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Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Mercredi 6 novembre 2013

Séance de 13 h 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Guy Geoffroy, président

– Table ronde, ouverte à la presse

– M. Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid

– Mme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid, accompagnée de Mme Agnès Bonneau, responsable de l’établissement de Grenoble, et de Mme Mme Hélène de Rugy, déléguée générale

La séance est ouverte à treize heures trente-cinq.

Présidence de M. Guy Geoffroy, président.

La commission spéciale procède à l’audition, au cours d’une table ronde, ouverte à la presse, de M. Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, Mme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid, accompagnée de Mme Agnès Bonneau, responsable de l’établissement de Grenoble, et de Mme Hélène de Rugy, déléguée générale.

M. le président Guy Geoffroy. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, Mme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid, accompagnée de Mme Agnès Bonneau, responsable de l’établissement de Grenoble et de Mme Hélène de Rugy, déléguée générale.

Notre commission spéciale est chargée de préparer l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, prévu en séance publique à partir du mercredi 27 novembre.

Nous avons souhaité auditionner les acteurs dont le point de vue sur le sujet est véritablement pertinent. Notre commission tiendra compte dans la mesure du possible de toutes les propositions d’évolution du texte qui pourraient lui être présentées.

Mme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid. L’Amicale du Nid, association indépendante et laïque fondée en 1946, s’est donné deux missions : l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de prostitution et des personnes en risque de prostitution ; la prévention, en particulier auprès des jeunes, la sensibilisation et la formation des acteurs – sociaux, éducatifs, police et justice – sur la lutte contre la prostitution.

Près de 200 salariés de notre association, dont le siège est basé à Paris, travaillent dans huit départements. Nos sept centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, fonctionnent en délégation de service public. Depuis sa création, notre association développe ses activités dans le cadre de l’abolitionnisme français et des ordonnances de 1960.

Chaque année, dans le cadre de notre première mission – que nous appelons l’« aller vers » –, nous rencontrons dans les rues et sur les routes près de 4 700 prostituées, et en accompagnons plus de 4 000, avec ou sans hébergement, parmi lesquelles un grand nombre de personnes étrangères et une très grande majorité des femmes.

L’année dernière, nos actions de prévention et de formation ont concerné 1 200 personnes, auxquelles peuvent être ajoutés les 1 800 étudiants montpelliérains auprès desquels nous avons mené une enquête sur la prostitution en milieu étudiant et dont les résultats seront publiés prochainement.

Nous souffrons beaucoup, en particulier les travailleurs sociaux, de la réduction de nos moyens ces dernières années – que ce soit les subventions ou la dotation globale de fonctionnement pour le financement des CHRS –, alors même que les coûts augmentent. Trois CHRS en particulier sont en situation de grande fragilité, à Lyon, en Seine-Saint-Denis et à Montpellier.

Notre accompagnement des personnes prostituées est à la fois généraliste et spécifique. Généraliste car il concerne l’accès au droit commun, en matière de logement, de santé, d’emploi, et la lutte contre la précarité et la misère. Spécifique car il s’adresse à des personnes en situation de prostitution, laquelle constitue à nos yeux une violence dont les conséquences sur la santé et la vie des personnes sont très graves. Il faut prendre acte de cette spécificité pour pouvoir réellement aider les personnes à reprendre en main leur vie, à retrouver leur autonomie, à se reconstruire. Ces actions d’accompagnement s’inscrivent forcément dans la durée et elles pèsent sur le coût des places, ce qui n’est pas toujours bien compris par le financeur. J’ajoute que nous avons aussi une obligation de protection de ces personnes. En accompagnant les personnes prostituées, en recueillant le récit de leur vie, nous comprenons le processus qui a conduit à les fragiliser et à les faire tomber sous la coupe de proxénètes.

Depuis deux ou trois ans, l’Amicale du Nid a inscrit dans ses statuts la possibilité d’accompagner les personnes prostituées adultes et mineures. Nous constatons en effet qu’un grand nombre de mineurs se prostituent. Cette problématique impose d’intervenir de toute urgence, mais nos moyens financiers ne nous le permettent pas à l’heure actuelle. La lutte contre la prostitution est indissociable de la politique de prévention et de protection de l’enfance. Très souvent, les personnes prostituées ont connu dans leur enfance et leur adolescence des violences de toutes sortes – psychologiques, physiques et sexuelles, dont l’inceste. Or nous le savons : les violences subies dans l’enfance peuvent produire à la fois des victimes et des agresseurs. Il s’agit d’un problème très important.

Il y a un an et demi, l’Amicale du Nid a révisé son projet associatif pour demander une politique abolitionniste renforcée, passant notamment par la pénalisation des clients ou des prostitueurs. À nos yeux, la prostitution est une violence de genre produite par la domination masculine et l’argent.

Ce moment est pour nous historique car, après le rapport de Mme Bousquet et M. Geoffroy, après le vote à l’unanimité par l’Assemblée nationale de la résolution rappelant l’exigence abolitionniste, votre proposition de loi, équilibrée, sera bientôt discutée au Parlement. En luttant contre le système prostitutionnel, elle permettra à la société de dire non à ce que j’appelle les « viols marchandisés », à dire non à la chosification des personnes.

Je ferai quelques remarques sur cette PPL.

Il nous semble très important que l’achat d’actes sexuels constitue un délit. Cela permettrait de rééquilibrer le droit français, qui a souvent tendance à protéger davantage les biens que les personnes, et serait un signe fort en faveur de la prise en compte de la violence que constitue la prostitution.

Il faudrait en outre revoir la protection des personnes étrangères. En effet, on ne peut pas demander à une personne étrangère de sortir immédiatement de la prostitution ; les choses sont plus complexes que cela.

Par ailleurs, nous vous alertons sur les moyens. Une loi n’est crédible que si elle est accompagnée de réels moyens – faute desquels, nous le rappelons, les ordonnances de 1960 n’ont pas été suivies de la création des services de lutte contre la prostitution dans les départements.

Enfin, il faut insister sur la prévention et la sensibilisation. Notre pays n’a peut-être pas une culture de la prévention suffisamment développée.

M. Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid. Je commence par un rappel historique. Fondé en 1946, le Nid a été scindé en 1971 en deux associations : l’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid. Le Mouvement du Nid est une association présente dans 32 départements français. Porté par 450 bénévoles, appuyés par 18 salariés, il est à la fois un mouvement de société et une association de terrain.

Une association de terrain car la première action du Mouvement du Nid est la rencontre sur les lieux de prostitution. Nous rencontrons chaque année 5 000 personnes prostituées dans les 32 villes où nous sommes présents, dont certaines depuis plusieurs dizaines d’années. Une véritable confiance s’est ainsi tissée sur les lieux de prostitution ; elle nous a permis d’évaluer l’évolution du phénomène. Nous accueillons chaque année entre 1 000 et 1 500 personnes. Nous travaillons également auprès des travailleurs sociaux. Nous formons chaque année 3 000 professionnels aux réalités de la prostitution.

Nous animons des actions de prévention auprès des jeunes dans leur établissement scolaire – 17 000 jeunes en 2012. Il s’agit moins d’une action de prévention des risques prostitutionnels que d’une action de réflexion et de développement des compétences psychosociales des jeunes. Nous abordons avec eux l’estime de soi, le respect de soi et de l’autre, la liberté et la pression du groupe, les moyens de se construire librement dans le respect de soi et des autres, ce qui nous amène à aborder les questions de la marchandisation, de la déconstruction des stéréotypes sexistes, etc.

Enfin, nous menons une action d’information grâce à une revue intitulée Prostitution et société, publiée depuis plus de trente ans, et à un site Internet mis à jour toutes les semaines avec des actualités et de nombreux témoignages directs de personnes prostituées – étrangères, françaises, transsexuelles, exerçant dans la rue, par Internet, en escorting, etc.

En matière de prostitution, il importe de distinguer les principes, les réalités et les mesures. Le débat public entretient en effet une confusion permanente entre les principes et les mesures. Sur la pénalisation du client, par exemple, on ne sait plus, sur le principe ou sur l’efficacité de la mesure, si les gens sont d’accord ou contre.

À nos yeux, la prostitution est d’abord un acte sexuel imposé par la contrainte financière. Des hommes n’ont pas de scrupules à exploiter la précarité et la vulnérabilité de femmes, d’hommes, d’enfants ou de personnes transsexuelles pour leur imposer un acte sexuel par l’argent. Nul ne peut ignorer que ce sont les plus vulnérables qui finissent sur les trottoirs. Et dans tous les pays : en Inde, les femmes des plus basses castes sont surreprésentées dans la prostitution ; au Canada, ce sont les femmes autochtones amérindiennes ; et en Europe de l’Ouest, les femmes migrantes, les minorités ethniques ou les groupes discriminés. Un grand nombre de femmes bulgares sont prostituées en Europe de l’Ouest et, selon le Conseil de l’Europe, 80 % d’entre elles appartiennent à la minorité turcophone et à la minorité rom. En France, en 1937, la traite des êtres humains touchait notamment des femmes bretonnes qui étaient amenées à Paris. En 2013, les femmes exploitées sont issues de pays moins développés, en particulier de groupes déjà discriminés dans ces pays.

Ainsi, la prostitution est une violence et un obstacle à l’égalité.

Comme Geneviève Duché l’a souligné, la violence commence malheureusement bien avant la prostitution. Les violences sexuelles ou psychologiques portent une telle atteinte à l’intégrité de la personne, dégradent tant l’image que l’on a de soi qu’elles peuvent amener à l’acte prostitutionnel. Les violences ont lieu pendant la prostitution car, chacun le sait, la prostitution est un univers violent. Les violences ont lieu aussi après la prostitution parce que les stigmates perdurent et font parfois obstacle à la réinsertion. La violence, enfin, est faite d’actes sexuels répétés et sans désir. La prostitution traduit toujours un rapport inégalitaire entre une personne qui de l’argent et une autre qui en a besoin. La première a le pouvoir, la seconde fait ce qu’elle peut pour vivre ou survivre.

Le tournant historique opéré par cette proposition de loi consiste précisément à fonder désormais les politiques publiques en matière de prostitution sur le principe selon lequel elle constitue une violence et un obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes, comme entre les plus riches et les plus pauvres, entre les citoyens de notre pays et ceux des autres pays du monde. Et ce bouleversement se traduit dans trois mesures.

Premièrement, les victimes sont enfin reconnues comme telles et cela n’est possible que si la prostitution est considérée comme une violence. Un accompagnement social global est mis en œuvre parce que des victimes doivent être aidées pour s’en sortir. De la même manière, l’accès à l’indemnisation est favorisé car le préjudice est reconnu ; et les mesures répressives sont supprimées parce que les personnes prostituées ne sont pas des délinquantes. En France, le racolage est considéré comme une infraction depuis 1939 mais, entre 1946 et 1958, il était plus lourdement condamné que le proxénétisme. Enfin, la protection des victimes, mêmes étrangères, prime sur toutes les politiques, migratoires notamment, parce que la violence subie constitue un obstacle à l’égalité.

Deuxièmement, la fin de l’impunité pour ceux qui ont exploité cette précarité, cette vulnérabilité afin d’imposer un acte sexuel par l’argent. C’est parce que la prostitution est une violence, un obstacle à l’égalité, un obstacle au projet d’une société plus égalitaire, plus juste, que l’achat d’un acte sexuel doit être interdit. Trois raisons majeures fondent la pénalisation des clients, des « prostitueurs » ou, mieux, de l’achat d’un acte sexuel.

D’abord, dans la mesure où la loi interdit d’imposer un acte sexuel par la contrainte physique – le viol –, ou en abusant d’une position d’autorité – l’employeur sur le salarié, l’adulte sur l’enfant –, il est juste de l’interdire aussi quand il s’agit de profiter de la vulnérabilité de celles et ceux qui ont besoin de se prostituer pour survivre.

Ensuite, l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel est la mesure la plus pragmatique pour les personnes qui vont rester dans la prostitution. D’aucuns avancent, y compris Médecins du Monde, que cette mesure risque d’accroître la précarité des personnes prostituées en les exposant davantage aux maladies sexuellement transmissibles ou à la violence. Or, selon les personnes prostituées elles-mêmes, le danger n’est pas dans la rue ou sur Internet, le danger existe lorsqu’elles se retrouvent seules avec le client, par exemple lorsqu’il tente d’imposer un acte sexuel sans préservatif. Grâce à cette PPL, la personne prostituée pourra, pour la première fois, dire au client que le simple fait pour lui de solliciter un acte sexuel suffit à le condamner. Cette mesure, qui certes ne réglera pas tout – il y aura toujours des clients qui paieront beaucoup plus cher pour imposer un acte sexuel sans préservatif – permettra de renforcer la position des personnes prostituées.

Enfin, la pénalisation des clients permettra de combattre les profits des proxénètes – qui cherchent d’abord et avant tout à gagner de l’argent. Il deviendra donc moins rentable pour eux de s’installer en France. Comme les multinationales, les proxénètes investissent dans les pays les plus rentables. Selon les Nations unies, le problème de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est qu’elle est trop rentable. Il faut donc, par l’intermédiaire de la demande, attaquer le modèle économique de ce crime organisé pour le faire reculer. Certes, le problème se déplacera à l’étranger, mais, à terme, l’harmonisation des législations permettra, nous l’espérons, de dissuader les criminels, qui sont guidés, non par le mal, mais par l’argent seulement, et de les pousser vers d’autres activités aux conséquences moins dramatiques.

Troisièmement, la France, pour la première fois, peut se donner les moyens de faire reculer la prostitution. Si la prostitution est considérée comme une atteinte à la dignité depuis 1960, alors elle est incompatible avec notre projet d’égalité entre les femmes et les hommes, avec notre projet de société visant à l’émancipation de chacun. Aujourd’hui, le bilan de la France est loin d’être ridicule : elle a limité le développement de la prostitution – 20 000 à 40 000 personnes sont actuellement prostituées – et son arsenal juridique est très ferme en matière de lutte contre le proxénétisme. L’Allemagne compte 200 000 à 400 000 prostituées, elle a dépénalisé le proxénétisme et accordé le statut d’entrepreneur du sexe aux proxénètes. Dans ce pays, mais aussi en Suisse et aux Pays-Bas, lorsque l’État veut durcir la législation en matière de proxénétisme, des procès sont intentés devant les tribunaux de commerce pour atteinte à la liberté d’entreprise ! Pour faire reculer la prostitution chez nous, il faut d’abord renforcer la lutte contre le proxénétisme, ce que fait la PPL en introduisant des dispositions contre le proxénétisme, y compris sur Internet grâce au blocage des sites de prostitution. Il faut ensuite, ce qui ne figure pas dans la PPL, renforcer les moyens de la politique pénale, de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’OCRTEH, des brigades spécialisées au niveau régional ou encore des groupes d’intervention régionaux. Il faut enfin – et c’est ce en quoi la PPL est cohérente – pénaliser l’achat d’un acte sexuel et améliorer la protection et l’accompagnement global des victimes.

Cette proposition de loi est issue d’un très long travail de discussions et de revendications portées par les associations. Elle est à nos yeux globale et cohérente. Nous espérons que sa mise en application permettra de réelles avancées. À cet égard, nous avons quelques revendications très précises à vous proposer.

M. le président Guy Geoffroy. La pénalisation de l’achat d’un acte sexuel suscite l’hostilité d’un certain nombre de personnes et d’institutions. En effet, les personnes en situation de prostitution, si elles approuvent le volet prévention, s’inquiètent des conséquences pour leur sécurité, leur manière de vivre au quotidien, car elles redoutent l’isolement, la clandestinité, des risques accrus. De quelle manière abordent-elles ces sujets avec vous ? Comment les convaincre que la loi nouvelle constituera pour elles une protection supplémentaire ?

Hélène de Rugy, déléguée générale de l’Amicale du Nid. Il s’agit d’une question très importante.

Depuis le vote de la résolution, il se dit sur le terrain que le client est déjà pénalisable, et des personnes que nous rencontrons nous indiquent que leur chiffre d’affaires baisse. Il me semble donc primordial d’organiser des campagnes d’information.

Il est également très important que la loi soit appliquée dans toutes ses dimensions, en particulier s’agissant de l’accompagnement des personnes prostituées. En contrepartie du coup de frein – que nous espérons – à l’achat d’actes sexuels, nous devons faire valoir auprès des personnes prostituées étrangères et françaises que nous disposerons de moyens supplémentaires pour les accompagner vers une insertion. Actuellement, environ 30 % des personnes que nous accompagnons ont été contactées par notre association sur le terrain. Les autres viennent nous voir grâce au bouche à oreille. Je pense qu’elles continueront à venir nous voir. Il serait très important pour nous de développer des actions d’« aller vers » par Internet, ce qui implique une transformation de notre travail social. Nos moyens financiers sont actuellement peu élevés, mais nous sommes prêts à créer des liens par Internet. Dans le cadre d’un projet européen, des Suédois nous ont présenté des expériences de « chat » fort intéressantes. Comme le souligne la police suédoise, à partir du moment où les acheteurs peuvent trouver les personnes prostituées, les associations et la police aussi.

Mme Agnès Bonneau, responsable de l’établissement de Grenoble de l’Amicale du Nid. La violence des clients existera toujours : si elle doit se produire, elle se produira.

S’agissant de la pénalisation du client, il ne faut pas invoquer le principe de précaution. Prétendre que la violence augmentera ou que les personnes seront plus isolées si les clients sont pénalisés ne tient pas. Il faut une politique cohérente.

Sur le terrain, les clients entendent ce qui se dit et pensent qu’ils sont d’ores et déjà pénalisables – ils arrivent en catimini ou se cachent… Nous écoutons les personnes nous parler des violences qu’elles subissent et nous leur expliquons qu’elles pourront porter plainte contre un client. Ce travail d’information doit casser les représentations.

La pénalisation du racolage passif avait déjà provoqué l’éloignement des personnes prostituées, mais les travailleurs sociaux sont allés les chercher. Et nous continuerons en changeant notre manière de procéder. Mais je le répète : le risque existera toujours.

M. Grégoire Théry. Depuis un an et demi – depuis que la pénalisation se précise –, votre question nous est posée chaque semaine sur les lieux de prostitution. Lors d’une réunion de nos 32 responsables de délégation, il y a trois semaines, nous l’avons évoquée.

Les personnes que nous rencontrons sur le terrain s’angoissent pour leur avenir. Des personnes prostituées de 55 ans n’ayant jamais cotisé se retrouveront demain dans une grande précarité – précarité qui existera de toute façon car il arrive un moment où le corps ne tient plus. Comme elles l’expliquent, si elles avaient une seule opportunité de vivre autrement, elles la saisiraient. Si certaines quittent la prostitution et réussissent à reconstruire leur vie, notamment grâce à la formation ou à l’emploi, d’autres n’y parviendront jamais.

La perspective de la pénalisation des clients ne change pas fondamentalement la situation. Par contre, elle confronte violemment les personnes à leur avenir. Certes, la proposition de loi prévoit une réparation pour les victimes de proxénétisme. Et pour les personnes étrangères, la possibilité de l’obtention d’un titre de séjour est très attendue. Mais la perspective de l’accompagnement social n’empêche pas l’angoisse à l’idée de vivre avec le minimum vieillesse. Pourtant, les prostituées le savent, la prostitution n’offre pas d’avenir. D’où l’importance des moyens à mettre en place pour assurer un accompagnement efficace.

Un sondage, que nous avions effectué il y a quelques années, a montré que les freins psychologiques à la réinsertion des personnes prostituées sont la peur du jugement par les professionnels, la peur de voir son enfant placé et la peur de l’échec. Le rapport à l’argent est une spécificité du système prostitutionnel. Les personnes savent qu’en sortant de la prostitution, elles deviendront pauvres. Pourtant, celles qui s’en sont sorties vivent mieux avec 900 euros qu’en brassant des sommes d’argent comme elles l’ont fait pendant des années. Il ne faut pas se faire d’illusion, on sort pauvre de la prostitution.

Vous le voyez, la question de la vie après la prostitution est très complexe, mais elle se posera toujours, que la pénalisation soit effective ou pas.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Avez-vous des chiffres, madame Duché, sur la prostitution des mineurs ? Quelles sont vos relations avec l’aide sociale à l’enfance, l’ASE ? Les personnels départementaux sont-ils suffisamment sensibilisés ?

Mme Geneviève Duché. Nous nous sommes donné cette compétence récemment, mais, faute de moyens, nous n’accompagnons pas beaucoup de mineurs. L’année dernière, nous en avons rencontré une quarantaine, surtout dans la rue. Les jeunes n’avouent pas spontanément leur âge, nous les soupçonnons d’être mineurs, mais ne pouvons pas vérifier.

Il est avéré que les personnels de l’ASE ne sont pas suffisamment formés, mais c’est vrai de tous les travailleurs sociaux puisque rien n’est prévu à ce sujet dans leur formation initiale. Il y a donc tout un travail à faire, en commençant en priorité par les personnels chargés de la protection de l’enfance. Nous avons aussi le sentiment qu’à partir de seize ans, les jeunes sont en quelque sorte abandonnés. L’ASE ne les considère plus comme des enfants et ils sont lâchés dans la nature. Effectivement, il faut revoir le dispositif.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Avez-vous affaire à des victimes de la traite ou non ? Qui sont-ils ?

Mme Hélène de Rugy. Nous avons mis en place quelques dispositifs modestes à l’intention des jeunes majeurs. Parmi eux, on trouve des jeunes gens qui ont été pris en charge dans différentes structures de l’ASE mais qui s’en sont détachés. Ils se prostituent à cause d’un manque d’estime de soi, de violences sexuelles, je pense aussi aux jeunes hommes qui ont été rejetés par leur famille pour leur homosexualité. Ils n’ont plus de repère ni dans leur famille, ni dans l’ASE où ils n’ont pas trouvé de structure qui leur convienne. Souvent, ce sont des fugueurs et nous sommes convaincus qu’il leur faut un accueil spécifique. C’est pourquoi nous expérimentons depuis bientôt trois ans à Paris des appartements partagés entre trois jeunes, avec un référent et des groupes de parole. À cet âge-là, à condition d’avoir les outils qu’il faut, ils peuvent s’en sortir, et même rapidement.

Autre type de jeunes, que nous rencontrons, mais pour lesquels nous n’avons pas encore de moyen de travail, ce sont les mineurs étrangers isolés, victimes d’une traite multiforme, parce qu’ils s’adonnent souvent à la fois à la prostitution, à la mendicité et aux cambriolages. Il faudrait aussi mettre en place des dispositifs à leur intention. En urgence.

Enfin, nous rencontrons, à l’occasion de nos interventions dans les collèges et les lycées, des mineurs en situation prostitutionnelle. À l’université aussi, mais ce ne sont plus des mineurs. Il y a un gros travail à faire avec les personnels de l’éducation nationale pour leur apprendre à déceler les signaux d’alerte et à réagir rapidement.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes. Nos questions sont peu nombreuses puisque vous approuvez notre proposition de loi. Quand donc va sortir votre étude sur la prostitution en milieu étudiant à Montpellier, que nous attendons depuis plus d’un an ? Ce type de document est quasiment unique en son genre. Pourriez-vous nous en donner par avance quelques éléments ?

Pourquoi ne nous parle-t-on jamais des instances départementales, que nous souhaitons pourtant valoriser ? Sur le terrain, les associations se méfient des policiers, qui luttent surtout contre la délinquance. En les réunissant, nous espérons faire changer le regard des uns sur les autres et réussir à faire travailler tout le monde ensemble. Je ne sais pas s’il est prévu d’associer les travailleurs sociaux, car la proposition de loi se cale sur le modèle du conseil départemental de prévention de la délinquance pour créer une sous-commission spécifique pour les violences et la prostitution. Ne faudrait-il pas que la protection de l’enfance soit représentée, sous réserve que la composition d’une telle commission relève peut-être du domaine réglementaire ?

J’ai été très intéressée par le guide que vous avez conçu à l’intention des travailleurs sociaux. Hier, les Suédois nous ont dit que, chez eux, dans leurs interventions sur les lieux de prostitution pour interpeller les clients, les policiers étaient accompagnés de travailleurs sociaux. Est-ce possible ici ?

S’agissant de l’angoisse de l’avenir, il y a sans doute matière à réflexion car celles et ceux qui se livrent à cette activité depuis longtemps n’envisagent pas d’autre futur, faute de formation. Je rappelle aussi que certains cotisent comme travailleurs indépendants, voire comme autoentrepreneurs.

Hier, au cours du colloque qui s’est tenu sur le sujet, une députée européenne a cité un chiffre d’Eurostat, et qu’il faudrait vérifier, selon lequel la traite était passée de 7 % à 30 % depuis 2008. Cette explosion en fait un enjeu prioritaire. C’est une réponse à ceux qui nous suggèrent de nous occuper plutôt du chômage. Lutter contre cette violence faite aux femmes est un véritable sujet de société.

Mme Geneviève Duché. La prostitution en milieu étudiant n’est pas différente de celle des autres jeunes en général. Signalons tout de même que, s’agissant de l’enquête dont vous parlez, elle a été faite à Montpellier, ville qui n’est pas loin de la Junquera, elle-même incitative à l’achat d’acte sexuel. Les résultats de l’enquête doivent être rendus publics à Montpellier, devant Mme Najat Vallaud-Belkacem, dont nous attendons la visite pour officialiser les résultats.

Sur les 1 800 étudiants interrogés, 4 % ont déclaré avoir au moins une fois échangé un acte sexuel contre de l’argent ou un service – un chiffre conforme à ce qu’avait annoncé un syndicat étudiant il y a quelques années et qui avait surpris en annonçant 40 000 étudiants, surtout des étudiantes, prostitués – ; et 3 % avoir été clients. C’est beaucoup aussi. À 55 ans, 25 % des hommes ont été au moins une fois clients.

Quant à l’avenir des prostituées, j’ai ressenti aussi ce que Grégoire Théry a décrit. Quand elles ont appris la prise de position du Nid, certaines ont demandé à rencontrer la présidente de l’association, notamment à Marseille, parce qu’elles n’étaient pas du tout d’accord. Nous les avons rencontrées. Parmi elles, presque aucune n’était soumise à la traite puisque celles qui le sont ne sont pas libres de prendre une demi-journée pour venir discuter. Les prostituées étaient indignées, mais on leur a demandé de décrire ce qu’elles vivent, et, très vite, elles ont expliqué les violences qu’elles subissaient de la part des clients, les pathologies dont elles souffraient et disaient à la fin qu’elles n’en pouvaient plus. Elles concluaient en demandant comment en sortir sachant qu’il leur faudrait vivre avec 300 euros par mois. Elles exprimaient leur angoisse devant la précarité profonde dans laquelle elles allaient se trouver, a fortiori si elles avaient 45 ans ou plus car les chances de reconversion reculent évidemment avec l’âge, surtout qu’elles n’ont pour la plupart aucune éducation. Le vrai problème, c’est l’accompagnement dans la recherche d’une solution alternative, sachant que le plus tôt sera le mieux pour éviter que les femmes ne s’enferment dans la prostitution.

Mme Ségolène Neuville. En ne pénalisant pas les clients qui vont acheter du sexe hors de nos frontières, ne les poussons-nous pas à aller dans les bordels étrangers ? Y avez-vous réfléchi et y a-t-il moyen d’y remédier ?

M. Grégoire Théry. Oui, nous demandons l’extraterritorialité, par simple cohérence et aussi parce qu’elle envoie un signal politique très fort. On ne pourra pas alors nous accuser de repousser le problème à l’étranger. La Norvège applique cette règle, donc c’est faisable.

Nous trouvons aussi profondément incohérent que la sanction de l’achat d’un acte sexuel soit une simple contravention. On ne peut pas, d’une part, dénoncer la gravité de l’acte, la violence, l’atteinte à la dignité de la personne, l’obstacle à l’égalité, et d’autre part, le considérer, sous l’angle de la sanction, comme un trouble mineur à l’ordre public. La contravention de cinquième classe, c’est ce dont est passible quelqu’un qui dépose ses ordures en dehors des emplacements prévus à cet effet. Une personne accusée de filouterie, par exemple parce qu’elle n’a pas payé sa canette de Coca, encourt six mois, comme celle qui passe des appels malveillants répétés, ou se rend coupable d’une agression sonore dans l’espace public en vue de troubler la tranquillité d’autrui. Le bizutage, même consenti, suit le même régime. L’échelle des peines envisagée n’est pas à la hauteur de la gravité des faits.

Privilégier la pédagogie, plutôt que la répression, a-t-on dit. À notre sens, la pédagogie passe par la dissuasion, et comparaître devant le tribunal correctionnel sera plus pédagogique que devant le tribunal de police.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à ce que l’achat d’acte sexuel soit un délit, mais nous ne confondons pas la nature de l’infraction et la nature des peines. S’il faut éviter la prison, eh bien, il existe des délits sans peine de prison. Nous serions favorables à un délit avec peine de prison, pas pour envoyer les gens en prison, mais parce qu’il faut dissuader en caractérisant la gravité des faits. Après, c’est une question de politique pénale.

Mme Hélène de Rugy. Bien sûr, les instances départementales de coordination sont indispensables, madame Coutelle. Il est très important qu’elles soient présidées par le préfet, capable d’engager une véritable politique. Elles doivent rassembler le plus de partenaires possibles, comme c’est le cas dans l’Essonne, par exemple, car cela change les choses de mettre les partenaires autour de la table.

Ce qui est vrai au niveau départemental l’est aussi au niveau interministériel. Pour défendre la spécificité des CHRS, nous devons nous battre tous les jours, et c’est une tâche ingrate, contre les financeurs, notamment le ministère du logement. Nous devons sans cesse expliquer qu’il n’y a pas d’accompagnement social sans accompagnement sanitaire. Il y a aussi un manque de convergence entre les agences régionales de santé et les directions départementales de la cohésion sociale, les DDCS. Nous devons aussi batailler contre les ministères qui se défaussent de leurs compétences parce qu’elles sont transférées à un autre ministère. Ainsi, quand la lutte contre la prostitution est passée sous la tutelle du droit des femmes, on nous a expliqué que ce n’était plus à la DDCS de la financer… Nous sommes gênés aussi par le manque de cohésion et de communication au niveau national.

Dans de nombreux départements, nous travaillons très bien avec la police. Mieux nous nous coordonnons, et à condition que chacun reste à sa place, plus on aide les personnes.

M. Patrice Prat. On met souvent en avant, et à juste titre, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, mais on ne parle peu de la prostitution masculine. Pour quelles raisons ? Occupe-t-elle une place plus marginale ? Est-elle moins visible ? Que pouvez-vous en dire ?

Mme Agnès Bonneau. On en parle moins, en effet. Elle semble moins courante, et aussi moins visible. Les lieux de drague, de rencontre entre gays, sont aussi des lieux de prostitution. D’où la difficulté qu’il y a à l’identifier. D’ailleurs, les personnes qui s’adonnent à ces pratiques sexuelles ne se reconnaissent pas toujours dans la prostitution, ne la nomment pas. Dès lors, l’« aller vers » ces personnes est bien différent, mais l’Amicale du Nid ne peut pas faire, faute de moyens. La prostitution des jeunes hommes passe beaucoup par les sites Internet, les sites de rencontre servant de vitrine à des sites de prostitution. Les formes sont différentes, et elles s’abritent derrière l’argument de l’orientation sexuelle, de pratiques et de liberté sexuelles. C’est une façon de cacher la réalité de la prostitution. De toute façon, le client est toujours un homme. Les transidentitaires et les travestis connaissent les mêmes difficultés que les femmes.

S’agissant des mineurs, filles ou garçons, ils ne viennent pas d’eux-mêmes à la prostitution. Souvent, ils y sont poussés par une rencontre, avec quelqu’un entre vingt-cinq et trente ans, qui se fait passer pour le petit ami alors qu’il est proxénète. On a ainsi vu en Isère trois individus organiser la prostitution d’une dizaine de jeunes filles et jeunes hommes. Il faut discuter avec les assistantes familiales et les travailleurs sociaux de l’ASE.

Mme Hélène de Rugy. L’Amicale du Nid rencontre 82 % de femmes, les hommes et les personnes transidentitaires représentant la différence.

En effet, s’agissant des hommes, il faut aller à leur rencontre. Nous organisons des « allers vers » dans les lieux de prostitution masculine ou transsexuelle, à Paris notamment, où les hommes et les transidentitaires représentent une forte minorité. Et, en effet, les clients sont massivement des hommes.

M. le président Guy Geoffroy. Nous sommes nombreux ici à avoir enseigné, et nous savons donc qu’il n’y a pas assez de jours de classe pour traiter tous les sujets qui le méritent et que le ministère demande d’ajouter aux programmes. À partir de ce constat, comment pourriez-vous aider les autorités académiques à bâtir un discours qui intègre à la fois la problématique des violences de genre et celle de la prostitution qui en fait partie ? On a franchi une étape en révélant dans la sphère publique le caractère inacceptable des violences familiales, on est en train de passer à la suivante en s’attaquant à la prostitution. Que pouvez-vous nous proposer pour amplifier encore le message ?

M. Grégoire Théry. La réponse est contenue, au moins en partie, dans la question. Il y a maintenant vingt ans que le Mouvement du Nid a décidé de ne pas faire de prévention spécifique contre les risques prostitutionnels, mais de l’inscrire dans un cadre plus global. Nous avons donc les outils : bandes dessinées et guides destinés aux collégiens ou aux lycéens, des guides existent aussi pour ceux qui les encadrent. Parfois, le discours passe mieux auprès d’eux qu’auprès des jeunes eux-mêmes. Il faut mêler éducation civique, éducation à l’égalité, au respect et à la sexualité car l’enjeu est le même, à savoir comment se construit un individu libre, émancipé et respectueux.

Nous rencontrons 17 000 jeunes par an, c’est déjà beaucoup, mais il faudrait que soit concernée toute une génération. L’enjeu pour nous est donc un changement d’échelle, et la sensibilisation doit porter sur l’estime de soi, le rapport au corps, l’image et le respect des autres.

Mme Geneviève Duché. Enseignante moi-même, je vous rejoins, monsieur le président, sur le constat que les programmes sont toujours trop chargés. Alors, précisément, il faut changer de façon de voire en introduisant dans l’enseignement la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui parcourt pratiquement toutes les disciplines. On n’a pas besoin de cours supplémentaire, on a besoin de former à l’université des enseignants qui intégreront dans leurs enseignements, dans leurs recherches, cette préoccupation fondamentale. On aura alors gagné la bataille.

Madame Hélène de Rugy. Il faut former tous les personnels, faire passer le message, mais aussi surtout aider les jeunes à se l’approprier en leur donnant la parole.

Mme Maud Olivier, rapporteure. L’article 15 de la proposition de loi prévoit d’informer en introduisant dans le code l’éducation une information sur « la marchandisation des corps ». Que pensez-vous de cette formulation ?

Mme Geneviève Duché. Il s’agit plutôt de marchandisation des personnes.

M. le président Guy Geoffroy. Mesdames, monsieur, nous vous remercions.

La séance est levée à quatorze heures cinquante cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pierre Aylagas, Mme Catherine Coutelle, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Guy Geoffroy, Mme Françoise Imbert, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Philippe Mallé, Mme Dominique Nachury, Mme Ségolène Neuville, Mme Maud Olivier, M. Patrice Prat, Mme Sylvie Tolmont

Excusés. - M. Philip Cordery, Mme Seybah Dagoma, Mme Viviane Le Dissez, Mme Barbara Pompili, M. Philippe Vitel, M. Éric Woerth, M. Michel Zumkeller