Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 27 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Gilles Carrez, Président
puis de
M. Dominique Lefebvre,
Vice-Président

–  Audition de M. Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local (SFIL)

–  Présences en réunion

La commission entend M. Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local (SFIL).

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le président-directeur général, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre invitation. Je vous rappelle que nous avons reçu, il y a deux semaines, M. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia, puis M. Karel De Boeck, administrateur délégué et président du comité de direction de Dexia SA. Il a paru en effet utile à notre commission de faire le point sur le dossier Dexia, dont les incidences sont potentiellement considérables pour les finances publiques.

Je rappelle que la SFIL a été créée pour prendre le relais de Dexia en matière de prêts aux collectivités locales. Son capital est réparti entre l’État, actionnaire de référence à hauteur de 75 %, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour 20 %, et La Banque postale (LBP) pour les 5 % restants. Cette dernière et la Caisse ont créé, par ailleurs, une coentreprise, La Banque postale Collectivités locales, dont elles sont actionnaires respectivement à hauteur de 65 % et de 35 %, chargée de la commercialisation des nouveaux prêts.

La SFIL a, quant à elle, bénéficié d’une avance de l’ordre de 12 milliards de la Caisse des dépôts, et elle fournit à La Banque postale toutes les prestations nécessaires pour que celle-ci puisse proposer des offres de prêt au secteur local. Elle assure également le refinancement via une filiale à 100 %, la Caisse française de financement local (CAFFIL), société de crédit foncier qui a repris les activités de Dexia Municipal Agency (DMA). Enfin – et je suis certain que nous aborderons ce sujet ce matin –, elle s’emploie à réduire le risque associé à certains prêts structurés hérités de Dexia.

Depuis votre précédente audition par notre commission, le 12 juin 2013 – vous étiez alors accompagné de M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale –, la loi de finances pour 2014 a créé un fonds de soutien aux collectivités territoriales et aux hôpitaux ayant souscrit des emprunts toxiques, fonds dont les montants sont élevés : 3 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, 300 millions pour les hôpitaux. En outre, la loi du 29 juillet 2014 est venue « sécuriser » les contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.

En juin 2013, vous nous aviez dit craindre la baisse régulière des dotations de l’État aux collectivités. Avez-vous ressenti, depuis, les effets de cette baisse dans votre activité de prêteur ? Vous vous étiez notamment fixé un objectif annuel moyen de 5 milliards d’euros de prêts. Qu’en est-il, aujourd’hui, de ces prêts nouveaux ? Comment l’Agence France locale s’insère-t-elle dans la concurrence ? Comment la notation de la SFIL et de la CAFFIL a-t-elle évolué ?

Je conclurai mon propos en évoquant la question des contentieux. Lors de votre précédente audition, seule la décision du tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre était intervenue. Le tribunal avait annulé le contrat pour des raisons de forme : le taux effectif global (TEG) ne figurait pas dans les télécopies échangées préalablement à la signature du contrat de prêt. Quelle est votre appréciation des décisions de justice intervenues depuis lors ? Comment les opérations de désensibilisation des prêts à risque se déroulent-elle ? Enfin, comment se développe votre nouvelle activité de refinancement des grands crédits à l’exportation ?

M. Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local. Votre introduction, monsieur le président, recoupe en partie la mienne. J’ajouterai un élément : la SFIL, qui est détenue majoritairement par l’État, est une banque publique de développement dont l’ensemble des activités – c’est-à-dire, d’une part, le financement des collectivités et des hôpitaux et, d’autre part le refinancement des grands contrats à l’exportation – ont été autorisées par la Commission européenne en raison d’une défaillance de marché.

Je me propose, tout d’abord, de dresser devant vous le bilan des trois premières années d’existence de la SFIL, qui a été créée le 1er février 2013, avant de vous donner des éléments de perspective pour les années 2016 et 2017.

Je veux d’ores et déjà souligner trois points. Premièrement, nous avons rempli la première mission qui nous avait été confiée, à savoir le refinancement des collectivités locales et des hôpitaux publics en partenariat avec La Banque postale. Le dispositif public a en effet atteint son régime de croisière, puisque le montant des prêts qu’il a accordés en 2015 s’élève à 5 milliards d’euros et que nous détenons ainsi 25 % des parts de marché. Quant à notre seconde mission, le refinancement des grands contrats à l’exportation, qui nous a été confiée au printemps 2015, elle est désormais pleinement opérationnelle. Ainsi, après avoir été en déficit en 2013, 2014 et 2015, en raison notamment des coûts liés à la transformation des prêts structurés à risque, la SFIL va devenir rentable en 2016 et le rester, indépendamment de son activité de refinancement des crédits à l’exportation.

On peut résumer le bilan de l’activité de la SFIL pour les années 2013-2015 et les perspectives pour l’année 2016 en cinq points.

Premièrement, le dispositif public SFIL-LBP est devenu, en trois ans, le premier financeur du secteur public local en France. Le montant des prêts s’est élevé à 3,3 milliards en 2013, à 4,1 milliards en 2014 et à 5 milliards en 2015, soit 25 % des parts de marché dans le secteur du financement des collectivités locales et des hôpitaux publics. Le niveau de production est ainsi parfaitement conforme au plan d’affaires présenté à la Commission européenne en 2012.

Deuxièmement, la SFIL est un émetteur « reconnu et recherché », pour reprendre les termes utilisés par le sénateur Maurice Vincent. La CAFFIL a en effet émis, depuis juillet 2013, près de 15 milliards d’euros dans de très bonnes conditions, conditions qui se sont d’ailleurs constamment améliorées au cours des trois années considérées. Nous sommes ainsi le premier émetteur européen d’obligations sécurisées refinançant des actifs publics. Depuis l’an dernier, la SFIL elle-même est devenue un émetteur de titres à court terme, pour un montant d’environ 600 millions d’euros que nous prévoyons de porter progressivement, dans les prochaines années, à 2 milliards. En outre, nous envisageons d’étendre, en 2016, ces émissions au marché obligataire, donc au-delà d’une maturité à un an.

Troisièmement, la majorité des prêts à risque – 56 % pour l’ensemble des emprunteurs, 61 % pour les seules collectivités locales – sont d’ores et déjà entièrement transformés. Cette transformation est homogène sur toutes les catégories de prêts, y compris les plus difficiles d’entre eux, c’est-à-dire ceux, hérités de Dexia, qui sont indexés sur l’euro franc suisse (EUR/CHF). Ainsi, 55 des 67 petites collectivités de moins de 10 000 habitants concernées par les prêts EUR/CHF, soit 82 % d’entre elles, ont été totalement désensibilisées : elles n’ont plus aucun prêt risqué. Notre objectif est qu’à la fin de 2016, la quasi-totalité des encours les plus sensibles, c’est-à-dire les prêts « hors charte Gissler », aient été traités par la SFIL.

Quatrièmement, la nouvelle activité de refinancement export modifie la nature de la SFIL, puisque nous ne sommes plus spécialisés dans une seule activité, et sa dimension puisqu’il s’agit d’un schéma de place : nous pouvons coopérer avec toutes les banques. L’objectif est d’utiliser les performances de la plateforme de refinancement que représente la SFIL pour offrir aux grands exportateurs français de meilleures conditions – en termes de maturité, de prix et de volume – que celles qui leur sont actuellement proposées par les banques privées. La SFIL diversifie ainsi son portefeuille d’activités sans risques additionnels pour l’État, puisque nous n’utilisons que des dispositifs existants.

Ainsi notre rentabilité devrait devenir structurellement positive à partir de 2016.

En ce qui concerne le financement en partenariat avec LPB du secteur public local, le montant de la production a atteint, en 2015, 5 milliards d’euros, sur un total de 10,4 milliards depuis le début de notre activité. S’y ajoutent 2,2 milliards de financements nouveaux qui ont été accordés directement par la SFIL, sans passer par le circuit de La Banque postale, dans le cadre de la renégociation des prêts structurés à risque. En outre, la SFIL est très présente sur l’ensemble des segments du secteur public local, à l’exception des régions, qui se financent essentiellement via des prêts de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d’investissement (BEI) ou des financements obligataires. En ce qui concerne les autres acteurs – communes, groupements de communes, départements –, nos parts de marché sont assez proches de la part qu’ils ont dans la dette totale des collectivités locales.

Cette augmentation régulière de la production de prêts de SFIL-LBP s’explique par quatre facteurs principaux. Premièrement, le réseau de distribution de La Banque postale est de plus en plus présent sur tous les segments, notamment les grands comptes et les hôpitaux, sur lesquels elle était un peu en retrait au cours des années précédentes. Deuxièmement, le bon fonctionnement du dispositif, notamment notre capacité de refinancement sur des maturités longues, nous permet de proposer des offres de prêts sur des maturités plus longues qu’au début de notre activité. Ainsi, environ la moitié des offres de prêts émises en 2015 ont une durée supérieure à quinze ans, ce qui correspond à l’objectif fixé initialement au dispositif public par la Commission européenne. Troisièmement, l’offre bancaire est plus compétitive par rapport aux émissions obligataires, en raison de l’abondance des liquidités injectées par la Banque centrale européenne. Quatrièmement, le niveau des taux, historiquement bas, peut inciter certaines collectivités ou certains hôpitaux à anticiper une partie de leurs financements. J’ajouterai que, pour des raisons qui tiennent au ratio réglementaire – n’ayant pas les dépôts des collectivités, elles ne peuvent leur proposer certains services assortis des commissions afférentes –, les banques privées ont intérêt à se focaliser sur les crédits immobiliers ou les crédits aux PME.

La SFIL-LBP ne pourrait atteindre un tel niveau de production de prêts si la défaillance de marché des acteurs privés n’était pas persistante. Du reste, les acteurs publics assurent plus de la moitié du besoin de financement du secteur public local en 2015.

J’en viens maintenant aux conditions de financement. Depuis 2013, 14,7 milliards d’euros ont été levés par la CAFFIL : 3 milliards en 2013, 4 milliards en 2014, 6,2 milliards en 2015 et, à ce jour, 1,6 milliard en 2016, l’objectif étant fixé à 7 milliards pour l’ensemble de l’année. Nous avons, en tant qu’émetteur, deux caractéristiques propres. Premièrement, parmi les investisseurs qui achètent les titres émis par la CAFFIL, la demande – hors programme d’achat de la Banque centrale européenne – des banques centrales et des fonds souverains est particulièrement forte : elle représente 30 % de nos livres d’ordre en 2014 et 51 % en 2015. Cette caractéristique est due au fait que la SFIL est une banque entièrement publique, qui se rapproche davantage d’une agence publique telle que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) que d’une banque privée. Deuxièmement, nous avons une capacité d’émission spécifique sur les maturités longues, puisque nous sommes le seul émetteur français de ce type d’obligations à avoir émis à quinze ans et à vingt ans. En outre, la SFIL en tant que telle a commencé à faire du refinancement à court terme sur les marchés.

Par ailleurs, nous réfléchissons à la mise en place d’un dispositif de financement de la SFIL sur les marchés obligataires – il s’agit d’installer sa signature en 2016 –, notamment pour faire des émissions en dollars américains qui permettraient d’assurer une meilleure compétitivité du programme de refinancement des crédits export. Nous en discuterons au sein de notre conseil d’administration à la fin du mois de mars.

J’en viens maintenant à la gestion des crédits à risque hérités de Dexia. Lors de la création de la SFIL, 879 emprunteurs détenaient 8,5 milliards d’euros de prêts structurés sensibles – dont 704 collectivités locales, pour 6,7 milliards –, sur un total de plus de 19 000 emprunteurs et de 44,5 milliards d’encours de prêts au secteur public local français. Ces prêts représentaient donc 19 % du stock et 4 % des emprunteurs ; ceux d’entre eux détenus par les seules collectivités locales représentaient 15 % des emprunteurs et 3,5 % du stock. Depuis la création de la SFIL, l’ensemble de ces emprunteurs, à quelques rares exceptions près, ont reçu une ou plusieurs offres de transformation de leurs prêts : plus de 500 opérations ont été réalisées avec 450 emprunteurs, dont près de 400, parmi lesquels environ 350 collectivités locales, ont été entièrement débarrassés de ces prêts.

Sur la base de ces opérations – c’est-à-dire si la SFIL arrêtait aujourd’hui toute négociation –, l’encours de ces prêts serait, au 31 décembre 2016, de 3,7 milliards au maximum, pour 478 emprunteurs, dont 356 collectivités pour 2,6 milliards, le nombre d’emprunteurs total étant estimé à 17 000 pour 46 milliards d’euros. L’encours total a donc baissé de 56 % et celui des seules collectivités locales de 61 %. Ainsi, une collectivité locale sur deux et plus de 60 % de leur encours initial ont d’ores et déjà été définitivement désensibilisés. Si nous respectons les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2016 en matière de transformation de prêts, l’encours constitué par ces derniers ne devrait plus représenter, à la fin de cette année, que 5 % du stock, contre près de 20 % initialement, soit une division par quatre en quatre ans.

Cette baisse importante a été obtenue sur l’ensemble des prêts sensibles. Ceux-ci ont été classés, dès la création de la SFIL, avec l’accord de son conseil d’administration, en cinq catégories, des prêts les plus compliqués aux moins compliqués. Les trois premières catégories (S1, S2 et S3) correspondent aux prêts « hors charte Gissler » et aux prêts liés à une relation de change. Les deux premières (S1 et S2) – qui regroupent, pour l’une les petites collectivités et les petits hôpitaux, pour l’autre les collectivités et les hôpitaux de taille moyenne ou grande – comprennent les prêts indexés sur EUR/CHF, qui sont aujourd’hui activés, c’est-à-dire qu’ils sont dans la phase structurée et que l’on paie des taux élevés ou très élevés. La troisième catégorie (S3) regroupe les collectivités ou les hôpitaux dont les prêts sont indexés sur d’autres cours de change ; les deux principales relations concernées sont des parités croisées entre dollar et euro et euro et franc suisse et des parités entre le dollar et le yen japonais. Les deux dernières catégories (S4 et S5) correspondent aux autres prêts sensibles inscrits dans la charte Gissler et qui ne sont pas liés à une relation de change mais à des écarts de taux, souvent entre un taux court et un taux long – ce que les financiers appellent les « prêts de pente ».

L’ensemble de ces types de prêts ont été désensibilisés à proportion de leur encours dans le stock initial. La transformation des prêts indexés sur EUR/CHF (S1 et S2) s’est significativement accélérée en 2015, si bien que près des deux tiers – 64 % pour être précis – des collectivités qui avaient ce type de prêts n’en ont plus.

L’année 2016 sera très active, en raison notamment du déploiement du fonds de soutien, qui a débuté à la fin du mois de septembre 2015. Les emprunteurs qui sont chez la SFIL représentent 584 des 676 dossiers soumis au fonds. À ce stade, les prêts de plus de 50 % d’entre eux ont été d’ores et déjà transformés, alors même que les notifications ont commencé à être envoyées à la fin du mois de septembre 2015. La SFIL parvient donc à désensibiliser l’ensemble des dossiers en adéquation avec le rythme des notifications. Notre objectif est d’atteindre, fin 2016, environ 2 milliards d’encours total, dont 900 millions de prêts « hors charte Gissler », et de faire en sorte qu’il n’y ait presque plus de prêts de ce type fin 2017.

Il s’agit, pour la SFIL, d’un véritable défi opérationnel, car il nous faut traiter plusieurs dizaines d’opérations par mois. Un process est donc mis en place en coordination avec le fonds de soutien, dans le cadre d’une discussion avec les collectivités et les hôpitaux concernés. Il nous faut également tenir compte de ce que peuvent faire les marchés financiers. Il est donc très important que les notifications aux collectivités et aux hôpitaux soient étalées dans le temps pour que les transformations de prêts puissent se faire dans les meilleures conditions vis-à-vis des marchés financiers.

J’en viens maintenant à l’activité de refinancement des crédits à l’exportation. Pourquoi cette nouvelle mission a-t-elle été confiée à la SFIL ? Tout d’abord, il existe, depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers, une défaillance de marché dans ce domaine. En outre, nombre de pays de l’OCDE ont créé des dispositifs publics, qu’il s’agisse d’agences ou de banques publiques, pour prêter directement à leurs grandes entreprises ou refinancer les prêts commercialisés par des banques privées. Face à ce constat, la France a décidé de créer un dispositif de place qui s’inspire des schémas de la Suède et de la Finlande et qui a été confié à la SFIL parce que la taille de son bilan est suffisante et qu’elle a été performante en termes de maturité et de coût dans l’exercice de sa première mission.

La mise en place du dispositif a été réalisée selon le calendrier prévu : annoncé par l’État au premier trimestre 2015, il a été autorisé par la Commission européenne au mois de mai et mis en place au second semestre 2015, de sorte que les premières offres ont déjà été proposées pour des transactions à clôturer en 2016. Dans ce domaine, la SFIL intervient comme un dispositif de place, à côté des banques commerciales – nous avons un accord avec seize d’entre elles, dont douze ont d’ores et déjà signé –, à qui elle permet d’améliorer les conditions de maturité, de volume et de coût offertes à l’acheteur export. Les banques qui ont commercialisé ces refinancements nous cèdent tout ou partie de la créance, qu’elles peuvent déconsolider. Je précise que l’intervention de la SFIL ne concerne que la partie du crédit assurée par la COFACE, car son bilan doit être homogène : il ne peut porter que des actifs publics ou garantis par la puissance publique. La SFIL intervient sur les prêts supérieurs à 70 millions d’euros, qui concernent les grandes entreprises – une vingtaine d’entre elles sont susceptibles d’utiliser régulièrement ce type de contrats –, Bpifrance intervenant, quant à elle, sur les prêts d’un montant inférieur à 70 millions d’euros, qui concernent les PME.

L’adhésion de seize banques au dispositif proposé par la SFIL permet de couvrir plus de 90 % du marché assuré par la COFACE. Nous avons d’ores et déjà émis des lettres d’intérêt à l’appui de la démarche commerciale de grands exportateurs français pour faciliter leurs négociations. Nous avons identifié 10 milliards d’euros de marchés potentiels, répartis sur 31 contrats auprès de douze banques, dont 2 milliards de marchés pourraient se conclure en 2016.

J’en viens enfin à la trajectoire financière de la SFIL. Ses résultats ont été négatifs en 2013 et 2014, et ils le seront également en 2015, en raison notamment de sa contribution aux deux fonds de soutien et des coûts de la désensibilisation, en particulier les réductions de charges d’intérêts accordées aux petites collectivités. À partir de 2016, les résultats comptables et tendanciels seront positifs, grâce au niveau de production au secteur public local, aux conditions de financement, qui demeurent très bonnes et permettent de réaliser une marge correcte, et à la réussite de la politique de désensibilisation, qui entraîne une baisse des coûts associés. J’ajoute que les revenus générés par l’activité crédit export viendront renforcer cette tendance à partir de 2017, en introduisant en outre un facteur de diversification.

En conclusion, l’activité de la SFIL est bien engagée sur le refinancement des collectivités locales et des hôpitaux et elle est opérationnelle sur le crédit export, de sorte qu’elle deviendra rentable dans les prochaines années.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je souhaiterais savoir ce que recouvre précisément le terme de « désensibilisation ». Cela signifie-t-il que vous avez débouclé le contrat initial ou que vous l’avez couvert ?

M. le président-directeur général de la SFIL. La désensibilisation consiste à transformer le contrat structuré initial en prêt à taux fixe pour le reste de sa durée de vie.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit donc d’un swap, et non d’un débouclage.

M. le président-directeur général de la SFIL. Nous débouclons l’opération initiale avec une contrepartie bancaire et nous couvrons la nouvelle opération sur des prêts à taux fixe, de sorte que nous supprimons la nature structurée du prêt présent dans le stock de la collectivité ou de l’hôpital.

Mme la rapporteure générale. Vous avez donc un risque de contrepartie, puisque vous devez trouver une contrepartie bancaire pour « matcher » le contrat initial. Est-ce bien cela ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Oui.

Mme la rapporteure générale. Vous développez donc, de fait, du risque de contrepartie.

M. le président-directeur général de la SFIL. Pour transformer un prêt, il nous faut trouver une contrepartie bancaire qui soit prête à assumer cette transformation.

M. le président Gilles Carrez. Est-ce cela qui génère des coûts pour votre structure ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Non. Les coûts supportés par la SFIL sont liés à ses contributions aux fonds de soutien et aux réductions de charges d’intérêts qu’elle a accordées aux petites collectivités. Ces deux éléments ont un impact sur le produit net bancaire (PNB), le résultat et les fonds propres. En tant que telle, la transformation du contrat ne génère pas de coûts. Nous avons l’avantage – c’est un constat – d’avoir de nombreuses contreparties bancaires. Ainsi, sur les seuls prêts EUR/CHF, quatorze d’entre elles sont actives ; il s’agit des grandes banques françaises, européennes et américaines. Pour chaque opération, nous allons donc chercher le mieux-disant pour faire le prix d’option de change aux horizons de ces prêts, qui sont souvent longs – leur durée de vie résiduelle est généralement comprise entre quinze et vingt ans. Ensuite, nous réalisons le débouclage des prêts ainsi que l’opération miroir de couverture sur les nouveaux prêts, qui sont à taux fixe. La collectivité est ainsi débarrassée de son prêt structuré. C’est un point très important car, auparavant, j’y insiste, les opérations de « désensibilisation » n’étaient pas faites de cette manière : le taux était temporairement abaissé, mais le contrat était maintenu et demeurait valable, de sorte qu’il pouvait redevenir dangereux quelques années plus tard. Nous, nous transformons le contrat : nous éliminons l’aléa. Cette politique est celle qui a été définie par notre conseil d’administration et demandée par la Commission européenne et la BCE.

Il n’y a pas de changement de contrepartie : nous allons la chercher parmi celles qui sont déjà exposées à la SFIL et auxquelles celle-ci est déjà exposée. Nous n’augmentons donc pas globalement le risque de contrepartie bancaire par rapport au stock existant.

Mme la rapporteure générale. Je ne partage pas totalement votre point de vue. Je comprends que la collectivité est débarrassée de ce prêt structuré, et c’est très bien. Mais, dans votre rapport d’activité, vous ne mentionnez jamais le risque de contrepartie. Or, de fait, la SFIL est exposée, car les banques qui vont intervenir dans l’opération vont demander du collatéral. J’aimerais donc savoir comment vous négociez ces conditions et combien cela vous coûte. Par ailleurs, un certain nombre de ces prêts structurés vendus par Dexia aux collectivités ont été fabriqués par des établissements bancaires. Dès lors, n’était-il pas possible de les déboucler auprès de ces établissements plutôt que de chercher une autre contrepartie ? Enfin, le risque, pour la SFIL, est-il lié à un environnement de taux bas ou à un environnement de taux élevés ?

M. le président Gilles Carrez. Autrement dit, la question revêt deux aspects. On a bien compris ce qu’il en était des collectivités locales. Mais vous dirigez une entité publique dans laquelle la participation de l’État s’élève à 75 %. Or, nous, nous sommes responsables devant le contribuable. Nous souhaiterions donc savoir quelle est la part du risque que vous faites porter à celui-ci, à travers la structure publique que vous dirigez, dans les opérations de débouclage ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Je vais vous rassurer : nous réduisons les risques. Aujourd’hui, les prêts structurés tels qu’ils existent sont hors marché. Lorsque nous les renégocions, c’est avec le même type de banques, voire, souvent, avec la banque initiale, que nous menaçons de renégocier avec une autre pour l’amener à nous proposer les meilleures conditions. Je vous rappelle que le programme d’émissions de la SFIL est important, qu’il s’agit d’émissions publiques qui donnent lieu, comme pour n’importe quel émetteur, à des commissions associées que nous négocions de la manière la plus « écossaise » possible. C’est ainsi que nous agissons dans le cadre de la gestion du stock des dérivés globaux de la SFIL et dans celui des grands contrats à l’exportation : les douze banques qui ont signé avec nous sont toutes des contreparties en termes de gestion de dérivés. L’appréciation que nous portons sur leur comportement est donc globale. Par ailleurs, en transformant ces prêts et en les remettant sur le marché, nous réduisons le niveau de risque de notre exposition et, à terme, les swaps structurés correspondants. L’évolution de ces contrats contribue donc également à réduire le risque pour la SFIL.

Du point de vue de l’environnement de taux, la SFIL est une banque un peu particulière. Sa mécanique est une mécanique de refinancement adossé. La maturité de nos refinancements est très proche, en durée actuarielle, de celle des prêts que nous accordons. Contrairement à une banque généraliste ordinaire, nous n’avons pas une activité usuelle de transformation. La problématique du niveau de taux ne s’applique donc pas à la SFIL de la même manière. Par ailleurs, le niveau des taux actuellement extrêmement bas – une collectivité dont la situation financière est moyenne peut obtenir des conditions de financement à vingt ans autour de 2 %, c’est-à-dire au niveau de l’inflation prévue par la BCE – facilite plutôt la renégociation des prêts structurés sensibles. Puisque nous offrons des renégociations sans marge associée, l’écart qui existe entre le taux initial du prêt et celui que nous pouvons accorder sert à absorber une partie du surcoût lié à la transformation du prêt. Nous invitons, du reste, les collectivités à saisir l’opportunité qu’offrent ces taux très bas pour renégocier leurs prêts. En somme, des taux bas sont plutôt favorables à la renégociation des prêts structurés à risque, mais la courbe des taux est relativement neutre quant à la manière dont nous pouvons opérer en termes de rentabilité.

Mme la rapporteure générale. Ma dernière question dépasse un peu le cadre de la désensibilisation. Aujourd’hui, l’ensemble des collectivités locales paient 3 milliards d’euros d’intérêts par an, ce qui n’est pas négligeable ; certaines d’entre elles tentent donc de renégocier leurs prêts, dont les taux sont élevés. Comment se fait-il, selon vous, que, dans le contexte que vous venez d’exposer, nombre d’établissements refusent cette renégociation, qui permettrait d’abaisser ces taux fixes de 4 % ou 4,95 % à 2,5 % ou 2 % ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Cela s’explique par le fait qu’une baisse de taux aussi massive a un coût de sortie associé.

Mme la rapporteure générale. Mais elles ne sont pas adossées à 100 % ; il s’agirait de les refinancer sur des maturités plus ou moins courtes.

M. le président-directeur général de la SFIL. Dans les contrats de prêts habituels des collectivités locales, la transformation d’un prêt à 5 %, soit le taux moyen qui était pratiqué avant la crise financière, en un prêt à 2 % a un coût de transformation non négligeable.

Mme la rapporteure générale. À combien l’estimez-vous ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Je n’ai pas fait le calcul en point de base mais, pour un prêt à quinze ou vingt ans, il représente environ 30 %, voire plus, du capital restant dû.

M. Marc Goua. Les montants demandés aux différents emprunteurs au titre de l’indemnité de remboursement anticipé (IRA) sont tellement colossaux que l’on peut penser qu’ils permettent de désensibiliser totalement les crédits. À une collectivité que je connais bien, dont l’encours est de 3,6 millions, on demande 11 millions au titre de l’IRA. Je ne comprends pas qu’il existe encore un risque de contrepartie pour la SFIL ! Par ailleurs, compte tenu des résultats prévisionnels, celle-ci ne devra-t-elle pas être recapitalisée en 2018 si elle n’obtient pas de dérogation ? Enfin, que pensez-vous du jugement rendu le 7 janvier 2016 dans lequel le tribunal de Paris reconnaît le défaut de conseil dont a été victime la commune de Laval à propos d’un swap ?

M. Dominique Lefebvre. Le fait est que, depuis 2012, grâce à l’action de la majorité, le niveau des risques a diminué. Vous nous dites que le couteau suisse qu’est la SFIL, puisqu’elle devait régler plusieurs problèmes simultanément – assurer le financement des collectivités locales, régler le problème lié à l’exposition d’un certain nombre d’entre elles – fonctionne plutôt bien. Ainsi, une partie importante du stock d’emprunts toxiques est désensibilisée. Aujourd’hui, les collectivités qui ont bénéficié de cette opération ne sont donc plus exposées au risque et le risque juridique lié à d’éventuels recours est réglé. Reste le risque résiduel auquel sont exposées celles qui n’ont pas accepté de compromis et qui n’ont donc pas renoncé aux recours. Compte tenu de la manière dont la SFIL parvient à se refinancer sur les marchés, je comprends que ceux-ci considèrent, pour l’instant, qu’il n’y a pas de risque. Mais pouvez-vous nous dire ce qu’il en est exactement ?

M. Patrick Hetzel. Le développement des activités de la SFIL dans le refinancement des crédits export permettrait, selon vous, de limiter le risque. Mais, le FMI ayant récemment révisé à la baisse sa prévision de croissance mondiale pour 2016, on peut se demander s’il ne va pas, au contraire, contribuer à augmenter le risque stratégique pour la SFIL.

M. Jean-Louis Gagnaire. Les réponses que vous avez faites à notre rapporteure générale ne me rassurent pas entièrement. Nous avons compris que le risque s’était déplacé et portait désormais sur la SFIL et qu’un risque global pesait sur les finances publiques. En vous écoutant, on a le sentiment que vous avez géré l’ensemble des débouclages ou des désensibilisations. Or, il semblerait qu’un certain nombre de collectivités se soient débrouillées seules. Je souhaiterais donc connaître la part qu’a prise la SFIL dans cette désensibilisation. Par ailleurs, pourquoi transformer les prêts hautement toxiques en des prêts à taux fixe plutôt qu’en des prêts à taux variable capé ?

En ce qui concerne votre activité en matière de crédits export, vous n’avez mentionné qu’une seule fois Bpifrance. Celle-ci consent des prêts à l’export pour des petits crédits, jusqu’à 5 millions d’euros, alors que l’activité de la SFIL concerne les prêts supérieurs à 70 millions d’euros. Il semblerait donc qu’il existe des trous dans la raquette. En tout état de cause, je souhaiterais connaître l’articulation de la SFIL avec Bpifrance, dont je rappelle qu’elle a été créée pour porter l’ensemble des financements aux entreprises.

M. Éric Alauzet. La désensibilisation consiste à effacer un coût potentiel exponentiel, mais elle se traduit par un surcoût. Quelle est la part de ce surcoût que supportent respectivement la SFIL et les collectivités ? Puisque ce sont surtout ces dernières, me semble-t-il, qui sont affectées par cette conversion du risque, en raison notamment de l’augmentation des taux, je souhaiterais savoir quel est l’impact de ces nouveaux prêts sur leurs finances. Par ailleurs, comment les 300 millions annuels alloués par l’État et les banques sont-ils mobilisés pour atténuer ce surcoût ? Enfin, il semble que ce soit dans la catégorie S1 des prêts structurés, celle qui concerne les plus petites collectivités, que l’on recense le moins de transformations. Comment l’expliquez-vous ? La part de prêts structurés est-elle plus importante dans ces petites collectivités que dans les grandes ?

M. Joël Giraud. Je remercie M. Mills pour la clarté de son exposé, ainsi, d’ailleurs, que les équipes de la SFIL qui, lorsque nous avons affaire à elles, font preuve de professionnalisme et de pédagogie.

La création du fonds de soutien incite les élus à devoir réagir rapidement, puisque les collectivités ont trois mois pour choisir entre, d’une part, une négociation à l’amiable et une aide de ce fonds et, d’autre part, le recours en justice. Ce procédé vous a permis de clore de très nombreux contentieux en 2015, et plusieurs autres depuis le début de cette année. Or, le jugement rendu par le TGI de Nanterre le 26 juin 2015 a retenu le défaut d’information de Dexia Crédit local dans le litige qui l’oppose à la commune de Saint-Cast-le-Guildo. Depuis, la commune de Quiberon a voté une délibération favorable à une action en justice, et celle d’Angoulême s’interroge. Robert de Metz, le président du conseil d’administration de Dexia, que j’ai interrogé à ce sujet le 13 janvier, a botté en touche et m’a fait répondre par un de ses collaborateurs que ces communes n’étaient même pas clientes de Dexia-Crédit local... Pensez-vous que ce jugement puisse faire jurisprudence et inciter davantage de communes à se priver du fonds de soutien pour dénoncer les contrats passés avec Dexia ?

M. Alain Rodet. En cette année du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, on mesure le gâchis qu’a été la privatisation, en 1993 du Crédit local de France. S’il était resté dans le périmètre de la Caisse des dépôts, nous aurions sans doute évité la plupart de ces dérives. Par ailleurs, nombreux sont les élus qui se doutaient que ces prêts étaient frelatés. D’ailleurs, n’importe quel cadre de catégorie B de la fonction publique territoriale était en mesure de les détecter. Tout cela est donc un vaste gâchis !

M. David Comet. Ma question porte sur la situation budgétaire de la ville d’Angoulême et, plus précisément, sur les emprunts structurés souscrits auprès de Dexia. En effet, cette commune détient, depuis 2008, trois emprunts dits toxiques pour un capital restant dû qui s’élevait, au 15 décembre 2015, à 32,6 millions d’euros. Après négociation, les dernières propositions de la SFIL permettraient de réduire le coût budgétaire pour la ville à 925 000 euros. Néanmoins, lors du dernier conseil municipal en date du 18 janvier, l’ensemble des élus ont estimé que le coût de sortie demeurait prohibitif. Dès lors, il me paraît juste et équitable, compte tenu des enjeux financiers au plan judiciaire, que le surcoût final de l’opération n’excède pas 700 000 euros. En effet, des éléments objectifs plaideraient en faveur du dossier de la ville d’Angoulême si l’option contentieuse était menée à son terme. D’une part, le TGI avait jugé, en première instance, en juillet 2014, que le TEG était faux, ce qui impliquerait le remboursement à Angoulême de 3,4 millions d’intérêts, remboursement contrarié par la loi du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public. D’autre part, si les jugements rendus par le TGI de Nanterre en juin 2015 et par celui de Paris le 7 janvier 2016 devaient faire jurisprudence, les notions de défaut d’information et de mise en garde seraient invoquées par le juge. Pouvez-vous vous engager solennellement à ce que le surcoût budgétaire pour la ville d’Angoulême n’excède pas ces 700 000 euros ?

M. Michel Vergnier. Ma question n’a rien de technique ; elle est celle d’un élu de base. Vous agissez de manière curative, et il est de notre responsabilité de vous interroger sur les conséquences de cette action. Mais je souhaiterais savoir quelles actions préventives et pédagogiques vous menez auprès des collectivités. Quels conseils leur prodiguez-vous et quel est le suivi mis en place afin d’éviter que nous ne nous retrouvions à nouveau dans des situations identiques ?

Mme Véronique Louwagie. Je souhaiterais revenir sur votre nouvelle activité de refinancement des contrats à l’exportation, car elle constitue également l’un des principaux axes de développement de Bpifrance. On peut donc se demander s’il est pertinent que deux structures interviennent côte à côte sur un marché peu lisible, où un grand nombre d’organismes sont déjà présents, alors que les entreprises réclament davantage de simplification, voire un guichet unique. Une concertation entre la SFIL et Bpifrance a-t-elle eu lieu à ce sujet ? Enfin, l’intégration de la COFACE dans Bpifrance va-t-elle contribuer à modifier vos interventions ou la nature de vos activités ?

M. le président-directeur général de la SFIL. Je vous remercie pour vos nombreuses questions. Encore une fois, la manière dont la SFIL renégocie les prêts structurés réduit le risque. J’ajoute qu’une partie de l’indemnité de sortie est payée à l’aide du fonds de soutien, de sorte que le degré d’exposition globale baisse. Et, encore une fois, la manière dont nous gérons nos relations avec nos contreparties bancaires reste la même. Du reste, comme toute banque, nous avons, sur chacune de ces contreparties, des limites que nous ne dépassons pas dans le cadre de nos opérations de transformation des prêts à risque.

S’agissant des montants d’IRA évoqués par M. Goua, les chiffres que j’ai en tête ne sont pas aussi élevés pour les prêts que nous avons hérités de Dexia. Le montant de l’indemnité peut être très élevé – le double du capital restant dû – pour les prêts EUR/CHF, mais il est, fort heureusement, bien inférieur pour les autres types de prêts, qu’il s’agisse des prêts de change ou surtout des prêts de pente. En matière d’aide à la renégociation de prêts, notre capacité est désormais démontrée. Ainsi – et je réponds à M. Alauzet –, ce sont les collectivités les plus risquées qui ont désensibilisé le plus : plus de 80 % de celles relevant de la catégorie S1 n’ont plus rien. Nous avons donc réussi à transformer les prêts des collectivités pour lesquelles, objectivement, d’un point de vue financier, le risque était le plus élevé.

Par ailleurs, le jugement rendu dans l’affaire concernant la commune de Laval concerne un swap ; il porte donc sur une prestation de service, et non sur une couverture de risque liée à un prêt destiné à financer une collectivité. Or, les obligations d’information sont plus élevées dans ce type de contrats que dans les contrats de prêt en tant que tels. Je rappelle, en outre, que, sur tous ces autres moyens, la commune a été déboutée et que le tribunal a renvoyé aux parties l’évaluation des conséquences du défaut de conseil. Quant au jugement concernant la commune de Saint-Cast-le-Guildo, permettez-moi de le resituer dans son contexte, qui est différent de celui qui a été initialement perçu. Du reste, un certain nombre d’élus locaux ont déclaré depuis, dans la presse régionale, que ce jugement était une victoire à la Pyrrhus. Je m’explique. La commune de Saint-Cast-le-Guildo est la seule petite collectivité ayant souscrit un prêt EUR/CHF qui n’a pas été candidate au fonds de soutien. En première instance, le tribunal de Nanterre l’a débouté de tous ses moyens, à l’exception de celui concernant le défaut de conseil de Dexia, dont le préjudice a été évalué à 800 000 euros. Mais le montant des impayés de la commune s’élevait à 1,5 million d’euros. Les deux décisions étant exécutoires, elle a dû payer la différence. En outre, son contrat, donc le risque, reste le même. Si elle s’était portée candidate au fonds de soutien, elle aurait reçu de celui-ci une aide beaucoup plus importante que les dommages et intérêts qu’elle a perçus pour défaut de conseil. Enfin, dernier élément, la commune a fait appel, en octobre, du jugement de première instance…

S’agissant des niveaux de risque, je vous ai présenté une photographie à l’instant T. Les opérations de transformation prennent beaucoup de temps : nous devons analyser les comptes de la collectivité ou de l’hôpital, réunir un comité de crédit, nous mettre d’accord avec la collectivité sur le point de savoir si elle veut modifier ou non son profil d’amortissement, etc. Ainsi, les collectivités qui ont conclu une opération avec nous ont été, dans 90 % à 95 % des cas, contactées un an ou un an et demi auparavant et ont reçu plusieurs propositions de la part de la SFIL. Le processus est donc très long, de sorte que plusieurs négociations sont en cours. Le fait que certaines collectivités n’aient pas encore transformé leurs prêts s’explique par le choix des élus : certains veulent recevoir la notification du fonds de soutien et connaître le montant précis de l’aide, à l’euro près, avant de réaliser l’opération ; d’autres attendaient deux décisions qui sont intervenues à la fin de l’année 2015 : l’une permettant de déroger à la référence au taux de l’usure ; l’autre, un décret du 29 décembre, permettant de déduire l’aide du fonds de soutien de la dette des collectivités. La créance sur le fonds de soutien sera comptabilisée dans les instructions comptables de la direction générale des finances publiques (DGFIP). Lorsqu’on transforme le risque, l’aide reçue du fonds de soutien figure bien dans les comptes des collectivités.

C’est l’attente de ces deux mesures et les délais de négociation qui expliquent qu’un certain nombre de collectivités n’aient pas encore transformé leurs prêts. Mais, si nous parvenons à réaliser ces opérations, nous estimons que, dans un an ou dix-huit mois, la nature du risque sera résiduelle pour la SFIL et les collectivités locales et hôpitaux concernés. À ce propos, je précise que le fonds de soutien aux hôpitaux, piloté par le ministère de la santé, ayant été mis en place plus tardivement que le fonds de soutien aux collectivités, très peu de négociations ont porté sur la partie la plus difficile des hôpitaux ; elles auront lieu en 2016.

En ce qui concerne les effets de la croissance mondiale sur notre risque, je rappelle que nous refinançons les grands contrats à l’exportation conclus dans les secteurs de la défense, de l’énergie, des transports, du spatial et des télécommunications ; ils concernent une vingtaine de grandes entreprises françaises ou basées en France. Or, leur activité s’inscrit dans des cycles économiques qui peuvent être assez différents des cycles économiques globaux. Par ailleurs, l’autorisation du dispositif par la Commission européenne est très large, si bien que nous pouvons financer les contrats concernant tous les secteurs et tous les pays, y compris ceux de l’Union européenne. Ainsi, la SFIL peut refinancer un grand contrat à l’exportation en Allemagne. Notre activité ne se limite donc pas aux pays émergents et, parmi eux, aux pays producteurs de matières premières, notamment de pétrole. Et, encore une fois, nous ne prenons que des contrats assurés par la COFACE, de sorte que la nature du risque est maîtrisée.

En ce qui concerne la nature des prêts transformés, nous proposons de préférence aux collectivités des prêts à taux fixe car, compte tenu de la durée de vie restante de leurs prêts, généralement comprise entre quinze et vingt ans, il s’agit de la structure la moins potentiellement dangereuse. Mais lorsque le prêt initial comporte une référence à l’Euribor, nous proposons à la collectivité un nouveau prêt référencé sur l’Euribor. Cela concerne une petite minorité de prêts, mais nous l’avons déjà fait.

Par ailleurs, la coordination avec Bpifrance est complète. Cette dernière opère, en matière de crédit export, des refinancements directs jusqu’à 25 millions d’euros et des refinancements commercialisés par des banques commerciales jusqu’à 70 millions d’euros ; il n’y a donc pas de trous dans la raquette. Toutes les entreprises, petites, moyennes ou grandes, peuvent trouver un dispositif public à leur convenance auprès de l’un ou l’autre des deux organismes.

La part des coûts assumée par la SFIL est constituée de trois éléments : ses contributions, décidées par son conseil d’administration, aux deux fonds de soutien, qui représentent au total 188 millions d’euros ; les abandons d’intérêts décidés au bénéfice des petites collectivités avant la mise en place effective de ces fonds, en 2013 et 2014, pour un montant de 30 millions d’euros ; enfin, l’abandon de sa marge dans le cadre des renégociations : tous les prêts que nous accordons – et leur volume est important, puisqu’il s’élève à 2 milliards d’euros – se font à prix coûtant afin de diminuer le montant de l’indemnité de sortie. Ces sommes peuvent paraître peu élevées en valeur absolue, mais elles représentent 13 % de nos fonds propres. Aucune banque n’a contribué à une telle hauteur à la résolution de ce dispositif ; elles en sont même très éloignées.

Je remercie M. Giraud d’avoir salué le professionnalisme et le sens de la pédagogie des équipes de la SFIL ; je leur transmettrai ses félicitations. Des discussions sont en cours avec les collectivités qu’il a citées ; celles-ci sont parfaitement connues de la SFIL, qui les a rencontrées à de nombreuses reprises. Nous sommes donc en train de traiter ces dossiers, et je puis vous dire que nous les traitons de manière très active et que nous ferons le nécessaire pour que la transformation de leurs prêts soit le plus efficace possible.

Je ne me prononcerai pas sur la privatisation du Crédit local de France.

Quant au cas particulier de la ville d’Angoulême, je peux vous indiquer que les propositions qui ont été citées ont été faites avant la prise en compte, dans certains cas, du prix coûtant et, éventuellement, avant le recours ou non par la ville à l’article 31 de la loi de finances pour 2016 concernant l’arbitrage entre le niveau de taux et la dette correspondante. Il faut donc que nous voyions avec la ville si ce dispositif permet d’atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé, sachant que l’écart entre ce qui est proposé et ce qu’elle souhaite est relativement faible.

Monsieur Vergnier, je vous remercie pour votre question car je suis très attaché au rôle préventif et pédagogique de la SFIL. Celle-ci est une banque publique de développement. Elle agit dans le cadre d’une autorisation délivrée par la Commission européenne qui nous permet de ne proposer que des prêts simples, c’est-à-dire des prêts à taux fixe ou référencés sur l’Euribor à trois mois ou douze mois, et j’en suis extrêmement satisfait. Si la SFIL et La Banque postale voulaient étendre leur activité à d’autres prêts, il faudrait que l’État demande une nouvelle autorisation à la Commission. Le caractère pédagogique de notre action est donc inhérent à notre offre.

Enfin, l’articulation de Bpifrance et de la SFIL est liée à complémentarité. Elles interviennent en effet sur deux marchés distincts : Bpifrance, qui est la banque publique des PME, s’occupe du refinancement de leurs contrats à l’export ; la SFIL, dont le bilan est beaucoup plus important et la capacité de refinancement sans commune mesure avec celle de Bpifrance, peut intervenir sur de très gros contrats à l’export, tels que des grands contrats d’armement ou la construction d’une centrale nucléaire, qui se chiffrent en milliards d’euros. Les deux dispositifs sont nécessaires, et nous avons des contacts réguliers avec Bpifrance. J’ajoute que le transfert de la COFACE à Bpifrance n’affectera pas la manière dont l’équipe des garanties publiques fonctionne.

M. Jean Lassalle. La SFIL a fait beaucoup de chemin en peu de temps. Mais pour changer les règles du jeu, avez-vous dit, il faudrait repasser devant la Commission européenne. Nous reste-t-il encore un brin d’indépendance à l’égard de Bruxelles ? C’est une question que beaucoup de Français se posent.

M. le président-directeur général de la SFIL. Notre activité a été autorisée par la Commission européenne du fait de la faillite de Dexia. Puisque nous sommes dans un marché unique, une direction de la concurrence veille à ce qu’il n’y ait ni aides d’État ni distorsions de concurrence. Dexia était une banque importante dont la faillite a eu des conséquences en France, en Belgique et au Luxembourg. Sa résolution a d’ailleurs entraîné, outre la création de la SFIL, celle de la banque Belfius. Pour créer une entité publique, il faut démontrer que le secteur privé est incapable de prendre la place de l’entité disparue, ce qui est le cas. J’ajoute que nous sommes contrôlés annuellement par un cabinet de conseil qui vérifie, pour le compte de la Commission européenne, que nous respectons les règles qui ont été fixées au moment de l’accord donné par cette dernière en décembre 2012 et renouvelé en mai 2015.

Mme Véronique Louwagie. Je vous remercie pour votre réponse concernant les relations entre Bpifrance et la SFIL. Je souhaiterais cependant compléter ma question : les deux organismes couvrent-ils les différentes gammes d’entreprises et l’ensemble des crédits qui pourraient être demandés par celles-ci ?

M. Alain Fauré. Vous avez indiqué que vous pouviez proposer aux collectivités des prêts de court terme par référence à l’Euribor. Je suppose qu’il s’agit d’ouvertures de crédits. Je souhaiterais donc savoir si ces prêts sont plafonnés et quel type de surveillance vous exercez dans ce domaine.

M. le président-directeur général de la SFIL. Bpifrance et la SFIL couvrent en effet toutes les gammes d’entreprises – depuis la petite entreprise, pour un contrat de quelques millions d’euros, à la très grande entreprise, pour des contrats qui portent sur une centrale nucléaire ou le Rafale et qui valent plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards d’euros –, pour tous les pays et dans tous les secteurs.

Par ailleurs, je me suis mal exprimé, monsieur Fauré : la référence à l’Euribor ne concerne pas la durée du prêt, qui varie en fonction de la durée restante du prêt initialement structuré. Comme celle-ci est généralement longue, nous ne réalisons ce type de transformation que dans des cas très minoritaires. Nous préférons en effet, lorsque le prêt dure dix ou quinze ans, prendre une référence à taux fixe afin que la sécurité soit la plus complète possible. Si nous prenons une référence sur l’Euribor, elle est simple – en général l’Euribor trois mois ou six mois – et nous la capons pour tenir compte des évolutions de taux futures. En tout état de cause, nous n’incitons pas les collectivités à choisir ce type de prêt ; nous l’acceptons si elles nous le demandent et que cela nous paraît compréhensible compte tenu des caractéristiques du prêt. Mais il s’agit, encore une fois, de cas très minoritaires.

M. Dominique Lefebvre, président. Je vous remercie, monsieur le président-directeur général, pour vos réponses et pour le travail que vous effectuez avec vos équipes, car nous sommes partis de très loin et le dossier a bien avancé. Nous vous souhaitons donc bon courage pour la suite.

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 27 janvier 2016 à 9 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Marie Beffara, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Olivier Dassault, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Joël Giraud, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Patrick Hetzel, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Michel Vergnier, M. François-Xavier Villain, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Dominique Baert, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. Laurent Grandguillaume, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Pascal Terrasse, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Sylvain Berrios, M. David Comet

——fpfp——