COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »
Mercredi 25 mai 2016
La séance est ouverte à dix heures quarante.
(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente)
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La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème : « Engagement/jeunesse » :
– Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) : M. Christophe Paris, directeur général ;
– Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) : M. Mathieu Cahn, président, adjoint au maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométrople strasbourgeoise ;
– Coordination Pas sans Nous ! : M. Ibra Yali, délégué départemental ;
– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) : M. Alexandre Leroy, président ;
– Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) : Mme Cécile Pages, secrétaire générale ;
– Réseau national des Juniors associations (RNJA) : Mme Carolle Khouider, déléguée générale ;
– SIMPLON.CO : M. Nicolas Le Roux, directeur du réseau ;
– Union nationale des étudiants de France (UNEF) : Mme Marthe Corpet, vice-présidente ;
– Unis-Cité : Mme Marie Trellu Kane, présidente.
Mme Annick Lepetit, présidente. Nous débutons les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « égalité et citoyenneté », en recevant ce matin les représentants de neuf associations tournées vers la jeunesse.
Qu’il s’agisse de s’adresser aux étudiants, aux exclus du système scolaire et universitaire, ou à un public plus jeune, qu’il s’agisse de représenter le monde rural ou celui des villes, vous représentez, mesdames, messieurs, la multiplicité et la variété des formes que peuvent revêtir les engagements pris par la jeunesse.
Comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi, « vivre dans la République, c’est s’intéresser aux questions d’information, d’insertion, de santé et de droits sociaux d’une jeunesse qui aspire à être reconnue et soutenue. » Pour répondre à cette aspiration, nous souhaitons recueillir vos suggestions, notre objectif étant de renforcer l’engagement de la jeunesse et de construire ensemble une « République en actes », une République qui se manifeste concrètement dans le quotidien des Français.
Nous allons commencer par entendre M. Christophe Paris qui intervient au nom de l’Association de la Fondation étudiante pour la ville (AFEV). Créée en 1991, l’objectif de cette dernière est de lutter contre les inégalités et la relégation dans les quartiers populaires en France, en créant, à côté des politiques publiques, des espaces d’engagement citoyen pour les jeunes, en général, et pour les étudiants, en particulier. L’AFEV est ainsi devenue le premier réseau d’intervention d’étudiants dans les quartiers populaires.
M. Christophe Paris, directeur général de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV). L’AFEV a été créée en 1991, dans le sillage de la politique de la ville. Sa création procède du refus de voir se creuser les inégalités, de la conviction que les étudiants souhaitent s’engager mais ne trouvent pas les espaces répondant à cette aspiration, et de l’intuition que cet engagement peut utilement constituer un lien complémentaire à côté des politiques publiques. Au fil du temps, l’AFEV est devenue le premier réseau d’engagement d’étudiants dans les quartiers populaires au travers de trois programmes : l’accompagnement individuel, par lequel des bénévoles s’engagent deux heures par semaine à accompagner dans leur parcours des enfants ou des jeunes en difficulté ; l’accueil de jeunes en service civique, au travers notamment du dispositif « Volontaires en résidence », dans les établissements scolaires – écoles primaires, collèges et lycées professionnels –, autour de l’ouverture culturelle, la citoyenneté ; les colocations solidaires, dont le principe est simple : à un logement en colocation correspond un projet solidaire dans le quartier où se trouve l’appartement, projet mené avec et pour les habitants. En 2014-2015, l’AFEV a ainsi organisé, suivi et encadré plus d’un million d’heures d’engagement solidaire dans 330 quartiers populaires en France.
Aujourd’hui, la France est l’un des pays de l’OCDE où les inégalités éducatives restent les plus fortes. Ces inégalités sont un catalyseur de l’assignation sociale et sont ressenties comme une trahison de la devise républicaine. Dans ces quartiers, le cumul des difficultés est amplifié par la crise et entraîne un isolement de plus en plus important des familles, notamment des femmes seules avec enfant(s), autrement dit des familles monoparentales qui représentent quasiment 40 % des familles dans certains endroits. Les établissements scolaires, dans lesquels nous intervenons, plus particulièrement les collèges, connaissent une dégradation importante du climat scolaire, ce qui rend encore plus difficile l’apprentissage. Et en 2015, nous avons constaté un phénomène marginal, mais réel, que j’appelle le « décrochage citoyen », avec des adolescents qui, à partir du collège, se sentent de moins en moins appartenir à la communauté. Face à ce phénomène inquiétant, notre responsabilité collective est immense, et le projet de loi « égalité et citoyenneté » doit être un outil à la hauteur des enjeux.
Nos remarques vont donc se concentrer sur le titre Ier du projet de loi : « Citoyenneté et émancipation des jeunes ». La transmission des valeurs de la République est moins une question de connaissances qu’une question d’usages, de pratiques ; ces valeurs peuvent se transmettre, non par l’injonction, mais par le « faire ensemble », le vécu, la conviction. Agir contre le décrochage citoyen, c’est offrir une possibilité d’engagement à chaque jeune. Nous sommes convaincus qu’il faut construire un vrai parcours pratique d’engagement tout au long de la scolarité, du primaire à l’université – parcours qui serait le pendant pratique du parcours citoyen prévu depuis 2015. Ce parcours pratique d’engagement serait progressif : à l’école primaire, il serait consacré à l’initiation à l’engagement et à la coopération ; au collège, à la pratique de l’engagement collectif ; au lycée puis à l’université, à la pratique progressive de l’engagement individuel. Le service civique pouvant être un prolongement naturel de cet apprentissage progressif. Pour monter, animer, donner du sens à ce parcours d’apprentissage de l’engagement, celui-ci serait le fruit d’une nouvelle alliance citoyenne entre les institutions scolaires et les associations d’éducation populaire. Nous pensons vraiment qu’il faut trouver des formes d’articulation plus fortes entre l’éducation formelle et les mouvements d’éducation populaire.
Dans l’enseignement supérieur, à côté de l’obligation de reconnaissance de l’engagement dans le cursus prévu à l’article 14, ce dont nous nous félicitons – car nous avons beaucoup milité pour une reconnaissance de l’engagement des étudiants dans le cursus –, nous prônons une politique active d’établissement pour développer l’engagement des étudiants dans la vie locale, pour favoriser l’implication des étudiants dans le lien université-quartier, et pour créer ce qu’on pourrait appeler un « service de responsabilité sociale des universités », c’est-à-dire un pont entre les quartiers et les universités dans les grandes agglomérations.
Ensuite, nous plaidons pour l’intégration de l’ensemble des pratiques citoyennes – pas seulement le service civique – dans le compte personnel d’activité qui comportera un compte engagement citoyen, afin de permettre une valorisation mais aussi une poursuite effective tout au long de la vie du parcours pratique d’engagement. C’est un continuum de l’engagement que nous proposons.
Enfin, si l’AFEV est opposée à toute forme d’obligation d’engagement vis-à-vis des jeunes – nous ne souhaitons pas que le service civique se transforme en « sévices civiques » –, nous pensons qu’il faut réussir à faire de la culture de l’engagement une composante culturelle de notre vivre-ensemble, ce qui suppose l’obligation pour les structures associatives mais aussi les institutions de valoriser et de permettre un engagement pratique à côté de l’enseignement théorique de la citoyenneté.
Mme la présidente Annick Lepetit. Créée en mars 1991, l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) anime un réseau de 400 villes, départements, régions, intercommunalités, ainsi que 9 mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Elle a pour but de promouvoir la participation des enfants et des jeunes à la décision publique. Une fois par an, elle organise des rencontres entre les élus et les professionnels de la jeunesse.
M. Mathieu Cahn, président de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), adjoint au maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométrople strasbourgeoise. L’ANACEJ, que je préside depuis un an et demi et qui regroupe 450 collectivités locales de toute taille – la plupart des villes de plus de 100 000 habitants, des départements, des régions – s’est donné comme objectif de promouvoir la participation des jeunes à la vie publique et leur association à l’élaboration des politiques publiques, celles qui les concernent et plus largement les politiques publiques locales ou nationales.
Au départ, nous avons essentiellement travaillé autour des conseils d’enfants et de jeunes. Puis nous avons souhaité élargir le champ de notre action à l’ensemble des modalités de participation, car si les conseils de jeunes permettent une coconstruction des politiques publiques, ils peuvent aussi être utilement complétés par d’autres formes de participation. Aussi travaillons-nous aujourd’hui avec 450 collectivités locales, 9 grandes fédérations d’éducation populaire, mais aussi des jeunes qui assument au sein de notre organisation un certain nombre de responsabilités.
Au-delà de cette expertise que nous avons développée dans la création de conseils de jeunes et l’accompagnement des collectivités locales, nous organisons depuis 2012 une campagne intitulée « Je vote » qui vise à suivre l’évolution du comportement électoral des jeunes et à accompagner les pré-votants et les primo-votants dans la compréhension des scrutins électoraux et les enjeux liés aux élections. Grâce à plusieurs enquêtes, dont la dernière a été publiée récemment, nous souhaitons observer le comportement électoral des jeunes afin d’identifier leurs attentes et de proposer aux décideurs publics locaux ou nationaux les moyens leur permettant de mieux dialoguer avec les jeunes. En effet, toutes ces enquêtes ont mis en lumière une distance, pour ne pas dire une défiance, des jeunes, notamment des dix-huit à vingt-cinq ans, à l’égard du monde politique en général – partis, organisations, syndicats – et un profond scepticisme quant à la capacité réelle des élus à agir pour améliorer le destin de la jeunesse. Menées en collaboration avec l’IFOP, ces études sont basées, non sur l’extrapolation d’un échantillon, mais sur l’interrogation de 1 200 jeunes pour la dernière étude, de 1 500 pour la précédente, âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.
Concernant le titre Ier du projet de loi, notre questionnement porte donc sur les conseils d’enfants et les conseils de jeunes. À quoi servent les conseils d’enfants et les conseils de jeunes ? D’abord, ils permettent aux élus locaux d’amender et d’enrichir les politiques publiques en reconnaissant et en intégrant l’expérience pratique des jeunes. Cette démarche existe aujourd’hui au travers des conseils de quartier, des conseils citoyens, mais moins au travers des conseils d’enfants et de jeunes qui pourtant devraient être interrogés, non seulement sur les politiques publiques qui les concernent, mais aussi sur toute politique publique au sein d’une ville. Un enfant, un jeune, est aussi un citoyen de la ville, il est également concerné par les politiques publiques. Ensuite, ces conseils d’enfants et ces conseils de jeunes peuvent mener des actions concrètes, ce qui suppose un accompagnement de professionnels et d’élus. Enfin, ces dispositifs de participation à la vie locale pour les enfants et les jeunes sont des lieux de formation à la citoyenneté et à la démocratie.
À présent, nous souhaiterions voir généraliser ces conseils d’enfants et de jeunes, pas forcément par l’obligation de créer des conseils d’enfants et de jeunes – il est difficile d’obliger au dialogue –, mais plutôt par l’incitation et en tenant compte des réalités locales. Les conseils d’enfants et de jeunes sont un outil parmi d’autres ; la construction et le fonctionnement d’un outil doivent s’adapter aux réalités locales – il peut prendre la forme d’un conseil, d’un forum ou d’une assemblée. Il faut valoriser dans le cursus de formation citoyenne des jeunes leur participation à ces conseils d’enfants et de jeunes, dans lesquels ils peuvent se frotter aux réalités locales, comprendre l’organisation démocratique, les contraintes budgétaires des politiques publiques, mais aussi la complexité du monde dans lequel ils évoluent. En résumé, ces dispositifs favorisent l’émancipation des jeunes et les aident à devenir des citoyens éclairés et libres de leur choix.
Mme la présidente Annick Lepetit. Nous passons à la Coordination Pas sans Nous !
M. Ibra Yali, délégué départemental de la Coordination Pas sans Nous ! Je suis responsable du Collectif des associations citoyennes du Val-d’Oise, qui mène des actions visant à favoriser le lien social, l’insertion professionnelle et l’accès aux droits. Dans le cadre de notre contribution à la Coordination Pas sans Nous !, nous avons travaillé sur le rapport Bacqué-Mechmache, qui a été le point de départ de la loi de février 2014 pour la ville et la cohésion urbaine.
D’abord, nous tenons à vous dire que nous ne cautionnerons pas cette mascarade : nous sommes contre ce projet de loi qui ne parle ni d’égalité ni de citoyenneté.
Quelques remarques générales sur le titre Ier, ensuite. Si l’on peut se féliciter que le mot « laïcité » n’apparaisse qu’une seule fois dans le texte, certaines expressions si belles soient-elles – « décrochage citoyen », « il s’agit de permettre à la jeunesse de vivre l’expérience de la République » – témoignent d’un jugement négatif porté sur la jeunesse des quartiers populaires et leur famille. Le projet comporte beaucoup d’idées apparemment généreuses, mais on ne voit pas comment elles pourront être mises en œuvre sans un renforcement du service public de l’emploi et des missions locales, sachant que ce dernier supprime toutes les occasions de maintenir sa relation avec les demandeurs d’emploi en remplaçant ses agents par des automates à des fins d’économies budgétaires. Dans ces conditions, est-il possible de mettre en place un accompagnement adapté et gradué en fonction de la situation et des besoins de chaque jeune ? La même question se pose dans le domaine de la santé des jeunes et de leur accès à la prévention.
Si le service civique peut constituer une expérience intéressante pour les jeunes, le développement de ce dispositif ne va-t-il pas rendre encore plus difficile l’accès à un premier emploi ? Quelle place restera-t-il pour un premier emploi face aux stages et au service civique ?
L’article 8 du projet de loi prévoit que tout salarié, fonctionnaire ou agent public de l’une des trois fonctions publiques, membre d’une association dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts, régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, et qui est régulièrement élu pour siéger bénévolement dans l’organe d’administration ou de direction de celle-ci, a droit, sur sa demande, à un congé non rémunéré pour participer aux réunions de cet organe. L’objet de cette mesure est d’élargir un dispositif déjà existant pour tous les travailleurs quel que soit leur statut, pour mieux accompagner les besoins des associations – la prise de responsabilités électives –, sans ajouter un dispositif supplémentaire, ni modifier les modalités d’obtention déjà prévues par le droit. Le congé de formation d’animateurs devient un congé de formation et de responsabilités électives. L’aménagement d’un congé existant répond à une attente des organismes patronaux et salariés. Nous demandons d’élargir cette mesure à tous les membres participant au conseil citoyen de quartier, tel qu’instauré par la loi de février 2014. Nous demandons surtout que ce congé soit indemnisé pour que tous les salariés y aient réellement accès et n’y renoncent pas faute d’avoir les moyens de s’offrir un congé non rémunéré. Nous demandons également des garanties pour que les salariés qui demandent à bénéficier de ce droit ne soient pas sanctionnés par leur employeur – refus d’appliquer ce droit pour des raisons de service, promotion ralentie, voire supprimée, suppression d’emploi en cas de plan social.
L’article 14 crée, afin d’encourager les jeunes à s’engager au bénéfice du développement social, culturel et économique de la nation, un principe de validation au sein des formations supérieures des compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants à l’occasion d’activités extra-académiques, qu’il s’agisse d’un engagement bénévole, d’un engagement dans la réserve opérationnelle de la défense ou d’un engagement en service civique. La validation de ces compétences, connaissances et aptitudes au sein des formations supérieures contribue également à préparer les étudiants à leur insertion professionnelle. Si la proposition de valoriser l’engagement citoyen dans un livret de compétences valable pour les études semble une idée intéressante, pourquoi ne le valoriser que pour les formations supérieures ? Un livret de compétences devrait être créé pour les lycées et les collèges, où les jeunes sont en phase de socialisation et d’intégration dans la vie citoyenne.
Nous pourrions nous réjouir que l’article 35 institue comme priorité nationale l’amélioration de la maîtrise de la langue française dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’intégration des étrangers séjournant régulièrement sur le territoire français. Mais pourquoi cette obligation est-elle liée aux événements tragiques de janvier 2015 et à la mobilisation républicaine qu’ils ont suscitée ? La question de l’appropriation des savoirs et de la maîtrise de notre langue commune, le français, porteuse des valeurs de la République, occupe une place centrale dans ce débat. Depuis de trop nombreuses années, des associations et organismes se battent pour que soient mises en œuvre des formations linguistiques dont ils voient les moyens financiers se réduire. Comment accepter que leur développement ne soit lié qu’aux attentats ? C’est une injure faite aux habitants des quartiers populaires destinataires de ces formations.
Enfin, l’article 36 modifie la voie d’accès dite « troisième concours » pour lui redonner sa vocation sociale. Cette troisième voie est aujourd’hui ouverte à des candidats justifiant de l’exercice, pendant une durée déterminée, d’une ou plusieurs activités professionnelles, ou d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d’une association. Afin d’élargir les viviers concernés par cette voie d’accès, une nouvelle disposition prévoit que toute personne, quelle que soit la nature de l’activité professionnelle qu’elle a exercée ou exerce, peut candidater à cette troisième voie. C’était l’une des propositions du rapport Bacqué-Mechmache. Nous espérons que cet article résistera aux oppositions des syndicats de la fonction publique territoriale qui commencent à se manifester.
M. Alexandre Leroy, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). La FAGE, fédération agréée jeunesse et éducation populaire par le ministère chargé de la jeunesse, permet à des jeunes de prendre des responsabilités dans de nombreux projets et d’avoir ainsi la possibilité d’agir sur la société, de la transformer – nous concevons aussi l’engagement comme un levier d’émancipation.
Le projet de loi « égalité et citoyenneté », auquel nous avons contribué au travers des comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), était attendu par la FAGE, car il revêt une importance majeure dans un contexte de défiance des jeunes envers les politiques publiques. Néanmoins, nous aimerions que le Parlement avance sur quatre points.
Premier point : l’égalité d’accès à l’information. Dès le collège, l’inégalité d’accès à l’information, en conditionnant le recours aux droits et les possibilités d’orientation, colore les parcours sociaux, éducatifs et professionnels des jeunes. L’expérimentation menée en Champagne-Ardenne, « La Boussole des droits », s’est révélée être une réussite en visant à créer un guichet unique pour l’accès aux droits. Nous prônons la généralisation d’une logique de guichet unique pour les droits sociaux et plus largement pour l’accès à l’information.
Deuxième point : l’égalité d’accès à l’engagement. La FAGE, qui a soutenu dès le départ la mise en place du service civique, est opposée à un service civique obligatoire, mais très favorable à sa généralisation. Néanmoins, le projet de loi devrait apporter quelques éléments de cadrage. D’abord, nous souhaitons que le volume hebdomadaire du service civique soit fixé à 24 heures hebdomadaires annualisées – il s’agit d’un volontariat et non d’une forme de salariat. Ensuite, nous aimerions que les organismes accueillant des services civiques aient l’interdiction de demander des lettres de motivation – encore une fois, il ne s’agit pas d’un recrutement, mais d’un volontariat. La FAGE accueille d’ailleurs de nombreux services civiques. Enfin, nous proposons que l’Agence du service civique se voie attribuer une responsabilité d’évaluation qualitative du cadre des missions, ce qui est très important pour accompagner la montée en puissance du dispositif.
Toujours sur l’engagement, nous sommes favorables à la création d’une option « engagement » au lycée pour le baccalauréat ; nous en avons parlé avec plusieurs organisations lycéennes. S’agissant de la disposition sur la reconnaissance de l’engagement des étudiants, nous aimerions que le projet de loi aille plus loin en créant un référentiel des compétences développées dans le cadre associatif, qui serait co-construit par les services publics et les organisations grâce au compte personnel d’activité. En effet, dans le cadre de la vie associative, les étudiants acquièrent énormément de compétences, notamment entrepreneuriales, qui pourraient être valorisées dans le parcours professionnel.
Troisième point : l’égalité d’accès à la participation citoyenne. Nous aimerions que les CESER (conseil économique, social et environnemental régional) et les conseils de développement trouvent eux aussi un cadre législatif pour accueillir les jeunes – comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont la composition est encadrée par la loi et qui comprend un groupe des mouvements de jeunesse. Nous pensons également nécessaire de réfléchir à la manière d’associer les jeunes à l’élaboration des politiques publiques, notamment dans le cadre du « dialogue structuré », qui se développe en Europe.
Quatrième point : l’égalité d’accès à la formation. Nous sommes opposés à l’extension du dispositif « meilleurs bacheliers ». Le projet de loi prévoit un accès prioritaire à certaines formations pour les 10 % de meilleurs lycéens, ce qui peut ne pas choquer. Mais il prévoit également un accès prioritaire à l’université dans les filières en tension – comme STAPS et psychologie –, disposition en totale contradiction avec l’égalité d’accès dans les filières universitaires non sélectives. Nous souhaitons donc que ce dispositif soit revu, voire supprimé.
Mme Cécile Pages, secrétaire générale du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC). Héritier de la Jeunesse agricole catholique (JAC), créée en mars 1929, le MRJC est un mouvement d’éducation populaire géré et animé par des jeunes de treize à trente ans.
Aujourd’hui, nous proposons aux jeunes en milieu rural de mettre en œuvre des projets pour développer leur territoire, ce qui permet à chacun de s’émanciper. Nous proposons également un parcours d’engagement au travers de la responsabilité associative à tous les échelons, du local au national. Pour nous, l’engagement des jeunes n’est pas problématique car, les chiffres le montrent, les jeunes s’engagent de plus en plus. Nous espérons que ce projet de loi n’est que la première étape d’une politique plus ambitieuse en faveur de la jeunesse, orientée vers l’autonomie et l’émancipation des jeunes.
Nous souhaitons que le projet de loi donne plus d’ambition à la dimension citoyenneté, afin de permettre aux jeunes de participer à la vie publique, ce qui suppose de reconnaître et de valoriser l’engagement des jeunes. Dans nos organisations, l’animation par des jeunes donne lieu à des changements importants dans les équipes – un tiers de nos responsables change chaque année avec des mandats de trois ans –, ce qui amène de la nouveauté, de la fraîcheur dans nos propositions, mais aussi un partage des responsabilités, chacun pouvant exercer à un moment donné une responsabilité dans son parcours à la MRJC. C’est pourquoi nous défendons l’idée du non-cumul des mandats dans la durée et dans le nombre : un renouvellement plus important dans les mandats politiques amènerait un renouvellement fréquent de la classe politique et permettrait de faire de la place aux jeunes, mais aussi aux autres – nous trouvons inquiétant que des maires le soient depuis plus de trente ans, notamment en milieu rural. Ce projet de loi est l’occasion de cadrer les choses.
Il existe plusieurs formes d’engagements spécifiques des jeunes, et le service civique en est une. Nous aimerions que le projet de loi reconnaisse la diversité des formes d’engagements spécifiques des jeunes, notamment les organisations gérées et animées par des jeunes, dont le parcours d’engagement qu’elles proposent est particulièrement formateur – mon engagement depuis l’âge de quinze ans au MRJC m’a formée et a fait de moi la citoyenne que je serai demain.
Par ailleurs, ce projet de loi devrait aborder la question du droit de vote des étrangers. Nous sommes convaincus que permettre à chacun de construire la société de demain fait partie du vivre et du faire ensemble. C’est ce projet de loi qui peut le permettre, dont l’intitulé « Égalité et citoyenneté » dit bien ce qu’il veut dire : plus d’égalité et plus de citoyenneté pour tous.
Enfin, nous vous demandons d’examiner ce texte de loi à l’aune de l’égalité des territoires, notamment de l’égalité entre les métropoles et les milieux ruraux, en apportant une réponse adaptée à chaque territoire pour permettre à chaque jeune de vivre son engagement là où il vit. Nous attirons votre attention sur ce point, car le CIEC a été principalement tourné vers les quartiers de la politique de la ville.
Mme Carolle Khouider, déléguée générale du Réseau national des Juniors associations (RNJA). Le RNJA occupe une place originale au sein du panorama des formes d’engagement des jeunes, puisque c’est par la promotion du cadre associatif que notre mouvement se propose d’agir auprès des mineurs. Il s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire et dans le cadre des valeurs du monde associatif qu’il tente de perpétuer et de renouveler.
La reconnaissance du droit d’association des mineurs est absente du projet de loi « Égalité et citoyenneté », dont l’un des objectifs est pourtant de créer une véritable culture de l’engagement. Les organisations membres du RNJA, son réseau, et l’ensemble des adultes engagés auprès des jeunes mineurs des Juniors associations, sont convaincus qu’une des conditions d’accès à une citoyenneté active est l’exercice concret de responsabilités dans un cadre collectif.
Les Juniors associations constituent une réponse aux freins imposés par la loi ; elles permettent aux mineurs de réaliser leurs projets, en leur proposant une démarche éducative et un accès facilité aux outils de la vie associative. Ce pari de la confiance dans la capacité associative des jeunes mineurs, le RNJA le démontre depuis 1998 en ayant accompagné plus de 5 000 projets différents et 50 000 jeunes partout en France. C’est parce que la jeunesse plébiscite le monde associatif comme vecteur d’action et de transformation sociale, et que les politiques publiques qui s’adressent aux jeunes, les appellent à participer, les incitent à s’engager, à prendre des responsabilités pour grandir en autonomie, qu’une réelle volonté politique est nécessaire afin de modifier les textes et leur interprétation, qui ont tendance à compliquer, à freiner, voire à fermer l’accès des mineurs aux responsabilités dans le champ associatif.
Il faut donc libérer le potentiel d’engagement. Or l’article 2 bis à la loi de 1901 introduit en 2011 prévoit que « les mineurs de seize ans révolus peuvent librement constituer une association, sous réserve d’un accord préalable de leur représentant légal ». Nous demandons l’abrogation de cet article, car la loi de 1901 est une loi de liberté dans laquelle aucune mesure ne vient restreindre le droit d’association des mineurs. En introduisant cet article 2 bis, le législateur a posé une restriction à cette liberté d’association, alors qu’elle était garantie à toute personne dans la loi initiale. Je rappelle qu’en janvier 2016, le Comité des droits de l’enfant a recommandé à la France de prendre des mesures, y compris de nature légale, pour garantir les libertés d’expression, d’association et de participation des enfants de tout âge, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.
Par ailleurs, le projet de loi devrait prévoir que l’organisation des associations relève de leurs statuts – c’est la pratique aujourd’hui du monde associatif –, lesquels devraient préciser l’absence de restriction relative à l’âge de leurs membres, y compris pour l’administration des associations. « La loi laisse libre l’organisation de l’association, et les statuts régissent l’association » : une telle disposition résoudrait les questions soulevées par l’âge de seize ans, l’adhésion des mineurs à des associations, leur participation aux instances, et leur possibilité d’exercer des mandats. La capacité et la maturité requises doivent être laissées à l’appréciation des mandants, car qu’est-ce qu’être un administrateur d’association, sinon être le mandataire des associés ? En l’occurrence, l’article 1990 du code civil précise qu’« un mineur non émancipé peut être choisi pour mandataire ».
Ainsi, entre le droit commun et les dispositions du code civil, les risques pris par un mineur dans le cadre d’une association sont atténués, puisqu’il est mineur et qu’il exerce un mandat bénévole. L’exercice d’une activité et de responsabilités dans un cadre formel, au-delà des enjeux éducatifs, comporte moins de risques que l’exercice de pratiques dans un cadre informel, voire illicite. La protection des mineurs sera mieux garantie par l’adoption d’un cadre normatif et la reconnaissance des institutions et des adultes.
M. Nicolas Le Roux, directeur du réseau SIMPLON.CO. Merci de nous recevoir : cette invitation participe pleinement de la société collaborative que nous appelons tous de nos vœux.
Créé il y a trois ans, SIMPLON.CO est plus jeune et moins connu que la plupart des réseaux représentés ici. Il s’agit d’une structure un peu hybride, puisqu’elle associe une entreprise de l’économie sociale et solidaire et une fondation.
L’objectif principal de SIMPLON.CO est de former aux métiers techniques du numérique – qui sont actuellement en tension – des profils atypiques mais à haut potentiel, qui sont pour nous des profils sous-représentés dans le monde du numérique : bénéficiaires des minima sociaux, femmes et jeunes filles, habitants des quartiers populaires, chômeurs de longue durée, réfugiés statutaires, demandeurs d’asile. Nous proposons des formations courtes, de six mois environ, et innovantes.
En un peu moins de trois ans, SIMPLON.CO a formé environ 600 personnes sur une vingtaine de sites en France, à la fois en milieu urbain et en milieu rural – de Mende en Lozère ou Cheylard en Ardèche jusqu’à Roubaix, en passant par les quartiers nord de Marseille. Parallèlement, nous avons accueilli 10 000 enfants en France, et 90 000 en Afrique, dans le cadre de nos ateliers de sensibilisation.
Nos résultats sont probants : plus de 78 % de sorties positives. Nous respectons pleinement nos objectifs en matière de publics prioritaires, puisque près de 60 % des personnes formées n’ont pas le baccalauréat ou ont seulement le BAC, et 80 % sont demandeurs d’emploi.
Par ailleurs, dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA), SIMPLON.CO mène un projet intitulé CAPPRIO (Capacitation dans les quartiers prioritaires), qui vise en trois ans à former ou à sensibiliser au numérique 20 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans, en utilisant les réseaux d’éducation populaire. Nous organisons ainsi des formations pour nos amis d’Unis-Cité et de l’AFEV, notamment, afin que leurs animateurs bénévoles puissent faire de la médiation numérique.
Je vais maintenant « hacker » le projet de loi, en m’appuyant sur deux articles.
L’article 18 concerne la Grande école du numérique, dans laquelle SIMPLON.CO a vu 36 de ses formations labellisées. Nous souhaitons que la rémunération des apprenants, sujet important, soit abordée. Nous souhaitons également que la Grande école du numérique devienne organisme certificateur des formations, pour le compte de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP). En effet, nos formations à des métiers nouveaux s’appuient sur des référentiels pédagogiques nouveaux, mais qui s’inscrivent dans un schéma de la formation professionnelle très ancien où l’inscription au Registre national de la certification professionnelle (RNCP) nécessite, pour les structures, d’avoir trois ans d’existence.
L’article 35 concerne l’apprentissage du français. Les migrants, les primo-arrivants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, font partie des publics prioritaires de SIMPLON.CO. Nous avons actuellement à Montreuil une promotion composée à 100 % de réfugiés statutaires, composée de Syriens, de Soudanais, d’Éthiopiens, de Centrafricains. Pour nous, deux sujets doivent être abordés par le législateur. Le premier est l’accès à la formation professionnelle pour les demandeurs d’asile. En effet, la législation et la réglementation françaises restreignent cet accès, alors que la directive « accueil » prévoit que l’accès des demandeurs d’asile à la formation professionnelle doit être effectif, qu’ils aient ou non accès au marché du travail. Il faut donc élargir les critères et s’en tenir à la lecture de la directive « accueil », puisque la formation professionnelle fait partie des outils pertinents des structures comme la nôtre pour permettre la bonne intégration des demandeurs d’asile dans notre pays. Le deuxième sujet important pour nous est l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile. En effet, l’accumulation des conditions – autorisations préalables, opposabilité de la situation de l’emploi, difficultés linguistiques, discriminations à l’embauche, restriction sur les professions réglementées, etc. – rend difficilement applicable un droit effectif à l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile.
Mme Marthe Corpet, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Ce projet de loi était très attendu. Les notions d’engagement, d’autonomie, d’accès aux droits, font écho aux espoirs des jeunes, qui souhaitent être mieux reconnus dans cette société. Malheureusement, ce texte est en décalage par rapport à nos attentes – certaines dispositions nous inquiètent même.
D’abord, si la question de l’engagement et de l’égalité doit être envisagée dans un rapport de coconstruction avec les jeunes, elle ne doit pas renvoyer à une vision autoritaire de la République. Sur le service civique, par exemple, nous partageons l’ensemble des objectifs soulignés par les intervenants précédents : protéger l’engagement, mieux l’encadrer, le valoriser, en faire un outil pour de nouvelles missions, reconnaître l’engagement des jeunes. Par contre, nous sommes contre sa généralisation, car elle serait problématique en termes d’encadrement, mais surtout, elle aboutirait à une nouvelle trappe de précarité en instaurant une confusion entre engagement et travail. Dans un contexte de chômage massif, cette généralisation du service civique – avec les articles qui prévoient les outils d’intermédiation ou l’élargissement aux entreprises locales publiques et aux structures HLM – nous semble donc particulièrement inquiétante. Nous saluons néanmoins l’ouverture du service civique à toutes les nationalités.
Ensuite, l’élargissement du dispositif « meilleurs bacheliers » nous semble également très inquiétant. Nous sommes bien sûr conscients des difficultés de l’université à répondre à l’augmentation des bacheliers. Mais si l’université devait choisir les bacheliers qui vont intégrer ses rangs, au lieu de tous les accueillir, il s’ensuivrait une inégalité sociale extrêmement forte, ce qui risquerait d’aboutir à une université à plusieurs vitesses entre filières sélectives et filières non sélectives. Pour nous, ce serait une régression extrêmement grave.
Enfin, les mesures de simplification, notamment concernant l’APL, nous inquiètent également. Ces dernières années, le gouvernement a proposé de simplifier les critères d’attribution de l’APL, voire de réduire le nombre d’étudiants bénéficiaires en supprimant l’APL pour les étudiants non-boursiers. Quand le gouvernement légiférera par ordonnances sur ce sujet, le débat démocratique ne pourra pas se faire.
À côté de ces inquiétudes, certaines dispositions du projet de loi sont positives, mais nous semblent manquer d’ambition.
La lutte contre les discriminations est extrêmement importante. Mais nous aurions voulu voir dans ce projet de loi l’ouverture à des droits nouveaux, comme la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité ou encore l’obligation du curriculum vitae anonyme.
La question de l’autonomie est également très importante, mais le projet de loi ne va pas assez loin sur le logement étudiant. L’accès à un logement autonome pour les jeunes est loin d’être une généralité. Nous souhaitons, par exemple, une fusion des dispositifs de garantie locative, car il existe actuellement un grand nombre de dispositifs assortis de critères.
Dans le domaine de la santé, si nous approuvons la disposition sur l’information des jeunes, nous souhaitons que le projet aille plus loin. Des amendements sur l’interface numérique sont proposés sur le Pass contraception, de nouveaux droits à la santé pour les jeunes : ils nous paraissent très importants au regard d’un public qui renonce souvent à se soigner.
Nous saluons la volonté de valoriser l’engagement dans le cadre universitaire. Des amendements sont proposés, nous les soutiendrons.
Enfin, s’agissant de l’accès au droit commun, un grand nombre d’amendements sont portés par le Forum français de la jeunesse, notamment sur l’accès au RSA pour les moins de vingt-cinq ans ou encore l’accès à la « prime de précarité » pour les jeunes. Ce sont pour nous des dispositions essentielles pour que ce projet de loi constitue une réelle avancée.
Mme Marie Trellu Kane, présidente d’Unis-Cité. Depuis sa création en 1994, Unis-Cité a mobilisé environ 15 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans dans des missions d’engagement solidaire d’une durée de six à neuf mois. Elle l’a fait pendant dix ans sans cadre légal et sans financement de l’État, et, depuis dix ans, dans le cadre du service civil volontaire lancé en 2005, puis du service civique créé par la loi du 10 mars 2010. Parmi ces jeunes, 35 % sont de niveaux 5 et 6, donc plutôt des décrocheurs avant le bac ; et entre 20 % et 50 % résident dans les quartiers prioritaires. Pour nous, le service civique est une étape de vie et de mixité sociale, de brassage entre jeunes d’origines différentes – comme dans l’esprit de la loi de 2010.
Notre expérience a montré que le service civique est une belle forme d’engagement – un peu particulier car à temps plein et indemnisé pour tous les jeunes –, en particulier pour les jeunes qui ont rencontré des difficultés, notamment dans leur parcours scolaire, pour lesquels le service civique est une manière de rebondir et de retisser un lien avec la société. Nous devons donc collectivement rendre cette expérience de vie accessible à tous les jeunes, et pas seulement à ceux qui ont des compétences ou des qualifications intéressantes aux yeux des structures qui les accueillent.
Nous sommes favorables à la généralisation du service civique, ce qui permettrait justement de le rendre réellement accessible à tous les jeunes. Nous nous réjouissons que le projet de loi ne prévoie pas d’évolution du cadre légal de la loi de mars 2010 : il faut garder le principe d’une expérience de six à douze mois et indemnisée, car c’est cela qui fait la force du service civique et qui rend cette étape accessible aux jeunes un peu plus éloignés.
Par contre, il nous semble que le projet de loi devrait aller plus loin dans le cadre de la généralisation du dispositif.
D’abord, étant donné que le texte diversifie les structures d’accueil, il serait important de cadrer davantage les spécificités du service civique par rapport à l’emploi et aux stages, afin d’éviter les dérives évoquées par la représentante de l’UNEF. Nous suggérons que le texte renforce le caractère éducatif du service civique en précisant qu’il concerne des missions collectives de terrain auprès de la population – ces missions ne peuvent pas être des missions de soutien aux structures.
Ensuite, des journées de formation civique et citoyenne sont prévues par la loi de 2010, mais elles sont trop peu nombreuses et pas assez structurées. Il faudrait donc renforcer le nombre de jours de formation civique et citoyenne – qui pourraient être un complément de la journée défense et citoyenneté – pour les fixer à l’équivalent d’une journée par mois de service, par exemple. Il faudrait également prévoir une organisation de ces journées sous la forme de rassemblements territoriaux, éventuellement par délégation des préfectures accordée aux structures. Ces dispositions permettraient, là encore, de renforcer le caractère éducatif du service civique.
Par ailleurs, l’obligation pour la Nation, pour tous les acteurs – structures d’accueil comme services déconcentrés –, de rendre le service civique accessible à tous les jeunes constituerait un symbole fort. Nous suggérons que chaque structure ait l’obligation contractuelle vis-à-vis de l’État de contribuer à l’accessibilité du service civique pour les jeunes éloignés.
Autre point : la coconstruction, qui a fait la force du service civique par l’intermédiaire d’un comité stratégique prévu par la loi de 2010, devrait être déclinée au niveau territorial. Nous proposons la mise en place de cellules d’animation pour accompagner la généralisation qualitative du service civique.
Enfin, nous défendons l’idée d’un service civique inversé. En effet, les jeunes peuvent être force de proposition pour des missions, au lieu d’être récipiendaires des missions proposées par d’autres. Un certain nombre d’expérimentations ont été menées en ce sens. Un cadre légal un peu particulier pour cette forme d’engagement constituerait un autre moyen de généraliser le service civique – même si le modèle de financement actuel ne le permet pas.
M. Yves Blein. Au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, je remercie les intervenants.
L’intitulé de cette table ronde est « engagement/jeunesse », mais rajouter les termes « au service de l’intérêt général » aurait permis de montrer que, parmi toutes les formes d’engagement, c’est celle au service de l’intérêt général que nous voulons développer.
Il existe plusieurs voies d’engagement, et l’éducation en fait partie. Vous l’avez dit les uns et les autres : tout un chacun doit savoir comment fonctionne une société pour mieux y trouver sa place et mieux y contribuer. Je pense aussi que l’on peut évoquer l’obligation, monsieur Paris, car elle est parfois la seule chose qui garantisse l’universalité du savoir, de l’expérience – parler de l’école obligatoire ne choque plus personne aujourd’hui, on ne parle pas de « sévices éducatifs ». Cela renvoie à la question de la journée défense et citoyenneté (JDC), évoquée par Mme Trellu Kane. Beaucoup d’entre nous pensent que cette journée ne sert à rien, or elle constitue un rendez-vous obligatoire, mais aussi un point de passage vers la citoyenneté réelle – elle concerne les garçons et les filles entre la date de recensement et l’âge de dix-huit ans, âge de l’acquisition du droit de vote. Pensez-vous qu’il faille transformer ou faire évoluer ce rendez-vous ?
Il existe également une multiplicité de canaux d’accès à l’engagement. L’engagement s’envisage de façon différente selon que l’on vit en milieu rural ou en zone urbaine, selon que l’on est étudiant ou travailleur, sans emploi ou scolarisé, selon que l’on a seize ou dix-huit ans. Les Juniors associations ont abordé la question de l’âge : elle a toute sa place dans nos débats.
Pour vous tous, la transmission des valeurs républicaines est aussi une question d’usage, et pas seulement une question d’enseignement ou d’éducation. Dans le panel des associations que vous représentez, nous aurions pu recevoir également le mouvement sportif, un des grands vecteurs de pratiques collectives et d’esprit civique – j’aurais pu tout aussi bien évoquer les mouvements d’action culturelle ou d’activités socio-éducatives. Quel est, selon vous, le principal obstacle à l’engagement des jeunes, quel que soit le terrain d’expérience ? Est-ce l’origine sociale, l’origine territoriale ?
La solidarité locale, la solidarité internationale, l’Europe, sont des champs bien identifiés qui pourraient également susciter l’engagement. Qu’en pensez-vous ?
Les missions locales sont un vecteur très important d’accueil des jeunes. Comment pourraient-elles être mobilisées au titre de l’engagement ?
Enfin, j’ai lu dans la presse de ma région que la fédération des maisons des jeunes et de la culture (MJC) de la région Rhône-Alpes était placée en redressement judiciaire. Pour moi, les maisons des jeunes, c’est André Philip, André Malraux, la République des jeunes – le premier terrain de l’engagement collectif des jeunes. Les maisons des jeunes sont-elles mortes aujourd’hui ?
M. Xavier Breton. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les participants.
Il existe toute sorte de mouvements associatifs, comme l’a indiqué Yves Blein. Nous pourrions proposer d’entendre d’autres structures à l’occasion d’une deuxième table ronde.
Unis-Cité l’a souligné : il est important de marquer la spécificité du service civique. Nous serons particulièrement attentifs à toutes les propositions qui permettront de distinguer le service civique des stages et de l’emploi.
L’AFEV et le MRJC, notamment, ont évoqué la dimension territoriale. Est-elle, selon vous, suffisamment inscrite dans le projet de loi pour prendre en compte la diversité des territoires ?
Dans le cadre de la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, qu’a présidée le Président Bartolone, des interrogations ont porté sur la journée défense et citoyenneté, notamment en termes de journées. Sur le contenu, nous sommes demandeurs de propositions. Avez-vous des suggestions à nous faire sur l’évolution de la JDC ?
Enfin, nous avons entendu beaucoup de demandes liées à la reconnaissance des droits. Mais une société est fondée sur des droits et des devoirs pour tous, y compris la jeunesse. Quelles sont vos propositions pour intégrer la notion de devoirs dans ce projet de loi ?
M. Arnaud Richard. Le groupe Union des démocrates et indépendants se réjouit de débuter les travaux de cette commission spéciale en recevant des associations de jeunesse, lesquelles expriment de nombreuses attentes, comme nous tous sur ces bancs, à l’égard du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Dans une société meurtrie, nous nous interrogeons tous sur le sens de notre action, le sens de notre engagement. Comment être utile à la société et mieux vivre ensemble ? Question éminemment importante pour les jeunes.
Cette table ronde doit être l’occasion de mieux appréhender les attentes des citoyens de demain, et même des décideurs de demain. La plupart de ceux qui vous ont invités, mesdames, messieurs, ont été comme vous des jeunes engagés. Ce sont aussi les décideurs de demain que nous recevons aujourd’hui.
L’investissement au sein des associations ou des syndicats d’étudiants est loin d’être la seule forme d’engagement. Aujourd’hui, les jeunes s’impliquent de façon plus informelle et spontanée via des pétitions, des causes, des soutiens ponctuels à des mouvements. Peu de jeunes adhèrent à des partis politiques ou à des mouvements de jeunesse, ce qu’on peut regretter. Ce désintérêt, voire ce rejet, d’une partie de la jeunesse envers les partis traditionnels ou les mouvements de jeunesse traditionnels, nous questionne en permanence.
L’engagement est un acte volontaire, une envie propre d’agir pour la société. Il appartient aux jeunes d’inventer eux-mêmes les formes qu’ils souhaitent pour s’engager. J’entends la proposition de Mme Trellu Kane de permettre aux jeunes de choisir eux-mêmes des missions de service civique. Pour autant, nous devons être capables d’accompagner les jeunes, de permettre à chacun de s’épanouir : c’est tout l’enjeu de ce texte.
Malgré un titre Ier à l’intitulé évocateur, « Citoyenneté et émancipation des jeunes », le projet de loi ne va pas assez loin sur plusieurs aspects, comme viennent de l’expliquer plusieurs organisations de jeunesse. La représentante de l’UNEF, en particulier, a souligné le décalage entre le texte et les attentes des organisations de jeunesse. Certes, plusieurs dispositions sont intéressantes, comme l’article 14 sur la valorisation de l’engagement. Mais nous devons nourrir ce projet de loi, et je compte pour cela sur le rapporteur général, qui est très à l’écoute, d’autant que le texte a été intelligemment construit en s’appuyant sur un grand nombre de consultations. J’espère que nous parviendrons à intégrer dans le projet de loi des dispositions traduisant davantage l’écoute des jeunes et plus globalement de la société.
M. Jean-Noël Carpentier. Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je remercie les participants à cette table ronde. Nous nous réjouissons de la présentation de ce projet de loi, qui était attendu par les jeunes et plus largement par la société. Nous sommes tous favorables au développement de la citoyenneté : malgré les crispations nées dans notre société, nous devons nous parler, travailler ensemble, mieux vivre ensemble, sans avoir peur de la diversité qui fait la richesse de notre démocratie. Pour autant, ce projet de loi devra être enrichi : les dispositions actuelles qu’il contient ne suffiront pas à développer l’engagement de la jeunesse.
Le développement de l’engagement chez les jeunes est bénéfique à la société. Plus on s’engage jeune, plus on s’engage tout au long de sa vie. C’est ce qui permet de construire la citoyenneté dans un pays dynamique. Percevez-vous depuis quelques années un essoufflement ou une augmentation de l’engagement des jeunes ? Au-delà des clichés médiatiques – une génération personnelle, qui s’endort, bonne qu’à faire des pétitions sur Internet… –, avez-vous des choses positives à nous présenter ?
L’article 14 permet de valoriser les engagements des jeunes, et même de les encourager. Je serai très vigilant pour que le service civique ne se transforme pas en stage, en emploi, ou en contrat jeune spécifique. Nous devons montrer que nous visons l’engagement citoyen au service de l’intérêt général. Je partage la réflexion de plusieurs députés sur le sens de la journée défense et citoyenneté, qui selon moi est une perte de temps et d’argent : les jeunes passent beaucoup de temps dans les transports pour se rendre sur le site, où finalement ils ne font pas grand-chose… Il faut donc revoir les modalités de la JDC.
La citoyenneté peut aussi se décliner dans un engagement politique. Plusieurs pays d’Amérique latine ont abaissé le droit de vote à seize ans ; la Chambre des Lords britannique a même adopté un amendement abaissant à seize ans l’âge minimum requis pour voter au référendum à venir sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Que pensez-vous du droit de vote baissé à seize ans ? Loin de toute démagogie, une telle réforme obligerait les institutions et les partis politiques à écouter les demandes des jeunes.
Les organisations de jeunesse sont représentatives. Mais ne pensez-vous pas que l’État, les collectivités territoriales, les institutions, pourraient organiser des scrutins spécifiques pour demander leur avis aux jeunes sur des sujets précis ?
Enfin, le rôle de l’école n’a pas été évoqué. Selon vous, les enseignements scolaires abordent-ils suffisamment la question de l’engagement civique de façon concrète, au-delà des leçons théoriques ?
M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Ce projet de loi est le fruit de trois comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), lesquels se sont tenus dans des contextes particuliers – à la suite de drames qui nous ont touchés, d’événements qui ont marqué la Nation, ou dans un contexte de réforme sociale. Chaque CIEC a été l’occasion de mettre en place un dialogue avec l’ensemble des acteurs, notamment le dernier via une plateforme numérique de concertation. Ce projet de loi a été élaboré sur le modèle de construction de la loi numérique, avec en plus des ateliers sur le terrain qui ont permis d’apporter des enrichissements, mais aussi d’exprimer des critiques. L’objectif pour nous est d’avoir une vraie discussion. À cet égard, la FAGE a rappelé le défi de l’information. Défi primordial : l’UNEF a fait une proposition sur le RSA, mais j’appelle votre attention sur le fait que la prime d’activité, qui a remplacé le volet « activité » du RSA, est ouverte aux jeunes dès 18 ans.
J’ai plusieurs questions précises à poser.
La FAGE et l’UNEF ne sont pas contre l’esprit du dispositif « meilleurs bacheliers », mais critiquent son volet universitaire. Pourriez-vous apporter des précisions ?
Nous n’avons pas de réponse sur les conseils locaux de la jeunesse, le Conseil national de la jeunesse, le Forum français de la jeunesse. On nous dit que la loi ne doit pas obliger, mais inciter. Cela doit-il se faire par l’intermédiaire d’un fonds de soutien dont bénéficieraient les conseils locaux ou autres structures ? Surtout, quelle reconnaissance accorder à ces derniers ? Devraient-ils être consultés sur chacun des textes qui concerne la jeunesse ?
Sur les prescripteurs de service civique, l’idée évoquée est-elle de permettre à des jeunes qui n’entrent pas dans le cadre du service civique en raison de contraintes de durée, de formation, d’entrée dans la vie professionnelle, de pouvoir entrer dans un dispositif plus léger répondant à une mission d’intérêt général auprès des populations dans le cadre d’un projet ?
Deux organisations ont évoqué le risque – que personne ne souhaite, quelles que soient les sensibilités politiques – de voir le service civique se substituer à des missions salariées. L’encadrement du service civique que vous demandez suffirait-il, ou la nature même des structures d’accueil prévues dans le projet de loi est-elle rédhibitoire ? Unis-Cité organise des missions auprès d’offices publics de l’habitat autour de l’éducation à l’économie d’énergie : aujourd’hui, les offices publics de l’habitat souhaiteraient mobiliser des jeunes en service civique pour faire ce travail autour de l’isolation thermique, du recyclage, etc.
Je trouve très intéressant ce qui a été dit sur l’échelon local, le comité stratégique. J’entends les préoccupations sur les discriminations : c’est un débat dont le Parlement va se saisir. Le logement, avec la fusion des garanties locatives, est un enjeu. Sur l’accès aux droits, nous aimerions vous entendre sur la prime d’activité et la CMU complémentaire.
Ont été évoquées les MJC, la difficulté des jeunes en territoire urbain comme rural à s’engager. Avez-vous des exemples de dispositifs qui permettraient de faire naître une nouvelle génération de maisons des jeunes, de la culture – et du numérique ? Toutes les initiatives – SIMPLON.CO, Bibliothèques sans frontières, fablabs, etc. – mobilisent des bénévoles, des engagés en service civique, des entrepreneurs, des militants associatifs, des coopérants internationaux, etc., comme on n’en verra jamais dans des syndicats, des associations et des partis politiques ! Quelle peut être l’impulsion législative, sachant que beaucoup de sujets évoqués ne passent pas forcément par la loi ? Car la loi a un rôle d’impulsion, mais une loi d’impulsion est une loi bavarde qui suscite beaucoup d’espérances, mais dont on se demande ce qu’elle apporte concrètement. Il nous faut trouver un équilibre.
Enfin, les Juniors associations ont évoqué l’accès à la responsabilité associative des mineurs. Comment concilier responsabilité pénale et responsabilité associative des mandataires avant dix-huit ans ?
Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier. Le projet de loi vise à reconnaître et à valoriser l’engagement, le bénévolat. Au-delà, il s’agit de lever les freins existants et de mettre en place des accompagnements. Selon moi, ce sujet ne peut être cantonné à l’engagement associatif, au service civique. L’engagement public des jeunes est un sujet qui m’est particulièrement cher, et je remercie tout particulièrement Mme Pages qui est intervenue sur le non cumul des mandats et l’accès des jeunes aux responsabilités publiques.
Dans le cadre de cette commission spéciale, nous allons recevoir des associations, des organismes divers, des personnalités. Je vous invite d’ores et déjà les uns et les autres à nous faire parvenir par écrit vos propositions concrètes, si vous en avez d’autres.
Mes questions se limiteront à celles qui n’ont pas été posées.
Quel lien faites-vous entre le continuum de l’engagement, la reconnaissance dans le cursus – de l’école à l’université – et le compte personnel d’activité ?
L’article 8 porte sur le congé d’engagement. Ce principe ne peut pas être ouvert à tous les membres des associations ; il faut cibler les bénéficiaires. Mais avez-vous des propositions précises pour l’ouvrir à d’autres membres que ceux des conseils d’administration ?
Sur l’engagement des jeunes, on ne peut pas obliger au dialogue, vous avez raison. Parfois les conseils de jeunes ont le résultat inverse de leur objectif, en en dégoûtant quelques-uns. La loi ne devrait-elle pas inciter, voire obliger – quitte à mettre en place des accompagnements ?
Sur l’accès aux droits, à l’information, que signifie pour vous le guichet unique ? Serait-il géré par les points information jeunesse avec les missions locales ? Ou s’agirait-il plutôt d’un service déconcentré de l’État ?
Le projet de loi confie à la région le chef de filât en matière de politique de la jeunesse. Aucun d’entre vous n’en a parlé ; j’en déduis que ce point fait consensus chez vous. Est-ce vraiment le cas ?
Pour finir, un chef de filât de vie associative vous semblerait-il utile ?
Mme Julie Sommaruga. Je remercie les intervenants pour la qualité de leur intervention.
Comment amener les jeunes les plus éloignés à s’engager ? Je pense qu’il faudrait proposer, dans le parcours scolaire, des stages au sein d’associations, par exemple pour les élèves de seconde – au même titre que les stages en entreprise qui existent pour les élèves de troisième. Il faut donner très tôt aux jeunes l’envie de s’engager. Qu’en pensez-vous ?
M. Arnaud Viala. À propos du chapitre Ier, comment résoudre la tension que crée ce texte entre la valorisation individuelle d’un engagement bénévole, qui par définition est librement choisi, et la notion d’intérêt général que revêt tout engagement bénévole, qu’il soit associatif ou pas ? Cette interrogation de fond, ni partisane ni polémique, s’adresse aux représentants des associations et aux rapporteurs.
M. Serge Letchimy. S’il y a des enjeux liés à l’égalité et à la citoyenneté, c’est parce que des inégalités extrêmement importantes et des différenciations culturelles et géographiques sont à l’œuvre. Quelle est votre approche des outre-mer sur la question de l’égalité et de la citoyenneté ?
Avez-vous pensé à un champ plus large pour permettre à la France de se reconnaître comme une société multiculturelle, et pas seulement une société de la diversité ? Vos réflexions intègrent-elles la notion de discrimination positive ?
La question du droit de vote des étrangers doit être mise sur la table, tout comme celle de l’âge du droit de vote des jeunes et celle de la majorité. Qu’en pensez-vous ?
M. Régis Juanico. Depuis 2010, le nombre de jeunes bénévoles de quinze à trente-cinq ans engagés dans les associations a augmenté de 30 %. Le service civique y est pour quelque chose, ainsi que le volontariat associatif pour les plus de vingt-cinq ans – créé par la loi sur l’ESS –, que nous pourrions élargir au moins de vingt-cinq ans.
Ma question porte sur l’outil qui sera utilisé pour retracer les engagements dès le premier degré. Il existe des outils au sein de l’Éducation nationale, avec les quatre parcours éducatifs : avenir, éducation artistique et culturelle, citoyen, santé – on aurait pu rajouter le sport. Existent également le livret du citoyen, le compte personnel d’activité, le compte d’engagement citoyen. Ne faudrait-il pas un outil commun permettant de retracer tous les engagements : engagement de délégué de classe, de délégué de conseil municipal des jeunes ou de conseil municipal des enfants, la formation aux premiers secours, les formations à l’UNSS ou l’USEP, etc. Avez-vous réfléchi à une cohérence en termes de livret du citoyen tout au long de la vie ?
Mme Sophie Rohfritsch. Je regrette le manque de cohérence, du moins affiché, entre les nombreuses actions territoriales menées notamment par les communes – toutes les communes de France ont un service jeunesse. Comment mieux inscrire dans le projet de loi cette cohérence nécessaire ?
M. Julien Dive. En tant que benjamin de l’Assemblée, je ne peux pas ne pas intervenir !
Le titre de « capitale européenne de la jeunesse », créé en 2009 par le Forum européen de la jeunesse, a été décerné cette année à Ganja en Azerbaïdjan. La ville d’Amiens a déposé au mois de février un dossier de candidature pour devenir la capitale européenne de la jeunesse en 2019 et elle figure parmi les finalistes. J’invite les représentants des associations, mes collègues parlementaires et le Gouvernement à s’engager pour défendre la candidature d’Amiens, onzième ville la plus jeune de France, ce qui permettrait de faire le lien avec ce projet de loi.
Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. Nous avons voté des dispositions pour lutter contre les discriminations – à ce jour, plusieurs critères de discrimination sont fixés dans la loi. Attendez-vous d’autres évolutions législatives ? Ou faut-il plutôt lutter contre les préjugés, les représentations ?
M. Alexandre Leroy (FAGE). La FAGE est active dans le Forum européen de la jeunesse. Elle est aussi très bien implantée à Amiens : nous aimons beaucoup cette ville et soutenons sa candidature au titre de capitale européenne de la jeunesse.
Nous avons beaucoup travaillé sur le compte personnel d’activité. Nous sommes favorables à la création d’un compte d’engagement, qui serait un coffre-fort individuel de tous les engagements au cours de la vie, adossé à un référentiel de compétences co-construit entre les acteurs du monde associatif, les acteurs publics et les branches professionnelles. Les compétences acquises grâce à toutes les formes d’engagement pourraient ainsi être valorisées.
Nous sommes favorables à l’article 16 qui confie à la région le chef de filât en matière de politique de la jeunesse. Cela permettra de mettre en lien les acteurs, de mettre en place des schémas d’organisation, ce qui évitera aux jeunes d’avoir à frapper à plusieurs portes pour accéder à l’information. Le guichet unique devrait s’incarner au travers d’une plateforme numérique, permettant de recenser l’intégralité des droits.
Pour nous, le service civique est un très bon dispositif ; je souscris totalement au propos d’Unis-Cité. Pour éviter que le service civique se substitue à des missions salariées, il faut un cadrage qui prévoit, d’une part, qu’il doit être exercé au contact de la population et, d’autre part, que son volume hebdomadaire est fixé à 24 heures annualisées. Symboliquement, cette durée hebdomadaire évitera toute confusion entre service civique et emploi salarié.
Nous n’étions pas franchement favorables au dispositif « meilleurs bacheliers », lors de sa création, car nous savions qu’il ne résoudrait pas le problème. D’ailleurs, lors des premières années de sa mise en œuvre, quelques centaines d’étudiants seulement ont été concernées. Par contre, nous partageons la finalité de ce dispositif. En fait, nous pensons que des dispositifs comme les « parcours d’excellence » et « les cordées de la réussite », qui concernent des plus jeunes, fonctionnent bien mieux : on ne corrige pas un système inégalitaire qui génère de l’autocensure, qui favorise la reproduction sociale, avec des dispositifs qui concernent les jeunes à partir de dix-huit ans. Pour lutter contre l’autocensure et les inégalités dans l’orientation, il faut commencer très tôt, dès le collège. Sans être contre le dispositif « meilleurs bacheliers » en lui-même, nous sommes contre son extension aux filières universitaires, car donner la priorité à certains élèves pour les filières psychologie, droit ou STAPS, aboutira à casser le principe d’égalité pour l’accès aux formations universitaires. Cela serait très dangereux dans le contexte actuel où d’aucuns souhaitent contourner le débat de la démocratisation.
Enfin, nous souhaitons que l’accès à la CMUC soit facilité. Nous sommes favorables à une ouverture très large de la CMUC, notamment pour les jeunes précaires et les boursiers. Dans le domaine de la santé, beaucoup de simplifications devraient être menées. Les jeunes alternent un tas de statuts : ayant droit, ayant droit autonome, régime de sécurité sociale étudiante, régime général pour les étudiants salariés ou en alternance, un autre régime pour les étudiants en paramédical ou de santé. La lutte contre la précarité des jeunes passe par une simplification de leur régime de sécurité sociale, avec l’instauration d’un régime unique. Pour la couverture obligatoire, donc, chaque jeune devrait être géré très tôt par la caisse nationale d’assurance maladie.
Mme Marie Trellu Kane (Unis-Cité). Nous avons testé des formules de mobilisation de jeunes sur un mois : cela n’a amené aucun changement de comportement. L’objectif du service civique et de la JDC est tout de même d’amener les gens à se sentir davantage citoyen. Pour amener un changement de comportement, il faut du temps. La durée minimale de six mois du service civique est pour nous indispensable – pour des jeunes qui partent de loin, il faut plutôt huit à dix mois. Par conséquent, si la généralisation du service civique revenait à créer un service civique d’un mois obligatoire, suivi d’un volontariat non financé par l’État, ce serait de l’argent public fichu en l’air ! Car sans soutien financier de l’État, il n’y aura aucune mission.
La JDC doit être améliorée au regard de ses objectifs. Il nous semble utile de poser un diagnostic sur la jeunesse en termes de santé, d’illettrisme et d’information sur les opportunités d’engagement. Faut-il prévoir une journée ou trois journées ? Je l’ignore : il faudrait regarder l’efficacité du contenu actuel. Ne poussez pas trop loin l’engagement financier sur ces journées, car cela se ferait au détriment de la généralisation du service civique long, qui a une valeur et un réel impact sur les jeunes en étant structuré, indemnisé, et encadré avec de vraies missions.
Il existe de multiples formes d’engagement. Vouloir tout mettre dans le service civique pour « faire du chiffre » serait une erreur. Le service civique est une parenthèse dans la vie, un véritable complément de l’éducation formelle. Faire deux heures tous les mercredis reviendrait à noyer le poisson…
Pour éviter que le service civique se substitue à des missions salariées, le cadrage peut suffire s’il inclut la spécificité des missions de terrain collectives, avec davantage de journées de formation citoyenne – pour marquer le caractère éducatif du service civique – et une obligation pour toutes les structures d’intégrer les jeunes éloignés, notamment les jeunes sans qualification. Faute de quoi, le recrutement se fera selon les compétences et le CV. Il faut interdire la demande de CV pour un service civique ! Nous sommes donc favorables à la généralisation du service civique, à condition également que des cellules d’appui locales se chargent de recruter les jeunes, de les placer, et d’organiser les journées de formation citoyenne – ce que les diverses structures ne pourront pas faire. Cela permettra d’assurer la diversité des jeunes recrutés.
Je termine par l’éducation à la citoyenneté. Les enfants devraient avoir, dès le primaire, des heures de pratique. L’enseignement moral et civique (EMC) dispensé au collège et au lycée est totalement théorique. Selon nous, l’éducation à la citoyenneté par l’action dès le plus jeune âge serait beaucoup moins lourde que l’organisation d’une semaine obligatoire pour tous.
M. Mathieu Cahn (ANACEJ). Il n’y a pas un essoufflement de l’engagement des jeunes, il y a des formes d’engagement qui évoluent et sont devenues protéiformes : engagements associatif, syndical, politique, engagements ponctuels ou dans des dispositifs locaux de participation... Penser engagement global, dans une vision structurée et organisée, du local au global ou du global au local, n’est plus d’actualité. C’est tout l’enjeu.
En France, les jeunes sont massivement opposés au droit de vote à seize ans, car ils ont intégré la vision que la société leur renvoie de leur illégitimité et de leur incompétence à s’exprimer à cet âge-là par le droit de vote – c’est ce qu’ils nous disent très majoritairement. À l’inverse, dans tous les pays où l’âge du droit de vote a été baissé, cela produit des effets extrêmement positifs. L’âge de dix-huit ans est l’un des plus instables – les jeunes quittent le domicile familial sans vraiment le quitter, ils sont étudiants mais pas forcément dans la ville où ils résident, etc. –, si bien que le premier vote est rendu très difficile, alors qu’il est symboliquement très important. Je pense donc que le droit de vote à seize ans, au moins aux élections locales, permettrait d’enclencher un processus citoyen vertueux et serait une réponse au sentiment d’illégitimité des jeunes.
S’agissant de la ville d’Amiens, il est paradoxal de vouloir être capitale européenne de la jeunesse et de supprimer l’ensemble des dispositifs de participation des jeunes.
M. Julien Dive. Je précise que je ne suis pas élu de cette ville !
M. Mathieu Cahn (ANACEJ). J’ai rencontré les adhérents de l’ANACEJ en Guyane, Martinique, Guadeloupe et à La Réunion. L’obligation ne doit pas aboutir à l’uniformisation, car les réalités sont différentes selon les territoires. Les territoires d’outre-mer n’ont pas les moyens de mener des politiques en faveur des jeunes – les dispositifs mis en place actuellement sont réservés aux sportifs. L’État doit revoir les choses.
Nous avions élaboré une proposition sur la région chef de filât en matière de politique de la jeunesse, mais je ne retrouve pas dans ce projet de loi le cadre qui permettrait de savoir de quoi on parle ! Sans compter qu’une grande région n’est pas forcément dans la même configuration qu’une autre plus petite.
Sur le territoire de l’eurométropole de Strasbourg, les conseils citoyens sont une obligation : des communes jouent le jeu, mais dans d’autres, le conseil citoyen, labellisé par arrêté préfectoral, n’est qu’une coquille vide. Attention, donc, à l’obligation. Un fonds de soutien, pourquoi pas, mais en aucun cas cela ne doit aboutir à l’uniformisation : il faut tenir compte des réalités locales pour reconnaître l’engagement. Des conseils des jeunes pour chanter l’hymne national au pied du monument aux morts le 11 novembre, ou pour nettoyer les berges des rivières, ne serviront à rien ! Il faut accorder à ces conseils une vraie place dans le processus citoyen. Leur donner une vraie place signifie : reconnaître l’engagement, relayer leurs propositions et – à l’image de ce qui se fait à Paris – leur accorder un droit de saisine pour les délibérations du conseil municipal et annexer leurs avis aux comptes rendus du conseil municipal. Ce n’est pas aux élus de décider des sujets sur lesquels les jeunes doivent être consultés, mais l’inverse. Le programme de travail d’une municipalité, d’une région, d’un département, pourrait être présenté aux jeunes qui s’autosaisiraient sur telle ou telle question pour rendre un avis et le communiquer aux élus, avis qui serait annexé aux délibérations.
J’entends souvent dire que les conseils d’enfants et de jeunes ne sont pas représentatifs de la société, en comportant plutôt des jeunes issus de classes sociales favorisées. En fait, tout dépend des pratiques. Avec le soutien de l’Éducation nationale, nous avons mis en place à Strasbourg un conseil de jeunes dont les membres ont été élus dans toutes les classes de cinquième et quatrième. Et l’enquête que nous avons menée auprès de ces jeunes montre qu’ils sont tout à fait représentatifs des jeunes de la ville, à la fois en termes de territoire, de milieux socio-économiques et de parcours de vie. Cette expérience contribue aussi au développement de la citoyenneté.
Mme Cécile Pages (MRJC). L’engagement des jeunes est intimement lié à leurs conditions de vie : chercher un emploi pour être autonome n’incite pas à s’engager – cela fait partie des obstacles à l’engagement. Sur l’essoufflement de l’engagement, je rejoins l’ANACEJ.
Sur la dimension territoriale, il est important de faire le lien entre ce projet de loi et le comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu la semaine dernière. Les services publics manquent cruellement en milieu rural, ce qui participe de l’éloignement des jeunes de la vie publique et ne favorise pas leur engagement.
Sur l’abaissement du droit de vote, je rejoins également le propos de l’ANACEJ.
La JDC pourrait devenir un temps d’information sur les droits des jeunes. Un lieu physique où les jeunes pourraient se rencontrer, échanger, et se faire expliquer leurs droits propres, constituerait un levier fort.
L’école ne joue pas tout son rôle : la culture du débat y a disparu, alors qu’elle permettait aux jeunes de défendre leurs idées – ce qui participait de l’envie de s’engager. Il est important d’y réfléchir.
Les organisations de jeunes ne sont pas reconnues dans leur travail de formation à la citoyenneté. Il est compliqué pour nous de trouver des financements – nous avons des financements sur projet. Au MRJC, la vie démocratique représente plus de 40 % de notre activité, mais elle n’est pas reconnue comme formation à la citoyenneté et au fait associatif.
Enfin, accorder le chef de filât à la région en matière de politique de la jeunesse nous semble important. Mais cela ne suffit pas : la région devrait aussi être chef de filât en matière d’éducation populaire, dont le rôle dans l’apprentissage de la citoyenneté est important. L’éducation populaire relève de la compétence des régions, or elle n’est mentionnée nulle part dans le projet de loi.
M. Christophe Paris (AFEV). La JDC fait logiquement partie du parcours pratique de l’engagement.
Les jeunes ont très envie de s’engager, mais sont frustrés de ne pas pouvoir le faire. Je vous invite à relire l’étude menée en 2006 par la Fondation de France, intitulée « Les 15-25, des individualistes solidaires » : elle a montré que les jeunes sont dans un parcours individualiste, parce que la société l’est, mais qu’ils développent d’autres valeurs. Notre problème à l’AFEV n’est pas de mobiliser des bénévoles, mais de trouver l’argent pour les encadrer. La notion d’obligation doit être appréhendée sous cet angle.
La durée du service civique est importante pour les jeunes eux-mêmes, mais aussi pour l’utilité sociale de leurs missions. L’utilité sociale, le lien social, que peuvent apporter les missions nécessite du temps. Il ne faut donc pas baisser la durée du service civique.
Il faut ensuite être prudent dans le développement des formes d’engagement. Faire du service civique un rouleau compresseur qui tuerait toutes les autres formes d’engagement serait une erreur fatale.
Nous sommes très favorables à la région chef de filât, mais toujours dans la logique d’une obligation pour les structures de permettre l’engagement partout. La région doit impulser, animer, coordonner l’engagement des jeunes sur le territoire. Les schémas régionaux sont une piste intéressante pour favoriser l’engagement des jeunes.
Enfin, les jeunes des quartiers populaires et les jeunes ruraux sont confrontés à des problématiques identiques : mobilité, réseaux, protection, services publics, etc. Politiquement, il s’agit de défendre une ambition collective commune.
Mme Marthe Corpet (UNEF). On ne peut pas imposer l’engagement. On peut, par contre, le promouvoir et l’encadrer. Pour cela, il faut d’abord assurer une protection aux jeunes qui s’engagent. À cet égard, nous saluons le service civique, puisqu’il donne un sens aux missions des jeunes qui reçoivent par ailleurs une indemnité. Il faut ensuite permettre aux jeunes de se réapproprier leur lieu d’engagement. En l’occurrence, il serait intéressant d’auditionner les lycéens sur les maisons des lycéens, qui sont des lieux d’engagement au sein des lycées, où les jeunes peuvent concevoir des projets sportifs, culturels, humanitaires ou liés à la citoyenneté, sur un temps court ou long. Au sein de l’université, la diversification des engagements – la majorité des étudiants s’engagent à l’extérieur de l’université – pose la question de leur protection en termes d’aménagement d’études.
Je ne partage pas l’idée de sélectionner les étudiants à l’entrée dans l’enseignement supérieur. À l’origine, le dispositif « meilleurs bacheliers » concernait les filières sélectives, notamment les classes prépas, révélatrices de fortes inégalités sociales – il s’agissait donc de casser la reproduction sociale, l’autocensure des jeunes. Non seulement, le dispositif n’est pas une solution de long terme pour démocratiser l’accès aux classes prépas, mais la problématique à l’université est tout autre : les difficultés de l’université sont principalement budgétaires pour accueillir l’ensemble des étudiants – d’où des sélections illégales dans certaines filières. J’ai donc du mal à comprendre que la réponse aux difficultés de l’université consiste à instaurer une sélection, alors que l’objectif est d’amener 60 % d’une classe d’âge dans l’enseignement supérieur, conformément à l’engagement du Président de la République. D’autres solutions existent. Il faut réfléchir à l’aspect budgétaire. Il faut aussi réfléchir à l’orientation et à la maîtrise de leur avenir par les jeunes, qui ne doivent pas être empêchés de rejoindre une filière « sciences », par exemple, s’ils ne sont pas titulaires d’un bac « S ».
Certes, la prime d’activité est accessible à certains jeunes, mais les critères sont tellement restrictifs que la majorité des étudiants n’y ont pas accès.
Sur le service civique, l’objectif n’est pas d’empêcher qu’il soit utilisé par tous, d’autant que les demandes sont supérieures aux offres. Par contre, certaines structures non agréées n’auront pas les outils pour assurer le suivi à long terme des missions. C’est un risque dont il faut tenir compte.
Enfin, sur la région chef de filât, déjà compétente dans la majorité des politiques en matière de jeunesse, je n’ai pas de position idéologique. Par contre, il existe énormément de dispositifs, ce qui est un frein à leur lisibilité. Il faut donc une cohérence : l’État doit continuer à organiser l’ensemble de ces dispositifs ; mais cela ne me pose pas de problème que la région ait un rôle à jouer dans l’unification des processus.
Mme Carolle Khouider (RNJA). La question du parcours est fondamentale pour le RNJA, qui revendique la reconnaissance du droit d’association des mineurs. Il faut semer les graines de la vie associative dans les établissements scolaires, où l’expérience pratique de la citoyenneté est malheureusement loin d’être une réalité. C’est plutôt la place de l’adulte qui pose problème : il devrait faire confiance aux jeunes. Les Juniors associations proposent un cadre de responsabilisation qui permet aux jeunes de s’auto-organiser. En étant responsables de leurs projets, de leur budget, de leurs contacts avec l’extérieur et les institutions, les jeunes se créent eux-mêmes des devoirs et sont reconnus dans l’exercice de leurs droits.
Je vous enverrai un argumentaire sur la responsabilité pénale.
M. Nicolas Le Roux (SIMPLON.CO). Qu’est-ce qui bloque l’engagement des jeunes ? Sans doute ne va-t-on pas les chercher au bon endroit. Les jeunes sont 3 % à adhérer à un syndicat et 4 % à un parti politique, 30 % sont engagés dans une association, mais 80 % sont sur les réseaux sociaux. Allons les chercher où ils sont ! La grande consultation publique sur le projet de loi numérique, porté par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a recueilli via une plateforme numérique 150 000 votes, notamment de jeunes sur des articles qui les concernaient directement : l’article sur la reconnaissance du e-sport, par exemple, a mobilisé une communauté de jeunes qui a voté sur un texte de loi !
Hier soir, à l’Assemblée nationale, Claude Bartolone et Axelle Lemaire ont présidé un « Mardigital#Civic tech ». Cela ne concerne pas que des gadgets, des pétitions en ligne. C’est un véritable levier d’engagement pour les jeunes, puisqu’ils sont présents sur Internet : profitons-en !
Mme la présidente Annick Lepetit. Peu d’entre vous ont parlé de la mobilité des jeunes, mais nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet. Il nous reste maintenant à enrichir le projet de loi. Merci beaucoup, mesdames, messieurs.
La séance est levée à treize heures cinq.
——fpfp——
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »
Réunion du mercredi 25 mai 2016 à 10 heures 30
Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Jean-Louis Bricout, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Guillaume Chevrollier, Mme Valérie Corre, M. Julien Dive, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Patrick Gille, Mme Pascale Got, M. Razzy Hammadi, M. Michel Heinrich, Mme Gilda Hobert, M. Régis Juanico, M. Laurent Kalinowski, Mme Anne-Christine Lang, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Maud Olivier, M. Rémi Pauvros, M. Bernard Perrut, Mme Elisabeth Pochon, M. Arnaud Richard, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Julie Sommaruga, M. Jean-Marie Tétart, M. Pascal Thévenot, M. Arnaud Viala
Excusés. – M. Pascal Demarthe, Mme Lucette Lousteau, M. Michel Piron, M. François de Rugy
Assistait également à la réunion. – Mme Dominique Chauvel