIC, soit 42 euros par mois.

Le PLFR prévoit enfin des annulations de crédits de l’ordre de 1,6 milliard d’euros, représentant la part de l’État dans les économies supplémentaires de 4 milliards d’euros sur 2014 annoncées par le Gouvernement. Ces annulations de crédits portent, pour 635 millions, sur les crédits mis en réserve et, pour quelque 965 millions d’euros, sur des crédits non gelés, c’est-à-dire hors réserve, ce qui n’a jamais été proposé par aucun Gouvernement – je vous renvoie à la liste, page 15 de l’exposé général des motifs du projet de loi. Tous les ministères sont concernés. Les dépenses d’intérêts de la dette pourraient également être réduites de 1,8 milliard d’euros.

En ce qui concerne les prévisions de recettes, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer récemment dans le cadre de la présentation du projet de loi de règlement, je vous confirme qu’elles sont cohérentes avec les prévisions associées au programme de stabilité qui vous ont été communiquées et qu’elles prennent en compte l’effet base des moindres recettes constatées en 2013.

Au total, le déficit budgétaire, hors investissements d’avenir prévus dans le cadre du PIA 2, sera de 71,9 milliards euros en 2014, en diminution de 2,9 milliards euros par rapport à l’exécution pour 2013. Comme le rappelle l’article liminaire, le déficit public atteindrait 3,8 %, en baisse continue depuis 2012, et le déficit structurel 2,3 %, son plus bas niveau depuis 2001.

Si, dans la présentation des mesures du PLFR, j’ai anticipé sur celles du PLFRSS, c’est que les deux textes forment un tout cohérent. Il me revenait donc, dans un souci d’honnêteté intellectuelle, de vous les présenter ensemble.

M. le président Gilles Carrez. Je suis heureux de la présentation par le Gouvernement d’un collectif budgétaire : l’an dernier, à pareille époque, il avait refusé de le faire, ce qui l’avait conduit à devoir constater, à la fin de l’année, une véritable hémorragie des recettes fiscales de l’ordre de 15 milliards d’euros. Je tiens également à prendre acte du fait que le PLFR enregistre une baisse de quelque 5 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale – LFI – 2014, une baisse compensée notamment par des annulations de crédit à hauteur de 3,4 milliards. Par rapport au solde prévisionnel inscrit dans la LFI et que nous avons voté en décembre 2013, le solde présenté dans le PLFR s’alourdit de 1,4 milliard d’euros. Il est très important, dans un contexte aussi volatile, de suivre l’évolution de comptes publics dans la plus grande transparence.

Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques souligne qu’avec une croissance nulle au premier trimestre de l’année 2014 et compte tenu des indications données par la Banque de France pour le deuxième trimestre, l’aléa baissier pèse aujourd’hui très fort sur la prévision de croissance de 1 % pour 2014. Le PLFR prend-il en compte cet aléa baissier ?

Vous avez indiqué que 3 700 000 foyers fiscaux seront finalement concernés par les réductions d’impôts, contre 3 200 000 évoqués ces jours derniers. Les paramètres n’ont pourtant pas été modifiés : 350 euros de réduction pour un célibataire payé au-dessous de 1,1 SMIC – à savoir 1 250 euros nets par mois – et 700 euros pour un ménage.

Vous avez affirmé que, grâce à cette disposition, 1 900 000 ménages sortiront de l’impôt sur le revenu ou n’y entreront pas : pouvez-vous nous donner la décomposition des foyers fiscaux concernés – je vous ai d’ailleurs écrit à ce sujet il y a trois semaines ? Je prends l’exemple de retraités ayant élevé trois enfants ou plus, qui doivent intégrer dans leur revenu imposable la majoration de 10 % : combien de retraités sont-ils entrés à ce titre dans l’impôt sur le revenu et combien en sortiront-ils ou seront-ils moins lourdement assujettis grâce aux réductions inscrites dans le PLFR ? Il serait bien que nous puissions disposer du nombre de foyers fiscaux concernés à la fois par chacune des différentes mesures fiscales votées en loi de finances initiale 2014 et par celles inscrites dans le présent PLFR.

Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de concentrer une réduction d’impôt particulièrement importante – 350 euros – sur les seuls salariés percevant un salaire inférieur à 1,1 SMIC pour un célibataire ? Un tel choix ne risque-t-il pas de créer des effets de seuil massifs, d’autant que, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’an prochain, sera mise en application pour les salaires inférieurs à 1,3 SMIC la baisse des cotisations salariales, qui s’élèvera en moyenne à 500 euros ? Ne craignez-vous pas des effets de creusement d’écarts massifs pour les foyers fiscaux appartenant à la classe moyenne basse, dont les revenus sont, pour un célibataire, à peine supérieurs à 1,1 ou à 1,3 SMIC ? Ne risquons-nous pas d’assister à un gigantesque transfert sur les classes moyennes de l’effort fiscal, qui passe de 4,5 milliards en LFI 2014 à 3,5 milliards en PLFR ?

Le financement repose sur un rendement supplémentaire de la lutte contre la fraude fiscale. Or, à la page 88 de son rapport sur le « Budget de l’État en 2013, résultats et gestion », la Cour des comptes souligne que « les mesures nouvelles de lutte contre la fraude ont eu un rendement nul ». Si la recette est au rendez-vous en 2014, qu’en sera-t-il de 2015 et de 2016, puisque la recette n’est pas pérenne ?

Vous avez évoqué des annulations de crédits importantes de l’ordre de 1,6 milliard, dont 1 milliard de crédits hors réserve, ce qui signifie que, contrairement à ce que le Gouvernement avait prétendu l’an passé, il est possible d’ajuster les dépenses pilotables. S’agissant des transports, en l’absence des recettes de l’écotaxe et compte tenu des annulations importantes des crédits affectés à la subvention de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – ou aux transports en commun et aux équipements routiers, comment les projets nécessaires en matière de transports, dont certains sont déjà engagés, pourront-ils être financés si les crédits d’investissement, qui sont évidemment pilotables, sont excessivement réduits ? Pouvez-vous lever nos doutes en la matière ? S’agissant des crédits de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, que nous avons reçu récemment, nous a plutôt rassurés sur le respect de la loi de programmation.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je constate que le collectif que vous nous soumettez repose à la fois sur une politique de l’offre, et sur des mesures en faveur du pouvoir d’achat.

Vous avez abordé le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale comme un ensemble. Le modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie – MESANGE – de Bercy a-t-il été appliqué aux mesures retenues dans les deux textes ? Qu’en est-il, selon ces simulations, des effets des mesures de pouvoir d’achat et de réduction des dépenses publiques que vous proposez ?

Je rejoins le président de notre Commission qui vous demande des données précises relatives aux ménages concernés par les réductions d’impôts.

Les prévisions de dépenses des investissements d’avenir sont en recul de 400 millions d’euros. Combien cela représente-t-il par rapport aux montants totaux prévus initialement ?

M. Dominique Lefebvre. Le PLFR et le PLFRSS forment un ensemble cohérent qui ne fait que traduire les orientations approuvées par l’Assemblée nationale par son vote de confiance lors de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement à l’issue du discours de politique générale du Premier ministre, le 8 avril dernier, et par son vote du 29 avril sur la déclaration du Gouvernement relative au projet de programme de stabilité pour 2014-2017.

Nos collègues de l’opposition ont réagi lorsque M. le secrétaire d’État a évoqué la situation économique et financière dans laquelle la majorité avait trouvé notre pays en 2012. Il est pourtant vrai que notre action vise à rectifier une trajectoire de dégradation de nos comptes publics et de la compétitivité de nos entreprises qui ne date pas de juin 2012.

Le collectif qui nous est soumis ne se justifie pas par un besoin de transparence
– elle a été parfaitement assurée en 2013 sans qu’il soit utile de voter un projet de loi de finances rectificative –, mais par la nécessité de prendre des mesures d’économies et de pouvoir d’achat indispensables et urgentes.

Dans son volet relatif au pouvoir achat, ce texte témoigne du dialogue constructif et confiant entre le Gouvernement et la majorité parlementaire. L’analyse du PLFR et du PLFRSS permet de percevoir un équilibre en solde entre les mesures d’allégement de prélèvements obligatoires pour les entreprises, qui s’élèvent en net à 4 milliards d’euros, et les mesures favorables aux ménages, dont le montant est de 3,5 milliards.

Le solde légèrement dégradé par rapport à la loi de finances initiale
– moins 1,4 milliard d’euros – prend en compte un effet de moindres recettes fiscales qui n’a été constaté qu’à la fin de l’exercice 2013. Certains, dont le Haut Conseil des finances publiques, considèrent que l’effort structurel n’est pas à la hauteur de ce qui était prévu. Il nous paraît au contraire qu’il est parfaitement ajusté pour éviter tant une dérive des déficits que tout effet récessif. Quelle que soit la façon dont les uns ou les autres voudront utiliser médiatiquement les données dont nous disposons, il est indéniable que le déficit tel qu’il résulte de ce collectif est inférieur à celui de l’exercice 2013.

Le groupe socialiste déposera des amendements sur le PLFR et sur le PLFRSS. Dans le premier texte, il veillera à réduire l’impact qu’aurait le paiement de la taxe d’habitation pour les ménages devenus imposables en 2013 ; dans le second, il traitera de la revalorisation des pensions invalidité pour maladie professionnelle.

Le rapport sur la fiscalité des ménages rédigé par le groupe de travail que je présidais avec M. François Auvigne, inspecteur général des finances, remis le mois dernier à l’issue de la mission dont m’avait chargé le Gouvernement, montre que les entrées dans l’impôt dans le bas du barème résultent d’une succession de mesures prises avant 2012. Elles sont la conséquence du gel du barème et de la prime pour l’emploi, ou encore de la suppression en 2009 de la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux veuves et veufs ayant élevé des enfants, mesures qui ciblaient certains de nos concitoyens. Il faut sortir du déni ; c’est ce que fait le collectif grâce à la réduction d’impôt qui permet de revenir sur trois d’années d’entrées dans le barème. Nous assumons celles que la majorité a votées, en particulier la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu au moins trois enfants – la mesure profitait surtout, en effet, à ceux dont le taux d’imposition était élevé. En tout état de cause, il serait incohérent, après avoir dénoncé les entrées dans le barème, de condamner des mesures destinées à en faire sortir les contribuables aux revenus les plus modestes.

Afin de poursuive les allégements des prélèvements obligatoires sur les ménages, un travail sur la remise à plat du bas du barème de l’impôt sur le revenu sera nécessaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Il faudra sans doute y consacrer des moyens financiers supplémentaires.

M. Hervé Mariton. Le Haut Conseil des finances publiques publie un avis assez sévère sur les perspectives économiques et sur l’évolution des soldes budgétaires. Il ne peut rester lettre morte. Monsieur le secrétaire d’État, répondrez-vous aux questions que pose cette analyse ?

Alors que le pacte de responsabilité et de solidarité fait l’objet d’une programmation sur plusieurs années, pourquoi la baisse de l’impôt sur les sociétés n’est-elle pas programmée dès ce collectif ? Une telle démarche aurait renforcé la crédibilité et l’efficacité de votre politique en suscitant la confiance des acteurs économiques.

Le nombre de ménages touchés par les mesures fiscales que vous proposez passe de 3 200 000 à 3 700 000. Le Conseil d’État a sans doute obligé le Gouvernement à introduire une mesure de lissage pour les revenus situés entre 1,1 et 1,13 SMIC : les 500 000 ménages supplémentaires concernés se situent-ils tous dans cette tranche de revenus ? Vous avez choisi un lissage a minima qui respecte une obligation formelle mais n’a guère de sens en termes de politique fiscale. Quitte à prendre une mesure en ce sens, pourrait-elle ne pas être caricaturale ?

M. Charles de Courson. Dans son avis relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques relève que « tout en reposant désormais sur des hypothèses de finances publiques plus réalistes qu’au stade du projet de loi de finances, le déficit structurel pour 2014 risque néanmoins d’être supérieur à la prévision de 2,3 % du PIB ». Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous commenter ces conclusions ?

Le déficit de l’État se dégrade de 1,4 milliard d’euros : les recettes baissent de 4,8 milliards alors que les dépenses ne sont réduites que de 3,4 milliards. Pourquoi ne le sont-elles pas à hauteur du recul des recettes, soit 4,8 milliards, pour stabiliser le niveau du déficit ?

Les économies de 3,4 milliards d’euros sur le budget de l’État ne sont réelles qu’à hauteur d’un peu moins de 1 milliard. En effet, il faut compter avec 1,8 milliard d’économies de constatation sur les intérêts de la dette, et avec les 635 millions prélevés sur la réserve de précaution d’un montant de 6,3 milliards.

Est-il bien raisonnable de financer une dépense pérenne, l’allégement de 1,16 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu des ménages, par un surcroît temporaire de recettes de1 milliard, lié aux redressements fiscaux ?

Je lis dans l’exposé général des motifs du PLFR que 1 900 000 foyers fiscaux resteront ou deviendront non imposés grâce à la mesure proposée de réduction de l’impôt sur le revenu. Pouvez-vous nous préciser le nombre de personnes devenues imposables du fait des mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2014, et nous dire combien redeviendront non imposables grâce à l’adoption du collectif ? Une approche analytique nous permettrait de connaître l’impact des mesures que nous avons adoptées l’année dernière : la fiscalisation de la majoration des pensions touchait 3 800 000 personnes et rendait sans doute 1 000 000 contribuables imposables ; celle de l’abondement des entreprises pour les complémentaires santé concernait 13 200 000 personnes dont 1 000 000 au moins devenaient redevables de l’impôt sur le revenu. Nous confirmez-vous ces chiffres ?

La note de la page 110 du projet de loi de finances rectificative laisse entendre que les estimations du nombre de contribuables que le collectif devrait faire sortir de l’impôt sont calculées sur des bases fiscales qui n’ont pas intégré les majorations pour enfants. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?

Comment analysez-vous la chute du produit de l’impôt sur le revenu de 4,6 % et de celui de l’impôt sur les sociétés de 7 % ? Disposez-vous d’informations qui confirmeraient les thèses, notamment défendues par les députés du groupe UDI, selon lesquelles le changement de comportement des acteurs conduirait à un écart croissant entre prévisions et réalisation ?

Mme Eva Sas. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien noté la légère inflexion donnée à votre politique budgétaire par les mesures relatives à l’impôt des ménages aux revenus les plus modestes, par les allégements de cotisations sociales salariales et par les dispositions en faveur des travailleurs indépendants. Vous restez toutefois dans la même épure budgétaire d’une politique qui a pour priorité, d’une part, la réduction des déficits et, d’autre part, l’allégement des cotisations des entreprises. Pour notre part, nous questionnons l’efficacité de cette politique depuis un certain temps déjà.

Comment appréciez-vous l’efficacité en matière d’emploi de la politique d’allégements non conditionnés et sans contreparties des charges des entreprises ? Elle manque parfois sa cible. Les premières évaluations montrent ainsi que le CICE est plus favorable aux entreprises qui n’exportent pas qu’à celles qui exportent, et son impact a déjà été révisé de 300 000 à 150 000 créations d’emplois.

Connaissez-vous les montants totaux consacrés respectivement aux ménages et aux entreprises dans le PLFR et le PLFRSS ? L’inflexion en faveur des ménages ne nous dit pas ce qu’il en est de l’équilibre global.

Le budget de l’écologie est amputé de 288 millions d’euros de crédits, dont 220 millions sont affectés à la défense. Comment les écologistes doivent-ils prendre un tel signal ? Nous attendions une augmentation du budget de l’écologie pour compenser le manque à gagner lié à la suspension de la taxe poids lourds ? Comment la subvention de l’État à l’AFITF a-t-elle été dimensionnée ?

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez à juste titre commencé vos propos en soulignant que vous aviez trouvé une situation catastrophique en arrivant au pouvoir en 2012. Elle n’était pas due au hasard, mais au fait que la droite avait mené durant dix ans une politique de l’offre : dispositif « Fillon » de baisse des cotisations, multiplication des niches fiscales, baisse des impôts des plus fortunés...

Aujourd’hui nous sont présentés des textes qui poursuivent cette politique et l’amplifient. Les députés du Front de gauche ne peuvent accepter de suivre cette voie. L’obsession de la compétitivité et de la baisse du coût du travail est destructrice. Si cette solution marchait, cela se saurait ! Alors que l’INSEE relève que le prélèvement sur les entreprises s’est réduit de 13 milliards d’euros en 2013, l’investissement recule, le chômage continue d’augmenter et la consommation stagne au premier trimestre 2014. Faut-il continuer dans cette voie, sachant que la baisse des cotisations sur les bas salaires a des effets particulièrement pervers notamment par le biais de la « trappe à bas salaires » ?

Personne ne nie qu’il faille redresser les comptes publics, mais alors que la Banque centrale européenne affiche maintenant des taux négatifs, il faut savoir que l’État français rembourse 45 milliards d’euros au titre de la charge de la dette, montant qu’il n’est pas inintéressant de rapprocher des 50 milliards d’économies. La pression exercée sur la dépense publique et sociale fera sentir ses effets négatifs sur la croissance et sur les collectivités territoriales. Les 11 milliards d’euros « économisés » sur les collectivités locales auront des conséquences terribles pour l’emploi local de certains territoires.

Les députés du Front de gauche défendront des solutions alternatives mais ils sauront aussi s’associer à la politique des petits pas que mèneraient les députés d’autres groupes. Les convergences pourraient porter sur des propositions relatives aux niches fiscales et sociales. Je rappelle que le taux de l’impôt sur les sociétés de notre pays est l’un des plus élevés, soit 38 %, pour l’un des rendements les plus faibles – seulement 30 milliards d’euros en 2015. Entre le CICE, la C3S, la baisse des cotisations sociales et la baisse de l’impôt sur les sociétés, 41 milliards d’euros seront dépensés dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité d’ici à 2017 pour aider les entreprises. C’est considérable ! Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas mettre en avant les réelles difficultés de la petite PME de mécanique pour justifier une diminution de l’impôt sur les sociétés de la grande distribution !

Ensuite, le rattrapage prévu par le PLFR concernant l’impôt sur le revenu est salutaire puisque trop de ménages modestes y sont désormais assujettis. Reste que dès ce PLFR on aurait pu relever le barème pour réparer l’iniquité de son gel en 2011 et 2012. Il n’est pas normal que les ménages moyens ne bénéficient pas de la disposition de relèvement du seuil d’entrée. Toute la progressivité de l’impôt sur le revenu est à revoir. Le président Carrez a remis un rapport en 2010 faisant valoir que si l’on avait maintenu le barème du début des années 2000, jamais nous n’aurions connu un tel déficit public.

Il y aurait eu une solution plus simple que la prolongation jusqu’en 2017 de la contribution exceptionnelle touchant l’impôt sur les sociétés : supprimer le CICE pour les grandes entreprises.

Enfin, geler les aides personnelles au logement revient à envoyer un drôle de signal. La politique du logement est des plus gourmandes en crédits et se révèle inefficace tant on a multiplié les dispositifs dérogatoires et les niches fiscales – or, nous aurions pu revenir sur certaines sans toucher les plus modestes.

Ce PLFR étant presque exclusivement tourné vers l’offre, il manque sa cible. Aussi les députés du groupe GDR ne le voteront-ils pas.

M. le secrétaire d’État. Le président de la Commission s’est réjoui de l’existence de ce PLFR alors qu’il n’y en avait pas eu l’année dernière. Nous vous avions pourtant expliqué qu’un collectif budgétaire n’avait de raison d’être que si nous prenions des mesures fiscales en cours d’année – ce qui n’était alors pas notre intention. Pour réaliser des économies de dépenses, il suffit pour le Gouvernement de s’appliquer à lui-même un gel de ces dépenses. C’est ce que nous avons fait en 2012 pour 2 milliards d’euros quand nous sommes arrivés au pouvoir, puis en 2013. Or, cette année, nous avons décidé d’instaurer une mesure fiscale importante, dont je souligne qu’elle est rétroactive puisqu’elle s’appliquera aux revenus 2013.

Pour ce qui concerne le changement du nombre de foyers concernés, je précise au préalable que le Conseil d’État ne nous a « obligés » à rien : il nous a donné un avis – que du reste nous n’avons pas attendu pour ajuster le dispositif. Il a en effet fallu corriger un effet de seuil et c’est pourquoi nous avons prévu un lissage du bénéfice de l’allégement qui diminue progressivement pour les revenus situés entre 1,1 SMIC et 1,13 SMIC.

Les informations dont nous disposons, monsieur de Courson, sont fondées sur les revenus 2012, puisque les revenus 2013 viennent tout juste d’être déclarés. J’en profite au passage pour signaler que le nombre de télédéclarants a augmenté de plus d’un million cette année pour atteindre le chiffre de 14 500 000 foyers fiscaux. J’en reviens aux simulations auxquelles nous procédons à partir des données de 2012 et que nous « vieillissons » notamment en fonction de l’inflation et de l’évolution des salaires. En effet, certaines informations ne sont pas disponibles : les heures supplémentaires pour 2013 ne sont pas encore recensées, par exemple. Nous en sommes donc réduits à faire des estimations. En outre, le dispositif qui vous est présenté a commencé d’être élaboré il y a un ou deux mois.

J’ai beaucoup de respect pour le Haut Conseil des finances publiques et ses avis sont rédigés de manière précise. Ainsi considère-t-il que « la prévision de croissance du Gouvernement paraît élevée sans être hors d’atteinte ». Vous prenez le morceau de phrase qui vous intéresse et moi je prends l’autre... Fort de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et des toutes récentes décisions de la Banque centrale européenne concernant la politique monétaire, le Gouvernement compte bien que, même si la prévision de croissance paraît élevée, elle ne sera pas hors d’atteinte.

Je reviens sur les réductions d’impôts. Il convient de faire le tri entre les différentes mesures qui, pour certaines populations, se superposent. Aussi convient-il de rester prudent. Insistons néanmoins sur le fait que, pour la demi-part des veuves, l’effet continue cette année ; nous sommes sur la dernière marche de la descente aux enfers que vous avez programmée avant 2012, monsieur Mariton. Cette mesure fut dévastatrice.

Je passe à l’écotaxe. La dotation de 350 millions d’euros de l’État à l’AFITF a été inscrite dans la loi de finances pour 2014 ; elle devait déjà compenser l’absence de recettes due à la suspension de l’écotaxe. Le Gouvernement rendra dans les prochains jours son arbitrage concernant l’écotaxe et vous aurez tout loisir de le commenter.

Les économies du ministère de l’Écologie, madame Sas, ne sont pas plus importantes que pour les autres départements ministériels. Elles sont de 113 millions d’euros, ce qui reste largement inférieur au chiffre concernant notamment l’Éducation nationale, les Finances et la Défense. Sans doute avez-vous fait allusion aux investissements d’avenir, difficiles à identifier ministère par ministère puisque certains les chevauchent. Nous avons simplement constaté que plusieurs de ces programmes ne seraient pas réalisés en cours d’année et nous avons anticipé leur non-exécution ou pris acte de leur report.

La loi de programmation militaire prévoit, en cas de non-respect de la programmation, un abondement de 500 millions d’euros au titre du PIA. Les premiers 250 millions sont d’ores et déjà prévus dans ce PLFR pour compenser les 350 millions d’euros d’économies représentant la contribution du ministère de la Défense pour 2014. Les autres 250 millions d’euros figureront probablement dans le projet de loi de finances pour 2015.

Vous avez soutenu que nous financions le présent dispositif fiscal grâce à un « fusil à un coup », à savoir le produit de la lutte contre la fraude et notamment, surtout, du travail du service de traitement des déclarations rectificatives – STDR. Ce service, la semaine même où nous sommes venus en parler devant vous, a enregistré le dépôt de 850 dossiers – un record – alors que nous en étions à 600 ou 700 par semaine précédemment. Le flux continue. J’appelle en outre votre attention sur le fait que les avoirs déclarés donnent lieu à des rappels, des pénalités, et vont entrer dans l’assiette de l’ISF. Il y a donc un « effet base » sur l’ISF qui ne sera pas si négligeable. Le montant moyen des avoirs, au terme des premiers dossiers examinés, est de 900 000 euros. Aussi, pour 25 000 dossiers déjà traités, si nous arrondissons le montant moyen des avoirs à 1 million d’euros, nous en sommes à quelque 25 milliards de base, soit, avec un taux de l’ISF à 1 %, 250 millions d’euros par an – somme, j’y insiste, loin d’être négligeable quand on sait que nous cherchons des économies sur des montants portant parfois jusqu’à seulement 4 ou 5 millions d’euros. Je ne suis donc pas inquiet pour cette année et je ne le suis guère pour l’année prochaine non plus. Nous verrons bien ensuite.

Nous espérons avoir réalisé un travail intelligent, obéissant au principe : « Pas de rabot, un cerveau ». Nous avons examiné la nature des dépenses ministère par ministère. Ce n’est certes pas au moins de juin que nous allons réaliser des économies sur la masse salariale. Mais nous disposons d’une plus grande marge de manœuvre sur les dépenses d’intervention
– de « guichet », selon le président –, que nous avons finement analysées afin d’identifier celles déjà engagées et celles qui pourraient être différées, ou sur les dépenses liées aux prestations – qui évoluent en général à la hausse, à moins de décider de leur gel. Le dialogue a été franc et viril, selon l’expression consacrée, entre Bercy et les ministères concernés ; mais personne n’a claqué la porte, malgré quelques mécontentements.

Les services m’ont indiqué, madame la rapporteure générale, que les prévisions de croissance du programme de stabilité, fondées sur le modèle MESANGE, intègrent l’ensemble des données, y compris les programmes d’économies. Selon cette évaluation, le pacte de responsabilité, dans le programme de stabilité, se traduirait par un gain de croissance de 0,5 % et la création de 200 000 emplois marchands. Je reste prudent, mais ce sont les chiffres générés par les modèles, qui indiquent également que la croissance s’établirait, en prenant en compte l’impact du plan d’économies, à 1,7 % en 2015 et à 2,25 % à partir de 2016. Quant à l’impact pour les ménages, nous vous préciserons les données à mesure qu’elles nous parviendrons.

Le montant global du PIA, dont 400 millions de dépenses seront décalés dans le temps, est de 2,5 milliards d’euros.

L’idée selon laquelle l’ensemble des données fiscales n’auraient pas été fournies est un mauvais procès : elles l’ont été de façon régulière, et le sont cette fois encore, en particulier sur les pertes de recettes. M. Lefebvre a donc eu raison d’insister sur cet aspect, que vous aviez vous-même évoqué, monsieur le président, il y a une quinzaine de jours.

M. Mariton souhaite une inscription budgétaire sur trois ans ; ses vœux seront bientôt satisfaits puisque le projet de loi de programmation des finances publiques, que votre assemblée examinera dans quelques semaines, inclura une trajectoire. La confiance n’excluant pas le contrôle, selon l’expression consacrée, nous avons souhaité que la mise en œuvre du pacte de responsabilité s’inscrive dans un cadre et un calendrier précis. Celui-ci est connu, qu’il s’agisse de la prolongation d’un an seulement de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, de la suppression par étapes de la C3S – 1 milliard d’euros en 2015, 1 milliard en 2016 et le reste en 2017 – ou des réductions de charges.

Afin d’envoyer un signal, nous avons souhaité mettre en œuvre ces mesures dès 2015 et sans attendre le projet de loi de finances initial ou le PLFSS. Nous payons
– passez-moi l’expression – un an pour voir. Si chacun joue le jeu, nous passerons aux étapes suivantes, qui, je le répète, sont connues. Ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire ; mais soumettre à vos suffrages l’ensemble du dispositif avant de retrancher, le cas échéant, telle ou telle de ses composantes aurait un peu relevé de la politique de gribouille.

Vous proposez, monsieur de Courson, de porter le montant des économies de 3,4 à 4,8 milliards d’euros. Vous serez comblé au-delà de vos espérances puisque, je le rappelle, l’objectif de réduction des dépenses est de 50 milliards d’euros, dont 18 milliards pour le budget de l’État. Quant à la note de bas de page à laquelle vous avez fait allusion, nous ne travaillons, je le répète, que sur les données dont nous disposons.

Mme Sas m’a interrogé sur l’efficacité du CICE que M. Sansu, pour sa part, souhaite voir supprimé pour les grandes entreprises ou le secteur de la grande distribution. Pardonnez-moi d’être un peu professoral, mais un crédit d’impôt doit respecter des principes constitutionnels ; et il se trouve que le juge constitutionnel nous a souvent rappelé celui de l’égalité devant l’impôt, principe auquel je suis confronté au quotidien dans l’examen des dossiers fiscaux. Certains d’entre eux mériteraient à coup sûr une attention toute particulière, mais la loi définit des règles générales qui s’imposent sans discrimination à tous les contribuables. Un amendement qui exclurait du CICE tel ou tel secteur, ou modulerait l’impôt sur les bénéfices en fonction des entreprises, entraînerait un rappel à l’ordre certain du juge constitutionnel. Même si des raisons morales, sociales ou économiques justifieraient à mes yeux que certains dossiers, que le secret fiscal m’interdit de révéler, fassent l’objet de remises d’impôt, je suis comme vous tenu, et c’est heureux, au respect des règles constitutionnelles
– et Bruxelles n’a rien à voir dans cette affaire. La défiance que peut inspirer l’utilisation du CICE par telle ou telle catégorie d’entreprises ne saurait remettre en cause cette obligation.

Vous avez tout à fait le droit de dire et de penser, par ailleurs, que c’est la conception du CICE qui mène à cette impasse. Vous pouvez aussi imaginer des stratégies de contournement ou des mesures de compensation, qui auront pour effet d’accroître la complexité de la loi, à laquelle on reprochera alors d’être illisible : c’est là le cruel dilemme du législateur en matière fiscale. En tout état de cause, je vous invite à ne pas entretenir le mythe selon lequel le législateur pourrait, en matière d’impôts, réserver un traitement différent à tel ou tel secteur économique. Il peut le faire, à certaines conditions, sur des cotisations sociales par exemple, mais pas sur les impôts.

Mme Christine Pires Beaune. Ce PLFR – c’est assez rare pour être souligné – propose des mesures rétroactives. Elles seront positives pour ceux de nos concitoyens qui, redevables de l’impôt sur le revenu, perçoivent les revenus les plus modestes. Le gain de pouvoir d’achat – 350 euros pour une personne célibataire et 700 euros pour un couple – est tout de même significatif, et nous devrions tous nous en réjouir.

Les collectivités territoriales participent déjà, à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2014, à l’effort de redressement des comptes publics ; il faut donc savoir gré au Gouvernement de les avoir exclues des 4 milliards d’économies annoncées. De fait, il eût été difficile de leur en demander plus, surtout à ce moment de l’année.

Je souhaite cependant rappeler l’engagement pris par Mme Escoffier et Mme Lebranchu s’agissant de la taxe sur la consommation finale d’électricité – TFCE. Le PLFR me semble être un bon véhicule législatif pour redonner aux communes la possibilité de percevoir cette taxe. Comment le Gouvernement accueillerait-il un amendement sur ce point ?

M. le président Gilles Carrez. Nous serions nombreux à cosigner un tel amendement.

M. Jean-François Lamour. Le budget de la défense a suscité de nombreux débats et même des polémiques. Chacun, je crois, partage l’objectif d’une mise en œuvre de la loi de programmation militaire à l’euro près, et ce pour chaque exercice budgétaire. Tout en réaffirmant cet engagement, le Président de la République avait tenu des propos un peu ambigus, en évoquant par exemple de nécessaires efforts en matière d’entretien des équipements.

Si l’on se reporte au dossier de presse, c’est encore le ministère de la Défense qui est appelé à consentir l’effort le plus important, avec un reflux budgétaire de 350 millions d’euros, soit quasiment le double des réductions touchant l’éducation nationale ou les finances et les comptes publics.

M. Le Drian avait annoncé une ouverture de crédits de 500 millions d’euros, destinée à compenser des efforts antérieurs ; mais celle-ci, vous en conviendrez, est imputée sur le PIA, alors que les annulations de crédits de paiement touchent le budget de la défense proprement dit.

Une première tranche, avez-vous déclaré, sera ouverte à hauteur de 250 millions d’euros – somme d’ailleurs soustraite à d’autres postes budgétaires, en particulier l’innovation au service de la transition écologique, comme l’a rappelé Eva Sas. Mais le compte n’y est pas. Le Premier président de la Cour des comptes nous a en effet indiqué, lors de son audition il y a quelques jours, que pas moins de 400 millions d’euros du budget du PIA pour 2014 étaient venus abonder l’exécution du budget de 2013. Bref, cette première tranche de 250 millions comble seulement le manque à gagner pour l’exécution du budget de 2014. Je ne me permettrai pas de qualifier cette opération d’entourloupe, mais le motif d’ouverture indique que celle-ci « permettra de renforcer le financement de l’excellence technologique des industries de la défense, au-delà des 1,5 milliard ouverts en LFI » ; or, c’est faux, puisque 400 millions de cette somme ont déjà été consommés en 2013.

À moins que vous n’ayez des informations complémentaires à nous donner, le budget de la défense pour 2014 est donc en grand danger.

M. le secrétaire d’État. Les mesures de ce PLFR sont une invitation à poursuivre le travail. La réduction d’impôt proposée aujourd’hui pourra se prolonger par une réflexion sur des aménagements concernant le bas du barème – vous avez été nombreux à citer à ce sujet le rapport de MM. Lefebvre et Auvigne. Nous sommes disposés à les examiner lors de la discussion du prochain projet de loi de finances rectificative, sans toutefois remettre en cause le volume puisque nous sommes d’ores et déjà passés de 1 à 1,1 milliard d’euros.

Certains voudraient, par choix politique, augmenter le nombre de bénéficiaires et donner un petit peu à 90 % des contribuables. D’autres préfèrent se concentrer sur le bas du barème, notion qui n’a d’ailleurs pas le même sens pour tout le monde.

Quoi qu’il en soit, à ce stade de l’année et compte tenu des contraintes techniques qui s’attachent au recouvrement de l’impôt, l’adoption d’un dispositif plus élaboré compromettrait le processus d’établissement des rôles et de recouvrement. Le délai pour les télédéclarations dans les derniers départements concernés a expiré cette nuit seulement. Une mesure qui changerait radicalement la méthodologie de calcul de l’impôt comporte des risques, notamment en cas de dysfonctionnement des logiciels.

En matière de dépenses, monsieur Lamour, j’ai exposé notre action en toute transparence. La mesure d’annulation de 350 millions d’euros sur les crédits de la défense a été prise en pleine intelligence avec le ministre de la Défense, le Premier ministre et le Président de la République. Les discussions ont conduit au déclenchement de l’ouverture des premiers 250 millions d’euros sur les 500 millions que vous évoquiez. La question est techniquement complexe car les projets éligibles au programme d’investissements d’avenir doivent répondre à des critères précis. Tout n’est pas « logeable » dans le PIA, et les crédits d’investissement existants ont permis au ministère d’annoncer la concrétisation de différents programmes de dépenses.

Par ailleurs, si la loi de programmation militaire concerne pour l’essentiel les investissements, certaines dépenses de fonctionnement du ministère de la Défense peuvent encore faire l’objet de mesures d’« amélioration des conditions de gestion », pour reprendre les termes du Président de la République.

Concernant la TFCE, madame Pires Beaune, le Gouvernement examinera avec attention tout amendement qui pourrait reprendre les dispositions d’une proposition de loi que le Sénat a adoptée à l’unanimité mais qui doit encore faire l’objet d’améliorations. Mon cabinet est tout disposé à travailler avec vous à la rédaction d’un amendement qui pourrait être reçu avec bienveillance par le Gouvernement. Plus généralement, nous avons engagé un travail sur le financement des collectivités locales et sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 11 juin 2014 à 12 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Pascal Cherki, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Laurent Grandguillaume, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Thierry Robert, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Yves Censi, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, M. Jérôme Lambert, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Pierre Moscovici, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Patrick Gille, Mme Monique Iborra, M. Guillaume Larrivé, M. François Pupponi, M. Lionel Tardy

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