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La Commission examine le rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements (Mmes Monique Rabin et Catherine Vautrin, rapporteures).
Mme Monique Rabin, rapporteure. La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) avait pour objet de dresser le bilan des réformes touchant les réseaux consulaires, qu’elles aient été engagées sous la présente majorité – s’agissant de leur financement – ou opérées par les lois de 2005 et 2010. Elle répond à une demande forte des parlementaires, exprimée à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Après avoir dressé le bilan des premières mesures d’économies réalisées à la suite des prélèvements sur fonds de roulement et des baisses de la taxe pour frais de chambre (TFC) en 2014 et 2015, la MEC a abordé la situation des trois réseaux consulaires, chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) et chambres d’agriculture (CA). En effet, les trois chambres consulaires sont confrontées aux mêmes problématiques, même si, les réseaux étant très différents, elles n’abordent pas ces questions de la même manière.
Nous avons procédé aux auditions traditionnelles des cabinets ministériels, des administrations, de la Cour des comptes, des représentants des chambres et des syndicats. Nous nous sommes également appuyées sur les rapports parlementaires précédents ainsi que sur la revue des dépenses relative aux chambres d’agriculture prévue par l’article 22 de la loi de programmation des dépenses publiques, qui est très riche d’enseignements. Un complément à nos travaux sera prochainement apporté par le rapport au Parlement sur le financement des chambres qui a été demandé au Gouvernement lors de la dernière loi de finances.
Il ressort de ces travaux, globalement, que la plupart des chambres ont pris la mesure des attentes de leurs ressortissants et essaient d’adapter leurs actions. Toutefois, le plafonnement des taxes affectées et les récents prélèvements leur ont donné le sentiment de ne pas être accompagnées dans leur effort de modernisation, et d’ailleurs, elles regrettent le peu de reconnaissance qu’elles reçoivent en tant que corps intermédiaire.
Plus particulièrement, il nous est apparu que les relations entre les réseaux consulaires et les pouvoirs publics nécessitaient d’être restaurées pour que les réformes à mener fassent l’objet de davantage de concertation et qu’une feuille de route claire soit définie entre la tutelle et les chambres. Tous les réseaux sont confrontés, à des niveaux différents, à des problèmes de gouvernance et de représentativité. Le statut des personnels des chambres, qui pose des difficultés, mériterait une étude séparée. Enfin, l’évaluation des services proposés aux ressortissants est encore insuffisante.
Sur ces différents points, nous avons formulé plusieurs propositions.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. L’application des différents textes, notamment de la loi de 2010, reste à parfaire. Nous avons diffusé auprès des réseaux consulaires un questionnaire, qui figure en annexe et leurs réponses sont intéressantes en ce qui concerne leur capacité à accepter encore des évolutions, telles que notamment la fusion entre différentes chambres. Pourtant, la régionalisation et la nouvelle carte des régions françaises conduiront un certain nombre de territoires à travailler ensemble, donc à se pencher sur leur organisation territoriale.
Nous avons été particulièrement interpellées par la médiocrité de la relation qui existe entre la tutelle et les chambres, aucune des parties ne connaissant réellement les attentes de l’autre. Pour contrôler, encore faut-il connaître. C’est un dialogue de gestion bien compris qui permettra d’avancer. J’ose dire qu’il n’existe pas à l’heure actuelle.
Les auditions devaient nous permettre de mesurer l’incidence sur la situation financière des chambres des prélèvements effectués sur le fonds de roulement et de la baisse de la taxe affectée. En fait, elle s’avère très difficile à apprécier au quotidien. Nous avons entendu que des projets et des investissements ne seraient pas réalisés, mais pour ce qui est du fonctionnement, en revanche, il est plus compliqué d’avoir une vision précise des efforts d’économies engagées en raison d’une grande hétérogénéité entre les chambres. On ne peut pas comparer, en effet, une chambre qui gère des installations portuaires ou aéroportuaires et une qui n’en a pas. Pour autant, toutes ont des missions en matière de formation ; c’est donc un domaine dans lequel il faudra être vigilant. J’ai entendu que certaines chambres pourraient ne plus avoir les moyens de se mettre aux normes pour accueillir telle ou telle formation. C’est là que le dialogue avec la tutelle permettrait de bien mesurer les missions des uns et des autres et les nécessaires adaptations pour rester performant.
Mme Monique Rabin, rapporteure. Les premières propositions que nous avons formulées concernent les chambres de commerce et d’industrie.
Premièrement, nous recommandons de renforcer les missions et la gouvernance de la tête de réseau. Bien que CCI France ait été confortée à la tête du réseau par les lois de 2005 et 2010, nous avons constaté qu’elle rencontrait des difficultés à s’investir dans son rôle d’animation et à mettre en place des audits précis sur les sujets d’intérêt propres au réseau. Il importe que les échanges d’informations avec la tutelle sur l’activité des chambres soient approfondis à partir d’indicateurs partagés.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, nous avons été nombreux à souhaiter que l’effort soit réparti de manière équitable. Or, cela s’est révélé très difficile parce que la tutelle ne disposait pas d’éléments précis sur la situation financière des chambres et que celles-ci se montraient réticentes – le mot est faible – à les donner. Or, grâce au « Cube », un logiciel de comptabilité analytique, il est possible à la tête de réseau, pour chaque chambre, de savoir quelle est la part d’activité marchande, la part de formation, et la part d’investissement. Si nous avions disposé de ces éléments l’année dernière, notre discussion aurait été plus facile.
Il n’est pas question aujourd’hui d’augmenter les moyens de CCI France, même s’ils sont relativement faibles : ils s’établissent à 0,8 % du budget global des chambres, alors que ceux de la tête de réseau des CMA représentent 2,5 % et ceux de la tête de réseau des chambres d’agriculture 4 %. D’accord sur le diagnostic, nous avons cependant des approches différentes de ce qu’il conviendrait de faire. Pour ma part, je propose d’affecter directement une quote-part de la taxe pour frais de chambre à la tête de réseau, ce qui lui épargnerait d’avoir à discuter chaque année avec les différentes chambres régionales la recette qui lui permettra d’animer le réseau.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il faut d’abord s’accorder sur les missions confiées à CCI France. Dans l’hypothèse de la création d’un nouveau fonds de péréquation, la majorité des chambres territoriales souhaite le confier à CCI France, tandis que les chambres régionales préféreraient le gérer elles-mêmes.
Ensuite, tous les organismes étant aujourd’hui invités à se montrer vigilants sur les frais de structure, il ne s’agit pas d’augmenter le financement de CCI France. Si, demain, le réseau souhaite charger CCI France de gérer une opération de mutualisation au niveau national, cela peut justifier un supplément en matière de fonctionnement. Il reste qu’aujourd’hui la taille de CCI France est relativement petite, par rapport à la CCI Île-de-France par exemple, d’où la nécessité de prendre garde aux doublons et de rationaliser les missions des uns et des autres. Dans ce contexte, je ne pense pas qu’il faille abonder le fonctionnement de CCI France. Pour moi, il faut d’abord s’attacher à l’organisation avant d’octroyer un supplément de financement.
Mme Monique Rabin, rapporteure. Je précise que je ne propose pas d’augmenter les fonds de CCI France mais d’en modifier le mode de collecte. Plutôt que de demander une participation aux régions, nous prélèverions directement une part de la TFC, sans en augmenter le volume.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pour ma part, je considère que la taxe pour frais de chambre doit avant tout servir aux entreprises et non au fonctionnement de la tête de réseau.
La deuxième proposition de la MEC porte sur la rationalisation de la carte consulaire et le renforcement des relations entre les chambres. Il faut, en effet, éviter que la réforme de la carte régionale ne se traduise par la création d’un échelon supplémentaire. Il faut, au contraire, que les différentes chambres territoriales s’organisent pour que la carte consulaire corresponde à la pertinence économique du territoire.
La troisième proposition a déjà été évoquée. Il s’agit de restaurer les relations entre la tutelle et le réseau, par exemple en utilisant les outils de comptabilité analytique et de suivi de la performance mis en œuvre par le réseau. Les échanges d’informations s’en trouveraient améliorés. En outre, la mise en œuvre par l’État et les chambres de l’intégralité des engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance assurerait un engagement dans la durée de la part de l’ensemble des signataires et les inciterait à faire preuve de davantage de transparence et de réactivité pour restaurer un dialogue constructif. Il nous semble important de produire un bilan annuel de la mise en œuvre des conventions d’objectifs et de moyens conclues entre les CCI régionales et l’État. Cela permettrait d’avoir une photographie de ce qui se passe réellement dans les territoires.
Mme Monique Rabin, rapporteure. J’insiste sur la rationalisation de la carte consulaire. Des mesures avaient été votées dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité, et l’égalité des chances économiques que le Conseil constitutionnel a annulées au motif qu’elles n’avaient pas de lien avec le projet de loi présenté par le Gouvernement. Ces dispositions devraient être reprises dans un texte qui devrait être discuté avant la fin de l’année afin que les chambres puissent les appliquer dès 2016. Catherine Vautrin et moi-même serons très insistantes sur ce point.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La quatrième proposition consiste à renforcer les relations avec les collectivités territoriales. Là encore, il nous paraît indispensable d’encourager le rapprochement des acteurs chargés d’animer la vie économique d’une même région. Des conventions entre ces acteurs devraient être déclinées à des niveaux infrarégionaux, tels les métropoles, les grandes communautés urbaines et les bassins de vie. Il faut également garantir que les différents schémas régionaux reposent sur des audits précis des différentes compétences présentes sur le territoire.
La cinquième proposition consiste à accompagner la modernisation du réseau par la mise en place d’un fonds de modernisation à caractère incitatif. Ce fonds aiderait les CCI qui s’engagent dans des processus de mutualisation à disposer de moyens supplémentaires pour les mener à bien. Bien évidemment, le contexte actuel ne permettant pas de verser des subventions supplémentaires, cet accompagnement passerait par la péréquation.
La mutualisation des moyens et des compétences des collectivités territoriales, des CCI et des CMA autour de projets communs participerait de cette évolution. Le rapport fait état d’expériences très intéressantes. Dans ce cadre, nous pensons qu’il faudrait que les antennes des CCI en place sur le territoire puissent devenir des pôles d’activité inter-consulaires, avec le réseau des CMA, et que leur soient associés les services concernés des collectivités territoriales. Il s’agit d’optimiser tous les services qui tournent autour de l’activité des entreprises. Évitons les redondances et permettons d’additionner les moyens !
Mme Monique Rabin, rapporteure. En toile de fond, la question se posait de savoir si les différents réseaux des chambres consulaires devaient ou non fusionner. Nous y sommes défavorables, car la spécificité de l’artisanat ne peut se retrouver dans le mode de fonctionnement et les missions des autres chambres. D’autres modèles existent, telle que, dans le département de la Loire-Atlantique, l’association « Les 3C » dans laquelle les chambres agissent en commun sans avoir à bouleverser leurs organisations.
J’en viens aux recommandations sur les missions et le financement des CCI.
Il est urgent de mettre en place un groupe de travail réunissant les chambres et la tutelle. J’ai été frappée par la demande de davantage de tutelle, alors que, statutairement, les chambres sont autonomes. Repréciser les champs des missions des chambres et de la tutelle favoriserait les évolutions nécessaires. Nous avons ainsi constaté que certaines chambres avaient conservé des missions très traditionnelles alors que d’autres s’étaient engagées dans de nouvelles activités : certaines sont aménageuses, d’autres sont centrées sur la formation, d’autres encore se veulent des incubateurs du futur.
Une autre nécessité est de bien clarifier, par le biais d’une disposition réglementaire, ce qui ressort de leurs activités marchandes de leurs activités de service public.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Deuxième recommandation : assurer la visibilité des chambres sur l’évolution de leurs recettes fiscales. Nous sommes un certain nombre à avoir été interrogés par la CCI Paris Île-de-France sur les mesures qui pourraient être prises dans le cadre du projet de loi de finances. Il apparaît important de conditionner toute nouvelle mesure d’économies à la conduite d’un dialogue constructif avec les chambres ainsi qu’entre les chambres et la tutelle.
Et il importe de ne pas opérer de nouveaux prélèvements sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. Certaines rencontrent des difficultés, d’autres sont dans la situation inverse. Si certaines chambres disposent d’un fonds de roulement important, ce n’est pas le cas de toutes, et chaque situation doit être examinée à la loupe.
Je considère, pour ma part, que les baisses de recettes affectées doivent être stoppées. Monique Rabin a une autre lecture du sujet.
Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce sur quoi nous sommes d’accord, c’est qu’une nouvelle ponction sur les fonds de roulement serait désastreuse pour les chambres. Nous avons voté, dans la loi de programmation des finances publiques, une nouvelle réduction du produit des taxes affectées aux organismes tels que les chambres ; engageons une discussion avec le Gouvernement sur le niveau de cette nouvelle baisse de TFC, dont je rappelle qu’elle profite par définition aux entreprises. Cette réduction a certes eu un impact incontestable sur l’emploi et sur les investissements des chambres, pour autant, les ressources de ces dernières proviennent pour 36 % du chiffre d’affaires qu’elles tirent de leurs activités marchandes, viennent ensuite la TFC puis les subventions. Lorsque les chambres se retrouvent en difficulté, il convient donc également de s’interroger sur l’évolution de leur chiffre d’affaires.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous arrivons à une conclusion commune sur la nécessité de fixer une trajectoire pluriannuelle d’économies prenant en compte les conclusions d’une revue des dépenses effectuée par le réseau lui-même. Celui-ci dispose, pour ce faire, d’un outil de pilotage de la gestion des chambres très performant.
Il s’avère également nécessaire de rationaliser les moyens humains, tout en préservant l’emploi. Dans le cadre des relations entre la tutelle et les chambres, il y a un vrai travail à faire sur la situation des personnels des CCI ainsi que sur la mise en œuvre, en concertation avec les chambres, ou de réformes concernant le statut ou les rémunérations de certains personnels.
J’en viens aux recommandations portant sur les deux autres réseaux.
Il nous paraît important que le contrat d’objectifs et de performance entre l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat et l’État soit désormais décliné en conventions d’objectifs et de moyens au niveau régional, même si l’on remarque que, depuis la loi de 2010, les chambres de métiers ont beaucoup progressé en ce qui concerne leur réorganisation. Dans certaines régions, la place des chambres régionales a, en effet, considérablement évolué.
De la même manière, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) devrait s’appuyer sur les compétences que lui donne l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime afin d’élaborer la stratégie du réseau et apporter aux chambres un appui méthodologique qui n’existe pas forcément aujourd’hui.
Dans l’exercice de la mission de développement agricole, il importe également de mieux coordonner les activités du réseau avec les instituts techniques agricoles. Les relations entre le réseau des centres régionaux de la propriété forestière et les chambres d’agriculture mériteraient d’être clarifiées. S’agissant des moyens humains, le dialogue social et la gestion prévisionnelle des emplois doivent être renforcés. Enfin il convient de poser des objectifs clairs de rationalisation des dépenses, notamment pour les critères d’attribution des aides du Fonds national de solidarité et de péréquation.
Enfin, en raison des limites du financement de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) en termes d’équité, nous proposons qu’une réflexion soit engagée sur un autre mode de financement.
Mme Monique Rabin, rapporteure. Je reviens un instant sur les CCI pour dire que nous avons été sensibles à l’expression des salariés, dont certains sont des agents publics, s’agissant de la question de leur statut. Il serait nécessaire d’engager un travail complémentaire sur ce sujet.
Le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat s’est structuré à partir de l’échelon départemental mais aujourd’hui son organisation administrative reste encore très diverse. Nous encourageons les chambres à aller vers une plus grande intégration régionale. De même que pour les CCI, il faut absolument renforcer les relations avec la tutelle.
La situation financière des CMA peut paraître préoccupante dans certains départements parce que ces chambres dépendent directement des subventions – elles représentent 49 % de leurs ressources. Dans une période difficile pour les pouvoirs publics, le préjudice pour elles est donc beaucoup plus important. Puisque les CMA sont aussi concernées par la baisse de taxe, gardons en tête que 1 euro de taxe génère en général 1,80 euro de subventions.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En conclusion, nous avons formulé sept propositions communes aux trois réseaux.
La première est de mutualiser entre les réseaux des CCI et des CMA les missions standards aux entreprises – CFE, créations, formalités, transmission.
La deuxième est d’encourager les partenariats entre réseaux afin de répartir leurs missions selon le principe de subsidiarité d’intervention, comme en matière de développement des actions à l’international pour lequel les CCI sont mieux armées en termes de connaissance des marchés internationaux.
Troisième proposition : favoriser et généraliser les bonnes pratiques en matière de mutualisation des fonctions et des moyens entre réseaux, sous l’impulsion des têtes de réseau, dont le rôle doit être conforté.
On parle depuis longtemps de la quatrième proposition, qui s’impose un peu plus chaque jour. Il s’agit de mettre en place un système intégré entre le réseau des CCI et celui des CMA pour simplifier les formalités d’inscription au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés, et supprimer les doubles cotisations. Sur ce sujet, il faut avancer.
La cinquième proposition concerne l’apprentissage, pour lequel il est indispensable d’élaborer en commun une carte des formations, sous l’égide de la région et en liaison avec l’éducation nationale. L’expertise de chaque réseau doit être mise à profit et le développement de formations inter-consulaires favorisé. Se pose ici le problème du financement : les CCI finançant moins, il faut veiller à ce que les coûts d’accès à la formation n’augmentent pas, sinon les étudiants et leurs familles seront perdants. Nous devons être vigilants sur ce risque de vases communicants.
Nous avons déjà beaucoup parlé de la sixième proposition demandant le renforcement des relations avec la tutelle. La transmission des données financières des chambres et l’engagement d’un dialogue de gestion avec elle peuvent éviter toute baisse arbitraire de leurs ressources.
Pour la septième et dernière proposition, nous nous sommes montrées assez créatives : ne voulant plus voir les rapports s’empiler sans jamais être utilisés, nous suggérons une audition-bilan en matière de financement et de représentativité des différentes chambres, ce qui montrera quelle application et quel usage ont pu être faits des travaux que nous vous présentons.
M. Jean-Louis Gagnaire. La multitude des amendements, issus de tous les bancs, qui ont été déposés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 a montré combien le sujet était délicat et les élus y étaient sensibles. En réalité, la ponction opérée en 2015 a été globalement indolore – les représentants des chambres le disent officieusement même s’ils ne le reconnaîtront jamais publiquement. Au moins a-t-elle eu le mérite d’obliger les réseaux consulaires à se poser les bonnes questions, à repenser les stratégies et à engager des économies.
La loi de 2010 a constitué un vrai progrès, même si les discussions n’ont pas été simples pour la rapporteure, Catherine Vautrin, qui a dû composer avec les antagonismes s’exprimant au sein de l’exécutif, les uns voulant conserver les chambres, les autres voulant les supprimer. Cette loi n’a pourtant pas suffi, et il faudra bien se pencher, un jour ou l’autre, sur la masse salariale des chambres, surtout des CCI, qui présente des écarts de rémunération indécents et des niveaux de rémunération parfois plus élevés que ceux des trésoriers payeurs généraux dans les régions. Puisque les présidents ne savent pas comment résoudre le problème, la tutelle devrait peut-être imposer des grilles de rémunération avec un plafonnement, et ce quelle que soit la taille des chambres. N’oublions pas que cet argent est prélevé sur les entreprises.
Trois réseaux coexistent en France, quand il n’y en a qu’un seul dans les autres pays. Notre rôle c’est d’organiser la convergence en vue de fusions. À quoi bon conserver les doubles inscriptions sachant que, en réalité, ce sont les CCI qui dominent le secteur, notamment en matière d’accompagnement des entreprises à l’international ?
Les chambres vivent aussi grâce aux subventions qu’elles reçoivent. Elles sont souvent prestataires des collectivités territoriales, notamment des régions. Elles ne peuvent pas considérer ces sommes comme des recettes propres : ce sont des fonds publics, il faut être clair. Or, à ce jeu de poker menteur, les plus pénalisées sont celles qui n’ont pas su anticiper les ponctions opérées par l’État.
Mme Véronique Louwagie. On peut comprendre que les chambres éprouvent le sentiment de ne pas être considérées, qu’elles souffrent d’un manque de reconnaissance compte tenu des messages contradictoires qu’on leur envoie : d’un côté, on leur consacre un rapport, de l’autre, on opère un prélèvement sur leurs fonds de roulement et on baisse le montant des taxes qui leur sont affectées. Contrairement à Jean-Louis Gagnaire, je pense que la ponction n’a pas été indolore pour toutes les chambres, en particulier celles qui ont dû remettre en cause les investissements structurants qu’elles envisageaient.
Je reviens sur le point de désaccord des rapporteures. Aujourd’hui, la tendance est à la diminution des dépenses de fonctionnement des collectivités, des entités publiques et semi-publiques. La proposition d’affecter un financement supplémentaire à la tête de réseau n’est-elle pas contraire à cette recherche de faire mieux avec moins ?
Enfin, il s’agit de savoir ce que l’on veut faire : décentraliser et être au plus près des entreprises ou centraliser par le biais de dispositifs qui s’éloignent des entreprises ?
M. Alain Fauré. Mesdames les rapporteures, pour aller plus loin dans la rationalisation, pourquoi ne pas se pencher sur les organismes qui, au sein des conseils régionaux ou départementaux, accompagnent l’économie ou l’agriculture et sont, en fait, les pendants des chambres consulaires ? Ne pensez-vous pas qu’il faudrait interdire au président d’une chambre consulaire d’être dans le même temps maire, conseiller départemental ou régional ? Cela éviterait peut-être la multiplication d’entités au sein des collectivités, des conseils départementaux ou régionaux, et les blocages qui en résultent.
La mutualisation des missions standards que vous préconisez a du sens, car elle permet de conserver les chambres consulaires. Celles-ci ont un vrai savoir-faire en matière de formation, de conseil et d’accompagnement tant dans le domaine agricole qu’industriel. Il est toutefois nécessaire d’agrandir ces structures, car, dans les petits départements, elles ne peuvent pas toujours proposer toutes ces compétences. La régionalisation avec des antennes locales me paraît être une bonne solution.
Mme Christine Pires Beaune. Le rapport nous aidera à répondre aux sollicitations de CCI France ou de nos chambres respectives.
L’effort de réduction des dépenses publiques doit être poursuivi par tous – État, sécurité sociale, opérateurs et collectivités –, et les CCI ne peuvent pas en être exonérées. Il est vrai toutefois qu’il y a effort et effort, et je suis favorable à une vraie péréquation. Non, Jean-Louis Gagnaire, la ponction n’a pas été indolore pour tout le monde. La CCI du Puy-de-Dôme a dû abandonner le projet Campus. Ce sont 700 000 euros qui avaient été investis et qui sont partis en fumée parce que finalement, contrairement à d’autres chambres, elle n’a pas su anticiper cette ponction.
M. Yves Daniel. Pour ma part, j’attendais plus des propositions en matière de fusion entre les CCI et les CMA. Cela dit, c’est un processus qui doit progresser par étapes et être adapté à chaque territoire.
Je pense, moi aussi, qu’il faudrait procéder à une analyse plus précise des salaires dans les différentes chambres consulaires.
Je m’attarderai sur les doublons que constituent les nombreux organismes qui proposent, à côté des chambres d’agriculture, des services techniques, des conseils, de la formation. Ce sont des groupements d’agriculteurs biologiques, des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), des groupements de défense sanitaire, des coopératives. La coordination des différentes prestations et des différents services proposés sur le terrain permettrait de faire des économies. Une analyse complémentaire ne vous paraît-elle pas nécessaire ?
M. Dominique Lefebvre, président. Mesdames les rapporteures, votre travail va alimenter la discussion du prochain projet de loi de finances.
La diminution des ressources a eu pour première vertu d’obliger à traiter des problèmes sous-jacents que tout le monde connaît mais que personne, chambres consulaires comme collectivités, ne veut voir. Il est difficile de faire 50 milliards d’économies en exonérant les opérateurs de l’État de l’effort de redressement des finances publiques. Il est tout aussi difficile de préconiser une fusion immédiate des deux réseaux de la CCI et de la CMA. Président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise depuis près de vingt ans, j’en connais bien les arcanes de différenciation et je sais quelle est la culture des personnes qui les dirigent.
Cela va mettre avec plus d’acuité encore le focus sur les questions de la réorganisation des réseaux, de leur mutualisation interne mais également de la mutualisation des CCI et des CMA. La dispersion peut conduire à la disparition, les interlocuteurs que vous avez auditionnés doivent avoir conscience et prendre en charge cette question. Les collectivités locales ont le même problème : si le Comité des finances locales (CFL) ne traite pas la question de la péréquation et de la répartition, ce sont finalement toujours les mêmes qui sont perdants. On voit bien qu’il faudra aboutir à une réorganisation, une mutualisation, une restructuration, une expérimentation de rapprochements et de fusions. Lorsqu’on aura montré que tout peut bien se passer, que tout le monde peut en profiter, les PME et les ETI n’écrasant pas les commerçants et artisans, et que l’appareil de formation est rationalisé, alors on avancera.
Mme Monique Rabin, rapporteure. Il y a, en France, un problème d’appréciation du rôle des corps intermédiaires. Les chambres sont le seul réseau par lequel les pouvoirs publics peuvent s’adresser aux entreprises ; à cet égard, il faut les reconnaître et les valoriser même la très grande diversité de leurs situations rend peut-être cela difficile à entendre et à comprendre. D’ailleurs, nous avons été très sollicitées, car les chambres qui suivaient nos débats ne se sentaient pas tout à fait représentées et demandaient à être entendues directement. Nous sentons bien cependant que nous allons vers un dialogue beaucoup plus adulte que celui que nous avons pu vivre l’année dernière, lors de l’examen de la loi de finances.
Madame Louwagie, vous avez raison, il ne suffit pas de dire que les chambres sont nos interlocuteurs, encore faut-il leur témoigner une reconnaissance concrète.
Monsieur Gagnaire, la ponction n’a pas été aussi indolore puisque les CCI estiment à 349 millions d’euros le montant des investissements qui n’ont pas pu être engagés. Si les baisses de ressources permettent d’engager un meilleur dialogue pour trouver des économies d’échelle, cela demande du temps et cela coûte toujours au début.
Il est certain que les efforts en matière de ressources humaines n’ont pas été assez importants. Alors que les effectifs des chambres ont diminué de 10 % en dix ans, la masse salariale a augmenté de 21 %. On voit donc que les équilibres n’ont pas été trouvés.
La taxe pour frais de chambre, je le redis, n’est pas la seule ressource des chambres ; leur première source de financement se trouve dans leurs activités marchandes. C’est là que joue la diversité des chambres. Pour celles qui n’ont pas de port ou d’aéroport, on voit bien l’intérêt d’un fonds de péréquation. En ce qui concerne les économies à réaliser, toutes les chambres ne sont pas non plus logées à la même enseigne : pour celles qui ont commencé à se moderniser il y a quatre ou cinq ans, les dépenses sont quasiment incompressibles, tandis que d’autres ont encore de larges marges de manœuvre.
Dans le domaine de l’agriculture, Yves Daniel a raison, il existe beaucoup d’organismes qui font doublon. Nous insistons sur ce point dans notre rapport. Nous allons être également attentives à la concordance avec la loi NOTRe. Certains syndicats agricoles craignent notamment un affaiblissement de leur représentativité dans les très grandes régions. Il faudra engager une réflexion sur ce point.
Il faut préciser que les gouvernements et les parlements successifs hésitent à se saisir de la question des chambres d’agriculture pour des raisons évidentes : ces chambres consulaires ne fonctionnent pas tout à fait comme les deux autres. Elles pourraient faire l’objet à ce titre d’un nouveau rapport.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Yves Daniel a raison en ce qui concerne les doublons dans le monde agricole. Mais regarder tout l’environnement des chambres d’agriculture aurait conduit à se pencher sur l’ensemble de l’activité agricole, ce qui ne figurait pas sur notre feuille de route.
Comme l’a dit Christine Pires Beaune, il est évident que la ponction n’a pas été indolore. Certaines chambres l’ont anticipée, d’autres pas. Il importe donc de fixer des priorités pour que certains chantiers puissent aboutir car l’équipement de notre pays ne doit pas souffrir. En la matière, monsieur le président, je partage votre analyse sur la réorganisation des différents réseaux. Elle ouvre la porte, bien sûr, de la mutualisation et de l’expérimentation, mais aussi celle de la rationalisation de tous les acteurs.
Les chambres de commerce et d’industrie ne sont pas les seules à être en contact avec les entreprises. Les agences en tout genre financées par les collectivités ont aussi cette mission. Là aussi, il s’agit d’argent public, c’est pourquoi il faut se pencher sur cette question. Des expérimentations ont été menées entre des collectivités et des chambres ; à mon avis, ce sont des voies d’avenir qu’il faut suivre. Le point commun, c’est de chercher à réduire la dépense publique, d’un côté, et les charges des entreprises, de l’autre. Or, l’argent des CCI, c’est essentiellement de l’argent des entreprises, donc de l’emploi potentiel. C’est pourquoi il faut continuer à rationaliser leur financement et leur activité.
M. Dominique Lefebvre, président. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances et plus précisément lors des débats sur le plafonnement des taxes.
La Commission autorise la publication du rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les missions et les financements des chambres consulaires.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 16 septembre 2015 à 12 h 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Yves Daniel, Mme Catherine Vautrin
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