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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 27 avril 2016

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 72

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Audition de M. François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (C.N.C.C.F.P).

– Informations relatives à la Commission.

La séance est ouverte à 11 heures 05.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission entend en audition M. François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (C.N.C.C.F.P).

M. le président Dominique Raimbourg. Nous accueillons aujourd’hui M. François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui s’apprête à remettre son rapport annuel. Je crois opportun que la commission des Lois procède à intervalles réguliers à ce type d’auditions. Je vous informe que nous recevrons, au mois de juin, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et, en septembre, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Créée en 1990, la CNCCFP est une autorité administrative indépendante (AAI) – statut qui n’est pas remis en cause par les deux propositions de loi que nous examinerons demain en séance publique. Ces dernières semaines, la CNCCFP s’est consacrée à l’examen des comptes de campagne des élections régionales. La semaine dernière, elle a en outre publié un mémento à l’usage du candidat à l’élection présidentielle : la période de comptabilisation des recettes et des dépenses électorales est d’ailleurs ouverte depuis le 1er avril.

M. François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de ce contact avec la commission des Lois, très attentive aux missions de la Commission que j’ai l’honneur de présider. Sans revenir sur l’histoire et les jalons de cette dernière, je dirai simplement qu’elle fut créée pour exercer une mission nouvelle de l’État et non pour dissocier une mission déjà ancienne des administrations traditionnelles, et qu’à l’époque il n’avait pas été envisagé de confier cette mission nouvelle à une institution existante, telle que la Cour des Comptes, dont ce ne paraissait pas être la vocation.

Cette Commission n’a pas, comme d’autres autorités administratives indépendantes, la mission de défendre des libertés publiques. Elle n’a pas non plus de pouvoir de régulation économique ni de pouvoir normatif. C’est une institution originale présentant les caractéristiques habituellement reconnues par la doctrine aux autorités administratives indépendantes.

C’est une autorité parce qu’elle prend des décisions pouvant, dans certains cas, faire grief. Elle est administrative en ce sens qu’elle n’est pas une juridiction et que ses décisions sont au contraire soumises au contrôle du juge, dans des conditions originales : non seulement ses décisions de réformation des comptes de campagne sont soumises au juge administratif de droit commun, c’est-à-dire au tribunal administratif de Paris, mais, en outre, les décisions par lesquelles elle constate l’absence de dépôt ou le dépôt hors délai d’un compte de campagne, ainsi que celles par lesquelles elle rejette un tel compte, sont obligatoirement transmises au juge de l’élection, qui est, suivant le cas, le tribunal administratif, le Conseil d’État, ou – dans le cas des parlementaires et du Président de la République – le Conseil constitutionnel. Et c’est le juge administratif qui peut, dans certaines conditions, prononcer, pour un délai variable, l’inéligibilité du candidat dont la situation a été déférée. Enfin, c’est une institution indépendante, de par ses conditions de nomination par les présidents des trois grandes juridictions à compétence nationale. Comme pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), le président de l’institution est élu par ses pairs.

C’est une organisation légère. Ses neuf membres sont très impliqués dans l’activité de la Commission : ils y exercent la fonction de rapporteurs généraux, présentant les dossiers au collège. En période de contrôle des comptes des élections générales, les membres de la Commission consacrent à ce contrôle un gros mi-temps qui peut confiner, certaines semaines, à un véritable plein temps. Pour le président également, c’est une occupation à plein temps dans ces périodes. Nous avons ainsi tenu 97 réunions en 2015, dont environ soixante-dix ont été consacrées au contrôle des seules élections départementales – puisqu’il y avait 9 097 binômes de candidats. La Commission dispose d’un effectif permanent de collaborateurs assez réduit : trente-quatre personnes. Parmi les fonctions de soutien, la fonction informatique est particulièrement développée, la Commission s’étant dotée d’un progiciel de contrôle des comptes de campagne permettant aux rapporteurs de travailler depuis leur domicile dans toute la France, par le biais d’un intranet sécurisé. Cette application informatique est particulièrement complexe et en voie d’amélioration constante. L’effectif permanent se trouve renforcé d’une douzaine d’éléments dans les périodes de contrôle des comptes de campagne et d’un vivier de 150 à 200 rapporteurs dans les périodes de grande activité, payés à la vacation et travaillant pour l’essentiel à domicile. Il s’agit le plus souvent de magistrats ou de fonctionnaires retraités.

La Commission s’est vu confier deux rôles tout à fait différents dans leur portée et leur organisation.

Le premier a trait au financement des partis politiques. Je suis souvent amené à expliquer aux représentants des médias que notre commission, en ce domaine, n’exerce pas un véritable contrôle, mais plutôt une surveillance du respect par les partis des obligations fixées par la loi du 11 mars 1988. En effet, la législation sur les partis politiques a instauré des règles de financement qui doivent être compatibles avec une disposition fondamentale de la Constitution de 1958, son article 4, qui reconnaît aux partis politiques le droit de se constituer et d’agir librement.

Les obligations qui sont imposées à ces derniers sont de nature comptable : ils doivent remettre chaque année à la CNCCFP des comptes certifiés avant le 30 juin et ne peuvent recevoir de dons que de personnes physiques, par l’intermédiaire d’un mandataire – personne physique ou association de financement. La Commission exerce donc un contrôle de second rang, après celui qu’exercent les commissaires aux comptes, qui porte limitativement sur l’obligation comptable proprement dite et sur le respect des dispositions précises de la loi quant à l’origine et au montant des ressources – par exemple le respect du montant des plafonds de dons de personnes physiques. Nous n’exerçons, bien entendu, aucun contrôle de fond sur les dépenses et l’organisation des partis politiques. Simplement, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a élargi les possibilités de contrôle de la Commission : celle-ci peut demander des justifications détaillées sur les postes figurant au bilan au titre des emprunts d’un parti, afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas de dons déguisés ; la loi soumet désormais aussi les dons de personnes physiques à un plafond de 7 500 euros, non plus pour chaque parti mais pour l’ensemble des partis chaque année – ce qui impose à la Commission de mettre en place un logiciel de contrôle assez sophistiqué. Actuellement à l’étude, ce logiciel n’est pas encore développé, si bien que nous n’exerçons pour l’instant que des contrôles par sondage sur les dons les plus importants.

À l’égard des candidats aux élections, la Commission exerce au contraire un contrôle des comptes de campagne devant aboutir soit à l’approbation, soit à la réformation de ces comptes. Au terme d’une procédure contradictoire, elle procède alors au retrait de certaines dépenses, ce qui peut avoir pour conséquence la diminution du remboursement de l’apport personnel ayant servi à les financer. Dans un petit nombre de cas, il arrive que la Commission procède au rejet du compte, aboutissant à la saisine du juge de l’élection. Il ne s’agit pas d’un contrôle par sondage car, comme il s’agit de déterminer le montant du remboursement sur fonds publics de l’apport personnel du candidat, nous devons examiner l’ensemble des dépenses et des recettes du compte. Mais j’insiste sur le fait que ce contrôle s’exerce sur une base déclarative et non pas inquisitoriale : c’est sur la base du compte déclaré que nos rapporteurs demandent des justifications complémentaires et des pièces manquantes. Nous n’avons pas de pouvoir direct d’investigation, encore moins de nature policière. Nous pouvons saisir, le cas échéant, la brigade financière, mais les délais auxquels nous sommes astreints ne nous permettent pas de faire appel à ce moyen – qui resterait de toute façon un moyen d’exception. Et, bien entendu, ce contrôle est soumis à des voies de recours : nos décisions de réformation et de rejet peuvent être déférées au tribunal administratif de Paris, et le candidat peut apporter toute justification utile au juge de l’élection.

Plusieurs contraintes s’imposent à notre Commission.

Tout d’abord, nous évoluons dans un cadre juridique relativement complexe, mais qui présente la caractéristique d’être extrêmement précis sur certains points, notamment par les contraintes qu’il impose au candidat : désigner un mandataire au plus tard au moment où sa candidature est enregistrée ; présenter son compte par l’intermédiaire d’un expert-comptable – ce qui est une lourde charge, puisque même les candidats dont les dépenses ne sont pas remboursables doivent malgré tout avoir recours à un tel expert et, par conséquent, payer ses honoraires. La Commission a d’ailleurs, je le rappelle, émis le vœu que le recours à l’expert-comptable soit facultatif pour les candidats n’ayant pas atteint 5 % des suffrages exprimés.

Autant le code électoral est précis – et, de l’avis de certains candidats, trop contraignant – dans certains aspects, tels que l’interdiction de toute dépense directe par le candidat, autant il reste général sur certains points. Ainsi, il n’y a pas de véritable définition de la dépense électorale. J’entends bien qu’on ne puisse dresser une liste exhaustive des dépenses qui sont électorales et de celles qui ne le sont pas. Mais ce sont finalement la jurisprudence et la doctrine de la Commission qui ont été amenées, au fil des années, à définir les limites entre les dépenses électorales et les dépenses qui, bien qu’occasionnées par la campagne, n’étaient pas considérées comme électorales : dépenses personnelles, internes à l’équipe de campagne, ou liées à la campagne mais effectuées après le scrutin. Selon la définition jurisprudentielle, la dépense est électorale si elle s’adresse directement aux électeurs et vise directement l’obtention de leurs suffrages.

Nous sommes également confrontés à la difficulté de prévoir les moyens qui nous sont nécessaires. En effet, la charge de travail qui nous est imposée dépend de décisions extérieures, c’est-à-dire du nombre de candidatures à chaque élection et de la création ou de la disparition de partis. Sur bien des aspects, notre Commission effectue des contrôles de masse. Il y a actuellement plus de 430 partis enregistrés auprès de la Commission, soumis aux normes et bénéficiant des droits que donne la loi du 11 mars 1988. Mais seule une cinquantaine de ces partis ont droit à l’aide publique directe, en fonction de leurs résultats au premier tour des élections législatives et pour la seconde fraction du nombre de parlementaires qui se réclament d’eux.

En ce qui concerne les élections, nous effectuons aussi des contrôles de masse. Compte tenu du fait que les candidats qui recueillent moins de 1 % des suffrages et qui n’ont pas bénéficié de dons sont exonérés de l’obligation de dépôt de leur compte de campagne, nous avons contrôlé 4 382 comptes au terme des élections législatives de 2012 et 9 097 comptes après les élections départementales de 2015. Lorsqu’il s’agit au contraire d’un petit nombre de comptes, comme par exemple aux élections européennes et régionales – a fortiori, à l’élection présidentielle –, il s’agit de comptes très volumineux. Ainsi, aux élections régionales, plusieurs comptes frôlaient les deux millions d’euros, et un certain nombre d’entre eux le million d’euros – sommes considérables, correspondant à des centaines d’opérations à vérifier.

Autre contrainte, celle du délai, puisque nous n’avons que deux mois à partir du dépôt des comptes pour statuer lorsque l’élection donne lieu à un contentieux, même si ce dernier est soulevé pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les comptes de campagne : le juge de l’élection veut s’assurer que la décision qu’il prendra, par exemple, de rejeter le recours qui lui est soumis ne sera pas suivie, plusieurs mois après, par un autre contentieux naissant de ce que la Commission aurait rejeté le compte du candidat élu – ce qui l’amènerait à se prononcer deux fois de suite, éventuellement de façon divergente, ce que le législateur a voulu éviter à juste titre. Pour les autres comptes, nous avons six mois, mais même ce délai de six mois s’avère très juste, et nous avons à chaque fois le souci d’être en mesure de rendre nos décisions sur l’ensemble des comptes avant son expiration puisque, si ce n’était pas le cas, le compte qui nous est soumis serait réputé approuvé même s’il comportait par hypothèse des irrégularités.

La Commission doit s’adapter en permanence à l’évolution de ses missions, notamment pour appliquer la loi lorsqu’elle est modifiée. À cet égard, je pourrai éventuellement, si la question m’est posée, décrire les conséquences, pour nous, des lois qui viennent d’être publiées ces jours derniers. Elle doit s’adapter aussi dans son fonctionnement interne, c’est-à-dire se doter d’un règlement intérieur rénové, tenant compte notamment des obligations déontologiques, pour l’instant inscrites dans des procès-verbaux de la Commission et qui mériteraient de l’être dans un véritable règlement intérieur.

Une autre perspective d’évolution consiste, pour la Commission, à progresser sur la voie complexe de la dématérialisation. S’agissant des partis importants, des progrès ont déjà été accomplis : nous offrons par exemple la possibilité de dématérialiser entièrement les opérations de justifications des dons de personnes physiques. Pour l’instant, seuls quelques grands partis ont eu recours à ce procédé, qui marque un progrès par rapport aux procédures papier. En ce qui concerne les comptes de campagne, nous sommes en train de réfléchir aux moyens de progresser en ce domaine. Si la dématérialisation du compte de campagne lui-même ne paraît pas poser trop de problèmes, sauf peut-être pour des candidats à des élections locales qui n’en auraient pas nécessairement les moyens, la perspective d’une numérisation complète de toutes les pièces justificatives est en revanche beaucoup plus délicate. Dans nombre de cas, cette numérisation est en soi une opération lourde et dispendieuse qui, peut-être, excède l’intérêt de la dématérialisation elle-même. Ce sujet est actuellement à l’étude à la Commission.

M. Erwann Binet. Quels moyens opérationnels déployez-vous pour harmoniser, voire unifier, le sens des avis que vos rapporteurs peuvent donner avant le dépôt des comptes de campagne et celui des rectifications que vous effectuez par la suite ? Les cas de Corinne Narassiguin et de Daphna Poznanski ont particulièrement ému la commission des Lois. La première, qui était membre de notre commission, a vu ses comptes rejetés par la CNCCFP sur le fondement de décrets postérieurs de quatre mois au début des opérations de comptabilité de campagne !

Par ailleurs, j’ai constaté lors des dernières élections départementales qu’il pouvait y avoir, pour les mêmes dépenses, une appréciation différente de la part de la CNCCFP. J’ai vu sur votre site internet qu’en 2004, vous aviez recouru à quelque 200 rapporteurs occasionnels – ce qui est absolument nécessaire, compte tenu de votre masse de travail lors des élections locales. Comment harmonisez-vous vos avis en amont et en aval du dépôt des comptes de campagne ? Quels sont les dossiers qui remontent aux neuf membres permanents de la Commission ?

M. François Logerot. Votre question rejoint une de mes préoccupations permanentes, qui est également celle de mes collègues. Notre Commission doit en effet rendre des décisions homogènes à la fois entre candidats à une même élection, quelle que soit leur appartenance politique, et dans le temps. Or, lorsqu’il y a contentieux – et ils portent quelquefois sur un nombre important de circonscriptions –, nous devons statuer sur les comptes dans les deux mois. Ainsi, aux élections municipales de 2014, 23 % des communes faisaient l’objet d’un contentieux devant le juge de l’élection. Nous sommes donc obligés de prendre sous deux mois des décisions qui ne sont quelquefois pas complètement éclairées, alors que, si nous disposions de six mois, nous pourrions éventuellement, grâce aux procédures contradictoires qui donnent au candidat le temps d’apporter les explications nécessaires, améliorer notre information et prendre une décision plus construite et en tout cas mieux comprise.

Voici comment nous procédons pour harmoniser nos décisions.

Nos rapporteurs ont tout d’abord à leur disposition un guide, document volumineux sans cesse mis à jour pour tenir compte de la jurisprudence et des questions nouvelles que nous rencontrons. Par exemple, aux élections départementales, nous avons rencontré des problèmes inédits dus au fait que la loi avait institué le binôme de candidats. Des obligations pesaient sur le binôme de façon solidaire, mais il arrivait que les deux candidats répondent à ces obligations de façon divergente. Or, il nous fallait bien statuer sur leurs comptes.

Ensuite, des lettres sont adressées aux candidats et je demande toujours aux rapporteurs de soigner leur présentation, c’est-à-dire, bien entendu, d’exercer librement leurs fonctions pour ce qui est de réclamer des explications, des documents manquants ou des justifications complémentaires, en annonçant à chaque fois les risques éventuellement encourus en cas de non-réponse ou de réponse insatisfaisante, mais de le faire en respectant les formes. Tant qu’une irrégularité n’est pas établie, on n’a pas à menacer le candidat de façon comminatoire.

Je sais, monsieur le député, que cela n’est pas toujours respecté par les rapporteurs, et je renouvelle à chaque fois cette recommandation. Ces lettres ne partent pas directement du domicile des rapporteurs : elles sont adressées par la Commission elle-même. Nos chargés de mission permanents ont pour consigne d’examiner celles de ces lettres qui posent le plus de problèmes, pour essayer de s’assurer que la doctrine de la Commission s’y reflète correctement. Rien n’est jamais parfait et je n’ignore pas qu’il peut y avoir, localement, des incompréhensions, par exemple lorsque la lettre de contradiction envoyée au candidat dans un canton aura abouti à une réformation qui n’aura pas été retenue dans un autre cas. Cela peut aussi tenir au fait que chaque candidat n’a pas répondu de la même manière. Par exemple, l’un des candidats aura effectivement apporté les explications détaillées qui lui étaient demandées, mais pas l’autre.

Cela étant, je sais qu’il y a quelquefois des différences de comportement des rapporteurs, malgré notre vigilance et le fait que mes collègues et moi nous autocontrôlions. Il est alors possible de déposer un recours gracieux, dans un premier temps. Nous avons, à chaque élection générale, quelques dizaines de recours gracieux que nous examinons avec beaucoup d’attention. Et vous verrez dans notre prochain rapport d’activité que ces recours gracieux sont acceptés dans une proportion assez importante : en totalité ou en partie, dans à peu près la moitié des cas aux dernières élections départementales. Enfin, le candidat a toujours la faculté, soit après un recours gracieux qui n’aurait pas été accepté, soit même directement, de saisir le tribunal administratif de Paris, dans les formes les plus simples.

Des voies de recours existent donc. Mais encore une fois, c’est notre souci permanent que d’aboutir à des décisions homogènes. Et je puis donner l’assurance à la commission des Lois que, lorsqu’une proposition de réformation du rapporteur n’est pas suffisamment étayée dans son raisonnement ou dans les possibilités qui ont été données au candidat de s’expliquer, le doute doit bénéficier au candidat. Parfois, heureusement, le chargé de mission qui supervise le travail d’une équipe de rapporteurs procède lui-même à une deuxième contradiction vis-à-vis du candidat, ce qui permet bien souvent d’éliminer encore des questions ou, au contraire, de soulever une question que le rapporteur n’avait pas vue. Mais l’expérience prouve que nous ne pouvons le faire réellement que dans le cas où il n’y a pas de contentieux et où nous avons donc six mois devant nous. La difficulté vient du fait que les délais contentieux sont très courts. Nous avions émis le vœu, il y a déjà plusieurs années, que le législateur veuille bien examiner la possibilité de donner à la Commission trois mois au lieu de deux. Évidemment, cela retarderait quelque peu la décision du juge de l’élection sur le contentieux, mais peut-être cette disposition serait-elle favorable tant au travail de la Commission qu’aux candidats.

M. Patrick Mennucci. Envisagez-vous de proposer des évolutions concernant les comptes de campagne de Paris, Lyon et Marseille, villes découpées en arrondissements ou en secteurs, pour donner aux têtes de liste centrales une solution leur facilitant le travail ? Chaque secteur a en effet un compte de campagne à part, avec tous les problèmes que cela pose pour la comptabilisation des dépenses communes. Je parle d’expérience, puisque nous vous avons adressé de nombreuses questions à ce sujet lors des dernières élections municipales à Marseille.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, n’avez-vous pas le sentiment de posséder un pouvoir exorbitant ? L’intervention que vous venez d’énoncer n’est pas faite pour nous rassurer. Vous nous rappelez, en effet, qu’il n’y a pas de définition légale de la dépense électorale, puis soulignez les différences de comportement entre rapporteurs. Ne sommes-nous pas, à un moment donné, face à un pouvoir d’appréciation si large qu’il peut confiner quelquefois à l’arbitraire, voire à l’injustice ? Ne pensez-vous pas que nous soyons face à une incertitude quant à votre jurisprudence – qui est évolutive ? Comment pouvons-nous connaître à l’avance votre appréciation souveraine de la nature d’une dépense ?

Comme vous n’êtes pas sans savoir la difficulté d’une campagne électorale, vous avez admis, dans votre jurisprudence, qu’un mandataire financier, aussi scrupuleux et honnête soit-il, ne peut régler lui-même toutes les dépenses. Vous avez donc accepté qu’un certain pourcentage de ces dernières ne soit pas pris en charge directement par le mandataire mais par un tiers, quitte à ce que le mandataire prenne in fine en charge la dépense sur le compte de campagne. Et vous avez, de manière souveraine, établi un pourcentage des dépenses pouvant ne pas être prises en charge directement par le mandataire : 3 %. Pourquoi pas 5 % ou 10 % ?

Comment les candidats aux élections législatives peuvent-ils établir leur compte de campagne sans considérer celles-ci comme des élections à trois tours, dans la mesure où ils devront aller devant votre Commission sans connaître votre jurisprudence ? Nous sommes soumis aux critères subjectifs de cette instance : là est la difficulté pour tout candidat. Au delà de tous ses efforts, de sa bonne foi et de son honnêteté, il ne sait pas si, au bout du compte, son élection au suffrage universel, incontestable voire incontestée par ses concurrents, ne sera pas annulée. Ne croyez-vous pas qu’il faudrait un jour définir, sans vous laisser cette trop lourde responsabilité, ce qu’est une dépense électorale ? Pourquoi ne pas disposer d’un vadémécum en la matière ?

Ma seconde critique porte sur la procédure elle-même. Vous nous dites qu’il y a 200 rapporteurs. C’est donc la loterie : tel rapporteur estimera que la dépense est conforme, tel autre en jugera différemment. Vous nous dites que vous vous efforcez d’harmoniser leurs points de vue : c’est très inquiétant pour nous qui faisons l’effort d’être véritablement « dans les clous ». Nous évacuons évidemment toute idée de fraude – celle-ci devant être sanctionnée. Mais, sur un terrain aussi mouvant que celui de l’appréciation de la notion de dépense électorale et de pourcentages que vous établissez souverainement, on est tout de même en droit de vous interpeller quant à la nécessité de continuer à mieux encadrer ces comptes de campagne, de façon à éviter des catastrophes. Car annuler une élection au suffrage universel, incontestable et incontestée, pour des raisons de régularité formelle va à l’encontre de la conception que j’ai de cette élection.

Je vous le dis avec calme, mais avec une certaine expérience car, malheureusement, vous avez estimé, en 2008, que 8 % des dépenses de mon compte de campagne avaient été prises en charge par un tiers et qu’il fallait donc rejeter mon élection, pourtant incontestée. Je l’ai admis, bien entendu, mais sans aucune possibilité de me défendre puisque la procédure n’est pas contradictoire. Vous tentez de nous rassurer en nous rappelant que nous avons la possibilité de saisir le tribunal administratif, mais nous savons quelles sont nos chances de succès devant un tel tribunal. Nous savons aussi que le Conseil constitutionnel est à 99 % une chambre d’enregistrement de vos décisions. Il est donc très important que nous puissions développer notre point de vue devant votre Commission, éventuellement assisté par un défenseur, de façon à pouvoir discuter contradictoirement de votre analyse. Je rejoins parfaitement mon collègue Erwann Binet sur ce point : l’exemple qu’il a cité fut à nos yeux une injustice totale pour notre collègue socialiste invalidée.

M. Pascal Popelin. Il est vrai qu’à l’origine, lorsque les comptes de campagne ont été instaurés, l’objectif du législateur était qu’ils retracent l’exhaustivité des dépenses engagées. Et la conception de cette exhaustivité était même parfois inflationniste. J’ai le souvenir de la fameuse note d’essence qu’il m’a fallu fournir, dans une circonscription électorale géographiquement compacte, ou encore de ce chargé de mission de votre Commission qui s’était ému que je n’aie pas eu recours à une agence de communication pour mener une campagne cantonale, et que j’ai eu le plus grand mal à convaincre que je n’avais jamais recours à ce type de prestations.

Sans doute y a-t-il eu des abus. J’ai notamment souvenir de la fameuse garde-robe d’un candidat à l’élection présidentielle, ou de ces candidats qui faisaient rembourser l’intégralité de leurs frais de permanence pendant une année complète au motif qu’ils étaient en campagne électorale… Le problème est que les candidats doivent naviguer entre deux écueils : celui de ne pas être exhaustif dans la retranscription du compte de campagne – qui expose les candidats à des sanctions très lourdes telles que le non-remboursement, l’annulation de l’élection, voire l’inéligibilité – et celui d’être trop exhaustif, ce qui est un peu moins grave, mais peut mettre le candidat en difficulté financière en cas de réformation du compte présenté. Tout cela se passe dans un contexte jurisprudentiel instable, obligeant les candidats et leurs mandataires financiers à réapprendre, scrutin après scrutin, comment procéder. Où placez-vous aujourd’hui le curseur entre dépenses remboursables et dépenses non remboursables ne devant pas figurer dans un compte de campagne ? Compte tenu de la durée d’existence de la Commission, ne serait-il pas temps de passer du stade de cette jurisprudence instable à celui de la codification – sous une autre forme que celle d’un guide complexe à lire et qui n’est remis au candidat qu’au moment du dépôt de sa candidature ?

M. François Logerot. La question soulevée par M. Mennucci ne s’est pas seulement posée lors des élections municipales à Marseille. Nous constatons une tendance croissante des partis – soit sur le plan national, le meilleur exemple étant celui du Front national, soit sur le plan local, par exemple au sein d’une fédération départementale – à mutualiser des dépenses entre des candidats. Comme les partis ont le droit, reconnu par l’avis Beuret du Conseil d’État en 2000, de facturer des prestations qu’ils produisent eux-mêmes ou de refacturer au candidat des prestations de fournisseurs extérieurs, cette mutualisation est tout à fait admise. La Commission souhaite seulement que les critères de répartition de la dépense entre plusieurs candidats soient clairement expliqués et qu’ils aient une base rationnelle. Pour l’anecdote, nous avions constaté, il y a une dizaine d’années, qu’un parti mettait une très grosse proportion d’une même dépense sur le compte d’un candidat dont le score permettait le remboursement des dépenses, et une portion congrue de celle-ci sur celui d’un candidat dans un autre canton qui a finalement recueilli moins de 5 % des suffrages…

Il faut donc une règle du jeu. Mais, dès lors qu’il s’agit bien de dépenses électorales, elles peuvent parfaitement se trouver dans le compte. La difficulté qui s’est présentée à Marseille, c’est que les répartitions de dépenses entre candidats ont été présentées dans un premier temps, au moment du dépôt du compte dans les délais, et qu’ensuite, dans une seconde présentation, ce compte a été profondément modifié. Or, la jurisprudence du Conseil d’État ne nous permet pas d’accepter un second compte complètement différent du premier. Sous cette réserve, les dépenses mutualisées sont tout à fait acceptables et l’on comprend parfaitement l’intérêt des partis et des candidats : le parti peut se procurer des conditions meilleures pour ses candidats ; il peut également avoir les moyens de mieux apprécier les offres et de mieux discuter des prix.

Les questions posées par M. Fenech sont fondamentales. Il ressort des règles même d’organisation de notre commission que notre appréciation n’est jamais souveraine, précisément parce que nous sommes soumis au juge. Notre décision n’est jamais sans appel. Par ailleurs, je ne comprends pas l’observation selon laquelle le candidat, mécontent et atteint dans ses intérêts, voire dans la validité de son mandat, serait dans l’incapacité de se défendre. Ce n’est pas nous qui avons décidé que la Commission devait saisir le juge de l’élection : c’est l’article L. 118-3 du code électoral qui nous impose cette procédure de saisine directe. Et, bien entendu, nous ne saisissons pas le juge de l’élection en lui demandant de prononcer l’inéligibilité, encore moins l’invalidation s’il s’agit d’un candidat élu, car nous n’avons absolument pas à le faire. Nous avons seulement à justifier au juge – qui nous donne d’ailleurs quelquefois tort sur ce point – que nous avons rejeté le compte à bon droit. Lorsque le juge estime que ce n’est pas le cas, il substitue sa propre décision à la nôtre. Dans ce cas, depuis la loi de 2011, le candidat n’a pas à saisir à nouveau la Commission : c’est le juge lui-même qui règlera le compte et fixera le remboursement auquel le candidat a droit, en se saisissant de l’intégralité du dossier, y compris des éventualités de réformation que nos rapporteurs auraient signalées dans leur proposition, dans le cas où le compte n’est pas rejeté. On ne peut donc dire que le candidat soit dans l’impossibilité de se défendre.

De même, s’agissant des dépenses directes, ce n’est pas la Commission, mais la loi qui a prévu que seul le mandataire est habilité à opérer les dépenses du compte de campagne. Si la loi précisait que, dans une certaine limite ou pour certains types de dépenses, le candidat et ses colistiers sont habilités à effectuer les dépenses eux-mêmes, la Commission l’appliquerait. Il est bien entendu absurde, cela dit, d’appliquer la règle à 100 %, le candidat se trouvant assez souvent dans la nécessité d’engager lui-même la dépense, c’est-à-dire d’ouvrir son portefeuille ou d’utiliser son carnet de chèques ou sa carte bancaire. C’est la jurisprudence du Conseil d’État – et, dans un petit nombre de cas, du Conseil constitutionnel – qui a fixé une proportion maximale, faible par rapport au montant des dépenses du compte et négligeable par rapport au plafond. Les critères que la Commission applique, et qu’elle a dûment annoncés dans le guide du candidat comme dans les réponses qu’elle fait aux questions qui lui sont posées, ne sont donc pas subjectifs. Pendant une campagne électorale, nos chargés de mission répondent à beaucoup de questions posées par les candidats, soit par courriel, soit par lettre, soit par téléphone, en fonction de l’état de la jurisprudence et de la doctrine de la Commission, en réservant toujours la décision collégiale, qui ne leur appartient pas, mais en rappelant les règles applicables.

Nous avons effectivement comme ligne de conduite d’admettre les dépenses directes à condition qu’il s’agisse de menues dépenses – à hauteur de 10 % des dépenses et de 3 % du plafond. Ces pourcentages sont supérieurs à ceux que le Conseil d’État a lui-même adoptés quand il a été amené à se prononcer. Lorsque l’une des deux limites est respectée et pas l’autre, nous ne rejetons pas le compte pour autant. Et encore, avant d’appliquer ces pourcentages, déduisons-nous du montant des dépenses directes ce qui ne peut être le fait que du candidat lui-même ou de son colistier, comme les achats d’essence effectués lors d’un déplacement et les coûts de location de voiture, qui doivent être réglés avec la carte de crédit du conducteur.

Quant à l’arbitraire qui viendrait des différences de comportement de nos rapporteurs, j’insiste sur le fait que ce ne sont pas eux qui prennent les décisions. Vous avez certainement constaté, les uns et les autres, que beaucoup des réformations proposées par un rapporteur ne se retrouvaient finalement pas dans nos décisions. Combien de fois, à la suite d’une lettre d’observations de trois ou quatre pages, n’y a-t-il pas eu in fine une décision d’approbation pure et simple ? Il faut garder la proportion des choses. Les rejets ne concernent que 1,5 % ou 2 % des comptes, et les réformations des candidats remboursables 1,5 % des dépenses totales de ceux-ci. Les rejets sont quasiment toujours dus au non-respect de formalités substantielles édictées directement par la loi – telles que l’absence d’expert-comptable ou le dépôt du compte hors délai. Le Conseil d’État estime que, sauf cas de force majeure, la Commission n’a pas à accorder de délai supplémentaire. Les rejets pour des questions de fond sont très rares, surtout depuis que la loi prévoit la possibilité pour la Commission de diminuer le remboursement en considération du nombre et de la gravité relative des irrégularités, au lieu de rejeter le compte. C’est une disposition dont nous nous servons : nous en avons fait application dans quelque quatre-vingts cas lors des élections départementales, en opérant une réduction symbolique du remboursement.

Enfin, les saisines du tribunal administratif de Paris en contestation de nos décisions lors d’élections générales se comptent sur les doigts des deux mains. Si nos décisions étaient si subjectives que vous semblez le dire, les contentieux seraient beaucoup plus nombreux et la commission se verrait désavouée dans de nombreux cas.

M. Popelin a abondé dans le même sens en parlant de l’instabilité de notre doctrine. Il existe un guide du mandataire et du candidat, accessible sur notre site internet, que nous mettons à jour en fonction des problèmes nouveaux que nous rencontrons et de la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Nos chargés de mission répondent aux questions, et nous publions également une « foire aux questions » sur notre site, car nous nous rendons compte que des questions nouvelles se posent. La doctrine n’est guère instable et je demande en tout cas à tous les parlementaires, notamment à ceux de la commission des Lois, en dehors de tout contentieux, de nous saisir directement des cas flagrants d’inégalité de traitement ou de novation brutale dans nos décisions. Je suis tout prêt à examiner ces correspondances avec mes collègues de la Commission, car je comprends parfaitement ce sentiment d’injustice ou d’instabilité – qui peut naître de ce que les décisions de notre Commission ne seraient pas les mêmes d’un candidat à l’autre ou d’une élection à l’autre sur un même sujet.

M. Joaquim Pueyo. Vos 200 rapporteurs jouent un rôle essentiel, puisque ce sont eux qui contrôlent les dépenses. Comment sont-ils recrutés ? Sont-ils soumis à un code de déontologie ?

D’autre part, depuis 2011, les primaires ont tendance à se généraliser pour l’élection présidentielle. Comment prenez-vous en compte cette période de campagne visant à gagner l’investiture d’un parti ? Je sais qu’une partie des sommes dépensées peut être ajoutée au compte de campagne du candidat qui gagne les primaires. Appliquez-vous des critères précis en la matière, cette nouvelle étape s’imposant avant chaque échéance de campagne électorale importante ? Enfin, que pensez-vous de la nouvelle période de prise en compte des campagnes électorales – de six mois – retenue par la commission des Lois il y a quelques semaines, notamment pour les élections législatives ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je souhaiterais à mon tour insister sur la nécessité d’une harmonisation de vos décisions, l’égalité de traitement entre les candidats étant ici en jeu.

Dans votre 16e rapport d’activité, vous évoquiez votre difficulté croissante à garantir l’exécution de vos missions. Peut-être ne ferez-vous pas le même constat dans le rapport que vous présenterez cet après-midi au Président de la République, à moins que vous n’y formuliez des préconisations. Qu’en est-il ?

Deux propositions de loi, organique et ordinaire, sont en examen cette semaine, qui ont trait aux autorités administratives indépendantes. Avez-vous un point de vue sur leurs dispositions, afin d’améliorer le fonctionnement de la Commission que vous présidez ?

M. Pierre Morel-A-l’Huissier. Je voudrais, moi aussi, insister sur la difficulté des élus que nous sommes à élaborer un compte de campagne. Certes, nous avons accès à votre site, à votre rapport d’activité et à vos réponses orales – vos collaborateurs ayant du mal à nous fournir des réponses écrites si ce n’est des réponses vagues, pour ne pas trop engager la Commission. Maintenant que vous avez vingt-cinq ans de pratique, la nomenclature de la dépense électorale ne pourrait-elle pas être précisée ? Ne pourriez-vous citer dans votre rapport des cas d’espèce se posant de manière traditionnelle lors des campagnes électorales et nous indiquer la manière dont vous les avez réglés ?

Je prendrai trois exemples. Les factures de l’opérateur Orange sont à cheval sur des périodes électorales et non électorales. Or, vos rapporteurs nous demandent des factures correspondant aux dates officielles de la campagne. Las, lorsque nous nous adressons pour ce faire à l’opérateur, il ne nous répond pas, et nos dépenses de téléphonie mobile se voient donc réformées. L’évaluation en nature de certains moyens ou avantages est également très compliquée. Enfin, en milieu rural, la notion de dépense électorale est complexe à délimiter. Certaines dépenses liquides n’apparaissent pas dans le compte parce qu’elles ne le peuvent pas, par nature. Est-ce anormal ?

Georges Fenech a abordé plusieurs sujets qui nous concernent tous. Il serait bon de créer un groupe de travail afin de mieux définir la dépense électorale.

M. Éric Ciotti. L’élection présidentielle de 2012 a inauguré la mise en place d’une élection primaire en vue de sélectionner, au sein du Parti socialiste, un candidat de cette famille politique. L’élection qui s’annonce verra la mise en place d’une élection primaire pour la droite et le centre. Vous avez, pour la première fois le 20 avril 2011, rédigé un mémento des règles régissant la prise en compte des dépenses de cette primaire, à intégrer ou non dans le compte du candidat sélectionné. Puis, le Conseil d’État ayant eu l’occasion de se prononcer en 2014 sur cette question, les termes du mémento ont été modifiés. En 2011, le principe était plutôt celui de la non-prise en compte des dépenses, à l’exception de celles qui concouraient à l’obtention des suffrages – ouvrages, tracts et réunions publiques. Or il semblerait que, pour la primaire de 2017, vous ayez élargi les conditions de prise en compte des dépenses pour le candidat qui sera sélectionné : pourriez-vous nous présenter cette évolution ?

M. Christophe Premat. Je reviendrai sur la question, évoquée par Erwann Binet, des campagnes des candidats à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France. Deux annulations, sur un total de onze circonscriptions, ont été prononcées par le Conseil constitutionnel, assorties d’une peine d’inéligibilité d’un an alors qu’on était en plein champ d’expérimentation. Mme Narassiguin avait contacté votre Commission avant l’élection pour obtenir des précisions. Un premier décret a été publié le 5 octobre 2011 puis un guide du mandataire financier pour les candidatures à la représentation des Français de l’étranger en décembre 2011 et, enfin, un deuxième décret en mars 2012. Au-delà de l’annulation de cette élection, l’inéligibilité a donc paru sévère. Ont également été annulés les comptes de campagne de Mme Poznanski.

La difficulté pour les candidats faisant campagne dans ces circonscriptions est la suivante : soit le mandataire financier circule systématiquement avec le candidat, soit ce dernier a la possibilité d’avoir un mandataire financier délégué dans chaque pays. Mais quand il s’agit d’organiser une réunion dans un local associatif, les propriétaires de ce dernier exigent du candidat qu’il paie sa réservation directement : il faudrait donc que le mandataire principal soit présent puisque l’on ne peut ouvrir de compte local.

Comment, à l’avenir, les candidats à l’étranger doivent-ils interpréter la jurisprudence produite par la Commission et par le Conseil constitutionnel, afin de voir leur campagne se dérouler plus sereinement ? Lorsque le respect de la lettre de la loi incite les candidats à en détourner l’esprit pour éviter la sanction, cela signifie que la loi est inadéquate. C’est dans cette optique que Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des Lois, avait demandé que l’on réfléchisse à ce sujet. Enfin, on s’adresse parfois à la Commission pour obtenir des conseils : comment celle-ci peut-elle exercer sa mission de recommandation pour nous aider dans ces futures démarches ?

M. Romain Colas. S’agissant des primaires, je m’associe aux questions de MM. Pueyo et Ciotti. En outre, dès lors que vous considérez certaines dépenses engagées en vue d’une primaire comme relevant du compte de campagne, cela signifie que les recettes qui permettent de financer ces dépenses sont elles-mêmes encadrées par la législation relative au financement des campagnes électorales. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Des évolutions législatives récentes ont répondu à des préoccupations énoncées par la CNCCFP dans ses rapports d’activité : ces évolutions figurent notamment dans la proposition de loi déposée par l’ancien président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, devenue aujourd’hui loi de la République. Ce texte offre la possibilité à la Commission de recourir à des experts pour évaluer le coût de certaines dépenses de campagne : quel usage comptez-vous faire de cette nouvelle faculté ? Et que pensez-vous de la disposition exigeant des candidats à l’élection présidentielle qu’ils fournissent en annexe de leur compte de campagne la liste des dépenses engagées dans le cadre de ladite campagne par les partis politiques qui les soutiennent ? Nous avons tous en mémoire des épisodes récents justifiant l’introduction de cette disposition dans notre droit.

Au regard de votre expérience, le législateur ne devrait-il pas selon vous améliorer les conditions de transparence applicables au financement des partis et aux campagnes électorales ? Ne serait-il pas opportun de rendre obligatoire la publication, après examen par votre commission, des flux financiers opérés au sein des partis eux-mêmes et entre les partis et les comptes de campagne des candidats ? Vous paraîtrait-il utile de rendre publics, après avis de la commission, les prêts consentis par les partis aux candidats ou les conditions dans lesquelles des partis ont pu emprunter à des organismes bancaires – français ou étrangers ?

Enfin, avez-vous la possibilité de mesurer la propension d’une formation politique à faire de la plus-value sur le remboursement des campagnes électorales ? Nous avons tous en tête l’exemple d’un micro-parti qui facturait à ses candidats des kits de campagne à un prix autrement plus élevé que celui auquel il les avait acquis.

M. le président Dominique Raimbourg. J’ajouterai une dernière question. Sauf erreur de ma part, monsieur le président, toute la procédure devant votre Commission est écrite, ce qui est parfois frustrant. Dès l’instant où vous envisagez le rejet d’un compte de campagne, ne conviendrait-il pas d’organiser une audience contradictoire qui permettrait un temps d’échange oral ?

M. François Logerot. Il est exact que, pour l’instant, la procédure devant notre Commission est écrite : il n’y a ni comparution ni audience d’avocat. Tout est naturellement possible, sauf qu’une audience orale paraît très difficile à organiser avec les moyens actuels de la Commission, dans le délai où elle doit se prononcer. Je ne vois pas comment nous pourrions répondre à un grand nombre de demandes en ce sens. Par ailleurs, dès lors que la possibilité de s’expliquer directement et verbalement devant la Commission serait offerte, elle devrait être ouverte à tous. Je crains, dans ce cas, une affluence de demandes, à laquelle la Commission serait matériellement dans l’impossibilité de répondre. C’est néanmoins un point sur lequel le législateur peut éventuellement se prononcer. Je ne ferme pas définitivement la porte à cette idée, mais j’aperçois toutes les difficultés d’ordre pratique qu’elle pose. Lorsque j’ai été auditionné, récemment, au sujet des propositions de loi relatives aux autorités administratives indépendantes que vous avez examinées hier, votre rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann, m’a demandé quelles économies la Commission pouvait faire sur un budget variant, selon les années, entre 5 et 6 millions d’euros. Or, on nous a confié, en plus, le contrôle des comptes des candidats aux élections présidentielle et sénatoriales, et des pouvoirs d’investigation supplémentaires – que nous entendons utiliser – sur les comptes des partis. Jusqu’à présent, nous restons dans notre enveloppe d’une quarantaine d’équivalents temps plein travaillé (ETPT). Je ne vois pas comment nous pouvons encore ouvrir la voie à des audiences qui risqueraient fort de se généraliser. Mais je n’écarte pas le sujet ; je le note pour en discuter avec mes collègues.

Pour répondre à M. Morel-A-L’Huissier sur la notion de dépense électorale, je leur parlerai également de l’hypothèse de créer un groupe de travail sur ce point, en dehors de toute polémique ou de tout enjeu direct. Je suis a priori assez sceptique quant à la possibilité de dresser une liste exhaustive, ne varietur, permettant de distinguer les dépenses qui sont rattachables à la campagne de celles qui ne le sont pas. Il y a trop de situations différentes. J’observe d’ailleurs que les dépenses de campagne sont de nature différente, notamment en termes de proportion, suivant le type d’élections. Il n’y a pas ou peu de réunions publiques pour les élections départementales. Il n’y en a pas du tout lors des élections sénatoriales, qui s’effectuent par contact direct avec les maires et les grands électeurs. Par ailleurs, les dépenses en milieu urbain ne sont pas du même type qu’en milieu rural. Enfin, il y a des candidats ou des partis qui font beaucoup appel à des sociétés de communication, et nous voyons apparaître, dans les comptes de certains, des factures globales de 30 000 euros sans devis préalable ni aucune indication du nombre de journées de travail facturées… Il est difficile pour nous de mettre à la charge du contribuable français une dépense globale aussi peu étayée.

M. Pueyo a soulevé la question du recrutement des rapporteurs. Nous avons des filières : nous recourons, par exemple, à d’anciens fonctionnaires du ministère des finances, qui ont en général une formation juridique éprouvée et une grande pratique des contrôles, mais dont il faut parfois modérer le zèle car il ne s’agit pas de contrôles fiscaux. Nous employons aussi des magistrats des chambres régionales des comptes ou des tribunaux administratifs, le plus souvent honoraires car eux seuls disposent du temps nécessaire, dans le délai qu’on leur impartit. Il m’est déjà arrivé de solliciter des chefs de corps ou des directeurs des ressources humaines de l’administration centrale pour qu’ils nous soumettent des candidatures – que nous n’acceptons pas systématiquement. Nous examinons les qualités de la personne candidate. Sur le plan déontologique, nous rappelons aux rapporteurs leurs obligations de secret professionnel et la nécessité de nous signaler toute possibilité de conflit d’intérêt, par exemple d’apparentement avec un candidat ou de connaissance particulière d’un territoire. Nous essayons aussi de faire en sorte que les candidats ne soient pas en rapport direct, personnel et verbal avec le rapporteur. Mais nous allons repréciser ces règles déontologiques dans notre règlement intérieur, que nous serons de toute façon obligés de mettre à jour pour tenir compte des lois du 25 avril 2016 qui modifient un certain nombre de choses.

S’agissant des primaires, monsieur Ciotti, la doctrine de la Commission n’a pas substantiellement évolué depuis 2012. Nous avons essayé de la préciser, après avoir recueilli l’avis du Conseil constitutionnel. Le mémento qui a été publié le 20 avril dernier a été soumis à cet avis – en particulier sur la question des primaires, qu’elles soient ouvertes ou fermées. Nous avions souhaité en 2013, compte tenu de l’expérience de 2012, que le législateur veuille bien se saisir de la question et dire lui-même dans quelles limites et conditions les dépenses occasionnées par une élection primaire, organisée par un ou plusieurs partis, devait être ou non répercutée dans le compte de campagne du candidat issu de cette primaire. Jusqu’à présent, le législateur n’a pas donné suite. J’ai cru comprendre que si, contrairement à la proposition initiale de M. Urvoas, votre Commission et l’Assemblée nationale elle-même ont maintenu à un an la durée de la campagne pour l’élection présidentielle, c’était notamment pour ne pas écarter les dépenses des primaires. Mais nous aurions souhaité que le législateur veuille bien dire lui-même celles qu’il entendait inclure.

Nous en sommes donc réduits à une interprétation qui nous paraît équilibrée. Nous considérons, d’une part, que n’ont en aucune manière à figurer dans le compte du candidat issu de la primaire les dépenses faites par le parti pour l’organisation même de cette primaire ni celles effectuées, pour leur propre compte, par les pré-candidats qui ne sont pas le candidat finalement choisi, et, d’autre part, que les dépenses de ce dernier – qu’elles visent à l’organisation de réunions publiques, à l’édition ou à l’achat d’ouvrages, à des déplacements ou à la distribution de tracts – doivent figurer dans son compte de campagne de candidat à l’élection présidentielle, à partir du 1er avril de l’année qui la précède.

Selon les règles internes de la primaire organisée par le parti Les Républicains, le compte de campagne interne au parti, qui devra être remis à la Haute autorité de la primaire, ne retracera que les dépenses effectuées entre le 20 septembre et le 26 novembre, c’est-à-dire pendant la période officielle de la primaire. Ce n’est pas le point de vue de la Commission et, d’ailleurs, Mme Levade, la présidente de la haute autorité de la primaire, a précisé que cette règle interne s’appliquait sans préjudice de ce que la Commission, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, souhaiterait voir inscrit dans le compte de campagne du candidat finalement choisi.

Voilà, en substance, ce que nous avons précisé dans ce mémento.

Je ne dissimule pas les difficultés d’application éventuelles de cette règle, d’abord parce qu’il s’agit de dépenses à compter du 1er avril de cette année, alors que la Commission n’a aucun pouvoir d’investigation, d’injonction ni de recommandation à l’égard des personnes se déclarant candidates à la primaire. Nous suivrons l’activité de ces différents candidats sur internet et dans les médias, et nous poserons le moment venu au candidat qui aura été investi les questions nécessaires sur le contenu de son compte de campagne. Nous aurions souhaité que le législateur nous aide à traiter cette question. Nous ferons les choses dans le même esprit qu’en 2012 : le candidat François Hollande avait alors, je le rappelle, inscrit environ 300 000 euros de dépenses dans son compte de campagne, dépenses dont nous avons été amenés à enlever une petite partie car certaines d’entre elles avaient fait l’objet d’un double compte. Nous y avons par contre ajouté, au terme d’une procédure contradictoire, 65 000 euros que nous estimions ressortir à la catégorie des dépenses électorales alors que le candidat le contestait au départ.

Je voudrais rectifier l’impression qu’a pu donner la déclaration en séance publique d’un sénateur qui, s’agissant de cette primaire de 2012, a affirmé que la Commission avait retenu la somme de 400 000 euros de dépenses – alors qu’en réalité, nous avons évalué cette somme à 310 000 euros – et demandé pourquoi pareil montant avait été retenu. J’ai été très surpris de cette déclaration, car la Commission n’avait absolument pas fixé à l’avance un montant de dépenses à inscrire dans le compte de campagne : elle a pris la déclaration qui lui a été faite et l’a soumise à l’analyse critique de ses rapporteurs en fonction des renseignements qu’elle avait par ailleurs sur l’activité du pré-candidat finalement choisi.

Pour répondre à M. Pueyo, la Commission elle-même avait émis la suggestion de fixer à six mois la période de prise en compte des dépenses électorales, ayant constaté que la campagne réelle ne commençait guère que quatre mois avant l’élection – parfois six ou sept mois avant. Et quand nous recevons des signalements d’adversaires ou de citoyens qui veulent dénoncer le comportement d’un candidat sur une période de dix mois ou d’un an, ces signalements ne sont généralement assortis d’aucun élément précis qui permette de les retenir. Il est donc tout à fait exceptionnel qu’il y ait des dépenses aussi lointaines dans un compte de campagne, raison qui nous avait poussés à faire cette suggestion. Autre intérêt de cette période de six mois : elle correspond à la période, fixée par le code électoral, d’interdiction du recours à la publicité commerciale ou de la pratique du bilan de mandat sans inscription dans le compte de campagne.

Mme Descamps-Crosnier m’a demandé quelles observations nous pouvions faire sur les nouvelles règles imposées aux autorités administratives indépendantes. Je suis tenu à un certain devoir de réserve quant aux textes actuellement examinés par votre assemblée. J’ai été auditionné par M. Warsmann, à qui j’ai fait part de notre attitude tout à fait positive par rapport aux règles qu’on voudrait imposer par la loi aux AAI en matière de déontologie, de rapports annuels et de comptes à rendre au Parlement. J’ai d’ailleurs eu l’occasion à de multiples reprises de recevoir des parlementaires et de répondre à des questionnaires. Le Parlement a donc sur notre Commission tous les pouvoirs de contrôle qu’il veut bien exercer. Pour le reste, j’ai appelé l’attention de M. Warsmann sur le souci, dans une institution comme la nôtre et, compte tenu de ses missions, d’une continuité dans l’activité du collège et dans la transmission de l’expérience. Certaines des questions auxquelles j’ai été appelé à répondre ce matin montrent bien que des progrès sont encore à faire en la matière et que c’est une raison supplémentaire pour souhaiter qu’il y ait un « tuilage » dans la présence des membres de la Commission. Je crois savoir que, à la suite de vos débats d’hier soir, la position de l’Assemblée nationale serait plutôt d’assouplir les règles établies par le Sénat quant à la durée des mandats et à la possibilité de les renouveler une fois. Je suis d’ailleurs d’accord pour reconnaître que, dans notre cas, la possibilité de renouvellement illimité doit être corrigée. Je le dis d’autant plus librement que j’entame mon troisième mandat et que je suis donc « hors des clous »… Mais c’est possible sous l’empire de la loi actuelle, et les circonstances ont fait qu’aucune autre solution ne s’est présentée. D’un point de vue conjoncturel, je ne suis pas sûr que l’article 49 relatif aux dispositions transitoires permette un « tuilage » suffisant : la combinaison de cet article avec la disposition de l’ordonnance du 31 juillet 2015 sur la parité fait que, si l’on n’y prenait pas garde, toute la Commission devrait être renouvelée en 2020, ce qui paraît difficile à concevoir en pleine année d’élections municipales et sénatoriales. J’imagine mal qu’un collège entièrement nouveau et un président également neuf puissent, en quelques semaines, se mettre au travail et agir efficacement, dans la continuité.

Pour répondre à M. Morel-A-L’Huissier, les concours en nature sont quelquefois difficiles à évaluer, mais nous demandons aux candidats de les inscrire dans leur compte de campagne, selon une grille d’évaluation qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui constitue tout de même un indice permettant à la Commission d’apprécier s’il n’y a pas un risque de dépassement du plafond de dépenses. Je précise qu’un tel dépassement est devenu tout à fait exceptionnel. Je mets à part l’élection présidentielle où, traditionnellement, les deux candidats du second tour atteignent le plafond, voire le dépassent… Mais, dans le cas des autres élections, la notion de dépassement a quasiment disparu : le fait passe largement inaperçu, mais la grande majorité des candidats n’atteignent pas la moitié du plafond de remboursement, et sont souvent très en dessous, sans doute parce que leur apport personnel ne leur est remboursé que dans cette seule limite. Ne dépassent la moitié du plafond que les candidats qui reçoivent beaucoup de dons de personnes physiques ou un appui financier important de la part d’un parti.

La question posée par M. Premat concernant les candidats aux élections des députés élus par les Français établis hors de France rejoint l’un des soucis que nous avions exprimés en 2013, en disant que les dispositions particulières des articles L. 330-6 à L. 330-10 du code électoral s’étaient avérées inopérantes. Seuls 15 % de ces candidats de l’étranger ont utilisé la possibilité de désigner un représentant dans certains pays pouvant faire l’avance de dépenses figurant sur une liste de dépenses arrêtées par le candidat. Et il n’y en a qu’un seul, sur 178, qui a utilisé la possibilité de désigner un mandataire adjoint dans un pays où il n’était pas possible d’envoyer de l’argent.

La conversion en euros des dépenses en monnaie locale se fait en outre en fonction du « taux de chancellerie » enregistré un an avant le mois de l’élection. Suivant les circonstances, les candidats vont donc faire un bonus ou au contraire se retrouver à la limite de dépassement du compte, uniquement pour des raisons de change, ce qui est absurde. Il convient donc de modifier cette référence : nous préconisons de retenir la même règle qu’en matière de TVA sur les dépenses à l’étranger des entreprises, c’est-à-dire que les dépenses soient converties au taux en vigueur pendant le mois de l’opération.

De même, la possibilité de désigner des mandataires adjoints devrait être beaucoup plus ouverte et dans le cas des élections à l’étranger, le problème des dépenses directes effectuées par le candidat devrait être examiné. Il y a, dans la 11e circonscription, quarante-neuf pays, allant des frontières de l’Europe de l’Est jusqu’au Vanuatu. Comment voulez-vous qu’on applique à pareille circonscription les mêmes règles qu’en France métropolitaine ou outre-mer ?

Comme le législateur ne s’est pas saisi de ces questions, nous allons être en 2017 devant les mêmes difficultés. Nous essayons de les apprécier avec réalisme et bienveillance, mais nous ne pouvons contrevenir à des règles que nous n’avons pas fixées nous-mêmes. L’un des exemples d’invalidation concerne un candidat qui utilisait la carte bancaire de son mandataire dans des pays différents : c’est une déviation que la Commission ne pouvait pas ne pas relever. Il est dommage que l’on n’ait pas saisi l’occasion des lois qui viennent d’être votées pour examiner ce problème très particulier, qui ne se pose que pour les députés représentant les Français établis hors de France dans la mesure où la procédure est complètement différente pour les sénateurs.

Enfin, M. Colas m’a interrogé sur la transparence du financement des partis : nous allons évidemment utiliser les nouvelles dispositions issues de la loi qui vient d’être publiée. Un modèle d’annexe sur les dépenses de parti pour les candidats à l’élection présidentielle va être publié dans les jours qui viennent, sous forme d’addendum à notre mémento. Nous avons en effet eu le souci avec le Conseil constitutionnel de ne pas retarder la publication de notre mémento, alors que la loi était soumise à l’avis dudit Conseil et à un délai de promulgation. Maintenant qu’elle est promulguée, nous allons publier cet addendum, comprenant un modèle de fiche annexe qui devra être remplie pour chacun des partis aidant un candidat, mais qui sera relativement concise. Nous y reproduisons simplement les différents chapitres du compte de campagne en distinguant les dépenses facturées et refacturées, par le parti, celles dont ce dernier garde la charge définitive et les concours en nature. Nous allons également essayer de faire appel à des experts, et je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de recourir préalablement à un décret pour ce faire : nous pourrions par exemple passer une convention avec des experts auprès des tribunaux.

M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le président, nous vous remercions.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– Mme Elisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurs sur la proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (n° 3336) et sur les propositions de loi organiques rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (n° 3337) et des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales (n° 3338) ;

– M. Guy Geoffroy, co-rapporteur sur la mise en application des lois qui seraient issues de l'adoption du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature (n° 3200) et du projet de loi relatif à l'action de groupe et à l'organisation judiciaire (n° 3204) ;

– M. Olivier Marleix, co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l'adoption définitive du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 3623).

La séance est levée à 12 heures 55.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, Mme Colette Capdevielle, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, Mme Sophie Rohfritsch, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Romain Colas, M. Christophe Premat