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Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Mercredi 17 septembre 2014

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 15

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, avec la participation de M. Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Mme Marie Castelli, secrétaire générale de AVERE France, M. Jean-Christophe Béziat, directeur des relations institutionnelles pour l’Innovation, l’environnement et la mobilité de Renault et M. Adamo Screnci, vice-président exécutif de McPhy Energy (thèmes : le stockage de l'électricité et le véhicule électrique)

M. le président François Brottes. Nous souhaitons nous intéresser à des sujets nouveaux, parfois mal connus ou inaboutis. Le stockage s’apparente à un puits sans fond d’innovation attendue, faute de modèle économique. Pour résoudre le problème de l’intermittence des énergies renouvelables, peut-on imaginer une solution industrielle de stockage ? Le projet de loi ne fait qu’effleurer cette question. Il accorde, en revanche, une grande place au véhicule électrique, ce qui lui vaut de nombreux reproches. Au moins a-t-il le mérite de traduire la volonté de développer cette filière. Un autre texte a été voté récemment pour assurer le déploiement de bornes de recharge rapide en vue de rassurer les consommateurs. Las ! elles n’ont rien de vertueux, car elles utilisent de l’énergie sans tenir compte de sa disponibilité – mais il est difficile d’expliquer au client qu’il ne peut recharger sa voiture que la nuit.

Nous sommes désireux de connaître votre point de vue sur le projet de loi, particulièrement sur les thèmes du stockage de l’électricité et du véhicule électrique.

M. Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Un premier élément à prendre en compte est que le développement des énergies renouvelables, qui n’offrent pas de garantie de production face à la demande, doit nécessairement s’accompagner de capacités de stockage. Or le développement de telles capacités est freiné par l’absence de modèle économique.

Le CEA a récemment démontré que l’autoconsommation pour une installation de panneaux photovoltaïques située en Corse peut passer de 30 % sans stockage à 65 % avec une capacité raisonnable de stockage. La représentation nationale et les acteurs du secteur des énergies renouvelables doivent prendre conscience que la maturité des progrès technologiques autorise un couplage étroit entre stockage et production intermittente.

Un deuxième élément est que le stockage exige une intelligence de gestion. Les mêmes travaux montrent qu’il est possible de multiplier par trois la durée de vie d’une batterie en adaptant ses cycles de charge et décharge aux besoins. Il n’est ainsi pas judicieux de recharger systématiquement en totalité sa batterie si l’on peut se contenter de la moitié de sa capacité. La gestion de la batterie rend celle-ci plus performante. Il faut donc accompagner le développement des technologies de stockage d’une aide à la décision reposant sur une connaissance des usages.

Troisième élément, les progrès technologiques sont très importants. Le prix d’une batterie a été divisé par deux depuis 2010. De même, pour les piles à combustible, sont actuellement mis au point des matériaux susceptibles de se substituer à certains matériaux rares et coûteux qui entrent dans leur composition.

La loi devrait insister davantage sur la volonté de l’État de s’appuyer sur une recherche de qualité qui mériterait toutefois d’être mieux coordonnée. De multiples pistes sont ouvertes aujourd’hui ; cette ouverture doit être préservée, mais il faut être capable de concentrer les moyens sur les opportunités qui se présentent, en particulier en renforçant le poids de la recherche technologique.

Mme Marie Castelli, secrétaire générale d’AVERE France. AVERE France est l’association professionnelle nationale pour le développement de la mobilité électrique. Cette fédération représentative de l’écosystème de la mobilité électrique rassemble les constructeurs automobiles, les constructeurs d’infrastructures de recharge, les installateurs, les pourvoyeurs de service, les entreprises utilisatrices et les collectivités territoriales impliquées dans le développement de la mobilité électrique.

Nous nous félicitons de ce texte qui comporte des mesures de soutien à la filière. Face aux critiques sur la place accordée au véhicule électrique, il convient de rappeler que le soutien à ce secteur, constant depuis 2009, a permis le développement d’une filière industrielle et d’un savoir-faire français – pour preuve, le nombre d’adhérents de l’AVERE est passé de 40 il y a cinq ans à 130 aujourd’hui. Cette filière, qui est pourvoyeuse d’emplois, s’inscrit parfaitement dans l’objectif d’une croissance verte affiché par le projet de loi.

Il faut également souligner le savoir-faire de la France dans la production d’électricité décarbonée. Le choix de l’électrique est donc pertinent sur le plan à la fois économique et environnemental.

À l’argument d’un marché du véhicule électrique balbutiant, on peut opposer que celui-ci connaît un dynamisme inégalé aujourd’hui dans l’automobile. Depuis la commercialisation des premiers véhicules en 2010, le marché a connu une croissance exponentielle chaque année, le nombre de véhicules immatriculés passant de 980 en 2011 à 13 954 en 2013. Ces chiffres paraissent marginaux par rapport aux deux millions de véhicules vendus, mais ils traduisent un dynamisme encourageant pour une révolution technologique. Les volumes de vente sont vingt fois supérieurs sur les premières années à ceux de la technologie hybride. Le marché des infrastructures connaît un développement similaire : le maillage territorial progresse, que ce soit pour les bornes publiques ou privées. Ces dernières constituent un enjeu fondamental puisque 90 % de la recharge a lieu à domicile ou sur le lieu de travail. Nous nous félicitons que cette question soit abordée par le projet de loi.

Quelques remarques sur le projet de loi. Parmi les mesures relatives à la mobilité électrique, la prime à la conversion d’un véhicule diesel en véhicule électrique, qui reste à concrétiser dans la loi de finances, nous intéresse particulièrement. Malgré la baisse du coût des batteries, les véhicules électriques, faute de volumes de production suffisants, restent chers. Si le bonus écologique est vital, la prime supplémentaire est bienvenue pour faciliter un accès élargi de la population à ces véhicules.

Deux bémols toutefois s’agissant des critères géographique et de revenus qui s’appliqueraient à cette prime. Le premier ne doit pas être limité aux centres-villes pollués, car les plus nombreux à y circuler sont des périurbains. Pour le second, je tire une sonnette d’alarme : même avec une aide globale de 10 000 euros, les véhicules électriques neufs restent inaccessibles aux faibles revenus. Le critère de revenus doit permettre de s’adresser aux personnes susceptibles d’acheter des véhicules neufs, sinon la prime n’aura pas l’effet de levier escompté.

S’agissant du câblage dans les immeubles, le projet de loi étend l’obligation de précâblage dans le neuf aux bâtiments à usage industriel et tertiaire, bâtiments publics et ensembles commerciaux. Il est essentiel de faciliter l’installation des infrastructures dans ces lieux de recharge. Seul bémol, l’article L. 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit une obligation de précâblage pour tous les immeubles dont le permis de construire a été déposé avant le 1er juillet 2012, est réécrit sans mentionner ces immeubles. Il me semble qu’il y a là un vide juridique qui doit sans doute être comblé.

En outre, la notion de câblage doit être suffisamment précise pour être contraignante pour les promoteurs immobiliers. Il semble que ces derniers interprètent a minima cette notion pour respecter l’obligation à moindre coût.

Dernier bémol sur cet article 10, les dates d’application nous semblent lointaines
– 1er janvier 2016 pour les ensembles commerciaux et de cinéma, 1er janvier 2017 pour les parkings d’habitation. Le marché est à un moment charnière, il ne faudrait pas que le soufflé retombe. Nous plaidons plutôt pour une mise en œuvre à la mi-2015, sinon les mesures risquent d’arriver trop tard.

Il ressort d’une étude réalisée avec Ipsos sur la perception de la mobilité électrique par les Français que les véhicules électriques bénéficient d’une image positive sur le plan écologique. En revanche, il y a une véritable méconnaissance du coût, des modalités de recharge et des dispositifs d’incitation. Une campagne de communication et de pédagogie serait nécessaire pour accompagner le développement de la mobilité électrique en France.

Enfin, certains véhicules sont oubliés dans le projet de loi : les véhicules légers de petite taille – deux-roues, tricycles, quadricycles. C’est regrettable quand on connaît la part que prennent à la pollution les deux-roues dans les centres urbains. Il pourrait être intéressant d’étendre les primes envisagées à ce type de véhicules.

M. le président François Brottes. Chacun reconnaît que le véhicule électrique s’adresse davantage aux rurbains.

Quant au câblage des immeubles, j’avais déposé des amendements sur le projet de loi ALUR pour donner aux maires la possibilité de contrôler le respect de l’obligation, mais ils ont été repoussés par la ministre. On le sait, sans contrôle, la norme peine à s’appliquer.

M. Jean-Christophe Béziat, directeur des relations institutionnelles pour l’innovation, l’environnement et la mobilité de Renault. Le secteur automobile, et Renault en particulier, est très impliqué dans trois enjeux environnementaux majeurs : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l’air en milieu urbain et l’épuisement des ressources.

La stratégie véhicule électrique de Renault, lancée en 2008, répond aux deux premières préoccupations. Mais j’aborderai également la question des ressources, car Renault développe de nombreuses activités dans le domaine de l’économie circulaire qui fait l’objet du titre IV du projet de loi.

Renault a mis en place une stratégie de déploiement massif du véhicule électrique, qui se traduit par la commercialisation d’une gamme complète de véhicules et à des coûts d’achat accessibles, comparables à ceux des véhicules thermiques.

Le véhicule électrique, qui garantit l’absence de gaz d’échappement lors du roulage, apporte une réponse aux préoccupations en matière d’émissions et de qualité de l’air. Sur ce dernier point, nous avons mené, avec un laboratoire spécialisé dans la modélisation de la qualité de l’air, une étude sur la ville de Rome qui montre qu’avec 20 % de véhicules électriques dans le parc roulant du centre-ville, on diminue les émissions polluantes de 20 à 40 %.

Le véhicule électrique, c’est avant tout le plaisir de la conduite – considéré comme honteux de nos jours. Nous pouvons démontrer que celui-ci n’est pas antinomique de la vertu environnementale.

Le marché du véhicule électrique progresse partout dans le monde. La croissance des ventes de véhicules électriques est même beaucoup plus rapide que celle des véhicules hybrides au démarrage de cette technologie, il y a quinze ans.

Renault a commercialisé 45 000 véhicules. L’alliance avec son partenaire Nissan est leader mondial avec environ 180 000 véhicules vendus. En France, Zoe, véhicule produit à Flins, est également leader avec 50 % de parts de marché.

Le véhicule électrique est aussi une façon de repenser la mobilité des personnes et des biens, et de réinventer des interfaces avec d’autres systèmes de mobilité urbains. Renault a annoncé la semaine dernière un partenariat avec Bolloré pour participer au service d’autopartage développé par celui-ci.

Mme Castelli a rappelé le rôle déterminant des pouvoirs publics pour le développement des véhicules électriques. J’insiste sur la nécessité d’inscrire les politiques publiques dans la durée pour en percevoir les effets.

S’agissant des mesures du titre III, l’intégration de véhicules électriques dans les flottes de l’État et des collectivités territoriales est très importante, car elle renforce la familiarisation du public avec ces véhicules. Ces derniers ne sont plus une bizarrerie dans le paysage quotidien, mais une alternative crédible.

Les mesures en matière de droit à la prise contribuent à lever le verrou de l’accès à l’infrastructure de charge. La difficulté d’installation d’une borne dans un parking d’immeuble d’habitation a pour conséquence que 90 % des clients résident en habitat individuel, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’une diffusion de masse et d’un accès pour tous.

Mais, après le décret de juin 2011, les corrections et compléments apportés dans la loi ALUR puis dans ce projet de loi risquent d’aboutir à un empilement de mesures complexes qui demandera un travail de pédagogie en direction notamment du secteur du bâtiment.

M. le président François Brottes. Pouvez-vous préciser les mesures que vous visez ?

M. Jean-Christophe Béziat. Les mesures se sont succédé, les unes s’adressant aux particuliers – le décret de 2011 –, d’autres visant la construction d’immeubles neufs – habitation et bureaux, d’abord, bâtiments à usage industriel et commercial ensuite – avant les ultimes compléments du titre III de ce projet. Ces mesures sont parfaitement vertueuses mais compliquées.

M. le président François Brottes. Il faudrait faire un guide d’implantation des bornes électriques…

M. Jean-Christophe Béziat. L’abondement du bonus écologique sous condition de mise au rebut d’un véhicule ancien contribuera aussi au développement de la mobilité électrique et au renouvellement du parc. Nous soulignons néanmoins la complexité des critères additionnels géographiques ou de ressources qui figurent dans le projet de loi.

Un autre aspect important pour le développement des véhicules électriques n’est malheureusement pas abordé : les aides à l’usage, telles que la tarification préférentielle pour le stationnement ou les péages ou encore l’accès à certaines voies réservées.

Le véhicule électrique, lorsqu’il est en charge, peut constituer un élément régulateur du réseau électrique, vis-à-vis de la production intermittente notamment. On peut également remployer les batteries issues de véhicules électriques en fin de vie pour les utiliser en stationnaire. Renault et Bouygues ont signé un partenariat qui vise à démontrer la faisabilité du remploi de batteries pour stocker l’énergie produite par un bâtiment à partir du photovoltaïque et réguler l’énergie du bâtiment. On parle de smart building. Une expérimentation doit démarrer prochainement au siège de Bouygues à Saint-Quentin-en-Yvelines. Le développement de ces technologies nécessitera des efforts de recherche et développement (R&D) ainsi qu’un travail sur le cadre réglementaire.

Le crédit d’impôt pour l’installation de la borne de recharge à domicile est une mesure incitative très positive.

Un mot sur le titre IV pour conclure, car Renault est très impliqué dans l’économie circulaire depuis 1949, avec l’usine de Choisy-le-Roi qui rénove des pièces et des organes mécaniques afin de proposer des pièces d’occasion moins chères. Par ailleurs, nous sommes associés avec Suez dans Indra, l’un des acteurs majeurs de la déconstruction automobile – 400 sites et 300 000 véhicules hors d’usage valorisés, soit un quart du gisement français. Nous mettons en place des boucles de récupération de matières premières issues de la déconstruction. Nous sommes en pointe dans l’incorporation de matériaux recyclés dans nos véhicules neufs. Sur un véhicule Captur, 30 % de la masse est constituée de matériaux recyclés.

S’agissant du développement de l’économie circulaire, nous attirons l’attention sur plusieurs points : le cadre réglementaire ne doit pas venir freiner le développement de cette économie ; la mise en œuvre du principe de proximité ne doit pas être une source de rigidité ; les modes de calcul du taux de recyclage doivent être standardisés au niveau international ; il est indispensable de lutter contre les filières illégales de traitement des véhicules hors d’usage et de décourager leur exportation, car ils constituent une ressource.

M. Adamo Screnci, vice-président exécutif de McPhy Energy. La société McPhy Energy est née de la rencontre d’une innovation technologique issue de dix ans de recherche au CNRS et de plusieurs années de collaboration avec le CEA, et de l’idée que la valorisation des importantes quantités d’énergie gaspillées pourrait bien devenir un marché porteur. Son objet est donc de fabriquer des équipements pour valoriser l’énergie dite fatale, malheureusement considérée comme un déchet. Notre offre repose sur une technologie innovante de stockage sous forme solide de l’hydrogène couplée à la production décentralisée d’hydrogène sur site à partir d’électrolyse.

McPhy a franchi de nombreuses étapes depuis sa création : incubation, prototypes, recherche de fonds à travers le crédit d’impôt recherche – très bénéfique – et des fonds de capital-risque, développement de projets participatifs à l’étranger – Japon, Italie, Allemagne et États-Unis – et bientôt en France, jusqu’à notre récente introduction en bourse en mars 2014, qui a été un succès. La technologie de l’hydrogène suscite un intérêt dont profitent notre technologie de stockage et le couplage des deux. Cet intérêt est manifesté à la fois par les investisseurs, grâce auxquels nous avons levé 57 millions d’euros, par les industriels étrangers, comme Enel, E.ON et Iwatani, qui ont investi dans des prototypes, et par le public, comme en témoigne le succès de notre introduction en bourse.

Aujourd’hui, nous avons deux filiales, l’une en Allemagne et l’autre en Italie, et trois sont en cours de création.

Nous avons identifié trois marchés prioritaires. Le premier est celui de la mobilité à hydrogène décarboné. De nos jours, 95 % de l’hydrogène est carboné. Produit principalement à partir du gaz naturel ou des hydrocarbures, il représente 800 millions de tonnes de CO2. La production d’un kilo d’hydrogène génère dix kilos de CO2, auxquels il faut ajouter le CO2 émis pour le transport, soit au total environ 15 kilos de CO2. Avec un kilo d’hydrogène, on parcourt 100 kilomètres, avec une émission de 150 grammes de CO2 au kilomètre. En résumé, l’hydrogène actuel ne résout rien, ce qui explique en partie les difficultés des véhicules à hydrogène. Or l’hydrogène décarboné est possible.

Deuxième marché important, l’hydrogène comme vecteur dans le power to gas, autrement dit le stockage d’énergie. Nous avons convaincu quelques industriels français de s’y intéresser.

Le troisième marché est celui de l’hydrogène industriel. On produit aujourd’hui dans le monde 60 millions de tonnes d’hydrogène, qui génèrent 800 millions de tonnes de CO2. Si l’on en produisait un peu moins, ce serait toujours ça de gagné en CO2, et même en indépendance énergétique.

Je retiens de nombreux éléments positifs dans le projet de loi sur la transition énergétique, des signes d’ouverture et de changement. Je cite pêle-mêle : « consommer mieux et moins » – si la première économie, c’est l’énergie non consommée, on peut aussi essayer d’utiliser l’énergie qui est produite mais non employée ; « produire autrement, localement », telle est bien notre idée ; « favoriser le développement des énergies renouvelables », chacun sait que le stockage en est indissociable ; enfin, « améliorer l’air, notre environnement, la qualité de la vie », c’est notre ADN.

Pour parvenir à ces objectifs, l’hydrogène peut jouer un rôle ; il n’est pas la solution mais il est un outil complémentaire. Le véhicule à hydrogène est aussi un véhicule électrique – avec une plus grande autonomie, une autre architecture, moins de batteries – qui répond à un autre besoin. Avec un véhicule électrique standard, il est difficile de faire Paris-Lyon ; avec un véhicule à hydrogène, on peut parcourir 600 kilomètres en ayant fait, en trois minutes, un plein qui coûte 50 euros. Nous en avons un en Allemagne, que nous utilisons tous les jours.

L’hydrogène est plus un vecteur d’énergie qu’une énergie. Il permet de faire le lien entre différentes sources d’énergie, c’est là sa force. Il rend possible le dialogue entre les réseaux d’électricité, de gaz et de pétrole ainsi que l’intégration des énergies renouvelables et du nucléaire fatal, la mobilité décarbonée et la réduction de l’empreinte carbone du gaz naturel. En cela, il est intéressant pour l’indépendance énergétique.

Une fois posé les grands principes, il faut passer aux propositions concrètes ; permettez-moi d’en faire quelques-unes.

La première serait de déployer une infrastructure hydrogène pour la mobilité. Je ne parle pas de sept millions de bornes. À court terme, c’est-à-dire en 2015, cela signifie une dizaine de stations afin de lancer la mobilité à hydrogène avec des flottes captives ; dans cinq ans, une centaine de stations, pour atteindre un niveau équivalent à ce qui existe en Allemagne, au Japon ou en Californie ; à long terme, l’objectif est d’atteindre 10 % des 12 000 stations essence actuelles.

Deuxième suggestion, un bonus de 3 euros par kilo pourrait être consenti pour l’hydrogène décarboné. Aujourd’hui, compte tenu des coûts, nous réussissons à produire de l’hydrogène pour la mobilité autour de 13 euros le kilo, soit 3 euros de trop pour être compétitif par rapport au diesel. Ces 3 euros pourraient être financés par un bonus pour un hydrogène vert. Trois euros, c’est aussi 3 centimes au kilomètre, ce qui correspond au coût admis dans différentes études de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique due aux transports. On peut rendre compétitif l’hydrogène pour la mobilité tout en réduisant la pollution.

Troisième proposition, aider au financement de 50 mégawatts de power to gas qui permet de récupérer les excédents d’électricité, de les transformer en hydrogène et de les injecter dans le réseau de gaz naturel, avec un coût de rachat du mégawattheure de 200 euros. Aujourd’hui, le biogaz est racheté autour de 130 euros le mégawattheure et le gaz naturel vaut 30 euros ; nos installations sont à l’équilibre à 250 euros. Pourquoi 200 euros ? Si on analyse toutes les technologies permettant de stocker de l’électricité – à l’exception des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage), très efficaces et amorties mais dont les capacités d’installation sont épuisées –, c’est la technologie la moins chère pour valoriser de l’électricité. Le coût ne semble pas très élevé pour résoudre le problème de stockage et de valorisation de l’électricité produite par les énergies renouvelables.

À partir de ces 50 mégawatts, le développement serait progressif jusqu’en 2050 puisque, selon les études de l’ADEME, reprises dans le projet de loi, à cette date, il y aura entre 25 et 30 térawattheures d’électricité inutilisable. Cette électricité pourra être récupérée avec le power to gas.

À court terme, il est important que les pouvoirs publics consolident une filière naissante animée par de petits acteurs. Nous avons démontré la technologie – que nous vendons à l’étranger –, des compétences et des capacités à gérer ce développement en toute sécurité. À long terme, il s’agit de sécuriser les grands industriels. McPhy atteint ses limites : pour des installations qui coûtent des dizaines, voire des centaines de millions d’euros, l’association avec de gros acteurs de l’énergie français est indispensable. Les grands industriels doivent prendre le relais pour permettre le déploiement national, avec la mise en place de projets locaux, créateurs d’emplois, avant d’aller à l’international.

M. le président François Brottes. Il ressort des travaux que je mène avec ERDF et RTE que le surcoût de la gestion des énergies intermittentes peut être évalué entre 600 et 700 millions d’euros chaque année. Le stockage permettrait d’éviter ces dépenses.

M. Philippe Plisson, rapporteur sur les titres III et VI. Le véhicule électrique est, en effet, au cœur de ce projet de loi. Après avoir entendu beaucoup de reproches, je suis heureux d’entendre des appréciations positives sur ce point.

Êtes-vous satisfaits du projet d’installation des sept millions de bornes ? La localisation de ces bornes, qui suppose une collaboration avec les entreprises et les immeubles, constitue une contrainte supplémentaire pour le développement de ce mode de déplacement.

Une question adressée aux constructeurs revient fréquemment : pourquoi n’avoir pas prévu des prises standard pour la recharge ?

L’autonomie limitée des véhicules électriques reste un problème. On me dit que les Fluence du parc de l’Assemblée nationale hésitent à aller jusqu’à Orly de peur de ne pas pouvoir revenir.

Pourquoi Renault a-t-il abandonné la stratégie initiale consistant à changer de batterie dans les stations-service, qui semblait plus adaptée aux usages actuels ?

Le véhicule électrique est-il condamné à rester un véhicule urbain ou peut-on espérer un développement grand public sur l’ensemble du territoire ?

Nous sommes hésitants sur l’idée de réserver des places de parking aux véhicules électriques, car elle semble contredire le pari du développement du véhicule électrique.

Est-il vrai qu’un concurrent japonais s’apprête à sortir l’an prochain un véhicule à hydrogène grand public, qui risquerait de faire beaucoup de mal aux véhicules électriques de Renault ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure sur les titres Ier et V. À quelle échéance pensez-vous commercialiser des véhicules électriques qui s’autofinanceront sur les économies de carburant ? Est-ce illusoire de l’envisager ?

Le véhicule électrique ne répond pas à tous les besoins, notamment pour les véhicules techniques, obligeant à développer d’autres types de véhicule économes en énergie. Pourra-t-on à terme disposer de tous les types de véhicules électriques – notamment les véhicules utilisés en montagne ?

Quel est le prix d’achat d’un véhicule à hydrogène non carboné ?

Mme Éricka Bareigts, rapporteure sur le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. Menez-vous une réflexion particulière sur le modèle économique du stockage dans les zones non interconnectées (ZNI) compte tenu de leurs contraintes spécifiques ?

Peut-on envisager d’intégrer dans les réseaux des outils de stockage afin de gérer, voire lisser, la pointe de consommation électrique dans ces territoires ?

M. Denis Baupin, rapporteur sur les chapitres Ier à III du titre VIII. Le coût des infrastructures ainsi que les risques pour l’équilibre des réseaux sont régulièrement avancés pour retarder la mise en place des énergies renouvelables. Pourtant, on envisage aujourd’hui l’installation de sept millions de bornes de recharge. Pour quelle raison ce qui vaut pour les unes ne vaut pas pour les autres ? Existe-t-il une étude d’impact sur ce déploiement massif ?

En matière de stockage, des solutions technologiques existent – STEP, power to gas – et d’autres seront développées grâce à la recherche, mais la question du modèle économique reste entière. Comment rémunérer ceux qui développent et mettent en place des moyens de stockage ?

En matière de passage de l’électricité au gaz, quels sont les taux de perte induits par les transformations subies ? Je crois à cette technologie et je constate la passion qui anime ceux qui travaillent sur l’hydrogène, mais je m’interroge sur les applications dans la réalité.

J’ai commis, avec Fabienne Keller, un rapport sur le véhicule écologique et sur la diversité de l’offre en la matière. Le projet de loi reste très marqué par l’électricité alors qu’il est difficile de prévoir dans quel domaine auront lieu les percées technologiques. Il y aurait sans doute intérêt à ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Faut-il construire toutes les voitures sur le même modèle, avec quatre sièges, même pour une utilisation par une seule personne ? Il faut peut-être revoir le modèle de la voiture à tout faire et repenser le lien à l’automobile.

La Twizy de Renault, malgré ses défauts, est un bel exemple d’innovation. Les petits véhicules peuvent répondre aux besoins de moindre consommation de carburant et d’espace, au regard notamment du stationnement et des embouteillages. Penser la mobilité au XXIe siècle, c’est sans doute concevoir des véhicules adaptés aux besoins. Ces véhicules répondent aussi au problème du pouvoir d’achat, en particulier pour les rurbains dont les droits à la mobilité – accès aux services publics, à l’emploi – diminuent à cause du coût de la mobilité. C’est dans ces territoires que le vote d’extrême droite progresse, car les citoyens se sentent isolés et rejetés.

Pour m’être heurté, en tant que maire-adjoint, à l’incapacité à penser l’automobile autrement, il me semble que nous sommes à un moment propice à une plus grande audace de la part des constructeurs. Je proposerai, à titre personnel, des amendements pour inciter les pouvoirs publics à soutenir les innovations en la matière.

M. Jean-Paul Chanteguet. Madame Castelli, la prime à la conversion existe déjà : d’un montant initial de 7 000 euros, elle est passée aujourd’hui à 6 700 euros. Le projet de loi l’assortit aujourd’hui de critères environnementaux et sociaux

Un crédit d’impôt visant à aider la rénovation énergétique des bâtiments est annoncé, mais il a déjà été créé ; aujourd’hui, le taux est plus proche de 20 que de 30 %, mais les plafonds resteraient identiques

M. Denis Baupin a évoqué les problèmes techniques posés par l’installation des sept millions de bornes. Combien celle-ci coûtera-t-elle ? 

M. Julien Aubert. Le stockage électrique peut prendre des formes diverses, comme les petites batteries ou l’hydroélectrique. Monsieur Bigot, que pensez-vous de l’équilibre général du texte, qui repose sur un développement d’énergies renouvelables (EnR) électriques – donc l’intermittence –, sur un stockage massif via des véhicules électriques et sur l’ouverture à la concurrence de l’hydroélectricité qui modifiera les règles de ce type de stockage, le plus massif ? Ce choix est-il risqué, sachant que des ruptures technologiques peuvent survenir dans le domaine du stockage électrique ? Ne vaudrait-il pas mieux privilégier le développement des EnR thermiques ?

Certaines flottes captives de transport ne devraient-elles pas être dédiées au gaz plutôt qu’à l’électrique, afin de diversifier les énergies, comme le disait M. Baupin ?

Nous sommes à l’aube d’une rupture technologique sur les batteries, celle-ci pouvant modifier notre arbitrage entre l’énergie intermittente et le nucléaire. Certains industriels affirment que cette avancée se produira dans moins de trois ans, alors que d’autres pensent que la batterie apportant une plus grande autonomie des véhicules électriques ne sera pas disponible avant quinze ou vingt ans. Cette différence temporelle n’est pas neutre pour la conception d’une loi de transition énergétique.

Le texte ne traite pas des transports en commun électriques ; plusieurs villes se dotent de tramways, qui modifient les modes de circulation et les relations à l’espace urbain. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Si l’on déploie un plan de développement de véhicules électriques et d’installation de sept millions de bornes, quel sera son coût total en prenant en compte le futur recyclage et le traitement des déchets ?

Mme Frédérique Massat. L’Assemblée nationale a décidé, au mois de juillet dernier, la création d’un opérateur national mis en place par l’État. Le gestionnaire du réseau se trouve associé à l’implantation des bornes. La stabilité du réseau est assurée par l’obligation de disposer d’une autorisation d’occupation du domaine public pour l’implantation des bornes de recharge.

Les véhicules électriques français pâtissent de batteries à l’autonomie restreinte, dont la capacité n’atteint pas 200 kilomètres. Il est important d’éditer un guide de la conduite de ces véhicules, car elle diffère de celle des autres voitures. Les vendeurs de véhicules électriques doivent expliquer l’ensemble de leurs spécificités, notamment en matière de recharge.

Monsieur Béziat, comment gérez-vous la prime de conversion entre les véhicules électriques et ceux en fin de vie ? Quelle est votre stratégie de répartition entre voitures électriques et autres véhicules chez Renault ?

Il y a lieu d’effectuer de nombreux efforts de R&D pour le stockage de l’électricité, au-delà de la simple question des batteries de voiture.

Mme Cécile Duflot. Le plafonnement des bornes est-il bien dimensionné s’il ne permet qu’une recharge de six à huit heures ?

Le texte ne vise que le mode de propulsion des véhicules et non leur forme. Or le type des voitures a un impact sur leur externalité environnementale. Il nous semble regrettable que le texte ne fasse pas de place aux véhicules qui, bien que propres, consomment d’autres énergies que l’électricité – je pense notamment aux transports en commun et aux vélos ; il convient de compléter le volet dédié à la mobilité et de ne pas le réduire aux seuls véhicules propres.

Nous devons traiter la question de l’adaptation des véhicules différents, qui impliquent de nouveaux modes de conduite, et nous demander si les véhicules électriques doivent ressembler aux autres, notamment au regard du poids ou des équipements, comme la climatisation par exemple.

Chacun se souvient qu’au moment de l’adoption de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), le législateur avait pris en compte le dépôt prochain de ce projet de loi sur la transition énergétique et avait prévu des dispositions instaurant l’obligation de développer le câblage, afin de ne pas hypothéquer la mise en place de bornes dans les bâtiments.

M. Bernard Accoyer. En tant qu’élu de la nation, je voudrais saluer l’engagement des deux constructeurs automobiles français dans le secteur des véhicules électriques et hybrides ; cet effort d’investissement industriel intervient, en outre, dans une période particulièrement difficile. Il convient également de souligner le succès de l’utilisation de ce type de véhicule en zone urbaine et dans les flottes de collectivités territoriales, cette réussite étant attestée par le développement des bornes dans les parkings, ceux-ci étant, comme les garages des maisons, câblés depuis bien longtemps. La filière de mobilité décarbonée a un grand avenir en milieu urbain, et nous devons l’encourager.

Comment expliquez-vous la rareté des bus électriques dans les villes françaises ? Existe-t-il un lobbying habile des constructeurs de véhicules de transport en commun à moteur thermique ?

Qu’attendez-vous de ce texte pour la filière des véhicules électriques ? Nous, députés, souhaitons soutenir l’effort des constructeurs français.

M. Bernard Bigot. Il faut prendre en compte la distance maximale que peut parcourir le véhicule électrique sans être rechargé, mais 85 % des déplacements quotidiens de nos concitoyens ne dépassent pas 100 kilomètres. Le véhicule électrique ne constitue pas la réponse à tous les besoins ; sa diffusion doit peut-être s’accompagner d’une évolution comportementale et organisationnelle. Le partage du véhicule électrique pourrait être, à l’échelle du territoire, un complément aux voitures de plus longue portée. Il est également possible de combiner le véhicule électrique avec batterie et celui avec stockage hydrogène ; on peut imaginer utiliser la batterie pour un trajet de 100 kilomètres et la réserve d’hydrogène pour un parcours de 600 kilomètres – les valises prendraient alors la place de la batterie.

Les bornes seront des lieux de haute valeur ajoutée, et il ne faudra y rester que le temps de recharger le véhicule ; cela requerra de mettre de l’intelligence dans le système. Il serait légitime que la borne puisse demander au conducteur la quantité d’électricité dont il a besoin. Il faudra que le réseau soit capable de supporter l’électricité nécessaire aux sept millions de bornes.

Au CEA, nous avons conduit une expérience à Grenoble et Chambéry. Nous avons installé des panneaux photovoltaïques sur des maisons et utilisé un parc automobile de plusieurs dizaines de véhicules : la première année, nous n’avons récupéré que 30 % d’électricité et avons dû faire appel au réseau pour les autres 70 % ; après adaptation des recharges au comportement des gens, le taux de récupération est passé à 90 %. Il sera donc nécessaire de réguler et d’informer l’automobiliste pour optimiser la ressource du réseau. Je recommanderai au législateur de prévoir l’obligation d’établir une étude d’impact de ce qui existe déjà avant de passer à l’étape suivante. Personne ne peut prévoir aujourd’hui les comportements futurs sur le seul fondement des développements technologiques, et l’objectif reste de disposer d’un système économiquement viable.

Le coût du déploiement des sept millions de bornes dépendra du lieu où elles seront implantées et de leur répartition, dispersée ou concentrée, sur le territoire.

Des expérimentations de grande capacité de stockage sont menées, afin de pouvoir répondre aux besoins des habitants de zones isolées. Il convient d’éviter les décharges rapides et brutales en détournant les consommateurs des moments de pics. Les batteries sont limitées, mais les supercondensateurs permettent de répondre ponctuellement à une demande massive d’énergie : le CEA prend toute sa part dans les progrès actuellement réalisés dans ce domaine.

S’agissant du coût de production de l’hydrogène, l’hydrolyse alcaline à basse température présente des performances limitées. L’électrolyse à haute température, qui permet pourtant d’atteindre des rendements allant jusqu’à 90 %, n’est pas assez explorée. Ces technologies sont certes plus sophistiquées, mais leur utilisation ne se trouve pas hors de notre portée. La voie du stockage chimique de l’énergie permet d’envoyer immédiatement l’hydrogène produit sans avoir besoin de le stocker dans le réseau ; en mélangeant l’hydrogène et le méthane jusqu’à 25 %, on peut non seulement réduire la facture, mais aussi améliorer le rendement thermique. Le problème réside dans le coût de production qui ne diminuera pas sans progrès technique.

Le stockage hydraulique correspond à de l’énergie de très haute valeur. Le possesseur alternatif de cette énergie devra répondre aux pics plutôt que de la vendre en continu. Si on ouvre l’hydraulique à tous les producteurs, il faudra établir des contraintes.

Le texte s’avère insuffisant en matière de stockage thermique ; le chauffe-eau thermique constitue la première capacité de stockage de l’EnR. Pourquoi n’encourageons-nous pas davantage ce chauffe-eau solaire en France, qui me paraît au moins aussi important que la prise d’alimentation dans le bâtiment pour le véhicule électrique ? Nous développons aujourd’hui des systèmes de stockage solaire, ce procédé étant évidemment utile principalement dans les pays bénéficiant d’un ensoleillement élevé.

Je ne comprends pas que l’on place sur le même plan le véhicule électrique et celui à gaz de pétrole liquéfié (GPL) : soit nous souhaitons réduire notre dépendance aux énergies fossiles, soit l’enjeu est autre.

Le stockage connaît une révolution depuis une dizaine d’années déjà, avec une amélioration significative de la fiabilité et de la sûreté des batteries, ainsi que de la capacité d’emport ; ce mouvement devrait se poursuivre dans les dix ans qui viennent. Je ne crois pas au Grand Soir, mais au maintien d’un effort important de recherche fondamentale et technologique pour venir à bout de la complexité de la matière et pour réaliser des progrès. Ces derniers toucheront notamment à la gestion de la batterie ; nous devons développer le couplage des techniques de stockage avec la gestion de l’information associée. Par exemple, une batterie améliore son rendement en fonction de son état thermique. Les batteries lithium métal des véhicules parisiens Autolib’ sont en connexion permanente afin de maintenir leur température et donc leur rendement – qui décline de 30 à 40 % en cas de température inappropriée. On peut donc optimiser sa batterie en acceptant de perdre un peu d’énergie électrique au profit du maintien d’une température aussi constante que possible.

Des petits bus électriques peuvent circuler, mais nous ne disposons pas de capacité d’emport d’énergie suffisante pour des plus gros. Il en existe qui peuvent partiellement se recharger à chaque arrêt, dans une logique d’optimisation de l’ensemble du système.

La recharge rapide ne doit être envisagée que pour le secours. Plutôt que des bornes, il faudrait imaginer des services, encouragés par la loi, qui répondent à la panne de batterie que redoute l’automobiliste.

M. le président François Brottes. Chaque point d’apport volontaire en matière de déchets – constitué de conteneurs enterrés ou semi-enterrés pour 100 à 150 logements – coûte entre 3 000 et 5 000 euros. Cela donne une idée, dans un autre domaine, de l’investissement financier nécessaire pour mettre en place un type d’implantation.

Mme Marie Castelli. Les annonces de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie concernent non pas des bornes de recharge, mais des points de charge. Dans ces derniers, un véhicule peut stationner et se brancher, alors qu’une borne comporte plusieurs points de charge ; les stations de recharge sont constituées de plusieurs bornes de recharge. Les sept millions de points de charge seront à la fois publics et privés ; ce chiffre peut paraître énorme, mais il s’agit de la prise domestique – éventuellement renforcée – de la personne disposant de son véhicule à son domicile. Le coût de ce plan dépendra de la répartition de leur localisation entre l’espace privé, l’entreprise et le domaine public, de même que des types de puissance choisis. Le prix d’un point pour un particulier s’élève à 500 euros, et non à plusieurs milliers d’euros. Le point public permettant de recharger le véhicule en six à huit heures coûte autour de 5 000 euros, et les bornes rapides – qui doivent en effet rester de secours – exigent un investissement de 30 000 à 50 000 euros. Mais ce sont les points chez les particuliers qui se trouvent au cœur du plan, si bien que son coût total s’avère moins important que ce que l’on a pu entendre, même s’il reste difficile à évaluer à l’avance.

L’impact sur le réseau dépendra des puissances appelées ; la recharge normale de 3 kilowatts n’est pas très exigeante et la recharge rapide – demandant 50 kilowatts – pèsera davantage sur le réseau, d’où l’importance de l’utilisation intelligente, comme l’a souligné M. Bernard Bigot. Le smart grid doit être intégré aux infrastructures de recharge, qui doivent être capables de gérer la recharge des véhicules en la programmant aux heures creuses lorsque la consommation est faible et en délivrant la puissance en fonction de la fragilité du réseau.

La moyenne de déplacement quotidien des Français est de 31 kilomètres ; or un véhicule électrique possède une autonomie comprise entre 150 et 200 kilomètres selon la façon dont il est conduit. Il répond donc aux besoins des trajets pendulaires de la plupart de nos concitoyens, même s’il ne correspond pas à tous les usages. Il convient d’installer un réseau de bornes de recharge rapide – de dimension limitée dans un premier temps – sur les grands axes routiers, afin d’étendre les capacités du véhicule électrique, et d’atteindre un mix énergétique dans les transports. Le projet de loi s’inscrit dans l’ère de la rationalisation de l’utilisation de l’énergie, que l’on doit faire correspondre aux besoins et aux usages. Dans ce cadre, le véhicule électrique n’est pas pertinent partout et tout le temps ; l’hybride et l’hydrogène, voire le gaz, doivent être également utilisés. L’option électrique s’avère, en revanche, la meilleure dans l’optique de l’indépendance énergétique de la France. Au final, le problème de l’autonomie des véhicules électriques apparaît surévalué lorsqu’on le confronte aux usages des Français.

Par ailleurs, je m’inscris en faux contre l’idée reçue que la voiture électrique est un véhicule urbain. Certes, elle répond à la question de la pollution en ville, mais elle est également adaptée dans les zones rurales et périurbaines ; d’ailleurs, c’est dans des villes de moins de 50 000 habitants que se fait la majorité des ventes aux particuliers. L’autonomie de ces véhicules, qui permet d’effectuer les trajets pendulaires, et l’habitat en maison individuelle où il est facile de recharger les voitures donnent toute sa pertinence à ce choix, d’autant que les pompes à essence se raréfient en zone rurale. En outre, avec une moyenne de déplacement de 38 kilomètres en zone rurale, contre18 kilomètres en ville, l’économie réalisée avec un véhicule électrique y est plus importante puisque, au regard du coût du plein – qui avoisine les deux euros pour 100 kilomètres –, elle s’accroît à chaque kilomètre parcouru par rapport au véhicule thermique.

Plutôt que de songer à réserver des places aux véhicules électriques, il convient de leur ménager des lieux pour les recharger, notamment dans les centres urbains où les gens vivent dans des immeubles et ne disposent pas de parking. La gratuité du stationnement évite l’accaparement des places du centre-ville et constitue une incitation à conduire un véhicule électrique, comme on peut le constater à Paris.

Nous ne disposons de solutions techniques mûres pour les transports en commun électriques que pour les petits bus, comme le Montmartrobus qui circule dans le 18e arrondissement de Paris ou certains véhicules roulant à La Rochelle. Il est possible de développer des bus électriques de plus grande taille grâce à des technologies de recharge par induction des véhicules à l’arrêt, mais le coût excède largement celui d’un véhicule thermique ce qui rebute la plupart de collectivités. En revanche, la technologie et l’équilibre économique des véhicules de transport en commun hybrides sont plus robustes. La question n’est donc pas liée à l’action d’un lobby des bus thermiques.

Le bonus écologique représente déjà une forme de prime à la conversion ; à l’occasion de ce projet de loi, on a entendu l’annonce d’une prime supplémentaire au bonus déjà existant. Il y aurait un intérêt à le faire, car le coût des véhicules électriques constitue la barrière à l’achat. Si le bonus permet de ramener le prix d’un véhicule électrique au niveau de son équivalent thermique, son autonomie reste toutefois quatre fois inférieure. Il aura beau coûter quatre fois moins cher en rechargement ensuite, le prix de l’achat conserve un impact psychologique important. Les gens raisonnent rarement en coût global d’usage, comme l’a montré l’enquête d’Ipsos réalisée cet été. C’est la réduction du prix des véhicules qui aura une influence sur les ventes ; une fois que l’augmentation des volumes sera constatée, les aides pourront être supprimées, car elles n’ont pas vocation à être pérennisées. Il s’agit juste de lancer le marché.

M. Jean-Christophe Béziat. Ce n’est pas le nombre de bornes qui compte pour le réseau électrique, mais celui de véhicules électriques en charge. Aujourd’hui, le parc de voitures particulières et de petits utilitaires électriques roulant en France représente trente-cinq millions de véhicules ; il n’y a donc pas sept millions de véhicules électriques en chargement au même moment. L’État fixe l’objectif que notre pays dispose de sept millions de bornes, mais il inclut l’infrastructure installée par le possesseur d’un véhicule électrique à son domicile et celle mise en place par les entreprises pour leurs salariés. Renault a implanté des centaines de bornes sur les parkings de ses sites, mais l’entreprise ne compte pas en demander le remboursement au budget de l’État ; du coup, l’évaluation du coût du plan s’avère difficile. Le financement public passe par le crédit d’impôt pour les particuliers qui sera inscrit dans la loi de finances pour 2015 et par l’enveloppe budgétaire intégrée dans le programme des investissements d’avenir en vue d’aider les collectivités locales à créer des infrastructures publiques en les cofinançant.

Les constructeurs européens se sont mis d’accord en 2010 pour que la prise électrique soit de même type sur tous les véhicules ; en revanche, les prises dans le mur, qui permettent de brancher les voitures, échappent à notre ressort et dépendent des secteurs du bâtiment et de l’électricité qui définissent un standard en fonction de normes de sécurité. Il n’y a pas d’opposition entre les constructeurs français et allemands en la matière, simplement la prise du mur en France diffère de celle retenue en Allemagne pour des raisons de sécurité.

Est-ce la voiture électrique qui ne peut pas aller à Roissy ou le chauffeur qui craint de se retrouver en panne ? Afin de rassurer les clients contre la panne, Renault propose une assistance gratuite à tous les possesseurs de véhicule électrique de la marque, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. On constate que les gens apprennent à gérer l’autonomie du véhicule et font très peu appel à ce service.

Renault pratiquait les échanges de batterie avec et pour la start-up israélo-californienne Better Place, qui a déposé son bilan l’an dernier. Cette entreprise installait des réseaux de station d’échange de batterie dans des petits territoires, mais a dû arrêter son activité à cause du poids de l’investissement nécessaire. Le charismatique patron de cette société a sans doute eu raison trop tôt. Cette opération est donc faisable techniquement et elle présente un intérêt pour stocker de l’énergie à grande échelle.

M. Denis Baupin, rapporteur. Quel est le coût de l’investissement dans un réseau d’échange de batteries ?

M. Jean-Christophe Béziat. Une station d’échange de batteries coûte environ 1 million d’euros, sachant qu’il est nécessaire de disposer de davantage de batteries que l’on n’accueillera de voitures.

Au moment du dépôt de bilan de l’entreprise, des clients satisfaits ont manifesté pour que les stations d’échange ouvertes continuent de fonctionner.

Le véhicule électrique ne couvre pas tous les besoins, bien entendu, et les technologies sont complémentaires ; à ce titre, celle de l’hybride est intéressante, et nous avons présenté hier un véhicule vitrine, dans lequel nous avons mis tout ce que nous savons faire et tout ce que nos fournisseurs et nos équipementiers fabriquent de plus efficace. Ce véhicule, allégé de 400 kilogrammes, présente un aérodynamisme particulièrement travaillé et sans compromis sur le design, afin de ne pas brider le plaisir de conduire ; en outre, on a plaisir à regarder ce prototype, nommé Eolab.

Monsieur Baupin, le véhicule tout électrique apporte la garantie au législateur et aux concepteurs des politiques publiques de ne jamais émettre de gaz d’échappement. Il ne s’agit pas d’un véhicule biénergie dans lequel il est possible d’introduire deux vecteurs énergétiques différents, sans connaître le choix final du client qui dépendra de critères économiques, de la disponibilité et de la facilité d’accès à ces deux sources énergétiques. Vous saluez également le caractère innovant de Twizy, mais on peut regretter, comme Mme Castelli, que la catégorie des quadricycles et des petits véhicules ne bénéficie pas d’aide à l’achat. Nous sommes déçus des ventes de Twizy, les consommateurs n’achetant pas ce véhicule en raison de son prix.

Renault vient d’annoncer un partenariat avec le groupe Bolloré, qui nous confiera le développement d’un véhicule de trois places.

Les véhicules Autolib’ sont équipés de la technologie lithium métal polymère qui implique le maintien sous tension des batteries, mais les véhicules équipés de batteries lithium-ion ne connaissent pas de décharge très rapide lorsque la température n’est plus adaptée ; il n’est ainsi pas nécessaire de laisser sa Zoe branchée dans son garage.

M. Adamo Screnci. Le véhicule hydrogène est électrique ; il possède une petite batterie et un gros générateur d’hydrogène. La voiture Hyundai ix-35 présente un grand agrément de conduite, une forte puissance – de 100 kilowatts –, une autonomie de 600 kilomètres et une durée pour faire le plein qui n’excède pas trois minutes ; elle offre donc le même service que celui offert par un véhicule diesel, l’agrément de conduite en plus et l’émission de CO2 en moins.

Hyundai produit quelques milliers de véhicules à hydrogène par an ; en Californie, la ix-35 coûte 30 000 dollars ou 3 000 dollars puis 500 dollars par mois, plein compris. Cette offre s’avère très compétitive, même si elle bénéficie d’un bonus écologique et d’un crédit d’impôt comme en France. La Toyota qui sera mise sur le marché en 2015 sera vendue 50 000 dollars ; il s’agira d’un véhicule haut de gamme, disposant d’une autonomie de 600 kilomètres, de la climatisation, de la radio, des vitres électriques et qui roulera à 150 kilomètres heure. Le marché de l’automobile va se séparer : ceux qui font le plein tous les trois mois n’auront pas besoin de ce type de véhicule, mais ceux qui effectuent de fréquents trajets intercités, comme en Allemagne, seront intéressés par cette offre de véhicules à hydrogène.

Les technologies ne sont pas mûres dans le domaine du stockage d’énergie pour les sites insulaires. Quel est le vrai prix du mégawattheure en Corse ? Sur l’île de Stromboli, il s’élève à 2 000 euros, ce qui est cher pour un usage domestique – même s’il coûte 8 000 euros dans nos smartphones, prix qui se trouve amorti par le service rendu. Nous travaillons donc dans les îles pour développer des technologies. À ce jour, la batterie se révèle insuffisante, car l’on ne peut stocker que six heures. Pour stocker sur de longues périodes, l’hydrogène a un potentiel, même si le rendement reste aujourd’hui médiocre.

Quel modèle d’entreprise pour le stockage de l’électricité ? Il faut sortir du schéma qui consiste à acheter de l’électricité pas chère pour la revendre lorsque son prix a augmenté ou à la stocker pour la remettre dans le réseau, car il écrase la rentabilité des systèmes. Il faut utiliser cette électricité pour alimenter les bus à hydrogène ou le réseau de gaz naturel de ces îles ; dans ce cas, et avec un peu de bonus écologique et de crédit d’impôt, la rentabilité est possible.

Le rendement de l’électrolyse est aujourd’hui compris entre 65 et 70 % quand celui d’un moteur thermique dans une voiture ne dépasse pas 20 %. Le rendement n’est donc pas le seul élément à prendre en compte, et l’investissement s’avère également important. Si l’on récupère de l’électricité à un prix de 70 euros le mégawattheure, on arrive à dégager une rentabilité en injectant et en fabriquant de l’équivalent du gaz naturel. Avec le CEA, nous travaillons sur les futures technologies qui permettront d’accroître le rendement.

M. le président François Brottes. La filière GPL présente-t-elle encore un intérêt ?

Peut-on transformer une voiture classique en véhicule à hydrogène ou électrique, ou s’avère-t-il préférable d’en acheter un neuf ? Des spécialistes transforment des moteurs thermiques en GPL, et cette activité pourrait soutenir l’emploi dans le secteur automobile, notamment dans certains garages. 

M. Jean-Christophe Béziat. Renault possède une offre GPL dans les pays où le réseau de distribution existe, mais cette diversification d’énergies fossiles rejoint la question des véhicules biénergie qui peuvent fonctionner avec de l’essence ou du GPL. Quant au client, il utilisera ce qu’il trouvera dans la station-service près de chez lui. Pour ce qui est de la deuxième monte, je ne saurais dire ce qu’il en est en 2014.

M. le président François Brottes. Les représentants de la filière GPL affirment qu’une prime d’équipement au titre d’une forme de vertu existait auparavant, mais qu’elle a disparu aujourd’hui.

M. Bernard Bigot. Tout dépend des objectifs de la loi. J’ai cru comprendre que le texte souhaitait réduire la consommation d’énergies fossiles et améliorer la balance économique. Je ne vois donc ni l’intérêt du GPL à grande échelle ni la possibilité de recycler un moteur thermique vers de l’hydrogène ou de l’électrique.

M. le président François Brottes. Merci pour votre très intéressante participation à nos travaux.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du mercredi 17 septembre 2014 à 21 h 30

Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Borgel, M. Christophe Bouillon, M. François Brottes, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Michel Clément, M. Charles de Courson, Mme Cécile Duflot, M. Claude de Ganay, M. Jean Launay, M. Alain Leboeuf, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusé. - M. Franck Reynier