COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »
Mardi 7 juin 2016
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente de la Commission spéciale)
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La Commission spéciale procède à l’audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme la présidente Annick Lepetit. Nous consacrons nos travaux, cette semaine, aux auditions séparées des trois ministres qui présentent le projet de loi Égalité et citoyenneté que notre commission spéciale est chargée d’examiner.
Nous recevons cet après-midi la ministre du logement et de l’habitat durable, Mme Emmanuelle Cosse, pour évoquer avec elle les dispositions du titre II dont l’intitulé, « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat », énonce clairement les objectifs.
Madame la ministre, la semaine dernière, notre commission spéciale a organisé deux tables rondes – l’une sur la politique de la ville, l’autre, plus ciblée, sur le logement – qui nous ont donné l’occasion d’aborder de nombreux problèmes avec des intervenants d’horizons divers : représentants institutionnels, acteurs du monde associatif ou élus locaux.
Parallèlement, le rapporteur général, Razzy Hammadi, et le rapporteur thématique chargé du logement, Philippe Bies, ont procédé à l’audition de plus d’une cinquantaine de personnes – entretiens ouverts à tous les membres de notre commission.
Nous sommes donc déjà un peu instruits, mais nous n’avons pour autant pas épuisé le sujet et avons encore beaucoup de questions à vous poser sur le titre II du projet que vous allez nous présenter.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je vous remercie d’avoir organisé cette audition qui va nous permettre d’échanger avant le débat législatif proprement dit. Je vous prie par avance de bien vouloir m’excuser de devoir partir à dix-huit heures : je dois me rendre à Saint-Denis, où, vous le savez, s’est déroulé un terrible incendie. Si j’évoque cet accident, c’est qu’il est beaucoup question, dans ce projet de loi, de la mixité sociale. La concentration de la pauvreté, du mal-logement, de l’habitat insalubre et des marchands de sommeil dans certaines villes de France n’est pas qu’une vue de l’esprit. Vous êtes nombreux ici à être fortement impliqués en matière de logement et à bien connaître ces sujets. Il ne faut jamais oublier que les politiques que nous menons ont un impact considérable sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
Le volet du projet de loi que je m’apprête à défendre s’inscrit dans le cadre d’une récente et vigoureuse évolution législative qui a impliqué plusieurs d’entre vous : Michel Piron, rapporteur de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, Audrey Linkenheld, rapporteure de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ainsi que de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), Annick Lepetit, rapporteure de la loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, et François Pupponi, rapporteur de la loi ayant permis la réforme d’Action logement, mais également Benoist Apparu, qui fut ministre chargé du logement avant 2012. Au cours de ces dernières années, nous avons voulu améliorer considérablement l’ensemble du corpus législatif sur les questions de logement pour rendre nos politiques plus efficaces et plus équitables, mais aussi pour doter nos territoires d’outils qui répondent enfin aux besoins de logement de notre pays. Malgré une hausse de la construction, ces besoins restent en effet importants. Souvenons-nous que la loi SRU, adoptée il y a quinze ans, a permis de construire plus de 450 000 logements sociaux dans des communes déficitaires. Même s’il reste beaucoup à faire pour qu’elle soit mieux appliquée et mieux adaptée aux territoires, elle a porté ses fruits. Quant à la loi instituant le droit au logement opposable (DALO), elle a permis le relogement plus de 100 000 personnes.
Je tiens à répéter ce que je vous ai déjà dit à plusieurs reprises : ce projet de loi n’est pas un énième texte sur le logement. Il vise à favoriser l’égalité et la citoyenneté. Il tend à développer la mixité sociale grâce aux politiques de logement et à remettre en question des pratiques anciennes de ségrégation territoriale. Les propositions qui vous sont faites sont aussi liées aux travaux qui ont été menés dans le cadre de trois comités interministériels « Égalité et citoyenneté ». Elles s’inspirent par ailleurs de réflexions qui avaient déjà été présentées lors de la discussion du projet de loi ALUR et au cours de la grande concertation sur les attributions de logements sociaux – qui, en raison d’un chevauchement des calendriers, n’avait pas donné lieu à une traduction législative immédiate. Enfin, ce texte s’inscrit pleinement dans le cadre de la réforme des intercommunalités qui impose des fusions de communes, la création de très grandes intercommunalités et la recomposition de nombreux territoires. Cette réforme implique que nous adaptions certaines dispositions pour assurer un équilibre entre l’affirmation d’objectifs nationaux et leur régionalisation, afin de mieux répondre aux besoins des territoires.
Le titre II du projet de loi se décline en trois parties.
La première pose quelques principes majeurs en matière d’attribution de logements sociaux. Elle énonce l’objectif d’attribution de 25 % de logements sociaux aux ménages du premier quartile de revenus en dehors des quartiers de la politique de la ville (QPV). Certes, cet objectif appelle beaucoup de remarques, mais il nous faut être lucides. Nous essayons de retenir des chiffres justes, mais ce n’est pas toujours entièrement possible, car nous n’avons pas toujours les statistiques relatives aux revenus des ménages entrant dans le logement social. Au niveau national, 19 % des logements sociaux sont attribués à ce premier quartile en dehors des QPV. Mais, à l’échelle régionale, voire intercommunale, ce chiffre tombe à 11 % en Île-de-France, à 16 % dans l’agglomération lyonnaise et à moins de 10 % dans de nombreux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), quand d’autres sont à 30 %. Cela est très lié à la localisation des logements sociaux, certes. Mais on s’aperçoit aussi que les ménages du premier quartile sont assez faiblement représentés dans l’ensemble des attributions de logements sociaux. Cela nous conduit à nous interroger sur les politiques d’attribution en tant que telles et à nous demander, à dossiers équivalents, quel ménage emporte l’attribution quand les revenus sont sensiblement différents.
Le projet de loi prévoit aussi d’améliorer la transparence et la coordination de ces attributions. Si les territoires ont fait énormément de progrès en la matière, il faut aussi que la loi apporte une impulsion très forte. Je tiens à le souligner d’emblée : je souhaite que l’application de ces dispositions se fasse avec les territoires et non pas que ces derniers subissent les décisions de l’État. Il convient de responsabiliser les territoires qui doivent certes respecter ces principes, mais aussi être pleinement engagés en ce domaine. C’est le cas dans beaucoup d’entre eux – où les conférences intercommunales du logement se mettent en place et où la pratique évolue fortement –, mais pas partout. Il nous faut donc montrer que la mobilisation est à la fois nationale et locale.
Ce premier volet comporte de nombreuses autres dispositions, mais je ne les détaillerai pas toutes : sans doute m’interrogerez-vous à leur propos.
Le deuxième volet du titre II concerne la politique des loyers des bailleurs sociaux. Possibilité leur est donnée, à loyer constant au niveau global, de permuter la localisation de leurs loyers. Il ne s’agit pas de les autoriser à augmenter leurs loyers, mais de leur permettre, là où il y a concentration du même type de loyers à l’échelle d’un bâtiment, de les faire bouger pour obtenir une plus grande mixité. Cette disposition répond à une demande qui nous a été adressée par de nombreux bailleurs.
Deuxième point qui, je le sais, sera discuté : le renforcement du supplément de loyer de solidarité (SLS). Certains combattent le principe même du SLS, d’autres en demandent le renforcement. Aujourd’hui, le surloyer concerne 4 000 à 4 500 locataires – ce qui est peu comparé au million de locataires du monde HLM. Il soulève néanmoins une question de justice sociale : un locataire a-t-il, jusqu’à la fin de sa vie, un droit au maintien dans un logement HLM, quelle que soit l’évolution de ses ressources ? C’est en fonction de la réponse que nous y apporterons qu’il conviendra ou non de renforcer le SLS. Je ne doute pas que nous parviendrons, au terme de nos débats, à trouver une solution médiane.
Point important : le projet de loi renforce les dispositions de la loi SRU – ce que vous avez déjà fait en 2013, en faisant passer l’objectif de construction de logements sociaux de 20 à 25 % et en renforçant les amendes applicables en cas de manquement à cette obligation. Ces mesures ont prouvé leur efficacité dans les communes qui se sont engagées à respecter la loi. Les amendes ayant considérablement augmenté, beaucoup de communes ont été incitées à signer des contrats de mixité sociale et à changer de politique. Néanmoins, il reste encore plus de 1 000 communes déficitaires et 220 qui font l’objet d’un arrêté de carence. Si l’ensemble des communes déficitaires et « carencées » produisaient les logements exigés par la loi, cela représenterait 700 000 logements sociaux supplémentaires d’ici à 2025. On comprend à quel point ce serait précieux, quand on songe que, chaque année, nous nous battons pour accorder des agréments en vue de construire 120 000 logements sociaux, et que ce sont des communes ayant déjà 25 % de logements sociaux, mais souhaitant augmenter leur capacité d’accueil, qui font l’effort de construction le plus important.
L’État mène une action vigoureuse en faveur de l’application de la loi SRU, en reprenant des permis de construire en lieu et place des villes. Nous l’avons déjà fait dans plus de vingt communes, ce qui nous a permis de lancer des opérations de construction de quelque 2 000 logements. Le projet de loi prévoit aussi de renforcer les prérogatives du préfet, afin qu’il puisse imposer des programmes de logements sociaux aux communes carencées. Nous avons décidé de prévoir des mesures coercitives – par exemple la reprise du contingent du maire – envers celles qui ne sont pas dans la négociation. Enfin, nous souhaitons reprendre le contingent préfectoral délégué à certaines communes, car nous nous sommes rendu compte qu’il ne permettait pas de reloger les publics prioritaires dans des pourcentages acceptables.
Pour terminer sur le volet « SRU », je tiens à souligner que la nouvelle carte des intercommunalités et la loi du 18 janvier 2013 nous conduisent à nous interroger sur les effets de seuil induits dans de toutes petites communes concernées par la loi SRU, mais qui n’ont pas de demande de logement social, voire qui ne trouvent pas d’opérateur pour construire chez elles, notamment dans des zones détendues caractérisées par un fort taux de vacance. C’est une question annexe par rapport à la masse des logements à construire, mais il nous faut regarder plus finement comment la loi peut s’appliquer sur ces territoires.
Enfin, le projet de loi comporte plusieurs mesures d’habilitation. Je sais que vous aurez plaisir à les étudier une à une. Nous ne rouvrirons pas le débat que nous avons eu avec Action logement. Certaines de ces habilitations visent à simplifier et à codifier des textes ; d’autres concernent des sujets importants – celle relative au statut des résidences universitaires, nécessaire depuis l’évolution de la loi ALUR, et une autre à propos des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne, qui, étant trop nombreuses, doivent être unifiées, en lien avec les réflexions menées par les maires. Nous avons choisi de procéder par habilitation pour agir rapidement – ce qui ne nous empêchera pas d’organiser une concertation, y compris avec les parlementaires, comme je m’y suis engagée en ce qui concerne la loi réformant Action logement.
Nous restons à votre entière disposition pour répondre à vos questions, même techniques, concernant les mesures du projet de loi et leurs conséquences dans les territoires.
M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II. Je me félicite de cette audition qui doit permettre d’apporter des éclaircissements concernant un texte sur lequel nous travaillons depuis une quinzaine de jours. En tant que rapporteur thématique sur le titre II, j’ai procédé à de nombreuses auditions qui ne sont pas encore tout à fait terminées. Je crois pouvoir dire que le texte reçoit un accueil plutôt bienveillant, quoique vigilant.
Vous l’avez dit, le projet de loi doit permettre d’adopter des mesures structurantes dans le domaine du logement pour favoriser concrètement le vivre-ensemble et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale par la construction de logements, ainsi qu’une réforme des attributions des logements sociaux et des politiques de loyers qui y sont pratiquées. Ces objectifs sont bien évidemment partagés sur tous les bancs. Mais, sur certains points, le texte mériterait d’évoluer afin de gagner en efficacité, de concentrer les efforts sur certains objectifs prioritaires et de laisser de côté des mesures symboliques ou cosmétiques, même si elles ont leur importance en politique – je pense notamment au supplément de loyer de solidarité (SLS).
L’obligation pour les bailleurs sociaux de consacrer au moins 25 % des attributions de logements sociaux, en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux demandeurs les plus pauvres semble une mesure acceptable. Elle est pertinente dans les zones tendues. Peut-être mérite-t-elle d’être adaptée dans les zones qui le sont moins et dans les communes et EPCI des zones tendues qui comportent de nombreux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et qui concentrent déjà beaucoup de pauvreté, y compris hors QPV. Le travail parlementaire devrait nous permettre de définir des mesures adaptées à ces différentes situations.
Par effet miroir, l’effort demandé hors QPV doit peut-être s’accompagner d’une mesure concernant les quartiers de la politique de la ville où, comme je viens de le dire, se concentre une grande pauvreté. Le projet de loi fixant un plancher hors QPV, peut-être faudrait-il fixer un plafond en QPV. C’est une question ouverte que je pose, sans avoir d’avis tranché.
Madame la ministre, vous avez évoqué la suppression de la possibilité de déléguer le contingent préfectoral aux communes. Cette mesure, sans doute justifiée dans certains cas, me semble un peu radicale dans son application : elle interviendrait un mois après la publication de la loi. Il me semblerait opportun de sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, mais pas ceux qui sont vertueux.
Les termes de « location choisie » pourraient prêter à confusion et laisser penser aux locataires ou à ceux qui aspirent à le devenir qu'ils pourront dorénavant choisir leur logement. Ce n’est pas ce qui est prévu. Sans doute faut-il donc être plus précis.
Toujours en matière d’attributions, il nous faut engager une réflexion sur l’utilisation des contingents : celui des collectivités, celui d’Action logement et celui de l’État. Il me semble nécessaire de faire en sorte que, dans l’articulation des attributions au niveau intercommunal, ce contingent puisse contribuer, plus qu’aujourd’hui, à l’effort exigé.
S’agissant de la révision des politiques de loyers, les dispositions de l’article 26 restant facultatives, elles seront utilisées par les bailleurs qui en ont la possibilité et auxquels cela est nécessaire. L’article 27 me semble plus problématique. Il supprime notamment toute possibilité pour les programmes locaux de l’habitat (PLH) de déterminer, dans les zones tendues, des quartiers où le supplément de loyer de solidarité ne s’applique pas et impose un plafonnement unique à 35 % des revenus, contre 25 % ou 35 % actuellement. Encore une fois, on ne peut pas à la fois dire que c’est dans les intercommunalités que sont définies les politiques et empêcher celles-ci d’utiliser des outils employés jusqu’à présent à bon escient par certaines et peut-être moins par d’autres.
En ce qui concerne l’article 55 de la loi SRU, je crois qu’on utilise intelligemment la loi ALUR. Il conviendra d’utiliser avec précaution le critère de pression, qui me paraît être un élément beaucoup plus objectif que le mécanisme, fort complexe, qu’on a pu utiliser jusqu’à présent pour déterminer les conditions d’exemption des communes. Le projet de loi simplifie le dispositif tout en le rendant plus coercitif, puisque celui-ci doit passer par l’établissement public de coopération intercommunale.
La mutualisation est, comme la délégation du contingent préfectoral ou la possibilité de moduler le SLS dans le cadre du PLH, une mesure mal utilisée par certains et détournée par d’autres alors que quelques vertueux essaient d’en faire un outil de développement de l’offre locative. Vous supprimez purement et simplement cette mutualisation : je préférerais qu’on essaie de trouver un compromis et peut-être de mieux encadrer cette mesure, de manière à éviter qu’elle soit détournée.
Nous devrons également débattre de la mobilisation accrue du parc privé. Je crois que nous sommes tous d’accord sur cet objectif. Reste à déterminer les moyens de l’atteindre.
Je terminerai par une remarque d’ordre général. Le texte oscille souvent entre une reprise en main par le préfet et un renforcement du rôle des EPCI, dans la lignée de la loi ALUR. Cela semble assez paradoxal quand on songe que d’autres dispositions du texte visent à suppléer à une certaine impuissance des préfets à faire respecter le droit en vigueur. La règle doit être la décision des intercommunalités et la sanction ne doit être appliquée qu’en cas de non-respect de la loi.
Nous avons là un bon texte qui devrait être encore amélioré par le travail parlementaire, dans un esprit d’ouverture et de compromis.
Mme Audrey Linkenheld. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je vous remercie, madame la ministre, pour vos propos et pour l’écoute dont vous faites preuve depuis que vous avez pris vos fonctions. Dans chacune des discussions que nous avons eues avec vous, nous avons pu constater votre esprit d’ouverture : vous vous inscrivez dans la continuité de la collaboration que nous entretenons avec votre ministère depuis le début de la législature.
Depuis plusieurs semaines déjà, le rapporteur thématique travaille d’arrache-pied. Ayant été co-rapporteure de la loi ALUR, je suis moi-même en train d’élaborer le rapport d’application de cette loi avec notre collègue Éric Straumann. J’ai donc conduit des auditions qui ont abordé les thèmes traités dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, et j’assiste à celles menées par Philippe Bies : on note une convergence entre nos constats et les propositions qu’il a déjà commencé à formuler. La continuité est nette entre ce projet de loi et des textes précédents, notamment la loi de 2013, qui renforce la loi SRU, et la loi ALUR.
Les politiques du logement demandent du temps et exigent des pouvoirs publics, des professionnels et surtout des citoyens, qu’ils fassent preuve de patience. La politique qui est menée depuis plusieurs années commence à porter ses fruits en termes de mises en chantier, de constructions et de rénovation. Toutefois, les réformes structurelles demandent encore plus de temps. La loi SRU et la loi ALUR ne peuvent produire leurs effets en quelques années à peine. De nombreux territoires se sont emparés des outils de la loi ALUR, mais sont loin d’être arrivés au terme de leurs travaux. Il faut du temps pour réunir une conférence intercommunale du logement et faire adopter par tous un accord collectif intercommunal ou une convention d’équilibre territorial, comme le demande la loi Lamy. Veillons à ne pas précipiter les choses. Le projet de loi Égalité et citoyenneté comporte des approfondissements, des améliorations, voire des corrections, qui sont légitimes et pertinentes, mais sans doute aussi quelques dispositions qui nous rappellent que le mieux est parfois l’ennemi du bien.
Ayant eu l’occasion de rapporter deux textes successifs, je sais que, lorsqu’on travaille sur un projet de loi, on ne veille pas toujours à la publication des décrets d’application de la loi précédente. Ayant fait un bilan de la loi ALUR il y a trois mois, nous constatons qu’un pourcentage important de ses décrets ont été publiés, mais qu’il en manque encore, notamment sur l’habitat indigne. J’ai entendu avec satisfaction ce que vous disiez sur la nécessité de travailler ensemble. Nous avions déjà largement entamé ce débat lors de l’examen du projet de loi ALUR. Certains territoires fonctionnent bien, d’autres moins. Les dotations ne sont pas extensibles et on risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Au-delà de l’unification des polices, les choses fonctionneraient mieux si le décret relatif à la déclaration de mise en location prévue dans la loi ALUR était publié. Philosophiquement, nous sommes parfaitement en phase, mais rien ne serait pire, dans un texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté réelles, que d’affirmer des principes sans avoir la certitude qu’ils trouveront une application concrète.
Philippe Bies a déjà largement évoqué les questions que se pose notre groupe. La première est de savoir comment adopter des principes nationaux tout en veillant à les appliquer au mieux aux réalités locales. Sur le principe, nous ne pouvons que soutenir l’objectif d’attribuer 25 % des logements sociaux hors QPV aux ménages les plus fragiles. Mais ce taux est-il adapté à toutes les réalités locales ? Nous aurons à œuvrer ensemble à l’articulation entre ces deux impératifs. J’en dirai autant de l’application de la loi SRU. Des difficultés peuvent se présenter ici ou là : vous avez dit vous-même qu’elles étaient marginales. Faut-il pour autant remettre en cause des équilibres plus globaux qui font relativement consensus ? Je suis très attachée à ce qu’on ne bouleverse pas le compromis auquel nous sommes parvenus sur la loi SRU. Quant à la question du SLS, il faut, là aussi, constater une tension entre le principe et les réalités locales. Paris, par exemple, est largement concerné par le surloyer. Mais, même si l’encadrement des loyers y est effectif depuis un an, les loyers privés restent encore difficilement accessibles pour tous.
La deuxième question concerne l’articulation entre, d’une part, le rôle des intercommunalités et celui du préfet, et, d’autre part, les moyens dont dispose celui-ci. En dépit des prérogatives qu’on accorde au préfet, l’État a en réalité du mal à exercer son pouvoir localement, faute de moyens humains, voire financiers. Enfin, quelle est l’articulation globale entre les différents contingents de logements ? Nous n’arriverons à loger partout les populations les plus défavorisées que lorsqu’il y aura régulation de l’ensemble des acteurs, et la mixité sociale dans l’habitat ne sera effective que si l’ensemble des acteurs sont réunis autour de la table – y compris l’État, qui ne doit pas se trouver dans une filière séparée.
M. Sylvain Berrios. Depuis la loi SRU, la politique du logement n’a pas réellement fait ses preuves. Pourquoi n’a-t-on pas remporté tous les succès escomptés ? On peut s’interroger sur le rôle des maires, des intercommunalités et de l’État. S’agissant de la capitale par exemple, le logement est désormais une compétence de la métropole du Grand Paris. Quant aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ils relèveront de la compétence des conseils de territoire. Or la loi SRU s’applique, elle, au niveau communal. La gouvernance du logement soulève donc naturellement des interrogations. J’ai cité le Grand Paris, mais on pourrait prendre d’autres exemples, sur le territoire national, d’imbrication des rôles des différents acteurs – qui méritent d’être mieux coordonnés dans leur action.
La contractualisation avec les communes et, plus généralement, avec les acteurs susceptibles de produire du logement social, est probablement une bonne chose. On a vu à quel point les constructions s’étaient accélérées ces dernières années. Donner l’impression que l’on retire la possibilité de contractualiser et remettre entre les mains de l’État l’intégralité de la politique du logement dans les villes dites carencées ou déficitaires revient à décourager ceux qui ont fait le choix de recourir à cette méthode. Quel sera le rôle des uns et des autres en cas de retrait de cette possibilité ?
Le taux de pression peut aussi être un taux de rupture. Il peut arriver un moment où, les communes ne pouvant plus agir, elles poseront le stylo et ne feront plus rien. N’imaginez pas que l’État ou l’intercommunalité puisse se substituer aux communes. C’est théoriquement possible, mais opérationnellement infaisable. Vous ne bâtirez pas des mètres carrés de logement social en quantité importante dans nos territoires sans associer les villes et leurs habitants à ces projets.
L’objectif de mixité est aujourd’hui assez largement partagé, mais j’attire votre attention sur le pourcentage d’attributions aux ménages modestes que vous proposez d’imposer hors QPV. Il peut très bien arriver que les quartiers prioritaires soient fuis et se retrouvent dans une situation encore plus délicate du fait de cet abandon. Évitons d’aggraver, au détour d’une loi technique, les difficultés de ces quartiers ; veillons au contraire à les rendre plus attractifs.
Enfin, vous vous êtes demandé si l’on pouvait avoir un logement social à vie, quelle que soit l’évolution de ses revenus. C’est toute la question du parcours résidentiel. Il ne faut pas mettre de côté dans tous les territoires l’ensemble des moyens de construire ou de satisfaire à la demande de logement social ou para-social – usufruit locatif social, logement étudiant ou autre. Veillons à ne pas casser ce qui fonctionne. Nous aurions intérêt à intégrer l’ensemble d’un parcours résidentiel et l’ensemble des formes de logements susceptibles de bénéficier d’une aide.
M. Michel Piron. J’ai apprécié, madame la ministre, que la présentation du projet de loi ait fait l’objet d’annonces assez modestes. Il s’agit en effet d’un vrai texte d’ajustement, ne prétendant pas forcément au Grand Soir – que l’on sait trop souvent suivi de petits matins.
Je formulerai, concernant les mesures très opérationnelles et concrètes de ce titre II, quelques observations et questions. La faculté pour les bailleurs sociaux de moduler les loyers me semble aller dans un sens tout à fait recommandable. À masse globale de loyers identique, on peut parfaitement opérer de meilleures modulations pour favoriser la mixité sociale – qui n’est d’ailleurs pas qu’une mixité résidentielle, mais qui doit aussi passer par des règles d’urbanisme visant à favoriser la mixité fonctionnelle. De la même manière, me paraît tout à fait recommandable la mesure très concrète interdisant le refus d’un logement social sur le fondement exclusif de l’absence de lien avec la commune. Le critère de mobilité géographique et de lien avec l’emploi, élément essentiel de mixité fonctionnelle, me paraît aussi aller dans le bon sens.
S’agissant du DALO, nous devons être vigilants. Nous sommes tous sollicités
– moi-même, pas plus tard qu’hier au Conseil national de l’habitat – en vue d’en élargir le champ. Mais, quand tout devient prioritaire, il n’y a plus de priorité. J’en profite pour vous dire que j’ai salué le travail accompli par le préfet Alain Régnier lorsqu’il était délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Le jour où il a eu le pouvoir d’adresser des injonctions aux préfets sur l’ensemble du territoire, cela s’est traduit dans l’année qui a suivi par la résorption quasi totale du stock d’ayants droit, en dehors de Paris et de l’Île-de-France, où l’on manque de logements, à moins de mettre des gens à la porte pour en loger d’autres à leur place. Le contingent préfectoral a, en l’occurrence, parfaitement joué son rôle. Si l’on n’a pas tout à fait atteint les objectifs affichés – qui étaient d’ailleurs plutôt des intentions que des objectifs –, un progrès a incontestablement été accompli grâce à cela.
La disposition prévoyant l’attribution de 25 % de logements sociaux aux ménages du premier quartile est très importante. Je salue aussi le fait que soit clairement affichée dans ce texte l’idée que la mixité sociale ne consiste pas seulement à installer des gens riches au milieu des pauvres, mais aussi des personnes appartenant aux déciles médians. La mixité se fait aussi bien par le haut des revenus que par le bas. Elle n’est pas à sens unique. Que le préfet se voie doté d’un véritable pouvoir en la matière me semble tout simplement relever d’un droit régalien. Moi qui suis girondin, je demande à l’État d’être là où il le faut, ce qui, en l’occurrence, est bien le cas.
Eu égard aux droits des locataires, à leurs limites, voire peut-être aux devoirs de ces mêmes locataires, il me paraît parfaitement bienvenu et justifié de tenir compte du fait que certains demandeurs ont déjà refusé un logement adapté.
En ce qui concerne la hausse des loyers, qui, d’une année sur l’autre, peut être plafonnée à 5 % en sus de l’indice de référence des loyers, je demanderai que l’on réfléchisse à la base d’où l’on part. Il serait peut-être utile d’avoir, en sus de ces 5 %, une deuxième clé, telle que le montant de loyer acceptable dans un logement social. Je déposerai éventuellement un amendement sur ce sujet. Il me paraîtrait important de ne pas se contenter de ce seul pourcentage.
Cette remarque me conduit à évoquer le SLS. Je me souviens des cris d’orfraie poussés à ce sujet en séance publique lors du débat sur la loi de mobilisation pour le logement. Cela avait d’ailleurs donné lieu à des alliances assez baroques, dépassant largement les clivages partisans. Vous avez indiqué que 4 000 locataires étaient concernés par le surloyer. Je crains que la faiblesse de ce chiffre ne démontre surtout que le SLS n’est pas toujours utilisé quand il devrait l’être. Je suis d’accord pour rendre le supplément de loyer plus dissuasif. Cela étant, il s’agit de ne pas se laisser impressionner par des gens qui oublient de dire d’où l’on part. À l’époque, certains ont poussé des lamentations vigoureuses en apprenant que les loyers étaient multipliés par trois ou quatre : ils avaient simplement oublié de préciser quel était le loyer de départ. Je rappelle qu’une loi qui n’a pas été abrogée interdit qu’un loyer du parc social dépasse 25 % des ressources du locataire. Les personnes susceptibles de passer à un loyer de 1 500 ou 1 800 euros avaient donc un revenu au minimum quatre fois supérieur. Vous avez aussi raison de souligner les limites du droit au maintien dans les lieux.
S’agissant des PLH, on pourrait discuter des délais accordés, mais cela me paraît raisonnable.
Le fait d’exiger que la déclaration d’intention d’aliéner, qui doit être adressée au maire, soit parallèlement adressée par le notaire au préfet revient à préjuger de la mauvaise foi du maire. Je préférerais qu’on oblige ce dernier à transmettre le double au préfet, plutôt que d’avoir l’air de considérer que, systématiquement, le maire ne ferait pas son travail.
La question des locations meublées – dont le nombre augmente considérablement avec le phénomène Airbnb – méritera peut-être qu’on y regarde de plus près.
J’ai entendu parler d’améliorations à venir concernant l’habitat indigne : je demande à voir, car j’ai entendu, à ce sujet, des propos qui pourraient conduire à des remèdes pires que le mal.
Enfin, je serais heureux que l’on puisse me donner des explications permettant d’y voir plus clair dans la gouvernance du logement à Paris et en Île-de-France.
M. André Chassaigne. Nous partageons pleinement la préoccupation centrale du projet de loi, qui consiste à combattre la ségrégation et le phénomène des ghettos. Certaines dispositions risqueraient cependant d’aller à l’encontre de cette volonté d’améliorer la mixité sociale ; nous devons demeurer très attentifs à ne pas détériorer le modèle de logement social construit dans notre pays.
Parce qu’un certain volontarisme est nécessaire, des propositions vont dans le bon sens : c’est le cas du recours aux quotas, et l’objectif de réaliser 25 % des attributions en dehors des QPV au bénéfice des demandeurs les plus modestes est une bonne mesure. Le fait que les réservataires doivent affecter les logements disponibles aux publics prioritaires, notamment les bénéficiaires du DALO est aussi très positif.
Cependant, nous sommes plus réservés devant l’avènement du jacobinisme de l’intercommunalité : la conférence intercommunale du logement se traduirait par une forme de recentralisation qui affaiblirait les maires et les politiques qu’ils peuvent conduire. De fait, les conceptions de certaines municipalités ne sont pas nécessairement partagées à l’échelon intercommunal. Cette mainmise de l’intercommunalité risquerait d’avoir des effets pervers : cela relève d’un choix démocratique auquel nous devons rester très attentifs.
La perte du droit au maintien dans les lieux des familles appartenant à la classe moyenne ne doit pas être augmentée dans des proportions susceptibles d’aggraver la ghettoïsation. Les équilibres pouvant être trouvés dans des quartiers, dans des bâtiments, dépendent de ce maintien dans les lieux.
De même, le plafond de ressources qui avait été minoré pour l’accession au logement social devrait être réévalué, faute de quoi la mixité sociale serait compromise, et nous n’atteindrions pas nos objectifs.
Nous devons encore être attentifs à ce que les augmentations des loyers n’aient pas de conséquences sur la santé financière de certaines familles se trouvant déjà en situation de grande difficulté. Il convient de ne pas se laisser aller à une spéculation intellectuelle qui conduirait à imaginer des outils susceptibles d’apporter des solutions en dehors de toute réalité.
Enfin, le logement social a besoin de plus de démocratie, notamment dans la représentation des locataires au sein des conseils d’administration, et nous déposerons des amendements portant sur cette question, mais je ne doute pas que certains de nos collègues partagent cette préoccupation.
M. Yves Nicolin. Madame la ministre, êtes-vous prête à accepter un amendement permettant de déroger, pour les secteurs très détendus, aux quotas obligatoires de logements sociaux ? Ma ville de Roanne a perdu 40 % de sa population en trente ans, passant de 55 000 à 38 000 habitants, et se retrouve à la tête de 4 000 logements vides, avec un quota de 32 % de logements sociaux. Dans notre voisinage se trouvent des villes de 5 000 ou 10 000 habitants, telles Riorges et Villerest, que l’État veut obliger à atteindre ces quotas qu’elles n’ont pas remplis ; chaque fois qu’elles construisent des logements sociaux – ce qu’elles ne sont pas toujours en mesure de faire –, nous vidons les nôtres, ce qui nous oblige à les démolir.
Je souhaite donc qu’une liste de dérogations puisse être établie à l’échelon ministériel ou préfectoral afin que les particularités de certains territoires soient prises en compte. Je transmettrai donc un amendement à notre rapporteur, qu’il pourra reprendre en son nom s’il le souhaite.
M. Marcel Rogemont. On ne peut que se féliciter de l’objectif du projet de loi, qui entend favoriser l’accueil des ménages les plus modestes dans des logements sociaux hors QPV. Pour cela, vous avez tout à l’heure suggéré aux bailleurs sociaux – mais c’était presque à votre corps défendant – de diminuer les loyers dans certains secteurs, ce qui, à quittancement égal, implique de les augmenter ailleurs. Dans le cadre de l’ANRU, un dispositif permet au bailleur de baisser le loyer, en récupérant dix ans d’écart au titre de ce qu’il aurait touché sans cette diminution. Ne serait-il pas possible d’étendre cette mesure de bon sens ? Ainsi, les fonds d’épargne pourraient être utilisés au découplage des loyers du mode de financement du logement. Cette mesure favoriserait l’accueil des familles les plus modestes : il s’agit d’une ardente obligation.
M. François Pupponi. Le projet de loi va dans le bon sens, mais pourrait être amélioré sur un point. Proposer 25 % minimum de logements sociaux hors QPV constitue une excellente mesure, mais certains acteurs du logement ont pris de mauvaises habitudes et je crains qu’ils ne traduisent « 25 % minimum » en « 25 % tout court », et qu’ils persistent à laisser 75 % des logements concernés dans les QPV. Or, si nous ne mettons pas un terme à l’attribution de logements aux publics prioritaires dans ces QPV, nous continuerons à créer des ghettos, et, quels que soient les réservataires, à loger, par facilité, les populations les plus fragiles dans les mêmes quartiers.
Dans ces communes où les QPV représentent 30 % à 40 % des habitants, c’est-à-dire là où réside une quasi-majorité de populations extrêmement pauvres, ne serait-il pas souhaitable d’instituer une commission d’attribution des logements à laquelle tous les réservataires participeraient ? Certes, les conférences intercommunales et les conventions de la « loi Lamy » existent, mais, lorsqu’elles se réunissent pour attribuer des logements, certains ont tendance à oublier les diverses conventions qui ont été passées.
Le Président de la République a indiqué qu’il souhaitait appliquer une TVA réduite à 5,5 % dans les QPV et dans une bande de 500 mètres autour de ceux-ci. Est-ce bien le moment d’adopter cette mesure ? Des amendements porteront sur des avantages fiscaux destinés à différents acteurs du logement, afin que, pour favoriser la mixité sociale, des logements – soit intermédiaires, soit d’accession à la propriété – soient créés dans les QPV ou autour d’eux. Cette mesure, en effet, ne figure pas dans le projet de loi : s’agit-il d’un oubli ou d’une bonne surprise réservée pour la séance publique ?
M. Jean-Louis Bricout. Ce projet de loi ne me paraît pas prendre en compte les disparités existant entre les zones rurales et les zones d’habitat plus dense. Toutes les zones ne sont pas tendues, et les investisseurs bénéficiant du dispositif Pinel ne sont pas présents en zones rurales. Cependant, des bailleurs indélicats investissent dans ces zones, car le prix de l’immobilier y est bas, et le retour sur investissement assuré, puisque le versement des loyers est garanti par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Une grande concentration des quartiers prioritaires est constatée dans les villes bourgs-centres en milieu rural, ce qui est cause de déséquilibre au regard des questions propres à la ruralité.
Les enjeux portent plus sur la réhabilitation de logements que sur la construction. Les dispositifs incitatifs sont connus : programmes d’intérêt général, offices publics de l’habitat (OPH)… Cependant, les pouvoirs de police du maire ne doivent pas être négligés, car il est parfois nécessaire d’user de coercition à l’encontre des bailleurs indélicats. À ce titre, dans le cadre du règlement sanitaire départemental, les logements insalubres peuvent être contrôlés. Je souhaiterais toutefois que le projet de loi institue la notion d’insécurité économique des locataires. Il arrive parfois, en effet, que les bailleurs indélicats, louant des logements qui sont de vraies « passoires énergétiques », aggravent les difficultés économiques de leurs locataires.
Mme Nathalie Appéré. Plusieurs de nos collègues ont souligné l’intérêt des dispositions figurant dans ce projet de loi en matière de modulation des loyers. L’expérience montre à quel point la question des loyers peut limiter une authentique politique de peuplement ou de mixité sociale. La paupérisation des demandeurs – constatée dans tous les territoires – conduit parfois à n’attribuer, pour des raisons de solvabilité des ménages, que des logements dont les loyers sont considérés comme très bas en raison de leur date de construction. Il convient donc de ne pas se limiter à des quotas d’attributions hors QPV, mais de combiner ces attributions avec une politique de loyers adaptés afin de ne pas être contraint, dans les zones hors QPV, à n’attribuer à des ménages que quelques blocs de logements sociaux anciens qui risqueraient alors de constituer les QPV de demain.
Certaines dispositions du texte permettent aux bailleurs d’augmenter les loyers, de façon à conserver un quittancement égal. On risque ainsi un renchérissement du parc qui le rendrait encore moins accessible à certains ménages. Ne pourrait-on imaginer, pour des territoires volontaires qui répondraient à certains critères, une politique territoriale de loyers imposant à l’échelon de l’EPCI, dans le cadre de la signature des conventions d’utilité sociale, des loyers dits « uniques », que ce soit dans des zones de QPV ou en dehors ? Un tel dispositif permettrait d’éviter certaines contraintes et homothéties entre difficultés des ménages et niveau des loyers.
M. Jean-Marie Tétart. À l’instar de Michel Piron, je salue le propos prudent de Mme la ministre, qui montre qu’elle ne veut pas tout bouleverser, car les dispositions de la loi ALUR, par leurs contraintes et leurs incitations, créent parfois des effets d’aubaine. Il faut toutefois être attentif à ne pas contrarier à l’excès certains acteurs pourtant bien disposés au départ par des mesures telles que la suppression de la mutualisation par territoire ou l’impossibilité de réserver les logements aux résidents des communes. En effet, il ne faut pas oublier que les communes contribuent au titre des charges foncières notamment, dont la contrepartie est attendue des habitants : le dispositif doit être lisible. Je souhaite donc que cette retenue caractérisant le projet de loi perdure au cours de la séance publique, car indisposer les intéressés en cette période délicate ne pourrait qu’être contre-productif.
Mme Pascale Got. Le logement saisonnier est le grand absent du texte qui nous est soumis. Le public concerné ne pourrait-il pas être pris en compte lors de la construction de logements sociaux en se fondant sur la notion d’occupation temporaire, et en déterminant un mode de calcul des loyers adapté ?
Mme Anne-Christine Lang. Je ne reviendrai pas sur la question du SLS et du maintien dans les lieux, qui a été évoquée comme un sujet « parisien ». En revanche, la disposition du projet de loi imposant que 25 % des attributions réalisées en dehors des QPV soient consacrées aux demandeurs les plus modestes ou aux ménages relogés dans le cadre du renouvellement urbain ne risque-t-elle pas d’aboutir à la création de nouveaux QPV, avec une incidence bien connue sur la mixité sociale en milieu scolaire ? C’est le risque encouru si les 25 % sont concentrés aux mêmes endroits. Dès lors, pour les grandes villes, ne serait-il pas possible de trouver un échelon plus pertinent – celui de l’îlot, d’un groupe d’immeubles, voire du quartier –, afin de mesurer la mixité lors de l’attribution des 25 % hors QPV ?
M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Le rapporteur Philippe Bies a souligné l’ensemble des progrès apportés par ce projet de loi, présents dès son titre, avec le terme d’« égalité ». Toutefois, trois thèmes n’ont pas encore été abordés.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler – car nous sommes souvent interrogés à ce sujet – l’ensemble des dispositifs concourant de concert à la garantie universelle des loyers pour les jeunes ?
Ma deuxième question porte sur l’accès des jeunes au logement social, plus particulièrement des jeunes en formation. Le pourcentage de l’ensemble des jeunes de moins de trente ans concernés a quasiment été divisé par deux en quinze ans, puisqu’il est passé de 15 % à 8 %. Quel est l’état d’avancement de la réflexion du Gouvernement et quelles sont ses intentions dans ce domaine ?
Enfin, l’action de groupe constitue un enjeu important de démocratie et fait la part belle à la participation et à l’engagement citoyen ; en l’évoquant, je ne fais donc que souligner l’interpellation de notre collègue André Chassaigne dont je partage les vues. Quelles sont les réflexions en cours sur ce sujet ?
Mme la ministre. L’objectif d’attribution de 25 % de logements aux ménages du premier quartile ne concerne pas que les zones tendues : certaines zones tendues disposent d’une répartition équitable de leurs attributions à tous les ménages, d’autres en sont dépourvues ; il en va de même pour les zones détendues. Ces situations sont souvent liées à l’histoire du parc HLM ainsi qu’à des pratiques locales. C’est pourquoi les décisions d’attribution de ces 25 % doivent être prises en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les élus locaux.
Les intercommunalités jouent un rôle majeur et doivent prendre toute leur part à une sortie durable de la crise du logement. En raison de leurs structures mêmes, elles conduisent les maires, quelle que soit leur coloration politique, à dialoguer et à réfléchir ensemble au-delà des frontières communales. Aujourd’hui, toutes celles qui ont pris à bras-le-corps les questions d’hébergement, de logement, d’aménagement et de stratégie foncière s’en sortent.
J’ai été membre du « comité des sages » lors des travaux de la commission de concertation sur les attributions de logements sociaux, et je suis persuadée que, lorsque les conférences intercommunales et les conférences interbailleurs d’attribution des logements sociaux mailleront l’ensemble des territoires, nous disposerons d’outils beaucoup plus efficaces pour assister les maires et les préfets dans le domaine du peuplement. De fait, lorsque l’État presse les préfets d’être plus diligents et plus directifs, c’est bien parce que la négociation n’a pas abouti.
Aujourd’hui, les communes peuvent proposer l’extension de l’exonération du surloyer, au-delà de leur zone de QPV, dans le cadre de leur programme local de l’habitat (PLH). Pour le moment, le projet de loi prévoit la réduction de cette possibilité d’extension, notamment dans les zones tendues. La question du surloyer concerne surtout Paris. Toutefois, il serait souhaitable de savoir quels sont les revenus concernés. Actuellement, un célibataire gagnant 2 500 euros mensuels peut accéder à Paris à un logement financé à l’aide d’un prêt locatif social (PLS). La loi lui permet donc de disposer d’un revenu de 5 000 euros et de payer un surloyer représentant au maximum 25 % de son revenu, soit 1 200 euros de loyer, mais il demeure éligible au logement social. De même, un couple avec deux enfants disposant d’un revenu de 2 500 euros – ce qui n’est pas très élevé pour Paris –, dans le cadre d’un logement financé à l’aide d’un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), acquitte un surloyer équivalent à deux fois son revenu, limité à 25 %.
Le surloyer concerne des classes moyennes disposant des capacités de se loger dans le parc privé. Cela ne leur interdit pas de demeurer dans le logement social, mais personne ne croira qu’il s’agit uniquement de la question du maintien. Pourquoi les bailleurs ne proposent-ils pas à leurs locataires éligibles au surloyer dans le cadre d’un PLAI des logements construits à l’aide d’un prêt locatif à usage social (PLUS) ? Pourquoi ces bailleurs refusent-ils de travailler à la gestion locative de proximité et à la mobilité ? La marche à gravir est-elle trop haute ? Il faut étudier attentivement en quels endroits le surloyer est appliqué. C’est en effet un phénomène parisien : rares sont les quartiers de la capitale qui en sont exonérés. Beaucoup de communes sont aujourd’hui exemptées du surloyer, même si elles luttent contre lui. Ce débat ne doit pas être dogmatique, mais pragmatique ; il faut aussi prendre en considération la position de ceux qui ne bénéficient pas du logement social, alors qu’ils sont demandeurs. Je peux comprendre que des bailleurs considèrent que les publics les plus aisés favorisent une réelle mixité sociale au sein de leur parc de logements.
D’un autre côté, bien des personnes sont exclues du logement social, en particulier dans les zones tendues, et le surloyer constitue un instrument de justice sociale. Aujourd’hui, 4 500 personnes acquittent un surloyer et, malgré tout, sont maintenues dans les lieux. Il est d’ailleurs prévu que, dans le cadre de sa politique de préemption d’immeubles, la ville de Paris – qui a demandé cette mesure – exempte de surloyer pendant trois ans les personnes entrant dans le logement social, car les immeubles sont captés par le parc privé.
Notre intention n’est pas de vider les logements sociaux de la classe moyenne ; notre priorité est de prévenir la paupérisation du logement social, qui n’est pas due au SLS, mais à la concentration des loyers les plus bas dans les mêmes quartiers et dans les mêmes villes, ainsi qu’à l’absence de politiques pertinentes de peuplement.
C’est par la loi et par la mobilisation des élus que nous parviendrons à changer les politiques d’attribution des logements sociaux. Les politiques intercommunales constituent à cet égard l’un des éléments clés de notre arsenal. Il est inconcevable que des communes continuent de connaître vingt ou trente bailleurs sociaux et des commissions d’attribution de logement (CAL) quotidiennes. Cela n’a plus aucun sens ! Dans les zones très tendues, notamment dans la région Île-de-France, les dossiers sont mal étudiés, les offres ne sont pas les bonnes et les élus sont épuisés.
La loi SRU a des effets très positifs : bien des communes se sont engagées et beaucoup de logements ont été produits. Celles dans lesquelles le taux de pression est extrêmement fort restent attentistes, et les permis de construire délivrés ne concernent que le parc privé : aucun logement social n’est créé. Nous devons donc rester vigilants. Roanne est exemplaire de la zone détendue appelant des ajustements. Quelques zones connaissent un taux de pression proche de zéro, et des logements y sont vacants : elles ne sauraient être concernées par la loi SRU. Certaines communes du département de la Loire, proches de la ville de Saint-Étienne, soumises à la loi SRU, sont ainsi exemptées d’amende. Cependant, l’exemption de pénalité relève aujourd’hui du ministre chargé du logement, sur information des préfets, et un dispositif législatif serait préférable. C’est en quelque sorte ce que prévoit le projet de loi, par le biais de l’ajustement de l’application de la loi SRU pour les communes au sein desquelles le taux de pression est nul et où la question de la création de logements sociaux ne se pose pas. Les territoires qui se trouvent dans cette situation sont assez peu nombreux, ils sont bien connus et ce sont eux qui ont nourri notre réflexion. L’application des mesures législatives concernant le logement nécessite du temps. C’est pourquoi ce projet de loi tend à améliorer ou à approfondir les dispositifs en vigueur : il ne se propose pas de bouleverser l’existant.
Monsieur Piron, le texte ne prévoit pas d’étendre les critères d’élection au droit opposable au logement et se borne à préciser quel est le public prioritaire, sans apporter de modification dans ce domaine. Vous m’avez par ailleurs interrogée sur la conduite de la politique du logement en Île-de-France et la perspective d’une réelle intercommunalité pour cette région. Aux termes de la loi, la métropole du Grand Paris peut se saisir de la politique du logement, de l’hébergement et du droit opposable au logement. Il serait en effet très positif que la métropole s’empare du sujet, à la condition qu’elle le traite en totalité, car il constitue un tout dont aucune partie ne saurait être détachée : il doit être considéré en bloc. Or, aujourd’hui, comme la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Île-de-France connaît de sérieux problèmes de logement : ils ne seront résolus que par une action simultanée sur la construction, la réhabilitation et la mobilisation du parc vacant.
Par ailleurs, l’avènement d’Airbnb conduit à s’interroger sur l’identité de l’autorité compétente sur le sujet : les territoires, à tous les échelons, ou, pour certaines régions, l’État ? En tout état de cause, il ne me semble pas que cette question revienne au ministère du logement.
Marcel Rogemont m’a interrogée au sujet de la baisse des loyers. La question n’est pas du ressort de la loi. La semaine dernière, j’ai annoncé que, grâce à la baisse du taux de commissionnement du livret A, 170 millions d’euros étaient mis à la disposition des organismes concernés, afin qu’ils puissent pratiquer des baisses de loyer. Les bailleurs sociaux disposant de logements financés à l’aide d’un PLS, qui sont plus chers que certains logements du parc locatif privé, sont particulièrement visés, et j’espère que les organismes HLM vont s’en saisir. Un dispositif particulier est applicable à la rénovation urbaine : des logements financés il y a plus de trente-cinq ou quarante ans ont été rénovés, et leur niveau de loyer est sans commune mesure avec ceux pratiqués par le passé.
Au demeurant, quand bien même elle ne relève pas du projet de loi, la question que vous posez n’est pas sans intérêt : faut-il détacher le prix des loyers du financement du logement social ? Chacun s’interroge et le sujet ne manquera pas d’animer le débat l’année prochaine, car, dans le cadre de l’aide au taux de commissionnement, l’ensemble des prêts contractés auprès de la Caisse des dépôts devront être renégociés.
M. Marcel Rogemont. Qui distribuera ces 170 millions d’euros ? Dois-je vous adresser la facture ? (Sourires.)
Mme la ministre. Cela n’est pas de mon ressort. Je songe plutôt à la Caisse des dépôts, mais mes services sauront vous fournir une réponse plus précise…
François Pupponi a considéré que de mauvaises habitudes avaient été prises et que l’ensemble des réservataires devraient se concerter. C’est effectivement une nécessité, et certains élus ont imposé cette pratique dans leur agglomération.
À l’occasion de l’inauguration d’un programme de logements sociaux neufs à Romainville, le Président de la République m’a demandé de mener une réflexion au sujet de l’opportunité d’étendre la zone de TVA réduite de 5,5 % de 300 à 500 mètres. Il ne s’agit donc pas de l’annonce d’une nouvelle mesure : la question devrait être débattue à l’occasion de l’examen de la prochaine loi de finances. Faut-il établir des zones de 500 mètres disposant d’un spectre très large ou convient-il, à l’occasion de l’aménagement d’une zone, d’étudier finement si le projet n’est pas contigu à un autre ? Tel est aujourd’hui l’état de nos interrogations. Le sujet est complexe, car la perspective de l’extension des zones soumises à un taux de TVA de 5,5 % à 500 mètres ne manquera pas de concerner les QPV, qui bénéficient de l’extension du périmètre d’application de cette exonération à 300 mètres depuis le 1er janvier 2015.
Par ailleurs, il est vrai que les zones rurales sont absentes du projet de loi qui est orienté vers la question de la ségrégation territoriale. Il n’en demeure pas moins que certaines zones rurales connaissent une forte demande de logement social : demain, à l’occasion d’une conférence de presse, je ferai des annonces relatives à la mobilisation du parc de logements vacants, notamment en centre-bourg ; ce qui correspond à une demande essentielle ne devant pas être occultée par le mouvement important de construction de logement en d’autres endroits. Dans ce domaine, les moyens sont au rendez-vous.
À Nathalie Appéré, j’indiquerai qu’une expérimentation de modulation des loyers est en cours à Rennes, et une disposition du texte vous permettra de mener à bien votre projet. Toutefois, seule la modification du loyer à la relocation est prévue par le texte, ce qui est très différent de votre expérience.
Mme Nathalie Appéré. Il s’agit des loyers pratiqués après relocation ou rénovation lourde.
Mme la ministre. En tout état de cause, nous pensons pouvoir répondre positivement à votre demande, car votre projet intéressant correspond parfaitement à la situation de votre territoire.
Le Gouvernement devrait déposer un amendement tendant à améliorer la transmission aux maires par les préfets de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), et prévoyant des pénalités. Ce sujet intéresse particulièrement les communes carencées.
Plusieurs députés ont fait part de leur crainte en considérant que le taux d’attribution de 25 % de logements risquait de conduire à la constitution de nouveaux ghettos hors QPV. Je rappelle que, à l’occasion d’une attribution, si un bâtiment se voyait occupé par 25 % de ménage du premier quartile, cela ne constituerait pas la création d’un ghetto…
Mme Audrey Linkenheld. Cela dépend de l’occupation de départ !
Mme la ministre. Installer des ménages pauvres dans des quartiers non QPV revient à les faire revenir là où ils ne sont pas nombreux.
Mme Audrey Linkenheld. Y compris dans les résidences ?
Mme la ministre. Certes, dans les résidences, mais nous ne raisonnons pas en termes d’adresses. La question est bien celle de la responsabilité des élus lors des attributions. Nous souhaitons que 25 % de ces attributions de logement aux ménages du premier quartile concernent des zones hors QPV, et il serait curieux que des bailleurs ou des élus procèdent à ces attributions dans un seul bâtiment.
Mme Anne-Christine Lang. Et s’il n’y a pas d’autre bâtiment disponible ?
Mme la ministre. J’ai la faiblesse de penser que, dans les zones très denses, il y a plusieurs bâtiments. Dans ce cas, nous devons réfléchir aux politiques des loyers… Nous pouvons aussi décider de ne rien faire, et continuer comme avant, ce que font d’ailleurs de nombreuses agglomérations…
Mme Audrey Linkenheld. La question est celle de la répartition.
Mme la ministre. Effectivement, il faut répartir ces ménages à l’échelle de l’EPCI, et les programmes de reconstruction y concourent ; c’est le cas à Paris dans les 14e, 15e, 16e et 17e arrondissements qui ont encore beaucoup à faire en matière de logement social, et où nous pourrons atteindre le taux de 25 % afin qu’il ne soit plus cantonné dans les 13e, 18e et 19e arrondissements. Dans les quartiers connaissant une carence de logements sociaux, il faut recourir aux PLAI. Il ne me semble pas que 25 % de ménages bénéficiant d’un logement financé à l’aide d’un PLAI constituent un signe de difficulté sociale, qui n’est pas toujours synonyme de pauvreté, comme on le constate dans nombre de villes d’Île-de-France
– Clichy-sous-Bois ou Sarcelles, par exemple –, où la difficulté surgit lorsque 90 % de la population d’une ville est du premier quartile, même lorsqu’il n’y a que 30 % de logements sociaux. Au sein des grandes métropoles, la répartition concerne l’ensemble du territoire. Rien ne s’oppose à la réalisation de cet objectif en Île-de-France où nous continuerons à construire des logements.
Dans certains quartiers, tous les enfants des familles du premier quartile sont scolarisés dans le même établissement. C’est pourquoi nous proposons que les attributions à venir soient situées hors QPV : il faut les amener dans d’autres quartiers. Lorsque j’étais élue régionale, j’ai financé dans le 16e arrondissement un programme de pension de famille : il a fait l’objet de quarante-sept recours, et les opposants étaient présents à l’inauguration ! Les enfants de ces familles se sont parfaitement insérés dans le quartier ainsi que dans les établissements scolaires, alors qu’il n’y avait aucun logement social.
Le taux de 25 % d’un volume d’attribution n’est pas inaccessible : il s’agit de 25 % de ménage du premier quartile de vos demandeurs, et la mixité doit aussi concerner les quartiers qui ne sont pas QPV.
À Razzy Hammadi, je rappelle qu’Action logement met en œuvre la garantie locative Visale, notamment destinée aux salariés en situation de précarité et aux moins de trente ans qui sont en activité ou en passe de l’être. Tout jeune titulaire d’une promesse d’embauche peut bénéficier de Visale, même s’il ne produit un contrat que dans l’année suivante. La garantie est gratuite et dure trois ans. Les apprentis sont éligibles à ce dispositif et peuvent, par ailleurs, bénéficier d’aides supplémentaires dispensées par Action logement, particulièrement lorsqu’ils se trouvent en situation de double ou triple hébergement. Ces aides sont malheureusement trop méconnues.
La caution locative étudiante (CLE) a aussi été mise en place il y a plusieurs années et distribuée par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) lorsque les jeunes déposent leur demande de logement étudiant. La procédure est dématérialisée.
À terme, nous souhaitons établir un portail unique susceptible de fournir aux jeunes une information précise, sans pour autant défaire le système actuel, déjà sollicité pour la rentrée du mois de septembre prochain ; car nous devons être attentifs aux étudiants entrant en université.
Par ailleurs, aux termes de discussions avec Action logement, nous avons étendu la garantie Visale aux chômeurs en mobilité, ayant besoin d’une aide au logement dans un nouveau territoire. Nous réfléchissons aussi à apporter une aide à l’ensemble des jeunes, notamment à ceux ne disposant pas d’un contrat de travail, mais aussi aux intermittents, ainsi qu’à ceux qui sont employés dans le cadre de la nouvelle économie du numérique et relèvent d’un statut particulier. Enfin, nous souhaitons prendre en compte les jeunes soutenus par la garantie jeune ou le service civique et qui voudraient bénéficier d’une garantie logement, même si leur statut est différent.
Les chiffres du logement social des jeunes sont meilleurs que nous le pensions. Les plus jeunes ne sont pas nombreux à adresser des demandes : ce sont les 25-29 ans qui fournissent le plus important contingent de premières demandes. Nous nous interrogeons sur la façon de faciliter leur arrivée au sein du dispositif, ce qui dépend pour une part des politiques de peuplement menées par les bailleurs.
Le projet de loi ne comporte pas beaucoup de dispositions ayant trait à la démocratie dans le domaine du logement. Vous avez évoqué l’action de groupe : je rappelle que les premières de ces actions ont porté sur des questions de charges locatives et de quittances au sein du logement social. C’est la menace de l’action de groupe qui a abouti à la négociation dans une situation bloquée depuis plusieurs années.
Au-delà du projet de loi, il me semble que tout ce qui relève de la mobilisation des locataires du parc social, mais aussi de leur information en général, est essentiel, et le ministère soutient les associations concernées. Toutefois, ne soyons pas candides : l’expérience des conseils et des tables de quartier montre des résultats très mitigés en fonction des territoires observés. La mobilisation des locataires constitue un atout pour la vie dans les quartiers difficiles, et il faut renforcer la relation existant entre les habitants et les élus.
Je n’ignore pas la pertinence du sujet du logement saisonnier soulevé par Pascale Got, qui constitue une sérieuse préoccupation. Nous ne disposons pas à ce jour d’outils adaptés à ce type de logement ; plutôt que de légiférer, nous souhaitons expérimenter dans plusieurs territoires des produits par nature temporaires, relevant à la fois de l’hôtellerie et de la location meublée. Nous éprouvons les plus grandes difficultés à trouver le modèle économique de ces logements à occupation saisonnière. Nous sommes confrontés à des situations de la plus grande indignité, et c’est ainsi que des jeunes ont trouvé la mort, dans une station de montagne, parce qu’ils vivaient dans leur caravane.
À l’occasion de la présentation éventuelle d’un nouveau projet de loi consacré à la montagne, nous souhaiterions être en mesure de proposer un cadre législatif adapté à ces situations.
Mme la présidente Annick Lepetit. Madame la ministre, nous vous remercions.
La séance est levée à dix-huit heures cinq.
——fpfp——
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »
Réunion du mardi 7 juin 2016 à 16 heures 15
Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Nathalie Appéré, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Jean-Louis Bricout, M. André Chassaigne, M. Guillaume Chevrollier, M. Philippe Doucet, M. Jean-Patrick Gille, Mme Pascale Got, M. Razzy Hammadi, Mme Gilda Hobert, Mme Anne-Christine Lang, M. Vincent Ledoux, Mme Annick Lepetit, Mme Audrey Linkenheld, M. Yves Nicolin, M. Rémi Pauvros, M. Michel Piron, M. François Pupponi, M. Jean-Marie Tétart, M. Pascal Thévenot, M. Patrick Weiten
Excusé. – M. Jean-Pierre Decool
Assistaient également à la réunion. – M. Patrick Ollier, M. Marcel Rogemont