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La commission spéciale a examiné le rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer (Mme Ericka Bareigts et M. Daniel Fasquelle, rapporteurs)
M. le président François Brottes. La commission des affaires économiques a été à l’origine de la désignation, au sein du collège composant la Commission de régulation de l’énergie (CRE), d’un membre nommé « en raison de sa connaissance et de son expérience des zones non interconnectées ». Elle estimait que ces territoires n’étaient pas assez pris en compte, et je m’en étais ouvert à l’époque au ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel. Plus récemment, Mme George Pau-Langevin, actuellement en charge de ce département ministériel, m’a fait part de sa détresse devant l’inadaptation des dispositifs existants pour réguler les mix énergétiques dans les zones non interconnectées (ZNI). Je remercie en conséquence Mme Éricka Bareigts et M. Daniel Fasquelle de s’être penchés sur ce délicat sujet.
Je salue la présence parmi nous du président de la délégation de l’Assemblée nationale aux outre-mer, M. Jean-Claude Fruteau. Au nom de cette délégation, M. Serge Letchimy a présenté la semaine dernière un rapport d’information sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Mme Éricka Bareigts, rapporteure pour information au nom de la commission des affaires économiques, et rapporteure de la commission spéciale pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII du projet de loi. Les élus des territoires ultramarins que nous avons rencontrés lors de nos visites considèrent que les procédures selon lesquelles l’État mène sa politique énergétique nationale sur l’ensemble du territoire ne sont pas adaptées aux spécificités des outre-mer. Les producteurs d’énergies renouvelables seraient notamment exclus de fait des appels d’offre pilotés par la CRE, alors même que les projets proposés sont soutenus au niveau local et constituent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux pour les territoires concernés.
Pour mener notre mission à bien, nous avons décidé de repartir de zéro pour explorer un terrain qui n’avait finalement jamais fait l’objet d’investigations objectives et approfondies. Les discussions sur le sujet demeurent en effet généralement superficielles et s’appuient sur deux idées préconçues : la péréquation tarifaire pour les outre-mer coûterait cher, et les outre-mer devraient constituer des laboratoires accueillant des expérimentations par filière.
Nous nous sommes d’abord interrogés sur le mix énergétique des outre-mer et sur ses spécificités, pour savoir vers quel équilibre il était souhaitable de tendre. Nous avons aussi choisi une approche économique, en abordant notamment la question de la péréquation tarifaire pour les ZNI, et nous avons réfléchi aux meilleures solutions susceptibles de permettre l’adéquation entre les objectifs de politique énergétique locale et les financements.
Nos travaux ont débuté à Paris le 11 juin dernier, mais c’est en nous rendant, au mois de juillet, en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe, à Mayotte et à La Réunion que nous avons pu comprendre les enjeux de ce dossier. Sur ces territoires, même si elle est aujourd’hui au point mort, la transition énergétique est une nécessité. Nous vous ferons des propositions pour faire sauter quelques-uns des verrous que nous avons identifiés.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour information au nom de la commission des affaires économiques. Je tiens à rendre hommage à Mme Éricka Bareigts, qui a accompli l’essentiel du travail sur ce rapport d’information.
Trois facteurs concourent à faire des outre-mer un territoire privilégié de la transition énergétique.
Les spécificités de l’approvisionnement de ces territoires en énergie constituent un premier facteur. En effet, cet approvisionnement n’est ni sécurisé ni garanti à tous les citoyens.
Tous les territoires d’outre-mer comptent plus de 80 % d'énergies fossiles dans leur mix énergétique primaire – les deux cas les plus extrêmes étant la Guyane avec 82 % d’énergies fossiles, et Mayotte avec 99 %. Contrairement à la France métropolitaine, où le nucléaire représente 75 % du mix électrique, les produits pétroliers et le charbon constituent en outre-mer la principale source de production d'électricité. Cette situation fragilise ces territoires en les rendant dépendants d'un approvisionnement extérieur, et en les exposant à une hausse du prix des produits pétroliers.
Les outre-mer font également face à une qualité dégradée de l’alimentation électrique, liée à des contraintes physiques spécifiques mais aussi à un réseau moins dense qu’en métropole. Le temps moyen de coupure annuel en témoigne : entre 2008 et 2013, il était d’environ quatre-vingts minutes en métropole, contre deux cent cinquante à La Réunion, trois cent vingt en Guyane, cinq cent cinquante en Guadeloupe et sept cents à la Martinique. En matière de qualité de l'électricité, il existe un fossé entre les outre-mer et l’Hexagone. La mission d'information en a d'ailleurs fait l'expérience directe, puisque la Martinique a connu un black-out le jour même de notre arrivée à Fort-de-France.
La situation est particulièrement grave dans les communes de l'intérieur de la Guyane, car 80 000 citoyens français habitant le long des deux fleuves frontaliers ne peuvent pas être raccordés au réseau. Les habitants des bourgs-centres sont alimentés en électricité par des micro-centrales thermiques incapables de répondre à des demandes trop fortes, ce qui rend impossible le développement d’une activité économique sur place et l’acquisition par les ménages d’équipements de confort standard. Le fonctionnement de ces micro-centrales assuré par EDF coûte très cher. Quant aux habitants des « écarts », groupements d'habitations dispersés le long des deux fleuves frontaliers, ils doivent prendre en charge eux-mêmes la production d'électricité en achetant à des prix élevés des groupes électrogènes et le carburant nécessaire. La situation, déjà critique, devrait s'aggraver dans les prochaines années sous l'effet d'une croissance démographique annuelle de l'ordre de 10 %. Près de 250 000 de nos concitoyens risquent d’ici à quelques années d’être privés d’un accès normal à l’électricité.
Un deuxième facteur justifie l'importance de la transition énergétique dans les outre-mer : le mix électrique de ces départements et régions est très carboné, malgré des gisements renouvelables importants et des acteurs locaux dynamiques La production électrique dans les outre-mer est fortement émettrice de gaz à effet de serre en raison du poids des produits pétroliers et du charbon. En 2011, les émissions de CO2 issues de la production électrique étaient de 90 grammes de CO2 par kilowattheure en France métropolitaine et, en moyenne, de 340 grammes en Europe. Si, en Guyane, ces émissions se situent légèrement au-dessus de cette moyenne, à 360 grammes/KWh grâce au fonctionnement du barrage de Petit-Saut, elles la dépassent très largement dans les autres territoires : 670 grammes à la Martinique, 680 à Mayotte, 750 à La Réunion, et 800 en Guadeloupe. Dans ces deux derniers territoires, la production à base de charbon explique ces chiffres très élevés.
Pourtant, les gisements d'énergies renouvelables représentent un potentiel important et diversifié. Toutes les filières sont présentes : hydroélectricité, éolien, photovoltaïque, géothermie, biomasse. Plusieurs filières d'avenir pourraient également trouver un terrain de développement privilégié dans les outre-mer, comme le sea water air conditioning (SWAC) à La Réunion. Leur développement repose sur l'implantation d'acteurs spécialisés et dynamiques, qui pourraient exporter leurs procédés sur des territoires aux caractéristiques similaires. Les territoires insulaires tropicaux d’Asie du Sud-Est ou de la Caraïbe représentent un marché porteur de plusieurs centaines de millions de consommateurs.
Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Un troisième facteur justifie que les outre-mer soient le territoire privilégié de la transition énergétique : sans réorientation du mix énergétique, le coût du système est amené à croître.
En raison des conditions d’approvisionnement, et parce que la production est assurée majoritairement par des centrales thermiques au charbon et au fioul, le mix électrique en outre-mer est très onéreux. Les coûts de production d’Électricité de Mayotte (EDM) sont huit fois plus élevés que ceux d’EDF. Le tarif réglementé de vente à Mayotte s’élève à 43 euros le mégawattheure alors, que le coût de production d’EDM est de 347 euros. De tels surcoûts ne peuvent évidemment être supportés par les seules populations. Ils justifient la mise en place d’une péréquation tarifaire. Il ne faut surtout pas oublier que ce dispositif existe sur l’ensemble du territoire français et qu’il ne bénéficie pas aux seuls Ultramarins. L’identification de la dépense de péréquation des ZNI dans une comptabilité séparée explique peut-être la croyance répandue que l’outre-mer profite seule du dispositif.
La péréquation prend toutefois une importance particulière pour l’outre-mer. D’abord parce que les différences de coûts s’expliquent aussi par le retard des politiques d’électrification de nos territoires. Depuis 1936, époque à laquelle nous n’étions que des colonies françaises, les collectivités métropolitaines ont bénéficié des concours financiers du fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE) pour construire le réseau de distribution performant qui existe aujourd’hui. Ensuite, la « vie chère » est une réalité des outre-mer qui rend nécessaire la péréquation. Enfin, elle est favorable à l’activité économique locale confrontée à une concurrence des territoires voisins.
La péréquation n’est évidemment pas sans effet sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Certains propos laissent penser que l’explosion des montants annuels de CSPE pesant sur les consommateurs s’expliquerait par l’influence de la péréquation qui pousserait l’outre-mer à la surconsommation. Nous avons voulu mettre ces assertions à l’épreuve des faits, et nous avons constaté que les consommateurs d’outre-mer étaient les plus sobres de France. Alors que l’habitant de l’Hexagone consomme en moyenne 6,84 mégawattheures, celui de Martinique en consomme 3,63, celui de Guadeloupe 4,27. Évidemment, ces chiffres s’expliquent aussi par le fait que nous n’avons pas d’hiver. Il n’en demeure pas moins que la surconsommation supposée des Ultramarins est un mythe.
Dans ces conditions, comment expliquer la progression de la CSPE ? Deux éléments ont joué un rôle. La « bulle photovoltaïque » de 2010, avec des tarifs d’achat très élevés pour l’électricité de la filière, a été à l’origine d’un parc pléthorique générant aujourd’hui une dépense très importante. Si l’on n’en tenait pas compte, l’augmentation de la CSPE resterait très raisonnable. La dérive de la CSPE s’explique par ailleurs par la hausse du coût de production des centrales EDF, notamment des centrales thermiques, dans une période de reprise des investissements. Trois centrales thermiques sont entrées ou entreront en service entre 2012 et 2014 : Port Est à La Réunion, Bellefontaine à la Martinique, et Pointe-Jarry en Guadeloupe. La filialisation progressive de l’activité de production d’EDF SEI – SEI pour systèmes énergétiques insulaires – a entraîné un recul de la production qu’elle assure en propre alors même que ses coûts de production augmentaient dans les ZNI de 8,3 % en 2013, mais de 18 % en 2014. Le modèle mis en place sur nos territoires est donc en cause. Il nous faut sortir de ce système qui est loin d’être vertueux.
Pour dépasser ces contraintes, nous devons évoluer vers un nouveau modèle énergétique. À l’enjeu de sécurité d’approvisionnement et de sécurité énergétique pour l’outre-mer s’ajoute l’enjeu environnemental. Le développement de nouvelles sources de production locales permettrait de diversifier l’approvisionnement. Les outre-mer ne peuvent continuer à présenter un bilan carbone de leur production électrique aussi dégradé.
Le développement des énergies renouvelables ne nécessitera qu’un investissement relativement faible, et il contribuera à réaliser des économies de CSPE en diminuant le coût moyen de l’électricité outre-mer. En raison du coût de production élevé des centrales thermiques classiques, toutes les énergies renouvelables sont déjà parvenues à la « parité réseau ». Pendant une période transitoire, il faudra cependant financer à la fois les centrales thermiques classiques, les nouveaux investissements, et le coût de la transition, ce qui sera évidemment assez lourd.
Nous sommes aujourd’hui au point mort parce que la politique énergétique dans les outre-mer est victime de dispositifs nationaux inadaptés ou inappliqués, et de prises de décisions lointaines.
Il est inadmissible de constater que des citoyens français n’ont pas accès à l’électricité sur leur propre territoire ou qu’ils doivent pour cela acheter eux-mêmes le fioul et les groupes électrogènes nécessaires, comme dans les « écarts » de Guyane déjà évoqués. Les communes de Guyane sont aujourd’hui livrées à elles-mêmes face à l’immense tâche de l’électrification de l’intérieur de la région sans disposer des moyens financiers d’assumer une telle charge. Le dispositif FACÉ permet seulement d’entretenir les lignes existantes mais pas de tisser un réseau qui n’existe pas en Guyane. L’enveloppe FACÉ reçue par la Guyane en 2014 n’est de toute façon que de 1,3 million d’euros sur un total national de 370 millions, alors que les problèmes de ce territoire sont immenses. Nous ne pouvons pas laisser plus de 200 000 Français hors du droit commun électrique.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. L’inadaptation des dispositifs nationaux et le caractère trop lointain des décisions concernent aussi les énergies renouvelables (ENR).
Alors qu’aucune éolienne n'a été raccordée au réseau depuis 2010, le taux de croissance du photovoltaïque est nul dans les outre-mer en 2014, et aucun appel d'offres n’a été remporté par un projet ultramarin depuis 2012.
Cette situation s'explique par un cumul d’obstacles. Les nouvelles installations se voient tout d’abord appliquer le « seuil des 30 % ». Lorsque les ENR intermittentes représentent plus de 30 % de l'énergie instantanée sur le réseau, le gestionnaire de réseau peut les déconnecter. Une telle règle les empêche de trouver un financement auprès des banques faute de recettes prévisibles et suffisantes. Ensuite, jusqu'à l'adoption de la loi du 15 avril 2013, dite « loi Brottes », le développement de l'éolien était impossible en zone littorale, ce qui concernait la quasi-totalité de la surface de tous les territoires. De nombreuses incertitudes persistent malheureusement, notamment concernant la définition des espaces proches du rivage. S’il ne faut pas bloquer le développement de l’éolien, il faut toutefois rester très prudent, car les paysages constituent l’attrait touristique de ces territoires…
M. le président François Brottes. Vous évoquiez une disposition Brottes-Batho !
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Par ailleurs, l'application des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables engendre des coûts de raccordement très élevés à la charge des producteurs en raison de la faiblesse des réseaux locaux. En Guadeloupe, la quote-part régionale s’élèverait à 213 000 euros par mégawattheure installé alors qu’en métropole ce coût s’élève à zéro euro en Alsace et à 70 000 euros en Midi-Pyrénées. Ce coût serait de 600 000 euros pour les projets biomasse de l’Est guyanais, ce qui signifie qu’ils ne verront jamais le jour.
Enfin, les outre-mer n'ont pas accès à certaines subventions qui ne sont pas adaptées au contexte local. Les directions régionales de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sont dans l’obligation de renvoyer leurs crédits au titre du Fonds chaleur, faute de trouver suffisamment de projets concernés. Le doublement des crédits du Fonds chaleur prévu dans le projet de loi suscite en conséquence de larges inquiétudes outre-mer, car il diminuera mécaniquement les subventions allouées à d'autres postes.
L'addition de ces contraintes est à l’origine de surcoûts considérables, qui expliquent que les porteurs de projet ne puissent pas être compétitifs dans les appels d'offre et que les tarifs d'achat soient souvent insuffisants pour couvrir le coût des projets en outre-mer.
Dans la très grande majorité des cas, la seule solution est de se reporter sur le système du gré à gré, dans lequel les porteurs de projet négocient un contrat d'achat de leur électricité avec EDF. Mais ce système interdit tout subventionnement car les installations doivent être rentables pour avoir le droit à un contrat. Le seul critère évalué est celui du coût moyen de production, qui doit être inférieur à celui d'une installation thermique traditionnelle. Malheureusement il importe peu qu’au final un projet ait des retombées largement positives pour un territoire.
Les transcriptions tardives de dispositifs nationaux freinent aussi le développement des énergies renouvelables outre-mer. Bien que la valeur des certificats d'économie d'énergie (CEE) soit doublée en outre-mer, ces territoires occupent la dernière place dans le classement des régions françaises en termes de volume de CEE délivrés. Cette situation s'explique par l'absence de gisements d'accès aisé, comme le changement de chaudières, mais surtout par le manque d’acteurs. Le seul acteur nécessairement présent localement est EDF, et ses obligations sont fixées à la maille nationale. Lorsqu’il n’existe aucun acteur correspondant au seuil national, comme à Mayotte, aucun certificat d’économie d’énergie ne peut être délivré.
Les dispositifs fiscaux d'aide à la rénovation thermique des bâtiments sont souvent adaptés avec retard. Les Ultramarins sont les seuls Français à ne pas pouvoir bénéficier de la prime exceptionnelle d'aide à la rénovation énergétique. Les critères de travaux permettant de bénéficier du crédit d’impôt développement durable ne sont toujours pas adaptés aux outre-mer. Seuls onze éco-prêts à taux zéro ont été attribués depuis 2009 outre-mer, alors que 32 000 l’ont été en métropole pour la seule année 2013.
La réglementation thermique acoustique aération (RTAA) des bâtiments spécifiques aux outre-mer est unanimement critiquée car elle repose sur des obligations de moyens et non de résultats. L'élaboration d'une nouvelle réglementation sur le modèle de la RT 2012 n'est pas envisagée avant 2017-2018.
De même, les outre-mer n'ont pas encore de diagnostic de performance énergétique (DPE). Seules la Martinique et la Guadeloupe ont mis en place des DPE dans le cadre de l’habilitation législative dont elles bénéficient en matière d’énergie.
Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Le problème de fond demeure l’inexistence d’une politique énergétique des outre-mer.
Si les acteurs locaux sont extrêmement investis et s’approprient pleinement leurs compétences – comme les régions chargées du pilotage des documents de planification –, ils ne décident pas vraiment de la politique énergétique. La programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) est par exemple élaborée par l’État sur la base de bilans prévisionnels de l’offre et de la demande présentés par EDF SEI. Les territoires n’ont pas suffisamment la main pour développer des stratégies de politiques énergétiques locales.
Une nouvelle donne est donc indispensable et nous faisons plusieurs propositions en ce sens.
Afin de faire évoluer la gouvernance de l’énergie et de rendre du pouvoir aux acteurs locaux, il faut prévoir une élaboration partagée entre l’État et les régions de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Il est également indispensable d’assurer une meilleure transparence. Les populations des zones non interconnectées ne disposent pas, par exemple, des données chiffrées disponibles dans l’Hexagone, relatives à l’évolution en temps réel du mix électrique
Pour tenter de résoudre le problème de la Guyane, nous suggérons de dédier une enveloppe spécifique à l’électrification des communes de ce territoire dans le cadre des subventions attribuées par le FACÉ.
Afin de soutenir les énergies renouvelables, nous proposons de décentraliser la fixation des tarifs d’achat et le lancement des appels d’offres, ce qui s’inscrit dans le cadre de la PPE.
Avec le même objectif, un plan de développement de la biomasse devrait être développé.
Pour gérer l’intermittence de la production des ENR, un volet spécifique au stockage de l’électricité est indispensable. Les appels d’offres devront privilégier le stockage avec restitution aux heures de pointe plutôt que la substitution à la production de base.
Enfin, si nous voulons dynamiser le marché des certificats d'économie d'énergie dans les outre-mer, les obligations doivent être fixées par territoire et correspondre à la maille locale.
M. le président François Brottes. Vous avez pu disposer de quarante et une minutes pour présenter votre rapport, ce qui est assez exceptionnel…
Je vous félicite pour la qualité de votre travail. J’indique également que nous sommes à la fois dans le cadre de la commission spéciale sur la transition énergétique et de la commission des affaires économiques. Les membres de cette dernière seront amenés à voter tout à l’heure sur l’autorisation de publication du rapport.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V du projet de loi. Je salue à mon tour l’excellent travail des rapporteurs, notamment celui d’Ericka Bareigts, comme l’a souligné Daniel Fasquelle.
Je me réjouis de l’intérêt porté aujourd’hui à une situation qui perdure depuis trop longtemps, qui crée des différences de traitement entre les citoyens français et qui nécessite une prise en compte urgente.
Les éléments précis contenus dans ce rapport constituent un précieux apport dans le cadre de nos réflexions sur la loi de transition énergétique. Nous serons très attentifs à vos propositions, madame et monsieur les rapporteurs, pour poser des mécanismes d’adaptation des règles et trouver enfin des solutions efficaces à une situation préoccupante.
M. Denis Baupin, rapporteur pour les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. La proposition de loi « Brottes-Batho » ayant été rappelée, je voudrais poser une première question sur l’éolien et la loi littoral.
Certains parlementaires se sont battus pour que nous puissions avancer sur ces sujets. Le rapport fait état d’incertitudes juridiques qui freineraient le développement des éoliennes. Il est certes nécessaire de préserver les paysages. La question ne fait pas débat et est inscrite dans la loi. Mais il serait peut-être nécessaire d’apporter, dans la loi de transition énergétique, certaines précisions concernant la proximité du littoral, pour lever ces incertitudes juridiques et lancer le projet. Faute de quoi, cela ruinerait l’effort fait en faveur de l’éolien dans la proposition de loi.
J’en viens à ma deuxième question. Je me réjouis de la proposition que vous faites concernant le seuil de 30 % d’énergies variables renouvelables dans le réseau électrique et que cette disposition puisse être adaptée territoire par territoire. Cela ne concerne pas que les DOM-TOM, mais l’ensemble des ZNI. La situation de la Corse est aussi une question importante, même si, aujourd’hui, on est très largement en dessous des 30 %. Cependant, si l’on veut éviter le développement du fuel pour la production d’électricité en Corse, il faut pouvoir donner des perspectives.
Je citerai également l’Île de-Sein, qui est plus petite, mais qui fait aujourd’hui l’objet d’une bagarre intéressante, du point de vue conceptuel, entre EDF et des promoteurs d’alternatives, lesquels peuvent être intéressés par ce dépassement du seuil de 30 %.
M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. À la demande de notre collègue Serge Letchimy, la délégation aux outre-mer a souhaité participer à ce débat.
Je tiens à souligner l’importance du travail mené par nos deux rapporteurs. Il faut un traitement particulier dans ce domaine. Ericka Bareigts l’a fort bien résumé, nous sommes dans une situation de dépendance extrême par rapport à l’approvisionnement extérieur et nous sommes soumis à des conditions réglementaires qui ne sont pas adaptées à la situation de La Réunion et des outre-mer en général.
Ajoutons à cela des à-coups dans les décisions prises par le passé, notamment ces dix dernières années, qui n’ont pas facilité les choses dans le domaine du développement des énergies renouvelables en outre-mer. Il y a un vrai problème, et je me félicite que nous puissions l’exposer à l’occasion de ce texte, si important pour la nation tout entière.
M. Victorin Lurel. Je tiens également à féliciter nos deux collègues pour cet excellent rapport. C’est, à ma connaissance, le premier qui permette d’éclaircir un certain nombre de points qui, jusqu’à présent, restaient opaques, je dirais même ésotériques, pour nos concitoyens, y compris pour les élus. Je me réjouis donc de sa publication. Je n’ai pas eu le temps de le lire entièrement, mais ce que j’en ai entendu est édifiant.
Je m’associe également aux propos du président Brottes. C’est à sa demande, en effet, que la Commission de régulation de l’énergie a pu accueillir un représentant des ZNI en la personne de Mme Edwige, originaire de la Martinique et spécialiste reconnue en raison de sa très longue expérience dans ce domaine. Pour ma part, je demanderai, lors de l’examen du projet de loi, qu’il y ait un représentant des outre-mer au sein du comité de gestion de la CRE, car nous souhaitons qu’il y ait un représentant des ZNI dans les instances de direction, là où se prennent les décisions. Cela ne figure pas dans le rapport, mais je m’en suis ouvert à Mme la ministre pour la sensibiliser à cette question.
La CRE soutient le développement de certains projets innovants, comme ceux du Galion en Martinique, qui fait de la cogénération bagasse-bois. Mais elle refuse de prendre en charge le surcoût du projet de l’île Marie-Galante, en Guadeloupe, alors que nous sommes en deçà des coûts de production nationaux et qu’il s’agit du même projet de centrale bagasse-bois, avec du bois importé du Brésil. Ce n’est pas une simple question d’arithmétique, mais une philosophie, une certaine vision des choses. Aujourd’hui, ce projet est en panne. Toutefois, Albioma a fait des propositions pour tenir ces coûts.
Par ailleurs, j’estime que la péréquation est menacée. La configuration du périmètre industriel d’EDF, avec le passage entre EDF SEI (systèmes énergétiques insulaires) et EDF PEI (production énergétique insulaire), et une évolution forte en faveur des contrats de gré à gré, me paraît dangereuse. C’est, selon moi, une astuce permettant d’éviter l’application de la loi au plan national, et d’échapper à la péréquation et à la solidarité nationale. Le rapport l’indique clairement, c’est déjà le cas pour l’est guyanais où – j’ai beaucoup de mal à le comprendre – on laisse de lourds investissements à la charge des petites communes. Les communes du littoral guyanais, quant à elles, bénéficient de la péréquation nationale, contrairement à l’Ouest guyanais et à l’arrière-pays amazonien. Il y a là, manifestement, un problème de répartition des charges et d’égalité entre citoyens français. Il faut avoir une ambition nationale, un impératif national à l’égard de l’Ouest guyanais et faire jouer pleinement la péréquation en faveur de l’arrière-pays.
J’en viens à l’extension territoriale de la péréquation. Le rapport ne fait pas état de ce problème, que le président Brottes connaît bien, et sur lequel on ne peut pas faire l’impasse. À Wallis-et-Futuna, les 12 000 Français les plus éloignés de la métropole paient l’électricité six fois plus cher que le coût national. L’argument opposé est que c’est leur statut…
Le général de Gaulle avait pris des engagements sur la gratuité de la santé devant le roi d’Uvea, le Lavelua. C’est un bon exemple de la diversité de la République. Il y a, à Wallis-et- Futuna, trois rois traditionnels dont les fonctions ont été reconnues par le statut de 1961. Aujourd’hui, la gratuité ne joue plus pour les prothèses dentaires ni pour les lunettes. Voilà pourquoi les gens les plus édentés de France vivent à Wallis et Futuna ! Et pourtant, c’est là que l’on trouve les plus grands patriotes, qui ont une tradition d’engagement dans le service national. On leur dit que les choses ont changé, que la santé gratuite, c’est terminé, et qu’en raison de leur statut, ils ne peuvent pas bénéficier de la péréquation nationale. Wallis-et-Futuna compte 12 000 habitants : ce n’est pas cela qui va ruiner la France ! Nous avons le devoir moral de tout faire pour que ces citoyens puissent bénéficier de la péréquation nationale. Faute de quoi, il conviendrait d’accorder une subvention à ce petit territoire, qui compte dix-neuf élus, afin de baisser le coût de l’électricité. Lorsque j’étais au Gouvernement, j’ai pris des mesures dans ce sens, mais elles sont insuffisantes. Il faut poursuivre ce travail.
En ce qui concerne le pilotage de la politique énergétique, je souscris pleinement à toutes les propositions qui ont été évoquées. Il convient de mieux intégrer, mieux contrôler, voire mieux maîtriser la stratégie décidée par EDF et EDF SEI. Aujourd’hui, EDF PEI procède à une contractualisation hors contrôle. J’avoue avoir du mal à comprendre, car nous avons tous assisté, impuissants, à l’intégration et à la filialisation d’EDF Energies Nouvelles de M. Mouratoglou. Sachez que la région Guadeloupe, que j’ai l’honneur de présider, a demandé une habilitation, en vertu de l’article 73 de la Constitution. Nous faisons ce que l’on appelle des lois et des décrets de région, publiés au Journal officiel de la République française. J’ai ainsi publié 29 lois d’origine régionale, qui ont contribué à baisser les prélèvements sur la CSPE. Dans le projet de loi sur la transition énergétique, un alinéa précise que, désormais, ces lois et ces décrets devront se faire à budget constant et que leur application ne devra être en aucun cas imputée sur la CSPE.
Je rappelle à nos collègues qu’une habilitation, c’est « tout bénéfice » pour l’État, qui cède une compétence sans donner aucune ressource. Or rien que pour la maîtrise de l’énergie et la réglementation thermique des constructions, que demandent toute la Caraïbe, la République d’Haïti, le Venezuela, nous avons adapté aux pays tropicaux une législation faite pour les pays tempérés et nous avons dépensé près de 5 millions d’euros. La Martinique a fait de même, en apportant des améliorations. Nous avons ainsi contribué à baisser les prélèvements sur la CSPE. Eh bien, aujourd’hui, on nous demande de nous débrouiller, mais à budget constant ! Il faudrait pour le moins faire l’inventaire et le bilan chiffré de ce que nous avons fait. C’est une atteinte manifeste portée aux habilitations. J’ai donc déposé un amendement visant à supprimer cette disposition. Car si elle devait être appliquée, ce serait un coup sévère porté à la décentralisation et à l’autonomie régionale.
Enfin, le schéma régional climat air énergie (SRCAE) n’est pas prescriptif, mais déclaratif. Il faut l’intégrer dans la PPE, je souscris totalement à cette proposition, mais aussi dans les schémas d’aménagement régionaux (SAR), qui sont, eux, prescriptifs et normatifs. Nous aurions alors quelque pouvoir de contrôle.
Auparavant, c’était EDF qui recevait les propositions, notamment en matière photovoltaïque. C’était EDF qui, seule, classait les projets par ordre d’arrivée et d’importance et qui décidait souverainement, pour ne pas dire en toute opacité, du choix des bénéficiaires. EDF avait alors deux filiales, Tenesol, devenue Sunzil, laquelle est également une filiale du groupe Total, et EDF Energies Nouvelles de M. Mouratoglou. Depuis, EDF a absorbé totalement, pour des sommes folles, EDF Energies Nouvelles. C’étaient presque uniquement les projets de ces deux sociétés, quelle que soit la date de dépôt, qui étaient priorisés. J’ai dû demander, dans le cadre des lois d’habilitation que, désormais, les projets soient déposés au niveau de la région et que le choix entre l’habilitation et le système traditionnel de décision relève d’une commission mixte. Il y a là un problème de gouvernance et de pilotage qu’il faut clarifier dans le projet de loi.
Enfin, j’aimerais savoir ce qu’il en est des tarifs d’électricité, s’agissant notamment des tarifs bleus, pour les personnes en situation de précarité énergétique. À ce titre, la loi Brottes est une avancée importante.
M. le président François Brottes. Me féliciter ne vous autorise pas à dépasser votre temps de parole… (Sourires.)
M. Victorin Lurel. Nous devons atteindre un certain degré d’autonomie d’ici à 2020 – 50 % pour les outre-mer en général, un peu moins pour Mayotte – et l’autonomie totale en 2050. Contrairement au Grenelle, le rapport ne contient pas d’objectifs chiffrés pour l’outre-mer, alors qu’ils y figurent pour l’Hexagone. Il y a donc des améliorations à apporter. Cela étant, c’est un excellent rapport. Je l’étudierai de manière plus approfondie et je déposerai éventuellement des amendements.
M. le président François Brottes. J’ai toujours eu quelques difficultés à canaliser le temps de parole de Victorin Lurel. J’avoue cette faiblesse ! Et j’ai un peu le même problème avec Dino Cinieri, à qui je vais donner la parole…
J’indique que, dans quelques minutes, nous devons commencer une table ronde avec des représentants de l’ensemble des collectivités territoriales de notre pays, et que je suis encore saisi de cinq demandes de prise de parole… J’appelle donc chacun à la concision.
M. Dino Cinieri. Chers collègues, je veux d’abord, à mon tour, vous féliciter pour la qualité de votre rapport et la clarté de votre présentation.
L’outre-mer a plus que jamais besoin de stabilité, de visibilité et surtout de la pérennité des dispositifs.
Vous l’avez dit, depuis plusieurs années, de nombreuses filières renouvelables sont à l’arrêt. Avec la loi Grenelle, la France s’est fixé un objectif ambitieux pour les collectivités d’outre-mer : l’autonomie énergétique par le biais de la maîtrise des consommations et du recours aux énergies renouvelables à hauteur de 50 % de l’approvisionnement énergétique à l’horizon 2020.
Effectivement, les freins au développement de ces filières dans les territoires ultramarins n’ont toujours pas été levés, en particulier l’arrêté technique qui interdit l’injection en puissance de plus de 30 % d’électricité variable sur les réseaux non interconnectés. Cet arrêté condamne la poursuite du développement des énergies renouvelables électriques variables et sans stockage.
Le projet de loi de Mme Royal est-il, selon les spécialistes que vous avez auditionnés, suffisant pour relancer ces filières, et en particulier le solaire photovoltaïque ?
En matière d’investissement, pensez-vous qu’il sera possible de redonner confiance aux contribuables, suite aux déceptions engendrées par le raté du dispositif de défiscalisation dit « Girardin industriel solaire » ?
Mme Delphine Batho. Je voudrais à mon tour féliciter les rapporteurs et souligner à quel point la transition énergétique dans les territoires d’outre-mer est un sujet crucial. Vous avez parfaitement expliqué l’urgence qu’il y avait à prendre cette situation à bras-le-corps et à y apporter des réponses.
Je voulais aussi souligner la chance que représente pour nous le développement des énergies renouvelables et du stockage. Je pense notamment à un certain nombre de produits made in France, qui seront ensuite exportables dans des territoires ayant les mêmes caractéristiques, notamment climatiques.
Dans ce rapport, nombre de remarques me paraissent très pertinentes. Elles rejoignent d’ailleurs les réflexions issues du salon Energ’îles, initiative appuyée par le réseau Pure Avenir. Les régions d’outre-mer, qui s’étaient réunies au moment du débat national sur la transition énergétique, y avaient alors remarquablement contribué. J’en vois le prolongement dans ce rapport, qui constitue une base solide pour faire des propositions.
Ensuite, les questions posées sur la gouvernance et sur l’articulation des décisions nationales avec des spécificités territoriales sont, en fin de compte, assez comparables aux questions posées par les régions, y compris en métropole, concernant la mise en œuvre et le pilotage de la transition énergétique. Cela étant, il faut apporter des réponses adaptées en termes de gouvernance.
Je voudrais poser plusieurs questions.
La première porte sur l’éolien. Votre rapport soulève le problème posé par la notion d’« espaces proches du rivage », inscrite dans la loi et dont la définition est assez floue. Il y a aussi la question de l’augmentation des tarifs de rachat de l’éolien. Quel diagnostic faites-vous puisque cela n’a pas conduit, plus d’un an après, au redémarrage de l’éolien dans les territoires d’outre-mer ?
Je n’ai pas lu le rapport en détail, mais, concernant la question du solaire thermique, des appels d’offres spécifiques aux territoires d’outre-mer avaient été évoqués, voire annoncés. Où en est-on ?
Enfin, je crois qu’il faut faire sauter la règle des 30 %, en tenant compte, bien sûr, des caractéristiques de chaque territoire. La problématique rejoint ce qu’a dit Victorin Lurel sur la question de la gouvernance, de l’influence et du pouvoir de décision, s’agissant notamment d’EDF. Il y a aussi des enjeux stratégiques concernant la géothermie profonde : je pense notamment à la centrale de Bouillante. Ericka Bareigts a indiqué tout à l’heure que la transition énergétique nécessitait un certain nombre d’investissements. Cela vaut à l’échelle nationale. On peut donc dire que les points communs sont notables. Mais on a outre-mer un concentré de la situation nationale, avec, de surcroît, la possibilité de faire des territoires d’expérimentation, dans la mesure où les énergies renouvelables peuvent y être plus compétitives que les énergies fossiles utilisées actuellement.
Mme Frédérique Massat. Je souhaiterais interroger les auteurs du rapport sur le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. À ce titre, nous avons eu des soucis dans certaines zones de montagne, notamment lors de la transformation du FACÉ en compte d’affectation spéciale (CAS). Les élus semblent avoir un peu perdu la main sur la façon dont étaient affectées les sommes issues de ce fonds dont, je le rappelle, EDF est l’un des contributeurs.
Aujourd’hui, vous déplorez à juste titre l’évolution du rôle joué par ce fonds, qui avait été créé, à l’origine, pour favoriser l’électrification des zones peu denses et en difficulté. Il visait à l’extension du réseau, pas uniquement à sa réparation. Aujourd’hui, le FACÉ n’est pas remis en cause, mais sa gouvernance semble être à revoir, afin qu’il puisse jouer son véritable rôle, car il est inadmissible que les écarts ne soient pas intégrés dans le périmètre de la concession. Les populations d’un territoire doivent toutes avoir accès au réseau.
J’en viens aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et aux schémas régionaux climat air énergie dont le caractère non prescriptif pose généralement problème. Je m’étonne qu’EDF, qui a contribué à leur élaboration, ne les prenne pas en compte, s’agissant notamment des schémas de raccordement au réseau. Les schémas déterminés par les élus ne servent donc à rien. Ils doivent être prescriptifs, sinon, il faut les supprimer !
Mme Brigitte Allain. Je voudrais d’abord remercier nos collègues pour ce rapport, que je n’ai malheureusement pas eu le temps d’examiner dans le détail.
J’ai assisté, la semaine dernière, à la réunion de la délégation aux outre-mer. Le rapport pointe le problème du fameux blocage des 30 %, que nous devons, selon moi, supprimer du texte de loi. Il pointe aussi les questions d’accompagnement de financement et de rééquilibrage qui, comme l’a dit Victorin Lurel, restent peut-être l’héritage d’un passé colonial dont nous devons sortir. Il faut arrêter ce gâchis écologique et économique pour permettre le développement territorial et la création d’emplois grâce à la capacité de ces territoires à produire leur propre énergie, en soutenant les acteurs et en encourageant la valorisation des ressources naturelles locales. Elles sont importantes dans la plupart de ces territoires : l’eau, la biomasse, le soleil, le vent. Ces ressources sont citées dans le rapport, ainsi que les spécificités de certains territoires, qui ont besoin d’être soutenus dans cette démarche pour aller vers une quasi autonomie de la production d’énergie.
Par ailleurs, la question de la gestion des déchets n’est pas traitée. Dans un grand nombre de territoires, le coût est important et le bilan carbone négatif. L’énergie est produite à partir d’énergies fossiles importées, d’où un coût énergétique important au niveau du transport, et les déchets sont traités loin des territoires où ils sont produits. Or nous savons aujourd’hui que ce coût économique et écologique pourrait, au contraire, devenir un produit pour peu que l’on valorise les déchets au niveau local. Il y a là un potentiel énergétique important, car le tri et le traitement des déchets permettraient de produire non seulement des composts, mais aussi des engrais, du gaz, donc de produire de l’électricité et d’utiliser la chaleur à bon escient. Allons-nous passer à côté de cette question qui me paraît essentielle, aujourd’hui, pour les territoires d’outre-mer ?
Mme Annick Le Loch. Je souhaite féliciter nos deux rapporteurs, et en particulier Ericka Bareigts, qui a présenté de façon très pédagogique les problématiques des outre-mer. Cela étant, elles sont les mêmes sur les îles plus proches de la métropole. Je pense à l’île de Sein, mais aussi à Ouessant et Molène, qui sont également des ZNI. Toutes les problématiques soulevées, à savoir les freins réglementaires, mais aussi les bilans carbone désastreux, la CSPE, élevée dans ces secteurs, sont les mêmes sur les îles finistériennes, mais aussi, je le répète, sur toutes celles qui sont proches de la métropole.
Nous allons, à partir des solutions proposées dans le rapport, pouvoir mener des expérimentations, pourquoi pas sur ces îles où, jusqu’à présent, les énergies renouvelables (ENR) n’ont absolument pas été développées.
Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Madame Allain, nous abordons la valorisation des déchets à travers la question de la biomasse. Ensuite, il faudra apporter dans la loi des éléments plus importants.
Madame Batho, il y a, certes, des similitudes entre les régions de l’Hexagone et les ZNI. Mais la grande différence, c’est que nous sommes des ZNI, et cela change tout ! Il faut, garder cela en tête, car cela modifie totalement l’approche que l’on peut avoir.
Enfin, pour répondre à Victorin Lurel, la réglementation de droit commun sur les tarifs sociaux s’applique aujourd’hui dans les ZNI.
J’en viens à une question qui nous a beaucoup intéressés, celle de la gouvernance. Cela me permettra peut-être de répondre en même temps sur la question des SRCAE et du FACÉ. Nos propositions visent à intégrer les documents de politique régionale qui ne s’imposent aujourd’hui à personne. Le SRCAE est bien fait, avec beaucoup d’énergie et d’intelligence, dans les territoires, mais ce n’est pas lui qui détermine les investissements dans ces mêmes territoires. C’est donc un travail qui n’est pas inutile, mais qui ne brise pas le cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons.
L’idée est d’intégrer ou de faire disparaître le SRCAE au profit d’une approche globale qui s’impose juridiquement, partagée entre l’état et la région, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Celle-ci deviendra ainsi l’outil de gouvernance politique, concernant l’opportunité des projets. Du coup, cela permettra à la CRE de se référer, dans son évaluation de celle-ci, à ce qui aura été arrêté dans le cadre de la PPE par l’état et la région. Une annexe ou un document budgétaire donneront, de surcroît, une meilleure visibilité sur les investissements à réaliser dans les cinq, dix ou quinze ans. Ce document s’imposera à la CRE, bien sûr, mais aussi à EDF SEI et à tous les opérateurs qui voudront, demain, proposer des projets dans le cadre des politiques publiques territoriales de transition énergétique.
J’insiste sur ce point, car il s’agit d’un outil qui changera le cours des choses à l’approche de la transition énergétique dans les territoires. Elle se fera avec l’État et les régions, et les documents s’imposeront à ceux qui, jusqu’à présent, n’étaient pas soumis à des règles – je pense, entre autres, à EDF.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Les éoliennes ont fait l’objet de plusieurs questions.
L’impossibilité de construire des éoliennes dans des espaces proches du rivage est une notion imprécise et parfois difficile à appliquer localement. Cela étant, il y a déjà une jurisprudence relativement abondante. Supprimer cette réserve me semblerait extrêmement dangereux. Nous aurions alors un développement totalement incontrôlé des éoliennes tout au long du littoral et nous risquerions d’abîmer des paysages exceptionnels. Si la loi Brottes n’a pas permis le développement des éoliennes dans les territoires ultramarins, il y a beaucoup d’autres raisons pour maintenir cette limite des espaces proches du rivage. Je pense notamment au coût du raccordement, qui est un véritable obstacle.
J’en viens à la règle des 30 %. Il faut maintenir une limite, mais sans doute l’adapter aux territoires, dans les PPE territoriales. C’est l’une des propositions du rapport.
Il y a aussi l’accès à certaines aides ou à certaines subventions, qui est difficile dans les territoires ultramarins.
Enfin, il y a les appels d’offres, qui sont mal ficelés. Je vous donne un exemple. On sait qu’un appel d’offres a été lancé à La Réunion et que deux entreprises nationales ont été retenues, évinçant des acteurs locaux qui n’étaient peut-être pas, il est vrai, en capacité de se mettre sur les rangs. Le résultat est que deux entreprises ont été retenues, mais qu’elles n’ont pas encore déposé de projet concret. Il y a tout un travail à faire sur la façon dont sont élaborés et lancés les appels d’offres, afin de laisser une place aux acteurs locaux.
Je conclurai en indiquant qu’il y a onze propositions dans le rapport. C’est un nombre relativement élevé, et elles permettront, si elles sont transformées en amendements et adoptées, de faire évoluer les choses. Il faut adapter les dispositifs nationaux et laisser plus de liberté à ces territoires pour tenir compte de leurs réelles spécificités. C’est de cette façon que nous pourrons faire émerger un modèle original. Il ne faut pas chercher à dupliquer ou à adapter aux territoires ultramarins ce qui a été pensé pour la métropole. Il faut aussi qu’ils puissent porter leurs propres projets, leurs propres modèles, qu’ils pourront ensuite exporter. Le made in France, c’est peut-être aussi cela. Il y a là de véritables chances et des solutions à trouver pour nos concitoyens. Ce peut-être aussi une nouvelle filière à construire dans certains de ces territoires, et donc une source d’emplois, en plus de la nécessaire préservation de l’environnement.
M. le président François Brottes. Je remercie les deux rapporteurs et tous ceux qui ont collaboré à ce rapport.
J’ai compris, en les écoutant, que les membres de la commission des affaires économiques ne s’opposaient pas à la publication de cet excellent rapport (Assentiment.). Chers collègues, je vous remercie.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Réunion du mercredi 17 septembre 2014 à 9 h 30
Présents. - M. Bernard Accoyer, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, M. Jean-Luc Bleunven, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Pascal Deguilhem, M. Daniel Fasquelle, M. Claude de Ganay, M. Jean-Luc Laurent, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Victorin Lurel, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Lionel Tardy, M. Stéphane Travert, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter
Excusés. - M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, M. Antoine Herth, M. Franck Reynier
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout, M. Christian Franqueville, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Michel Lesage, Mme Barbara Pompili, M. Dominique Potier, M. Christophe Premat, Mme Catherine Quéré, M. Bernard Reynès