Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation aux droits des femmes

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 28 octobre 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 6

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

La séance est ouverte à 17 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous allons entendre notre collègue Christophe Sirugue, vice-président de la Délégation et rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur les crédits pour 2015 de trois programmes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dont le programme 137 relatif à l’« Égalité entre les femmes et les hommes », qui a été débattu ce matin en commission élargie.

Ce programme se décline en cinq actions : l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale ; la promotion des droits, la prévention et la lutte contre les violences sexistes ; le soutien du programme « égalité entre les hommes et les femmes » ; les actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ; la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains.

M. Christophe Sirugue. Madame la présidente, cher-e-s collègues, je suis ravi de me retrouver une nouvelle fois devant la Délégation aux droits des femmes pour évoquer le programme 137, celui de la mission Solidarité qui est exclusivement consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes.

C’est l’un des points les plus positifs de la mission qui se trouve largement épargnée par les efforts budgétaires auxquels le Gouvernement est contraint. Il voit en effet le total de ses crédits augmenter de 0,56 % pour atteindre 25,17 millions d’euros, contre 25,02 millions d’euros de crédits ouverts en loi de finances initiale pour l’année 2014. Je me permets de mettre en perspective cette légère augmentation par rapport aux diminutions importantes concernant d’autres budgets.

Ces crédits d’intervention de l’État ont un effet levier permettant d’engager une dynamique conjointe avec d’autres financements européens, régionaux, départementaux et locaux.

Ce programme se décompose en cinq actions dont le périmètre reste inchangé par rapport à l’architecture de la loi de finances pour 2014, ce qui en facilite la lisibilité. Cette permanence du fléchage est la bienvenue, après plusieurs années de fortes modifications dans l’architecture de ce programme, qui m’avaient amené à vous faire part de difficultés de comparaison l’année dernière. Je ne peux que m’en réjouir.

Les objectifs et les indicateurs de performance sont également reconduits à l’identique. Je dirais même que cette stabilisation est de bon augure. Elle prouve peut-être qu’ils ont atteints une certaine efficacité.

Commençons malgré tout par le point le moins positif.

L’action n° 11 « Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale » est dotée de 1,94 million d’euros pour 2015, soit une diminution de 0,26 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Cette action se départage en deux sous-actions.

La sous-action 1, relative à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle et économique, pour un montant de 0,85 million d’euros, subventionne les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) qui apportent dans les départements, via les 57 bureaux d’accompagnement individualisés vers l’emploi (BAIE) et les 20 services emploi, une information, une orientation et un accompagnement aux femmes les plus éloignées de l’emploi pour leur permettre d’élaborer un projet professionnel, y compris la création d’entreprise.

La sous-action 2, concernant l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie politique et sociale, subventionne tout d’abord des actions de sensibilisation et de formation des acteurs, pour un montant de 0,51 million d’euros. Il s’agit d’actions menées par des associations nationales comme l’Association du festival international de films de femmes de Créteil (AFIF), qui assure la promotion des créations des femmes en matière cinématographique et audiovisuelle), le Conseil national des femmes françaises (CNFF) ou encore « Femmes mixité sport » dont l’action est axée sur la lutte contre les discriminations dans le sport, l’accompagnement de l’engagement des femmes en ce domaine via, notamment, un réseau de femmes dirigeantes et des encadrements techniques bénévoles et professionnels, l’opération « 24 heures du sport féminin » et la création d’un observatoire de la féminisation du sport.

Cette sous-action, pour un montant de 0,58 million d’euros, subventionne également des actions locales de sensibilisation et de formation des acteurs de l’égalité. Par exemple, sur certains territoires, les chargées de mission départementales aux droits des femmes mènent des actions en matière sportive, comme l’organisation d’une journée « femmes et sport » offrant aux jeunes filles une meilleure connaissance des métiers du sport et un accès plus important aux formations.

Sans vouloir minorer la baisse de ces crédits, qui est de 11,6 %, je tiens à donner deux précisions : d’une part, la loi du 4 août 2014 a fait un pas supplémentaire en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes puisqu’elle ramène l’échéance pour l’obligation de compter 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées de 2018 à 2017. Cette obligation devra en outre être atteinte en 2020 pour les entreprises de 250 à 499 salariés, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros.

D’autre part, si les crédits demandés en loi de finances initiale 2015 sont inférieurs aux crédits ouverts en 2014, ils sont en revanche identiques aux crédits demandés en loi de finances initiale 2014, à savoir : 1,94 million d’euros et non 2,2 millions d’euros – si l’on veut comparer ce qui est comparable.

L’action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes », d’un montant de 15 millions d’euros pour 2015, est destinée à des actions de prévention, d’accompagnement et de prise en charge des femmes victimes de violences, mais aussi à favoriser l’information et l’orientation des femmes en matière de santé génésique et d’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Les crédits ouverts en loi de finances initiale 2014 étaient de 14,58 millions d’euros, alors que les crédits demandés pour 2014 étaient de 13,89 millions d’euros. On remarque donc le même phénomène que celui que j’expliquais précédemment.

Là aussi, il faut nuancer la hausse des crédits de 2,83 % par rapport à l’année dernière, car elle s’explique notamment par le transfert des crédits antérieurement imputés sur le programme 177 sur l’hébergement des personnes vulnérables, pour financer le déploiement de l’accueil de jour des femmes prévu dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016). Ce transfert a pour but de notifier les crédits plus rapidement aux associations porteuses du dispositif, et ainsi de sécuriser les structures en évitant des transferts en gestion. Par ailleurs, l’action n° 12 bénéficie d’un abondement supplémentaire pour le financement de la plate-forme téléphonique 39 19 « Violences femmes infos », dont les moyens ont été renforcés depuis le 1er janvier 2014.

Les subventions aux têtes de réseau sont reconduites à l’identique. Le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), le Collectif féministe contre le viol (CFCV), l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)), le Mouvement français du planning familial (MFPF) et le Groupe de femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) sont dotés exactement des mêmes montants à l’euro près.

Les subventions locales sont également reconduites à l’identique, que ce soit pour les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ou les 180 lieux d’accueil, d’orientation et d’écoute des femmes victimes de violences (LAO).

En plus des LAO, de la hausse de la subvention à la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) pour l’amélioration du 3919 et de l’accueil de jour des femmes, les autres actions du quatrième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) suivent leur cours. Là encore, nous pouvons nous réjouir de la stabilité des financements, avec une reconduction des crédits, de 0,97 million d’euros pour les téléphones d’alerte pour les femmes en très grand danger (TGD), et de 0,43 million d’euros pour les actions locales de formation et de prévention pour la lutte contre la récidive.

Les crédits de l’action n° 13 « Soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes » s’élèvent pour 2015 à 1,45 million d’euros, un montant globalement stable – une très légère baisse de quelques milliers d’euros – par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2014. Ces crédits sont composés, comme en 2014 : d’une part, de 0,5 million d’euros destinés aux dépenses de fonctionnement des délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité – il s’agit des 70 agents implantés dans les préfectures de région ; d’autre part, de 0,95 million d’euros pour les actions d’information, de sensibilisation et de communication relatives aux violences faites aux femmes.

L’action n° 14 « Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes » bénéficie de 4,38 millions d’euros de crédits en 2015, un niveau identique, à l’euro près, à l’année précédente. L’ensemble de ces crédits, s’ils sont identiques à ceux ouverts en 2014, sont inférieurs à ceux demandés en 2014, qui étaient de 4,52 millions d’euros. La demande de crédits a donc été revue à la baisse, probablement en fonction de ce qui avait été ouvert, après les réserves de précaution.

Pour la sous-action relative à l’accompagnement dans l’emploi 2,33 millions d’euros sont demandés en 2015, contre 1,85 million d’euros demandés en 2014.

Le programme national d’expérimentation sur l’égalité professionnelle sera doté de 1,45 million d’euros pour 2015, contre 2,08 millions demandés en 2014. Il y a donc un simple effet de vases communicants entre la première sous-action et la seconde.

Les crédits demandés pour 2015 au titre des études et évaluations, notamment en matière de violences faites aux femmes, s’élèvent à 0,6 million d’euros, comme en 2014. La Délégation aux droits des femmes, madame la présidente, peut se féliciter de la reconduction à l’identique des crédits alloués à l’enquête VIRAGE (Violences et rapports de genre) en 2014. Il s’agit de la poursuite d’un partenariat avec le laboratoire PRÉSAGE (programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre), l’Institut des politiques publiques ou l’Institut national des études démographiques (INED). Pour ce dernier, il s’agira d’une enquête étalée sur trois années, portant sur 35 000 personnes et destinée à alimenter l’Observatoire national des violences faites aux femmes, au sein de la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains). Je pense que c’est important. Nous nous étions en effet dit qu’il ne servait à rien de mettre en place des enquêtes si elles ne pouvaient pas être poursuivies, actualisées et donner lieu à un suivi pluriannuel.

Enfin, l’action n° 15 « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » est dotée pour 2015 de 2,39 millions d’euros contre 2,41 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2014. Là encore, on constate des crédits très légèrement en baisse, mais qui reconduisent en fait à l’identique ce qui avait été demandé en 2014, soit 2,39 millions d’euros.

La ventilation de ces crédits destinés à soutenir les actions conduites par des associations au niveau national et local est elle-même identique à l’année dernière : au niveau national, le montant est de 0,37 millions d’euros en 2015, comme demandé en 2014 pour le Mouvement du nid, l’Amicale du nid, ALC Nice, le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM) ; au niveau local, le montant est de 2,03 millions d’euros en 2015, comme demandé en 2014, pour la rencontre, l’accueil, l’accompagnement, l’insertion et la prévention.

Ces actions de prévention et de lutte contre la prostitution s’inscrivent dans le cadre du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2016).

Ce projet de loi de finances initiale, fidèle aux engagements du Gouvernement, maintient donc son effort en faveur des droits des femmes et de l’égalité. Étant donné le contexte financier dans lequel il s’insère, nous pouvons décerner un satisfecit au programme 137.

Encore une fois, ce programme bénéfice d’un peu plus de crédits que l’année dernière, et le maintien de son architecture a grandement facilité son suivi. Vous savez comme moi que lorsque l’on veut cacher quelque chose, on modifie l’architecture budgétaire. Or ce ne fut pas le cas. Je n’ai donc pas eu besoin, comme l’année dernière, de chercher dans toutes les lignes budgétaires pour m’y retrouver. On ne peut que s’en réjouir.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le rapporteur, il est toujours agréable d’entendre ce genre de propos. Il est exact que, les années précédentes, nous avions rencontré quelque difficulté à comparer les budgets.

Nous pouvons également nous féliciter d’un certain nombre de mesures, et notamment de la reconduction des crédits de l’enquête VIRAGE – même si, ce matin, notre collègue Monique Orphé s’est interrogée à propos des départements d’outre-mer, qui n’entraient pas initialement dans le champ de l’enquête. J’ajoute que l’échantillon est composé à parité d’hommes et de femmes, âgés de 20 à 69 ans – 75 ans dans les études européennes. Nous nous sommes en effet aperçus que nous méconnaissions totalement les violences subies par les personnes âgées.

En 2000, l’enquête ENVEFF (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), qui a servi de référence à l’enquête VIRAGE, avait été un vrai choc lorsque l’on a appris qu’en France, une femme sur trois mourait sous les coups de son conjoint. Malgré certaines différences selon les pays, le phénomène se présente de la même façon dans le reste de l’Europe. Jusqu’à présent, malheureusement, la situation reste préoccupante.

Quoi qu’il en soit, ce budget commence à traduire la loi que nous avons adoptée le 4 août 2014. Son intitulé n’est-il pas devenu, après débat, loi pour l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes ?

Mme Conchita Lacuey. Merci à notre brillant rapporteur. Après nos inquiétudes de l’année dernière, nous ne pouvons que nous réjouir de ce budget. Sa lecture est devenue beaucoup plus facile, et ses crédits progressent de 0,56 %, ce qui n’est pas si mal par les temps qui courent. J’aimerais malgré tout savoir si Mme Orphé a obtenu une réponse positive, et donc si l’enquête VIRAGE sera étendue aux départements d’outre-mer (DOM).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre a répondu ce matin. Tout le monde souhaite que cette enquête concerne aussi les DOM. Mais les déplacements des enquêteurs seraient très onéreux.

Mme Conchita Lacuey. Il n’y a pas d’enquêteurs sur place ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce sont des équipes de recherche parisiennes. Peut-être peut-on former des enquêteurs sur place ? Peut-être aussi peut-on trouver des financements complémentaires ? Ce genre d’enquêtes constitue un outil politique, dont les régions peuvent se servir au niveau local pour mener leurs actions.

Mme Maud Olivier. De mémoire, le conseil général de l’Essonne a versé 15 000 euros, à condition que les résultats de cette enquête lui soient présentés, afin de les utiliser pour mettre en place des actions spécifiques. Je suis donc d’accord avec Mme la présidente : il faut solliciter les collectivités territoriales – en tout cas les régions – pour qu’elles apportent un financement complémentaire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Concernant cette enquête, j’avais écrit, en tant que présidente de la Délégation, à l’ensemble des ministères – justice, intérieur, affaires sociales, etc. – pour leur demander une participation financière, même modeste. Après tout, une telle enquête n’intéresse pas que les droits des femmes. Mais je n’avais pas reçu grande réponse …

Cela m’amène à observer – tout en étant très satisfaite, monsieur le rapporteur pour avis – que le montant de notre budget stricto sensu est très modeste et pourrait être comparé à celui de la retraite « chapeau » de certains dirigeants d’entreprise. Pourtant, le ministère des droits des femmes a un effet de levier considérable et notre action va bien au-delà des 25 millions d’euros du programme 137.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je suis admirative et envieuse devant votre budget. Dès 2012, j’avais perçu la volonté du Gouvernement de faire une réalité de cette politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Les premières actions de Mme Najat Vallaud-Belkacem sont allées dans le bon sens, s’agissant notamment des sanctions infligées aux entreprises. Tant que l’on ne sanctionne pas, on peut toujours parler, mais on prêche dans le désert.

Aujourd’hui, dans le contexte que nous connaissons, il n’est pas facile de présenter un budget tout à fait honorable. Vous l’avez fait, et je tiens à saluer la performance. Cela prouve que la façon d’aborder la question de l’égalité a évolué.

Pour ma part, pendant un certain nombre d’années, j’avais essayé d’éviter au moins un recul. Je suis donc très heureuse de cette nouvelle impulsion et de cette volonté politique, qui va au-delà des bonnes intentions. Non seulement le budget est maintenu, mais il est un peu supérieur. Cela dit, j’observe que ce budget a été pensé et mis au point par l’ancienne ministre, que je tiens à saluer : il va tout à fait dans le sens que je souhaite, il est respectueux des femmes et correspond à une conception moderne de la société.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci de vos propos. Pour avoir participé à la Délégation lorsque vous en étiez la présidente, j’ai constaté que la situation politique vous était alors moins favorable. Nous nous battons toujours aujourd’hui, mais nous nous sentons soutenus. Vous aviez obtenu un certain succès avec la proposition de loi sur la représentation des femmes dans les conseils d’administration du CAC 40 mais au-delà, il était difficile de progresser.

5 300 accords et plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle ont été déposés cette année. Nous avons demandé la publicité des rapports de situation comparée, qui doivent se trouver sur le site du ministère. 700 entreprises ont été mises en demeure, et 20 ont été financièrement sanctionnées. L’idée n’est pas de sanctionner de nombreuses entreprises, mais de le faire savoir. Il aura fallu quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle pour se décider à appliquer des sanctions. Certains pensent que l’égalité se mettra en place naturellement, mais nous savons bien qu’au bout d’un moment, la loi doit intervenir et que lorsque celle-ci n’est pas suivie d’effet, il faut se résoudre à appliquer des sanctions.

Ensuite, les accords nationaux interprofessionnels (ANI) comportent des dispositions relatives à l’égalité hommes-femmes. Nous serons très attentifs à ce sujet. J’ai posé ce matin un certain nombre de questions sur la manière dont ils seront appliqués et suivis par les partenaires sociaux. En effet, c’est à eux de s’emparer du sujet lors des négociations salariales.

Enfin, d’un strict point de vue économique, une réelle égalité professionnelle entre les femmes et les hommes nous ferait gagner 0,5 point de croissance par an, ce qui n’est pas neutre. Je sais que le nouveau ministre de l’économie est assez sensible à la question. Par exemple, il a souligné récemment qu’au sein des professions réglementées – notamment chez les notaires ou les pharmaciens – les femmes avaient énormément de mal à s’installer.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est là que l’on sent qu’il existe aujourd’hui une volonté de mettre l’accent sur la politique en faveur des femmes. Bien sûr, dans ces professions-là, il n’est pas possible de légiférer. Mais le fait d’aborder le sujet prouve que l’on a une autre approche, plus moderne, de la société.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pense qu’il faut que l’on y travaille. Le ministre a répondu tout à l’heure qu’il ne s’agissait pas de déréglementer ces professions, mais de rendre leur accès beaucoup plus facile. Elles sont trop fermées, la transmission des entreprises se fait mal ou au sein d’un nombre trop limité de personnes. Il faudra faire en sorte que les professionnels de la pharmacie, dont les femmes, qui sont souvent préparatrices, puissent accéder au capital de l’officine. Il en est de même des études de notaires : les notaires sont en grande majorité des hommes, et les clercs de notaire sont en grande majorité des femmes qui ne deviendront jamais notaires. Et ce n’est pas par manque de compétences.

Souvenez-vous de la réforme aboutissant à la fusion des professions d’avocat et d’avoué. Les délégations de femmes travaillant dans les études d’avoués, que nous avions alors auditionnées, nous avaient dit que les avoués recevraient une bonne indemnité, mais que les personnels travaillant dans les études n’auraient que leurs yeux pour pleurer. Or la discrimination à l’encontre des femmes était déjà importante au sein de cette profession.

Mme Pascale Crozon. S’est-on préoccupé de la manière dont cette fusion s’était passée ? Nous avions reçu les personnels, qui avaient évoqué un certain nombre de leurs problèmes. Nous nous étions inquiétés de l’avenir de ces personnels et de leur statut.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À mon sens, on n’a pas fait le bilan de ce changement de statut. Je ne sais pas si ces femmes sont concernées, mais il me semble que dans un accord interprofessionnel ou dans la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, il y a eu des avancées concernant la carrière des femmes dans des professions libérales, et notamment au regard des congés maternité.

Mme Pascale Crozon. Où en est le budget des délégations départementales et régionales aux droits des femmes ?

M. le rapporteur pour avis. Leurs crédits ont été reconduits à l’euro près.

Mme Pascale Crozon. Certaines sont malgré tout en souffrance.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a privé l’ensemble du service des droits des femmes de toute visibilité dans les départements et les régions. Malgré le rapport de notre Délégation, la situation ne s’est pas améliorée.

Puisqu’une réflexion est en cours sur la réorganisation territoriale, il faudrait faire en sorte que l’on n’oublie pas les déléguées départementales et régionales aux droits des femmes, et voir comment on pourrait leur rendre une certaine visibilité. Cherchez donc la déléguée sur l’organigramme du département ou de la région, et vous vous rendrez compte du problème !

Mme Maud Olivier. Je remercie Christophe Sirugue pour ce travail qui nous apporte une certaine satisfaction. L’augmentation de crédits de cette année fait en effet suite à celle de l’année dernière – qui était de 80 000 euros. Cela montre que l’égalité reste une priorité pour notre majorité.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les crédits qui seront alloués à la lutte contre la traite et contre le système prostitutionnel.

L’année dernière, on avait annoncé que 20 millions d’euros seraient affectés à un fonds qui pourrait être dédié à l’accompagnement des personnes prostituées. L’information est parue dans la presse au moment où l’Assemblée a voté en première lecture la proposition de loi sur la lutte contre le système prostitutionnel. Ces 20 millions d’euros sont en suspens et certaines personnes attendent. On peut me répondre que la loi n’est pas votée et que les fonds seront débloqués le cas échéant. Mais j’aimerais savoir ce qu’il en est.

S’agissant de lutte contre la traite des êtres humains, il faut mettre l’accent sur les jeunes. La proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel prévoyait un certain nombre de mesures destinées à sensibiliser les publics à risque : actions de prévention auprès des collégiens et des lycéens ; accompagnement spécialisé des mineurs victimes de la traite dans le cadre de la protection de l’enfance ; définition d’une protection adaptée aux mineurs qui peuvent être à la fois auteurs de délits et victimes de la traite. Il serait important de connaître le calendrier de mise en œuvre de ces actions, et surtout les crédits qui leur seront affectés.

Vous avez peut-être entendu parler de ce gang qui est aujourd’hui sous les verrous : des enfants roms, qui étaient sous l’emprise de ce gang, devaient ramener 300 euros par jour en volant, en se prostituant, etc. Sinon, ils étaient maltraités. La prostitution des enfants existe donc. Les réseaux de traites ne se « contentent » pas d’asservir des femmes, ils s’en prennent de plus en plus souvent aux enfants.

Nous ne pouvons pas rester insensibles à cette situation et il serait intéressant qu’un budget soit dédié à la lutte contre la traite. Je sais que cela ne concerne pas uniquement les affaires sociales, mais aussi, notamment, le ministère de l’intérieur. Mais cela fait partie du Plan d’action national contre la traite des êtres humains, adopté sous l’impulsion de Mme Najat Vallaud-Belkacem.

M. Christophe Sirugue. Je ne vais pas vous donner de détails sur la mise en œuvre des actions, qui ne sont pas reprises dans le rapport. Je peux vous renvoyer à la ventilation des crédits de l’action n° 15 qui se fait entre quelques structures nationales, auxquelles sont affectés 0,37 million d’euros (Mouvement du nid, Amicale du nid, ALC Nice et le Comité contre l’esclavage moderne), et un peu plus de 2 millions d’euros qui sont exclusivement destinés à des actions locales de prévention, d’insertion, d’accueil et d’accompagnement. Peut-être serait-il intéressant de creuser la manière dont la seconde enveloppe est répartie au niveau local.

J’observe que plus les structures que l’on subventionne régulièrement sont nombreuses, moins on a de marge de manœuvre pour faire des politiques nouvelles. Lorsque l’affectation des crédits consomme l’intégralité de l’enveloppe, on manque de moyens pour lancer des opérations nouvelles, à moins d’ôter des crédits aux structures que l’on subventionnait auparavant.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le bleu budgétaire, il est écrit que le financement de ce plan » d’action national de lutte contre la traite sera également assuré par la mise en place d’un fonds de concours à partir des ressources propres de l’Agence de gestion de recouvrements des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dans la limite de 2,6 millions d’euros. L’idée est de prendre aux mafieux et aux réseaux de traite pour abonder ce fonds de concours. Mais ce fonds de concours existe-t-il déjà ? Et pourquoi le limiter à 2,6 millions ?

M. Christophe Sirugue. Très clairement, cela ne figure pas dans le budget dont je suis chargé de suivre l’exécution. S’agit-il de frais de justice, des sanctions de justice ? Où sera affectée cette recette potentielle de 2,6 millions d’euros ? Apparaît-elle dans le budget du ministère de l’intérieur ou dans celui du ministère de la justice ? Si elle existe, comment est-elle utilisée ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’AGRASC a bien, quelque part, un budget. Mais dans la mesure où il s’agit d’une agence, la représentation nationale n’a pas à en connaître sans doute...

M. Christophe Sirugue. Sauf si l’État lui verse des crédits.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Où est cette agence, de combien est son budget et pourquoi limiter sa participation à 2,6 millions ?

Mme Maud Olivier. Lors de nos déplacements, nous avons rencontré un certain nombre de personnes qui nous avaient expliqué qu’il était assez « facile », pour l’AGRASC, de mettre en demeure quelqu’un qui ne pouvait pas justifier l’origine de ses revenus, et de lui prendre ce qu’on soupçonnait provenir de revenus occultes. La DRASC n’a même pas à faire le procès de la personne, elle peut se contenter de lui dire, par exemple, que ses revenus ne justifient pas l’achat de sa magnifique maison, et saisir cette maison. Selon moi, on pourrait aller bien au-delà des 2,6 millions d’euros – qui ne sont peut-être qu’une moyenne annuelle.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si je comprends bien, sur les ressources de la DRASC, on prendrait 2,6 millions d’euros qui seraient fléchés sur un fonds de concours.

M. Christophe Sirgue. La somme est énorme par rapport au budget du programme 137 dont nous discutons.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce serait l’équivalent du budget d’intervention. Mais il faut bien voir qu’aujourd’hui, comme la loi a été très médiatisée, certaines personnes qui essaient de sortir de la prostitution s’adressent à nous. J’en ai moi-même reçu plusieurs à ma permanence. Nous sommes alors assez démunis quand nous n’avons pas d’association locale pour assurer leur accompagnement. Il est déjà difficile de faire le pas, et certaines prostituées sont en désespérance.

Je voudrais maintenant avoir une précision sur l’action n° 14. J’ai cru comprendre qu’il y avait des mouvements de crédits à l’intérieur de cette action, et une légère augmentation sur le programme national d’expérimentation. Dans ce cadre, neuf régions sont territoires d’excellence pour l’égalité femmes-hommes. Est-ce que cela signifie qu’en raison de son succès, cette expérimentation va être étendue ?

M. Christophe Sirugue. On constate une diminution du programme national d’expérimentation puisque 2,08 millions d’euros avaient été demandés en 2014, contre 1,45 million d’euros en 2015. Sans doute certains sortent-ils de l’expérimentation. Quoi qu’il en soit, l’enveloppe est moindre.

En revanche, la sous-action d’accompagnement dans l’emploi connaît une évolution inverse, puisqu’elle passe de 1,85 million d’euros à 2,33 millions d’euros. Je ne sais pas si c’est en raison d’une mesure qui mérite d’être accompagnée plus longuement et qui sort de l’expérimentation. Je n’ai pas de détails, mais on peut regarder ce qu’il en est.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le rapporteur pour avis, qui êtes également le vice-président de notre Délégation, je vous remercie pour votre fidélité et votre engagement.

La séance est levée à 17 heures 50.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Catherine Coutelle, Mme Pascale Crozon, Mme Conchita Lacuey, Mme Maud Olivier, Mme Marie-Jo Zimmermann.