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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes.
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente
La séance est ouverte à 17 heures.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, pour l’entendre sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes.
L’avenir des retraites et de notre protection sociale, qui figurait à l’ordre du jour de la grande conférence sociale, constitue l’une des préoccupations majeures de la Délégation. Le financement des retraites doit être sécurisé, ce que n’ont pas permis les réformes de 1993, de 2003 et de 2010. Nous tenons tous à la retraite par répartition. Nous souhaitons voir garanti un niveau de pension suffisant et, surtout, un régime de retraite juste et équilibré, en particulier pour les femmes. En effet, les écarts de pension – de l’ordre de 40 % – entre les femmes et les hommes n’ont pas été résorbés par les réformes antérieures ; bien au contraire, certaines mesures les ont aggravés, en particulier l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge pour bénéficier du taux plein à soixante-sept ans. Or nous le savons, ce sont surtout les femmes qui seront concernées par la retraite à soixante-sept ans.
Madame la ministre, lors du débat sur les retraites en 2010 – où vous meniez le combat pour le groupe de l’opposition –, nous avons eu beaucoup de mal à mettre ce sujet à l’ordre du jour, qui n’était pas considéré comme une priorité, et, il faut le dire, ce sont les femmes qui ont permis que l’on en parle un peu plus. La loi de 2010 « portant réforme des retraites » a introduit des mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier le fameux article 99 sur l’égalité professionnelle – dont le décret d’application nous a fortement déçus, mais qui, je crois, va être revu.
Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé. Mesdames, messieurs, chers amis, je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui. Je ferai un point sur la question des retraites, avant d’évoquer les enjeux en matière de santé. Puis nous pourrons, si vous le souhaitez, engager la discussion sur l’ensemble du champ médico-social.
Vous avez eu raison de le rappeler : lors du débat de 2010, la question des retraites s’est finalement imposée comme l’une des questions majeures, alors qu’elle n’était pas perçue comme telle au départ.
Malgré des améliorations, la situation globale des femmes reste toujours marquée par d’importantes inégalités par rapport aux hommes.
Certes, l’espérance de vie des femmes reste supérieure à celle des hommes, mais cet écart se réduit régulièrement. Les femmes atteignent désormais un niveau d’études supérieur à celui des hommes, mais l’emploi non qualifié est occupé par des femmes à 62 %, contre 56 % en 1990, et les écarts de revenus salariaux restent très importants (25 % en 2009 contre 29 % en 1991).
L’emploi féminin a augmenté d’un quart ces vingt dernières années, alors que celui des hommes est quasiment resté constant. Pour autant, le chômage touche toujours davantage les femmes, tout comme la pauvreté.
Enfin, les taux d’activité féminins se rapprochent de ceux des hommes, mais ils chutent toujours en présence de jeunes enfants, et le partage des tâches domestiques et familiales demeure principalement à la charge des femmes.
Ces inégalités, préoccupantes, se répercutent dans les écarts de niveaux de retraite entre hommes et femmes. En effet, dans un système de retraite fortement contributif, le niveau de retraite est d’abord le reflet de la carrière professionnelle
En 2010, la retraite moyenne de droit direct des femmes s’élevait à 899 euros par mois, soit 58 % du montant moyen perçu par les hommes (1 552 euros par mois).
Si l’on prend en compte la pension totale (y compris réversion, minimum vieillesse et majoration pour enfants), la pension des femmes s’élève alors à 1 148 euros par mois, soit 72 % du montant perçu par les hommes (1 594 euros par mois).
On le voit : les mécanismes de redistribution fonctionnent, mais un écart significatif demeure, qui s’explique au regard des données que j’ai rappelées. Si le parcours de vie des femmes est plus haché, plus précaire, davantage marqué par la pauvreté et des niveaux de rémunération problématiques, la retraite des femmes restera inférieure à celle des hommes.
Cette situation est aggravée par le fait que les générations de femmes actuellement en âge de partir à la retraite ont connu un taux d’activité plus faible que les générations actuelles. Le nombre d’enfants a d’ailleurs un impact direct sur le montant de pension de retraite des femmes.
Pourtant il existe des mécanismes de redistribution visant à corriger ces écarts.
Les femmes bénéficient plus largement du minimum vieillesse et du minimum contributif, qui permettent de relever le montant des petites pensions.
Les majorations de durée d’assurance (MDA) liées aux enfants, ainsi que l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permettent d’augmenter la durée validée par les femmes.
Au total, la situation n’est pas satisfaisante, mais est prise en compte partiellement par notre système de retraite.
Comment réduire ces écarts ? Je voudrais d’abord rappeler le calendrier que s’est fixé le Gouvernement.
La réforme de 2010 n’ayant pas permis de stabiliser la situation financière de nos régimes de retraite, le Gouvernement a décidé, d’une part, d’engager un effort significatif en faveur du redressement des comptes de la branche vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d’autre part, de poser la perspective d’une nouvelle réforme des retraites dans le courant de l’année prochaine. Ce scénario est issu des discussions que nous avons menées avec les partenaires sociaux lors de la grande conférence sociale qui s’est tenue au mois de juillet.
La réforme des retraites sera menée en trois temps : un état des lieux du système de retraite sera dressé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) qui établira ensuite de nouvelles projections financières au début de l’année prochaine ; une commission ad hoc sera ensuite mise en place pour formuler des pistes de réforme ; puis, à partir du printemps, la concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux aboutira à l’élaboration du texte de loi.
J’ai souhaité que, dans le cadre des travaux menés par le COR, les retraites des femmes fassent l’objet d’une étude spécifique.
Comment améliorer la situation de la retraite des femmes et réduire les inégalités avec les hommes ? La réflexion doit se situer à deux niveaux.
Premièrement, les inégalités en matière de retraite reflètent avant tout celles qui prévalent sur le marché du travail et dans le partage des tâches domestiques. Il est donc illusoire de penser pouvoir compenser au moment de la retraite l’ensemble des inégalités accumulées tout au long d’un parcours de vie. Par conséquent, c’est en amont du système de retraite qu’il nous faut agir avant tout.
Sur le marché du travail, d’abord, en luttant contre les inégalités de salaire et de carrière entre femmes et hommes. Il s’agit notamment de rendre effectives les obligations en matière de négociation sur l’égalité salariale, et les sanctions en cas de carence.
Dans l’organisation de la société, ensuite, en favorisant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, notamment par un meilleur accès à des solutions d’accueil des jeunes enfants.
Sur la répartition des tâches dans le couple, enfin, en favorisant un meilleur partage des congés entre parents.
Ces mesures prendront cependant du temps avant de produire leurs effets. On peut faire l’hypothèse que les générations qui ont quinze ou vingt années d’activité professionnelle, voire celles qui entrent sur le marché du travail, pourront bénéficier de situations plus favorables.
Deuxièmement, nous devons améliorer notre système de retraite afin d’en améliorer l’équité. Comme je l’ai dit, nous aurons l’occasion d’engager cette réflexion l’année prochaine.
Je porterai une attention particulière aux règles qui peuvent pénaliser les femmes. Je vous en donne deux exemples.
Les règles de calcul du salaire annuel moyen (SAM), qui prend en compte les 25 meilleures années et non de toute la carrière, et de validation des trimestres (sur la base d’un salaire de 200 heures de SMIC), qui ont été conçues pour protéger les assurés ayant des parcours accidentés, peuvent se révéler pénalisantes pour les femmes. Nous devons donc nous interroger pour savoir s’il faut aménager ces règles, ou pas.
La majoration de pension pour trois enfants et plus, que l’on imagine bénéfique avant tout pour les mères de famille nombreuse, accroît en fait les inégalités de pensions entre hommes et femmes : elle bénéficie moins aux femmes qu’aux hommes, et moins aux femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants qu’à celles qui l’ont poursuivie.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Pourquoi les hommes en bénéficient-ils davantage ?
Mme la ministre. Parce que c’est une majoration proportionnelle au niveau de pension, et que les hommes ont des salaires plus élevés et donc des pensions plus élevées. C’est une règle de redistribution horizontale entre ceux qui ont plus de trois enfants et ceux qui en ont moins, mais pas une règle de redistribution verticale, des pensions élevées vers les basses pensions. Doit-elle le devenir ? La réponse ne va pas de soi. De la même manière, toutes les majorations familiales reconnaissent le fait familial, sans pour autant reconnaître les différences de revenus. Cette question devra donc être présente dans la réflexion en 2013.
J’aborderai à présent le domaine de la santé des femmes.
La plus grande longévité des femmes est tempérée par des vulnérabilités spécifiques, le développement de comportements à risques, et des inégalités d’accès aux soins.
En effet, l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes a commencé de se réduire dans les années 1990 pour retomber à 6,7 ans actuellement.
Les changements de comportements des femmes expliquent cette réduction. Elles fument de plus en plus, et l’on assiste actuellement à un accroissement du taux de décès par cancer du poumon, en particulier chez celles âgées de moins de soixante-cinq ans (+105 % entre 1990 et 2005), alors qu’il a diminué dans le même temps chez les hommes. L’alcoolisme chez les femmes est également une préoccupation. De plus, les maladies cardio-vasculaires, en augmentation, sont devenues la première cause de décès chez les femmes.
On constate également une plus grande vulnérabilité des femmes au stress, à l’anxiété et à la dépression, qui sont des motifs de consultation. L’anxiété déclarée des femmes est deux fois supérieure à celle des hommes. On observe en outre un risque accru pour les femmes de subir des violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, de la part des hommes.
Ce développement des vulnérabilités et des comportements à risque s’accompagne d’un renoncement aux soins et à la prévention plus fréquent qu’auparavant. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce renoncement est plus élevé chez les femmes (16,5 %) que chez les hommes (11,7 %). Renoncer à se faire soigner est, certes, parfois signe de difficultés dans l’accès aux soins, mais peut aussi être révélateur d’autres phénomènes : le manque de temps, la difficulté à évaluer la réelle nécessité de voir un médecin, par exemple.
Ce renoncement est préoccupant car il concerne bien évidemment aussi le recours aux examens de prévention et de dépistage. Cette question est cruciale, d’abord, parce que le bénéfice du dépistage est nettement supérieur au risque. Ensuite, parce que le renoncement accroît les inégalités sociales dans la mesure où les femmes de milieu modeste ou de niveau culturel moins élevé que les autres renoncent davantage au dépistage.
Enfin, si l’intégration professionnelle des femmes produit des effets positifs sur leur santé, elle les expose aussi à des risques auxquels elles échappaient jusque-là.
Pour terminer, la lutte contre le cancer du sein et du poumon, l’accès à la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui sera prise en charge à 100 % comme je l’ai annoncé, et le suivi des femmes enceintes, encore insuffisant, restent des enjeux importants de santé publique pour les femmes.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Mme Édith Gueugneau. Je voudrais témoigner de la réalité du monde rural où, bien souvent, les femmes vivent avec une toute petite retraite après avoir eu une carrière précaire et élevé leurs enfants. Les nombreuses femmes concernées que nous recevons dans nos permanences sont souvent seules et touchent 500 euros par mois. Leur situation n’est pas sans rappeler celle des femmes d’artisans qui n’ont jamais été déclarées.
J’ai bien entendu qu’il y aurait des avancées, en particulier la possibilité d’une retraite complémentaire pour les femmes d’agriculteurs. Néanmoins, beaucoup d’agriculteurs touchent le RSA et ne peuvent pas cotiser 1 000 euros par an pour leur conjointe.
M. Guénhaël Huet. Mesdames, au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes, je préfère dire « madame le ministre » et « madame le président ».
Madame le ministre, je me réjouis de votre convergence de vue avec Mme Bachelot, laquelle avait indiqué en 2010 que la réforme des retraites ne pouvait, à elle seule, régler les inégalités entre les femmes et les hommes. Effectivement, les plus importantes sont liées à la carrière professionnelle – au parcours de vie, avez-vous dit –, et le problème doit être traité en amont.
Vous avez évoqué l’augmentation du tabagisme et de l’alcoolisme chez les femmes, mais pas les autres conduites addictives. Qu’en est-il de la lutte contre la drogue ?
Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux personnes veuves a un impact très important sur le pouvoir d’achat des personnes âgées, dont la modicité des pensions est problématique.
En outre, j’attire votre attention sur la situation des femmes travaillant dans la grande distribution pour un salaire mensuel de 1 000 euros après vingt à vingt-cinq ans d’activité, alors qu’elles sont contraintes de travailler le dimanche et que leur salaire baissera prochainement en raison de la majoration des cotisations salariales. Le travail dominical, soutenu par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, est au demeurant très pénalisant pour le petit commerce de centre-ville rural, qui connaît une baisse de son chiffre d’affaires de 30 % à 40 % et par conséquent des suppressions d’emplois.
Mme Virginie Duby-Muller. C’est le statut du conjoint collaborateur qui est posé, celui des femmes d’agriculteurs et d’artisans qui, après avoir travaillé aux côtés de leur époux sans être déclarées, se trouvent dans une situation très difficile au moment de la retraite, surtout si leur situation familiale a changé.
En 2011, 365 000 cas de cancer ont été diagnostiqués, soit 1 000 par jour. Alors que les Françaises sont incitées à se faire dépister, certains pays, comme le Danemark, la Suède, le Canada, changent leur communication à ce sujet. Quel est l’état des connaissances des pouvoirs publics français sur le plan du bénéfice/risque ? En outre, quels sont les effets secondaires de la vaccination contre le cancer du col de l’utérus ? Il est en effet très important pour les femmes d’être parfaitement informées en la matière.
Mme Martine Lignières-Cassou. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, les régimes de retraites ne peuvent pas rattraper les écarts subis par les femmes du fait de leur vie professionnelle hachée. Certaines peuvent néanmoins bénéficier de la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux personnes seules et du mécanisme dit « de réversion ».
Mme Valérie Lacroute. La problématique de la démographie médicale se pose avec acuité. Les urgences d’hôpitaux, comme celui de Nemours en Seine-et-Marne où je suis élue, assurent des permanences de soins le soir et le week-end pour faire face au manque de médecins.
Qu’en est-il du Plan hôpital 2012, en particulier du rapprochement entre l’hôpital de Nemours et celui de Fontainebleau ? Pouvez-vous nous rassurer sur le pôle des urgences de l’hôpital de Nemours qui permet de répondre au problème de la démographie médicale ?
Mme Martine Faure. La retraite agricole moyenne des femmes, après une carrière complète, est comprise entre 538 et 350 euros. Qu’en est-il de la promesse du candidat Hollande de porter à 75 % du SMIC le montant des retraites des carrières complètes des chefs d’exploitation agricoles ?
Par ailleurs, on parle beaucoup de l’alcoolisme et du tabagisme chez les jeunes, mais pas suffisamment de la prévention des toxicomanies.
Mme Brigitte Bourguignon. Certaines femmes travaillant dans le milieu hospitalier sont pénalisées au moment de leur retraite car leur congé de maternité est assimilé à des journées de carence. Les recours administratifs ne leur permettent pas d’obtenir gain de cause car les hôpitaux se basent sur leur règlement intérieur.
Par ailleurs, j’aimerais connaître votre position, d’une part, sur le Planning familial, association dont le rôle auprès d’un public souvent jeune et vulnérable est primordial en termes de santé publique, et, d’autre part, sur le développement des maisons de santé en milieu rural, qui est un impératif.
Mme Maud Olivier. À la veille du lancement d’ « Octobre rose », campagne de communication sur le dépistage du cancer du sein, l’association l’UFC-Que Choisir a interpellé les pouvoirs publics pour que soit garanti le droit des femmes à choisir librement et de manière éclairée de se faire dépister ou non. Votre ministère va-t-il répondre officiellement ?
Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous nous réjouissions du remboursement intégral de l’IVG, qui constitue une avancée importante.
Monsieur Huet, le ministre Woerth avait prétendu, en 2010, qu’il y avait des problèmes, non de retraite, mais de carrière des femmes. Or les deux se posent !
M. Guénhaël Huet. J’ai parlé de Mme Bachelot.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Certaines décisions prises pour les retraites, comme le calcul basé sur les vingt-cinq meilleures années, ont pour effet d’aggraver la situation des femmes. Or au sein de l’OCDE, la France affiche l’un des taux les plus élevés en matière d’accueil des jeunes enfants, mais est aussi le pays où les femmes s’arrêtent plus fréquemment de travailler à partir du troisième enfant.
En outre, on assiste à un phénomène récent : la pénalisation de la maternité. Certaines femmes travaillant dans le privé, au prétexte qu’elles vont s’absenter à cause de leurs enfants, sont harcelées jusqu’à démissionner. La garantie du retour à l’emploi après un congé de maternité n’est manifestement pas respectée.
Mme la ministre. Le monde des retraités agricoles souffre de la faiblesse des pensions, et les femmes d’exploitants sont particulièrement touchées par la précarité.
Alors que les retraites agricoles n’ont pas évolué depuis plus de dix ans – les dernières avancées ont été réalisées par le gouvernement Jospin –, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comportera une disposition selon laquelle les personnes qui auront connu des interruptions de carrière en raison de maladie ou d’invalidité pourront bénéficier de points gratuits. Cette première mesure, ciblée, concernera les hommes comme les femmes. Mais au-delà, c’est dans le cadre d’une réforme plus générale que le sujet devra être traité.
La situation des conjoints collaborateurs, des femmes d’agriculteurs notamment, est effectivement problématique. Nous y travaillons : des progrès ont d’ores et déjà été réalisés, mais nous devons aller plus loin. Le sujet est celui de la constitution des droits à la retraite par les femmes, préalable nécessaire au versement d’une retraite. Si nous pouvons insister auprès des plus jeunes sur cet impératif, nous devons remédier, de manière juste, à la situation de celles qui ont passé une partie de leur vie à travailler en constituant des droits à la retraite limités. Nous sommes actuellement en discussion avec les représentants agricoles à ce sujet. Les minima – pension minimum, minimum vieillesse – permettent néanmoins de faire face aux situations les plus difficiles.
Monsieur Huet, je ne me sens pas dévalorisée par l’appellation « madame la ministre » ! J’observe d’ailleurs que la féminisation des noms de métiers qui ne sont pas considérés comme des métiers de pouvoir se fait naturellement, alors qu’on donne du « le » aux fonctions liées au pouvoir pour montrer la magnanimité de la société à l’égard des femmes ayant eu la chance d’accéder à ces responsabilités dont l’exercice par des hommes paraît tellement normal !
Mme Bachelot n’a jamais été en responsabilité du dossier des retraites. C’est M. Woerth qui, lors de la réforme de 2010, a très clairement indiqué que les droits à la retraite étaient constitués en fonction de la carrière et qu’il ne lui paraissait pas possible d’introduire des éléments de compensation au moment de la retraite. Pour ma part, je n’ai jamais changé de position, comme le prouvent mes propos tenus à l’époque en commission et en séance publique avec M. Woerth. Je considère que l’essentiel des droits est constitué tout au long de la carrière, mais que notre système de retraite ne repose pas uniquement sur les droits acquis, puisqu’il comporte également des dispositifs de solidarité en faveur des femmes comme des hommes, le premier élément de solidarité étant celui des avantages familiaux.
La question n’est donc plus de savoir si la retraite des femmes doit tenir compte de la carrière, mais elle est de savoir si des mécanismes de compensation, nécessairement partiels, doivent être introduits. La réponse est oui. Des éléments existent, et le débat qui s’ouvre déterminera s’il faut aller plus loin.
J’en viens à la lutte contre les addictions. La lutte ne saurait être uniquement de nature répressive ; elle doit mettre l’accent sur la prévention, la prise en charge des populations, en particulier des jeunes et des personnes en détention, car elle constitue un enjeu de santé publique.
Les femmes consomment moins de drogue que les hommes, mais davantage de psychotropes. Cela rejoint mes propos liminaires sur le fait qu’elles se déclarent deux fois plus angoissées, anxieuses et stressées que les hommes.
S’agissant de la prévention contre le cancer du col l’utérus, les autorités scientifiques recommandent la vaccination, ayant jugé le bénéfice/risque favorable. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) procède à un suivi des effets indésirables, comme pour tous les médicaments.
Ces recommandations n’aboutissent pas à considérer que toutes les jeunes filles sont exposées de la même façon. Par conséquent, en l’état actuel des données scientifiques, je ne pense pas que nous devons encourager la vaccination de toutes les jeunes filles. Le médecin a un rôle essentiel pour apprécier si elle s’avère nécessaire, en fonction du comportement, de la situation et des antécédents. Vous le voyez : les recommandations sont plus nuancées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au départ.
S’agissant du cancer du sein, j’ai exposé la position de mon ministère à l’occasion de la conférence de presse destinée à lancer la campagne « Octobre rose ».
Le dossier de l’UFC-Que Choisir ne remet pas en cause le principe du dépistage, il s’interroge sur la manière dont celui-ci est mené et sur le manque d’information des femmes à propos du sur-diagnostic – qui devrait en réalité être nommé sur-traitement. En effet, dans certains cas, il est difficile pour les médecins de savoir si une tumeur va évoluer ou pas, et certaines femmes porteuses d’une tumeur détectée grâce au dépistage font l’objet d’un traitement lourd, sans doute trop lourd au regard de l’évolution qu’aurait connu celle-ci.
L’UFC-Que Choisir préconise donc d’indiquer aux femmes qu’il peut leur être détecté une tumeur dont l’évolution n’est pas certaine. Or le courrier envoyé aux femmes de cinquante à soixante-quatorze ans dans le cadre de la campagne nationale de dépistage a considérablement évolué en ce sens au cours des dernières années, puisqu’il insiste désormais sur la liberté de faire ou de ne pas faire ce diagnostic. Une femme sur deux bénéficie de ce dépistage, les autres passant par leur médecin. Au total, un peu plus de 60 % se font dépister. Ce sont les femmes les mieux éduquées qui se font spontanément dépister.
L’enjeu est important : on estime à 20 % le taux de femmes ayant pu échapper à l’évolution de la maladie grâce au dépistage. On le voit : la balance bénéfices/risques est favorable, et impose de ne pas banaliser le dépistage comme moyen de lutte contre le cancer.
J’ajoute que les éléments mentionnés dans l’article de l’UFC-Que Choisir sont parfaitement connus et font l’objet d’études menées par l’Institut national de lutte contre le cancer. Un rapport sera rendu public.
Je pense que les femmes doivent pouvoir choisir librement et de manière éclairée de se faire dépister ou non. Mais j’insiste : le cancer du sein concerne chaque année 53 000 femmes et provoque 11 500 décès. Le dépistage le plus tôt possible reste la première arme dans la lutte contre la maladie. Je vous enverrai un courrier, madame la présidente, que vous pourrez diffuser à l’ensemble des membres de la Délégation.
S’agissant de la question des déserts médicaux, j’ai la volonté de restructurer la politique de santé autour d’équipes médicales et de soignants de proximité qui fassent une part plus importante à la prévention au travers de mécanismes de rémunération et de soutien à l’activité coordonnée. L’enjeu est, là aussi, important.
La question du Planning familial ne relève pas seulement de mon ministère, mais nous avons la volonté de défendre cette association.
Je termine par les hôpitaux. Je n’ai pas eu connaissance de la question de l’hôpital de Nemours, mais d’autres hôpitaux de Seine-et-Marne se sont manifestés auprès de moi. Je regrette que le financement des nombreux investissements prévus au Plan Hôpital 2012 n’ait pas été envisagé.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Selon le Comité d’orientation des retraites, c’est seulement en 2030 qu’une amélioration des retraites des femmes sera observée. Il faut donc jouer, comme vous l’avez dit, madame la ministre, sur différents mécanismes, d’autant que certaines lois ont aggravé la situation.
Près de quarante ans après l’entrée en vigueur de la première loi sur l’égalité professionnelle, la tâche reste immense. C’est pourquoi nous nous réjouissons de la circulaire publiée au mois d’août annonçant l’obligation de nommer au sein de chaque ministère un haut fonctionnaire en charge de l’égalité des droits hommes-femmes. Une politique transversale est en effet indispensable.
Madame la ministre, nous vous remercions pour la précision de vos réponses et vous réaffirmons notre volonté d’être pleinement parties prenantes des travaux en cours et à venir sur les retraites.
L’audition se termine à 18 heures 05.