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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 18 janvier 2017

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 55

Co-présidence de M. Gilles Carrez, président,
de Mme Frédérique Massat,
présidente de la commission des affaires économiques,
et
de Mme Patricia Adam,
présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

–  Audition, conjointe avec les commissions des affaires économiques et de la défense nationale et des forces armées, de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, sur le troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

–  Présences en réunion

La commission entend, conjointement avec les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, sur le troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3).

Mme la présidente Frédérique Massat. M. le président de la commission des finances nous rejoindra dans quelques instants.

Monsieur Schweitzer, ma collègue Patricia Adam, présidente de la commission de la défense, et moi-même sommes heureuses de vous recevoir. Nous tenons à vous remercier de venir une nouvelle fois devant la représentation nationale afin de faire le point sur vos domaines de compétence.

La commission des affaires économiques a déjà eu l’occasion de vous auditionner en décembre 2014 puis en février 2016. Le Commissariat général à l’investissement (CGI) que vous dirigez a acquis une place centrale dans la politique d’investissement de l’État. Il est en effet responsable de l’emploi des 46,9 milliards d’euros des programmes d’investissements d’avenir (PIA). Aujourd’hui, vous nous parlerez plus particulièrement du PIA 3, doté de 10 milliards d’euros, qui s’inscrit dans la continuité des deux précédents programmes.

Au début du mois de décembre 2016, vous avez présenté à Toulouse les priorités du PIA 3 dont la région Occitanie va bénéficier. Elles s’orientent vers le tourisme et l’industrie agricole et alimentaire. Je me réjouis que ce nouveau volet du PIA puisse contribuer au dynamisme et à la vitalité de nos territoires.

L’ensemble de ces crédits doit permettre à la France de rester à la pointe de l’innovation et de soutenir ses secteurs porteurs de croissance durable. Au 30 septembre 2016, 16,3 milliards d’euros ont été dépensés et la grande majorité des crédits a été engagée. Notons qu’à la fin de l’année 2015, la Cour des comptes, tout en saluant la mise en place d’une politique d’investissement cohérente dotée d’une vision stratégique qui s’est appuyée sur une gouvernance originale et porteuse d’efficacité, a critiqué la stratégie de débudgétisation des crédits du PIA.

Mes collègues membres de la commission des affaires économiques, de la commission des finances et de la commission de la défense, vous interrogeront sur divers points. Pour ma part, j’aimerais insister sur l’implication du PIA 3 dans l’industrie aérospatiale. Le 7 décembre dernier, Geneviève Fioraso a présenté devant la commission des affaires économiques un rapport sur l’avenir de la filière spatiale : elle y regrettait l’absence de répartition des crédits du PIA 3 par secteur, qui suscitait des inquiétudes dans l’industrie spatiale, aéronautique, et microélectronique. M. Marwan Lahoud, auditionné en tant que président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales par la commission de la défense le 9 novembre 2016, avait évoqué les mêmes craintes. Nous reviendrons avec lui sur ces problématiques lors de son audition, en tant que président d’Airbus Group SAS, cet après-midi devant la commission des affaires économiques.

Pourriez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet, Monsieur le commissaire général ?

Mme la présidente Patricia Adam. Nous sommes ravis, Monsieur Schweitzer, de vous recevoir pour cette audition commune à nos trois commissions. À la suite de l’audition de M. Lahoud au mois de novembre, bon nombre de membres de la commission de la défense ont exprimé le souhait de vous entendre. Je vous remercie d’avoir pu convenir de cette date avec nous.

La commission de la défense est particulièrement attentive aux choix qui sont les vôtres, compte tenu des enjeux pour les années à venir. À cet égard, je vous invite, chers collègues, à lire l’excellent rapport d’information que Jacques Lamblin et Jean-Jacques Bridey ont consacré aux enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, qui rejoint la question du spatial.

M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement. Mesdames les présidentes, Mesdames, Messieurs les députés, je commencerai par un exposé introductif consacré au PIA 3, puis je répondrai à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Le PIA 3 s’inscrivant pour l’essentiel dans la continuité des PIA 1 et 2, je m’attacherai tout d’abord à rappeler les principes et méthodes sur lesquels ils reposent. Rappelons que ceux-ci ont été posés par une commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, qui ont par la suite présidé notre comité de surveillance jusqu’en 2016. Et je voudrais ici rendre hommage à leur travail, exemple remarquable d’action qui a su traverser les alternances et se placer au-dessus du débat politicien.

Le PIA a pour objectif d’investir dans l’avenir, investir au sens large : l’investissement ne s’entend pas au sens comptable du terme puisque nous investissons également dans l’enseignement et la recherche en finançant des dépenses qui sont, budgétairement, des dépenses de fonctionnement. Précisons qu’il ne s’agit d’investir que dans le secteur civil : nous n’investissons pas dans ce qui est spécifiquement militaire.

Deuxième principe : nos investissements ne doivent pas s’ajouter aux investissements traditionnels du budget. La Cour des comptes a noté que certains de nos investissements se substituaient aux investissements budgétaires – cela a été le cas, par exemple, pour des avances remboursables au profit d’Airbus et de certains fabricants d’hélicoptères.

Troisième principe : nos investissements ne sont pas soumis à la régulation budgétaire et à certaines règles budgétaires traditionnelles, ce qui chagrine la Cour des comptes. Pour notre part, nous nous réjouissons de l’existence de ces mécanismes spécifiques. En revanche, nous partageons la critique de cette juridiction sur le fait que si les investissements relevant du budget de l’État sont financés par le PIA, cela revient à ne consentir aucun effort supplémentaire pour les investissements d’avenir.

Ces investissements sont gérés par la très petite équipe du Commissariat général à l’investissement, composée d’environ trente-cinq personnes. Précisons qu’elle ne s’occupe pas seulement du programme d’investissements d’avenir mais qu’elle coordonne la mise en œuvre au niveau national du plan Juncker, avec un bon succès puisque notre pays est l’un des trois premiers bénéficiaires du plan d’investissement européen aux côtés de l’Italie et du Royaume-Uni – et je tends à penser que la Grande-Bretagne en bénéficiera moins dans les temps à venir que par le passé.

Notre équipe travaille en étroite relation avec les opérateurs qui s’occupent de toutes les opérations de gestion matérielle : une douzaine pour les PIA 1 et 2, quatre seulement pour le PIA 3 – la Caisse des dépôts, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour l’université et la recherche et Bpifrance pour les interventions auprès des entreprises.

Nos principes tiennent en trois mots : innovation, excellence et coopération.

Innovation car nous n’investissons que dans l’innovation, qu’elle soit technologique ou qu’elle repose sur un concept – autrement dit, nous considérons qu’une nouvelle approche d’un problème constitue une innovation.

Excellence car notre méthode de choix est fondée sur des jurys ou sur l’avis d’experts. Nous procédons à une évaluation a posteriori pour vérifier que les objectifs ont été atteints. Et sur ce point, il me semble que nous sommes plus fidèles à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) que certaines autres instances.

Coopération car nous privilégions les actions qui font travailler ensemble plusieurs acteurs : les universités et les grandes écoles ; la recherche publique et la recherche privée ; les grandes et les petites entreprises. Notre conviction, qui était celle d’Alain Juppé et de Michel Rocard, est que la France compte beaucoup de domaines d’excellence mais que la coopération entre acteurs y est moins forte que dans d’autres domaines. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour renforcer ces liens.

J’évoquerai enfin une autre mission du Commissariat général à l’investissement dont on ne parle peut-être pas assez : le recensement et la contre-expertise des grands projets d’investissement public. Tous les projets d’investissement public de plus de 20 millions d’euros doivent être recensés dans un document que nous transmettons au Parlement et faire l’objet d’une évaluation socio-économique. Tous les projets d’investissement supérieurs à 100 millions d’euros doivent faire l’objet d’une contre-expertise, qu’il nous revient d’effectuer et de rendre publique.

Cette activité vient de faire l’objet d’un rapport de l’inspection générale des finances, qui salue la pertinence de la méthode, son efficacité globale, tout en formulant certaines recommandations. Il sera transmis dans les jours qui viennent au Parlement.

Venons-en au PIA 3. Si nous lançons un troisième volet, c’est qu’à la mi-2017, pour l’essentiel, le PIA 1 et le PIA 2 seront totalement engagés, soit juridiquement, soit de fait – j’appelle engagements de fait des sommes qui sont réservées pour des programmes mais qui n’ont pas encore été juridiquement engagées. Je souligne au passage que l’un de nos efforts principaux a été d’accélérer et de simplifier le processus d’engagement des crédits. Il ne s’agit pas de renoncer à l’exigence, mais de faire en sorte que nos partenaires n’aient pas des centaines de pages à remplir et que les personnes chargées des dossiers ne se sentent pas obligées de les soumettre à trois instructions successives. Entre le moment où le porteur d’un projet dépose son dossier et le moment où il est informé de la décision d’affectation des crédits, il se passe moins de trois mois en moyenne.

Il nous a paru que ce qui avait justifié le PIA 1 et le PIA 2 était toujours d’actualité. Non seulement l’économie est de plus en plus une économie de la connaissance, qui implique un investissement sur le long terme, mais la rigueur budgétaire n’a pas achevé ses effets.

Pour préparer ce PIA 3, auquel nous réfléchissons depuis plus de deux ans, nous avons soumis le Commissariat général à l’investissement et le PIA à une évaluation menée par un comité d’experts externes constitué par France Stratégie et présidé par Philippe Maystadt, ancien vice-Premier ministre belge et ancien président de la Banque européenne d’investissement. Ce comité a validé l’approche d’ensemble et a formulé des propositions que nous avons bien sûr mises en œuvre dans le PIA 3. Nous avons aussi procédé à de nombreuses consultations. Le projet de PIA 3 a été ensuite soumis au Parlement et voté dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017.

Ce PIA 3 se situe, pour l’essentiel, dans la continuité des PIA 1 et PIA 2, mais comporte certaines différences sur lesquelles je vais revenir.

Doté de 10 milliards d’euros, il met fortement l’accent comme les deux PIA précédents sur l’enseignement, la recherche et la valorisation de la recherche, lesquels représentent 5,9 milliards, 4,1 milliards étant consacrés aux entreprises.

La répartition des crédits par nature est la suivante : 4 milliards de subventions et d’avances remboursables ; 2 milliards de dotations décennales qui, comme leur nom l’indique, sont des subventions versées sur dix ans ayant pour objet de financer des actions au long cours d’enseignement et de recherche ; 4 milliards de fonds propres.

Il y a souvent des malentendus sur les fonds propres. On dit souvent que les crédits du PIA n’entreraient pas dans le calcul du déficit budgétaire au titre de la comptabilité nationale ; en réalité, seuls les fonds propres – autrement dit 4 milliards – n’y sont pas intégrés. Et ce n’est pas parce qu’ils sont alloués dans le cadre du PIA, mais tout simplement parce que, au regard du célèbre critère des 3 %, un investissement fait par l’État, dès lors qu’il est considéré comme un « investissement avisé », autrement dit d’une rentabilité comparable avec ce qu’exigerait un investisseur privé, et réalisé aux côtés d’investisseurs privés, n’entre pas dans le calcul du déficit de 3 %.

Le PIA 3 ne comprend pas de crédits pour la couverture de l’intégralité du territoire en réseaux de très haut débit (THD), mais le CGI pilote la poursuite de ce plan, qui doit s’achever en 2022 et qui est financé à partir d’autres crédits budgétaires. Le rythme de développement ne fléchit pas, on observe même plutôt une tendance à l’accélération.

Une enveloppe de 500 millions d’euros est prévue pour les investissements co-décidés avec les régions : 250 millions de subventions et d’avances remboursables ; 250 millions de fonds propres. Il s’agit d’un changement significatif par rapport au PIA 1 qui ne comportait aucun crédit régionalisé et par rapport au PIA 2 qui n’en comportait que 50 millions. Cette multiplication par dix tient compte, très naturellement, du nouveau rôle des régions.

Pour l’enseignement supérieur et la recherche, l’enveloppe s’élève à 2,9 milliards d’euros ; pour la valorisation de la recherche, à 3 milliards ; pour les entreprises à 4,1 milliards. Point important à souligner, il n’y a pas de répartition par ministère et par secteur : l’aéronautique, l’industrie spatiale ni aucun autre secteur particulier n’ont droit à une enveloppe réservée. Les financements sont attribués en fonction de la qualité des projets, de leur caractère porteur d’avenir. C’est à ce titre que le PIA 3 soutiendra des projets relevant du domaine aéronautique et spatial, comme de tous les secteurs innovants.

Nous avons deux priorités transversales. La première est le numérique : presque tout fait intervenir, à des degrés divers, le numérique, dont on voit bien qu’il modèle notre avenir. La seconde est le développement durable, auquel 60 % des crédits du PIA 3 contribueront directement ou indirectement. Certains crédits iront à des actions ayant pour objectif principal le développement durable. Leur montant exact n’a pas été fixé : il sera de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. D’autres actions seront soumises à ce que l’on appelle une « éco-conditionnalité » : les porteurs de projet devront préciser explicitement en quoi leur action contribue au développement durable, de façon mesurable.

Enfin, nous financerons des actions indirectes. Il est clair que toute modernisation industrielle de bon sens se traduit par un effort de réduction des dépenses d’énergie et des consommations de matières premières, par une efficacité accrue dans l’utilisation des ressources naturelles et un développement de l’économie circulaire.

Nous avons toutefois indiqué que nous souhaitions renforcer les actions du PIA dans trois domaines d’avenir, où la France a des atouts : les industries agricoles et agroalimentaires, le tourisme, les industries de sécurité, qui restent, hélas ! un domaine de progrès technologique continu – c’est l’éternelle lutte du gendarme et du voleur –, et dans lequel notre pays est remarquablement bien placé.

Voilà pour le cadre général du PIA 3. Je vous donnerai maintenant quelques éléments sur sa mise en œuvre en 2017.

Les crédits pour 2017, comme vous le savez, ne comprennent pas de crédits de paiement. Dans le cadre de la loi de finances initiale, le Parlement a voté 10 milliards d’autorisations d’engagement ; il est prévu que les crédits de paiement seront budgétés sur cinq ans, par tranche de 2 milliards, de 2018 à 2022. Il faut savoir que la consommation des crédits de paiement est relativement lente : nous aurons engagé 47 milliards d’euros de dépenses à la mi-2017, mais nous aurons décaissé moins de 20 milliards d’euros. Les actions au long cours donnant lieu à des décaissements progressifs, il s’ensuit un décalage naturel entre le rythme d’engagement des dépenses et celui des paiements.

En 2017, nous n’allons donc pas procéder à des paiements au titre du PIA 3 mais nous engagerons des actions au long cours afin d’éviter toute rupture avec l’exécution des PIA 1 et 2. J’ai indiqué que le délai normal entre le dépôt d’un projet et le premier versement était de trois mois. Toutefois, certains projets appellent une procédure plus longue : c’était le cas, par exemple, des initiatives d’excellence (IDEX) soutenues par les universités. La procédure s’étale sur une année : la préparation des dossiers réclame un temps assez long et la sélection par un jury se déroule en deux tours. Ainsi c’est seulement en février de cette année que l’action du PIA 2 pour les IDEX donnera lieu à une décision de principe.

Ces actions seront orientées majoritairement vers l’enseignement et la recherche.

Nous lancerons plusieurs actions au premier trimestre de cette année.

Pour l’enseignement universitaire, il s’agira d’une action en faveur de la constitution d’écoles universitaires de recherche et d’une autre en faveur des nouveaux cursus à l’université. Cette dernière action a pour but de favoriser la réussite du premier cycle d’un public hétérogène d’étudiants en encourageant des innovations pédagogiques car nous voyons bien qu’un enseignement identique pour les étudiants, sans appui, conduit à un taux d’échec anormalement élevé. Nous souhaitons également, dans la continuité des PIA 1 et 2, développer le numérique dans les enseignements universitaires, qui nous paraît offrir des possibilités d’amélioration pédagogique et renforcer l’efficacité des formations.

Pour la recherche, deux actions sont prévues : l’une sera centrée sur des thèmes choisis avec les organismes de recherche et les universitaires, l’autre sur les équipes remarquables, ce qui correspond à une demande forte des chercheurs qui appellent à des soutiens privilégiant la qualité des équipes et non la définition a priori de thèmes de recherche. Cela nous permettra de faire davantage pour les sciences humaines et sciences sociales que nous ne l’avons fait jusqu’à présent.

Toujours durant ce premier trimestre, nous mettrons en place un appel à projets pour la constitution de trois nouveaux instituts hospitalo-universitaires, à la suite des six instituts déjà créés dans le cadre du PIA 1. Associant recherche publique, hôpitaux et entreprises, ils constituent une remarquable réussite, mais il est clair que nous ne couvrons pas tous les secteurs où la France est au meilleur niveau mondial.

Nous allons également lancer un appel, non à projets, mais à manifestation d’intérêt pour ce que nous appelons les territoires d’innovation et de grandes ambitions. L’idée est de concentrer sur un territoire, qu’il soit urbain, rural, de petites villes ou de grandes villes, un ensemble d’actions d’innovation qui ait non seulement un effet positif en matière de développement durable, mais aussi un effet mesurable et réel en termes de qualité de vie pour les habitants de ces territoires. Ces expériences se limiteront probablement au départ à une douzaine de territoires, mais elles ne sauraient rester au stade d’objets non reproductibles ; elles doivent pouvoir être largement diffusées.

Pour finir, j’évoquerai l’appel à projets pour les opérations régionalisées. Nous disposons d’une enveloppe de 250 millions d’euros de subventions et d’avances remboursables et de 250 millions de fonds propres. La priorité sera donnée aux avances remboursables. Dans la ligne du PIA 2, les crédits seront répartis entre les régions qui devront apporter des crédits d’un montant égal. Un système de codécision entre le président du conseil régional et le préfet permettra de décider, au niveau local, de l’emploi de ces crédits qui devra se faire, bien évidemment, conformément à l’esprit du PIA. À ce stade, nous envisageons trois domaines d’intervention : les entreprises innovantes, le renforcement des filières industrielles, les actions de formation professionnelle – c’est une des priorités du pays.

M. Daniel Fasquelle. Mesdames les présidentes, mes chers collègues, je tiens à rappeler que le PIA 1 a été lancé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et à saluer le travail accompli par Alain Juppé et Michel Rocard. Nous avons besoin de conserver et même demain de renforcer nos capacités d’investissement : l’État ne saurait seulement se limiter à des dépenses de fonctionnement. À l’instar des collectivités, il doit miser sur l’investissement et faire le pari de l’innovation.

Monsieur le commissaire général, j’aimerais avoir quelques précisions.

Le PIA 3 entend soutenir les territoires innovants en matière d’urbanisme et de transports. Qu’entendez-vous par là ? Envisagez-vous de soutenir des projets dans les territoires ruraux ?

Vous avez évoqué trois secteurs d’activité : l’agriculture et l’agroalimentaire, le tourisme et la sécurité. Pour le tourisme, s’agit-il d’améliorer l’offre ? On sait que le parc hôtelier français est vieillissant. S’agit-il également d’aider à la construction ou à la rénovation de grands équipements sportifs, touristiques et culturels de nature à améliorer l’attractivité des territoires ? Au-delà de l’offre, avez-vous procédé à une analyse de la demande, domaine où la France est un peu faible ? Le PIA 3 pourrait-il stimuler le recours aux nouveaux outils numériques afin d’améliorer la recherche de nouvelles clientèles ? Avez-vous déjà retenu des projets à ce titre ?

Les régions sont en train d’élaborer leurs stratégies régionales de développement économique et d’innovation (SRDEI). J’imagine que vous avez engagé un dialogue avec elles pour qu’elles prennent en compte les objectifs du PIA 3.

Élu du Pas-de-Calais, j’aimerais évoquer le fameux dossier des universités de Lille. Leur projet sera-t-il enfin retenu dans le cadre des IDEX ? Ce serait une formidable reconnaissance pour les universitaires et les chercheurs de cette belle région des Hauts-de France.

Enfin, je souhaiterais que vous nous en disiez plus au sujet de l’évaluation des investissements que vous financez. Il s’agit d’argent public. Évaluez-vous les retours sur investissement ? Si des évaluations ont déjà eu lieu, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

M. Guillaume Bachelay. Monsieur le commissaire général, en tant que rapporteur spécial de notre commission des finances, je me félicite de la création de la mission Investissements d’avenir, intégrée au budget général et dédiée au suivi du troisième programme. Comme vous l’avez dit, c’était une recommandation de la Cour des comptes et une attente du Parlement ; cela permet également d’être conforme à la règle de l’annualité budgétaire et de répondre à l’exigence d’information des parlementaires.

Il ressort de la nouvelle gouvernance du PIA 3 que celui-ci obéira pour l’essentiel aux principes qui ont fait le succès des deux précédents, tout en tirant des leçons de l’expérience. Par ailleurs, cette nouvelle gouvernance identifie un fil d’Ariane puisque, sur les 10 milliards de crédits mobilisés, 6 milliards seront dédiés à des projets améliorant la qualité environnementale, la croissance durable, la transition écologique et énergétique.

J’ai trois séries de questions à vous poser.

D’abord, par rapport au passé : au-delà des premiers éléments que vous nous avez donnés, pouvez-vous expliquer les raisons qui ont conduit à ne pas reconduire certaines des actions des PIA 1 et 2 dans le PIA 3 ?

Ensuite, par rapport au présent : pouvez-vous nous donner plus de détails sur l’action intitulée « Grands défis », qui est dotée de 700 millions d’euros ?

Vous nous avez également parlé de la réduction des délais d’instruction. Vous aviez déjà évoqué le sujet il y a un an, en insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un enjeu majeur. Vous nous aviez indiqué que vous étiez parvenus à réduire ces délais à trois mois, et que vous espériez pouvoir faire mieux. Est-ce possible ?

Enfin, par rapport au futur : quelle part le PIA pourrait-il consacrer à l’innovation en matière de rénovation énergétique du bâti ? Je vous renvoie au rapport de nos collègues Eva Sas et Sophie Rohfritsch. De la même façon, quelle part le PIA pourrait-il consacrer au soutien à l’innovation et au soutien technologique des PME et des entreprises de taille intermédiaire du secteur de la défense, enjeu stratégique pour la Nation ?

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le commissaire général, je vous remercie pour votre présentation.

Pouvez-vous nous éclairer sur la ventilation des crédits du PIA entre les grands groupes du CAC 40 et les PME-TPE ?

Il semblerait qu’il y ait, sur le PIA 3, un fléchage plus régional des financements, l’objectif étant de renforcer l’attractivité des PME sur ce dispositif. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

L’analyse de France-Stratégie, publiée en mars 2016, dresse un bilan positif des effets du PIA, mais relève aussi certaines dérives : alors que le PIA était censé contribuer à financer des dépenses exceptionnelles d’investissement, 14 % de l’enveloppe globale auraient servi à remplacer des crédits supprimés dans le budget de l’État, ou à financer des projets qui auraient dû relever d’autres programmes – notamment le financement de l’A350, du programme Nano 2017, du réacteur de quatrième génération, etc. Par ailleurs, l’effet de levier vis-à-vis des financements privés ne serait pas toujours perceptible.

Comment avez-vous réagi à ce rapport ? Avez-vous suivi ses recommandations, au moment de l’affectation des 10 milliards du PIA 3 pour 2017 ? Quelles mesures envisagez-vous de mettre en œuvre pour clarifier le rôle des ministères, des opérateurs et du CGI, pilote de ce programme ?

Vous avez également parlé du numérique. Nous savons que ce fonds a soutenu trente-cinq start-up qui ont créé ces dernières années 3 000 emplois. Pensez-vous renforcer le soutien que vous apportez à ces start-up, par exemple au travers du dispositif French Tech, et mieux les accompagner dans leur développement ? Comment ?

Enfin, les projets agricoles et agroalimentaires d’avenir ont rencontré un réel succès dans le PIA 2. Vous avez annoncé la prolongation des dispositifs devenus prioritaires. Pouvez-vous nous expliquer concrètement en quoi ces programmes ont permis d’accroître la compétitivité des entreprises agroalimentaires françaises ?

M. le commissaire général à l’investissement. Monsieur Fasquelle, vous m’avez d’abord interrogé sur les territoires d’innovation. Sachez que nous allons procéder en deux étapes : la première sera un appel à manifestation d’intérêt – hors de tout projet construit – destiné à voir où sont les gisements. La seconde étape verra l’appel à projets proprement dit. En aucun cas, il n’est question d’exclure les territoires ruraux, qui constituent pour nous un domaine prioritaire. Mais il faut avoir conscience qu’avec douze projets au niveau national, il n’y aura pas un projet par région. Ce sera sélectif. L’idée est que cela soit extensible…

Vous avez évoqué le secteur du tourisme. Il ne s’agit pas de construire des hôtels, des installations, des équipements – nos crédits n’y suffiraient pas. Il s’agit d’introduire de l’innovation, dans le numérique, par exemple dans la recherche de nouveaux clients, dans l’offre de services aux touristes, ou en évitant que des entreprises étrangères ne perçoivent 20 % des recettes de tous les hôtels français. Telle est notre orientation.

Sur la part qui revient au dialogue dans le cadre de la préparation du PIA 3, nous avons bien sûr discuté individuellement avec un certain nombre de régions, et avec Régions de France qui les représente collectivement. C’est sur la base de ces discussions que nous avons défini les secteurs dont j’ai parlé tout à l’heure, et réparti les crédits ; cette répartition devrait être rendue publique dans les semaines qui viennent.

Concernant l’enseignement supérieur, vous savez que les IDEX sont sélectionnées à partir des propositions d’un jury. Et la thèse du Commissariat général à l’investissement – qui est aussi celle du Premier ministre – est que le Premier ministre prendra nécessairement une décision conforme aux propositions du jury, ce qui en garantira la force. Je ne pourrai donc pas répondre à votre question avant que le jury n’ait auditionné l’université de Lille, et conclu sur ce projet.

Enfin, il y a bien sûr des évaluations en fin de projet, qui ne sont faites qu’au moment où ils arrivent à leur terme. Comme la plupart de ces projets s’étalent dans le temps, ces cas de figure sont peu nombreux. Il y a aussi des évaluations à mi-parcours – je pense à des institutions comme les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE) ou les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) – réalisées par des experts. Ces évaluations portent sur les résultats obtenus et ont des conséquences sur la poursuite de l’allocation des crédits.

Monsieur Bachelay, vous avez parlé de la gouvernance. Nous nous attachons, même si nous ne sommes pas soumis à la régulation budgétaire, à informer régulièrement le Parlement, à l’écrit comme à l’oral, de façon que ces crédits n’échappent pas au contrôle parlementaire.

Pourquoi certaines actions n’ont pas été reconduites dans le PIA 3 ? Dans certains domaines, comme celui de la création de SATT, d’IRT ou d’ITE, l’analyse et le dialogue nous ont amenés à conclure qu’il n’y avait pas de demandes de nouvelles créations. Dans ces cas-là, nous poursuivons le financement des institutions existantes, sous réserve qu’elles confirment leurs compétences et leur efficacité, mais nous ne proposons pas d’en créer de nouvelles.

Par ailleurs, nous plaidons pour éviter de financer des actions ne relevant pas du PIA, ou en tout état de cause pour éviter qu’elles ne se poursuivent – je pense notamment aux actions de substitution budgétaire. Ainsi, le PIA 3, tel qu’il a été voté au Parlement, n’en comprend aucune, contrairement aux PIA 1 et 2. Maintenant, est-ce à dire que son exécution n’en comprendra pas ? Je ne peux le garantir : je rappelle que le CGI est un service du Premier ministre, et que nous ne sommes pas une autorité indépendante. Cela dépendra des décisions gouvernementales et parlementaires sur l’avenir du PIA.

J’en viens à l’action intitulée « Grands défis » : il s’agit de financer, à un niveau plus élevé en fonds propres, des opérations majeures. Or si nous sommes assez bons en France dans l’accompagnement du démarrage des entreprises innovantes, nous le sommes nettement moins dans le financement d’opérations qui impliquent des fonds propres de plusieurs dizaines de millions d’euros. Notre ambition est d’acquérir cette capacité. La liste de ces opérations n’est pas définie aujourd’hui. Cela implique d’abord un projet, et des investisseurs privés pour accompagner.

Nous avons effectivement ramené les délais d’instruction à trois mois, et franchement, je ne pense pas que l’on puisse les réduire davantage. Au niveau régionalisé, pour des opérations plus limitées, on peut arriver à un délai de deux mois, mais cela me paraît constituer une limite absolue.

Vous vous êtes interrogé sur la rénovation énergétique des bâtiments. C’est une action que nous avons menée dans les PIA 1 et 2. Bien qu’elle soit utile, nous n’envisageons pas de la poursuivre. En effet, elle ne comporte pas de part d’innovation. Elle est d’ailleurs cofinancée avec le budget et relève des crédits budgétaires ordinaires.

Nous faisons un effort pour associer les PME.

D’une part, certaines actions sont directement orientées vers les PME : non seulement des actions régionales, que j’ai déjà mentionnées, mais aussi d’autres actions que nous lançons au niveau national vers les PME innovantes.

D’autre part, lorsque nous faisons des appels qui concernent les grandes entreprises, nous faisons en sorte que ces grandes entreprises répondent conjointement avec des PME et des entreprises moyennes. C’est une façon d’encourager une approche de l’investissement par filière. Je l’ai encore dit tout à l’heure, cette approche par filière ne me semble pas suffisamment présente en France.

Enfin, je rappelle que nous ne finançons pas directement la défense. Nous pouvons financer des actions qui ont un impact sur la défense, mais nous ne sommes pas en financement direct.

Madame Dubié, les PME sont pour nous une priorité. La principale critique du comité Maystadt portait sur ce que l’on a appelé les « débudgétisations ». Nous nous battons, et le comité de surveillance soutient notre combat. J’espère que le Parlement fera de même. C’est un effet continu…

Ensuite, nous avons constaté que notre effet de levier sur des financements autres que ceux du PIA était en moyenne supérieur à 1. Concrètement, là où nous investissons 1, au moment de la contractualisation, les autres financements sont supérieurs, de l’ordre de 1,1, dont un peu plus des deux tiers de financements privés.

Bien sûr, dans certains secteurs, il n’y a pas de cofinancements privés ; c’est le cas des universités ou de certaines actions de recherche publique. Mais quand nous allons vers les entreprises, le financement privé représente en général au moins deux fois le financement du PIA. C’est un sujet que nous suivons très attentivement.

J’en viens au domaine des industries agricoles et alimentaires (IAA). Nous y avons investi 120 millions dans le cadre du PIA 2. Et l’intérêt de ces actions nous a conduits à souhaiter y développer nos interventions dans le cadre du PIA 3. Rappelons que c’est un domaine où la France a un « atout d’image », qu’elle n’a pas dans les industries mécaniques : elle un « atout de territoire ». Reste que les Allemands nous dépassent en matière d’exportation de produits agricoles et alimentaires, ce qui est anormal.

Nos interventions ont favorisé des efforts de réduction des dépenses énergétiques, de modernisation des abattoirs, et un certain nombre d’actions sectorielles innovantes. Et nous nous sommes rendu compte que les IAA, jusqu’alors un peu isolées du monde du progrès industriel, s’y intègrent désormais. Nous avons constaté une vraie évolution, à la fois des organisations professionnelles, des entreprises et des administrations, sur la nécessité d’intégrer la modernisation des IAA à la modernisation économique en général.

À propos du numérique, je ne sais que vous dire, si ce n’est qu’il est partout… Nous avons des actions numériques spécifiques, notamment des concours d’innovation numérique, qui permettent de solliciter des projets de start-up, mais aussi d’accompagner ces start-up dans leur croissance et aux étapes de celle-ci.

Le principe est de démarrer, lorsque quelqu’un a une idée, avec une subvention, qui peut aller jusqu’à 200 000 euros. Ensuite, pour transformer l’idée en prototype et en plan de marketing, on peut accorder une avance remboursable qui va jusqu’à 2 millions. Enfin, pour transformer le prototype en fabrication industrielle et le plan marketing en démarchage des clients, on peut apporter des fonds propres qui vont jusqu’à 20 millions d’euros. L’idée est d’accompagner de façon continue les entreprises qui croissent. Quelques entreprises passent toutes les étapes – un, deux et trois. Mais il est possible, pour certaines, de rejoindre directement la deuxième ou à la troisième étape. Tout dépend de leur situation.

Mme Geneviève Fioraso. Je tiens à remercier les deux présidentes et le président de nos trois commissions d’avoir organisé cette audition commune. L’action du CGI, comme vous l’avez rappelé, est très transversale, et bien d’autres domaines seraient concernés. Je tiens également à saluer l’action menée par le CGI, dont la paternité est bipartisane, ce qui ne peut que nous mettre à l’aise les uns et les autres.

J’interviendrai d’abord sur le non-fléchage ou l’arrêt du fléchage des secteurs stratégiques dans le PIA 3.

Le numérique étant un terme un peu fourre-tout, on peut s’accorder sur le socle du numérique – autrement dit les semi-conducteurs et les composants – pour dire que la micro-électronique est un secteur qui a besoin d’investissements pérennes et continus. En aucun cas, contrairement à ce que l’on entend parfois dire, il ne pourrait se considérer comme « servi » une fois pour toutes. Et le fait de ne plus le flécher le fragilise incontestablement.

De la même façon, le fait de ne plus flécher le spatial et l’aéronautique, qui sont des secteurs certes civils, mais avec des utilisations et des applications duales – fragilise ces secteurs. D’où l’inquiétude des industriels.

Qui plus est, on ne saurait encourir le reproche de venir se substituer à des crédits d’État : le budget du Centre national d’études spatiales (CNES) au ministère de la recherche a été augmenté de 200 millions cette année pour compenser l’investissement important d’Ariane 6 et poursuivre les investissements, notamment dans les télécoms où le marché est arrivé à maturité.

Vous avez participé et contribué, par exemple, à la propulsion électrique, avec un investissement similaire des industriels dans le domaine du spatial. Il serait dommageable d’abandonner ce fléchage, d’autant que les aides que vous accordez dans le PIA 3 ne pourraient plus relever d’une ligne spécifiquement dédiée aux investissements en R&D chez les industriels.

Le CGI a mené une action d’une qualité incontestable. Mais, au fur et à mesure, les petites structures ne risquent-elles pas de devoir se conformer à des normes et standards ? Or l’innovation ne se traduit ni en normes ni en standards. Je pense aux IDEX et à la loi de 2013 qui autorisait absolument toutes les formes de regroupement, alors que les universités sont plurielles, et différentes selon les territoires. Aujourd’hui, on revient à la fusion, donc à la culture unique ; je pense que c’est dommage pour l’innovation dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Yannick Moreau. Monsieur le commissaire général, au lendemain de l’adoption d’une stratégie nationale pour la mer et les littoraux – une stratégie un peu molle – et à la veille de l’arrivée du Vendée Globe aux Sables-d’Olonne en Vendée, ma question est la suivante : concrètement, quelle place faites-vous dans le PIA 2 et maintenant dans le PIA 3, à la mer, au développement de notre économie maritime, à une nouvelle stratégie maritime industrielle, aux énergies marines renouvelables, et donc à l’économie bleue ?

M. Hervé Pellois. Monsieur le commissaire général, vous avez déjà développé un certain nombre d’actions dans l’agroalimentaire. Mais si certaines branches connaissent une pleine réussite, d’autres sont en difficulté, notamment dans le secteur de la viande. Sur les 47 milliards du PIA 1 et du PIA 2, 120 millions sur trois ans, avez-vous dit, ont été consacrés au volet agricole et alimentaire. Cela ne faisait guère que 0,26 % du PIA, autrement dit bien peu…

S’agissant du PIA 3, on parle de 4 milliards. A-t-on une idée du montant qui sera accordé, dans ces 4 milliards, aux filières agricole et agroalimentaire ?

Vous avez souligné l’isolement des entreprises de ce secteur. Le problème vient peut-être de la spécificité de ces entreprises et de ces filières, et peut-être aussi des seuils de financement, particulièrement élevés pour ce genre de structures. Ne faudrait-il pas revoir les conditions d’éligibilité pour favoriser l’investissement dans ces entreprises ?

M. Éric Straumann. Le volet du tourisme me paraît très important, en raison du très fort potentiel économique de ce secteur. Mais la concurrence des plateformes Airbnb, Booking, etc. est rude. Nos hôteliers et acteurs touristiques locaux tentent d’allumer des contre-feux, mais il est difficile de lutter face à des géants mondiaux. Sans doute est-ce peine perdue que de lutter depuis la France. Peut-être vaudrait-il mieux s’organiser à l’échelle européenne.

De mon côté, j’ai une préoccupation plus terre à terre. Les touristes étrangers critiquent la qualité de nos espaces publics sanitaires. Cela prête peut-être à sourire, mais il faut savoir que bon nombre de touristes japonais s’en choquent, et ne reviennent pas dans notre pays pour cette raison. Ne pourrait-on pas adopter une stratégie nationale en ce domaine, avec une offre uniforme sur le territoire ? C’est aussi, quoi qu’on en dise, un élément de l’attractivité de notre pays, et surtout, de fidélisation de la clientèle.

M. le commissaire général à l’investissement. Notre choix – que nous revendiquons – a été de ne pas définir ex ante des enveloppes par secteur stratégique. Notre constat, confirmé par l’exécution des PIA 1 et PIA 2 a en effet été que lorsqu’on procédait ainsi, les administrations compétentes y déversaient leurs programmes ordinaires. Cela étant, nous ferons des appels à projets sectorisés, et en fonction du succès et de l’intérêt des projets, nous les financerons.

Dans le domaine spatial et aéronautique, on voit déjà que certains projets sont tout à fait dans l’esprit du PIA. Selon moi, même si je ne peux pas préjuger de l’avis des experts, ils donneront très vraisemblablement lieu à un financement du PIA.

Quand on compare le montant du PIA 3 et le montant des investissements dans la filière aéronautique et spatiale, hors débudgétisations, des PIA 1 et PIA 2, on s’aperçoit, en proportion, qu’on n’est pas très éloigné. Quand on rapproche l’investissement public en faveur du secteur de l’aéronautique et spatial français et celui qui est fait par l’Allemagne ou du Royaume-Uni, que nous prenons en compte ce qui nous semble concevable dans le PIA 3 et ce que nous prévoyons, en accord avec les administrations, comme crédits publics, auquel vient s’ajouter l’impact du crédit d’impôt recherche, nous voyons que nous nous situons à un niveau tout à fait comparable.

Nous avons parfaitement conscience que ce sont des secteurs d’innovation, qu’il y naît des projets et que c’est dans le métier du PIA de les soutenir. Je ne voudrais donc pas que l’on considère que le PIA « se désintéresse » du secteur aéronautique et spatial, qui est un secteur de force de la France. Mais, comme pour les industries de sécurité, les industries agricoles, alimentaires et le tourisme, il n’y aura pas, pour ce secteur, d’enveloppe prédéfinie et garantie.

À propos des IDEX, nous ne plaidons pas – et le jury ne plaide pas – pour la fusion entendue comme seule approche. Et d’ailleurs, parmi les IDEX retenues, certaines ne sont pas dans un modèle de fusion. Le jury n’a pas du tout écarté des systèmes avec une entité centrale et des partenaires qui feraient partie de l’IDEX sans pour autant devoir fusionner avec d’autres et abandonner leur personnalité morale. Et nous avons constaté, en sens inverse, que certaines alliances paraissaient parfois avoir été exactement calibrées pour obtenir les crédits du PIA… Une fois ceux-ci obtenus, on se les répartissait ensuite et chacun les gérait de son côté, sans esprit de convergence. La forme juridique de la communauté n’était pas une contrainte pour le jury, mais le jury entendait certains dire « voici notre projet commun », et d’autres dire « voici notre demande commune » – ce qui n’est pas exactement la même chose…

J’ajoute qu’une de nos ambitions est d’avoir des universités classables au niveau international. Il faut donc que l’ensemble qui est candidat à une IDEX ou à un I-SITE (Initiatives Sciences-Innovation-Territoires-Économie) soit effectivement classable et reconnu comme tel au niveau international. Mais nous ne sommes pas du tout pour un modèle unique de fusion, qui n’est d’ailleurs pas adapté au paysage français.

J’en viens à la stratégie de la mer. Un grand nombre d’actions portent sur la mer, comme l’énergie hydrolienne, l’énergie éolienne marine, le transport maritime et la dépollution des transports maritimes, ou l’économie d’énergie dans le transport maritime. Encore une fois, ce n’est pas une ligne spécifique. Mais je pense que les appels à projets qui concernent la mer en constituent une part importante. Nous avons, dans le PIA 2, engagé sur le maritime 1 milliard d’euros pour une centaine de projets, et nous avons l’intention de poursuivre à ce rythme – dès lors que les projets seront bons.

De façon générale, je le redis, il n’y a pas de montant a priori ni d’enveloppe par secteur. Mais nous ferons des appels à projets et des appels à manifestation d’intérêt par secteur. Et le montant alloué à ces appels à projets, tout comme le rythme de ces appels à projets, sera fonction de la qualité des réponses. C’est vrai pour le tourisme comme pour les IAA, pour la mer, etc. On ne peut pas faire un appel à projets tous secteurs, à un moment donné ; cela n’aurait aucun sens et on n’aurait pas de jury pour les choisir. Mais, dans chaque domaine, les montants seront fonction de l’appétit et du dynamisme des candidats.

S’agissant des IAA, on avait effectivement constaté certains points bloquants. Le seuil minimum notamment était tel qu’il en venait effectivement à exclure des entreprises de petite taille. Nous nous sommes attachés à corriger cela, en accord avec le ministère intéressé.

S’agissant du tourisme, il n’est évidemment pas possible d’avoir un système strictement français vis-à-vis des géants mondiaux. Mais reconnaissons – et je pense à l’internet – qu’il est arrivé de voir des géants mondiaux détrônés par d’autres, plus innovants et plus intelligents. Ainsi en France, dans un domaine non touristique, BlaBlaCar, qui était à l’origine une TPE française, est aujourd’hui beaucoup plus que cela.

Faut-il un programme européen ? Ce n’est pas toujours facile. Il y a eu, comme vous l’avez noté, un programme franco-allemand dans le numérique, qui peut être l’amorce d’un programme européen extrêmement ambitieux. En tout cas, nous encourageons les gens à aller au-delà des frontières nationales. Nous ne sommes pas pour que les entreprises se restreignent au territoire national.

Enfin, vous avez évoqué les espaces publics sanitaires. Je ne souris pas, parce que c’est une priorité du gouvernement chinois, lequel vient d’annoncer que c’était un enjeu majeur du développement touristique. Mais est-ce un domaine qui demande de l’innovation, plus que de la diffusion ? J’ai tendance que cela relève plus de la diffusion que de l’innovation, et donc que cela n’entre pas exactement dans notre champ d’intervention.

M. Éric Alauzet. Ma question porte sur le PIA et le développement durable.

Vous avez indiqué que la part d’investissements directement ou indirectement consacrée au développement durable était de 60 %, ce qui constitue un progrès puisqu’elle était de 50 % dans le PIA 2. Est-ce à dire que l’on peut que l’on peut considérer les 40 % restants comme une franchise, et que l’on peut faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas un minimum en termes de neutralité carbone et épuisement des ressources ? Et même pour la part des 60 %, il faudra tout de même vérifier l’efficacité du dispositif.

Bref, il me semble nécessaire de procéder à une évaluation tant sur les 60 % que sur les 40 % pour lesquels, à tout le moins, la transparence s’impose : à supposer qu’un projet soit totalement indispensable, mais qu’il ait un impact négatif sur le développement durable, on l’assume, mais au moins on le dit !

Enfin, le PIA peut-il contribuer, dans le cadre du secteur agroalimentaire que vous avez cité comme étant une priorité, à la modernisation des abattoirs ? Il est très important pour nos territoires que les abattoirs restent performants.

M. Patrick Hetzel. Dans une interview qu’il a accordée aux Échos, la semaine dernière, M. Peillon a fortement critiqué le Commissariat général à l’investissement, vous accusant de vous comporter comme un « ministre bis ». Il serait, à l’entendre, institutionnellement indispensable de vous placer a minima sous la cotutelle de Matignon et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour tous les projets ayant trait à ce secteur d’activité, afin d’éviter les conflits avec le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Partagez-vous ce sentiment ?

Mme Audrey Linkenheld. Je ne veux pas revenir sur la question de Patrick Hetzel ni sur celles de Geneviève Fioraso sur l’articulation avec les secteurs stratégiques, mais il est vrai que se pose, pour un certain nombre de députés, la question de l’articulation entre la sélection par l’excellence, qui est indispensable pour que la France puisse tenir son rang et se développer sur la scène internationale, et une forme d’équilibre territorial.

Vous avez souvent répondu que le PIA n’était pas là pour faire de l’aménagement du territoire, mais les questions posées par un certain nombre de nos collègues montrent que le sujet reste entier. J’aimerais savoir s’il y a des évolutions, notamment en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Le classement de nos établissements est, certes, un objectif, mais ce n’est pas forcément le seul qu’ils doivent atteindre, y compris en matière d’excellence.

Enfin, je voulais vous dire, Monsieur le commissaire général, que je ne suis pas surprise par la réponse que vous avez faite concernant la candidature de l’université de Lille à l’IDEX, mais comme je suis députée du Nord et des villes universitaires de Lille et de Villeneuve-d’Ascq, je dois vous redire l’attachement de toute la région à cette candidature…

Mme Sophie Rohfritsch. Je voudrais revenir quelques instants sur la part que vous comptez consacrer dans le PIA 3 à la transition énergétique. Vous avez annoncé 60 %. Or, vous l’avez vous-même rappelé, la part de 50 % annoncée pour le PIA 2 a été considérablement réduite par des débudgétisations, passant d’une valeur initiale de près de 18 % à un peu moins de 14 %. Afficher l’intention de consacrer une part de 60 % à la transition énergétique dans le PIA 3 est une bonne chose, mais qu’en sera-t-il en réalité ?

Ensuite, vous avez été peu bavard sur une industrie très gourmande en capitaux et aujourd’hui stratégique dans le cadre de la transition énergétique : l’industrie du nucléaire, à laquelle vous avez accordé une part importante de financement dans les programmes précédents. Qu’en sera-t-il exactement dans le PIA 3 ?

Vous dites que vous n’annoncez pas de thématiques. Compte tenu de ce qui s’est passé dans les autres PIA, il me semble, au contraire, qu’il serait intéressant d’en retenir et d’insister sur cette industrie pour anticiper la territorialisation de la production d’énergie et d’investir dans la R&D concernant les réacteurs nucléaires de petite et moyenne puissance. Il faut évidemment continuer à travailler sur les réacteurs de quatrième génération, eux aussi très gourmands en capitaux. J’aimerais connaître vos objectifs en la matière.

Enfin, quelle est l’articulation avec le plan Juncker ? Êtes-vous toujours inscrit dans une stratégie de complémentarité, notamment au vu des nouveaux engagements de l’Union européenne ?

Mme Monique Rabin. Je vous remercie, Monsieur le commissaire général, d’avoir rappelé qu’à travers le PIA, une nouvelle culture de l’évaluation était en marche dans notre pays, ainsi qu’une nouvelle culture du travail en commun entre les administrations et les entreprises privées.

Mon propos sera très ciblé. Vous avez rappelé que la place du numérique était structurante pour notre avenir. Je trouve qu’on ne souligne pas suffisamment la part prise par l’État dans cette affaire. Les services du Premier ministre, notamment le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), concourent en effet à la modernisation de l’État et aux innovations. Cette année, lors de la discussion budgétaire, le Gouvernement m’a répondu que la mission Etalab serait dotée par le PIA pour ce qui est de la modernisation de l’action publique : je pense notamment au travail effectué comme opérateur du portail data.gouv.fr et aux innovations telles que la nouvelle plateforme numérique « le.Taxi ». Qu’en est-il de votre côté.

M. Jean Lassalle. Je me demande ce qu’il faudrait faire pour avoir une meilleure communication sur nos travaux. Je me suis fait flageller par France 2, au prétexte que je n’avais participé qu’à 15 % de nos travaux sur l’ensemble de la législature. Il faut reconnaître que ce n’est pas simple, pour un député non inscrit, d’être partout en même temps. Quand on est membre du groupe Les Républicains ou du groupe Socialiste, écologiste et républicain, il y a toujours quelqu’un qui peut signer pour vous.

Lorsque je serai à l’Élysée, Monsieur le commissaire général, je commencerai par revoir entièrement la question de l’énergie. Le pétrole nous entraîne dans des guerres féroces et le nucléaire va faire peur à tout le monde. Il est temps de passer à l’énergie solaire. Nombre d’experts que j’ai rencontrés m’ont confié qu’ils étaient beaucoup plus avancés qu’on ne le dit, mais qu’on ne leur permettait pas de s’exprimer librement. Je pensais que c’était la question du stockage qui nous bloquait. Or, il semblerait que cela ne soit pas aussi évident.

J’aimerais que vous nous fassiez part de votre sentiment sur cette question, ainsi que sur l’énergie liée au mouvement des marées. Si nous ne voulons pas finir par tous nous égorger, il faut, en ce début de troisième millénaire, s’orienter vers des nouveautés qui ouvrent des perspectives d’avenir pour nos jeunes.

M. Jean-Luc Laurent. Ma question concerne le secteur spatial, qui est inscrit dans les politiques européennes.

Thomas Pesquet fait beaucoup pour la popularité de la politique spatiale et il faut l’en remercier. C’est, me semble-t-il, une opportunité pour mobiliser tous les acteurs en faveur de la politique spatiale, y compris sur le plan budgétaire.

Plus généralement, l’investissement public me semble particulièrement utile autour des actions régaliennes, là où l’anarchie créative du marché est en général la moins pertinente.

Ne faudrait-il pas cibler ces industries, doublement stratégiques, de l’aéronautique, du spatial, de la défense et du nucléaire ? Quel rôle peut jouer le PIA pour soutenir une grande politique spatiale ?

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Enfin, je voudrais vous interroger sur le PIA et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), l’accompagnement de la politique industrielle et le redressement de notre industrie.

Quel est votre regard sur le CICE tel qu’il a été mis en œuvre ? Comment voyez-vous l’avenir pour améliorer davantage encore la compétitivité de nos entreprises et, par là même, redresser durablement notre industrie et donc notre économie ?

M. Jean Lassalle. Je m’associe à cette question !

M. le commissaire général à l’investissement. Je commencerai par répondre à une question, à laquelle je n’ai pas complètement répondu tout à l’heure, sur les semi-conducteurs et la microélectronique.

Premièrement, nous financerons Nano 2017 au titre du PIA 2.

Deuxièmement, nous continuerons à soutenir l’Institut de recherche technologique Nanoelec, créé dans le cadre du PIA 1. Nous réfléchissons en ce moment à la façon de poursuivre, au-delà des dix ans initialement prévus, le financement des IRT, des instituts hospitalo-universitaires (IHU) et des instituts pour la transition énergétique, créés dans le PIA 1 mais dont, à l’évidence, le relais financier ne pourra pas être pris par d’autres acteurs au terme de l’année 2019, dernière année d’application de la convention initiale qui leur a été accordée.

J’espère que la réflexion en cours débouchera sur des mesures concrètes dans les semaines à venir, pour assurer la continuité du financement des actions déjà engagées et dont les résultats sont extraordinairement probants.

Concernant encore l’électronique hardware, nous avons lancé une réflexion sur la façon de soutenir l’innovation dans ce domaine, qui relève de choix politiques et technologiques difficiles. Je n’ai pas encore aujourd’hui la réponse à ces questions dont nous mesurons l’importance.

En ce qui concerne le PIA et le développement durable, il est vrai que l’enveloppe initialement prévue par Alain Juppé et Michel Rocard en faveur du développement durable a été continûment réduite, non pas du fait d’une volonté politique ou d’une absence de volonté politique, mais simplement faute de projets innovants. Alors qu’Alain Juppé et Michel Rocard avaient proposé d’affecter 33 % des crédits à des problématiques de développement durable, les investissements dans ce domaine, comme vous l’avez rappelé, Madame Rohfritsch, n’ont pas dépassé 15 %. Nous prévoyons, pour le PIA 3, de revenir à ce chiffre de 15 % pour les investissements directs. Ce à quoi viennent s’ajouter une deuxième tranche, l’éco-conditionnalité, et une troisième tranche, la mesure ex post de l’impact favorable sur le développement durable des investissements soutenus par le PIA. Ce qui porte le total des crédits du PIA 3 qui contribueront directement ou indirectement au développement durable à 60 %. Tout projet entrant dans le cadre de ces 60 %, fera systématiquement l’objet d’une évaluation ex post de l’impact sur le développement durable. La transparence sur ce point sera totale, d’autant que la France a émis des green bonds, et que les dépenses financées par ces obligations vertes, très prisées par les marchés financiers, sont conditionnées à un impact positif sur le développement durable. Du coup, en plus des contrôles internes menés par notre administration, ces opérations seront également soumises au contrôle des agences de notation et des agences internationales.

Cela étant, quels projets sont susceptibles d’entrer dans les 40 % restants ? Je prendrai l’exemple de la création d’un nouvel institut hospitalo-universitaire. Nos critères concernant le choix des instituts hospitalo-universitaires portent sur la pertinence de la science et la qualité des équipes médicales, et non la dimension environnementale, quand bien même il y en a une dans tout projet ; mais en toute honnêteté, je ne crois pas que l’évolution de la consommation d’électricité soit un critère totalement pertinent, s’agissant d’un institut hospitalo-universitaire – qui plus est, il variera selon les disciplines. Cela étant, nous nous y intéresserons tout de même.

En ce qui concerne la critique de M. Peillon, le CGI, au moment de ma nomination, avait été placé, à l’occasion d’un remaniement gouvernemental, sous l’autorité conjointe des ministres du redressement productif et de l’enseignement supérieur. Cette période fut brève : la tutelle du Premier ministre a été rétablie en septembre de la même année. Rappelons qu’Alain Juppé et Michel Rocard avaient présenté leur démission à la suite de cette évolution. Ils ont par la suite, à ma demande, accepté de reprendre leurs fonctions, mais cela n’a pas été facile…

Il est plus pratique d’être rattaché au seul Premier ministre pour la simple raison que c’est lui seul qui a, en application de la loi, la capacité de décider des dépenses. Mais tant avec Mme Fioraso qu’avec son successeur, la coopération a été bonne ; et s’il a pu y avoir des nuances, elles ont été résolues, soit par un accord, soit par un arbitrage. Je ne crois pas que la critique de M. Peillon sur l’existence d’un « ministère bis » soit justifiée, d’abord parce que nous travaillons ensemble, ensuite, parce qu’en termes de crédits, entre les universités et l’éducation, d’une part, et le PIA, de l’autre, c’est le cheval et l’alouette… En outre, je ne vois pas qu’il y ait eu de désaccord ces dernières années. Je plaide donc pour le maintien de la structure juridique actuelle.

En ce qui concerne l’équilibre territorial, je le répète, l’aménagement du territoire ne fait pas partie de notre mission, même si nous avons plaidé pour une enveloppe régionalisée conséquente, ce en quoi le Gouvernement et le Parlement nous ont suivis.

Dans le domaine de l’enseignement et de la recherche, nous ne focalisons pas sur les IDEX et les I-SITE. Quand je parle d’écoles universitaires de recherche, de nouveaux cursus universitaires, d’actions en faveur de la recherche, toutes nos actions sont ouvertes à des universités qui ne sont pas de grandes dimensions : il y a des domaines d’excellence dans presque toutes les universités et presque toutes les écoles. Nous ne sommes pas focalisés sur quelques grands pôles qui auraient le monopole de l’excellence et de l’intervention du CGI. Cela étant, l’exigence d’excellence s’adresse à tous, mais nous avons la conviction que l’excellence n’est pas le privilège de quelques-uns.

Quant au nucléaire, reconnaissons-le, nos interventions dans ce domaine ont été critiquées par la Cour des comptes et le comité Maystadt lorsqu’il s’est agi de financer des actions qui relevaient auparavant de l’État – ainsi les réacteurs ASTRID et Jules Horowitz. Il n’est pas exclu que ces financements se poursuivent dans le cadre du PIA 3 si aucune décision n’est prise à ce jour ; nous voudrions toutefois que l’on s’attache à éviter d’accroître sans cesse le surcoût de ces actions pour le budget de l’État, d’autant qu’en ce qui concerne le réacteur Jules Horowitz, les isotopes sont vendus dans le monde entier sous monopole : il serait dommage que la France prenne à sa charge tous les surcoûts et subventionne tous les États qui les acquièrent dans le monde !

Par ailleurs, une réflexion est en cours sur un éventuel soutien à un petit réacteur nucléaire. Je ne sais pas si elle aboutira. Il faut s’assurer que le modèle est économiquement viable et qu’il répond à tous les critères de sûreté qu’exige le nucléaire. La réponse, à ce jour, n’est pas évidente, mais c’est un sujet que nous suivons avec beaucoup d’attention.

Oui, nous sommes toujours inscrits dans une stratégie de complémentarité, avec le plan Juncker, que le PIA est chargé d’animer dans notre pays, et la France y réussit bien. Nous nous réjouissons que le plan Juncker soit doublé dans les années à venir.

Souhaiterions-nous que ce plan aille plus vers l’investissement à risque et l’innovation ? Aujourd’hui, la complémentarité tient au fait que, de notre côté, nous sommes très orientés vers l’innovation, tandis que le plan Juncker est un peu plus conservateur. Nous ne serions pas attristés qu’il devienne un peu plus audacieux… Peut-être y aura-t-il une évolution dans ce sens. En tout cas, nous le souhaitons.

Oui, nous pouvons financer des projets de modernisation des actions de l’administration, pour peu qu’ils soient tout à fait innovants. C’est un peu limite, mais force est de constater que les budgets des administrations ne sont pas conçus pour financer les vraies innovations : le mécanisme budgétaire, reconnaissons-le, n’est pas propice à l’innovation. Nous pouvons, même si cela restera très marginal, envisager de mener des actions dans ce sens dans le cadre du PIA 3, comme nous l’avons fait dans le cadre du PIA 2.

En ce qui concerne l’énergie marémotrice, nous avons financé un projet. Nous n’excluons pas de continuer à financer des projets dans ce domaine, de même que nous continuons à financer des projets visant à ce que les énergies renouvelables intermittentes donnent lieu à des stockages qui, d’une part, n’accroissent pas trop le coût, et d’autre part, ne créent pas leurs propres problèmes environnementaux : le recyclage des batteries n’a pas encore donné à ce jour toute satisfaction à cet égard. C’est donc un véritable enjeu.

M. Jean Lassalle. Je vous remercie de m’avoir répondu.

M. le commissaire général à l’investissement. Dans le domaine spatial, nous avons déjà annoncé, dans le PIA 2, le projet de satellite MicroCarb, qui répond à la fois à des soucis de développement spatial et environnementaux. Ce sera un domaine continu d’intervention.

Je ne voudrais pas que vous reteniez, lorsque j’ai dit qu’il n’y avait pas d’a priori sectoriels, qu’il s’agit d’un refus d’aller dans les secteurs d’excellence. J’ai cité des secteurs nouveaux, mais la France a un certain nombre de forces industrielles et innovantes, et le métier du PIA est de permettre à ces forces d’être toujours à la pointe du progrès. Simplement, je le répète, l’enveloppe garantie a un effet mécanique, qui fait que l’administration et les ministères se désengagent, ce qui n’est pas du tout notre objectif.

Je ne voudrais pas, parce que ce n’est pas dans mon rôle de commissaire général à l’investissement, donner des avis sur telle ou telle modalité d’allégement de charges des entreprises, et notamment sur le CICE, d’autant que c’est un des enjeux de la discussion politique actuelle. Nous nous efforçons, à notre manière, de contribuer à la compétitivité des entreprises françaises en finançant l’innovation, mais ce financement n’est pas la seule réponse à l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises. Notre action s’exerce en complément de beaucoup d’autres, qui ont été engagées depuis quelques années.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous vous remercions, Monsieur le commissaire général, d’avoir répondu à tous les parlementaires, et pour avoir donné des réponses complètes et détaillées.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 18 janvier 2017 à 9 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Alain Chrétien, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Patrick Hetzel, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Marc Laffineur, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Michel Lefait, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Michel Vergnier, M. Laurent Wauquiez

Excusés. - M. Olivier Carré, M. Alain Claeys, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Hervé Mariton, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - Mme Catherine Beaubatie, M. Guillaume Chevrollier, Mme Virginie Duby-Muller, M. François Pupponi, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Arnaud Viala

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