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La Commission entend M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous conformer à la tradition en vertu de laquelle tout projet de loi de finances est présenté en commission des finances le jour même de son adoption en conseil des ministres.
Nous examinerons ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2015 dans la matinée du 25 novembre, sitôt terminée l’audition de M. Pierre Moscovici menée conjointement par notre commission et la commission des affaires européennes. L’examen en séance plénière commencera le lundi 30 novembre après-midi.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. La tradition est effectivement, mesdames et messieurs les députés, de vous présenter, au mois de novembre, un projet de loi de finances rectificative, sitôt après son adoption en Conseil des ministres. Celui-ci présente la double caractéristique d’ajuster les prévisions budgétaires et de comporter quelques mesures fiscales qui n’ont pu être intégrées aux projets de loi de finances pour 2015 et 2016.
Cette année, nos prévisions de croissance comme de déficit public sont inchangées. Vous avez tous en tête les chiffres publiés ce matin par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) : le troisième trimestre aura connu une croissance de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB). Compte tenu de la croissance des trimestres précédents, nous sommes assurés d’une croissance de 1,1 % en 2015, supérieure à l’hypothèse retenue en loi de finances initiale – nous avions anticipé une progression de 1 %.
Quelles sont les composantes de cette croissance ? La consommation des ménages continue de progresser, soutenue par un pouvoir d’achat lui-même dynamique, en partie grâce à l’évolution des salaires, en partie aussi grâce à une inflation nulle sur laquelle pèse notamment l’évolution du coût de l’énergie – je songe au fioul et aux carburants automobiles. En outre, l’investissement des entreprises s’accélère, avec une progression de 0,7 % au troisième trimestre. Ainsi, l’investissement aura crû de plus de 2 % au cours de cette dernière année, ce qui marque une rupture par rapport aux années précédentes.
Il n’est pas nécessaire de changer l’hypothèse de croissance sur laquelle le budget a été construit, mais cette évolution témoigne à nouveau de la prudence, au bon sens du terme, et du réalisme du cadrage économique que nous avions retenu il y a un an. Notre démarche fut la même pour l’élaboration du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, actuellement soumis à votre examen. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont je vous recommande, comme d’habitude, de lire l’avis, rendu le 6 novembre dernier, qualifie d’ailleurs notre hypothèse de « vraisemblable » – c’est à peu près le meilleur compliment qu’il soit susceptible de faire.
Notre prévision de déficit public, inscrite dans le programme de stabilité et confirmée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2016, reste donc de 3,8 %, chiffre à la fois meilleur que l’objectif de 4,1 % inscrit en loi de finances initiale pour 2015 et conforme aux prévisions de la Commission européenne. C’est la première fois depuis 2011 que la prévision de déficit public est améliorée en cours d’année par rapport à la loi de finances initiale. Que l’on arrête donc de nous dire que le déficit ne cesse de s’aggraver, puisque le solde budgétaire est meilleur que prévu, alors même que la loi de finances initiale marquait déjà une amélioration par rapport au déficit précédent.
Si la réduction de déficit que nous prévoyons pour l’année 2016 peut paraître limitée, je rappelle que cette année 2015 fut celle d’une baisse marquée des impôts, pour les entreprises et pour les ménages, avec la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Nos économies sont en grande partie mobilisées pour financer ces baisses d’impôts. C’était nécessaire, et beaucoup d’entre vous, indépendamment de leur sensibilité politique, trouveront juste que nous ayons agi ainsi.
Depuis le début du quinquennat, nous cherchons à concilier baisse du déficit – le déficit des administrations publiques était supérieur à 5 % en 2011 – et restauration de la compétitivité de nos entreprises. Celle-ci avait décroché dans les années 2000, comme l’avait très bien montré M. Louis Gallois dans son rapport sur la compétitivité de l’industrie française. Nous avons revendiqué le fait de pouvoir réduire le déficit à un rythme compatible avec le retour de la croissance. C’est très exactement ce qu’il se passe : un rythme raisonnable et réaliste de réduction du déficit, combiné à d’autres facteurs, a permis le retour de la croissance. Et, avec un déficit de 3,8 % du PIB, nous faisons mieux que ne le demandait la Commission européenne, qui voulait qu’il soit ramené à 4 % du PIB.
Si, aujourd’hui, nous retrouvons de la croissance, et si notre économie continue à recréer de l’emploi privé – des chiffres publiés ce matin montrent que les créations nettes d’emplois marchands auront été de 50 000 en un an, autre rupture avec les années précédentes –, c’est en particulier le résultat de la baisse du coût du travail.
Nous faisons également baisser les prélèvements obligatoires : le taux de prélèvements obligatoires sera de 44,6 % du PIB cette année, à la suite de cette loi de finances rectificative, alors qu’il était de 44,9 % l’année dernière. C’est la première diminution des prélèvements obligatoires depuis 2009.
M. Charles de Courson. La première diminution de leur taux, plus exactement !
M. le ministre. Oui, la première diminution du taux des prélèvements obligatoires depuis 2009. C’est la première fois que le taux des prélèvements obligatoires aura baissé en France. Je remercie M. de Courson de m’obliger à le dire trois fois.
Nous faisons en même temps baisser les déficits, grâce à la maîtrise des dépenses : la part des dépenses publiques dans la richesse nationale devrait passer de 56,4 % du PIB en 2014 à 55,8 % en 2015.
Notre stratégie et notre cadrage macroéconomique et budgétaire pour 2015 restent donc inchangés. C’est un signe de la stabilité et de la prévisibilité de notre politique. Les acteurs économiques l’apprécieront.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend également quelques dispositions fiscales. Vous en connaissez les grands thèmes : fiscalité de l’énergie, mises en conformité diverses avec le droit de l’Union européenne, fiscalité de l’épargne et simplifications. Nous voulions aussi traiter la question de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices (BEPS), mais des amendements ont été déposés, débattus et adoptés dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. J’en remercie particulièrement le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC). Ainsi le Président de la République pourra se rendra à Antalya, en Turquie, où le projet de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de lutte contre ces pratiques en cause doit être adopté, avec, dans sa musette, une disposition adoptée quasiment à l’unanimité.
En ce qui concerne la fiscalité de l’énergie, nous visons trois objectifs. Il s’agit tout d’abord de donner de la visibilité au prix du carbone pour 2017, la question étant réglée pour 2015 et 2016. Il faut permettre aux acteurs économiques de prendre les bonnes décisions. Cette action se traduit dans la contribution climat-énergie, qui constitue la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles. Il s’agit ensuite, grâce au surplus de recettes dégagé par cette augmentation du prix, de sécuriser à compter de 2017 le financement du service public de l’électricité et des énergies renouvelables, par ailleurs mis en conformité avec le droit de l’Union européenne. Enfin, il s’agit de concrétiser la convergence des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur l’essence et le gazole, même si l’essentiel a été fait dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016.
Les dispositifs fiscaux qui encouragent l’investissement, que ce soit par les particuliers, notamment la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en cas d’investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME), ou par les entreprises, sont également adaptés au nouveau cadre européen applicable aux aides d’État en faveur du capital-risque en les recentrant sur les entreprises jeunes ou innovantes, c’est-à-dire celles qui rencontrent le plus de difficultés.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend, enfin, d’assez nombreuses mesures de simplification et de modernisation, à mon avis bienvenues. Je citerai notamment la fusion des données cadastrales avec celles de l’Institut géographique national (IGN) pour améliorer le service rendu, ou encore une meilleure lisibilité de l’incitation à s’implanter dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), avec des critères simplifiés de densité et de richesse. C’est d’autant plus nécessaire que nous raisonnons maintenant dans le cadre des intercommunalités.
J’insiste sur une mesure de prévisibilité pour les entreprises : la création d’un comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche (CIR). Il doit permettre que les entreprises qui font, c’est normal, l’objet d’un contrôle au titre du CIR, notamment en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses engagées, puissent dialoguer, non seulement avec l’administration fiscale, qui n’est pas toujours compétente sur tous les sujets, notamment scientifiques et techniques, mais aussi avec des experts de la recherche-développement dans les domaines qui les concernent. Cela permettra aux entreprises concernées de mieux faire valoir leur argumentation et de bénéficier d’une écoute plus compréhensive.
Enfin, nous revoyons le dispositif de garanties publiques à l’exportation, dont la gestion sera confiée au cours de l’année 2016 à une filiale de la Banque publique d’investissement. Ainsi tous les outils nécessaires seront-ils à la disposition de Bpifrance. Cela ne change rien au fait que l’État aura toujours son mot à dire, puisqu’il s’agit de garanties publiques, pays par pays, projet par projet, entreprise par entreprise.
Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les principaux éléments de ce projet de loi de finances rectificative.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, un projet de loi de finances, qu’il soit rectificatif ou initial, ce sont des chiffres et des lettres. Je commencerai par vous parler des chiffres avant d’aborder les lettres.
Que nous disent les chiffres ? Aujourd’hui, 13 novembre 2015, comme le 30 septembre lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2016, et comme le 15 avril lors de la présentation du programme de stabilité, ils nous disent une seule et même chose : nos engagements budgétaires pour 2015 sont en passe d’être tenus.
Sur les recettes tout d’abord, certains ont joué les Cassandre tout au long de l’année en nous annonçant des moins-values de recettes de plusieurs milliards d’euros. Ces prédictions n’étaient fondées sur aucune analyse sérieuse et nos prévisions sont aujourd’hui confirmées par les chiffres de recouvrement – et je rappelle que toutes les données de recouvrement sont publiques, la situation du budget de l’État à fin septembre ayant été publiée la semaine dernière.
S’agissant de l’impôt sur le revenu, nous constations à cette date une plus-value de 900 millions d’euros par rapport à septembre 2014 ; le projet de loi de finances rectificative table prudemment, pour l’ensemble de l’année, sur une hausse de seulement 300 millions d’euros par rapport à 2014. Il reste plusieurs aléas jusqu’à la fin de l’année, mais il est aujourd’hui quasiment certain que l’impôt sur le revenu sera, en 2015, en plus-value par rapport à la loi de finances initiale. Ce serait la première fois depuis 2006. Cette plus-value serait de l’ordre de 600 millions d’euros.
S’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), nous constatons à la fin du mois de septembre une hausse de 3,5 % de son produit par rapport à septembre 2014 ; le projet de loi de finances rectificative anticipe une hausse de 2,3 % seulement. Notre prévision est donc prudente et, en tout cas, on ne constate aucun décrochage de cet impôt, bien au contraire.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés, nous anticipons une légère moins-value de 300 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, le cinquième acompte restant un aléa important.
S’agissant de l’ISF, le produit de l’impôt correspondra à la prévision de la loi de finances initiale, l’écart de 200 millions d’euros s’expliquant uniquement par une répartition des recettes du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) moins riche en ISF.
S’agissant enfin des contentieux fiscaux de série, ils ont été budgétés prudemment, comme chaque année, et ce projet de loi prévoit une baisse de 447 millions d’euros du coût des décaissements au titre du contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) en 2015.
Au total, nous avons revu progressivement à la hausse les recettes fiscales depuis le mois d’avril et le programme de stabilité : nous estimons maintenant qu’elles sont en plus-value d’environ 500 millions d’euros par rapport à cette prévision du mois d’avril.
L’ensemble des recettes de l’État, fiscales et non fiscales, correspond à ce que prévoyait la loi de finances initiale, avec une légère moins-value de 100 millions d’euros.
Les dépenses de l’État sont, elles aussi, tenues, comme prévu.
Je rappelle que l’objectif inscrit dans la loi de finances initiale était élevé, puisque nous voulions diminuer de 4,5 milliards d’euros la dépense sous norme, hors charge de la dette et pensions.
En cours d’année, nous avons mis en œuvre un plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros sur l’ensemble des administrations publiques, afin de compenser l’impact de la diminution de l’inflation sur les économies prévues. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d’euros la dépense de l’État.
Toujours en cours d’année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l’emploi des Français : ce sont près de 800 millions d’euros de dépenses qu’il a fallu financer par des économies supplémentaires dans le décret d’avance du mois d’avril et par une mise en réserve complémentaire de crédits.
Sur l’année 2015, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l’État
– une baisse probablement sans précédent – et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce PLFR montre qu’il est possible de faire les deux simultanément.
Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s’agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d’année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures (OPEX) et des emplois aidés. Pour cela, ce sont près de 2,1 milliards d’euros d’annulations de crédits qui doivent être mis en œuvre dans ce collectif et dans le prochain décret d’avance.
Ce que nous disent les chiffres, c’est donc que les recettes sont tenues ; que la dépense est tenue ; et, dès lors, que le déficit de l’État se réduit – de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est donc, désormais, une baisse de 12,3 milliards d’euros du déficit de l’État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014. Cette dernière était, vous vous en souvenez, une année exceptionnelle, en raison du programme d’investissements d’avenir (PIA). À périmètre constant, hors PIA, le déficit de l’État était de 74,9 milliards d’euros en 2014 ; il sera en 2015, selon nos estimations, de 73,3 milliards d’euros. Cela représente une baisse de 1,6 milliard d’euros sonnants et trébuchants.
Je précise que le déficit de l’État est revu en hausse – légère – de 300 millions d’euros par rapport à la prévision du projet de loi de finances pour 2016 qui vous a été présentée à la fin du mois de septembre. Cet écart s’explique par un facteur un peu technique, que je vais m’efforcer d’expliquer aussi clairement que possible.
Dès le début de l’année, nous avons anticipé une économie de 700 millions d’euros sur le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne au titre de corrections sur les contributions versées au cours des exercices antérieurs ; cette économie était attendue du vote d’un budget rectificatif par le Parlement européen dans le courant de cette année. Or, il s’avère aujourd’hui que le Parlement européen ne votera pas ce budget dans un délai permettant de constater, en comptabilité budgétaire, cette économie sur l’exercice 2015. En conséquence, cette économie ne peut être prise en compte sur le budget de l’État en 2015, ce qui conduit, toutes choses égales par ailleurs, à dégrader le solde de 700 millions d’euros.
Pour compliquer encore un peu les choses, il faut savoir que la perte de cette économie n’a aucun impact sur le déficit public en comptabilité nationale. En effet, elle était déjà considérée comme certaine à la fin de l’année 2014 et avait donc été comptabilisée par l’INSEE au titre de cet exercice.
En résumé, cette dégradation du solde de l’État par rapport à septembre est en trompe-l’œil : en comptabilité nationale – qui est le juge de paix en la matière – c’est bien à une amélioration que nous nous attendons par rapport à septembre, puisque nous avons revu les recettes à la hausse de 400 millions d’euros.
J’en viens aux lettres, et au volet fiscal de ce projet de loi de finances ; compte tenu du peu de temps donc nous disposons, je serai bref, mais je serai bien sûr à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je commencerai par la fiscalité écologique. En complément de la présentation de Michel Sapin, qui connaît très bien tous ces problèmes, il est important de décrire le mouvement de « rebudgétisation » que vous propose ce texte.
En effet, l’ensemble des recettes et dépenses de l’actuelle contribution au service public de l’électricité (CSPE) et de ses équivalents pour le gaz, qui constituaient jusqu’à présent des dispositifs extrabudgétaires, seront intégrées au budget de l’État, qui disposera ainsi plus directement de l’ensemble des moyens en faveur de la transition énergétique et du service public de l’énergie. Le contrôle et l’information du Parlement et du Gouvernement sur ces moyens très importants – plus de 6 milliards d’euros de recettes et de dépenses en 2016 – s’en trouveront renforcés. Cette intégration de la CSPE au budget de l’État se traduira par la création d’un compte d’affectation spéciale (CAS) Transition énergétique qui financera l’ensemble des tarifs de rachat d’énergies renouvelables, soit plus de 4 milliards d’euros en 2016, et par la création au sein du budget général de l’État d’un nouveau programme Service public de l’énergie qui regroupera les moyens en faveur de la péréquation géographique et sociale de l’énergie. Il sera doté d’environ 2 milliards d’euros en 2016.
En ce qui concerne la fiscalité sur les tabacs, nous vous proposons d’ajuster le dispositif du « minimum de perception majoré », qui nous permet d’augmenter instantanément la fiscalité sur les cigarettes les moins chères, notamment en cas d’amorce de guerre des prix. L’efficacité de cet outil n’est pas en cause ; il a été mobilisé avec succès pour neutraliser les tensions baissières observées sur le marché en 2014 puis en 2015. Mais la récente jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) nous invite à faire évoluer le dispositif, qui sera désormais moins « chirurgical », si j’ose dire, mais pas moins puissant, et toujours au service de la protection des recettes de la sécurité sociale et surtout de nos objectifs de santé publique.
Le projet de loi de finances rectificative comporte également des mesures relatives à la fiscalité locale, en particulier le report de 2016 à 2017, déjà annoncé, de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui a été lancée à l’initiative des commissions des finances des deux assemblées. Je vous transmets, monsieur le président, le résultat très détaillé des importants travaux d’analyse des conséquences de la révision menés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) sur ce sujet. Le PLFR proposera également de lisser sur dix ans les effets de la révision, afin d’en atténuer les effets pour les contribuables, la révision demeurant à produit fiscal constant pour les collectivités territoriales.
J’ai proposé hier que nous tenions une réunion sur ce sujet, afin de débattre des points délicats – qui sont nombreux, en raison de l’ancienneté des bases et des risques d’effets brutaux si nous ne prévoyons pas de garde-fous adéquats. Nous pourrions ainsi envisager dès ce PLFR, outre la prolongation du lissage, des mesures qui permettront la bonne mise en œuvre de cette réforme dès le début de l’année 2017.
Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, une présentation aussi synthétique que possible de ce texte très riche et très varié.
M. le président Gilles Carrez. Il est exact que les objectifs du Gouvernement pour 2015 – objectifs de recettes, de dépenses, et donc de déficit – sont en passe d’être atteints. Je rappelle toutefois que l’objectif d’un déficit public à 3,8 % n’est que de 0,1 point inférieur au chiffre de l’exécution 2014.
Cette situation préoccupe la Commission européenne, qui prévoit que notre déficit public s’élèvera en 2016 à 3,4 %, au lieu des 3,3 % espérés, et surtout en 2017 à 3,3 %
– c’est-à-dire très loin des prévisions du Gouvernement. Alors que la procédure pour déficit excessif qui visait la France a été suspendue en juillet, ne risque-t-elle pas d’être reprise ?
Vous vous flattez de respecter l’objectif de 3,8 %, mais celui-ci est finalement très modeste. N’auriez-vous pas intérêt à essayer de faire un peu mieux – 3,7 % par exemple ? Vous seriez ainsi moins en difficulté vis-à-vis de la Commission. Nous le vérifierons sans doute le 25 novembre, lorsque nous recevrons M. Moscovici.
En ce qui concerne les dépenses, l’objectif est tenu, mais c’est encore grâce à 2 milliards d’annulations de crédits sur les intérêts de la dette ! Cette situation durera-t-elle indéfiniment ? Rien n’est moins sûr.
M. le ministre. Vous avez parfaitement raison, monsieur le président, de vous intéresser aux prévisions de la Commission, qui rendra son avis officiellement mardi prochain. Nous agissons d’abord pour la France, mais toujours dans le cadre de la solidarité européenne : il est donc légitime de respecter les règles qui lient les États de la zone euro.
De l’avis de la Commission, dont nous connaissons déjà certains éléments auxquels vous avez fait allusion, je retiens d’abord que, pour la première fois, elle est parfaitement d’accord avec nos prévisions en évaluant le déficit pour 2015 à 3,8 %. Pour la première fois également, elle se retrouve, à 0,1 % près, dans les orientations que nous avons adoptées pour l’année prochaine. Le premier constat qui apparaît donc à la lecture de ces prévisions est que la France est en ligne ! Cela n’était plus arrivé depuis de nombreuses années.
Pour 2017, le service de prévisions de la Commission européenne a utilisé l’expression convenue « à politique inchangée », pouvant laisser entendre que l’on ne faisait rien ; or, ce n’est pas exactement le cas, et il a d’ailleurs intégré les baisses d’impôt. Le programme d’économies n’a pas pu être pris en compte, mais, sans lui, le chiffre n’a aucun sens !
Vous ne me pousserez pas à la faute en me demandant d’élaborer une hypothèse plus exigeante à 3,7 %, monsieur le président ! Si toutefois, comme pour la croissance, nous devions constater un résultat meilleur qu’annoncé, nous nous réjouirions d’une situation qui, là encore, romprait avec le passé proche.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, vous n’avez pas convaincu la Commission européenne sur les dépenses, mais vous y êtes parvenu sur les baisses d’impôt. En revanche, vous n’avez pas convaincu votre groupe parlementaire sur la diminution de l’imposition des entreprises. Nous assistons depuis hier matin aux déchirements de la majorité sur l’application du pacte de responsabilité ; des amendements visant à conditionner le CICE et à reporter la suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés (IS) ont ainsi été déposés. En voyant cela, on peut se demander ce qu’il se passera dans un an lorsque nous discuterons de la dernière phase de la disparition de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui représente un montant supérieur à 3 milliards d’euros. Ces remises en cause permanentes minent le retour de la confiance, car les entreprises vivent dans la crainte de l’instabilité fiscale et du reniement des engagements. Le Gouvernement tient bon, et ses successeurs en retireront les bénéfices en obtenant la confiance des chefs d’entreprise, aujourd’hui malmenée par la majorité.
J’approuve la réforme de la CSPE, que l’on aurait dû mettre en œuvre depuis longtemps. La CSPE représente à la fois une fiscalité dissimulée, une dette cachée de l’État envers EDF de plus de 5 milliards d’euros, et des dépenses non maîtrisées en faveur des énergies renouvelables. Il me paraît très opportun de répartir ces dépenses entre des crédits budgétaires – placés dans un programme dédié qui renvoie à la notion de service public de l’électricité par les tarifs sociaux et la péréquation territoriale – et un CAS.
Le recentrage du dispositif de réduction d’ISF pour investissement dans les PME sur les entreprises de moins de sept ans et son alignement sur la réduction d’impôt dite « Madelin », présentés comme une obligation européenne, font courir un risque pour l’alimentation en fonds propres des PME. Une entreprise qui fabrique des brioches depuis cinquante ans a tout autant besoin de fonds propres pour l’emploi et pour sa compétitivité qu’une entreprise innovante dans le domaine de l’internet. Ce dispositif et celui du « Madelin » aboutiront à une hyperconcentration sur les jeunes entreprises.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Un tableau de la page 13 de ce PLFR montre que les dépenses supplémentaires en fin de gestion atteignent presque 6 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros correspondant à des ouvertures de crédits supplémentaires qui seront notifiées à la commission par un décret d’avance à la fin du mois de novembre. Ces dépenses supplémentaires sont couvertes par des annulations de crédits de 4,1 milliards d’euros prévues par le PLFR et le décret d’avance à venir. Les 1,9 milliard d’euros restants à couvrir le seront par une amélioration des recettes de 900 millions d’euros, notamment liée à un moindre prélèvement sur recettes destiné à l’Union européenne et par l’amélioration du solde des comptes spéciaux de 1,3 milliard d’euros. Messieurs les ministres, pouvez-vous préciser la nature de ce montant lié aux comptes spéciaux ? Au total, on obtient donc un solde entre les dépenses et les recettes de l’État près de 400 millions d’euros auquel il faut ajouter les 700 millions d’euros d’économie au titre du décret d’annulation pris en juin pour retrouver l’amélioration du solde de l’État de 1,1 milliard d’euros que vous mentionnez.
L’article 17 du projet de loi porte sur la transposition des échanges automatiques d’informations financières : pouvez-vous nous confirmer qu’il se contente de transposer stricto sensu la directive européenne ?
L’article 19 relatif au crédit d’impôt recherche (CIR) constitue une très bonne avancée.
Les articles 13 et 14 sont centrés sur les dispositifs touchant les PME : pouvez-vous nous présenter plus précisément vos objectifs à long terme en matière de capital et de financement des PME ?
Je regrette profondément que ce PLFR ne contienne aucune modification des dispositifs fiscaux en faveur de l’agriculture. Au moment de l’examen du PLF pour 2015, les amendements en la matière avaient été reportés au PLFR pour 2014, puis au rapport d’information sur la fiscalité agricole présenté en juillet dernier, puis au PLF pour 2016 ! Seul l’article 2 traite d’agriculture, et il m’inquiète au demeurant, car il prévoit un prélèvement de 255 millions d’euros sur les ressources du Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA).
De nombreux articles, enfin, ont trait aux garanties accordées par l’État à différents organismes : serait-il possible de disposer d’une consolidation globale de l’ensemble de ces garanties ?
M. Dominique Lefebvre. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je me félicite que ce PLFR traduise le respect des engagements pris par le Gouvernement et la majorité parlementaire pour l’exécution budgétaire et l’évolution du déficit des finances publiques. Monsieur le président, certes la pente de réduction des déficits est modérée, mais la route est droite, pour parler comme l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin le 3 juillet 2002. Trois ans plus tard, le 21 septembre 2005, ce dernier préconisait d’ailleurs la « positive attitude »... Je m’inspire de ces « raffarinades » : certes, on peut toujours faire mieux, mais la trajectoire ne dévie pas. Elle diffère en revanche des orientations arrêtées en 2012 dans la loi de programmation des finances publiques, mais les circonstances économiques internationales nous ont imposé d’arbitrer entre la nécessaire réduction des déficits par la maîtrise des dépenses publiques et le soutien à l’activité et à la croissance.
Suivant les recommandations du HCFP, le PLFR montre notre vigilance pour la fin de l’exécution budgétaire ; par ailleurs, il comporte un volet sur la fiscalité des entreprises, qui répond notamment à des exigences d’harmonisation européenne, et des dispositions sur la fiscalité écologique. Le Gouvernement ne souhaite pas éluder les questions reportées dans le passé auxquelles a fait allusion Mme la rapporteure générale, mais des amendements parlementaires les reprendront afin d’assurer un traitement global ; messieurs les ministres, nous vous remercions par avance de préciser vos intentions et de nous rassurer sur ce point, car certains de nos collègues, comme François André qui a beaucoup travaillé sur ces sujets, avaient accepté de retirer leurs amendements au motif qu’ils seraient intégrés à la loi de finances rectificative.
M. Hervé Mariton. Le HCFP a souligné la modestie de l’amélioration du solde structurel. Les incertitudes pesant sur notre relation financière avec l’Union européenne ne se limitent pas aux procédures et tiennent également aux chiffres que vous transmettez, messieurs les ministres, d’un acte budgétaire à un autre.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, vous avez beaucoup raisonné « à 0,1 % près » ; si l’on retenait cette méthode, le taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB ne diminuerait pas en 2016 ! Pourtant, plusieurs ministres se sont flattés, lors des récentes commissions élargies, des baisses d’impôt à venir l’année prochaine ; en réalité, les prélèvements progresseront en valeur absolue et leur taux restera stable.
L’évolution des périmètres intercommunaux soulève certes des questions de cohérence pour les ZRR, mais le Gouvernement ne souhaite-t-il pas restreindre l’étendue de ces zones ? J’aimerais comprendre quelles sont ses intentions.
Monsieur le président, veuillez me pardonner, mais je ne suis pas aussi optimiste que vous au sujet de la réforme de la CSPE. Avec le CAS, vous proposez, messieurs les ministres, une procédure budgétaire qui représente en effet un progrès. Mais, à la suite de décisions prises ces dernières années et d’accords de subventionnement d’investissements dans les énergies renouvelables – certains s’étant avérés fondés, d’autres très hasardeux –, des « stocks » se sont constitués. Comment les traitez-vous ? À combien le Gouvernement évalue-t-il l’ampleur des stocks, compte tenu des engagements agréés par l’exécutif ces dernières années ?
Enfin, dans l’exposé des motifs, le Gouvernement rappelle les enjeux de la lutte contre le changement climatique, au nom de laquelle il taxe une énergie non carbonée. Quelle contradiction ! La CSPE atteint là ses limites, me semble-t-il.
M. Charles de Courson. Le Gouvernement partage-t-il le diagnostic du Haut Conseil des finances publiques quant au caractère « modeste » de la réduction des déficits publics ramenés de 3,9 % à 3,8 % du PIB ? Croit-il comme lui qu’une incertitude plane sur le produit total de l’impôt sur les sociétés, et peut-il estimer l’impact du CICE en la matière ?
D’autre part, le PLFR tient-il compte des effets liés aux remboursements d’impôts promis aux retraités et, le cas échéant, pour quel montant ?
S’agissant des finances locales, le Haut Conseil estime que « l’ampleur effective du freinage des dépenses reste toutefois incertaine ». Partagez-vous cet avis, et confirmez-vous que l’hypothèse de 1 % de baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités est celle que vous avez retenue ?
Autre question, fondamentale celle-ci, sur l’évolution du solde structurel : qui a raison, du Gouvernement, pour qui le déficit structurel sera de 1,7 % du PIB en 2015, ou de la Commission européenne, pour qui il sera de 2,7 %, ou encore du Fonds monétaire international (FMI) qui l’estime à 2,1 % ?
Par ailleurs, le Gouvernement indique que la dépense publique, hors crédits d’impôt, progressera de 1 % en 2015. Or, le PIB – compte tenu de l’inflation – augmentera de 1,1 %. Comment la part de la dépense publique dans le PIB peut-elle, dès lors, passer de 56,4 % à 55,8 % ?
Enfin, pourquoi ne pas avoir intégré dans ce PLFR les articles concernant la fiscalité agricole ?
Mme Eva Sas. En tant que rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, je me réjouis des mesures de mise en conformité avec le droit européen prévues aux articles 13 et 16, ce dernier concernant le régime des sociétés mères et filiales, car le risque de contentieux imposait d’agir. Je regrette en revanche que le comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche ne soit, comme son nom l’indique, qu’une instance consultative devant se prononcer en cours de contrôle fiscal : cela ne correspond ni à l’objectif de sécurisation des PME, dont bon nombre s’inquiètent de savoir si leurs dépenses de recherche sont éligibles au crédit d’impôt, ni à celui de limitation des effets d’aubaine.
J’en viens à la budgétisation de la CSPE et à la fiscalité énergétique en général. La transition énergétique, monsieur Mariton, n’a pas pour but de remplacer les énergies fossiles par le nucléaire ! L’un des objectifs – que je croyais consensuel – de la contribution climat-énergie consistait à réaliser des économies d’énergie. De ce point de vue, nous comprenons certes les baisses de fiscalité énergétique dont bénéficient les entreprises électro-intensives, mais elles devraient être subordonnées à des plans d’économies d’énergie, car ces entreprises doivent, comme les autres, consentir des efforts en la matière. D’autre part, il faut inscrire la trajectoire de la contribution climat-énergie en loi de finances. Enfin, je note une fois de plus, pour m’en désoler, la diminution de 165 millions d’euros des crédits de la mission Écologie, en matière de prévention des risques notamment : comment l’expliquez-vous ?
M. Jean-François Lamour. Je me félicite du rétablissement de crédits budgétaires en lieu et place, d’une part, des recettes exceptionnelles qui devaient être liées à la vente de la bande de fréquences des 700 mégahertz – soit 2,14 milliards d’euros – et, d’autre part, pour couvrir le reliquat des dépenses engagées dans le cadre de la vente des deux bâtiments navals de projection et de commandement. Il nous faut toutefois demeurer vigilants sur plusieurs points, en particulier sur notre capacité à commander et à acheter les matériels. Quand le décret d’avance sera-t-il pris ? Le risque d’un nouveau report de charges existe en effet, alors même que les reports actuels atteignent déjà 3,4 milliards d’euros.
D’autre part, le dispositif des opérations intérieures (OPINT) – autrement dit, l’opération Sentinelle – sera-t-il soumis à la même ventilation financière que les opérations extérieures ? Le surcoût lié aux OPEX est de l’ordre de 610 millions, celui des OPINT d’environ 180 millions, soit près de 800 millions en tout. Si la ventilation est la même dans les deux cas, comment expliquer l’annulation de crédits de 190 millions d’euros alors que la part réservée à la défense n’est que de 160 millions environ ?
Mme Christine Pires Beaune. Compte tenu des chiffres du troisième trimestre, la croissance pour 2015 atteint déjà 1,1 % : cette bonne nouvelle permettra de rassurer le Haut Conseil des finances publiques, selon lequel l’hypothèse de 1 % était prudente. Les recettes fiscales sont conformes aux prévisions ; quant aux dépenses, je crois comprendre qu’elles sont inférieures au montant inscrit en loi de finances initiale.
Hier, l’Assemblée a adopté un amendement du Gouvernement sur la fiscalité locale permettant d’éteindre un incendie brutal que d’autres avaient allumé. Cette mesure se traduira-t-elle en fin d’année par un surplus de trésorerie pour les collectivités locales et, le cas échéant, de quel ordre sera-t-il ?
Je me réjouis d’autre part que l’article 20 confirme la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, même si elle est reportée d’une année, car ce vaste chantier est attendu depuis longtemps.
Enfin, qu’en sera-t-il de la dette et de la balance commerciale au 31 décembre ?
M. Jean Launay. En tant que rapporteur spécial du budget de la défense, je me félicite tout particulièrement de l’inscription, dans ce bon PLFR, d’un montant de 2,2 milliards d’euros, aussi bien en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, pour l’équipement des forces armées – inscription qui représente plus de la moitié des crédits ouverts dans le présent projet de loi de finances et qui est conforme non seulement à l’arbitrage du Président de la République, chef des armées, mais aussi à l’approbation par une très large majorité de notre assemblée de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
L’incertitude concernant les recettes exceptionnelles liées à la vente de la bande de fréquence des 700 mégahertz est donc levée, puisque des crédits budgétaires sont désormais prévus ; en outre, cette recette sera certainement perçue en 2016 pour un montant supérieur. L’équipement des forces était en souffrance et, compte tenu de notre engagement sur de nombreux fronts, il était impossible de tarder davantage pour budgétiser ces crédits et prendre un décret d’avance. Une dizaine de programmes pourront ainsi être lancés. Face aux menaces terroristes qui pèsent sur notre pays, il est important que les moyens de nos armées soient confirmés, car ils sont conformes à leur mission et à la confiance que nous plaçons en elles.
Un dernier mot sur la CSPE : je partage l’analyse du président Carrez et j’irai même plus loin. Un bon impôt, dit-on, a une base large et un taux faible ; cela vaut pour des contributions de ce type. Je regrette que la loi relative à la transition énergétique pour la croissante verte n’ait pas permis d’élargir l’assiette de la CSPE au fioul et au gaz, voire à l’eau : en tant que président du Comité national de l’eau, je crois en effet que cela aurait contribué à résoudre les problèmes des fonds sociaux destinés à remédier à l’incapacité de certaines personnes en difficulté à payer ces services.
Mme Karine Berger. Je me réjouis vivement de l’article 17 sur l’échange automatique d’informations financières, qui est une sorte d’équivalent européen du Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) américain. Cet article transpose telle quelle la directive européenne ; sans doute des mesures réglementaires devront-elles donc être prises, notamment pour mettre en place les mécanismes de peer review auxquels l’OCDE tient beaucoup, et qui servent à comparer la remontée et l’échange d’informations entre pays. De ce point de vue, le ministre des finances peut-il d’ores et déjà nous apporter des précisions sur la déclinaison réglementaire de cet article ?
Plusieurs d’entre nous ont tenté de préserver les exonérations sociales applicables dans les ZRR par un amendement au dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Or, l’article 18 du présent projet proroge précisément ce dispositif, mais laisse entendre qu’il disparaîtra à compter de l’entrée en vigueur de la réforme des ZRR. Comment le Gouvernement envisage-t-il l’avenir des exonérations sociales dans les ZRR ?
Ma dernière question est de nature macro-économique. Dans le scénario du Haut Conseil des finances publiques pour 2015, l’investissement des administrations publiques diminuerait de 0,2 %, soit une quasi-stabilité. Or, l’acquis de croissance publié ce matin même indique que l’investissement public recule de 4 % en fin de troisième trimestre. Il lui faudrait donc bondir de 16 % au dernier trimestre pour compenser cette baisse : c’est irréaliste. Que pensez-vous, messieurs les ministres, de ces prévisions concernant l’investissement public en 2015 ?
M. Romain Colas. Je veux exprimer ma satisfaction devant les chiffres qui nous sont annoncés. Nous pouvons espérer une croissance de 1,1 % cette année, alors qu’en 2012, en 2013 et en 2014, elle s’élevait respectivement à 0,2 %, 0,7 % et 0,2 %. Vous le disiez ce matin même, monsieur le ministre : nous sortons d’un cycle de très faible croissance. Pour ma part, je ne puis m’empêcher d’y voir le résultat des politiques conduites avec constance depuis plus de trois ans.
Je comprends l’embarras de l’opposition pour commenter ces résultats, habituée qu’elle était, lorsqu’elle gouvernait, à un décalage perpétuel entre ses annonces et ses résultats. Elle est aujourd’hui contrainte de se livrer à un véritable exercice d’équilibre sémantique visant à atténuer la réalité. Mais, mes chers collègues, quelle que soit la manière dont vous cherchez à présenter les choses, le fait est que les déficits baissent comme les taux de prélèvements obligatoires – bien sûr, nous souhaiterions tous que ces baisses soient encore plus amples et plus rapides.
Mes questions concernent davantage l’exécution budgétaire que le collectif lui-même.
J’aimerais, messieurs les ministres, connaître le coût du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2015, et savoir ce que vous attendez de ce dispositif pour l’exercice 2016.
Après plusieurs années d’excellents résultats en matière de lutte contre la fraude fiscale, quelles sont les performances enregistrées en 2015 par le STDR ?
Cette année, une centaine de milliards d’euros devaient être levés sur les marchés pour refinancer la dette contractée lors de la précédente législature : quel bilan tirez-vous de cette opération ? Quel est son impact sur le service de la dette et sur l’équilibre des finances publiques ?
Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 24 porte sur l’adaptation des dispositions fiscales aux regroupements de communes. Je croyais pourtant que toutes les dispositions relatives à ce sujet, notamment aux communes nouvelles, avaient été adoptées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 ! Pourquoi y revenons-nous ?
Le Gouvernement a été particulièrement inspiré, si je puis dire, avec l’article 21 : « Refonte de la taxe pour la création de bureaux et création d’une taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux sur les cessions de locaux à usage de bureaux en Île-de-France » !
Madame Berger, malgré les bonnes intentions qui ont présidé à la rédaction de l’article 17, nous ne sommes pas près, étant donné le faible taux de transposition des directives dans notre droit, de voir s’appliquer en France un FATCA européen !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vos annonces sont intéressantes : nous économisons 2 milliards d’euros sur les intérêts de la dette, nous gagnons 600 millions supplémentaires grâce à la fiscalité sur les ménages, et vous annoncez des dépenses en baisse. Pourtant le Haut Conseil des finances publiques considère que la réduction du déficit se fait a minima, et il note que « le respect de l’objectif d’équilibre structurel est encore lointain ». Une amélioration du solde structurel de 0,3 point en 2015, c’est bien, mais c’est un net ralentissement de l’effort par rapport aux années antérieures, 2011 compris.
Pour conclure, je me contente de noter que ce projet de loi de finances rectificative est totalement habillé de vert à la veille de la vingt-et-unième Conférence des états signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21). Je constate que notre pays risque de passer trois semaines un peu monocolores…
M. le président Gilles Carrez. J’ai signé ce matin, au nom de ma commune, la Charte de la COP21 !
M. le ministre. La Commission européenne rendra son avis mardi prochain. Il m’étonnerait que la France soit, comme l’année dernière et celles qui précédaient, dans une situation dite de « non-compliance ». Notre pays sera globalement « conforme », ce qui ne sera peut-être pas le cas de l’Espagne ou de l’Italie. La France est rentrée dans la catégorie des pays qui tiennent leurs engagements, et qui respectent les objectifs. Ce n’est sans doute pas une nouvelle absolument extraordinaire, mais c’est inhabituel : cela ne s’était pas produit depuis des années – et ce qui se produit en 2015 se reproduira en 2016 selon la Commission.
Je note que les termes utilisés par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sont les plus élogieux qu’il ait employés depuis qu’il existe et qu’il donne des avis sur les textes budgétaires présentés par le Gouvernement. Pour le reste, il est dans son rôle quand il pointe les risques et les dangers pour l’avenir. Tous les observateurs objectifs ne peuvent que constater que les choses s’améliorent ; d’autres peuvent choisir de ne pas regarder la réalité en face.
Nous pourrions sans doute débattre très longuement des déficits structurels. Si les chiffres sont différents d’une institution à l’autre, c’est parce qu’il existe une grande diversité des modes de calcul. M. le président Gilles Carrez et moi-même sommes d’accord sur le fait que le déficit nominal est un chiffre incontestable. Nous respecterons notre engagement en termes de déficit nominal, et nous éviterons ainsi d’avoir à nous poser de façon trop précise la question de l’évolution du déficit structurel – qui n’est examiné par la Commission européenne que lorsque lorsqu’un État membre n’a pas respecté ses engagements en termes nominaux. Cela ne nous empêchera évidemment pas de poursuivre les réformes destinées à la maîtrise des dépenses.
Madame Dalloz, pourquoi voulez-vous à tout prix être désagréable ? L’article 17 transcrit une directive européenne qui est la conséquence d’un accord international majeur sur l’échange d’informations financières. Aucune autre disposition n’est introduite, et toute la directive est transcrite, à l’exception des mesures entrant en contradiction avec le dispositif de sécurisation des données mis en place par les banques en réponse aux exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Les dispositions réglementaires sont en cours de rédaction et le décret d’application et une instruction seront publiés dans très peu de temps. Ce dispositif ne relève pas du plan de l’OCDE relatif à l’érosion des bases taxables et au transfert de bénéfices dit « BEPS », mais il contribue aux résultats du STDR et permet d’inscrire 2,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2015, et 2,3 milliards l’année prochaine. Il est donc efficace avant même d’être transcrit.
Nous sommes particulièrement attentifs aux questions de défense. Nous ne pouvons pas engager notre armée à l’extérieur et à l’intérieur du pays comme nous le faisons sans nous engager budgétairement. Nous avons travaillé sur les crédits avec le ministre de la défense pour faire en sorte que nos armées aient les moyens de faire face aux nouvelles menaces et aux nouvelles missions. Au-delà des OPEX, nous créons une ligne budgétaire particulière pour les OPINT afin de retracer les dépenses exceptionnelles occasionnées par les opérations exceptionnelles.
M. Jean-François Lamour. La ventilation est-elle identique pour les OPEX et les OPINT ?
M. le ministre. Oui. Je rappelle que l’exercice global de maîtrise des dépenses effectué en cette fin d’année amène la défense à consentir un effort de 200 millions d’euros
– qui n’est pas pris sur les lignes OPEX ou OPINT, toutes deux en progression.
Madame Pires Beaune, en septembre 2015, le déficit de la balance commerciale s’élevait à 1,6 milliard d’euros ; elle est donc quasiment équilibrée. Je rappelle qu’en 2013, ce déficit s’élevait à 43 milliards d’euros. Nous pouvons constater un redressement exceptionnel qui s’explique aussi par l’évolution du cours de l’euro.
M. le secrétaire d’État. Monsieur le président, arrêtez de dire que nous respectons notre objectif de dépenses grâce aux économies réalisées sur les intérêts de la dette ! Il faut être sérieux et rigoureux, et vous êtes trop au fait de ces questions pour ne pas savoir que ces derniers sont exclus de la norme de dépenses. Certes, nous profitons de la baisse de la charge des intérêts, mais elle nous permet de faire mieux, notamment de parvenir à une réduction du déficit plus importante que celle que nous avions prévue en loi de finances initiale.
Par ailleurs, c’est bien parce que Bruxelles nous met en demeure de respecter le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) et que nous nous sommes engagés à le faire avant la fin de l’année que nous révisons le dispositif ISF-PME. Ce faisant, nous n’aurons à régler ni remboursements ni pénalités. Je rappelle que cette réforme consiste à recentrer le dispositif sur des entreprises de moins de sept ans après la première vente commerciale dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 000 euros et sur les entreprises plus anciennes qui ont un besoin d’investissement supérieur à 50 % de leur chiffre d’affaires. Tels sont les grands principes de cette réforme, qui est indispensable si nous ne voulons pas être, passez-moi l’expression, « rattrapés par la patrouille » bruxelloise.
À ceux d’entre vous qui s’interrogent sur la faiblesse de la réduction du déficit, je rappelle que l’État supporte intégralement les baisses d’impôts et de cotisations, dont certaines apparaissent dans le PLFSS. Ainsi, la baisse de 1,8 point des cotisations d’allocations familiales sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC coûte 4,5 milliards d’euros, monsieur le président.
M. le président Gilles Carrez. Je parlais du déficit public global.
M. le secrétaire d’État. En ce qui concerne la CSPE, monsieur Mariton, sa « dette », comme vous dites, envers EDF, c’est-à-dire son déficit de compensation, apparaît clairement à la page 206 du « bleu » budgétaire : elle s’élève à 5,5 milliards d’euros. Il faut bien entendu veiller à ajuster les recettes aux dépenses : tel est l’objectif de notre réforme. Par ailleurs, je rappelle à Mme Sas, qui nous a interrogés sur les crédits de la mission Écologie, que la CSPE augmente de 1,2 milliard d’euros par an. Cela doit être pris en compte dans l’appréciation que l’on porte sur les dépenses de l’État en matière de fiscalité environnementale. Enfin, vous avez raison, monsieur Mariton : l’évolution envisagée consisterait à conserver le « stock » sur l’électricité et à élargir l’assiette, notamment aux carburants, sur le flux, à compter de 2017. Étendre l’assiette sur l’ensemble aurait été, en effet, un bouleversement trop brutal.
S’agissant du régime des sociétés mères et de leurs filiales, l’amendement vise à transcrire, à la lettre, dans notre droit le mécanisme anti-abus prévu par la directive européenne de 2015, à quoi s’ajoute une extension aux nus-propriétaires suite à un arrêt de la CJUE.
En ce qui concerne le CIR, un comité est créé afin de faciliter le dialogue entre l’administration et les entreprises, mais je vous rappelle qu’il existe aussi un dispositif de rescrit, que nous souhaitons du reste développer.
J’en viens à la fiscalité agricole. Nous examinerons avec bienveillance les amendements qui seront déposés pour faciliter la mise en œuvre de la déduction pour aléas (DPA) et assouplir les conditions de réintégration. Nous ferons également un certain nombre de propositions au sujet de la mise aux normes des bâtiments d’élevage. Par ailleurs, nous avons prévu de prélever 255 millions d’euros sur le FNGRA, en accord avec le ministère de l’agriculture. Ce fonds, consacré à l’indemnisation de dégâts liés notamment aux aléas climatiques, dispose en effet d’une trésorerie surabondante par rapport aux besoins.
Mme la rapporteure générale. Il dit pourtant qu’il n’a pas d’argent !
M. le secrétaire d’État. Aucun de mes collègues ministres n’est venu me voir en me disant qu’il avait trop d’argent, madame la rapporteure générale... Vous ne voterez pas la disposition : c’est votre choix et je le respecte. Mais le budget du ministère de l’agriculture a fait l’objet de nombreuses discussions, notamment sur la question du reversement des apurements agricoles, qui sont pris en charge de façon très solidaire. Des contreparties ont été discutées et le résultat de l’arbitrage est celui-là. Cependant, si des besoins supplémentaires apparaissaient, comme cela a pu arriver, nous procéderions à une adaptation.
Le coût de la mesure relative aux impôts locaux des personnes âgées s’élèvera, en régime permanent, à 400 millions d’euros, dont un tiers sera pris en charge, comme c’est déjà le cas, par les collectivités. Pour 2015, ces 400 millions d’euros ayant déjà été perçus par celles-ci, ils seront intégralement pris en charge par l’État. Nous réglerons cette question au cours du débat, car la mesure ne figure pas encore dans le PLFR. M. le président nous disait tout à l’heure que nous pourrions ramener le déficit à 3,7 % au lieu de 3,8 %. Nous souhaitons tenir notre trajectoire, mais nous pourrons, me semble-t-il, trouver les moyens nécessaires pour couvrir cette dépense. Je confirme qu’en termes de trésorerie, si l’on totalise 2015 et 2016, cela se traduira par un surplus de recettes pour les collectivités locales.
M. Lamour m’a interrogé sur la défense. Nous avons ouvert 3 milliards d’euros de crédits et nous en avons annulé 300 millions ; il reste donc 2,7 milliards, avec lesquels nous avons à couvrir 2,1 milliards d’euros liés au retard pris par les ventes de fréquences, 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les OPEX et 200 millions pour les OPINT. Les 200 millions manquants correspondent à la participation de la défense aux mesures nécessaires pour couvrir les dépassements.
Madame Dalloz, en ce qui concerne la fiscalité des communes nouvelles, les amendements au PLF ont été retirés au profit des dispositions du PLFR. Il n’y a donc aucune surprise dans ce domaine.
Monsieur Colas, le CITE aura coûté 900 millions d’euros en 2015 – c’est un démenti à ceux qui prétendaient que ce dispositif ne fonctionnait pas – et son montant devrait atteindre 1,4 milliard d’euros en 2016.
S’agissant des ZRR, la question des exonérations sociales a été traitée dans le PLFSS ; je n’y reviens pas. Aucune modification n’est prévue en ce qui concerne les exonérations fiscales. Le seul changement, à ma connaissance, porte sur le périmètre, qui sera revu en fonction de deux critères : la densité et la richesse. Le nombre des communes éligibles, qui est actuellement de 14 691, devrait ainsi baisser d’un millier environ.
Enfin, en ce qui concerne le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, il n’y a ni malice ni difficulté, monsieur Mariton. Le montant est connu ; l’incertitude porte sur la date du vote. La Commission européenne ne sait pas si celui-ci interviendra avant ou après le 15 décembre, ce qui peut avoir une incidence sur la comptabilité budgétaire.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du vendredi 13 novembre 2015 à 13 h 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Hervé Mariton, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Olivier Carré, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Joël Giraud, M. Jean Lassalle, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Pascal Terrasse
Assistait également à la réunion. – Mme Michèle Delaunay
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