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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 16 avril 2013

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Table ronde, ouverte à la presse, sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, réunissant :

— Mme Isabelle Kraus, enseignante-chercheure à l’Université de Strasbourg, présidente de la Conférence permanente des missions Égalité-Diversité des universités françaises ;

— Mme Anne Pépin, directrice de la mission pour la place des femmes au CNRS, responsable du projet européen INTEGER (Institutional transformation for effecting gender equality in research) ;

— Mme Anne-Marie Jolly, conseillère spéciale du directeur de Polytech Orléans pour les relations extérieures et M.Geoffroy Lahon-Grimaud, chargé de mission sur les questions de société, représentant la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (C.D.E.F.I) ;

— Mme Nadia Hilal, chargée de mission de la Conférence des grandes écoles (C.G.E.).

— M. Vincent Berger, président de l’université Paris-Diderot, représentant la Conférence des présidents d’université (C.P.U).

– Information relative à la délégation

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé, sous forme d’une table ronde, à l’audition de Mme Isabelle Kraus, enseignante-chercheure à l’Université de Strasbourg, présidente de la Conférence permanente des missions Égalité-Diversité des universités françaises ;  Mme Anne Pépin, directrice de la mission pour la place des femmes au CNRS, Mme Anne-Marie Jolly et M.Geoffroy Lahon-Grimaud, représentant la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) ; Mme Nadia Hilal, représentant la Conférence des grandes écoles (CGE) et M. Vincent Berger, représentant la Conférence des présidents d’université (CPU).

La séance est ouverte à 17 heures 35.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, cette table ronde est l’occasion de faire un bilan sur la parité entre les hommes et les femmes dans l’enseignement supérieur. Il me semble nécessaire de rappeler que si les femmes sont majoritaires en cursus licence et master (57 % en moyenne), elles deviennent minoritaires dans les fonctions de professeur des universités – 22 % – et président d’université – 15 % seulement. Comme ailleurs, l’université n’échappe pas au phénomène du « plafond de verre ».

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui des représentants de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont l’expérience et les propositions nous seront très précieuses. Comment assurer la parité dans la gouvernance des établissements – universités et grandes écoles ? De quelle manière les carrières des femmes peuvent-elles être améliorées ? Quels sont les bons leviers pour encourager les filles à s’orienter vers la recherche – sachant qu’elles ont plus souvent leur baccalauréat que les garçons, mais qu’elles deviennent minoritaires dans les études scientifiques ?

M. Vincent Berger, président de l’université Paris-Diderot, représentant de la Conférence des présidents d’université (CPU). Le groupe « égalité » de la Conférence des présidents d’université, que je dirige, a été créé en 2010.

Comme l’a indiqué hier L’Officiel de la recherche et du supérieur, sept femmes sur trente-quatre personnalités ont été nommées dans l’enseignement supérieur et la recherche, soit 20 % de nominations féminines.

S’agissant de la gouvernance dans les universités, le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche présente des avancées, en particulier grâce à la mesure qui consiste à demander des listes alternées pour les listes de candidatures aux élections des conseils centraux des universités. Néanmoins, il présente plusieurs points faibles qui peuvent faire l’objet d’améliorations.

Le premier point faible est que les dispositions en faveur de la parité dans le projet de loi ne concernent pas les personnalités extérieures à l’établissement dans les conseils d’administration. Or dans le cas où toutes les têtes de liste sont des hommes, et que toutes les personnalités extérieures choisies par différentes organisations sont également des hommes, le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration peut être faible – bien inférieur à 30 %. Cette proportion pourrait être encore moins importante en cas d’adoption de l’amendement proposant un scrutin à un tour, et non plus à deux tours : même avec des listes alternées, des conseils d’administration pourraient se retrouver quasiment sans femmes.

Sur ce point, la Conférence des présidents d’université propose que le collège des personnalités extérieures comprenne 40 % de personnes de chaque sexe. Dans le cas où les processus de désignation auraient abouti à une composition ne respectant pas cet équilibre, des personnalités extérieures du sexe le plus présenté – à plus de 60 % – seraient tirées au sort et des personnes du sexe opposé seraient désignées en substitution.

Un deuxième point faible, plus important, concerne les communautés d’universités et d’établissements pour lesquelles la parité n’est prévue dans le projet de loi ni pour les conseils d’administration, ni pour le conseil des membres – pour lequel il est prévu que chaque membre de la communauté d’universités et d’établissements nomme séparément un représentant, ce qui pourrait aboutir à 100 % d’hommes.

Sur cette question, la proposition de la CPU devrait être soumise à validation demain auprès de la commission des moyens. Comme pour les personnalités extérieures, si les processus de désignation aboutissent à un très grand déséquilibre dans la représentation des sexes, il s’agirait de tirer au sort des personnalités du sexe le plus représenté qui ont été nommées et de désigner une personnalité du sexe opposé, de telle sorte que la représentation de chaque sexe atteigne 40 %.

J’en viens à l’application de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet ».

Cette loi prévoit une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe dans les comités de sélection et les jurys de recrutement dans l’enseignement supérieur et la recherche à partir du 1er janvier 2015. Néanmoins, elle prévoit aussi des dispositions dérogatoires. La CPU est en discussion avec la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère pour examiner les dispositions permettant à l’enseignement supérieur et la recherche d’être le moins dérogatoire possible en la matière, ce qu’il a été jusqu’à présent.

Dans l’enseignement supérieur et la recherche, on distingue, d’une part, les jurys résultant d’une élection (établissements publics à caractère scientifique et technologique en tout ou partie et Conseil national des universités pour partie) pour le recrutement des personnels hospitalo-universitaires, et, d’autre part, les jurys résultant d’une nomination (comités de sélection pour le recrutement des enseignants-chercheurs non hospitalo-universitaires).

Le problème posé par l’enseignement supérieur et la recherche est le très faible vivier de femmes dans certaines disciplines – 6 % en mathématiques pures, par exemple. Les disciplines médicales posent un double problème : un vivier très faiblement féminin et des jurys reposant sur des élus (les sections du Conseil national des universités).

Pour ce qui concerne les recrutements des enseignants chercheurs non hospitalo-universitaires, la proposition de la CPU a été acceptée par la DGRH. Nous demandons le respect de la proportion de 40 %, prévue dans la loi Sauvadet, pour les disciplines comportant plus de 20 % de femmes. Pour celles qui ont moins de 20 % de femmes, nous demandons de porter la part minimale de femmes dans le comité de sélection à deux fois le vivier – 10 % de femmes dans une section du Conseil national des universités (CNU), par exemple, donneraient 20 % au moins de femmes dans le comité de sélection. Cette disposition permet de tenir compte des contraintes imposées par les viviers très asymétriques, tout en maintenant une contrainte volontariste très supérieure au seul respect de la proportion du vivier.

Pour ce qui concerne le recrutement des enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires, les jurys sont constitués par les sections du CNU. Or dans beaucoup de disciplines, le ratio de femmes est très faible – réanimation, médecine d’urgence, chirurgie, orthopédie, urologie, gynécologie. Sur 66 sous-sections du CNU en médecine et en odontologie, 9 ne comptent aucune femme – c’est le cas de la gynécologie obstétrique ! En substance, la CPU propose de modifier les procédures électorales des instances qui jouent le rôle de jury (CNU, comité national), de manière à distinguer un collège femmes et un collège hommes avec autant de sièges et des élections séparées avec candidatures individuelles. Cette option permettrait au CNU de comporter des sections paritaires.

Mme Anne-Marie Jolly, conseillère spéciale du directeur de Polytech Orléans pour les relations extérieures, représentant la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI). J’ai été directrice de Polytech Orléans jusqu’à l’année dernière et suis actuellement professeure des universités émérite en automatique et informatique industrielle – une des branches qui compte le moins de femmes.

La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) plaide également pour un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes dans les conseils d’école des écoles d’ingénieurs – dont certaines sont représentées par la CPU –, où les enseignantes-chercheures sont très peu représentées. C’est le sens de la charte que nous avons signée avec la CPU et la CGE.

D’abord, je dirai que l’effort doit porter sur les comités de sélection, dont la composition hommes-femmes peut en effet se retrouver déséquilibrée par le jeu des désistements. On sait que les sections du CNU se caractérisent par un fort lobby masculin – la soixante et unième section dont je fais partie figure parmi les plus défavorisées en matière de mixité. Il me semble donc fondamental que les désistements se fassent dans le respect de la parité.

Ensuite, il me semble primordial de trouver des solutions à même d’aider les jeunes femmes qui reviennent travailler après leur congé de maternité. En effet, bon nombre d’entre elles se retrouvent malheureusement handicapées dans leur carrière, soit parce que leur service est totalement changé à leur retour, soit parce qu’elles traînent comme un boulet le fait d’avoir réalisé moins de publications pendant un certain temps.

Mme Anne Pépin, directrice de la mission pour la place des femmes au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), responsable du projet européen INTEGER (Institutional transformation for effecting gender equality in research). Je suis chercheuse au CNRS. Le projet européen INTEGER, dont je suis coordinatrice, est soutenu par le septième programme cadre de recherche et développement (PCRD). Dans les jours prochains, et si nous obtenons l’accord en ce sens, nous coordonnerons un important réseau de coopération entre programmes nationaux sur l’égalité professionnelle et l’intégration de la dimension du genre dans la recherche.

S’agissant de la parité dans les instances de gouvernance, le projet de loi concerne uniquement les conseils d’administration, les conseils universitaires et les écoles de l’enseignement supérieur – il ne dit rien sur les organismes de recherche.

M. Sébastien Denaja. La Délégation aux droits des femmes doit plaider à mon sens pour la parité dans les instances de direction des organismes de recherche, d’autant qu’actuellement aucun établissement public à caractère scientifique et technique (EPST) n’est dirigé par une femme ; il est vrai que deux femmes ont dirigé des organismes récemment.

Mme Anne Pépin. S’agissant de la loi Sauvadet, le CNRS a fait une réponse à la DGRH. Dans certaines disciplines où les viviers de femmes sont faibles, il y a encore une demande de dérogation pour le mandat actuel du comité national. S’agissant du jury d’admissibilité, avec deux tiers d’élus et un tiers de personnalités nommées, le CNRS s’engage en cas de désistement à viser l’objectif des 40 %. Pour le jury d’admission, dans le cadre duquel il y a plus de marges de manœuvre puisque davantage de personnalités nommées, il y a encore une demande de dérogation pour les chargés de recherche, mais pas pour les directeurs de recherche. Peut-être est-il possible d’aller au-delà dans certaines disciplines.

Je m’empresse de dire qu’une proportion de 40 % de femmes dans un jury ou dans un conseil d’administration ne suffit pas pour arriver à des décisions plus égalitaires : il faut aussi former les gens à l’égalité professionnelle et au poids des stéréotypes de genre. La formation est donc un élément primordial.

Mme la présidence Catherine Coutelle. Pour moi, l’égalité se justifie parce que les femmes représentent la moitié de la société. À ce titre, elles ont droit aux mêmes perspectives de carrières que les hommes, ce qui renvoie au thème de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

M. Sébastien Denaja. Une expérience a été menée sur le traitement de curriculum vitae (CV) dont les noms avaient été changés : elle montre que même les femmes ont sélectionné davantage de CV identifiés comme étant masculins.

Mme Anne Pépin. Cette expérience concerne les universités américaines : elle a également montré que les femmes obtiennent moins de soutien financier pour leur recherche et se voient offrir moins de possibilités de mentorat. Nous utilisons cette enquête pour interpeller nos instances dirigeantes.

Mme Isabelle Kraus, enseignante-chercheure en physique à l’université de Strasbourg, présidente de la Conférence permanente des missions égalité-diversité des universités françaises. Je suis chargée de mission « égalité » à l’université de Strasbourg.

Je précise tout de suite que le retour du congé de maternité est problématique, mais que beaucoup de femmes sans enfant rencontrent les mêmes freins dans leur carrière à l’université que les femmes qui ont des enfants. Le problème est donc plus large.

La Conférence permanente des chargé-e-s de mission « égalité diversité » regroupe depuis 2011 les chargé-e-s de mission des universités françaises. Grâce à l’action de la CPU, ces derniers sont passés de 17 en 2011 à 47 en 2013 sur un total de 80 universités. Ils se réunissent tous les trois mois pour échanger sur leurs pratiques et discuter des difficultés rencontrées dans la mise en place de leur plan d’action.

Pour notre part, nous parlons d’« instances décisionnelles », plutôt que de gouvernance. Nous sommes favorables à l’article 37 du projet de loi, qui nous semble pouvoir assurer l’égalité hommes-femmes dans les conseils centraux et, surtout, éviter les écueils actuels liés au fait que des conseils d’administration au départ paritaires ne le sont plus au fil du mandat en raison des élections partielles.

Par contre, le projet de loi ne dit rien sur la parité dans les équipes présidentielles. Elle pourrait pourtant y être prévue, d’autant que la nomination favorise la parité, contrairement aux élections.

En outre, des dispositifs me semblent nécessaires concernant les emplois fonctionnels au sein des universités, comme les directeurs généraux des services, qui sont principalement masculins, alors que le vivier est largement féminin.

Enfin, les jurys et les comités de sélection sont également des organes décisionnels puisque ce sont eux qui choisissent les personnes qui deviendront nos collègues pour les vingt, voire les quarante prochaines années. Aussi leurs décisions ont-elles un impact sur la direction future de l’université. Or, depuis leur mise en place en 2009, les comités de sélection comptent pour près de la moitié d’entre eux entre 90 % et 100 % de professeurs hommes, selon les constatations des chargé-e-s de mission. Néanmoins, des actions sont possibles pour inverser la tendance : quatre universités ont d’ores et déjà anticipé la loi en prenant des mesures qui ont donné de très bons résultats.

La loi du 12 mars 2012, qui impose 40 % de personnes du même sexe dans les jurys ou les comités de sélection, nous semble très favorable. Cependant, la dérogation qu’elle mentionne est pour nous un sujet de préoccupation.

En effet, chaque année depuis 2009, les chargés de mission de quatre établissements étudient un par un les comités de sélection au regard de la parité. Nous constatons que l’excuse fréquemment avancée est celle du vivier. Or nous contestons cette excuse car les comités de sélection pour lesquels le vivier de femmes pose problème se veulent souvent exemplaires et sont très proches de la parité, alors que ceux pour lesquels le vivier nécessaire existe aux niveaux local et national ne remplissent généralement pas les critères imposés par l’université pour aller dans le sens de la loi. Selon nous, le problème n’est donc pas l’insuffisance du vivier, mais une réelle méconnaissance de celui-ci de la part des pairs.

Mme Nadia Hilal, chargée de mission à la Conférence des grandes écoles (CGE). Je suis chargée de la commission Amont, qui s’intéresse aux différents viviers dans lesquels vont puiser les grandes écoles, ainsi que des commissions recherche et relations parlementaires.

Depuis les années quatre-vingt-dix, la Conférence des grandes écoles comporte une commission « ouverture sociale et diversité », dont la présidente est actuellement Mme Florence Darmon, directrice de l’École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP).

Comme le montre la liste que nous avons établie, la proportion de directrices d’une grande école membre de la CGE est de 12 %, ce qui représente 24 femmes : outre la directrice de l’École nationale d’administration (ENA), 7 femmes dirigent une école de management et deux une école de journalisme.

S’agissant du vivier, nous partageons le constat posé. Les femmes sont surreprésentées aux concours des grandes écoles de gestion où elles sont 50 % à être admissibles et un peu plus de 50 % à être admises. Pour les écoles de management, la parité est pratiquement acquise, même si le taux de femmes diminue à mesure de l’augmentation de la sélectivité de l’école. Par contre, les écoles scientifiques et d’ingénieurs comptent en moyenne 30 % de femmes dont la répartition diffère selon le secteur : elles sont 10 % dans l’informatique, mais 70 % dans les filières sanitaire et sociale, biologie, vétérinaire.

En 2011, le groupe égalité hommes-femmes de la CGE a élaboré le texte d’une charte, qu’il demande aux directeurs d’école d’appliquer. Il s’agit en particulier de nommer un référent égalité auprès des étudiants et du personnel. L’objectif est de sensibiliser les femmes aux carrières scientifiques, où elles sont sous-représentées alors que les salaires y sont plus élevés que dans les secteurs où elles sont surreprésentées.

En outre, la commission Amont constitue une structure d’échanges de bonnes pratiques et de coordination, le but étant d’accroître les viviers en informant les filles dès les classes de troisième et seconde sur les métiers d’ingénieur, qu’elles connaissent peu mais qui recrutent beaucoup. Des coopérations avec l’ONISEP et les associations « Femmes & sciences » et « Elles bougent » permettent de promouvoir les sciences auprès des filles et de les sensibiliser aux concours et aux possibilités de carrière dans ces secteurs.

M. Sébastien Denaja. Pour les modalités d’élection, la Délégation aux droits des femmes défendra le scrutin à deux tours.

S’agissant des personnalités qualifiées, on pourrait imaginer que chaque autorité en nomme deux – un homme et une femme – et que l’arbitrage soit ensuite assuré soit par le président, soit par le recteur, chancelier des universités – ce dernier présentant l’avantage de la neutralité.

Sur le problème des remplacements au fil du mandat, une piste serait de désigner la personne de même sexe qui suit dans la liste.

La Délégation souhaite la parité dans toutes les instances, y compris au sein des bureaux des conseils d’administration.

Enfin, pour les comités de sélection, je pense que l’on pourrait proposer une parité stricte.

Mme Isabelle Kraus. Le problème est que la tendance actuelle est à la création de sous-sous-spécialités de discipline pour constituer des comités de sélection, si bien qu’il devient très difficile de trouver des femmes. Il nous semble que si les comités de sélection avaient une vision plus large leur permettant de juger les capacités pédagogiques et d’intégration de la personne dans la vie universitaire pendant quarante ans, nous aurions des viviers importants de femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En matière d’égalité professionnelle, chaque fois qu’une dérogation a été instaurée, elle s’est appliquée contre les femmes.

En outre, les jurys trop resserrés ne sont pas forcément une bonne chose, car ils conduisent au « copinage » ou à l’exclusion de certains enseignants-chercheurs. Des jurys plus larges sont préférables.

M. Vincent Berger. Dans un jury, ceux qui sont au cœur de la discipline ont plus d’autorité que d’autres. Il faut donc veiller à ne pas trop ouvrir le spectre disciplinaire du jury car la parité ne suffit pas : chacun doit être à égalité d’autorité pour que la décision soit vraiment paritaire. Autrement dit, il faut éviter la présence de « femmes potiches » d’une autre discipline uniquement pour assurer la parité : c’est un travers possible.

Pour en revenir au projet de loi, il serait compliqué que le président nomme les personnalités qualifiées si elles peuvent – comme le ministère le souhaite, ai-je cru comprendre – voter ensuite pour le second mandat du président.

L’arbitrage du recteur, comme vous le proposez, poserait aussi des difficultés parce qu’une partie importante de la communauté universitaire y verrait la mainmise de l’État dans la gouvernance des universités.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les personnalités qualifiées ne dépendent pas des universités : l’arbitrage du recteur ne toucherait en rien leur indépendance.

M. Vincent Berger. S’agissant du CNU et des sections du comité national, il faut arriver à la parité, mais le scrutin individuel est largement préférable au scrutin de liste pour garantir les choix des experts sur les CV scientifiques. On peut arriver à la parité en faisant deux collèges.

Mme la présidente Catherine Coutelle. N’y aurait-il pas un risque de censure du Conseil constitutionnel ?

M. Vincent Berger. Aux termes de la Constitution, « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ».

Mme Anne Pépin. Le conseil d’administration du CNRS comprend 33 % de femmes. Il est possible de faire mieux.

S’agissant du comité national, il faut se poser la question du périmètre du projet de loi pour savoir s’il doit reprendre certaines dispositions de la loi Sauvadet et les renforcer. Pour l’instant, les instances de décisions des organismes ne figurent pas dans le projet de loi.

Pour les élections, le président avait proposé des listes de candidats paritaires.

L’équivalent des comités de sélection pour nous, ce sont les jurys d’admission.

M. Sébastien Denaja. Une des recommandations à laquelle nous réfléchissons est l’ajout dans le projet de loi de tous les organismes ayant un lien avec la recherche, puisqu’ils n’y sont pas actuellement prévus.

Nous souhaitons la parité stricte dans les sections disciplinaires. Conformément au droit de la fonction publique, les fonctionnaires sont jugés par leurs pairs. Actuellement, c’est le président de l’université qui déclenche la saisine de la section disciplinaire. La possibilité pour les chargés de mission « égalité » de déclencher cette saisine, ce qui permettrait sans doute à davantage de plaintes d’aboutir, vous paraît-elle pertinente ? Que pensez-vous de la recommandation, qui pourrait être portée par la Délégation, selon laquelle les établissements auraient l’obligation de mettre en place un chargé de mission ?

Actuellement, les enseignants-chercheurs sont évalués tous les quatre ans. Pourrait-on imaginer une évaluation quinquennale pour les femmes ayant eu un enfant, voire portant sur une période plus large pour celles qui ont eu plusieurs enfants ?

Mme Isabelle Kraus. Nous demandons effectivement que la périodicité de l’évaluation des femmes soit allongée d’une année supplémentaire par enfant – à l’échelle européenne, le délai est de dix-huit mois. Cela constituerait une grande avancée.

Nous pensons que la loi devrait prévoir l’existence de chargés de mission dans toutes les universités et, surtout, garantir leur pérennité. Ce faisant, elle contribuerait à lever les freins culturels qui existent au sein des universités. Actuellement, en effet, la mise en place d’un chargé de mission est liée au mandat présidentiel de quatre ans ; ensuite, son maintien dépend du bon vouloir du président suivant. Or l’actualité a montré que certains chargés de mission n’ont pas été reconduits après des changements de présidence. J’ajoute que les chargés de mission devraient se voir attribuer des moyens, ne serait-ce qu’une reconnaissance horaire, mais surtout la possibilité de faire partie du bureau pour être au plus près des décisions qui sont prises au sein des universités au regard des plans d’action qui doivent être mis en œuvre.

M. Vincent Berger. Le travail des chargés de mission est essentiel, en particulier pour l’échange de bonnes pratiques entre établissements. Leur légalisation constituerait une grande avancée.

S’agissant des affaires de harcèlement, le problème est qu’elles sont traitées en interne à l’université. Or il y a beaucoup de gênes à l’intérieur du système quand un collègue que l’on connaît est accusé de ce type de comportement. En outre, on peut imaginer que des présidents et des administrateurs soient tentés d’étouffer une affaire afin de préserver la réputation de leur établissement. La section disciplinaire du conseil d’administration est-elle la bonne instance pour traiter de tels faits ? Ne faudrait-il pas prévoir l’intervention d’une personne extérieure à l’université ? J’ai le sentiment qu’une certaine distance par rapport aux acteurs est nécessaire.

M. Sébastien Denaja. Nous évaluons cette possibilité, mais la question est de savoir s’il est possible de déroger au droit de la fonction publique. On pourrait par exemple imaginer que de telles affaires soient traitées par le conseil disciplinaire d’une autre université.

M. Vincent Berger. S’agissant du retour de congé de maternité, certaines universités accordent aux femmes une décharge d’enseignement, ce qui leur permet de reprendre plus facilement leur activité de recherche. Il faut savoir que les collègues acceptent parfois difficilement d’assurer un nouveau cours pendant un an pour remplacer les femmes en congé, car cela leur demande un investissement considérable. Les décharges de l’activité d’enseignement existent à l’Institut universitaire de France (IUF) : on pourrait donc imaginer l’instauration de décharges d’enseignement post-maternité à l’université.

Mme Anne-Marie Jolly. La décharge d’enseignement est une excellente idée.

S’agissant du harcèlement sexuel, le système des universités suisses repose sur l’intervention d’un référent et d’une personne extérieure. Comme Vincent Berger, je pense que ces affaires ne peuvent pas être gérées en interne.

M. Sébastien Denaja. Deux dispositifs pourraient se cumuler : l’allongement de la périodicité de l’évaluation et le congé recherche, qui n’est pas accordé à l’heure actuelle.

Mme Isabelle Kraus. Le statut des enseignants-chercheurs prévoit le congé pour recherches ou conversions thématiques (CRCT).

Mme Anne Pépin. Les chercheurs du CNRS doivent rendre un rapport d’activité tous les deux ans – même si elles sont en congé de maternité. Il serait donc utile de prolonger la période d’évaluation.

Le plan d’action que nous avons commencé à mettre en œuvre prévoit un dispositif pour l’accueil en délégation : pour les enseignants-chercheurs dans nos laboratoires, nous essayons de donner la priorité aux retours de congés de maternité, d’adoption ou parentaux. Au niveau des laboratoires, nous menons des entretiens avec les directeurs d’unité avant et après les congés pour évaluer les besoins, et nous essayons de mettre en place des dispositifs d’accompagnement : pour les chercheurs, nous pouvons embaucher des post-doctorants ; pour les personnels ingénieurs et techniciens, nous mettons en place des formations.

Les chargés de mission égalité ou référents égalité sont très utiles, mais ont besoin, comme l’a souligné Isabelle Kraus, de réels moyens. Les chargés de mission ont été mis en place ponctuellement à partir des années deux mille, grâce à une aide européenne. La mission pour la place des femmes au CNRS a été créée en 2001 : elle dispose de moyens et de personnels, et elle est essentielle pour la mise en œuvre du plan d’action. Elle est rattachée directement à la présidence, mais ne siège pas au comité de direction du CNRS. Néanmoins, on pourrait imaginer que cela soit possible, au même titre que les chargés de mission pourraient être présents, comme le propose Isabelle Kraus, dans le bureau des universités.

Sur le harcèlement, une importante réflexion est engagée au service du développement social de la DRH du CNRS. Des réunions se tiendront cette année sur ce sujet.

M Sébastien Denaja. Pourquoi ne pas créer une vice-présidence chargée de l’égalité ?

M. Vincent Berger. On peut tout à fait l’envisager. Néanmoins, il faut savoir que les équipes présidentielles diffèrent d’une université à l’autre : certaines comportent trois vice-présidents, d’autres en ont quinze – la loi ne décrit pas ce qu’est une équipe présidentielle. Aussi la loi peut-elle effectivement prévoir l’existence d’un vice-président à l’égalité, mais plus difficilement les réunions auxquelles il devra assister au regard de la diversité des instances et des comités à la tête des universités.

Mme Isabelle Kraus. Actuellement, trois universités comportent une vice-présidence à l’égalité : ce sont plutôt des vice-présidences déléguées, sauf celle d’Avignon qui est une vraie vice-présidence pour laquelle Mme Martine le Friant est associée à toutes les réunions de bureau des instances.

Pour pouvoir jouer son rôle et interpeller la direction sur la parité, il est primordial que le chargé de mission ait connaissance des projets de son établissement.

La décharge d’enseignement post-maternité constituerait une très grande avancée, D’ailleurs, Vincent Berger a parfaitement démontré la discrimination qui touche les femmes, car si l’on trouve facilement des remplaçants aux personnes qui prennent un CRCT pendant six mois, pourquoi est-ce si difficile pour les femmes qui reviennent d’un congé de maternité ? Actuellement, les femmes peuvent demander un CRCT au retour de leur congé de maternité : les chargés de mission doivent mettre en avant cette avancée pour qu’elle soit davantage mise en œuvre.

Une seule charge de mission comporte une cellule sur le harcèlement sexuel : celle de l’université Lille III. Par contre, plusieurs chargés de mission à la CPED peuvent être saisis de cas de harcèlement moral. Notre expérience nous montre que l’autoprotection des collègues est une réalité, mais qu’elle est accentuée lorsque la personne incriminée incarne l’excellence scientifique : cette personne devient intouchable et l’on peut alors parler d’omerta. Par conséquent, nous pensons que la section disciplinaire doit être extérieure à l’université, et même extérieure à toute université.

M. Vincent Berger. Cette solution semble la meilleure, mais compliquée d’un point de vue juridique. Le président de Toulon a été traduit devant une section disciplinaire d’une autre université.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il semble qu’il y ait de nombreux cas de harcèlement, dont sont surtout victimes les post-doctorantes.

M. Vincent Berger. Les femmes qui font un mémoire de master sont également concernées.

Je pense qu’un travail de fond devrait être mené pour préciser où commence le harcèlement dans le contexte de la direction de thèse. Il faut savoir que le directeur de thèse et le doctorant ont un rapport en one to one, ce qui est une spécificité professionnelle. De la même manière, le succès de la thèse du doctorant dépend entièrement du directeur. Il existe également une relation de séduction intellectuelle entre le directeur et son élève. Enfin, beaucoup de professeurs ne disposent pas d’un bureau à l’université et rencontrent leurs étudiants chez eux. Un directeur de thèse a-t-il le droit d’inviter une doctorante chez lui pour discuter de sa thèse ? Une telle pratique va-t-elle trop loin ? Personne ne s’est penché sur ce point précis. Il me semble nécessaire de clarifier les choses.

Mme Anne-Marie Jolly. Un grand nombre de femmes ont abandonné leur thèse parce qu’elles ont été harcelées.

Mme Anne Pépin. Le CNRS est également concerné.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La situation est caractérisée par une grande dépendance pour l’étudiante ou la doctorante.

M. Vincent Berger. Il y a aussi de très belles histoires d’amour et des mariages réussis !

Mme Isabelle Kraus. Comme l’ont constaté les chargés de mission, les saisines de la section disciplinaire proviennent quasi exclusivement des doctorantes étrangères. Par contre, lorsqu’elles sont harcelées par le même directeur que les doctorantes étrangères, les doctorantes françaises nous répondent que ces pratiques font partie du jeu, que c’est le prix à payer pour décrocher leur thèse. Nous sommes donc en présence d’un problème culturel. Les chargés de mission se sentent impuissants face à l’omerta, et très isolés face aux réactions très vives que suscite ce sujet. Ils expriment le besoin d’une aide extérieure, qui pourrait prendre la forme d’une plateforme nationale auprès de laquelle ils pourraient obtenir des conseils juridiques et pratiques.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Très souvent, les victimes sont désemparées et ne savent pas vers qui se tourner.

Mme Anne Pépin. La circulaire du 25 novembre 2012 appelle l’attention des présidents des établissements de l’enseignement supérieur sur les mesures de prévention à mettre en œuvre lorsqu’ils ont connaissance de tels faits, et rappelle le rôle des différents acteurs dans la prise en charge et l’accompagnement des victimes.

Mme Isabelle Kraus. Je pense que, pour traiter cette question, il faut plusieurs points d’entrée dans une université. Celle de Strasbourg en a ainsi institué plusieurs : les chargés de mission, le médecin du travail, la médecine universitaire, l’assistante sociale. Ces points d’entrée multiples sont nécessaires car une personne victime doit pouvoir se diriger vers la personne auprès de laquelle elle se sentira en confiance – et ce n’est pas toujours la même selon les étudiantes.

Depuis 2009, année où je suis devenue chargée de mission, pour des saisines concernant des cas de harcèlement moral, j’ai été saisie de neuf cas avérés, c’est-à-dire corroborés par des témoignages concordants. Par contre, les victimes n’ont pas porté plainte car ce qu’elles veulent avant tout, c’est que le harcèlement sexuel s’arrête au plus vite afin de pouvoir continuer leurs études, leur thèse ou leur travail dans de bonnes conditions.

Malheureusement, les solutions que nous avons imaginées ne sont pas satisfaisantes. Dans le cas où l’étudiant n’est pas trop avancé dans sa thèse, nous proposons le changement de directeur ou directrice de thèse. Mais cela est très délicat pour les étudiants étrangers car leur bourse étant souvent fléchée sur un directeur de thèse, le changement de laboratoire est une procédure très lourde. Sans compter que c’est la victime qui doit changer et non le harceleur. Dans le cas où la thèse est trop avancée, la seule solution que nous avons trouvée est d’écrire une lettre pour signaler les faits à l’école doctorale, avec l’espoir que celle-ci – après avoir reçu d’autres lettres dénonçant ces pratiques de la part de la même personne – ne fléchera plus de thèse sur ce ou cette directrice-là. Mais je le reconnais : cela est naïf car nous nous heurtons, encore une fois, à l’excellence scientifique. Vous l’aurez compris : nous sommes démunis.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les harceleurs agissent en toute impunité.

Mme Anne Pépin. Dans le cadre du projet INTEGER, nous avons réalisé un sondage anonyme auprès d’un échantillon de femmes du CNRS sur les parcours professionnels, la progression de carrière, l’environnement de travail, l’articulation vie familiale vie professionnelle, et avons posé des questions sur le harcèlement sexuel. Il en ressort que 37 % de femmes dans les disciplines de la physique, de l’ingénierie et des mathématiques ont été victimes de blagues, questions intrusives ou remarques à caractère sexuel et/ou sexiste. Un grand nombre également a été victime de gestes déplacés.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ceux qui font des blagues n’ont pas conscience que ces pratiques sont intolérables. Certaines femmes en allumant leur ordinateur y trouvent des images pornographiques… J’aimerais que la loi envoie un message clair d’interdiction !

Mme Isabelle Kraus. Le harcèlement ne se produit pas seulement au domicile des directeurs de thèse. En ce qui concerne les neuf saisines avérées dont j’ai parlé, huit cas se sont produits au sein de laboratoires ou dans le cadre de réunions de groupe, où des propos intolérables ont été prononcés. Il s’agit de harcèlement moral, mais à connotation sexuelle : la limite entre harcèlement moral et harcèlement sexuel est ténue ! Quand une femme au sein d’un groupe d’hommes s’insurge contre de tels propos, ces derniers lui rétorquent qu’elle ne comprend pas les blagues ! Le problème est donc culturel, et il faudra des années pour que les choses changent !

Mme la présidente Catherine Coutelle. En matière de financement de la recherche, les femmes chercheures ou responsables de laboratoire subissent-elles des inégalités ? Observez-vous des discriminations à l’ANR, l’ANRS, l’AERES ?

Mme Anne Pépin. Notre enquête INTEGER a montré que les femmes ont tendance à postuler davantage pour les appels à projets CNRS et régionaux, tandis que les hommes se concentrent davantage sur les appels à projets européens et de l’ANR, qui mobilisent plus d’argent.

Mme Isabelle Kraus. Sur ce point, notre étude débute. Les universités de Strasbourg, Pierre et Marie Curie et Paris XI ont fourni des données à la LERU (League of european research universities), le regroupement européen des universités d’excellence, dont le gender working group est très actif. Il est trop tôt pour que je puisse faire une analyse de l’ensemble de ces données, en particulier sur le taux de réussite des femmes, mais je constate que le nombre de femmes qui sollicitent des bourses européennes est extrêmement faible par rapport à celui des hommes.

Mme Anne Pépin. S’agissant du Conseil européen de la recherche, selon lequel le seul critère d’évaluation est l’excellence, la situation est préoccupante en matière de dépôt de dossiers et de taux de succès femmes. Un groupe de travail commence à se pencher sur ces questions.

S’agissant de l’ANR, j’ai le sentiment que personne ne s’est réellement penché sur ces aspects.

Au CNRS, un des axes de travail de la mission pour la place des femmes est le soutien à la promotion des recherches sur le genre et à la transversalité de ces recherches, non seulement en sciences humaines et sociales, mais aussi en biologie, ingénierie, médecine, environnement, etc. Il semble que le genre ne figure plus dans la nomenclature de certaines formations diplômantes, ni qu’il y soit fait mention dans le cadre de la stratégie nationale de recherche.

La loi espagnole du 1er juin 2011 sur la recherche, la science et l’innovation contient plusieurs dispositions sur la parité dans les conseils, l’intégration du genre dans les stratégies de recherche, la promotion de la recherche sur le genre, la production de statistiques sexuées. Il y a davantage de dispositions sur la parité dans cette loi espagnole que dans la loi française. Notre livret La parité dans les métiers du CNRS fournit des éléments de réflexion afin d’ajuster les politiques RH au CNRS.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les enquêtes sont-elles réalisées de manière sexuée ?

Mme Isabelle Kraus. Les chargés de mission des universités œuvrent en ce sens. Nous avons besoin de toutes les données sexuées pour avoir une bonne connaissance de la situation dans les établissements. À cet égard, les bilans sociaux sexués constituent un important progrès.

Mme Anne Pépin. Le plan d’action du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche prévoit d’inscrire l’égalité dans le dialogue contractuel entre les établissements et le ministère.

Pour la fonction publique, un protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle a été signé par les syndicats.

Mme Isabelle Kraus. Les financements de la recherche sont basés sur l’excellence dont la définition actuelle est sans doute à revoir car nous craignons qu’elle n’entraîne l’exclusion d’un grand nombre de femmes. Au CNRS, des entretiens sont organisés avant et après les congés de maternité, mais ce n’est pas le cas à l’université. En Suisse, où l’augmentation de la proportion de femmes professeurs est un objectif, les entretiens de carrière ont montré leur efficacité. Toutes ces actions sont très utiles, mais nécessitent des moyens financiers.

Je suis persuadée que les avancées que nous obtiendrons au nom de l’égalité professionnelle bénéficieront à tous – aux hommes comme aux femmes – au regard de l’articulation vie personnelle vie professionnelle. Cela a d’ailleurs été prouvé dans le passé.

Aussi, dans ce souci d’égalité, ne serait-il pas heureux que figurent dans le projet de loi le féminin et le masculin ou des formes épicènes ? Cet usage est très répandu dans les autres pays européens et n’alourdit pas les textes – je vous ferai parvenir une liste des différentes formules utilisables. D’ailleurs, comme l’ont montré des études très détaillées, lorsque les offres d’emploi des entreprises privées sont rédigées au masculin et au féminin – par exemple « un directeur ou une directrice » –, la proportion de candidatures féminines est nettement supérieure.

Mme Anne Pépin. Nos documents utilisent d’ores et déjà les deux genres.

Mme Nadia Hilal. En France, les stéréotypes ont la vie dure ! Comme les gens recrutent des personnes qui leur ressemblent, les hommes recrutent naturellement des hommes !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il y a encore beaucoup de résistances dans le domaine de la féminisation des noms de métiers, fonction, grade ou titre, y compris chez les femmes !

Mme Anne Pépin. En Belgique, au Québec, en Suisse, l’utilisation du terme « rectrice » ne pose aucun problème, alors qu’il ne plaît pas en France.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, monsieur, mesdames, pour ces témoignages et ces propositions qui sont le fruit de votre riche expérience. Nous constatons que la loi en cours d’examen comporte des avancées très importantes, mais qu’elle ne comble pas tout le retard qui est le nôtre.

La séance est levée à 19 heures 30.

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Information relative à la délégation

La délégation a nommé M. Sébastien Denaja, rapporteur d’information sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n°835).