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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

3 mai 2016

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 75

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Suite de l’examen du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature (n° 3200) (Mme Cécile Untermaier, rapporteure) et examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'action de groupe et à l'organisation judiciaire (n° 3204) (MM. Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs)..

La réunion commence à 21 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission reprend l’examen du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (n° 3200).

Article 22 (art. 10-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Droit syndical des magistrats

La Commission est saisie de l’amendement CL4 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Cet amendement, qui reprend une proposition de loi que j’ai déposée, vise à rendre incompatible l’appartenance syndicale avec la fonction de magistrat, afin de garantir la neutralité et l’indépendance des magistrats vis-à-vis de toute forme d’influence. Comme beaucoup de nos concitoyens, je suis choqué par certaines expressions de syndicats de magistrats qui introduisent une confusion entre la fonction et la conviction. Il est nécessaire, pour restaurer l’indispensable lien de confiance entre la nation et la magistrature, de veiller à ce que les magistrats ne soient soumis à aucune influence.

L’affaire du « mur des cons » a instauré un malaise profond et accru la défiance des Français envers la justice. Ce « mur des cons » n’a donné lieu, de la part de votre prédécesseure, à aucune sanction à l’encontre du syndicat en cause ; la seule personne à avoir été sanctionnée est le journaliste qui a diffusé cette information sur le service public de l’audiovisuel. Cette expression était choquante. Ce mur mettait en cause des élus, des parlementaires, l’actuel Premier ministre, et, ce qui est plus grave, des victimes : le général Schmitt, père d’Anne-Lorraine Schmitt, sauvagement assassinée dans le RER, figurait sur ce « mur des cons » sans que cela n’émeuve personne au sein de l’autorité hiérarchique.

Cet exemple, extrême, j’en conviens, et sans doute non représentatif, pose la question de l’indépendance de la magistrature.

Vous avez, dans le débat sur la réforme constitutionnelle, appelé à plusieurs reprises en renfort ma proposition de loi créant l’indépendance entre le parquet et le Gouvernement. L’indépendance de la magistrature, par l’interdiction de l’appartenance syndicale ou politique, doit être couplée à la première, en vue d’un bon équilibre.

Vous m’objecterez peut-être la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 11 dispose que toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association. Je rappelle que l’alinéa 2 dudit article stipule que « le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. » En outre, la Constitution espagnole dispose à son article 127 : « Les juges et les magistrats ainsi que les procureurs, tant qu’ils sont en activité, ne peuvent exercer d’autres charges publiques, ni appartenir à un parti politique ou à un syndicat. » La Cour européenne des droits de l’homme a eu à connaître cet article et ne l’a pas interdit.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable. Notre lecture de la Convention reconnaît aux magistrats la liberté de se syndiquer. Le cas de l’Espagne est une exception au sein l’Union européenne. En outre, l’article 10 du statut des magistrats dispose que leur est interdite toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ; même s’ils ont cette liberté syndicale, les magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions, doivent demeurer neutres et impartiaux. Les débordements que vous avez évoqués sont rares et ont donné lieu à des poursuites judiciaires. Du reste, pourquoi interdire l’exercice du droit syndical à la seule magistrature judiciaire, et pas administrative ou financière ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Ce projet de loi organique souhaite, au contraire, consacrer dans l’ordonnance statutaire le droit syndical des magistrats. La reconnaissance du droit syndical ne remet en cause ni l’interdiction faite au corps judiciaire « de toute délibération politique » posée par l’article 10 de l’ordonnance de 1958, ni le devoir de réserve, ni la prohibition du droit de grève. Le droit syndical ne fait pas obstacle au lien de confiance que nous recherchons tous entre citoyens et magistrats. Un cas de mauvais usage d’une liberté, comme avec le « mur des cons », ne justifie pas la suppression de cette liberté. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL104 et CL105 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL22 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 9, qui permet au garde des Sceaux, par décision motivée, de refuser à un syndicat de désigner librement ses représentants bénéficiaires de crédits de temps syndical. Du fait du faible nombre de magistrats concernés par ces décharges, ce pouvoir de dérogation apparaît comme une atteinte disproportionné aux libertés syndicales.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable. Cette faculté offerte au garde des Sceaux est très utile et parfois même indispensable pour garantir la continuité du service, notamment dans les petites juridictions.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette disposition est entourée de garanties : elle devra prendre la forme d’une décision motivée, dont le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sera informé.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL106, CL107 et CL108 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

Article additionnel après l’article 22

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL109 de la rapporteure et CL64 de M. Yves Goasdoué.

Mme la rapporteure. Il s’agit de créer un collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire, dont j’ai parlé à plusieurs reprises, inspiré de la loi du 20 avril 2016. Son objectif est de permettre aux magistrats de disposer de ressources et de conseils en matière déontologique sans empiéter sur les compétences du CSM – qui ne peut connaître de situations individuelles – et dans le respect de l’indépendance de la justice. C’est pourquoi il n’est pas question de faire intervenir la Haute Autorité en matière de déclaration d’intérêts. Le rôle du collège n’est que consultatif, mais il pourra rendre publics certains de ses avis ou recommandations en les anonymisant. Il pourra notamment être saisi d’une déclaration d’intérêts par un chef de cour ou de tribunal qui a un doute sur l’existence d’un conflit d’intérêts.

Nous proposons que ce collège soit composé de cinq membres, trois magistrats élus par leurs pairs et deux personnes extérieures désignées par une autorité non judiciaire : un magistrat du siège de la Cour de cassation ; un magistrat du parquet de la Cour de cassation ; alternativement un magistrat du siège et du parquet d’une cour d’appel ; une personnalité extérieure désignée soit par le vice-président du Conseil d’État, soit par le premier président de la Cour des comptes ; un universitaire nommé par le Président de la République sur proposition soit du premier président soit du procureur général de la Cour de cassation.

L’amendement CL64 est retiré.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable. Ce n’est pas une innovation, car cela s’inspire de la loi d’avril 2016 concernant la magistrature administrative. Le collège n’empiétera pas sur les champs de compétence du CSM, qui n’intervient en matière de déontologie que s’il est saisi par le garde des Sceaux.

La Commission adopte l’amendement CL109. L’article 22 bis est ainsi rédigé.

Article 23 (art. 11 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Protection fonctionnelle des magistrats

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

Article 24 (art. 12-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Dossier des magistrats

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL110 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL111 de la rapporteure.

Mme le rapporteure. Il s’agit de préciser que le retrait est de droit lorsque le magistrat le demande pour des pièces relatives à des poursuites disciplinaires.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 24 modifié.

Article 25 (art. 44 et 47 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Procédure d’avertissement et prescription des procédures disciplinaires

La Commission est saisie de l’amendement CL46 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. C’est le même amendement que précédemment sur l’Inspection générale de la justice.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL112 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise le point de départ du délai de prescription pour une procédure d’avertissement à l’encontre d’un magistrat, en reprenant les mêmes conditions que celles prévues dans la loi d’avril 2016.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL113 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise le point de départ du délai de prescription, cette fois en matière disciplinaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 25 modifié.

Article 25 bis (art. 43, 48 et 59 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Exercice du pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats exerçant des fonctions à l’Inspection générale des services judiciaires

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL47 du Gouvernement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL114 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 25 bis modifié.

Article additionnel après l’article 25 bis

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL31 du Gouvernement. L’article 25 ter est ainsi rédigé.

Article 26 (art. 50-4 et 50-5 [nouveaux], 63 et 63-1 à 63-3 [nouveaux] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Délais en matière disciplinaire

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL48 du Gouvernement.

Elle adopte ensuite l’article 26 modifié.

Chapitre V
Dispositions relatives aux autres modalités de recrutement des magistrats

Article 27 (chapitres V bis à V quinquies de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Modifications légistiques

La Commission est saisie de l’amendement CL77 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Il s’agit d’un amendement de coordination qui a pour objet de prendre en compte l’intégration des juges de proximité dans le statut des magistrats à titre temporaire en réorganisant les sous-sections de la section II intitulée « De l’intégration provisoire à temps partiel » du chapitre V bis intitulé « De l’intégration provisoire dans le corps judiciaire ». La sous-section 2 serait ainsi supprimée.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Après quoi, elle adopte l’article 27 modifié.

Article additionnel après l’article 27

La Commission examine l’amendement CL32 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Dans l’optique d’une plus grande ouverture de la magistrature, les fonctions de conseiller et d’avocat général en service extraordinaire sont, par cet amendement, rendues plus attractives en abaissant le nombre d’années d’activité professionnelle requis pour être nommé et en fixant dorénavant la durée du mandat à dix ans. En outre, les conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire, à l’expiration de leur mandat de dix ans, pourront dorénavant se prévaloir de l’honorariat.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

L’article 27 bis est ainsi rédigé.

Article 28 (art. 41 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Ouverture aux militaires du détachement judiciaire

La Commission adopte l’article 28 sans modification.

Article additionnel après l’article 28

La Commission examine l’amendement CL115 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de rendre plus attrayant le détachement judiciaire, qui sera « prononcé à équivalence de grade et à l’échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui que l’intéressé détenait dans son corps d’origine ».

M. le garde des Sceaux. Avis favorable. Cet amendement garantit une plus grande ouverture du corps de la magistrature.

La Commission adopte l’amendement. L’article 28 bis est ainsi rédigé.

Article 29 (art. 41-10, 41-12 et 41-13 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Statut des magistrats exerçant à titre temporaire

La Commission examine l’amendement CL76 de M. Alain Tourret, qui fait l’objet d’un sous-amendement CL116 de la rapporteure.

M. Alain Tourret. Cet amendement vise à intégrer le statut des juges de proximité dans celui des magistrats à titre temporaire. L’objectif est d’unifier dans l’ordonnance statutaire le régime des magistrats non professionnels.

Les magistrats exerçant à titre temporaire – seule cette dénomination sera conservée – issus de la fusion avec les juges de proximité devront être âgés de trente-cinq ans au moins et justifier d’une compétence et d’une expérience les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

Dans le cadre de cette fusion, l’autorité chargée d’examiner les candidatures sera le CSM. Il s’agit d’une reprise des dispositions actuellement applicables aux juges de proximité.

Le régime disciplinaire et les conditions d’exercice d’une activité professionnelle concomitamment à l’exercice des fonctions judiciaires actuellement applicables aux magistrats exerçant à titre temporaire, et similaires aux dispositions applicables aux juges de proximité, sont conservées et complétées.

Mme la rapporteure. Mon sous-amendement rejoint la préoccupation exprimée tout à l’heure par M. Coronado. Ces magistrats exerçant à titre temporaire seront tenus de déclarer leurs intérêts au président du tribunal de grande instance dans lequel ils exercent leurs fonctions.

M. Alain Tourret. Je suis favorable à ce sous-amendement.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement n’est pas convaincu, s’agissant du sous-amendement, que cette précision doive figurer dans la loi, mais il n’y est pas hostile. L’amendement, qui simplifie le régime des magistrats non professionnels, recueille en revanche sa vive approbation.

La Commission adopte le sous-amendement CL116.

Puis elle adopte l’amendement CL76 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CL65 de M. Yves Goasdoué tombe.

La Commission adopte l’article 29 modifié.

Article 30 (art. 41-19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Statut des juges de proximité

La Commission est saisie de l’amendement CL75 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Il s’agit d’un amendement de coordination qui a pour objet de prendre en compte l’intégration des juges de proximité dans le statut des magistrats à titre temporaire, en supprimant les dispositions du projet de loi organique portant sur les juges de proximité.

M. Patrick Mennucci. Les juges de proximité aujourd’hui arrivés à la fin de leur mandat pourront-ils bénéficier de cette mesure ?

M. le garde des Sceaux. Il n’y a aucune objection à ce qu’ils soient reconduits s’ils en font la demande.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL66 de M. Yves Goasdoué tombe.

La Commission adopte l’article 30 modifié.

Article 30 bis (art. 41-22 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Conséquences de la suppression des juridictions de proximité sur les incompatibilités applicables aux juges de proximité

La Commission examine l’amendement CL74 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Il s’agit également d’un amendement de coordination qui a pour objet de prendre en compte l’intégration des juges de proximité dans le statut des magistrats à titre temporaire, en supprimant les dispositions du projet de loi organique portant sur les juges de proximité.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 30 bis est supprimé.

Article 31 (art. 41-25 à 41-31 [nouveaux] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

La Commission est saisie de l’amendement CL53 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Il s’agit d’un amendement anticipant sur la fusion des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) que nous allons proposer. Ces deux juridictions sont aujourd’hui présidées par des magistrats honoraires ; nous ouvrons cette possibilité pour la future juridiction.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL37 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Cet amendement supprime une disposition introduite par le Sénat et dont le Gouvernement considère qu’elle est impossible à mettre en pratique.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL117 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL24 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que le mécanisme de déclaration d’intérêts s’appliquera bien aux magistrats honoraires, qui peuvent être concernés, tout autant que les autres magistrats, par les problématiques de conflit d’intérêts.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement n’estime pas nécessaire d’apporter cette précision dans la mesure où il est expressément indiqué que les magistrats honoraires sont soumis au statut de la magistrature, sauf disposition contraire. Mais si l’Assemblée y tient, il ne s’y opposera pas.

M. Sergio Coronado. Nous avons procédé à une même précision concernant les magistrats temporaires.

Mme la rapporteure. Avis favorable, en miroir de ce qui a été décidé précédemment.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL118, CL119, CL120 ainsi que l’amendement CL121 corrigeant une erreur de référence, tous de la rapporteure.

Après quoi elle adopte l’article 31 modifié.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Article 32 (art. 10-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Conflits d’intérêts des membres du Conseil supérieur de la magistrature

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL122 et l’amendement CL123 de coordination de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 32 modifié.

Article additionnel après l’article 32

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL124 de la rapporteure et l’amendement CL67 de M. Yves Goasdoué.

Mme la rapporteure. Il n’est pas satisfaisant que certains membres du CSM soient tenus de remettre une déclaration d’intérêts et pas d’autres. Cet amendement y remédie en généralisant les déclarations d’intérêts, qui seront adressées au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près cette cour, respectivement président et président suppléant de la formation plénière du CSM.

M. Yves Goasdoué. L’idée est qu’il n’y ait pas, au sein du CSM, des personnes qui aient à faire des déclarations d’intérêts et de patrimoine et d’autres non. Mais je retire mon amendement au profit de celui de la rapporteure.

L’amendement CL67 est retiré.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable. C’est un souhait légitime.

M. Alain Tourret. Qui vérifie ces déclarations ?

Mme la rapporteure. Il s’agit d’une déclaration interne.

M. le président Dominique Raimbourg. Ces déclarations sont remises au premier président ou au procureur général de la Cour de cassation.

L’amendement CL124 est adopté. L’article 32 bis est ainsi rédigé.

Article 33 (art. 10-1-1 [nouveau] de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature

La Commission adopte les amendements identiques de précision CL125 de la rapporteure et CL68 de M. Yves Goasdoué.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

Après l’article 33

La Commission examine l’amendement CL25 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le présent amendement vise, dans le cadre des enquêtes disciplinaires, à placer l’Inspection générale des services judiciaires sous la direction du Conseil supérieur de la magistrature.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En l’état actuel des textes, l’Inspection des services judiciaires est placée sous l’autorité du seul garde des Sceaux – lui seul peut la saisir, lui seul est destinataire de ses rapports de mission. Dans l’hypothèse où le garde des Sceaux n’est pas à l’origine de la saisine du CSM, l’ordonnance statutaire de 1958 lui permet de saisir l’Inspection générale préalablement à l’audience au fond. Cette disposition démontre que la volonté du législateur a érigé en prérogative du garde des Sceaux le pouvoir de saisine de l’Inspection générale. Cette dernière n’est donc pas un service d’Inspection indépendant qui pourrait, au gré des circonstances, être placé sous l’autorité du CSM puis du garde des Sceaux, mais bien un service placé, en l’espèce, sous mon autorité. Il ne me paraît donc pas conforme à l’esprit du texte ni opportun de permettre au CSM de saisir l’Inspection générale.

Mme la rapporteure. Même avis, pour les mêmes motifs.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 33

La Commission est saisie de l’amendement CL29 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Le présent amendement vise à intégrer dans le statut de la magistrature les magistrats qui exercent à l’Inspection générale des services judiciaires, qui ne sont évoqués que dans un décret du mois de décembre 2010.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement. L’article 33 bis est ainsi rédigé.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 34 (art. 21, 21-1, 25, 35, 76-1-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Diverses dispositions

La Commission examine l’amendement CL126 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’abaisser de dix à sept années la durée d’activité professionnelle requise pour se présenter aux concours complémentaires de recrutement à un poste de second grade de la hiérarchie judiciaire, donc de renforcer l’ouverture de la magistrature.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est favorable à ce type d’amendement d’harmonisation et de simplification.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte ensuite l’amendement CL54 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CL127 de la rapporteure.

Après quoi, elle adopte l’article 34 modifié.

Article additionnel après l’article 34

La Commission examine l’amendement CL33 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Le présent amendement vise à intégrer dans le statut des magistrats honoraires les règles applicables à la réserve judiciaire. Là encore, il répond à un souci de simplification par l’harmonisation de deux catégories qui avaient des droits et des appellations différents.

Mme la rapporteure. Avis très favorable. Il s’agit de clarifier les activités qui peuvent être exercées par les magistrats honoraires et de supprimer la réserve judiciaire.

La Commission adopte l’amendement. L’article 34 bis A est ainsi rédigé.

Article 34 bis (art. L.O. 140 du code électoral) : Incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions de juge d’un tribunal de commerce

La Commission examine l’amendement CL128 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer une disposition inutile puisque déjà prévue par le droit en vigueur.

M. le président Dominique Raimbourg. Cet amendement vise, en effet, à supprimer l’article 34 bis qui rend incompatible le mandat de parlementaire avec les fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 34 bis est supprimé.

Article 34 ter (art. 22 et 23 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Coordinations liées à la création du corps des directeurs de greffe des services judiciaires

La Commission est saisie de l’amendement CL129 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à harmoniser la condition d’activité professionnelle requise pour bénéficier d’une intégration directe à un poste de premier grade : les candidats devront justifier de quinze années au moins d’exercice professionnel, au lieu de dix-sept actuellement.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement d’harmonisation et de simplification.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 34 ter modifié.

Article 34 quater (art. 12, 13, 31, 48, 48-1 et 72 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Modifications rédactionnelles

La Commission adopte l’article 34 quater sans modification.

Articles additionnels après l’article 34 quater

La Commission discute de l’amendement CL58 de M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Ce long amendement, important, vise à transposer aux membres nommés du Conseil constitutionnel les obligations déclaratives prévues pour les magistrats de l’ordre judiciaire et pour les membres des juridictions administratives et financières.

Il s’agit de soumettre les membres nommés du Conseil constitutionnel à une obligation de déclaration d’intérêts reçue par le président du Conseil, et à une déclaration de patrimoine, reçue quant à elle par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le dispositif est totalement calqué sur les dispositions du présent projet de loi organique ainsi que sur celles de la loi du 20 avril 2016, tant pour ce qui concerne les garanties, notamment de confidentialité, qui sont apportées s’agissant des déclarations d’intérêts et de patrimoine, qu’en ce qui concerne les sanctions afférentes à l’absence de déclaration ou à des déclarations qui ne correspondraient pas à la réalité soit des intérêts, soit du patrimoine des membres nommés du Conseil constitutionnel.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement relatif au Conseil constitutionnel. Sa réflexion n’est, en effet, pas aboutie en la matière.

Au passage, monsieur Goasdoué, pourquoi le dispositif que vous proposez ne concerne-t-il que les membres nommés du Conseil constitutionnel et pas les membres de droit ?

M. Yves Goasdoué. Nous nous sommes naturellement posés la question. Il nous a semblé qu’il pouvait être difficile de soumettre les anciens Présidents de la République à cette règle mais, après tout, et dès lors qu’ils siégeraient, il y aurait une certaine logique qu’il en fût décidé ainsi. Nous pourrons y revenir en séance publique.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission puisqu’il n’a pas évoqué la question soulevée par le présent amendement et qu’aucun arbitrage n’a été rendu.

Mme la rapporteure. Il est vrai qu’on ne voit pas l’utilité d’une obligation de déclaration de patrimoine pour les membres de droit du Conseil constitutionnel, dans la mesure où il s’agit de mesurer un éventuel enrichissement pendant la durée du mandat ; or la durée du mandat d’un membre de droit est indéfinie. Nous pouvons donc assez sereinement exclure la déclaration de patrimoine pour ces membres-là.

Pour le reste, j’émets un avis très favorable à l’amendement car, s’il n’était pas adopté, seule cette institution demeurerait à l’écart du dispositif déontologique que nous avons mis en place depuis 2013. Or il s’agit de faire en sorte que ce dernier concerne l’ensemble des institutions, des acteurs politiques, mais aussi les principaux agents publics, les juridictions administratives et financières, l’ordre judiciaire et le Conseil constitutionnel.

D’ici à la séance, il nous faudra néanmoins réfléchir à un dispositif qui étendrait au président du Conseil constitutionnel lui-même l’obligation de déclarer ses intérêts.

M. Alain Tourret. J’ai l’impression que tout cela n’est pas du meilleur goût. En effet, l’amendement prévoit que « la remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique du membre du Conseil constitutionnel avec le président ». Soit, mais nous-mêmes, que je sache, quand nous remettons notre déclaration, nous ne sommes pas soumis à un entretien personnel. Bien plus, cet entretien « peut être renouvelé à tout moment, à la demande de l’intéressé ou du président du Conseil constitutionnel » ! J’imagine que si ce type de disposition avait été en vigueur, quand on sait les sentiments d’amitié qu’ils se vouent, le président Jean-Louis Debré aurait convoqué M. Sarkozy toutes les semaines…

Mme Élisabeth Pochon. Mais cette disposition ne concerne que les membres nommés !

M. Alain Tourret. Vous venez d’envisager qu’on l’étende aux membres de droit.

Je souhaite que l’ensemble du dispositif soit revu et que le Gouvernement donne un avis bien plus sérieux que celui qu’il vient de rendre.

M. le président Dominique Raimbourg. L’avis du Gouvernement est sérieux, Monsieur Tourret. Le garde des Sceaux vient simplement de nous indiquer qu’il n’y avait pas eu d’arbitrage et donc que cet avis n’était pas fixé.

M. Guillaume Larrivé. Il serait, en effet, intéressant que le Gouvernement s’exprime clairement en séance publique sur un amendement de cette nature, qui n’est pas banal : on parle du Conseil constitutionnel tout de même !

J’aimerais savoir où s’arrêtera la suspicion dans l’esprit des auteurs de l’amendement.

Mme Élisabeth Pochon. Jusqu’à Sarkozy !

M. Guillaume Larrivé. Au-delà de votre anti-sarkozysme primaire et même pathologique, je vous rappelle qu’une nomination au Conseil constitutionnel n’est effective qu’après audition par la commission des Lois du membre pressenti et après avis public de celle-ci. Nous avons donc compétence, ici, à poser des questions à des personnalités qui sont en général éminentes et au-dessus de tout soupçon.

Je souhaite également comprendre qui, selon les auteurs de l’amendement, contrôlera la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, autorité administrative censée contrôler elle-même le Conseil constitutionnel. Envisagez-vous, dans votre créativité débridée, de créer une Haute autorité de contrôle de la Haute Autorité ? Faut-il que le président Nadal, pour ne pas le citer, vienne rendre compte de son curriculum devant la Haute Autorité de contrôle de la Haute Autorité, laquelle devra être soumise, naturellement, au contrôle d’une autre Haute Autorité. C’est sans fin ! Cette hallucinante logique de Shadoks qui vous anime me surprend et en tout cas perturbe le classicisme institutionnel dont nous devons rester les gardiens.

Le garde des Sceaux ne paraît pas très enthousiaste, si l’on en juge par le fait qu’il n’a pas donné d’avis favorable à cet amendement. Pour ma part, je le rejetterai sans aucune difficulté.

Nous n’avons pas à entendre de leçons sur la transparence : nous y sommes tous favorables, de même qu’à la vertu, même si vous avez toujours la prétention, à gauche, d’incarner le beau, le bien et le vrai. Or nous sommes en train de discuter du Conseil constitutionnel, une institution majeure de la République, et l’on voudrait entretenir le soupçon sur ses membres. Je suis surpris, j’y insiste, de cette dérive dans le soupçon, qui devient insupportable.

M. Philippe Gosselin. Je comprends le souci légitime de transparence qui anime nos collègues et admets qu’on souhaite à tout prix que l’exercice des plus hautes fonctions de l’État soit irréprochable. Je m’étonne néanmoins d’une forme d’acharnement, ou tout au moins d’une maladresse. Ainsi, aux termes de l’amendement, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique serait en mesure d’adresser des injonctions au Conseil constitutionnel. Or, si important soit-il, le statut de cette autorité administrative indépendante l’est moins que celui du Conseil constitutionnel, organe d’État chargé de contrôler la conformité de la loi à la Constitution, de faire appliquer la hiérarchie des normes.

Le dispositif proposé constitue une forme d’intrusion et, par là-même, une atteinte à l’indépendance du Conseil constitutionnel. En voulant trop bien faire, on risque de perturber le bon fonctionnement des institutions et de suspendre une épée de Damoclès sur le Conseil, ce qui n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit des institutions de la Ve République.

Mme la rapporteure. Ne voyez dans l’amendement aucun acharnement. Le Conseil constitutionnel est une juridiction : ce que nous avons déjà adopté pour la Cour des comptes et pour le Conseil d’État, pourquoi ne pas l’envisager pour le Conseil constitutionnel ? De plus, cette juridiction n’est même pas composée de magistrats. On peut donc considérer que la déclaration d’intérêts, bien loin d’être un acte de défiance, constitue au contraire un acte de normalisation. Les membres du Conseil constitutionnel pourraient d’ailleurs considérer comme une injure que le dispositif envisagé, qui n’est pas du tout répressif mais d’ouverture, leur soit interdit sans raison valable. Il n’est pas question pour nous de faire peser sur ses membres une quelconque suspicion, mais bien d’ouvrir le Conseil constitutionnel au même titre, je le répète, que le Conseil d’État et la Cour des comptes, à des dispositifs à même de renforcer la confiance du citoyen en la justice.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable.

M. Sébastien Huyghe. Le présent amendement me fait vraiment penser que lorsqu’on est pris en défaut, on a envie de laver plus blanc que blanc. Il faut, en effet, se souvenir d’où vient l’ensemble de ce système.

M. Patrick Mennucci. Balkany !

M. Sébastien Huyghe. Attendez que les éventuelles condamnations soient prononcées. Il faut se souvenir, disais-je, et je sais que cela fait très mal, que tout vient de l’affaire Cahuzac dont vous avez essayé de vous sortir, je le répète, en lavant plus blanc que blanc, c’est-à-dire en demandant à chacun de se déshabiller le plus complètement possible devant le public et devant les membres de la Haute Autorité précitée.

Cette suspicion permanente commence à être pénible.

Mme la rapporteure. Mais non, il ne s’agit pas de suspicion !

M. Sébastien Huyghe. À tous les niveaux de l’État vous la faites régner pour vous dédouaner de ce qui vous est arrivé à plusieurs reprises.

M. Patrick Mennucci. Vous portez aussi la croix de Sarkozy !

M. Sébastien Huyghe. Sarkozy n’a jamais été condamné ; cessez donc avec votre anti-sarkozysme pathologique !

M. Patrick Mennucci. Cahuzac non plus, n’a pas été condamné !

M. Sébastien Huyghe. Il a reconnu ses turpitudes et ses mensonges en tout cas, aussi savons-nous d’où vient ce système.

Il y a, néanmoins, un endroit où le bât blesse : l’amendement prévoit que, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction, les membres du Conseil constitutionnel autres que les membres de droit remettent à son président une déclaration exhaustive. Or vous oubliez le président lui-même : il serait au-dessus de tout soupçon tandis que les autres membres, nommés, comme lui, seraient l’objet de votre suspicion. Il faudrait vous montrer logiques du début à la fin et défendre l’idée que tous les membres, président compris, se soumettent à la même règle.

À force de vouloir porter la suspicion à un niveau extrême, on en oublie toujours quelqu’un.

M. Guillaume Larrivé. L’amendement est-il conforme à la Constitution en tant qu’elle prévoit expressément ce qu’est le Conseil constitutionnel, son organisation, à la différence de la Cour de cassation, du Conseil d’État ? Ensuite, j’insiste, qui contrôle la Haute Autorité ? L’amendement propose de soumettre le Conseil constitutionnel au contrôle de cette Haute Autorité mais qui contrôle cette Haute Autorité surplombante, presque de droit divin ? Je souhaite bien comprendre le dispositif que vous entendez mettre en place.

M. Yves Goasdoué. Je ne suis pas un thuriféraire de la transparence pour la transparence mais puisque cette double technique de déclaration d’intérêts et de déclaration de patrimoine est en train de devenir, que vous le vouliez ou non, le droit commun, pourquoi ce dernier ne s’appliquerait-il pas à la plus haute juridiction ? Cette question n’est tout de même pas iconoclaste. En outre, des aménagements rédactionnels seront peut-être nécessaires.

Monsieur Larrivé, vous posez une question intéressante mais vous la posez mal. Il n’est pas question que la Haute Autorité chapeaute d’une quelconque manière l’activité du Conseil constitutionnel. Il est question qu’elle vérifie la variation du patrimoine de chaque membre du Conseil constitutionnel entre le moment où il entre en fonctions et celui où il cesse de les exercer. Cela n’a rien à voir avec l’activité du Conseil.

Vous demandez aussi qui surveille la Haute Autorité. Mais dans cette fonction, elle n’a pas à être surveillée. Si elle a un doute, elle doit saisir le parquet et si le parquet l’estime nécessaire, il saisira le juge. Donc, celui qui contrôle la Haute Autorité et qui a le dernier mot, c’est le juge. Aussi, je ne vois pas où est la réelle difficulté.

Il n’y a, dans le dispositif proposé, aucune forme d’acharnement. On peut y déceler des maladresses, je ne l’exclus pas. Reste que je ne vois pas pourquoi nous serions totalement bloqués sur cette proposition. Je trouve votre réaction très forte en ce qu’elle présuppose que cet amendement recèlerait une intention maligne. Je vous assure qu’il n’en est rien. Mais il faudra bien expliquer aux Français pourquoi le droit commun s’applique à tous les décideurs de la nation sauf aux membres du Conseil constitutionnel qui prennent des décisions d’une importance capitale sans qu’elles soient susceptibles de recours.

M. Philippe Gosselin. Vous évoquiez à raison, madame la rapporteure, le Conseil d’État et la Cour de cassation, qui constituent bien un ordre de juridiction, ce qui n’est en rien le cas du Conseil constitutionnel. Et je n’entrerai pas, aujourd’hui, dans le débat sur le fait de savoir si le Conseil constitutionnel est, aujourd’hui, une haute juridiction.

Vous vous référez à la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et aux obligations des fonctionnaires. Or les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas des fonctionnaires, contrairement aux membres du Conseil d’État et de la Cour de cassation. J’entends bien qu’il s’agit d’une transposition, mais elle est contraire à l’esprit et à la lettre des institutions de la Ve République.

Il serait donc important que le Gouvernement, en séance publique, exprime une position précise.

M. Sébastien Huyghe. J’attends toujours la réponse à ma question sur le président du Conseil constitutionnel…

Votre raisonnement, monsieur Goasdoué, souffre tout de même d’une faiblesse : qui nous dit qu’un membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne pourrait pas être lui-même corrompu par un membre du Conseil constitutionnel ? Il est donc nécessaire, ainsi que l’a souligné M. Larrivé, que les membres de ladite Haute Autorité soient soumis à un contrôle afin d’avoir la certitude que le mécanisme envisagé de transmission au parquet ait bien lieu, quelle que soit la personne concernée. Il s’agit de s’assurer que les membres de la Haute Autorité ne soient pas susceptibles de faiblesse du fait de relations passées avec l’un des membres qu’ils ont à contrôler.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dès lors qu’elles font grief, ses décisions placent le Conseil constitutionnel dans une situation exactement comparable à celle du Conseil d’État et à celle de la Cour de cassation. Par le seul fait que leurs décisions font grief, il apparaît nécessaire de placer les membres du Conseil constitutionnel dans la même situation que les membres du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

M. Patrick Mennucci. Pour répondre à M. Huyghe, compte tenu des dispositions régissant leur nomination, les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sont déjà soumis à une obligation déclarative du fait du rôle qu’ils jouent au sein d’autres institutions. Il n’est donc pas nécessaire de les contrôler une nouvelle fois.

Mme la rapporteure. Je vous laisse le débat sur le fait de savoir si le Conseil constitutionnel est ou non une juridiction. C’est une institution qui rend des décisions insusceptibles de recours, qui est composée de personnalités éminentes mais qui ne sont pas des magistrats. Je ne vois pas en quoi ce qui est proposé pour les magistrats judiciaires ne pourrait pas l’être pour les membres du Conseil constitutionnel. Du reste, le Conseil pourra tout à fait juger de ce dispositif.

Pour ce qui est de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ses membres peuvent être poursuivis pour manquements déontologiques et encourir des sanctions pénales à raison d’un mauvais comportement. De plus, les décisions qu’ils rendent sont susceptibles de recours devant le Conseil d’État. On ne peut donc considérer que les membres de la Haute Autorité font ce qu’ils veulent.

C’est pourquoi je persiste à considérer que, loin d’être fondé sur la méfiance, le dispositif proposé vise à une harmonisation. Aucun justiciable ne comprendrait qu’on en écarte le Conseil constitutionnel alors que le Conseil d’État, la Cour des comptes et les magistrats de l’autorité judiciaire dans leur ensemble y sont soumis.

M. Guillaume Larrivé. Admettons qu’il faille aligner le statut des membres du Conseil constitutionnel sur celui de ceux du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Dès lors, pourquoi diable n’alignez-vous pas le régime du président du Conseil constitutionnel sur ceux du vice-président du Conseil d’État et des premier président de la Cour de cassation et de la Cour des comptes ?

Mme la rapporteure. J’ai bel et bien envisagé, précédemment, que nous soumettions le président du Conseil constitutionnel au dispositif proposé. La difficulté est que le Conseil constitutionnel ne comprend pas de collège de déontologie. Faut-il prévoir d’en instaurer un ? Je n’ai pas d’idée particulière en la matière, mais il faut y réfléchir.

La Commission adopte l’amendement. L’article 34 quinquies est ainsi rédigé.

La Commission examine ensuite l’amendement CL130 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à modifier la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en matière pénale. Il prévoit que lorsqu’il y a une instruction, et seulement à cette condition, la QPC doit avoir été soulevée pendant celle-ci, sans quoi elle ne peut plus l’être à l’audience.

Il s’agit d’éviter le dépôt tardif d’une QPC à des fins dilatoires devant les tribunaux correctionnels ou, plus rarement, devant les tribunaux de police. L’amendement s’inspire du droit en vigueur en matière criminelle : la QPC ne peut être soulevée que pendant l’instruction et non devant la cour d’assises.

Le dispositif prévu ménage toutefois des exceptions : il resterait possible de poser une QPC portant sur une disposition de procédure pénale qui n’est applicable que devant la juridiction de jugement et qui, en conséquence, ne peut être contestée lors de l’instruction, ou que devant la juridiction d’appel, et qui ne peut être contestée en première instance.

M. le garde des Sceaux. Dans l’exposé sommaire de son amendement, Mme la rapporteure a l’amabilité de rappeler le rapport, intitulé Trois ans et déjà grande, que j’avais présenté au nom de la Commission en mars 2013 pour tenter d’établir un premier bilan de la QPC. J’aurais donc mauvaise grâce à dire aujourd’hui que la question soulevée ne se pose pas.

Et elle se pose d’autant plus qu’en mars 2015, le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, et le président d’alors du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, ont fait parvenir à la Chancellerie une proposition d’amendement sur ce sujet, considérant qu’il y avait là matière à discussion. Sur le principe, le Gouvernement est donc favorable au présent amendement.

À titre personnel, j’ai néanmoins une réserve sur l’impossibilité de déposer la QPC au moment de l’appel si elle ne l’a pas été en première instance. Je ne suis pas certain de la constitutionnalité de ce dispositif : des faits nouveaux peuvent, en effet, justifier le dépôt d’une QPC. Mais je n’ai pas fondé cette conviction sur autre chose que mon ressenti, et le Gouvernement, je le répète, est favorable, à ce stade, à l’amendement.

M. Guillaume Larrivé. Je rappelle que c’est en 2008, contre l’avis de l’actuelle majorité, que ce droit nouveau a été offert à tous les justiciables de saisir le Conseil constitutionnel par la voie d’exception. Sous des dehors techniques, cet amendement a une portée très forte, le ministre vient de le reconnaître par la réserve qu’il a émise ; il restreint singulièrement la liberté du justiciable de saisir le Conseil constitutionnel. Ce mécanisme d’entonnoir que vous créez interdirait la saisine en appel dès lors que cela n’aurait pas été le cas en première instance. Contra legem, l’amendement restreint trop le mécanisme de la QPC.

J’observe, par ailleurs, que cet amendement de la rapporteure n’a pas fait l’objet d’une saisine pour avis du Conseil d’État : la majorité est-elle sûre de vouloir assumer une restriction du droit des citoyens à saisir le Conseil constitutionnel afin de faire valoir les droits fondamentaux, notamment en appel ? Alors même que vous professez le progressisme juridique, c’est pour le moins curieux !

M. Alain Tourret. Cet amendement est insuffisant en lui-même, il devrait répondre à une vaste réflexion portant sur tout le problème des nullités, notamment sur le moment où elles doivent être soulevées. Ce n’est jamais avant l’ordonnance de renvoi que l’on vérifie tous les moyens de nullité, mais au moment où la juridiction est saisie, ce qui peut advenir jusqu’à dix-huit mois après cette ordonnance. Pourquoi se priver de cette possibilité, éventuellement fondée sur des arguments nouveaux, pendant toute cette période ? Le juge n’est pas saisi sur les seuls moyens de l’ordonnance de renvoi, sinon il ne serait pas possible de citer des témoins ni de communiquer d’autres pièces.

Je suis très réservé, même si je comprends le souci d’accélérer la procédure et d’empêcher les manœuvres dilatoires, qui sont certes insupportables. En tout cas, faute d’une réflexion sur l’ensemble des nullités, vous risquez de réduire à l’excès la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par la question prioritaire de constitutionnalité. Cela constitue une considérable réduction des libertés, et je vous invite à reprendre votre texte.

M. le président Dominique Raimbourg. Il semble que le dispositif proposé recueille un large accord au stade de l’instruction, mais beaucoup moins au stade de l’appel. La question doit être examinée de près, car en aucun cas notre intention n’est de réduire la saisine par le moyen de la QPC. Il s’agit de recourir à un mécanisme qui a donné satisfaction devant la cour d’assises, et dont l’utilité a été recommandée à plusieurs reprises.

Nous pourrions améliorer la rédaction dans le sens souhaité par tous, au-delà de la polémique, étant entendu que la disposition ne serait anticonstitutionnelle que si elle était exagérément restrictive.

Mme la rapporteure. Cet amendement répond à une demande formulée conjointement par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Cette demande ne nous a pas parue absurde dans la mesure où nous transposons en matière correctionnelle, donc dans une matière moins grave, ce qui existe déjà en matière criminelle depuis 2009. De plus, le champ est extrêmement restreint puisqu’il ne porte que sur le domaine pénal et lorsqu’il y a eu instruction.

Nous pouvons effectivement prendre le temps de la réflexion, mais, pour l’heure, je maintiens l’amendement en l’état.

M. le garde des Sceaux. Nous avons connu des cas précis de recours, non pas à la QPC, mais à des manœuvres clairement dilatoires. Les présidents des juridictions suprêmes qui nous ont écrit au mois de mars dernier ont insisté sur le caractère tardif du dépôt des saisines, dont la conséquence est le gel de l’agenda de la juridiction concernée.

En l’occurrence, le rôle du tribunal d’instance de Paris est très dense, et lorsqu’une QPC est déposée au dernier moment, le temps prévu par le tribunal pour se consacrer à l’audience concernée ne peut pas être repris. C’est là une difficulté que la commission des Lois avait constatée dès 2013 et qui a été confirmée. Je pourrai, si elle le souhaite, communiquer à la rapporteure l’amendement rédigé par les présidents du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Il y a un souci d’harmonisation de la justice.

Nonobstant ma réserve personnelle sur la deuxième exception, une faille existe qui doit être supprimée, et l’avis du Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement.

M. Sébastien Huyghe. Je suis gêné par l’interdiction du recours à la QPC en appel dès lors qu’elle n’aurait pas été soulevée en première instance. Un point de droit qui pouvait sembler ne pas poser problème peut se faire jour après l’instance, et le justiciable devrait pouvoir le soulever par le truchement de la QPC. Cette interdiction est inepte et, à ce seul titre, l’amendement devrait être retiré.

M. le président Dominique Raimbourg. Je mets cet amendement aux voix, sachant qu’une difficulté demeure en ce qui concerne l’appel et qu’il faudra la résoudre.

La Commission adopte l’amendement. L’article 34 sexies est ainsi rédigé.

Article 35 (art. 36 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats) : Entrées en vigueur différées et report du dispositif de mobilité statutaire

La Commission est saisie de l’amendement CL73 de M. Alain Tourret, qui fait l’objet du sous-amendement CL131 de la rapporteure.

M. Alain Tourret. L’amendement CL73 a pour objet de prendre en compte l’intégration des juges de proximité dans le statut des magistrats à titre temporaire en supprimant les dispositions du projet de loi organique les concernant. Il vise à assurer la mise en œuvre de ce nouveau régime pour les juges de proximité actuellement en cours de mandat.

Je suis, par ailleurs, d’accord avec la précision apportée par le sous-amendement de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Mon sous-amendement est rédactionnel.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable. C’est opportunément que le sous-amendement mentionne une date d’entrée en vigueur, car le texte en prévoit plusieurs.

La Commission adopte le sous-amendement CL131.

Elle adopte ensuite l’amendement CL73 sous-amendé.

La Commission examine l’amendement CL57 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. L’inspection dont nous avons souvent parlé n’interviendra que le 1er janvier 2017, il est donc nécessaire de prévoir des dispositions transitoires.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL132 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement porte de douze à dix-huit mois le délai pendant lequel l’ensemble des magistrats judiciaires devront avoir remis leur déclaration d’intérêts et avoir fait l’objet d’un entretien déontologique. Il répond à une demande formulée par les magistrats.

M. le garde des Sceaux. Cet amendement se justifie au regard du fait qu’il y aura 7 752 magistrats qui auront à satisfaire à cette obligation.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL133 de la rapporteure.

Elle examine ensuite les amendements identiques CL134 de la rapporteure et CL69 de M. Yves Goasdoué.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’amendements de conséquence tendant à fixer la date de remise des déclarations d’intérêts des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL135 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL136 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise les modalités d’entrée en vigueur de l’obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale incombant aux membres du Conseil supérieur de la magistrature.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements identiques CL137 de la rapporteure et CL70 de M. Yves Goasdoué.

Mme la rapporteure. Il s’agit de reporter au 1er septembre 2017 la création de la fonction statutaire de juge des libertés et de la détention.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CL55 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Cet amendement prévoit des dispositions transitoires concernant les magistrats réservistes en cours d’activité lors de l’entrée en vigueur de la loi organique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 35 modifié.

Enfin, la Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire (n° 3204) (MM. Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs).

TITRE IER
RAPPROCHER LA JUSTICE DU CITOYEN

Chapitre Ier
Renforcer la politique d’accès au droit

Article 1er (art. L. 111-2, L. 111-4, L. 141-1 et intitulé du titre IV du livre Ier du code de l’organisation judiciaire, art. 54, 55 et 69-7 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Principe de l’accès au droit et de l’accès à la justice

La Commission est saisie de l’amendement CL339 des rapporteurs Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il a paru nécessaire de supprimer la mention « public » au sujet du service de la justice, considérant que l’expression « service public de la justice » est impropre lorsqu’elle veut évoquer l’autorité judiciaire, alors qu’elle demeure pertinente s’agissant de l’organisation des services au quotidien.

Si la formule existe dans certaines dispositions législatives, elles sont cependant fort peu nombreuses. Il est donc proposé de revenir à la rédaction que je qualifierai de traditionnelle.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice. Dans la mesure où il ne modifie rien au droit existant, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL340 des rapporteurs.

La Commission examine ensuite l’amendement CL299 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Cet amendement propose que les associations d’avocats médiateurs soient également membres de droit des conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), à l’instar des associations œuvrant dans le domaine de l’accès au droit.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable également dans la mesure où les associations œuvrant dans le domaine de la médiation peuvent être désignées, ce qui implique la présence d’une association d’avocats s’il en existe une dans le périmètre du CDAD.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL341 rectifié des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement propose de laisser la possibilité au président du tribunal de grande instance et au procureur de la République de désigner conjointement, sur proposition du représentant de l’État dans le département, non pas une, mais plusieurs associations membres des centres départementaux d’accès au droit. Il importe, en effet, de garantir une diversité égale à celle des territoires.

M. le garde des Sceaux. Dans la mesure où il s’agit d’une possibilité laissée au président du tribunal de grande instance ou au procureur, le Gouvernement est favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement CL342 des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous proposons d’inclure les associations de conciliateurs dans le champ des associations qui seraient susceptibles d’être membre de droit du CDAD.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Ensuite, elle adopte l’amendement rédactionnel CL343 des rapporteurs.

Puis elle étudie l’amendement CL50 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le délégué local du Défenseur des droits est prévu à l’article 37 de la loi organique relative au Défenseur des droits. Ces délégués sont actuellement au nombre de 397.

Cet amendement propose qu’un délégué local siège dans chaque conseil départemental de l’accès au droit. Le rôle du Défenseur des droits et sa sensibilité aux problématiques d’accès au droit et de défense des libertés rendraient la présence des délégués locaux dans les CDAD particulièrement pertinente.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il estime que les délégués du Défenseur des droits peuvent déjà être amenés à siéger dans les CDAD, en application de l’article 56 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Je précise d’ailleurs, comme l’indique l’exposé des motifs de l’amendement, que, sur 397 représentants du Défenseur des droits, 198 interviennent déjà dans 1 250 points d’accès au droit, 30 dans les antennes de justice et 139 dans les maisons de justice et du droit.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL344, CL345, CL346 des rapporteurs et l’amendement CL347 du rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission discute de l’amendement CL17 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Le présent amendement propose de mettre en place le principe d’une participation financière des détenus aux frais de leur incarcération, ce qui constituerait une nouveauté dans notre pays. Un tel dispositif, qui représenterait une mesure de justice, est à l’étude aux Pays-Bas. Il prendrait en compte les ressources et le patrimoine, parfois conséquents, des intéressés.

Je rappelle que le coût moyen de l’incarcération s’élève à 106 euros par jour, soit 36 000 euros par an. Même si le lien peut sembler ténu, la comparaison peut être établie avec le ticket modérateur acquitté par les personnes hospitalisées.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Chacun mesure le caractère punitif de cette mesure. Plus d’un quart des détenus connaissent une situation de grande précarité et sont sans ressources. Par ailleurs, le taux d’activité en détention n’est que de 52,6 % pour les détenus exécutant leur peine et de 28,4 % pour ceux qui sont en maison d’arrêt. La rémunération moyenne est inférieure à 550 euros. En outre, l’article 717-3 du code de procédure pénale, que vous n’avez pas prévu de modifier, dispose que le produit du travail des détenus ne peut faire l’objet d’aucun prélèvement pour frais d’entretien en établissement pénitentiaire.

Enfin, nous ne pouvons préjuger de l’appréciation que porterait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur une telle disposition, alors même que l’État français, à plusieurs reprises, a été condamné à indemniser des personnes détenues en raison de leurs conditions de détention. Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

M. Joaquim Pueyo. À une époque, les détenus participaient à leurs frais de détention lorsqu’ils travaillaient, ce qui les a incités à ne plus travailler. La mise en œuvre d’une telle mesure serait très complexe. Du reste, beaucoup de détenus sont indigents et l’administration pénitentiaire leur a même proposé une aide, notamment pour financer leur formation initiale.

J’ignore quels sont les pays ayant expérimenté une disposition équivalente à ce que propose M. Ciotti ; aux Pays-Bas, ce n’est qu’une réflexion en cours. Aucun Etat membre de l’Union européenne ne fait participer les détenus à leur entretien. D’ailleurs, ceux-ci participent en payant la location de la télévision, par exemple.

Si le travail en détention était mieux rémunéré, on pourrait reconsidérer la question, mais en raison des contraintes pesant sur les employeurs, la rémunération atteint à peine 30 % à 40 % du SMIC. Même si la responsabilité de la personne détenue doit toujours être mise en avant, je suis défavorable à cette proposition.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement ne propose pas de prélever une part du revenu provenant du travail effectué par les détenus, il y est question du patrimoine. Il serait très choquant que des délinquants notoirement enrichis par leurs méfaits ne soient pas, à un titre ou un autre, appelés à contribuer aux frais qu’ils occasionnent à la société du fait de leurs actes délictueux qui leur rapportent beaucoup. On constate, d’ailleurs, qu’à leur sortie de prison, ils n’ont guère besoin d’être aidés pour retrouver dans la vie libre une place du même rang que celle qui était la leur avant leur incarcération.

M. Alain Tourret. Les frais de justice doivent pourtant être payés. En allant plus loin dans le raisonnement, on en dispense tout le monde. Seuls les individus disposant d’un patrimoine et de ressources importantes sont visés par cet amendement, ce qui fait tomber tout argument misérabiliste. À titre personnel, je considère la criminalité en col blanc comme la plus grave, et j’ai du mal à concevoir que les intéressés puissent ne pas être punis. La mesure proposée est punitive, certes, comme le sont les dommages et intérêts. J’estime donc que cette proposition ne peut pas simplement être rejetée par principe. Il conviendrait d’approfondir la réflexion, car l’appel de M. Ciotti est pleinement justifié.

Je connais bien la maison d’arrêt de Caen, si insalubre que l’État a été condamné des dizaines de fois – à la suite, d’ailleurs, de demandes que mon cabinet d’avocat avait défendues. Dans ce cas, bien sûr, on ne peut pas demander une quelconque indemnisation. Mais sur le principe, si le maintien en état de la prison est à la charge de tous les citoyens, ceux qui s’y retrouvent en sont en quelque sorte responsables, et doivent en prendre leur part s’ils en ont les moyens.

Je suis donc favorable à une nouvelle rédaction de cet amendement qui ne me semble pas pouvoir être balayé d’un revers de main.

M. Guillaume Larrivé. Le rapporteur a considéré que la mesure proposée revêtait un caractère punitif : c’est le cas de l’ensemble de la question pénitentiaire, car, par définition, la prison a une fonction punitive. Ne pourrions-nous pas, monsieur le ministre, travailler cet amendement pour la séance publique, en prévoyant une application expérimentale dans certains établissements pénitentiaires ?

M. Joaquim Pueyo. Le prix de journée d’un détenu en France s’élève à 106 euros en maison d’arrêt et à 200 euros en centrale ; il est du double aux Pays-Bas. Une partie du pécule des détenus est déjà prélevée, y compris sur les mandats qu’ils reçoivent, aux fins de réparation des parties civiles, mais ce n’est pas suffisant. Pour rendre le détenu responsable de ses actes, il faut qu’il répare le préjudice causé aux victimes. J’entends le souhait de M. Ciotti de responsabiliser les détenus en leur faisant acquitter une partie de leurs frais d’entretien, mais il me semble qu’une première étape pourrait consister à leur faire payer la réparation des préjudices qu’ils ont causés.

M. le président Dominique Raimbourg. Je rappelle que l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, a constitué une avancée importante, puisqu’elle permet la saisie des avoirs criminels. En outre, certaines dispositions de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, dite « loi Taubira », prévoient la non-restitution de la somme consignée pour les parties civiles à la fin de l’incarcération, lorsque la trace de celles-ci est perdue, et le virement des sommes dans un fonds.

Une étude d’impact serait nécessaire pour savoir qui serait susceptible de payer la participation suggérée par M.Ciotti. Empiriquement, ceux qui seraient à même de le faire sont les détenus retraités puisqu’ils font partie des rares catégories continuant à percevoir un revenu régulier.

Il y a parfois des bonnes surprises, monsieur Ciotti : nous sommes prêts à vous suivre dans cette direction, en examinant toutefois les modalités d’une telle disposition. L’indigence dans laquelle se trouvent beaucoup de détenus, rappelée par le rapporteur, rend, en l’état, votre amendement inapplicable.

M. Éric Ciotti. Je remercie les intervenants pour l’intérêt qu’ils portent à ce débat. J’ai bien conscience d’ouvrir un champ d’exploration nouveau, qui peut apporter des réponses à une attente de réparation globale de la société. Le budget de l’administration pénitentiaire est de plus de 3 milliards d’euros, et le coût de la détention toujours plus élevé, jusqu’à 700 euros par jour en centre éducatif fermé.

Mon amendement évoque aussi la responsabilité parentale et préserve le principe d’individualisation à travers l’évaluation du patrimoine et des revenus des intéressés. Il ouvre un débat important dont vos remarques ont montré l’intérêt, même si j’entends les oppositions qui peuvent s’exprimer. Nous devons à la société d’appeler en responsabilité ceux qui disposent d’un patrimoine important. L’AGRASC, instituée sous la précédente majorité par le président de la commission des Lois de l’époque, M. Jean-Luc Warsmann, constitue un progrès considérable ; elle pourrait permettre d’évaluer ces patrimoines. En tout cas, je vous remercie de ne pas balayer cet amendement d’un revers de main.

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre II
Faciliter l’accès à la justice

Article 2 (art. L. 123-3 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire) : Création d’un service d’accès unique du justiciable

La Commission adopte successivement les amendements de précision CL348 et CL349 du rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL15 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Par un arrêt du 7 novembre 2013, la Cour de Justice de l’Union européenne a réaffirmé le principe du libre choix de l’avocat par une personne bénéficiant d’une assurance de protection juridique. Cet amendement vise à réaffirmer ce principe en droit interne.

Très souvent, aujourd’hui, les assurés se trouvent coincés par la compagnie d’assurances qui ne leur laisse pour seul choix – qui est plus exactement un non-choix – que de prendre l’avocat qu’elle leur impose sous peine de mettre un terme au processus. Dans ces conditions, il n’y a plus de défense des intérêts libre et autonome.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. Le droit en vigueur est déjà largement satisfaisant puisque l’article L. 127-3 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique, affirme le principe du libre choix de l’avocat par l’assuré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La préoccupation de notre collègue est partagée, car la liberté du choix de l’avocat doit être totale. Le code des assurances prévoit, en effet, que l’intéressé doit pouvoir choisir son avocat. Toute compagnie d’assurances qui ne respecte pas cette prescription se met donc en infraction. À mon sens, cet amendement est redondant.

M. Philippe Gosselin. Je le retire, mais je n’exclus pas de le redéposer en séance publique, car la liberté de choix est en réalité très hypothétique, pour ne pas dire nulle.

M. Sébastien Huyghe. Un certain nombre de compagnies d’assurances exercent une réelle pression pour imposer l’avocat avec qui elles ont passé des accords. Cela n’est un secret pour personne, et nos concitoyens nous le disent souvent dans nos permanences.

Le Règlement de l’Assemblée nationale m’empêchant de reprendre son amendement, j’incite Philippe Gosselin à revenir sur sa décision de le retirer. À mon sens, la mention récurrente de la liberté du choix de l’avocat dans les textes ne nuirait pas à la qualité de la législation ; surtout, elle permettrait à nos concitoyens que leur assureur renverrait à tel ou tel article de loi de constater que ce libre choix existe bien.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Théoriquement, l’article L. 127-3 précité devrait apporter totale satisfaction à M. Gosselin et répondre à sa légitime préoccupation. Il dispose que « tout contrat d’assurance de protection juridique stipule explicitement que lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré dans les circonstances prévues à l’article L. 127-1, l’assuré a la liberté de le choisir ».

M. Philippe Gosselin. Le cadre juridique semble effectivement bien posé. Il n’empêche qu’aujourd’hui, en réalité, les compagnies d’assurance font ce qu’elles veulent et la liberté de choix n’existe pas.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL350 des rapporteurs.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Cet amendement reprend une recommandation que j’ai émise dans mon avis budgétaire sur les crédits de la mission justice pour 2015, afin de rapprocher la justice des citoyens. Il permet au président du tribunal de grande instance d’organiser des audiences foraines au siège des maisons de justice et du droit situées dans le ressort de son tribunal, lorsqu’il s’agit de traiter des contentieux simples aux enjeux limités, lesquels seraient précisés par décret. Cette proposition est le fruit d’un échange que nous avions eu avec la présidente du tribunal de grande instance de Chartres. Elle suppose que les maisons de justice et du droit remplissent certaines conditions, tant matérielles que d’encadrement humain.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement n’a aucune opposition de principe à la diversification des lieux dans lesquels pourraient se tenir des audiences foraines. Il considère cependant que le droit existant le permet déjà, notamment à l’article R. 124-2 du code de l’organisation judiciaire, qui autorise la tenue d’audiences foraines dans une commune du ressort du tribunal de grande instance autre que celle où il siège, le choix du lieu étant laissé aux soins du premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général près de cette cour. Une telle disposition ne relève donc pas de la loi. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. J’entends ces remarques judicieuses, mais, dans ce texte qui vise à rapprocher les citoyens de leur justice, identifier clairement la maison de justice et du droit comme le lieu où se tiendraient les audiences est symboliquement important.

Si le dispositif réglementaire en vigueur fait référence aux maisons de justice et du droit, je pourrais néanmoins retirer l’amendement.

M. le garde des Sceaux. Le texte ne les vise pas explicitement : il laisse le choix du lieu à la discrétion du premier président.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. J’accepte de retirer mon amendement, mais je me propose de le revoir pour la séance.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission est saisie de l’amendement CL18 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à rétablir le dispositif que l’on appelle sommairement et de façon réductrice les peines planchers, malheureusement supprimé par la prédécesseure de M. le garde des Sceaux.

M. le garde des Sceaux. Tout a été dit sur le sujet. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Même avis. La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines a supprimé les peines planchers pour des raisons d’inefficacité contre la récidive, d’allongement de la durée des peines et de surpopulation carcérale.

M. Guy Geoffroy. Tout a été dit, et même des mensonges que je voudrais dénoncer, notamment celui selon lequel les peines planchers seraient automatiques. L’un des arguments utilisés de manière fallacieuse pour supprimer ce dispositif était pourtant que les peines planchers n’avaient été appliquées que dans 50 % des cas où elles auraient pu l’être. Le dispositif est utile en ce qu’il adresse des messages clairs : le jour venu, il sera bon de le rétablir.

La Commission rejette l’amendement.

Elle discute ensuite de l’amendement CL23 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à revenir sur une des dispositions de la loi pénitentiaire de 2009. Je le dépose systématiquement depuis cette date, avec une constance qui n’a, jusqu’ici, pas été couronnée de succès, mais je ne désespère pas. Nous proposons de ramener de deux ans à un an le seuil d’emprisonnement à partir duquel une peine peut être aménagée.

Paré des vertus attachées au principe de réinsertion positive des détenus, l’aménagement des peines est en fait un mode de gestion de la surpopulation carcérale. Y recourir est donc une forme d’hypocrisie qu’il faut dénoncer.

Les aménagements rendent la peine illisible. Ils suscitent l’incompréhension des victimes qui, à l’audience, entendent prononcer une condamnation qui ne sera jamais appliquée parce qu’elle sera déconstruite par le juge de l’application des peines, dans l’anonymat de son cabinet. Pour les mêmes raisons, ils engendrent aussi une certaine défiance de la société à l’égard de la justice.

Il convient donc de rétablir la lisibilité et la clarté de la peine. Il revient à l’audience de jugement de prononcer la peine adaptée, et la déconstruction systématique et automatique de toutes les peines inférieures à deux ans de prison ferme me paraît inopportune.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement a toujours été défavorable à la proposition d’Éric Ciotti et le sera jusqu’à la fin de la législature. Nous considérons, au contraire, que l’aménagement de peine est un facteur utile de lutte contre la récidive. Il semblerait d’ailleurs que les aménagements de peine aient plutôt tendance à baisser, ce qui, non seulement risque de renforcer la surpopulation carcérale, mais n’est pas non plus un bon signe pour la réinsertion des détenus condamnés à de courtes peines. Tous n’ont pas vocation à finir leurs jours en prison, rappelons-le.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Même avis défavorable. Personne, depuis que la loi de 2009 est revenue dessus, n’a pu démontrer l’inutilité de ce dispositif. De surcroît, à quoi rime de ramener de deux ans à un an le seuil d’aménagement de peine ? Soit on maintient cette faculté, soit on la supprime.

M. Alain Tourret. J’ai du mal à comprendre qu’une telle proposition puisse être autre chose qu’un repli par rapport à un amendement tendant à supprimer tout seuil. Sachant qu’Éric Ciotti est partisan de la tolérance zéro, tant qu’il n’arrivera pas à supprimer tout seuil, il fera preuve de ce qu’il considère comme du laxisme et sera en effroyable contradiction avec sa position.

M. Joaquim Pueyo. L’aménagement de peine n’est pas automatique. Il est laissé à l’appréciation du juge de l’application des peines, en fonction des garanties que présente le condamné et sous réserve d’obligations. Trois options sont possibles : le placement sous surveillance électronique, le travail d’intérêt général - d’un maximum de 240 heures - et la semi-liberté. Je crois beaucoup en cette dernière mesure, car elle permet au détenu de travailler ou de suivre une formation.

Il serait d’ailleurs intéressant d’évaluer le rapport entre aménagements de peine et récidive : on se rendrait probablement compte qu’il y a beaucoup moins de récidive parmi les détenus qui en bénéficient que parmi ceux qui sortent sèchement de prison. Il me paraît nécessaire de maintenir cette faculté d’aménagement tout en l’assortissant d’un maximum de garanties. Le juge de l’application des peines peut notamment prévoir une obligation d’apporter réparation à la partie civile.

Enfin, je précise que lorsque le juge décide d’un aménagement de peine, le détenu n’est pas écroué. Il comparaît généralement libre devant le tribunal, sans avoir fait l’objet d’un mandat de dépôt auparavant.

M. Éric Ciotti. Certes, ces aménagements ne sont juridiquement pas automatiques, mais ils sont devenus de plus en plus fréquents. Compte tenu de la surpopulation carcérale, ils deviennent une variable d’ajustement démographique, s’éloignant ainsi de leur motivation première. Je ne remets pas en cause le principe fondamental de l’aménagement de peine, qui est un élément important de la réinsertion. Ce que je conteste, c’est son utilisation de plus en plus fréquente et hypocrite, sous quelque majorité que ce soit, qui suscite l’incompréhension de nos concitoyens et des victimes. Alors qu’une peine de deux ans de prison ferme sanctionne des faits déjà graves, il arrive que pas un jour de prison ne soit effectué par le condamné !

À l’origine, le seuil d’aménagement était à six mois ; il a été porté à un an par la « loi Perben », puis à deux ans par la loi de 2009. Un seuil de six mois m’irait très bien, mais je ne veux pas vous heurter trop brutalement et vous propose de procéder par étapes.

Du reste, Monsieur le garde des Sceaux, la position du Gouvernement n’a pas toujours été aussi figée. Il me semble que le texte initial du projet de loi défendu par Mme Taubira prévoyait un seuil d’un an, ce qui avait alors conduit le Premier ministre à souligner une forme de laxisme passé. C’est la navette parlementaire qui a rétabli un seuil de deux ans. Même dans vos rangs, la question a fait débat.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement CL21 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Cet amendement, issu des propositions de mon rapport de 2011 sur l’exécution des peines, vise à rendre plus fluide et plus efficace toute la chaîne de l’exécution des peines en la plaçant sous la responsabilité du parquet. En 2011, le stock de peines de prison ferme non exécutées fluctuait entre 80 000 et 100 000 ; j’ignore à combien il s’élève aujourd’hui. L’une des raisons expliquant cette situation particulièrement choquante réside dans la multiplicité des intervenants, notamment dans la relation entre le juge de l’application des peines et le parquet.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable. L’article 700-1 du code de procédure pénale précise déjà que le parquet est chargé de l’exécution des sentences pénales. Cette modification apparaît donc inutile.

Pour lui être agréable, je renseignerai le député Ciotti sur le nombre de peines non exécutées : le dernier chiffre disponible est de 89 068 peines en attente d’exécution au sein des services d’exécution des peines des parquets ; 88 013 d’entre elles concernent des peines aménageables, prononcées à 90 % hors récidive. Contrairement au message qui pourrait être relayé sur le laxisme des magistrats, ce chiffre ne doit pas être considéré comme un volume des peines d’emprisonnement jamais exécutées mais bien comme un stock en renouvellement permanent, le délai moyen de mise en exécution d’une peine étant d’environ neuf mois. Ce délai tient en grande partie à l’absence des prévenus aux audiences qui allonge l’effet de signification des jugements, aux nécessités de transférer les dossiers d’exécution des peines au lieu du domicile des condamnés, voire à la difficulté de localisation d’un nombre important de ceux-ci, nécessitant une diffusion au fichier des personnes recherchées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Même avis défavorable. J’ajoute que le procureur de la République et le chef d’établissement pénitentiaire siègent à la commission de l’application des peines que préside le juge de l’application des peines.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL20 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à confier, pour les faits les plus graves, au tribunal de l’application des peines le soin de prononcer les décisions d’aménagement des peines. Il s’agit, en d’autres termes, de conférer un caractère collégial à ces décisions, lorsqu’elles concernent des personnes incarcérées condamnées pour des infractions de nature sexuelle ou définies par la législation sur les stupéfiants ou encore constituant des actes de terrorisme ; des personnes incarcérées pour des peines d’une durée d’au moins cinq ans ; enfin, des personnes incarcérées condamnées en état de récidive légale. L’aménagement des peines ne peut relever du seul juge de l’application des peines, qui prendrait sa décision dans le secret de son cabinet d’instruction.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable. La répartition des rôles entre le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines a été faite de manière consensuelle en 2004 par le Parlement. Il n’y a pas de raison objective de la changer. Et je rappelle que la collégialité est tout à fait possible en appel.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Mêmes observations et même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL19 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Toujours afin d’améliorer la lisibilité des peines, il est proposé de supprimer les crédits de réduction de peine, aujourd’hui appliqués à plus de 99 %, et qui revêtent donc dans les faits un caractère quasi-automatique. Mieux vaudrait que les juridictions de jugement prononcent des peines faibles mais qui soient totalement appliquées. Car ces réductions – de trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et sept jours par mois pour une peine de moins d’un an – suscitent, elles aussi, de l’incompréhension. Concrètement, une personne condamnée à trois ans et demi de prison pourra bénéficier d’une remise de peine égale à trois mois la première année, auxquels s’ajouteront quatre mois les deuxième et troisième années et quarante-deux jours les six mois restants.

M. Joaquim Pueyo. Si Éric Ciotti était à la place du ministre de la justice, il refuserait cet amendement de crainte qu’il ne suscite une explosion sociale dans les établissements pénitentiaires. Du reste, c’est sous une majorité qu’il soutenait que les modalités du dispositif ont changé. Auparavant, on parlait de remise de peine : au bout d’une année de détention, la situation personnelle du détenu était examinée par le chef d’établissement, le juge de l’application des peines et le procureur, dans le cadre d’une commission. C’est au vu de son comportement qu’il pouvait bénéficier au maximum de trois mois de remise. Vous avez ensuite dénaturé l’esprit de la règle en attribuant d’office au détenu trois mois de crédit de peine pouvant lui être appliqués en fin de parcours. L’effet psychologique était complètement différent. J’étais plutôt partisan de conserver les remises de peine.

Les crédits de réduction de peine ne sont pas automatiquement attribués. Lorsqu’un détenu commet des fautes disciplinaires, l’établissement lui retire automatiquement des jours de crédit. Quant aux crédits de peine pour la réinsertion, ils sont encore moins automatiques, car seule une minorité de détenus en bénéficie : le détenu doit s’engager à suivre une formation et des activités culturelles, et à travailler. Ayez confiance dans le personnel, le juge de l’application des peines et le parquet : les commissions de l’application des peines font preuve de rigueur.

Il faut donner aux détenus une perspective, sans quoi leur comportement sera ingérable. Je puis vous assurer que les personnels pénitentiaires dans leur ensemble, du surveillant au directeur, tiennent beaucoup à ce dispositif. Je peux comprendre que vous exigiez de la rigueur dans le fonctionnement des commissions – c’est le rôle d’un politique. Mais tel est le cas dans la plupart des établissements pénitentiaires.

M. le garde des Sceaux. Je n’ai rien à ajouter au plaidoyer de M. Pueyo. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Même avis. Je rappelle que la dernière étape du dispositif remonte au 15 août 2014 : nous n’allons pas remettre en chantier tous les ans les dispositions législatives adoptées par notre assemblée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL22 de M. Éric Ciotti. 

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à limiter les aménagements de peine aux personnes poursuivies présentes à l’audience.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL14 de M. Philippe Gosselin. 

M. Philippe Gosselin. Nous avions constaté, avec George Pau-Langevin, du temps où elle n’était pas encore ministre, que de sérieuses divergences existent entre les différents bureaux d’aide juridictionnelle quant aux modalités pratiques d’application de la loi et à l’évaluation des ressources du demandeur. Il convient d’uniformiser les critères d’appréciation des conditions de ressources permettant de prétendre à l’aide juridictionnelle. Aussi l’amendement CL14 tend-il à compléter l’article 5 de la loi relative à l’aide juridique par la prise en compte de critères déterminants tels que la propriété de la résidence principale et la possession de dépôts bancaires et de titres.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable. Les critères que sont la résidence principale et les produits financiers du demandeur sont d’ores et déjà couverts par la loi du 10 juillet 1991.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La loi de 1991 cite très exactement les éléments que vous souhaitez y introduire. Son article 5 dispose que sont pris en considération les ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, les éléments extérieurs du train de vie et l’existence de biens meubles ou immeubles, même non productifs de revenus. Il est même tenu compte, dans l’appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l’aide juridictionnelle ainsi que de celles des personnes vivant habituellement à son foyer.

Ce que vous critiquez, ce sont les modalités d’application de la loi selon les territoires et les bureaux d’aide juridictionnelle. Ce problème ne sera pas réglé par la réitération des dispositions déjà en vigueur. D’ailleurs nombre de rapports ont conclu à la nécessité d’adopter un processus d’attribution de l’aide juridictionnelle différent.

M. Philippe Gosselin. Dans ce cas, comment le Gouvernement compte-t-il faire converger les décisions d’attribution de l’aide juridictionnelle des différents bureaux ?

M. le garde des Sceaux. Nous pourrions éventuellement préciser les modalités d’application réglementaires de cet article 5, qui datent du 19 décembre 1991. Cela étant, il nous serait difficile de n’aborder que cet aspect sans traiter globalement la question de l’aide juridique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL16 de M. Philippe Gosselin. 

M. Philippe Gosselin. En l’état actuel du droit, aucun texte ne fixe l’objet ni les finalités de la consultation juridique. La définition de son contenu et de son objectif résultant de l’article 53 de la loi relative à l’aide juridique est assez floue, si bien que chaque praticien fait à peu près ce qu’il veut. Dans ces conditions, la consultation juridique peut revêtir un caractère relativement informel et diverger d’un département à un autre.

L’amendement CL16 a pour objet de la définir clairement en fixant des exigences minimales, telles que la garantie d’une consultation assurée par un professionnel du droit et portant sur des éléments précis – rappel des droits, analyse du litige, évaluation – permettant au justiciable de s’y retrouver.

M. le garde des Sceaux. Il est vrai que la définition de la consultation juridique est liée à la jurisprudence. Néanmoins, la réglementation est devenue très précise et le périmètre de cette consultation est assez stabilisé. Le Gouvernement ne ressent donc pas le besoin d’élaborer une définition légale, d’autant que celle que vous proposez est tout à la fois plus restrictive et plus extensive que la jurisprudence ; elle nous paraît donc plus génératrice d’instabilité juridique que de précision. De surcroît, vous omettez le fait que la consultation juridique puisse, sous certaines conditions, être délivrée par une personne non soumise au contrôle d’un ordre. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La définition du contenu et des objectifs de la consultation juridique est assurée par les conseils départementaux de l’accès au droit, conformément à l’article 53 de la loi du 10 juillet 1991. Nous partageons les observations du garde des Sceaux sur votre amendement. Tous les professionnels que nous auditionnons les uns et les autres revendiquent leur spécificité à l’égard du citoyen justiciable ou demandeur de l’information juridique. La définition que vous proposez me semble par trop serrée ou par trop élargie, selon les cas. Nous vous invitons donc à retirer votre amendement, sans quoi nous y serons défavorables.

M. Alain Tourret. Si l’on suivait la définition proposée par M. Gosselin, les professeurs de droit ne pourraient plus donner de consultation.

La Commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL158 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Pour que leurs membres communiquent entre eux, les professions du droit et du chiffre ont souvent créé des « réseaux privés virtuels » qui, pourtant, ne peuvent être connectés les uns aux autres. C’est pourquoi cet amendement technique vise, par souci de fluidité, à les décloisonner pour les rendre interopérables.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis favorable. J’espère que les professions en question donneront suite à cette intention.

La Commission adopte l’amendement. L’article 2 bis est ainsi rédigé.

TITRE II
FAVORISER LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

Article 3 : Conciliation préalable à la saisine de la juridiction de proximité ou du tribunal d’instance

La Commission est saisie de l’amendement CL298 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. L’irrecevabilité qui sanctionnerait l’absence de tentative de règlement amiable du litige par un conciliateur de justice est une sanction trop lourde face à l’importante marge d’appréciation laissée au juge afin qu’il détermine si les autres diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable permettent d’écarter l’exigence de conciliation préalable obligatoire.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable. L’introduction d’une obligation de tentative de conciliation préalable à la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe a pour objectif de permettre aux parties de trouver elles-mêmes une solution amiable à leurs litiges avec l’aide d’un conciliateur de justice.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. M. Tourret craint la nature obligatoire de la tentative de conciliation. Or cette disposition vise précisément à souligner la nécessité d’entamer un processus de conciliation. En outre, les alinéas 1, 3, 4 et 5 – même si je proposerai de supprimer ce dernier – allègent et encadrent le caractère contraignant qui vous gêne, monsieur Tourret. Votre amendement ôterait tout effet à la disposition ; je vous propose donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL351 du rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec. 

Elle examine ensuite l’amendement CL352 des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de la suppression de la juridiction de proximité par la loi du 13 décembre 2011, à compter du 1er janvier 2017.

M. le garde des Sceaux. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL353 du rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement de conséquence se justifie dans la mesure où il n’y a pas lieu de conférer une existence légale à l’article 843 du code de procédure civile, qui est de nature réglementaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL297 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 3 de l’article, car il sera impossible de justifier « d’autres diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable » lorsque celles-ci auront été effectuées par l’intermédiaire des conseils des parties, les communications d’avocat à avocat étant couvertes par la confidentialité.

M. le garde des Sceaux. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable. Le dispositif actuel consacre le décret du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, qui impose à toute partie introduisant une demande initiale en justice par assignation, requête ou déclaration, de préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du conflit.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL354 rectifié des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. L’article 3 prévoit plusieurs conditions permettant d’écarter l’irrecevabilité que le juge a la possibilité de relever d’office. La dernière d’entre elles – si la « tentative de conciliation risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable » – ne me semble pas nécessaire ; mieux vaut laisser au juge la capacité d’apprécier les éléments factuels – ceux que contient cet alinéa et d’autres – pouvant le conduire à estimer que la solution de la conciliation a été largement utilisée et qu’elle est épuisée, ou au contraire que les parties ont à dessein tenté d’écarter cette voie. Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 5 de l’article, qui est non seulement superfétatoire mais dangereux en raison des effets qu’il pourrait produire sur la jurisprudence à venir.

M. le garde des Sceaux. On peut effectivement supprimer l’alinéa 5.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (Ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive n° 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, art. L. 211-4, L. 771-3, L. 771-3-1 et L. 771-3-3 [nouveau] du code de justice administrative) : Extension du champ de la médiation administrative

La Commission adopte les amendements rédactionnels CL355 et CL356 du rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec ainsi que l’amendement de coordination CL357 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Articles additionnels après l’article 4

La Commission examine l’amendement CL287 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement vise à écarter la possibilité de procéder à une médiation familiale en cas de violences intrafamiliales commises sur l’un des parents ou sur l’enfant. S’il faut encourager la médiation comme moyen de régler les différends, elle ne saurait s’appliquer en cas de violences et mettre la victime en présence de son agresseur.

Cette proposition répond à la volonté de ne pas placer sur un pied d’égalité l’auteur des violences et les autres membres de la famille, dans la mesure où la victime peut se trouver sous l’emprise de son agresseur. Quelle que soit la nature des violences, le parent victime ne doit pas être placé dans une situation où l’autre parent pourrait à nouveau exercer une pression contre lui.

J’ajoute que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par la France en juillet 2014, oblige les États parties à prendre des mesures législatives pour interdire les modes alternatifs de résolution des conflits obligatoires, y compris la médiation, dans un tel contexte de violences. Il convient donc de préciser que le juge ne peut pas enjoindre aux parties de recourir à la médiation dans cette situation.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de clarification. Il va de soi qu’en cas de violences avérées dans un couple, la conciliation est une procédure inadaptée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Même avis.

La Commission adopte l’amendement. L’article 4 bis est ainsi rédigé.

La Commission discute ensuite de l’amendement CL358 des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise à généraliser les expériences déjà conduites dans deux juridictions, qui consistent à imposer une tentative de médiation familiale avant la saisine du juge par l’un des parents en vue de modifier la décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. En effet, là où elles ont eu lieu, ces expériences ont eu pour effet considérable de réduire l’intervention du juge à une simple homologation des nouvelles dispositions convenues lors de la médiation. Autrement dit, cet amendement vise à ramener le champ de la décision du juge au règlement des différends que les parties n’ont pas réussi à surmonter par la médiation, plutôt qu’à l’ensemble des différends.

M. le garde des Sceaux. Il est vrai que les deux expériences conduites entre 2012 et 2014 dans les tribunaux de grande instance d’Arras et de Bordeaux ont été concluantes, puisque le taux de succès de la médiation a atteint 77 %. Cependant, la généralisation du dispositif que propose le rapporteur est extrêmement onéreuse ; compte tenu des contraintes actuelles, je ne saurais y être favorable.

Plutôt que d’imposer au Gouvernement de remettre un rapport – vous savez combien ce mot me heurte – au Parlement, je propose d’étendre cette expérimentation, dans un premier temps, à dix tribunaux de grande instance, et d’en prévoir la généralisation au 1er janvier 2019. D’ici là, le Gouvernement aura sans aucun doute réussi à faire aboutir la réflexion en cours sur le financement des médiateurs.

Sous réserve de la suppression de son dernier alinéa et de son remplacement, lors du débat en séance publique, par les dispositions susmentionnées, j’émets donc un avis favorable à cet amendement.

M. Erwann Binet. Pour mémoire, la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, que l’Assemblée nationale a adoptée en première lecture et qui, depuis, est en attente d’examen par nos collègues sénateurs, allait au-delà de la proposition que vous faites, monsieur le garde des Sceaux, puisqu’elle visait déjà à généraliser le dispositif. Or, à l’époque, votre collègue Laurence Rossignol avait accepté de lever le gage.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Tout d’abord, je rappelle que la médiation est à la charge des parties. Le problème de son coût ne se pose donc que dans les cas où l’aide juridictionnelle intervient.

M. Philippe Gosselin. C’est un cas fréquent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous ne disposons pas des éléments permettant d’en mesurer le volume dans les juridictions où se sont déroulées les expérimentations. Le fait est que la médiation – contrairement à la conciliation – n’entraîne aucune charge publique.

Quoi qu’il en soit, le garde des Sceaux ayant accepté d’étendre puis, à terme, de généraliser le dispositif, je propose de supprimer le dernier alinéa de cet amendement, dans l’attente d’un amendement que le Gouvernement déposera en séance publique.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié. L’article 4 ter est ainsi rédigé.

Après l’article 4 ter

La Commission est saisie de l’amendement CL24 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à attribuer aux directeurs d’établissements pénitentiaires et aux chefs de détention la qualité d’officier de police judiciaire. Cette qualification, réclamée par les syndicats et les directeurs d’établissement, permettrait de doter l’administration pénitentiaire de moyens d’enquête dans chacun des établissements qu’elle gère, dans un contexte où le phénomène de radicalisation se développe. J’ai cru comprendre à la lecture de la presse que M. le garde des Sceaux n’y était pas défavorable.

M. le garde des Sceaux. Je ne me suis jamais prononcé dans la presse sur cette question, au sujet de laquelle je ne me suis d’ailleurs pas encore forgé de conviction. Cette revendication a, en effet, été formulée par quelques représentants syndicaux ; à ce stade, le Gouvernement y est défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 4 ter

La Commission examine l’amendement CL359 rectifié des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La médiation étant appelée à monter en puissance, y compris grâce aux dispositions annoncées à l’instant, cet amendement vise à établir une liste des médiateurs auprès de chaque cour d’appel. En effet, on peut s’interroger sur la qualité et les capacités de certains médiateurs, comme le confirment les informations que nous avons recueillies. Une liste des médiateurs par cour d’appel permettrait d’y remédier et fournira, en outre, une information de nature plus officielle sur l’identité des personnes habilitées à exercer la médiation.

M. le garde des Sceaux. Si j’entends les arguments du rapporteur, je n’ignore pas que de nombreux professionnels du droit – avocats, huissiers de justice, notaires – sont susceptibles d’effectuer des médiations. Il ne me semble pas envisageable de faire figurer tous les médiateurs sur une telle liste, dont le coût ne saurait incomber aux cours d’appel, comme le suggère pourtant cet amendement. Si le souhait de sécuriser le recours à la médiation en permettant aux usagers de savoir qui sont les médiateurs se justifie, je suis défavorable à la solution proposée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avec les progrès de l’informatique, le coût induit par l’établissement d’une simple liste devrait être abordable. En outre, cette liste serait très utile aux magistrats comme aux particuliers. Il pourrait éventuellement être précisé qu’elle ne comporte pas les noms des professionnels du droit susceptibles d’assumer une mission de médiation, ce qui, en pratique, semble être assez rare.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Là où existent des centres de médiation, les professionnels du droit se concertent et sont naturellement des médiateurs autorisés dont l’intervention est régie par des règles. La difficulté qui nous a été signalée tient aux individus qui s’autoproclament médiateurs sans présenter de garanties de moralité ou de probité ni de garanties financières.

La Commission adopte l’amendement. L’article 4 quater est ainsi rédigé.

Article 5 (art. 2062, 2063, 2065 et 2066 du code civil) : Extension du champ d’application de la convention de procédure participative

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL360 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (art. 2044 et 2052 du code civil) : Clarification des règles applicables à la transaction

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL361 des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CL362 des rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’abrogation des articles 2047 et 2053 à 2058 du code civil, redondants par rapport au droit existant.

M. le garde des Sceaux. Cet amendement donne au Gouvernement l’occasion de remercier l’Assemblée nationale de l’avoir habilité, contre l’avis du Sénat, à bâtir le droit des contrats par ordonnance. C’est ainsi que l’ordonnance du 10 février 2016 modifie profondément ce droit. Son impact n’est pas encore bien perçu, mais les professionnels en ont compris toute l’importance. Je viens de lancer le deuxième volet de ce processus, c’est-à-dire la modification du droit de la responsabilité civile. Depuis 1804, en effet, notre code ne consacre que quatre articles à ce droit qui, de ce fait, est surtout de nature jurisprudentielle. Il était temps d’en rétablir le contenu dans la loi.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui vise à supprimer des dispositions dont le professeur Marcel Planiol, auteur du Traité élémentaire de droit civil, disait déjà en 1899 qu’elles sont inutiles. La patience est récompensée…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Notre rapport comprendra un tableau comparatif des dispositions relatives au droit des contrats qui justifiera la suppression de ces articles du code.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 7 (art. 1592 et titre XVI du livre III du code civil) : Précisions relatives à l’utilisation de la notion d’arbitrage

La Commission examine l’amendement CL159 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, cet amendement vise à étendre le champ d’application de la clause compromissoire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL160 du Gouvernement.

M. le garde des Sceaux. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation terminologique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle discute de l’amendement CL74 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à mettre fin aux conflits de compétence entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, que le tribunal des conflits se déclare souvent incapable de résoudre concernant certains arbitrages internationaux. Cette situation provoque du désordre et de l’incertitude, et l’insécurité juridique qui en résulte nuit à l’attractivité économique de la France.

Je propose donc de confier la compétence en matière d’arbitrages internationaux à la juridiction judiciaire, qui exerce déjà l’essentiel de la compétence relative à l’arbitrage.

M. le garde des Sceaux. La question soulevée est très importante. Il va sans dire que l’attractivité de la place de Paris aurait beaucoup à gagner de la désignation d’une seule juridiction compétente. Toutefois, cet amendement, tel qu’il est rédigé, soulève des problèmes d’ordre constitutionnel relatifs à la délimitation des compétences du juge administratif. Le Gouvernement peut néanmoins s’engager à approfondir la réflexion sur ce sujet difficile en l’entourant de toute la prudence requise.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Une réflexion est, en effet, en cours sur cette question complexe. Pour mémoire, le Conseil d’État a confirmé en 2015 la décision du tribunal des conflits.

Au-delà de la seule question, certes fondamentale, de l’attribution des compétences, je rappelle que ces conflits sont le plus souvent liés aux activités économiques de l’administration, en particulier les marchés publics ou les contrats passés par des établissements publics industriels et commerciaux. Compte tenu de la complexité de la question, mieux vaut s’assurer que la solution adoptée ne provoquera in fine aucune difficulté. Par prudence, je suggère donc, à ce stade, à Mme Pochon de retirer son amendement et de laisser la réflexion en cours aboutir.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement de Mme Pochon est utile, car une véritable incertitude entoure la compétence des juridictions concernant le contentieux relatif aux arbitrages internationaux en matière administrative. Le juge administratif est, en effet, susceptible d’intervenir lorsque le litige porte sur une question de droit public, mais chacun sait que l’arbitrage porte avant tout sur la procédure, et non sur la nature du litige. S’agissant des arbitrages internationaux, c’est donc le juge judiciaire – président du tribunal de grande instance, cour d’appel ou cour de cassation – qui est compétent.

Aujourd’hui, la situation est figée. Le tribunal des conflits peine à résoudre ce conflit de compétences. Il nous semble donc salutaire de confier l’ensemble du contentieux relatif à l’arbitrage à la juridiction judiciaire, qui en traite déjà 90 %, parce que c’est elle qui, depuis deux siècles, a édifié une solide jurisprudence en matière d’arbitrage. C’est d’ailleurs la situation qui prévaut dans tous les pays du monde. En l’état, les acteurs économiques internationaux risquent de se détourner de la place de Paris, voire des contrats avec des personnes morales de droit public françaises. Comme Mme Pochon, je crois donc important, d’un point de vue à la fois juridique et économique, en attendant le débat en séance, de trancher cette question dès maintenant en favorisant la simplification.

M. le garde des Sceaux. Sans vouloir céder au pessimisme, je doute que nous puissions trancher la question avant le débat en séance. Il s’agit d’un véritable problème entre les deux cours suprêmes que nous ne saurions régler sans mener une réflexion plus approfondie.

M. le président Dominique Raimbourg. Précisons que le législateur a la possibilité de créer un bloc de compétences et de l’attribuer à l’une ou l’autre des deux juridictions, indépendamment du conflit de compétence – qu’il soit inspiré par des considérations juridiques ou non – qui les oppose. De ce point de vue, en confiant la compétence en matière d’arbitrage à la juridiction judiciaire, l’amendement qui nous est soumis présenterait le précieux avantage de développer l’arbitrage sur la place de Paris, même s’il faut sans doute affiner la réflexion en cours.

Mme Élisabeth Pochon. Dans ces conditions, j’accepte de retirer l’amendement, pour le redéposer ultérieurement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La Commission est saisie de l’amendement CL84 de M. Sergio Coronado.

M. Paul Molac. Lors du recouvrement à l’amiable d’une créance, un huissier peut intervenir afin de délivrer une sommation de payer au supposé débiteur avant toute procédure judiciaire. Toutefois, rien ne l’oblige à rappeler qu’il s’agit d’un recouvrement à l’amiable et que la sommation ne prive pas le débiteur de la possibilité de contester le principe de la créance ou son montant. Méconnaissant ainsi leurs droits, certains consommateurs renoncent à contester la créance. C’est pourquoi nous proposons que le caractère amiable de cette procédure soit mentionné dans la lettre recommandée envoyée par l’huissier et qu’il soit précisé qu’elle ne prive pas le débiteur de son droit de contester la créance.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est favorable au retrait de cet amendement, car les précisions que souhaite apporter M. Molac figurent déjà dans un décret d’application du dispositif en date du 9 mars dernier.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL 25 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Le présent amendement a pour objectif de permettre aux parties civiles d’interjeter appel des décisions d’acquittement ou de relaxe. Nous souhaitons rétablir ainsi l’équilibre entre la défense des intérêts du mis en cause, qui est actuellement privilégiée, et celle des intérêts de la victime, même si, j’en suis bien conscient, nous touchons là à des principes anciens du droit pénal.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est conservateur ; il est attaché aux principes généraux de la procédure pénale, en vigueur depuis plus d’un siècle, selon lesquels le parquet, qui représente la société, et la victime, ne sont pas sur le même plan.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rappporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL295 et CL296 de M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. L’amendement CL295 tend à modifier l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, afin d’ajouter à la liste des titres exécutoires l’acte sous seing privé contresigné par avocat constatant un accord de médiation. Lorsque les parties souhaitent octroyer la force exécutoire à cet accord, elles peuvent demander une homologation par le juge, qui exerce alors un contrôle a priori minimal. Il s’assure de la conformité de l’accord avec les bonnes mœurs et l’ordre public, ainsi que de la réalité de l’accord et du consentement des parties. L’acte d’avocat de médiation, contresigné par l’avocat de chacune des parties, comporte par nature les garanties nécessaires.

M. le garde des Sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement ainsi qu’à l’amendement CL296. Les professions juridiques qui sont actuellement habilitées à délivrer un titre exécutoire sont les officiers publics ou ministériels. Je rappelle que, sur la base d’un titre exécutoire, il peut être directement procédé à des mesures d’exécution forcée à l’encontre d’un débiteur. Il semble donc impossible, à ce stade, de permettre aux avocats de délivrer un tel titre sur la base d’un acte contresigné par avocat, compte tenu de son impact sur les règles juridiques. Par ailleurs, je souligne qu’un accord de médiation peut faire l’objet d’une homologation judiciaire selon une procédure sur requête simple et sans audience. Le fait de repousser l’entrée en vigueur de la disposition au 1er octobre 2016, comme il est proposé dans l’amendement CL296, n’est pas de nature à modifier l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable aux amendements CL295 et CL296. Il est évident que si nous donnions cette possibilité aux avocats, nous modifierions leur statut, car ils ne sont pas des officiers ministériels mais des auxiliaires de justice. De ce fait, ils assument des responsabilités, exercent des compétences et jouissent de privilèges que n’ont pas les officiers ministériels. Il est donc, selon moi, impossible d’envisager de conférer aux actes d’avocat un caractère exécutoire. Il paraît préférable de maintenir l’ordonnancement actuel, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur le rôle de chacun et que la situation soit claire pour les justiciables.

M. Alain Tourret. Je regrette ces avis défavorables. Représentant d’un barreau un peu moderne, je suis confronté à un rapporteur un peu conservateur, même si nous exerçons la même profession… C’est sans doute ce que pensera le Conseil national des barreaux, qui m’a suggéré de déposer ces amendements.

Les amendements sont retirés.

La réunion s’achève à minuit.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Erwann Binet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Guy Geoffroy, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Sébastien Huyghe, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, Mme Maina Sage, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Paola Zanetti

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistait également à la réunion. - M. Pascal Demarthe