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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 8 juillet 2014

Séance de 15 heures 30

Compte rendu n° 93

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
Vice-président
puis de
M. Gilles Carrez,
Président

–  Examen du rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques (Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale)

–  Présences en réunion

La Commission examine le rapport d’information préalable au débat d’orientation budgétaire (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale).

M. Dominique Lefebvre, président. Le débat d’orientation des finances publiques aura lieu demain en séance publique, à l’issue de l’examen du projet de loi de règlement pour 2013. Conformément à l’article 48 de la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement nous a transmis à la fin du mois dernier son rapport préparatoire à ce débat, le rapport « sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques ».

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le débat d’orientation des finances publiques est l’occasion pour le Gouvernement de présenter au Parlement les différentes mesures susceptibles d’affecter recettes et dépenses, ainsi que les réformes structurelles envisagées pour l’année en cours, la suivante, et au-delà. Cependant, nous avons tout récemment débattu du programme de stabilité 2014-2017 et du projet de loi de règlement pour 2013, et nous venons de voter un collectif budgétaire pour 2014. En outre, la Cour des comptes nous a présenté le mois dernier son analyse de la situation et des perspectives des finances publiques. Il n’est donc pas anormal que le débat d’orientation et le rapport préparatoire du Gouvernement nous apportent moins d’informations nouvelles que ce n’a été le cas l’an dernier.

J’ajoute qu’à l’automne, nous aborderons à nouveau la question des finances publiques dans son ensemble puisque nous débattrons non seulement du projet de loi de finances pour 2015, mais aussi d’un projet de loi de programmation des finances publiques.

Cela étant, même si le débat sur le programme de stabilité et la discussion du collectif budgétaire nous ont permis de disposer d’informations que nous n’avions pas l’an dernier, je regrette que, cette fois, les « lettres plafonds » de dépenses et les « tirés à part » du rapport déposé par le Gouvernement le 30 juin dernier, ne nous aient pas été transmises avant la présente réunion. Toutefois, nous devrions en disposer à temps pour le débat de demain.

Je veux souligner ici trois points essentiels.

Le Gouvernement a choisi d’accroître le soutien aux entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et au pacte de responsabilité et de solidarité, qui aboutiront ensemble, en 2017, à une baisse des prélèvements sur les entreprises de 41 milliards d’euros. C’est un effort inédit dans notre pays et nous serons bien évidemment attentifs aux conclusions de la conférence sociale, mais aussi, à travers la mission d’information récemment mise en place par l’Assemblée sur le CICE , aux résultats de ces mesures.

Un effort important a également été consenti en faveur des ménages : revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, hausse de la rémunération des fonctionnaires de catégorie C, création de 150 000 emplois d’avenir, mesures en faveur du pouvoir d’achat contenues dans le projet de loi de finances rectificative…

Nous devons redresser nos comptes publics. Le déficit public est passé de 5,2 % du PIB en 2011 à 4,9 % en 2012 et à 4,3 % en 2013 et il est prévu à 3,8 % en 2014. Nous avons obtenu de très bons résultats en 2012 et 2013, puisque l’effort structurel sur la dépense publique a été de 4 milliards d’euros l’an dernier. L’effort programmé porte sur un montant de 15 milliards d’euros pour 2014 et de 21 milliards pour 2015. Les économies se poursuivront donc à un rythme soutenu.

Nous aurons sur le sujet plus de précisions, demain, avec les « lettres plafonds » et les « tirés à part », puisque ce redressement de nos comptes repose essentiellement sur la maîtrise des dépenses publiques. Sur les 21 milliards d’euros d’économies prévues en 2015, 8 milliards devraient être le fait de l’État, 3,7 milliards celui des collectivités locales et donc probablement 9 milliards celui des administrations de sécurité sociale.

Vous trouverez dans mon rapport, comme annoncé, un tableau présentant, séparément pour les entreprises et pour les ménages, les effets sur la période 2014-2017 des mesures prises depuis juillet 2012 en matière de prélèvements obligatoires. Il en ressort que les ménages ont fourni une contribution importante et que les prélèvements supplémentaires sur les entreprises, après avoir crû en 2012 et 2013, devraient s’annuler en 2014 avant de diminuer sensiblement les trois années suivantes sous l’effet du CICE et du pacte de responsabilité – il s’agit en effet de mesures puissantes, destinées, non à améliorer un taux de marge qui, selon l’INSEE, est relativement stable depuis 1982, mais à relancer un investissement qui s’étiole depuis le début des années 2000.

Autre sujet auquel nous devrons être attentifs pour tenir nos objectifs : l’impact de l’Union européenne sur le budget de l’État. Il a été important dans la période récente : plus de 6 milliards d’euros chaque année depuis 2011, et la Cour des comptes nous a invités à une meilleure anticipation.

Enfin, la maîtrise de la dépense des opérateurs de l’État demeure insuffisante. La Cour des comptes a porté à cet égard un jugement sévère, écrivant qu’elle n’avait relevé « aucun progrès significatif ». Nous avons donc demandé au Gouvernement un premier bilan de l’évolution des ressources de ces opérateurs, bilan que nous espérons recevoir rapidement.

En résumé, la réduction des dépenses, engagée en 2012 et poursuivie jusqu’au projet de loi de finances rectificative que nous venons d’adopter, devrait atteindre en 2015 un niveau ambitieux : c’est la clé du redressement de nos finances publiques.

M. Dominique Lefebvre. Il n’y a effectivement rien de nouveau dans le rapport remis par le Gouvernement : depuis l’annonce au début de l’année, par le Président de la République, du pacte de responsabilité et de solidarité, puis avec le débat en avril sur le programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne et, enfin, avec la discussion ces deux dernières semaines de deux lois – de finances et de financement de la sécurité sociale – rectificatives, nous disposions déjà de beaucoup de données sur une stratégie budgétaire qui demeure inchangée.

Cela étant, le contexte est un peu particulier. Tout d’abord, en raison de l’écart de 1,5 point de PIB entre le solde structurel constaté et celui que prévoyait la loi de programmation, le « mécanisme de correction » automatique a été enclenché. Mais nous en avons également largement débattu. Des ajustements sont déjà prévus : économies budgétaires importantes en 2014 et surtout en 2015, adoption à venir d’une nouvelle loi de programmation, sensiblement différente de la précédente – en effet, les trajectoires prévues en 2012 n’ayant pas été tenues en raison de l’évolution de la conjoncture, il nous faut repartir de la situation constatée, mais en poursuivant le même objectif de redressement.

Ensuite, ce travail de programmation, notamment, va être mené dans un nouveau contexte européen, celui de la présidence italienne et de la mise en place d’une nouvelle Commission, où l’on doit tout faire pour que les trajectoires budgétaires permettent le redémarrage de la croissance.

Se pose aussi la question du rythme et des modalités précises de la baisse des prélèvements obligatoires. Puisque vous préparez des éléments de prospective sur le sujet, madame la rapporteure générale, il me paraîtrait important que vous les mettiez en perspective en examinant l’évolution depuis 2007 et en entrant dans le détail de ce qui a été gagné et perdu tant par les ménages que par les entreprises. En effet, d’un point de vue macroéconomique, le solde des différents prélèvements sur ces deux ensembles de contribuables est certes intéressant, mais ce qu’ont payé les différentes catégories de ménages et d’entreprises l’est bien plus, surtout s’il s’agit d’analyser une politique fiscale sur moyenne période. Beaucoup de Français ont été touchés par l’augmentation de la fiscalité depuis 2007, mais c’est le détail de ce que chaque foyer et chaque entreprise ont payé qui doit nous retenir. Ainsi les effets de la barémisation de l’imposition des revenus du capital sont complexes : l’essentiel de l’effort a bien sûr été supporté par les plus hauts revenus, mais des gens ont été touchés dans tous les déciles de revenus. J’aimerais donc une clarification : qui a payé plus, qui a payé moins ? C’est ainsi que nous pourrons avoir une vraie lecture politique de l’action qui a été conduite.

Il aurait été intéressant de disposer, pour cette discussion, des plafonds budgétaires par mission pour 2015 – nous les aurons sans doute dans la soirée –, mais n’oublions pas que cette répartition des économies à venir est indissociable des réformes structurelles déjà engagées ou, comme la réforme territoriale, à venir.

M. Hervé Mariton. Ce rapport contient effectivement peu de nouveautés, mais il n’en est pas moins quelque peu surprenant. Il est étonnamment peu précis sur les économies. Considérez-vous que vous disposez d’informations suffisantes, madame la rapporteure générale, et que le contrôle parlementaire pourra s’exercer réellement à l’occasion du débat d’orientation ? Êtes-vous sûre que nos travaux de ces derniers mois nous assurent une connaissance satisfaisante des économies annoncées par le Gouvernement et comment appréciez-vous à cette aune la préparation du prochain projet de loi de finances ?

S’agissant du calcul de l’évolution tendancielle des dépenses, sujet récurrent de débat entre nous et avec le Gouvernement, considérez-vous que nous avons progressé de façon substantielle ? Nous avons déjà dit vouloir entrer dans la « boîte noire » de la définition de l’évolution tendancielle : y êtes-vous parvenue, ou bien le mystère demeure-t-il ?

M. Charles de Courson. Mme la rapporteure générale estime, si j’ai bien compris, que les documents qui nous ont été remis sont pauvres. C’est tout à fait exact. Nous avons là bien peu d’éléments pour le débat d’orientation qui nous attend ! D’où quelques questions.

Alors que l’objectif des 60 000 créations de postes pendant le quinquennat – soit 12 000 par an – est maintenu, les effectifs de l’État auraient, d’après le rapport du Gouvernement, continué de diminuer en 2013 : 15 000 à 17 000 postes auraient été supprimés selon les estimations – contre 30 000 par an sous la précédente législature.

M. Henri Emmanuelli. …cependant que l’emploi prospérait chez les opérateurs !

M. Charles de Courson. Plus à la fin de la législature précédente !

Quelle est vraiment l’évolution de l’emploi ?

S’agissant des collectivités locales, le rapport estime que la dépense devrait progresser « en ligne avec l’inflation », c’est-à-dire de presque rien. Comment est-il possible de faire une telle projection ? En effet, les dotations doivent diminuer dès l’an prochain de 3,7 milliards d’euros, mais les collectivités territoriales peuvent augmenter les impôts ou emprunter – aucune mesure, à ma connaissance, n’étant envisagée pour limiter le recours à ces deux instruments. Cette prévision vous paraît-elle réaliste, madame la rapporteure générale ?

Enfin, je m’interroge sur les économies prévues sur les dépenses sociales. Vous prévoyez de faire passer la progression de l’ONDAM de 2,6 % à 2 % en moyenne pendant trois ans, soit environ 0,6 point d’économie sur les dépenses de santé – autrement dit, un bon milliard puisque l’ONDAM est de l’ordre de 170 milliards d’euros. Mais quelles économies envisage-t-on de faire sur les retraites ?

Mme Karine Berger. Je félicite la rapporteure générale d’avoir réussi la prouesse de commenter un rapport aussi maigre. C’est la première fois que je prends connaissance d’un rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques qui ne propose aucune projection nouvelle de déficit ni de dépenses, se fondant simplement sur les chiffres que nous connaissons déjà.

Débattre de l’orientation budgétaire suppose à tout le moins de disposer d’hypothèses de croissance. Pouvez-vous, madame la rapporteure générale, nous confirmer celle qu’on trouve – très difficilement – dans le rapport : 1 % pour 2014, 1,7 % pour 2015 et 2,25 % pour 2016 comme pour 2017 ?

Si vous les confirmez, je m’étonnerai alors des estimations de l’output gap – de l’écart de production – telles qu’elles figurent à la page 15 du rapport : – 3,1 % en 2015 selon le programme de stabilité, – 3,4 % selon l’OCDE, – 2,4 % selon la Commission européenne et – 2 % selon le FMI. En effet, il est un point sur lequel tous s’accordent : le déficit conjoncturel se calcule en divisant l’output gap par deux. On obtient ainsi – 1,5 % pour le programme de stabilité, – 1,7 % pour l’OCDE, – 1,2 % pour la Commission européenne et - 1 % pour le FMI, le tout en 2015, soit nettement plus dans l’ensemble que les 1 % prévus pour 2014. Comment concilier ces évaluations différentes ? Où en est donc l’output gap de la France, et à quel niveau est-il estimé pour la période 2014-2017 ?

Ensuite, le document prévoit quelque 145 000 créations d’emplois en 2014 et 130 000 nouveaux emplois marchands en 2015. C’est trois fois plus que les 50 000 nouveaux emplois que prévoit l’INSEE pour 2014 dans sa dernière note de conjoncture. Comment expliquer cet écart ? Et, puisque la précision ne nous est pas fournie, serait-il possible de connaître le nombre prévisionnel de nouveaux emplois non marchands, c’est-à-dire de contrats aidés, en 2015 ?

Nous trouvons également dans le rapport une projection des dépenses de sécurité sociale jusqu’en 2017, mais rien sur celles des autres administrations publiques – État et collectivités locales. C’est une première !

Enfin, à en croire le document, le taux de prélèvements obligatoires devrait baisser dès 2014, le recul s’accélérant « sur la période 2015-2017 (…) principalement sous l’effet de la montée en charge du CICE ». Comment expliquer cette affirmation alors qu’à partir du 15 septembre, ce crédit d’impôt ne sera plus considéré par l’INSEE comme une dépense fiscale, mais comme une dépense publique ?

M. Philippe Vigier. Je note tout d’abord comme mes collègues la pauvreté du document qui nous est présenté.

Madame la rapporteure générale, que répondre aux organismes qui, comme la Cour des comptes, se fondent désormais sur une croissance limitée à 0,7 % en 2014 ? Comment se fait-il que le document n’assortisse pas de la moindre réserve la prévision de croissance de 1 % alors que nous disposons depuis quelques jours de données contraires ?

Le rapport ne dit rien non plus de l’évolution de la fiscalité en 2015. Sera-t-elle gelée, ou augmentera-t-elle et si oui, de combien ? Nous venons d’adopter le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 : malgré un allégement fiscal de 1,1 milliard d’euros, ce ne sont pas moins de 12 à 13 milliards d’euros supplémentaires qui vont être ponctionnés sur les familles. Qu’en sera-t-il en 2015 ?

Quant au budget de l’État pour 2015, le rapport n’y consacre qu’une page sur plus de cinquante ! Ma question est simple : combien les réformes structurelles rapporteront-elles ? Sur les retraites, rien du tout puisqu’il faut déjà rogner, dans les conditions que l’on sait, pour boucler le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce qui a suscité un débat animé dans l’hémicycle. Les économies escomptées d’autre part de la réforme des collectivités territoriales ne pourront, elles, se faire sentir avant le 1er janvier 2017 – il faudra attendre les élections et l’installation des régions. De toute façon, des experts le disent, cette réforme ne générera pas d’économies à court terme.

Comme l’a très bien dit Charles de Courson, les masques tombent enfin s’agissant du maintien du cadre d’emploi : vous ouvrez des postes, ils ne sont pas pourvus. Pas vu, pas pris : la méthode est habile ! Dites-nous donc clairement quelles orientations seront retenues pour 2015.

S’agissant enfin du programme de stabilité de 50 milliards d’euros, mon groupe a, vous le savez, écouté le Premier ministre avec une bienveillante attention. Il est maintenant temps de passer aux actes. La Cour des comptes a identifié 20 milliards. Madame la rapporteure générale, de quels éléments disposez-vous pour documenter devant la représentation nationale les 30 milliards restants ? Seuls les 11 milliards d’économies en trois ans sur les collectivités locales sont arrêtés.

M. Éric Alauzet. Lorsqu’il a été prévu de réaliser 50 milliards d’économies, c’était afin de rembourser la dette. Là-dessus s’est greffé le pacte de responsabilité, qui devait être financé, non par une modification de l’effort de réduction de la dépense publique, mais par les 0,5 % de croissance supplémentaire apportés par le pacte lui-même d’ici à 2017. Les 1,7 % de croissance prévus pour 2015 se décomposent-ils donc en une croissance de 1,2 % en tendance, hors pacte de responsabilité, auxquels s’ajouteraient ces 0,5 % ?

Quant au respect de la trajectoire de redressement des comptes et de réduction des déficits publics, continue-t-on à prétendre l’assurer par la seule réduction des dépenses ? Je ne veux pas dire par là qu’il faut augmenter les impôts, mais appeler l’attention sur le problème que pose leur collecte, essentiellement du fait de l’évasion fiscale. La France a fait ce qu’il fallait pour lutter contre la fraude des particuliers ; s’agissant des entreprises, c’est une tout autre affaire. Comment articuler la politique française à la politique européenne pour réduire le déficit par l’élimination de l’évasion fiscale, plutôt que par des baisses de dépenses nuisibles à l’emploi public et à l’investissement, et qui commencent à inquiéter beaucoup les collectivités locales ?

Enfin, dans quelle mesure les investissements peuvent-ils être exclus du calcul des déficits publics ? À mes yeux, seuls peuvent l’être sans dégradation des comptes publics ceux dont le taux de retour est assuré et immédiat, c’est-à-dire qui génèrent des économies suffisantes pour payer les intérêts des emprunts qui les financent : les investissements dans les économies d’énergie. Ce sont ceux-là qu’il faut dynamiser, non seulement au nom de l’écologie, mais pour des raisons financières.

M. Éric Woerth. Les chiffres foisonnent, au point que l’on peine à s’y retrouver. Le CICE pèse 20 milliards d’euros. Est-il financé ou non ? Il est censé l’être par de la TVA, par des taxes écologiques dont on ne sait pas très bien ce qu’elles seront car on ne cesse de changer de pied, et par des économies – mais tout est financé par des économies ! Et encore faudrait-il dire lesquelles…

Nous sommes évidemment favorables à la baisse des charges et des impôts, mais le pacte de responsabilité coûte lui aussi de l’argent. Le coût du travail sera réduit par une baisse d’environ 10 milliards d’euros des cotisations patronales. Les mesures fiscales – suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, fin de la surtaxe exceptionnelle – représenteraient quelque 8 milliards. Pour les ménages, ce sont 5 ou 6 milliards qui seraient engagés d’ici à 2017. On en arrive au total à 30 à 35 milliards d’euros.

Face à ces dépenses, on trouve 50 milliards d’économies assez peu documentées. A-t-on mesuré l’effet de la ponction qui sera opérée sur les collectivités locales ? La vision optimiste des évolutions de l’ONDAM et de la masse salariale sur lesquelles on table est-elle bien réaliste ? Bref, les incertitudes sont nombreuses.

Il n’est dès lors pas étonnant que nous peinions à atteindre notre objectif de déficit, quelle que soit la manière dont on le calcule, et que nous devions le rectifier de jour en jour. Entre 2013 et 2014, le déficit est passé de 4,3 % du PIB à 3,8 % selon le Gouvernement, mais à 4 ou 4,1 % seulement selon la Cour des comptes et plusieurs économistes : la baisse ne dépasse pas 0,2 ou 0,3 point, ce qui est négligeable.

S’agissant des réformes structurelles, le texte est encore plus indigent. La réforme des collectivités locales est assurément structurelle, mais est-elle chiffrée ? La « stratégie nationale de santé » n’est rien d’autre que ce que l’on pratique depuis toujours : on lutte contre les radiologistes et les biologistes, ainsi que contre l’industrie pharmaceutique – au nom de la réduction de la dépense de médicaments –, et on développe l’ambulatoire. Ce n’est pas ce que j’appelle une réforme structurelle. Vient enfin la chasse aux opérateurs et aux taxes affectées : fort bien, mais c’est un peu léger pour fonder une stratégie de maîtrise des finances publiques.

Je me demande enfin si le Gouvernement a anticipé les effets sur la croissance du discours choc que M. Montebourg se prépare à prononcer…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je me concentrerai pour ma part sur le tome 2 du rapport, qui présente les missions, les programmes, les objectifs et les indicateurs. Ces deux derniers éléments sont essentiels au contrôle parlementaire.

S’agissant de la mission Direction de l’action du Gouvernement, présentée page 37, les indicateurs sont chaque année moins pertinents et ne permettent aucun suivi. Si, au titre de l’objectif « Optimiser le coût et la gestion des fonctions support », l’indicateur « Ratio d’efficience bureautique (du point de vue du contribuable) » renvoie encore au nombre de mètres carrés par agent, c’est à désespérer ! Quant à la nouveauté qui consiste à ajouter, entre parenthèses, la mention « du point de vue du contribuable », je crains bien qu’il ne s’agisse là que d’affichage.

Et que penser, sous l’objectif « Éclairer la décision politique en offrant une expertise reconnue », de l’indicateur « Apport des travaux stratégiques et prospectifs pour éclairer l’action des pouvoirs publics et préparer les réformes (du point de vue de l’usager) » ? Signifie-t-il que nous aurons les études d’impact que nous demandons pour toute nouvelle mesure ?

Quoi qu’il en soit, en fait de jargon administratif, nous voilà servis !

Madame la rapporteure générale. Madame Dalloz, je ne peux vous donner tort au sujet de la variabilité des indicateurs, que vous aviez déjà signalée l’année dernière en commission élargie. Mais mon propre rapport ne couvrira que le tome 1 du rapport gouvernemental, le tome 2 étant du ressort des seuls rapporteurs spéciaux. Je suis convaincue que vous saurez faire valoir votre point de vue en tant que rapporteure spéciale de la mission Direction de l’action du Gouvernement !

Je confirme que les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement sont de 1 % pour 2014, 1,7 % pour 2015 et 2,25 % pour 2016 comme pour 2017. Elles pourraient éventuellement être révisées dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, en septembre.

En ce qui concerne les économies, je ne puis répondre à vos questions faute de disposer des « lettres plafonds », qui devraient me parvenir ce soir. Nous avons toutefois réussi à collecter quelques chiffres.

Ainsi, monsieur de Courson, le plafond d’emplois des ministères, qui devait baisser de 21 033 équivalents temps plein travaillés (ETPT) selon la LFI 2013, a diminué de 31 208 ETPT en 2013 et une diminution du même ordre de grandeur est programmée pour 2014. C’est mieux qu’auparavant ! Quant aux collectivités locales, rappelons qu’elles ne peuvent recourir à l’emprunt pour financer leurs dépenses de fonctionnement. Nous devrons reparler des impôts locaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

S’agissant de l’output gap et du solde conjoncturel, madame Berger, j’aurais aimé disposer d’une note de calcul. Je me suis tournée vers Eurostat, qui refait également son calcul. Je ne désespère pas d’avoir des détails. Sur la cohérence entre les chiffres émanant des différents instituts, je n’ai eu aucun élément de réponse ; je vous transmettrai comme toujours les informations à ma disposition, quelle que soit la manière dont je les obtiens.

En ce qui concerne les prévisions d’emploi, le CICE est créateur d’emplois ainsi que le pacte de responsabilité, même s’ils peuvent entraîner d’autres effets. Il faut toujours croire les modèles Mésange du ministère des finances ! Naturellement, en supprimant un doublon, on supprime mécaniquement un ou deux emplois. Voilà pourquoi il faut être très précis sur le sujet. Je vais étudier les chiffres de l’INSEE dont vous parlez et nous y reviendrons.

Monsieur Vigier, je répète que nous attendons les « lettres plafonds » en ce qui concerne les dépenses. Mon rapport montrera, en distinguant les ménages des entreprises, l’évolution de tous les prélèvements obligatoires qui résulte des mesures déjà votées et dont les conséquences se feront sentir jusqu’en 2017 – cela inclura les dispositions annoncées dans le cadre du pacte de stabilité. Vous disposerez ainsi d’une partie de la projection pour 2015 que vous appelez de vos vœux.

Monsieur Alauzet, le débat sur la comptabilisation des investissements dans les déficits peut avoir lieu au niveau européen – Matteo Renzi, dont le pays assume actuellement la présidence tournante de l’Union européenne, va dans votre sens –, mais aussi, peut-être, au sein de notre commission.

La Commission autorise la publication du rapport d’information de la rapporteure générale en vue du débat d’orientation des finances publiques.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 8 juillet 2014 à 15 h 45

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Yann Galut, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Hervé Mariton, Mme Valérie Rabault, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Olivier Carré, M. Marc Francina, M. Pierre Moscovici, M. Thierry Robert, M. Pascal Terrasse

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