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Commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République

Jeudi 14 janvier 2016

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Vice-Président

– Suite de l’examen du projet de loi pour une République numérique (n° 3318) (M. Luc Belot, rapporteur)

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président.

La Commission poursuit, sur le rapport de M. Luc Belot, l’examen du projet de loi pour une République numérique (n° 3318).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Mes chers collègues, Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, nous avons d’ores et déjà examiné deux cent quarante-sept amendements au projet de loi pour une République numérique. Cela pourrait constituer une heureuse nouvelle si je n’avais pas à vous informer que nous devons encore en traiter trois cent soixante. Je vous invite en conséquence à accélérer le rythme de nos travaux, sans quoi il nous faudrait encore siéger durant plus de quatorze heures avant d’arriver à leur terme.

Article 21 (suite) (art. L–121–120, L. 121–121, L. 121–122, L. 121–123, L. 121–124, L. 121–125 [nouveaux] du code de la consommation) : Récupération et portabilité des données

La Commission est saisie de l’amendement CL33 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je retire cet amendement puisque nous sommes convenus hier de revoir la question des données récupérables par l’utilisateur de plateforme d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

L’amendement CL533 du rapporteur est également retiré.

La Commission examine l’amendement CL34 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je ne crois pas que le rôle de la loi soit de préciser que la fonctionnalité de recherche des données stockées en ligne « offre au consommateur une faculté de requête unique étendue au moins à un type ou un format de fichiers ou données ». Je propose de supprimer un alinéa qui entre vraiment trop dans le détail.

M. Luc Belot, rapporteur. Avis défavorable. Tout l’intérêt du dispositif repose sur la capacité de récupération globale des données.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Avis également défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL646 de la commission des affaires économiques.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cette nouvelle rédaction de l’alinéa 18 vise, à périmètre normatif quasi constant, à clarifier cette disposition pour les entreprises concernées comme pour les consommateurs.

M. le rapporteur. Avis plutôt favorable.

Mme la secrétaire d’État. La rédaction actuelle de l’alinéa 18 impose une double information, précontractuelle et contractuelle, du consommateur en cas d’impossibilité de transfert de ses données. L’amendement me semble moins précis car il ne comporte pas cette double garantie protectrice pour les consommateurs. Sachant que nous nous sommes engagés à retravailler sur l’article 21 avec l’ensemble des rapporteurs d’ici à la séance, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL494 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL647 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’apporter une précision afin de ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services business to business. Ces contrats prévoient déjà, pour beaucoup d’entre eux, les conditions de portabilité des données. Dans le cadre de la liberté contractuelle des parties, ils devront fixer les conditions dans lesquelles sera prévue la portabilité de leurs données.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement ne concerne pas le consommateur final auquel le Gouvernement a pris le parti d’appliquer principalement le principe de portabilité. Il est vrai que beaucoup de petites entreprises se plaignent de ne pas pouvoir récupérer leurs données. Il me semble que la loi doit aussi les protéger, même s’il n’est pas question d’imposer des contraintes aux entreprises dans les relations qu’elles peuvent avoir entre elles. Si l’Assemblée considère qu’il faut limiter le champ d’application de l’article 21 sur ce point, le Gouvernement s’en remet à sa sagesse.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL648 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Le modèle économique des entreprises du numérique s’apprécie à des échelles de temps différentes. Sachant que les évolutions dynamiques de marché se mesurent en mois, sinon en jours, la référence au nombre de connexions au cours « des trente derniers jours » me semble plus pertinente que celle au « douze derniers mois » proposée dans le texte.

M. le rapporteur. Peut-être pouvons-nous trouver une durée qui se situerait entre les « trente derniers jours », pour lesquels les chiffres ne sont pas toujours simples à calculer, et les « douze dernier mois », qui paraissent trop longs, à moins que nous ne renvoyions ce choix au décret ?

Mme la secrétaire d’État. L’introduction d’un critère de seuil fondé sur « le nombre de compte utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion » est très novatrice. La notion de chiffre d’affaires est mise de côté pour coller à la réalité des entreprises du numérique qui peuvent connaître de très fortes croissances en de très courts laps de temps.

« Trente jours » semble toutefois un délai très bref. Tout en s’inscrivant dans la logique de l’amendement, le Gouvernement souhaite qu’il soit rectifié : il propose qu’à l’alinéa 23, les « douze derniers mois » soient remplacés par les « six derniers mois ». Monsieur le rapporteur, il me semble utile de fixer d’emblée une durée dans la loi afin d’assurer la lisibilité et la sécurité juridique du dispositif.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je me rallie à cette rectification.

M. le rapporteur. J’y suis également favorable.

Mme Laure de La Raudière. En tergiversant sur la période à prendre en compte, il me semble que nous passons à côté du véritable problème. Quel seuil le décret fixera-t-il en termes de nombre de connexions ? L’étude d’impact n’est pas précise sur le sujet, et nous ne savons pas ce que le Gouvernement a en tête en la matière. Madame la secrétaire d’État, quelles seront les entreprises concernées ?

Mme la secrétaire d’État. L’idée est de viser les grandes entreprises qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs ou d’abonnés. La réduction de la période d’observation a d’autant plus d’importance que la croissance du nombre d’utilisateurs peut être extrêmement rapide.

Mme Laure de La Raudière. Les entreprises concernées seront-elles une dizaine, une centaine ?

Mme la secrétaire d’État. Elles devraient être une centaine si l’on vise un seuil d’un million d’utilisateurs.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement CL252 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le droit à la portabilité des données devrait s’accompagner d’un droit pour l’utilisateur à l’effacement de ces dernières.

Cet amendement, qui complète l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « informatique et libertés », propose que la portabilité des données constitue un motif légitime d’opposition au traitement. Il s’agit d’une suggestion du Conseil national du numérique dans son avis sur le présent projet de loi.

M. le rapporteur. La portabilité des données et l’opposition à leur traitement sont deux problématiques bien différentes. La première tend à permettre à toute personne de récupérer ses données, notamment personnelles, et ses mails dans un standard permettant leur réutilisation ou leur transfert à d’autres fournisseurs de services, alors que la seconde vise à permettre à toute personne de s’opposer à ce que ses données fassent l’objet d’un traitement.

Il n’y a donc pas lieu de faire de la récupération des données un motif d’opposition à leur traitement. Je demande en conséquence le retrait de l’amendement.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Je crains que cet amendement n’introduise une certaine confusion entre deux principes entre lesquels il n’existe pas de lien, sachant que l’article 38 de la loi de 1978, relatif au droit d’opposition, s’applique et qu’il vaut notamment pour ce qui concerne les données stockées dans le cloud.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL531 du rapporteur est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 21 modifié.

Section 3
Loyauté des plateformes

Article 22 (art. L. 111-5-1 du code de la consommation) : Principe de loyauté vis-à-vis des consommateurs

La Commission est saisie des amendements identiques CL35 de M. Lionel Tardy et CL302 de Mme Laure de La Raudière.

M. Lionel Tardy. Je souhaite la suppression de l’article 22 qui anticipe sur une réglementation que la Commission européenne achève de mettre en place concernant la loyauté des plateformes. Pourquoi placer aujourd’hui un tel boulet aux pieds des plateformes françaises ?

Cet article crée une nouvelle catégorie : les plateformes ne seraient ni des éditeurs ni des hébergeurs au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Il casse ainsi plus de dix ans de jurisprudence, désormais stabilisée, et une distinction qui ne fait plus débat. De plus, il est truffé d’imprécisions et de contresens, sans compter son flou juridique. Tout cela pour la simple et bonne raison qu’il vise uniquement à cibler certains gros acteurs. On oublie cependant que les petits acteurs en croissance, qui de surcroît sont Français, seront aussi touchés. L’étude d’impact est d’ailleurs muette sur le coût de ces nouvelles obligations pour les plateformes en question.

Mme Laure de La Raudière. Le fait même de créer des « plateformes », comme nouveau statut alternatif à ceux d’hébergeur et d’éditeur, ne fait pas l’unanimité au niveau européen. En Europe, nous en sommes seulement à la phase de consultation sur le sujet, et nous ne savons pas si ce statut verra le jour ni si le travail entrepris aboutira à une directive ou à un règlement.

Je comprends et je partage la volonté du Gouvernement mais, sur un marché unique du numérique européen, la logique voudrait que nos ambitions soient portées au niveau européen dans le cadre des consultations en cours. Le Conseil d’État a dénoncé une mauvaise fabrication de la loi : nous devons cesser de légiférer en permanence en France sur des sujets qui doivent être traités au niveau européen.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de créer un « nouveau statut alternatif » à celui des éditeurs et des hébergeurs. J’ai moi-même déposé un amendement destiné à bien intégrer la réalité des « plateformes ». Je défendrai également un amendement CL560 qui explicite clairement l’applicabilité géographique des dispositions du code de la consommation relatives aux obligations précontractuelles des professionnels.

Je propose que nous maintenions l’article 22, et que nous travaillions sa rédaction dans le sens que vous avez évoqué. Je demande le retrait de ces amendements.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. On ne peut pas me reprocher mon manque d’engagement européen en matière numérique – en tant que députée j’avais même signé un rapport d’information sur la stratégie numérique de l’Union européenne.

Monsieur Tardy, je suis dans l’obligation de vous contredire : la réglementation européenne que vous évoquez est bien loin d’être en vigueur. La Commission européenne vient tout juste de lancer une consultation publique en la matière, ce qui signifie qu’un « livre » pourrait être rédigé d’ici à un an ou plus. Quelle que soit sa couleur, il ne sortirait qu’un an plus tard. Ensuite seulement, la Commission inscrira éventuellement à l’ordre du jour de ses travaux la rédaction d’un texte législatif, qui devrait à nouveau durer un an à l’issue duquel les négociations s’ouvriront. Nous en avons pour des années !

Pour ma part, je ne pense pas que nous devons, dans ce délai, rester indifférents au rôle joué par les plateformes dans la vie de nos concitoyens. J’ajoute que ces dispositions n’entrent pas en contradiction avec le droit européen en vigueur. Nous avons en effet expliqué aux commissaires européens, qui l’ont je crois compris, que nous avons choisi de nous situer sur le terrain du droit de la consommation, et non sur celui de la concurrence qui n’est pas sans soulever un certain nombre de questions – par exemple en matière d’abus de position dominante. Nous restons strictement dans le champ du code de la consommation, ce qui ne remet aucunement en cause la directive européenne sur le commerce électronique.

Nous répondons tout simplement à une nécessité juridique : dès lors que nous créons une obligation d’information du consommateur, nous devons préciser à qui elle s’applique. Je vous indique que la notion de plateforme a également commencé à être définie par les instances européennes dans une directive récente relative à la cybersécurité, dite directive NIS, pour Network and Information Security. Les consommateurs ne doivent pas être lésés. Le Gouvernement considère qu’attendre une information loyale et transparente de la part des grands acteurs économiques constitue une exigence minimale.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL36 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet article reprend une disposition votée dans la loi dite « loi Macron » dont le décret d’application n’est pas encore publié – alors même que la loi en question est déjà remise sur le métier. Il recoupe l’article L. 111-5 du code de la consommation, issu de la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, dite « loi Hamon », qui ne traite que des comparateurs en ligne. Je propose la suppression de ce doublon.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme la secrétaire d’État. Avis plutôt défavorable. L’article L. 111-5 du code de la consommation que vous citez encadre des activités de nature différente qui s’attachent spécifiquement aux sites de fourniture d’informations en ligne permettant la comparaison des prix. L’article L. 111-5-1 vise l’information relative aux services d’intermédiation proposés par des plateformes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il me semble qu’il n’y a pas de risque de confusion ni d’excès de réglementation.

Vous soulignez en revanche à juste titre que ce dispositif précise un article introduit, sans suffisamment de concertation et de négociation avec les parlementaires, dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL554 du rapporteur et CL649 de la commission des affaires économiques.

L’amendement CL554 fait l’objet d’un sous-amendement CL598 de M. Lionel Tardy.

M. le rapporteur. L’amendement CL554 vise à clarifier la définition d’opérateur de plateforme en ligne.

Le I précise tout d’abord que la qualification d’opérateur de plateforme en ligne ne remet pas en cause ni la summa divisio instaurée par la LCEN entre la qualité d’hébergeur et celle d’éditeur de contenus en ligne ni le régime de responsabilité qui leur est associé, mais qu’elle s’y superpose dans un cadre strict lié à la protection des consommateurs.

Le I indique ensuite que l’activité de classement ou de référencement des opérateurs de plateformes en ligne doit reposer sur l’utilisation d’un ou plusieurs algorithmes informatiques.

Le II supprime la référence à l’article 19 de la LCEN puisqu’il est déjà rappelé au I que l’ensemble des dispositions de la LCEN s’applique aux opérateurs de plateformes en ligne.

M. Lionel Tardy. L’article 22 s’applique à toutes les plateformes, y compris celles qui ne font que mettre en relation des particuliers. Il est de bon ton de vouloir réguler l’économie de partage qui est pourtant au cœur de l’internet mais, en agissant ainsi, on régulerait surtout les relations entre les utilisateurs non professionnels. Pour quelles raisons ? D’où vient cette demande de régulation ? Quelle est son opportunité ? Arrêtons de raisonner à la française en produisant toujours plus de réglementation ! Blablacar, succès français, rend un véritable service concurrentiel à nos concitoyens : pourquoi vouloir lui imposer des contraintes ? Autant je peux comprendre l’application de nouvelles dispositions du code de la consommation lorsqu’une plateforme propose un service payant, autant je ne comprends pas cette démarche s’agissant de sites dits de partage.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. La définition des opérateurs de plateforme en ligne proposée couvre un champ extrêmement large allant des GAFA – les géants du net que sont Google, Apple, Facebook, et Amazon – aux opérateurs de mise en relation téléphonique. Des obligations générales s’appliquent aux opérateurs quelle que soit leur taille.

La rédaction proposée, issue de la consultation de la Commission européenne sur la régulation des plateformes en ligne qui servira de base aux discussions européennes ultérieures, vise à restreindre ce champ. Elle permet une articulation nécessaire avec les travaux menés au niveau européen.

M. le rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement parce je reste attaché à l’idée que les mêmes règles doivent s’appliquer aux professionnels et aux particuliers. Il faut que tous bénéficient des mêmes garanties de loyauté. Monsieur Tardy, je ne partage pas vos inquiétudes sur ce que nous imposerions à ces plateformes.

Madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, la définition que vous retenez n’est pas « issue de la consultation de la Commission européenne » ; elle a seulement été proposée par la Commission. Il n’y a aujourd’hui aucun accord sur ce sujet au niveau européen, vous allez donc sans doute un peu vite. Cela dit, je comprends parfaitement l’esprit de votre amendement, et j’aimerais que l’éventuelle réforme de la directive sur le commerce électronique permette de le satisfaire, mais nous n’en sommes pas là. Je vous propose de le retirer.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement soutenu par M. le rapporteur, qui répond à certaines des préoccupations qui se sont exprimées sur la nécessaire articulation entre le projet de loi et la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique.

Je ne crois pas que nous imposions une contrainte nouvelle aux entreprises du numérique en introduisant une obligation de loyauté et en appliquant un principe de transparence. Les entreprises sont déjà très nombreuses à avoir compris que ce qui est parfois présenté comme une contrainte est, en fait, une condition de la confiance qu’elles cherchent toutes à inspirer aux utilisateurs et aux clients. Je ne comprends pas le raisonnement qui veut en l’espèce distinguer les activités marchandes et non marchandes – en pratique, il est d’ailleurs très complexe de différencier ce qui relève de l’économie collaborative de l’économie dite « des services à la demande ». Je ne suis en conséquence pas favorable au sous-amendement soutenu par M. Lionel Tardy.

J’ai la même position sur l’amendement de la commission des affaires économiques. Madame Corinne Erhel, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction nouvelle proposée par le rapporteur, qui opère déjà une clarification.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je retire l’amendement mais j’appelle votre attention sur la nécessité d’être vigilant sur le périmètre dans lequel s’applique la disposition que nous nous apprêtons à adopter.

L’amendement CL649 est retiré.

Mme Laure de La Raudière. Les discussions entre les rapporteurs et la secrétaire d’État montrent bien la difficulté que nous avons à légiférer correctement sur le sujet.

Madame la secrétaire d’État, nos approches s’opposent lorsque vous considérez que de nombreuses entreprises considèrent les obligations de loyauté comme des facteurs positifs pour leur développement. Vous fabriquez une règle applicable à tous comme si chaque entreprise n’était pas capable de savoir ce qui est bon pour elle.

En septembre dernier, lors d’une table ronde de la commission des affaires économiques, les présidents et fondateurs des pépites de l’économie numérique française, comme Blablacar, Withings, ou Leetchi, auxquels nous demandions ce que nous pouvions faire pour les aider à développer leur activité en France nous ont donné une réponse unanime : « Ne faites surtout rien par la loi ! »

La Commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement CL554 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement CL37 de M. Lionel Tardy tombe.

La Commission est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CL555 du rapporteur, CL310 de Mme Laure de La Raudière, CL334 de M. Philippe Gosselin, et CL651 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur. La rédaction de cet amendement a fait l’objet de nombreuses discussions avec tous ceux qui se sont investis sur ce texte. Elle me semble de nature à mettre fin aux inquiétudes qui se sont exprimées tout en respectant les objectifs poursuivis par l’alinéa 4. Elle supprime en particulier le mot « notamment » dans la description des informations à délivrer.

Cet amendement vise à préciser que l’obligation générale de loyauté qui pèse sur tous les opérateurs de plateformes en ligne doit essentiellement permettre au consommateur de visualiser clairement les résultats de sa requête selon qu’ils sont classés ou référencés favorablement par l’opérateur en contrepartie d’une relation commerciale ou capitalistique avec la ou les personnes classées, référencées ou mises en relation.

Il supprime l’obligation de préciser explicitement qu’il n’existe aucun lien contractuel ou capitalistique avec les personnes référencées ni aucune rémunération. Il précise que seules les relations contractuelles avec des personnes morales doivent être mentionnées si elles influencent le classement ou le référencement. Il indique que les informations à délivrer au consommateur à ce titre prendront la forme d’une description générique et intelligible à inclure dans les conditions générales d’utilisation (CGU) de la plateforme en ligne.

Mme Laure de La Raudière. Sous réserve d’analyse, je retire mon amendement qui vise le même objectif que celui du rapporteur.

Mme la secrétaire d’État. Nous entendons souvent dire qu’il faudrait surtout ne rien faire. Les dispositions dont nous discutons traitent de la protection des consommateurs. Dans le monde numérique, où l’on confie ses données personnelles et où l’on utilise des moyens de paiement en ligne, on peut légitimement considérer que l’incertitude et les risques pris sont plus grands lorsque l’on accepte une offre liée à un produit innovant que dans un supermarché et dans le monde réel. Ajoutons que les critères de classement de l’information obtenue avant de procéder à un acte de mise en relation contractuelle sont beaucoup plus opaques dans l’univers numérique. Il est en conséquence nécessaire d’apporter des assurances minimales aux consommateurs. Nous nous trouvons dans un champ totalement neuf dans lequel le droit de la consommation est beaucoup moins présent que dans les secteurs plus traditionnels. Si nous demandions à nos concitoyens s’ils ont pris connaissance de la totalité des conditions générales d’utilisation des grandes plateformes numériques, en général présentés sur trente pages dans diverses langues étrangères, nous constaterions que la plupart d’entre eux ont signé aveuglément en donnant leur consentement aux CGU.

Les obligations que nous mettons en place sont finalement assez légères. Je ne souhaite pas que l’on caricature la portée de l’article 22 qui vise à protéger les consommateurs en rétablissant un équilibre minimal entre nos concitoyens et des acteurs économiques de poids.

Il me semble que l’amendement du rapporteur restreint très inutilement la portée de l’article 22. Il est même en contradiction avec la disposition prévue à l’alinéa 4 puisque ce sont finalement les plateformes elles-mêmes qui pourront décider des relations commerciales ou capitalistiques qu’elles voudront porter à la connaissance des consommateurs. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 vise simplement à informer du lien contractuel existant par exemple entre Google et Uber lorsque cette dernière application apparaît sur les cartographies de Google Maps. J’estime que le consommateur doit au moins savoir qu’il existe un lien en termes de rémunération entre les deux entreprises : c’est du bon sens !

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Le fait que le projet de loi ne lie pas l’obligation de mentionner un lien contractuel ou capitalistique à son impact sur le référencement soulève un problème, puisque cette obligation pourrait, de ce fait, concerner l’ensemble des contenus. Ainsi ce lien devrait être mentionné, par exemple, pour chaque morceau de musique en vente sur une plateforme musicale, ce qui rendrait de facto l’information illisible. Je rejoins donc la position du rapporteur : nous devons être attentifs au champ d’application de la disposition, qu’il s’agisse de la définition de la plateforme ou de la nature des obligations, qui doivent être suffisamment solides juridiquement. Or, en l’espèce, on ne sait pas où commence et où finit la relation contractuelle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Est-ce à dire que vous retirez l’amendement CL651 ?

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je veux bien me rallier à l’amendement du rapporteur ; je retire donc l’amendement CL651.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CL555 du rapporteur me paraît satisfaire, pour l’essentiel, mon amendement CL334. De ce fait, je le retire.

M. Lionel Tardy. Il semble qu’il y ait, sur ce point, un désaccord entre le rapporteur et la secrétaire d’État. Enfin une bonne nouvelle, serai-je tenté de dire ! Car, si je reste opposé à l’article 22, j’estime que, dans son amendement, le rapporteur propose une solution de repli satisfaisante, dans la mesure où il règle les trois problèmes que j’ai soulevés dans mes propres amendements : seule la présence de relations contractuelles doit être mentionnée, et non leur absence ; seules les personnes morales doivent être concernées ; enfin, ces mentions doivent être incluses dans les conditions générales d’utilisation afin de ne pas détériorer l’affichage, sachant que, sur une plateforme musicale, par exemple, chaque contenu proposé fait forcément l’objet d’une relation contractuelle. J’ajoute – et c’est un point important – que la mention ne doit être obligatoire que lorsque les relations contractuelles ont une influence sur le classement. Encore une fois, je salue l’esprit de synthèse du rapporteur, dont je l’invite à faire preuve lors de l’examen d’autres amendements.

Mme Karine Berger. L’amendement de notre rapporteur me laisse perplexe sur un point : la mention d’un lien contractuel ne serait obligatoire que si ce lien est de nature à modifier le classement des contenus. Or, sauf erreur de ma part, les mécanismes de classement sont particulièrement obscurs et sont gardés secrets par les plateformes. Dès lors, une telle précision ne risque-t-elle pas de vider l’amendement de sa substance ? Je suis en effet convaincue que les plateformes n’auront aucun mal à démontrer que ces liens ne les ont pas conduites à modifier le classement des contenus.

M. le rapporteur. Mme Berger a parfaitement raison. Je propose donc de rectifier l’amendement en substituant, dans sa première phrase, au mot : « modifier » le mot : « influencer », qui est le terme approprié ; c’est d’ailleurs celui qu’avaient retenu Mme Erhel, M. Gosselin et Mme de la Raudière dans leurs amendements.

Mme la secrétaire d’État. Le rapporteur souhaite limiter la portée de l’article 22 aux relations contractuelles qui ont une influence sur le classement des contenus. Or, et je rejoins Mme Berger sur ce point, seules les plateformes seront juges, et ce dans l’opacité la plus totale, de l’influence d’un lien contractuel sur le classement. Cette précision vide donc l’article de sa substance. Je vais illustrer ma démonstration par un exemple concret. Les consommateurs qui achètent de la musique, y compris celle qu’ils écoutent en streaming, sur la plateforme musicale d’Apple ne savent pas forcément que cette entreprise perçoit une commission de 30 % sur chaque vente, contrairement à Deezer – une entreprise française – ou Spotify, qui, obligés de passer par la plateforme d’Apple pour se faire distribuer, sont tenus de lui payer une commission. En l’espèce, le lien capitalistique qui existe entre la plateforme d’Apple et les vendeurs et producteurs de musique n’a pas forcément d’influence sur le classement. Pourtant, on peut considérer que les consommateurs sont en droit d’en connaître l’existence.

J’insiste sur le fait que l’article 22 tend à imposer une obligation de loyauté. Il ne s’agit pas de contraindre à l’excès les entreprises, mais d’assurer une transparence de bon aloi dans un monde dominé par des géants qui laissent peu de place aux plus petits.

Les amendements CL310, CL334 et CL651 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL555 rectifié.

En conséquence, les amendements CL138, CL139 et CL108 de M. Lionel Tardy tombent.

La Commission examine l’amendement CL476 de Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un amendement d’appel, en vue du débat en séance publique. Il vise en effet à imposer aux opérateurs l’obligation de rappeler aux consommateurs les principes de protection des droits visés au code de la propriété intellectuelle et les régimes de responsabilité. Concrètement, une plateforme musicale serait tenue de rappeler que les contenus qui y sont mis en ligne pourraient faire l’objet d’une protection des droits de la propriété intellectuelle. On sait que les plateformes ne sont pas responsables de la mise en ligne de contenus illicites et qu’un recours des ayants droit est nécessaire pour que ceux-ci soient retirés. Quoi qu’il en soit, il me semble que nous pouvons au moins leur demander de rappeler aux consommateurs que le droit de la propriété intellectuelle s’applique aux contenus qu’elles mettent à leur disposition.

M. le rapporteur. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, je vais laisser Mme la secrétaire d’État répondre. Néanmoins, je crois qu’il ne faut pas imposer trop de contraintes aux opérateurs et aux plateformes ; on pourrait leur demander de faire de la pédagogie sur bon nombre d’autres sujets. Je rappelle que les conditions générales d’utilisation comportent déjà un certain nombre d’éléments de cet ordre. Peut-être est-ce suffisant, compte tenu des obligations que nous imposons déjà à ces plateformes.

Mme la secrétaire d’État. J’ai rappelé à plusieurs reprises que l’article 22 se situe sur le terrain de la problématique économique, en particulier du droit des consommateurs. Le droit, y compris celui de la propriété intellectuelle, s’applique déjà en l’état actuel des choses. S’il fallait ajouter des mentions supplémentaires relatives aux contenus illicites – je pense, par exemple, aux contenus pédopornographiques –, à la contrefaçon ou aux droits d’auteur, on risquerait de surcharger le consommateur d’informations. Cela ne me paraît pas nécessaire. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

Mme Karine Berger. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion du texte en séance publique, car il serait regrettable que la protection des droits des consommateurs ne s’accompagne pas d’une protection des droits économiques de manière générale. De fait, sur les plateformes de biens culturels, il n’est rappelé nulle part que la mise en ligne d’un contenu peut se faire en violation de la loi ; nous devons trouver un moyen de le signaler. Mais, à ce stade, je retire l’amendement, et je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL652 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a pour objet d’étendre les obligations de loyauté, de clarté et de transparence que les plateformes ont envers les consommateurs aux relations que celles-ci entretiennent avec les professionnels qui utilisent leurs services et qui sont parfois les premières victimes de l’opacité de leurs pratiques de classement et de référencement.

M. le rapporteur. Ce sujet doit être traité au niveau européen, car cet amendement est contraire au droit en vigueur. Je vous demande donc, madame la rapporteure pour avis, de bien vouloir le retirer.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. J’ai en effet précisé que le gouvernement français avait choisi de se placer sur le terrain du droit de la consommation pour ne pas empiéter sur le droit européen, notamment celui de la concurrence qui s’applique aux relations entre professionnels. Pour la portabilité, par exemple, nous décidons de limiter la portée de la disposition aux relations avec le consommateur final ; la même logique doit s’appliquer ici. D’un côté, on explique au Gouvernement qu’il ne faut pas trop étendre les obligations ; de l’autre, on est prêt à les étendre aux relations entre professionnels. Il convient, me semble-t-il, de s’en tenir au droit de la consommation.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je vais retirer l’amendement, mais j’indique tout de même qu’un déréférencement peut avoir un impact considérable sur une petite entreprise : l’absence de loyauté peut avoir pour conséquence de ruiner le modèle économique d’une start-up, par exemple. Ses effets peuvent être encore plus graves pour certains professionnels que pour les consommateurs. Nous ne pouvons donc pas faire l’impasse sur un tel sujet, qui est pourtant absent du projet de loi.

Mme la secrétaire d’État. Je partage votre constat, mais nous voulons coller au droit européen. Or, la disposition que vous proposez serait contraire à la directive « Commerce électronique », à la différence des articles relatifs à la portabilité et à l’obligation de loyauté incombant aux plateformes. Néanmoins, je comprends votre raisonnement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL578 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL9 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Lionel Tardy. Cet amendement a pour objet de rationaliser et de simplifier l’information précontractuelle en soumettant l’ensemble des plateformes en ligne au sens large, y compris les sites des comparateurs, au même article traitant de l’obligation d’information loyale, claire et transparente. Il s’agit de dissiper la confusion pouvant naître du fait que les sites comparateurs se verraient soumis à une obligation identique figurant dans deux articles distincts et déclinée dans deux décrets d’application.

M. le rapporteur. Cet amendement a été satisfait par l’adoption de votre amendement CL36, monsieur Tardy.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Retirez-vous l’amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Je ne me permettrai pas de retirer un amendement dont je ne suis pas le premier signataire…

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

Article 23 (art. L. 111-5-2 [nouveau] du code de la consommation) : Autorégulation des principaux opérateurs de plateforme en ligne

La Commission examine les amendements identiques CL38 de M. Lionel Tardy et CL306 de Mme Laure de La Raudière.

M. Lionel Tardy. Même si l’article 23 tend à mettre en place une forme d’autorégulation, ce qui est préférable, il soulève le même problème que les précédents : le Gouvernement anticipe sur une réflexion qui doit être menée au plan européen, prenant ainsi le risque de multiplier les régulations. Il convient donc de supprimer cet article.

Mme Laure de La Raudière. J’ajoute que l’étude d’impact est très floue sur ce sujet.

M. le rapporteur. Plutôt que de supprimer l’article 23, je préfère que nous travaillions à améliorer sa rédaction – et, à cet égard, l’amendement CL653 de la commission des affaires économiques me paraît particulièrement pertinent.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis mettent en place des autorités administratives indépendantes, commerciales ou liées à des fédérations de consommateurs, afin de mieux comprendre les comportements commerciaux des grandes plateformes numériques et leur rôle dans l’économie numérique, sur lequel nous disposons de très peu d’informations et de travaux scientifiques, il serait dommage que la France prenne du retard dans ce domaine. Il ne s’agit pas d’imposer de nouvelles contraintes à ces entreprises mais de créer, à l’instar de ce qui se fait pour les marchés financiers, une place qui permette de mieux appréhender les problématiques économiques soulevées par la position de ces acteurs sur les marchés.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL653 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a un double objet : il vise, d’une part, à clarifier les obligations des plateformes ainsi que l’intervention de la DGCCRF et, d’autre part, à offrir, à titre expérimental, la possibilité de mettre en place une plateforme d’échanges citoyens sur les pratiques des plateformes en ligne. Il me semble qu’en matière d’autorégulation, cette méthode est la plus efficace : son caractère « viral » incitera les plateformes à être particulièrement vigilantes.

M. le rapporteur. Je suis particulièrement satisfait par la rédaction proposée par la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Avis favorable, donc.

Mme la secrétaire d’État. Je suis fort intéressée par la démarche consistant à proposer une notation des plateformes dans le cadre d’une collaboration avec les internautes. Néanmoins, le fait de confier une telle mission au Conseil national du numérique est potentiellement problématique d’un point de vue juridique, dans la mesure où ce conseil n’a pas été créé par la loi mais par un simple décret. Je suggérerai donc à Mme la rapporteure pour avis de retirer l’amendement, afin que nous continuions à travailler sur le sujet. Mais, encore une fois, la piste proposée me paraît très intéressante.

Mme Laure de La Raudière. Madame la secrétaire d’État, quelles sont les entreprises concernées par l’article 23 ? Sont-ce les mêmes que celles qui sont visées à l’article 22 ? Sont-elles une dizaine ? une cinquantaine ? Il est important que nous sachions à qui le Gouvernement souhaite imposer toutes ces règles. Or, encore une fois, l’étude d’impact est muette sur ce point.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Puisque l’adoption de l’amendement CL653 ferait tomber plusieurs autres amendements, je vais, avant de le mettre aux voix, demander à ceux de leurs auteurs qui le souhaitent de nous exposer leurs arguments.

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. L’amendement CL618 de la commission des affaires culturelles a pour objet d’étendre l’autorégulation encouragée par l’article 23 à la lutte contre les contenus illicites. Les obligations proposées dans cet amendement me paraissent proportionnées à la capacité de diffusion des plateformes et à l’impact des contenus qu’elles diffusent sur le nombre croissant de leurs utilisateurs. Ces plateformes ont acquis, dans cette période de transition, un pouvoir énorme ; il n’est pas illogique que leurs responsabilités soient légèrement renforcées dans ce domaine. Nous ne pouvons plus nous contenter du régime juridique du seul hébergeur pour ces acteurs qui en sont désormais très éloignés.

La Commission adopte l’amendement CL653.

En conséquence, les amendements CL109 et CL110 de M. Lionel Tardy, CL579 du rapporteur, CL253 de M. Sergio Coronado, CL618 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, ainsi que les amendements CL556, CL580, CL581, CL582 et CL557 tombent.

L’article 23 est ainsi rédigé.

Après l’article 23

La Commission examine l’amendement CL367 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement s’inspire des mêmes préoccupations que celles évoquées par Mme Berger à propos de l’amendement CL476. Il s’agit, en l’espèce, de la lutte contre la contrefaçon. Celle-ci est un problème ancien, puisqu’on en trouve trace dans la Rome antique, mais elle connaît aujourd’hui, notamment parce qu’elle est parfois le fait de la mafia internationale, une explosion telle qu’elle tue les investissements, la propriété industrielle, la propriété intellectuelle, et qu’elle appauvrit nos entreprises et les États. Nous proposons donc d’instaurer un devoir de vigilance des acteurs d’Internet dans ce domaine, à l’instar de ce qui existe en matière de lutte contre la provocation à la commission d’actes de terrorisme, contre l’incitation à la haine raciale ou les activités illégales de jeux d’argent. Il ne s’agit pas d’entrer dans le détail des mesures techniques qui pourraient être mises en œuvre à cette fin, mais plutôt d’établir une obligation de moyen technologiquement neutre. Une telle disposition compléterait la réglementation européenne et enverrait un véritable signal en matière de lutte contre la contrefaçon. Je rappelle que ce fléau frappe un grand nombre d’entreprises, non seulement du secteur du luxe, mais aussi des secteurs du médicament, de la santé, ou des jouets, notamment.

M. le rapporteur. On ne peut que souscrire à l’esprit de l’amendement tel qu’il vient d’être présenté par notre collègue, mais je ne pense pas que nous puissions aller plus loin que les dispositions de l’article 15 de la directive « Commerce électronique ». Je vous propose donc d’inclure ces éléments dans les bonnes pratiques mentionnées à l’article 23 du projet de loi, sachant que certaines dispositions de la LCEN traitent déjà de ce sujet. Je vous suggérerai donc de retirer votre amendement.

M. Philippe Gosselin. Je maintiens l’amendement, à ce stade. Nous verrons, lors de la discussion en séance publique, comment nous pouvons valoriser ce devoir de vigilance dans le cadre des bonnes pratiques qu’a évoquées le rapporteur.

Mme la secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.

La Commission rejette l’amendement.

Avant l’article 24

La Commission est saisie de l’amendement CL111 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Afin d’améliorer la lisibilité du projet de loi, il est proposé, par cet amendement, de regrouper les articles 24 et 25 sous une même section 4, intitulée : « Information des consommateurs », étant donné que ces deux articles ne sont pas relatifs à la loyauté des plateformes. Tel était, du reste, le cas dans le texte tel que rédigé avant son passage au Conseil d’État.

M. le rapporteur. Peut-être vaudrait-il mieux intituler la section 3 : « Loyauté des plateformes et information des consommateurs ». Cette modification peut être envisagée lors de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

Article 24 (art L. 111-5-3 [nouveau] et L. 111-6-1 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les avis en ligne

La Commission examine l’amendement CL112 rectifié de M. Lionel Tardy.

Lionel Tardy. Par cet amendement, je propose qu’un seuil de connexions soit défini par décret, à l’instar de ce qui a été fait pour les deux précédents.

M. le rapporteur. Non seulement je goûte peu les seuils, de manière générale, mais il s’agit ici uniquement d’informer le consommateur sur la procédure de vérification des avis en ligne. Si une petite plateforme ne procède à aucune vérification, elle devra simplement en informer le consommateur. Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL655 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement, déposé par Mme Dubié, a pour objet de remplacer le mot : « consommateurs » par le mot : « utilisateurs », car on peut souhaiter consulter des avis en ligne sans être forcément consommateur.

M. le rapporteur. Il n’est pas juridiquement possible d’étendre la régulation des plateformes à tous les utilisateurs « B to B », en raison de la directive « Commerce électronique ». Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également. La notion de consommateurs, dont la définition juridique est reprise dans l’article préliminaire du code de la consommation, se confond avec celle d’utilisateurs, puisqu’il s’agit de « personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles ». En tout état de cause, elle est plus large et correspond mieux à l’ambition du texte.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL558 du rapporteur, CL656 de la commission des affaires économiques, CL583 rectifié du rapporteur et CL657 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur. La notion de vérification pourrait laisser croire que les sites d’avis en ligne doivent pouvoir produire une preuve matérielle, telle qu’une facture, à l’appui du contrôle qu’ils n’ont pu réaliser – le débat concerne surtout les avis sur les hôtels et les restaurants. Certains sites d’avis en ligne ne demandent pas de tels documents afin de ne pas limiter le champ des personnes susceptibles de poster un avis. De fait, si je vous invite à déjeuner à la buvette, c’est moi qui paierai et qui recevrai donc la facture, mais chacun d’entre vous peut avoir un avis sur le repas.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement CL656 vise à ajouter à l’information sur la vérification des avis la possibilité d’informer les consommateurs sur leurs éventuelles modalités d’authentification.

M. le rapporteur. L’amendement CL583 rectifié est rédactionnel.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement CL657 est un amendement de conséquence.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable aux amendements du rapporteur, ainsi qu’à son invitation… Ces amendements satisfont les deux autres, dont je demanderai donc le retrait.

Les amendements CL656 et CL657 sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements CL558 et CL583 rectifié.

La Commission examine l’amendement CL658 de la commission des affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Dans un objectif de transparence, l’amendement tend d’une part à ce que les consommateurs puissent connaître les motifs qui ont conduit au rejet de l’avis qu’ils ont déposé, d’autre part à ce que les entreprises visées par les avis en ligne puissent signaler les avis abusifs.

M. le rapporteur. Avis favorable à cette excellente proposition.

Mme la secrétaire d’État. L’objectif de l’amendement diffère et va au-delà de l’obligation initiale fixée par l’article. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL41 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le texte est suffisamment explicite pour que l’on se passe d’un décret d’application.

M. le rapporteur. Je ne vois que des avantages à fixer par décret les modalités et le contenu de ces informations que les sites d’avis en ligne devront mettre à disposition des consommateurs. Nous y gagnerons en clarté.

M. Lionel Tardy. Mais c’est inutile.

Mme la secrétaire d’État. Je précise qu’il est aussi prévu de consulter le Conseil national de la consommation – qui réunit des représentants des consommateurs et des professionnels – pour définir les éléments caractéristiques de cette procédure et fixer les conditions de la présentation. La demande émane plutôt des entreprises, qui veulent savoir exactement quelles informations seront exigées. Avis, pour cette raison, défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL559 du rapporteur et les amendements identiques CL 42 de M. Lionel Tardy et CL323 de M. Philippe Gosselin.

M. le rapporteur. Parce que les informations communiquées sont susceptibles de couvrir des données à caractère personnel, l’amendement CL559 propose de consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avant de prendre le décret précédemment évoqué.

Mme la secrétaire d’État. Sagesse.

M. Lionel Tardy. L’amendement CL42 a le même objet, mais il trépassera si l’amendement du rapporteur est maintenu et adopté.

M. Philippe Gosselin. Il en sera de même pour l’amendement CL323, identique.

La Commission adopte l’amendement CL559.

En conséquence, les amendements CL42 et CL323 tombent.

La Commission adopte l’article 24 modifié.

Après l’article 24

La Commission examine l’amendement CL477 de Mme Karine Berger. 

Mme Karine Berger. L’amendement tente de concilier la politique culturelle de la France et sa politique numérique. L’ère numérique permettant une diffusion extraordinaire des biens et des services culturels, l’ensemble des politiques de mise en valeur de ces biens doivent être repensées. Je pense bien sûr à l’accès aux œuvres en français, en rappelant que la « loi Toubon » du 1er février 1994 avait à cette fin instauré des quotas de diffusion. Dans le même esprit, l’amendement vise à ce que les opérateurs de plateformes respectent les objectifs d’accès à la culture francophone dans les services qu’ils mettent en ligne. L’amendement ne fixe pas de quotas, renvoyant pour cela à un décret d’application, mais inscrit dans la loi le principe que l’objectif d’accès à la culture francophone s’impose aux fournisseurs de biens et de services numériques.

M. le rapporteur. Je suis aussi réservé que je l’étais précédemment sur la méthode. En outre, de nombreuses associations de consommateurs jouent ce rôle. Je suggère d’intégrer cette proposition dans la liste des bonnes pratiques prévue à l’article 23, et de s’en tenir à cela.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est attaché à la défense et à la promotion de la diversité culturelle, mais force est de constater le décalage entre certaines obligations légales relatives aux quotas de diffusion d’œuvres musicales francophones sur les chaînes de radio et l’offre des plateformes vidéo ou de streaming. Dix ans après l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco, et alors que ce sont désormais des robots qui proposent des choix aux utilisateurs, il est temps d’envisager la question en des termes différents, mais il sera préférable de le faire au niveau européen, puisque s’engage cette année la renégociation de la directive relative aux services de medias audiovisuels. Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui ne peut couvrir ce spectre.

M. Philippe Gosselin. Mme Berger a raison d’introduire ce sujet d’importance capitale. Permettez-moi de souligner, madame la ministre, que ce dont il s’agit est de défendre la culture francophone, que je n’ai pas spécialement envie de voir perdue dans la défense générique de la diversité culturelle. Chacun est conscient que la culture n’est pas un bien comme les autres. La francophonie est le bien que nous avons en partage avec de nombreux autres pays. À la loi Lang de 1981 a succédé la loi Toubon de 1994 ; toutes deux défendaient la francophonie sous ses différents aspects. Se limiter, comme le suggère le rapporteur, à renvoyer pareil sujet à une liste de bonnes pratiques est très réducteur au regard des enjeux. Les bonnes pratiques sont certes nécessaires et peut-être pourrons-nous en étoffer la liste dans cet esprit. Mais, la question est autrement plus vaste, et même si l’on ne porte pas la francophonie en étendard comme le font les Québécois, on ne peut sous-estimer la force de ces robots qui, par des pratiques commerciales déloyales, écartent purement et simplement la culture francophone de certains sites. Je soutiendrai vigoureusement l’amendement et je souhaite vivement que l’on débatte de cette question en séance publique.

M. Christian Paul. Les parlementaires et le Gouvernement partagent l’objectif qui motive l’amendement – une politique culturelle puissante et habile permettant de soutenir la création et l’ensemble de la chaîne de diffusion – mais je ne suis que modérément convaincu par la forme de la proposition. Notre rêve commun est que l’exception culturelle à la française devienne une exception culturelle européenne partagée. Mme la ministre l’a dit, l’ère numérique nous impose d’inventer des réponses nouvelles ; mais objectifs chiffrés et quotas sous de nouvelles formes paraissent difficilement transposables et seraient une perte de temps pour ceux qui cherchent à dessiner une politique culturelle efficace. Pour soutenir la création, il existe deux moyens. Le premier est d’aider les créateurs et les ayants-droit dans leur bras de fer avec les plateformes ; nous avons perdu beaucoup de temps en nous focalisant sur la traque d’usages qui étaient pourtant acceptables au lieu de nous concentrer sur l’analyse de la manière dont les plateformes captent la valeur. Le second moyen est d’inventer de nouvelles formes de rémunération des artistes, et à ce sujet la France a perdu de longues années. Depuis l’adoption de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, et de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI, les artistes et les ayants-droits et la création française en général ont probablement perdu plusieurs milliards d’euros. Nous nous sommes suffisamment égarés sur de fausses pistes pour ne pas poursuivre dans cette voie.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL560 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à compléter l’article L. 111-7 du code de la consommation en précisant que sont soumises aux obligations du présent chapitre les personnes physiques ou morales exerçant à titre professionnel établies sur le territoire français ou sur le territoire de l’Union européenne, ou celles qui, sans être établies sur le territoire français ou sur le territoire de l’Union européenne, dirigent par tout moyen leur activité vers le territoire français ou causent un dommage à un consommateur sur le territoire français.

Mme la secrétaire d’État. Cette proposition n’apparaît pas nécessaire puisque l’article 6 du règlement européen Rome I attribue compétence à loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, si le professionnel y exerce ou dirige ses activités. Pour que l’amendement soit compatible avec ce règlement, il conviendrait donc de le préciser en ces termes. J’en suggère donc le retrait, au moins pour l’instant.

M. le rapporteur. Je le retire, et le préciserai de la sorte avant de le présenter en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements CL429 de M. Michel Zumkeller, CL430 de M. Bertrand Pancher et CL431 de M. Michel Zumkeller, qui font l’objet d’une présentation commune.

Mme Maina Sage. En 2013, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions déjà appelé l’attention du Gouvernement sur la pratique commerciale déloyale – dite « IP tracking » – qui consiste à collecter les données personnelles d’un utilisateur lors d’une connexion aux seules fins de faire varier ensuite artificiellement les prix d’une prestation ou d’un service ; cela vaut notamment pour les achats de billets de train et d’avion en ligne, ce que l’amendement CL429 tend à interdire. De même, l’amendement CL431 propose d’interdire l’utilisation de l’IP tracking pour géo-localiser l’internaute afin de lui proposer des publicités ciblées. L’amendement CL430 a un objet légèrement différent : il propose d’interdire la modulation des tarifs de vente selon l’heure à laquelle un internaute effectue son achat.

M. le rapporteur. Ces pratiques scandaleuses ont souvent été constatées par les consommateurs. Le plus difficile est de prouver qu’il y a eu IP tracking ; c’est le rôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Notre droit permettant de sanctionner les pratiques commerciales trompeuses, je demande le retrait des amendements.

Mme Maina Sage. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, le Gouvernement, par la voix de M. Benoît Hamon, alors ministre, avait demandé le retrait de notre amendement à ce sujet, expliquant que l’IP tracking n’était qu’une hypothèse et indiquant qu’une étude conjointe de la CNIL et de la DGCCRF ferait la lumière. Elle a été conduite. En concluant qu’« aucune technique observée ne prend en compte l’adresse IP des internautes comme élément déterminant », ses auteurs démontrent en creux l’utilisation de cette technique, dont nous réaffirmons qu’elle doit être interdite par la loi.

Mme la secrétaire d’État. Toute consciente que je sois de la situation que vous décrivez, je suis défavorable à l’amendement. En effet, l’article L.121-1 du code de la consommation établit les critères de la pratique commerciale trompeuse, au nombre desquels le fait d’appliquer des tarifs différents à des consommateurs qui se trouvent dans une situation identique. D’ailleurs, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a fixé à 300 000 euros la sanction de tels agissements, l’amende pouvant être portée à 10 % du chiffre d’affaires du professionnel concerné ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité trompeuse ou de la pratique constituant le délit. Le problème est donc l’application effective de notre droit, sans qu’il soit nécessaire de compléter la liste des pratiques commerciales réputées trompeuses fixée par une directive européenne que nous ne pouvons modifier sans contrevenir au droit communautaire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL429, CL430 et CL431.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL475 de Mme Karine Berger. 

Mme Karine Berger. Je souhaite par cet amendement inviter le Gouvernement à engager une réflexion sur le traitement juridique des liens hypertexte. Aujourd’hui, en raison d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un lien hypertexte renvoyant à une œuvre protégée par le droit d’auteur n’est pas soumis aux mêmes obligations que le site qui héberge le bien protégé par les droits de la propriété intellectuelle. Or, considérons les mécanismes de référencement de Google : ils reposent justement sur les liens hypertexte, et ce sont bel et bien des œuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle sur le site où elles sont publiées et auquel renvoie le lien hypertexte qui permettent à Google de dégager une valeur ajoutée particulière. Autrement dit, certains opérateurs économiques d’internet bénéficient de la valeur de certains biens et services culturels protégés par le droit de la propriété intellectuelle sans jamais rémunérer leur utilisation. L’amendement, en posant la question de savoir qui a la responsabilité de la captation de valeur par le biais des liens hypertexte, vise à renverser la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est une question juridique et économique de première importance.

M. le rapporteur. Le Gouvernement ayant été explicitement interpellé, je laisse Mme la ministre répondre.

Mme la secrétaire d’État. Plusieurs pays européens – l’Allemagne pour ce qui concerne les liens hypertexte vers les articles de presse, l’Espagne, l’Italie… – ont tenté de s’attaquer à ce problème complexe, avec un succès, à chaque fois, très mitigé, car les organes de presse, qui visent aussi un bon référencement sur les moteurs de recherche, entretiennent des relations très ambiguës avec les plateformes concernées. C’est au niveau européen, lors de la révision de la directive relative au droit d’auteur qui s’engage cette année, que la question devra être posée. Dans ce cadre, le Gouvernement dira quelle suite doit être donnée aux conclusions du rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique relative à l’articulation entre la directive sur le commerce électronique, qui fixe le régime de responsabilité des hébergeurs, et la directive relative au droit d’auteur. Il est prématuré d’apporter à cette question une réponse juridique au niveau national.

Mme Karine Berger. Je retire l’amendement, que je reprendrai en séance publique pour ouvrir le débat, et j’espère que la position du Gouvernement sera connue lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

L’amendement CL475 est retiré.

Article 25 (art. L. 121-83 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les débits de connexion

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL561 du rapporteur, CL659 de la commission des affaires économiques, CL 390 de Mme Marietta Karamanli et CL391 de Mme Bernadette Laclais. 

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. L’amendement CL561 du rapporteur tendant à la suppression de l’article, les amendements suivants tomberont s’il est adopté. Après qu’il l’aura défendu, je donnerai donc, par courtoisie, la parole à leurs auteurs.

M. le rapporteur. Je propose en effet la suppression d’un article inutile en ce qu’il se limite à reprendre certaines des obligations nouvelles qui s’imposent aux opérateurs de communications électroniques en vertu du règlement « marché unique des communications électroniques » du 25 novembre 2015, qui est d’application directe. À supposer que l’article demeure, je donnerai un avis favorable à l’amendement CL390, qui reprend, à l’alinéa 3, les termes exacts du règlement européen.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Par l’amendement CL659, nous proposons de préciser l’obligation contractuelle des opérateurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’amendement CL390 a été défendu par le rapporteur. Quant à l’amendement CL391, il précise le début de l’alinéa 3, par cohérence avec l’amendement CL659 de la commission des affaires économiques. Mais nous voterons l’amendement de suppression de l’article s’il est maintenu.

Mme la secrétaire d’État. J’exprime un avis favorable à l’amendement CL390 et je demande le retrait des amendements CL561 et CL659 ; l’amendement CL391 tombera si l’amendement CL390 est adopté. Je ne mésestime pas, madame Ehrel, l’importance d’informer clairement les consommateurs, mais nous pouvons nous en tenir au texte du règlement européen du 25 novembre 2015, qui est d’application immédiate et qui définit minutieusement les obligations d’information en matière de débit.

M. le rapporteur. Je retire l’amendement CL561 au bénéfice de l’amendement CL390.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je retire l’amendement CL659.

Les amendements CL561 et CL659 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL390.

En conséquence, l’amendement CL391 tombe.

La Commission adopte l’article 25 modifié.

Après l’article 25

La Commission examine l’amendement CL157 de M. Bernard Gérard.

M. Philippe Gosselin. La fibre optique étant devenue un produit d’appel, il arrive que les opérateurs se livrent à une communication commerciale abusive qui s’apparente parfois à une tromperie. L’amendement tend, en renforçant l’information des consommateurs, à moraliser des publicités qui doivent faire état des performances réelles des réseaux considérés dans leur globalité et non, seulement, d’une partie de ces réseaux.

M. le rapporteur. Nous en revenons donc au débat récurrent sur la « vraie » et la « fausse » fibre optique. Il est fait allusion aux annonces considérées comme mensongères faites par un certain câblo-opérateur national. Le cadre est celui des pratiques commerciales déloyales. Or, j’ai constaté que ce fournisseur établit explicitement dans ses dernières publicités que le réseau auquel il propose l’accès est un réseau de fibre optique à terminaison coaxiale ; il n’est donc pas indispensable de spécifier dans la loi ce qui relève du contrôle de la DGCCRF. Aussi, j’invite au retrait de l’amendement.

M. Philippe Gosselin. N’a-t-on pas parfois avantage à aider la vertu ? Accepteriez-vous que cette proposition figure dans la liste des bonnes pratiques de l’article 23 ?

M. le rapporteur. Cela peut se concevoir, mais il me semble que le câblo-opérateur concerné l’applique déjà.

Mme la secrétaire d’État. Un débat parlementaire peut être utile sur ce sujet.

Le Gouvernement travaillait à la rédaction d’un arrêté pour définir précisément ce que contient la terminologie « fibre » – doit-on parler de fibre jusqu’au logement ou jusqu’à l’immeuble ? Le Conseil national de la consommation a donné un avis sur cet arrêté.

Il me semble que la rédaction que vous proposez limite de façon importante l’utilisation du mot « fibre ». Par exemple, le terme ne pourrait plus être utilisé dans des documents commerciaux, notamment les conditions générales de vente qui ne sont pas des documents publicitaires.

Je suggère donc que nous retravaillions ensemble cet amendement parce que je suis favorable à l’introduction dans la loi d’une rédaction précise et lisible pour les consommateurs, sans pour autant exclure la fibre optique à terminaison coaxiale, terminologie employée par l’ARCEP.

M. Philippe Gosselin. J’avoue être plus sensible aux arguments de Mme la secrétaire d’État qui a bien traduit ma pensée qu’à ceux de M. le rapporteur.

M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. Traduisez-vous cette pensée en retirant l’amendement ?

M. Philippe Gosselin. Non.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL85 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet de protéger les lanceurs d’alerte de sécurité.

Certaines personnes, lorsqu’elles découvrent une faille sur un site web, avertissent le responsable de ce site afin de permettre la résolution du problème et la protection des données mises en danger. Elles jouent ainsi un rôle utile de lanceurs d’alerte.

Or, selon le code pénal, tout accès non autorisé à un système peut être considéré comme frauduleux. Le simple fait de vérifier l’existence d’une faille constitue un accès non autorisé, donc une infraction.

Le risque est désormais de dissuader ceux qui découvrent des failles de les signaler aux responsables informatiques, par peur de poursuites judiciaires. Sans lanceurs d’alerte, les sites mal protégés resteraient alors plus longtemps vulnérables face à des internautes mal intentionnés.

Il est souhaitable d’établir un cadre juridique exonérant de responsabilité les lanceurs d’alerte, personnes détectant et signalant les failles de sécurité informatique sans intention de nuire, par exemple en s’inspirant de l’article 221-5-3 du code pénal qui prévoit pour les assassinats que : « Toute personne qui a tenté de commettre les crimes d’assassinat ou d’empoisonnement est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la mort de la victime et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices ».

M. le rapporteur. Il est toujours compliqué de donner le statut de lanceur d’alerte à des hackers. Je vous propose d’attendre les conclusions du Conseil d’État qui travaille actuellement sur le statut de lanceur d’alerte, plutôt que de prévoir seulement celui des hackers.

Mme la secrétaire d’État. Cette discussion renvoie à celle que nous avons eue hier avec Mme Attard qui faisait référence au cas de Bluetooth, lequel a été condamné alors que les données auxquelles il a accédé n’étaient pas sécurisées et qu’il n’avait entrepris aucune démarche offensive pour y accéder. Ce qu’il avait fait n’était pas en soi répréhensible.

Vous limitez l’amendement à la question du lanceur d’alerte qui dénonce des failles de sécurité. D’autres pays ont introduit des protections spécifiques pour ces cas de figure. Je pense aux Pays-Bas. C’est une piste intéressante dans la mesure où les lanceurs d’alerte sont de bonne foi. Or, tel qu’il est rédigé, l’amendement accorde le bénéficie de l’exemption de responsabilité, donc de l’exemption de peine, y compris à des hackers qui se seraient introduits dans un système de traitement automatisé de données en ayant altéré le contenu de ce système et le dommage causé étant irréparable. Peut-être faudrait-il affiner la rédaction de cet amendement. J’ai demandé son avis à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) qui estime que la piste est intéressante.

Le Conseil d’État s’est penché sur la question des lanceurs d’alerte. Nous attendons ses conclusions qui devraient être publiées très rapidement. Je suggère que cette réflexion continue, soit à l’Assemblée nationale, soit au Sénat. Vous aurez noté tout l’intérêt du Gouvernement sur ce sujet.

M. Patrice Martin-Lalande. Il me semble utile d’introduire dans la loi une disposition nécessairement temporaire en attendant une rédaction plus satisfaisante à l’issue des travaux du Conseil d’État. C’est pourquoi je maintiens l’amendement.

M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. En matière pénale, l’exemption de peine n’intervient qu’après la reconnaissance de culpabilité. Elle n’empêche ni la poursuite, ni le jugement, ni la reconnaissance de culpabilité.

Je ne suis donc pas certain que la formulation que vous avez retenue corresponde à l’objectif que vous recherchez, à savoir protéger les lanceurs d’alerte. C’est au Conseil d’État de fixer les conditions de la protection des lanceurs d’alerte.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, je comprends bien vos objections juridiques. Certes, l’amendement ne peut pas être voté en l’état. Pour autant, le groupe socialiste partage son objectif. Il s’agit d’un problème auquel il faudra remédier. Peut-être une solution rapide peut-elle être trouvée avec le Gouvernement.

Mme Isabelle Attard. Tous ici, nous pouvons nous comporter comme des lanceurs d’alerte pour tester la véracité des conditions d’utilisation d’une plateforme, en y mettant de fausses informations. Nous pouvons ainsi vérifier, comme le font les journalistes, si nos données sont bien protégées. J’espère que nous sommes nombreux à le faire, ce qui nous permettra d’avoir de vrais débats en séance et de résoudre rapidement ce problème.

Je regrette que le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes ait été reporté et que nous ayons restreint la catégorie des lanceurs d’alerte à quelques professions – je ne sais pas ce que nous aurions fait si l’affaire Snowden s’était produite dans notre pays.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, l’exemption de peine suppose effectivement qu’il y ait reconnaissance de culpabilité. Cela dit, nous aurions intérêt à adopter cet amendement, ce qui permettrait de prendre acte de la préoccupation de l’Assemblée nationale et de le modifier lorsque le Conseil d’État aura trouvé une solution juridiquement satisfaisante.

La Commission rejette l’amendement.

M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. Chacun s’accorde à reconnaître que ce problème doit être résolu. Pour autant, si nous ne le réglons pas de bonne manière, les effets risquent d’être catastrophiques. Dès lors que vous ouvrez des champs de dispense de peine, il faut vérifier que la mesure est équitable par rapport à d’autres délits qui n’en prévoient pas. C’est pour cela que le problème est compliqué. Il est indispensable que le Conseil d’État donne au Gouvernement de la matière susceptible de nous faire avancer dans la pertinence, y compris constitutionnelle.

La Commission en vient à l’amendement CL387 de M. Jean-Michel Villaumé.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il s’agit d’un problème que nos collègues ont évoqué à plusieurs reprises, celui des courriels ou lettres-chaînes qui prennent de l’ampleur et dont le contenu est préjudiciable aux uns et aux autres.

M. le rapporteur. Vous avez raison de poser le problème. On parle souvent de ces canulars informatiques, ou hoax, qui circulent. Si je souscris à votre objectif, la rédaction de l’amendement pose problème. En effet, l’article 27 de la loi de 1881 – cela me fait sourire que l’on y fasse référence s’agissant d’hoax – ne s’appliquerait que lorsqu’une dimension virale en aggraverait l’ampleur. Je propose de réécrire votre amendement d’ici à l’examen du texte en séance publique, pour ne pas amoindrir la portée de l’article 27 de la loi de 1881.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Avant l’article 26

La Commission est saisie de l’amendement CL479 de Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je précise tout de suite qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

Il m’était impossible de ne pas parler de l’assiette fiscale dans le cadre de l’économie numérique. Cet amendement, bien connu de tous les groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, propose une taxation de la publicité en ligne.

Il a été adopté pour la première fois au Sénat, sous l’impulsion de M. Marini. Il a été déposé par des députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen en 2013, déposé également par des députés du groupe Union des démocrates et indépendants en 2014, puis déposé à nouveau par des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en 2015.

Aujourd’hui se pose le problème de la définition de l’assiette fiscale des prélèvements sur l’ensemble de l’économie numérique. L’OCDE mène des travaux très approfondis dans le cadre du programme beaucoup plus ambitieux base erosion and profit shirting (BEPS) de lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Le groupe socialiste est parvenu à avancer sur ces questions dans le cadre de la dernière loi de finances.

Mais nous n’avançons pas en ce qui concerne la partie numérique. Il n’existe pas d’assiette fiscale permettant une participation juste de l’ensemble des acteurs économiques du numérique au financement de nos biens communs et au devoir de contribution fiscale.

Le présent amendement vise à rappeler que l’économie numérique est basée sur la donnée personnelle qui justifie la publicité en ligne. Par conséquent, l’assiette de la publicité en ligne peut directement être rattachée à la valeur particulière que constituent les données personnelles. C’est pourquoi cet amendement a été repris à de si nombreuses reprises. Il est indispensable de poser la question de l’assiette fiscale des opérateurs numériques en France et en Europe lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique.

M. le rapporteur. Je remercie Mme Berger d’aborder la question sous cet angle. Bien souvent, quand ils parlent du numérique, les uns et les autres essaient en effet de se faire plaisir à peu de frais en essayant de « surfiscaliser », de contrôler, d’interdire les grands opérateurs.

J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je suis assez favorable à ce qu’un débat soit engagé, y compris dans l’hémicycle. Toutefois, je ne pense pas que nous disposerons des éléments fiscaux permettant de parvenir à une solution d’ici à l’examen en séance publique.

Cela dit, comme ces amendements ont été soutenus par presque tous les groupes politiques de notre assemblée et que le groupe socialiste est parvenu à des avancées, il est opportun de mener un vrai travail en amont du projet de loi de finances pour 2017. Je rappelle qu’il s’agit d’un cadre européen et international et que M. Michel Sapin s’est rendu il y a quelques mois en Australie pour évoquer ces questions. Nul doute que nous pourrons avancer, même si, pour le moment, nous le faisons trop lentement.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement a le mérite de poser une question cruciale, celle de la redevabilité de l’impôt par de grands acteurs du numérique qui ne sont pas domiciliés sur le territoire français.

Le Gouvernement partage totalement le souci d’assurer une neutralité de la taxation des dépenses de publicité, en particulier entre les différents supports. Toutefois, il me paraît difficile d’être favorable à la taxation de la publicité en ligne, d’abord parce que celle-ci est aussi une alternative de financement pour les entreprises, et en particulier pour les médias auxquels vous êtes très sensibilisée, ensuite parce que ce secteur se développe très rapidement et qu’il ne saurait être question de le freiner. De plus, le Conseil national du numérique a rappelé les effets contre-productifs d’une telle mesure. Nos entreprises seraient très certainement défavorisées par rapport à des concurrents étrangers domiciliés hors du territoire puisque, dans les faits, cette taxe serait répercutée intégralement sur des annonceurs établis en France.

Pour autant, vous avez raison, il faut absolument définir de nouveaux critères de territorialité qui soient adaptés à cette économie du numérique. Le Gouvernement français est persuadé qu’il faut avancer sur ce sujet au niveau européen, voire international. Nous sommes très proactifs dans différentes instances que vous connaissez. Il me semble que les travaux avancent – certes trop lentement – ainsi que la prise de conscience des gouvernants, et non des moindres. Je connais votre engagement sur ce sujet. C’est dans le cadre de la loi de finances, et certainement celle pour 2017, que nous pourrons poursuivre notre réflexion.

Mme Karine Berger. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL254 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. La question de savoir si l’adresse IP est une donnée personnelle a suscité une jurisprudence parfois contradictoire. Cet amendement propose d’inclure expressément l’adresse IP qui serait définie comme « toute adresse ou tout numéro identifiant l’équipement terminal de connexion à un réseau de communication », dans le champ des données à caractère personnel. La disposition proposée permettrait ainsi de faire figurer l’adresse IP dans le faisceau d’indices permettant d’identifier l’internaute.

M. le rapporteur. La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’adresse IP était une donnée à caractère personnel parce qu’elle permettait au fournisseur d’accès de retrouver la personne qui l’utilise. Pour autant, le projet de règlement européen relatif à la protection des données à caractère personnel actuellement en cours de finalisation apporte un éclairage dans son considérant 24 en affirmant que les numéros d’identification, les données de localisation, l’identifiant en ligne ou d’autres éléments spécifiques ne devraient pas être considérés en soi comme des données à caractère personnel s’ils n’identifient pas ou ne rendent pas identifiables une personne physique.

Il semble donc que cette question doit être traitée au niveau européen.

Mme la secrétaire d’État. Même avis. La question est traitée par le règlement européen qui considère qu’une adresse IP peut être une donnée personnelle lorsqu’elle permet d’identifier les personnes mais pas lorsque cette adresse est associée à une entreprise ou, a fortiori, à une machine. Je vous renvoie au texte du règlement pour avoir des précisions juridiques. Il est inutile de l’intégrer à ce stade dans la loi française.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL43 de M. Lionel Tardy et CL255 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Suivant l’avis de la CNIL, le présent amendement vise à prendre en compte le fait que la responsabilité d’un traitement de données personnelles n’est pas toujours le fait d’une seule personne. Or, si une telle mission est confiée à un prestataire, celui-ci n’est jamais responsable. Il s’agit donc d’envisager une possible coresponsabilité.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à reconnaître la possibilité d’une coresponsabilité dans les traitements de données.

Cette possibilité, admise par la directive 95/46, n’a pas été transposée explicitement dans notre droit. Elle peut toutefois être plus conforme à la réalité, et refléter l’implication de différents acteurs dans la mise en œuvre d’un même traitement.

Cet amendement répond à une préconisation exprimée à plusieurs reprises par la CNIL.

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec vous ainsi qu’avec la CNIL. Toutefois, la rédaction de l’amendement n’est pas de nature à apporter toutes les garanties. S’il y a coresponsabilité, il peut y avoir aussi dilution de la responsabilité.

Je propose de retirer ces amendements et de travailler à une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Lionel Tardy. Je maintiens cet amendement car nous n’aurons pas le temps de réfléchir à une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle.

Mme la secrétaire d’État. Nous sommes typiquement face à la difficulté de coordonner le droit européen et le droit national sur un sujet traité par le règlement européen sur les données personnelles et dont le principe que vous proposez est acquis dans le texte de ce règlement.

Le Gouvernement n’est pas fermé à la modification de la disposition proposée une fois que le règlement sera définitivement adopté. Mais à ce stade, la mesure me paraît prématurée. Aussi, le Gouvernement demande-t-il le retrait de ces amendements.

La Commission rejette successivement les amendements.

Chapitre II
Protection de la vie privée en ligne

Section 1
Protection des données à caractère personnel

Article 26 (art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Droit à la libre disposition de ses données personnelles

La Commission examine l’amendement CL536 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 26 consacre le droit à la libre disposition de ses données personnelles, c’est-à-dire le droit pour un individu de contrôler les usages qui sont faits de ses données à caractère personnel. Il s’agit d’une avancée importante. Il convient de lui donner la place symbolique qu’elle mérite à l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978 dite informatique et libertés.

Mme la secrétaire d’État. Vous m’en voyez ravie !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

Après l’article 26

La Commission est saisie d’abord de l’amendement CL399 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Colette Capdevielle. Défendu.

M. le rapporteur. Favorable.

Mme la secrétaire d’État. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL256 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 29 de la loi dite informatique et libertés, afin de rendre obligatoire l’inscription, dans les décrets autorisant les traitements de données, de la durée de conservation des données et des modalités de traçabilité des consultations du traitement.

M. le rapporteur. Ce sujet relève du domaine harmonisé du règlement européen sur la protection des données personnelles qui vient d’être adopté.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CL257 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Si la CNIL doit mettre à la disposition du public la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration, il n’est pas prévu pour l’instant qu’elle le fasse dans un format ouvert et réutilisable. Un tel fichier des fichiers serait pourtant d’une grande utilité pour les citoyens et les acteurs du monde numérique.

Par ailleurs, cet amendement reprend une recommandation du Conseil d’État dans son rapport sur le numérique et les droits fondamentaux.

M. le rapporteur. J’apprécie que ce débat soit à nouveau sur la table et je vous remercie de votre vigilance. Je suis donc favorable à cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL259 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement, en cohérence avec l’article 27 du présent projet de loi, vise à ce que la CNIL rende publique la durée de conservation des informations traitées. La CNIL dispose déjà de cette information, conformément à l’article 30 de la loi « informatique et libertés ». Cela permettra l’information constante du public.

M. le rapporteur. Je m’interroge sur la compatibilité de votre amendement avec le règlement général sur la protection des données personnelles, notamment sur l’article 31. Peut-être le Gouvernement va-t-il pouvoir nous éclairer.

Mme la secrétaire d’État. Pas vraiment ! J’ai la même interrogation, monsieur le rapporteur. Il me semble que cette proposition n’est pas compatible avec le règlement en cours de discussion. Dans l’immédiat, je demande à Mme Attard de retirer l’amendement, quitte à ce que nous le réexaminions une fois le règlement définitivement adopté.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit de rendre publique la durée de conservation.

La Commission rejette l’amendement.

Article 27 (art. 32 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Information sur la durée de conservation des données personnelles

La Commission est saisie de l’amendement CL136 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement prévoit que le responsable du traitement informe la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant des éléments motivant la durée de conservation des données traitées. Cela permet de vérifier la proportionnalité de la durée de conservation avec les objectifs et donc de pouvoir éventuellement poursuivre plus facilement les conservations abusives ou disproportionnées par rapport à l’objectif.

M. le rapporteur. Je crains que l’on alourdisse les besoins, la communication et le fonctionnement des entreprises qui seraient concernées par l’amendement. Je sais, par ailleurs, qu’il s’agit d’un point sur lequel vous êtes vigilant. L’article 32 de la loi de 1978 et l’article 27 du projet de loi sur la conservation des données personnelles permettent déjà un encadrement assez optimal. Je propose de ne pas en rajouter auprès des entreprises.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour la même raison que précédemment.

Je rappelle quelle est la méthode de stratégie de négociation du Gouvernement français au niveau européen. Nous avançons dans la loi française lorsqu’il existe des marges de manœuvre. Sur ce sujet précis, le texte du règlement européen est fermé. Il n’est pas prévu d’aller au-delà des exigences prévues par les textes européens. Il me semble important de s’en tenir à la même tactique sur tous les sujets.

M. Patrice Martin-Lalande. Les arguments de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État m’ont convaincu. Aussi, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL258 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. L’article 27 permet une meilleure information sur les durées de conservation. Il semble nécessaire de le compléter.

L’amendement prévoit notamment l’information sur les coordonnées du service auprès duquel les droits d’accès, de rectification et de suppression peuvent s’exercer, et des modalités d’exercice de ces droits par voie électronique. Il prévoit aussi que les responsables du traitement qui disposent d’un site internet doivent diffuser l’information en ligne. Il accroît également les informations que doivent fournir les services de communication en ligne, à tout moment.

M. le rapporteur. Il me semble que le I de votre amendement est déjà satisfait par l’article 28 du projet de loi sur l’exercice en ligne des droits ouverts par la loi dite informatique et libertés.

Le II de votre amendement va au-delà des exigences prévues par le règlement européen.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme la secrétaire d’État. Même avis, même si nous partageons totalement l’objectif de renforcer l’information à l’égard des utilisateurs sous-tendus par cet amendement.

Sur ce sujet comme sur d’autres, le texte européen prévoit une harmonisation maximale. Il n’est donc pas possible d’aller au-delà du règlement, contrairement à la portabilité ou le droit à l’oubli pour lesquels les États membres ont des marges de manœuvre. Il faut être très rigoureux dans la démarche de coordination vis-à-vis du travail communautaire.

Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement, tout en précisant que, dans la plupart des cas, aller au-delà de ce que demande parfois l’Union européenne est plutôt intéressant.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 27 sans modification.

Article 28 (art. 43–1 [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 4 de l’ordonnance n° 2005–1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives) : Exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL44 de M. Lionel Tardy et CL535 du rapporteur.

M. Lionel Tardy. L’amendement CL44 vise à tenir compte de la remarque pertinente que la CNIL a formulée concernant cet alinéa : d’une part, le responsable du traitement et l’éditeur du site internet ne sont pas forcément la même personne et, d’autre part, ce n’est pas parce qu’un site existe que les droits pourront être exercés effectivement par voie électronique. Afin de rendre cette bonne idée opérationnelle, cet amendement tend à ce que l’exercice des droits par voie électronique se fasse lorsque les données sont également communicables par cette même voie.

M. le rapporteur. Je propose à M. Tardy de retirer son amendement au profit de l’amendement CL535 qui vise également à tenir compte de l’avis de la CNIL en substituant à l’alinéa 2 les mots « a collecté les données à caractère personnel par voie électronique » aux mots « dispose d’un site internet ». Mme Dumont a d’ailleurs déposé un amendement identique à celui-ci.

L’amendement CL44 est retiré.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement CL535, qui permet d’exercer les droits des citoyens de manière plus effective.

La Commission adopte l’amendement CL535.

Puis elle se saisit de l’amendement CL135 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il ne suffit pas d’énoncer les droits en matière de traitement des données à caractère personnel – le droit de rectification, par exemple – pour que leur exercice soit simple ; en réalité, il est souvent très complexe et les internautes ne s’y retrouvent pas. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, l’amendement CL135 vise à préciser que ces droits s’exercent « de manière explicite et simple » car, aujourd’hui, tout est fait pour noyer le poisson.

M. le rapporteur. Je souscris volontiers à votre objectif, monsieur Gosselin, mais qui jugera du caractère « explicite et simple » de l’exercice des droits en question ? Mieux vaudrait sans doute remplacer les mots « il permet à toute personne d’exercer » par les mots « il informe clairement les personnes qu’elles peuvent exercer ».

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable : l’objectif de l’amendement est louable, mais je ne suis pas certaine que l’adjectif « explicite » soit juridiquement très… explicite.

M. Philippe Gosselin. Soit ; je maintiens l’amendement, quitte à le reformuler avant le débat en séance, puisque le rapporteur et le Gouvernement en partagent l’esprit.

La Commission rejette l’amendement CL135.

Elle passe à l’amendement CL45 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence, la notion d’autorité administrative étant codifiée dans le code des relations entre le public et l’administration, et non plus dans l’ordonnance du 8 décembre 2005.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la Commission adopte l’amendement CL45.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

Article 29 (art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Élargissement des missions de la CNIL

La Commission se saisit de l’amendement CL48 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je suis très favorable à la saisine de la CNIL concernant toute disposition relative à la protection des données personnelles, car son avis manque cruellement sur certains textes où il était pourtant attendu. Cela étant, la formulation proposée est lacunaire : toute disposition relative aux traitements automatisés fait déjà l’objet d’une saisine. L’amendement vise à clarifier le texte en ajoutant cette mention.

M. le rapporteur. Je propose le retrait de cet amendement car il est déjà satisfait par l’article 11 de la loi de 1978 qui prévoit que la CNIL « est consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » et, comme le prévoit le présent article, « sur les dispositions de tout projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données ».

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

La Commission rejette l’amendement CL48.

Elle aborde ensuite les amendements identiques CL49 de M. Lionel Tardy et CL260 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. En l’état, l’avis de la CNIL sur un projet de loi n’est rendu public que sur décision du président de la commission saisie au fond, comme le président Urvoas l’a par exemple souhaité pour ce projet de loi. Ce qui vaut pour celui-ci doit valoir pour les autres : pour quelle raison un président de commission pourrait-il s’opposer à la publication de l’avis de la CNIL qui, dans bien des cas, contribue à éclairer les parlementaires ? Dans un souci de transparence, l’amendement CL49 vise à supprimer ce filtre qui n’a plus lieu d’être puisque d’autres avis, en particulier celui du Conseil d’État, sont systématiquement rendus publics.

M. Sergio Coronado. L’amendement CL260 est défendu.

M. le rapporteur. Avis favorable : vous connaissez mon attachement à la transparence et à l’ouverture des informations.

Mme la secrétaire d’État. Avis de sagesse.

La Commission adopte les amendements identiques.

Puis elle examine l’amendement CL688 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements CL693 du rapporteur, CL692 rectifié de M. Lionel Tardy et CL694 rectifié du rapporteur, des sous-amendements identiques CL695 du rapporteur et CL697 de M. Lionel Tardy, ainsi que des sous-amendements CL698 de M. Lionel Tardy, CL696 du rapporteur et CL699 de M. Sergio Coronado.

L’amendement CL688 du Gouvernement est examiné en discussion commune avec l’amendement CL518 du rapporteur et les amendements identiques CL47 de M. Lionel Tardy, CL324 de M. Philippe Gosselin et CL394 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vous propose de commencer par examiner l’amendement CL688 du Gouvernement et les sous-amendements dont il fait l’objet, suite à quoi nous examinerons les autres amendements en discussion commune.

Mme la secrétaire d’État. Dans le même esprit que l’amendement précédent, l’amendement CL688 vise à permettre la saisine de la CNIL sur les propositions de loi – et non plus seulement les projets de loi – lorsqu’elles ont un impact sur la protection des données personnelles.

M. le rapporteur. On ne peut que souscrire à l’esprit de cet amendement. Le sous-amendement de précision CL693 vise à élargir le champ de la saisine à toute proposition de loi « relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés », le sous-amendement CL694 rectifié est rédactionnel, et le sous-amendement CL695 vise à supprimer l’alinéa 5 de l’amendement car la CNIL étant une autorité administrative indépendante, il n’est pas possible de prévoir que le Premier ministre décide que son avis sera rendu dans un délai de soixante-douze heures et ce même par décision motivée, sauf motif impérieux à définir et à circonscrire précisément, ce qui n’est pas le cas. Quant au sous-amendement CL696, il est rédactionnel. Enfin, je retire l’amendement CL518 pour me rallier à celui du Gouvernement.

L’amendement CL518 est retiré.

M. Lionel Tardy. Sans doute le Gouvernement n’était-il pas aussi alerte qu’il aurait dû l’être en déposant cet amendement ce matin. Je suis naturellement favorable à la saisine pour avis de la CNIL sur les propositions de loi, et j’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, mais à l’exception du premier alinéa, la formulation de l’amendement du Gouvernement me semble surprenante. La CNIL disposerait d’un délai de six semaines pour rendre son avis : soit. En revanche, ce délai pourrait être réduit sur demande du Premier ministre, ce qui ne laisse pas d’étonner s’agissant de textes d’origine parlementaire.

Si j’en crois son exposé des motifs, le Gouvernement a repris le dispositif prévu pour la saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Or, sauf erreur de ma part, cet organisme n’est pas une autorité administrative indépendante et, de surcroît, la réduction du délai ne peut lui être demandée que pour les projets de loi, et non les propositions de loi.

Enfin, les avis de la CNIL ne sont ni favorables ni défavorables : la CNIL rappelle systématiquement que certaines précautions doivent être prises lors de l’application du texte et formule des recommandations. Se borner à considérer que son avis est favorable à défaut de délibération dans les délais représenterait un manque pour l’auteur de la proposition de loi concernée. Telles sont les raisons qui justifient le dépôt de mes sous-amendements CL692 rectifié, CL697 et CL698.

M. Sergio Coronado. Le sous-amendement de cohérence CL699 fait écho à l’amendement que nous venons d’adopter à l’unanimité concernant la publicité des avis de la CNIL.

M. Jean-Yves Le Bouillonnnec, président. Venons-en à l’examen des amendements identiques CL47, CL324 et CL394.

M. Lionel Tardy. L’amendement CL47 vise à rétablir une possibilité qui figurait dans la version initiale du projet de loi et qui a disparu depuis : il s’agit de permettre aux présidents des assemblées de saisir la CNIL concernant des propositions de loi qui touchent à leurs domaines de compétence.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CL324 a le même objet, car je me suis étonné que cette mesure pourtant intéressante soit exclue du texte. Je précise que la saisine ne pourrait être faite que si l’auteur de la proposition de loi concernée ne s’y oppose pas, afin que les parlementaires puissent faire vivre leurs propositions comme ils l’entendent – sachant qu’une non-saisine aurait plutôt tendance à affaiblir leurs textes. Quoi qu’il en soit, cet amendement s’inscrit dans l’objectif de transparence et de publicité que nous partageons tous.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je retire l’amendement CL394, qui était inspiré par un souci de transparence et par le fait que l’avis de la CNIL peut servir fort utilement à faire vivre une proposition de loi.

L’amendement CL394 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je me permets, en qualité de président de la Commission, d’exprimer un point de vue : la loi ne saurait enjoindre au président de l’Assemblée nationale de solliciter l’avis de tel ou tel. Quand bien même il ne s’agirait que de lui en donner la faculté, il n’aurait pas besoin de cette autorisation pour le faire. En règle générale, les mesures d’injonction aux parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions – a fortiori s’il s’agit du président de l’Assemblée – sont à envisager avec la plus grande précaution.

Cela dit, j’interroge maintenant le Gouvernement concernant son avis sur ces différents amendements et sous-amendements.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement CL688 ne constitue en aucun cas une injonction au Parlement, qui est souverain. Il s’agit simplement de lui octroyer une faculté permettant le cas échéant d’ouvrir un débat. Il va de soi, néanmoins, qu’il appartient aux parlementaires d’accepter ou non cette proposition.

En l’état, le Gouvernement est favorable aux quatre sous-amendements du rapporteur. Il est également favorable au sous-amendement CL692 rectifié de M. Tardy, sous réserve qu’il soit compatible avec les sous-amendements du rapporteur, et au sous-amendement CL697 qui est identique à l’un d’entre eux. En revanche, il est défavorable au sous-amendement CL698. Enfin, le sous-amendement CL699 de M. Coronado est satisfait par un amendement qui vient d’être adopté sur la publicité des avis de la CNIL.

Le sous-amendement CL699 est retiré.

La Commission adopte le sous-amendement CL693.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte le sous-amendement CL692 rectifié.

En conséquence, le sous-amendement CL694 rectifié tombe.

Ensuite, la Commission adopte les sous-amendements CL695 et CL697.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette le sous-amendement CL698.

Elle adopte le sous-amendement CL696.

Ensuite, elle adopte l’amendement CL688 ainsi sous-amendé.

En conséquence, les amendements CL47 et CL324 tombent.

La Commission passe à l’amendement CL50 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il n’est pas inutile que la CNIL mène une réflexion sur les technologies numériques, comme elle l’a fait récemment sur les drones, mais cette réflexion doit comprendre une dimension prospective concernant les évolutions futures de ces technologies, comme le font l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, ou encore la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Je pense en particulier aux divers objets connectés qui, en 2020, devraient atteindre un nombre compris entre 26 et 50 milliards dans le monde. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le rapporteur. En dépit de ma passion pour les objets connectés, j’estime que cet amendement est déjà satisfait ; en outre, une réflexion rétrospective serait au moins aussi utile qu’une réflexion prospective. Je propose donc le retrait de cet amendement.

L’amendement CL50 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL51 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Gardons-nous de rédiger des textes trop bavards : la CNIL est libre d’organiser ou non des débats publics sans qu’il y ait besoin de l’inscrire dans la loi. Cela ne doit pas non plus être l’un de ses rôles principaux.

M. le rapporteur. On peut considérer que les mots « et en organisant des débats publics » vont sans dire, mais je préfère les conserver. Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Le numérique repose sur une culture de la multitude, et vous savez combien je suis favorable au débat public. Il serait regrettable d’exclure cette notion du texte.

La Commission rejette l’amendement CL51.

Puis elle adopte l’article 29 modifié.

Après l’article 29

La commission passe à l’examen de l’amendement CL261 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à nouveau à accroître la publicité des avis de la CNIL. Les articles 26 et 27 de la loi « Informatique et libertés » prévoient que les fichiers de police font forcément l’objet d’un avis public de la CNIL, mais cette obligation de publicité n’existe pas forcément lorsqu’il s’agit de décrets ou d’arrêtés pris après avis de la CNIL au titre d’autres lois. C’est le cas, par exemple, des décrets prévus à l’article 18 du présent projet de loi, en vertu duquel l’avis de la CNIL sera public et même « motivé ». Dès lors, cet amendement vise à ce que le silence de la loi ne soit plus interprété comme remettant en cause la publicité de l’avis de la CNIL sur un décret.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet objectif. Toutefois, il me semble que ce n’est pas au II de l’article 31 de la loi de 1978 que doit s’insérer cette proposition, mais plutôt au a) du 4° de l’article 11 de cette même loi, qui est de portée plus générale.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à étendre les cas dans lesquels l’avis de la CNIL sur un projet de décret ou d’arrêté est rendu public. Le Gouvernement est favorable à toute mesure allant dans le sens d’une plus grande transparence. Même si le législateur pourrait être amené à prévoir certaines dérogations, et compte tenu de la réserve formulée par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis de sagesse, comme il l’a fait concernant la publication des avis de la CNIL sur les projets de loi.

M. le rapporteur. Je propose de remplacer les mots « Le II de l’article 31 » par « Le a) du 4° de l’article 11 ».

Mme Isabelle Attard. Très bien.

Mme la secrétaire d’État. Dans ces conditions, le Gouvernement est favorable à l’amendement ainsi rectifié.

La Commission adopte l’amendement CL261 rectifié.

Puis elle se saisit de l’amendement CL262 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement renforce les obligations des responsables de traitements en matière de sécurité des données personnelles et impose au responsable du traitement des données d’en informer la CNIL, et éventuellement l’utilisateur, en cas de violation du traitement – sauf s’il s’agit d’un fichier de police.

Le fait de ne viser que les violations des traitements permet de ne pas viser les autres atteintes telles que la conservation d’une donnée au-delà de la durée maximale autorisée, par exemple.

M. le rapporteur. Des obligations similaires sont d’ores et déjà imposées aux fournisseurs de services de communications électroniques à l’article 34 bis de la loi « Informatique et libertés ». S’agissant des responsables de traitements, les articles 31 et 32 du projet de règlement communautaire sur la protection des données prévoient déjà des dispositions du même ordre qui sont plus précises que celles qui sont proposées dans cet amendement et, de surcroît, qui seront d’application directe. Il ne me semble donc pas possible d’aller au-delà de ces dispositions qui satisfont vos préoccupations, madame Attard.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

L’amendement CL262 est retiré.

La séance est levée à 13 heures.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Luc Belot, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Maina Sage

Excusés. - M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, M. Jean-Jacques Urvoas

Assistaient également à la réunion. - Mme Isabelle Attard, Mme Karine Berger, M. Emeric Bréhier, Mme Corinne Erhel, Mme Laure de La Raudière, M. Patrice Martin-Lalande, M. Christian Paul, M. Lionel Tardy