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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 29 octobre 2014

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 7

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de Mme Arlette Vialle, directrice générale adjointe de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182)

La séance est ouverte à 14 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition de Mme Arlette Vialle, directrice générale adjointe de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, madame Vialle, d’avoir accepté notre invitation. Vous êtes directrice générale adjointe de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui porte ce nom depuis 2009.

Une des attributions de l’OFII est l’accueil des demandeurs d’asile. Dans ce cadre, il est chargé de la coordination du dispositif d’accueil en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) – souvent problématique – et du pilotage du premier accueil des demandeurs.

J’aimerais savoir si l’OFII produit des statistiques sexuées sur ces demandeuses et demandeurs d’asile, et si vous partagez les conclusions du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), selon lesquelles le droit français en matière d’asile n’est pas assez favorable aux femmes. Il semblerait en effet que nous ayons pris du retard dans la prise en compte de la question du genre dans notre système juridique. Nous aimerions saisir l’occasion de la réforme pour apporter à celui-ci quelques améliorations

Mme Arlette Vialle, directrice générale adjointe de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). L’OFII est issu de l’ordonnance du 2 novembre 1945, sous le nom d’Office national de l’immigration dont la mission était de participer à la reconstruction de la France et de faire venir de l’étranger des travailleurs volontaires. En 1988, il a pris le nom d’Office des migrations internationales (OMI), afin de bien marquer les modifications de ses missions. En 2005, il est devenu l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). En 2009, il a pris le nom que vous connaissez aujourd’hui.

Nos missions sont codifiées dans le code du travail, à l’article L. 5223-1. La raison en est historique : en 1945, l’Office national de l’immigration avait été créé pour faire venir des travailleurs. Il a été placé sous la tutelle du ministère du travail, puis sous celle du ministère chargé de l’immigration – plus particulièrement de la direction de la population et de l’immigration qui gérait les travailleurs migrants – et maintenant sous la tutelle du ministère de l’intérieur, compétent en matière d’immigration et d’asile.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Quel est le circuit du demandeur d’asile à partir du moment où il met le pied sur le territoire français, entre la préfecture, l’OFII et l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) ?

Mme Arlette Vialle. Le premier contact du demandeur d’asile sera généralement l’OFII ou les plates-formes d’accueil qu’il gère. L’office est en effet chargé du premier accueil des demandeurs d’asile qu’il met directement en œuvre dans certains départements ou par le biais des plates-formes d’accueil qu’il finance dans d’autres départements.

Ensuite, le demandeur d’asile ira à la préfecture pour se faire enregistrer, puis déposer sa demande devant l’OFPRA. La préfecture admet le demandeur d’asile au séjour.

Mme la rapporteure. Le projet de loi modifie-t-il les conditions d’accueil des femmes qui demandent l’asile ?

Mme Arlette Vialle. Comme vous l’avez noté, nous avons deux missions en matière d’accueil.

La première, qui date d’une dizaine d’années, est la coordination du dispositif national d’accueil (DNA), c’est-à-dire la gestion des places en CADA. Il s’agit d’une gestion informatisée, pour que le dispositif soit le plus pertinent possible.

La seconde, qui date de 2010, est le pilotage du premier accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire, directement par le biais de conventions avec des organismes que l’on choisit suite à un appel à projets.

Mme la présidente Catherine Coutelle Le demandeur se présente-t-il physiquement à votre guichet ? Vous téléphone-t-il ?

Mme Arlette Vialle. Il se présente physiquement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous lui donnez une adresse ? Vous lui proposez un hébergement ?

Mme Arlette Vialle. Tous les demandeurs d’asile qui se présentent, avant de déposer leur demande à la préfecture, doivent être domiciliés. C’est une obligation. Mais l’office ne gère pas lui-même cette domiciliation, il s’adresse à un prestataire. Dans tous les départements, même quand l’OFII est plate-forme de premier accueil, la domiciliation est toujours sous-traitée à un organisme – financé par l’office à cette fin.

Mme la rapporteure. Peut-il s’agir de centres communaux d’action sociale (CCAS) ?

Mme Arlette Vialle. Non, ce sont des associations.

Pour déposer une demande d’asile et être admis au séjour en France, il faut avoir une adresse, ne serait-ce que pour y recevoir du courrier. Dans chaque lieu où l’on peut déposer une demande d’asile, nous finançons une structure associative pour qu’elle s’occupe de cette domiciliation. C’est une des onze prestations que nous assurons au titre du premier accueil.

Une fois domicilié, le demandeur d’asile a une adresse postale. Ainsi, il peut déposer sa demande, se faire connaître à la préfecture, être enregistré et obtenir une autorisation provisoire de séjour.

Mme la rapporteure. La suppression de la domiciliation ne risque-t-elle pas de rendre les demandeurs d’asile injoignables ?

Mme Arlette Vialle. L’objectif est que le demandeur d’asile puisse être hébergé immédiatement, en tout cas le plus rapidement possible, et donc que cette domiciliation ne retarde pas le dépôt de sa demande d’asile, et donc son enregistrement.

Mme la rapporteure. Il n’y a pas de risque de perte de documents, d’informations, de convocations, etc. ?

Mme Arlette Vialle. Dans l’idéal, si la personne est orientée directement sur un hébergement, elle aura immédiatement une adresse. Sinon, elle sera orientée vers une structure qui la domiciliera. Encore une fois, le ministère a souhaité éviter qu’il y ait un blocage avant l’enregistrement en préfecture. Cette suppression avait été demandée lors de la concertation organisée à l’automne 2013 sur la réforme de l’asile.

Mme la rapporteure. On sait que le nombre de places en CADA est insuffisant. Quels sont vos critères pour considérer qu’un public est prioritaire pour y être admis ?

Mme Arlette Vialle. Dans l’idéal, tout le monde a vocation à être admis dans un CADA. Mais nous n’avons que 24 411 places, et ce n’est pas suffisant pour l’ensemble des demandeurs d’asile.

Une circulaire de 2007 fixe les critères de priorité. Bien entendu, les personnes vulnérables, comme les femmes enceintes, les femmes avec enfants ou les personnes en situation de handicap, sont prioritaires.

Mme la rapporteure. Le projet de loi prévoit-il de modifier les types de publics prioritaires ?

Mme Arlette Vialle. Les futures missions de l’OFII sont précisées à l’article 15 du projet de loi. Celui-ci serait chargé de présenter l’ensemble des conditions matérielles d’accueil à tous les demandeurs d’asile. Et parmi ces conditions d’accueil, il y a l’hébergement.

S’agissant de l’hébergement, une première évaluation du demandeur sera faite. Les critères de priorité et, bien entendu, les critères de vulnérabilité, tels qu’ils sont indiqués à l’article 21 de la directive, seront pris en compte, notamment les critères de vulnérabilité objective.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si j’ai bien compris, l’objet du projet de loi dont nous allons débattre est double. Le premier est d’éviter l’engorgement actuel et donc d’écarter le plus rapidement possible les demandes infondées, mais à quel moment, à l’OFII, à la préfecture ou à l’OFPRA ?

Le second objectif est de mieux prendre en compte la vulnérabilité, sachant que pour l’instant, la notion de vulnérabilité est définie dans une directive européenne, à laquelle il est fait référence mais dont les dispositions sur ce point ne sont pas directement reprises dans le projet de loi.

Mme Arlette Vialle. C’est l’OFPRA qui examine au fond la demande d’asile.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Toute demande d’asile passe par l’OFPRA ?

Mme Arlette Vialle. Oui, sauf celles des personnes relevant de la procédure Dublin. De son côté, l’OFII n’est pas chargé de l’examen des demandes d’asile, mais des conditions matérielles d’accueil.

Mme la rapporteure. En effet, mais le fait de prendre en considération, au moment de l’accueil, la vulnérabilité de certains publics est à même d’influencer la suite de la procédure. L’OFII jugera de la priorité à donner à certaines populations par rapport à d’autres.

Mme Arlette Vialle. L’article 15 nous charge d’un entretien destiné à évaluer la vulnérabilité du demandeur d’asile – même si cette vulnérabilité peut se révéler après, alors qu’il est déjà en hébergement.

Le fait de procéder à une première évaluation de cette vulnérabilité permet de signaler à l’OFPRA les personnes particulièrement vulnérables. Pour autant, nous n’avons pas à connaître le motif de demande d’asile de la personne. Ce n’est pas le rôle de l’OFII.

Mme Pascale Crozon. L’OFII procède à un examen social et médical du demandeur d’asile.

Mme Arlette Vialle. Oui, un examen social …

Mme Pascale Crozon. …et médical, si le demandeur est malade. Mais lorsque vous transmettez le dossier à l’OFPRA, un lien se crée entre l’OFII et l’OFPRA.

Mme Arlette Vialle. En cas de problème, il est prévu que l’on puisse transmettre certaines données à l’OFPRA, avec l’accord du demandeur d’asile.

Mme Edith Gueugneau. Il est prévu que la gestion de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) revienne à l’OFII. Comment celui-ci va-t-il procéder ? Le recours à un prestataire extérieur est-il envisagé ? Comme le souligne l’étude d’impact, les choix qui seront faits de ce point de vue détermineront l’ampleur des économies réalisées.

Ensuite, quels délais vous fixez-vous pour rendre les décisions concernant les attributions d’hébergement ?

Mme Arlette Vialle. Il est certain que nous devrons prendre en charge cette allocation, qui sera plus large que l’actuelle allocation temporaire d’attente.

Par ailleurs, nous serons sans doute chargés de verser l’ensemble des allocations aux demandeurs d’asile, y compris l’allocation mensuelle de subsistance (AMS), qui est actuellement versée par les CADA.

Enfin, pour verser l’ADA, il nous faudra passer par un comptable public, dans la mesure où il s’agit d’une allocation d’État.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Prenons le cas d’une femme seule avec des enfants, débarquant d’un pays fort lointain, par exemple à Poitiers. La préfecture est en centre-ville, l’OFII est à l’autre bout de la ville, le CADA est à 30 kilomètres. Pour percevoir l’ADA, elle devra revenir en ville quelque part chez un comptable public. N’oublions pas qu’elle ne parle pas le français, qu’elle ne sait pas s’orienter et qu’elle n’a pas de moyens de locomotion. Je sais qu’on commence à envisager de rapprocher l’OFII de la préfecture. Cela risque tout de même d’être difficile.

Mme Arlette Vialle. En raison du nombre d’interlocuteurs, le parcours du demandeur d’asile est une vraie galère. On a donc imaginé de confier la gestion de l’ADA à l’OFII pour alléger ce parcours. Ainsi, c’est au moment de la présentation des conditions matérielles que se fera l’ouverture des droits à l’ADA.

Envisage-t-on de recourir à un prestataire extérieur ? Oui. Notre souhait serait de remettre directement au demandeur d’asile une forme moderne de paiement, de type carte de crédit, mais l’OFII n’a pas de carte de crédit. De toute façon, le demandeur d’asile s’adressera uniquement à l’OFII, au moment de l’ouverture des droits à l’ADA. La modalité du versement de l’ADA relève de notre cuisine interne.

Mme la rapporteure. Disposez-vous de données sexuées, s’agissant des publics accueillis dans les CADA ?

Ensuite, la notion de vulnérabilité est-elle suffisamment large pour vous permettre de décider que des personnes qui auraient été victimes de violences, de persécutions, de traumatismes graves, sexuels ou autres, sont prioritaires en matière d’hébergement ? Sinon, pouvez-vous agir par un autre biais ? Devez-vous vous adresser à d’autres organismes ?

Mme Arlette Vialle. Nous évaluons déjà la vulnérabilité des demandeurs d’asile. Mais les traumatismes dont vous parlez ne sont pas forcément détectables, car les femmes n’en parlent pas très facilement. Nous réfléchissons d’ailleurs à un outil qui permettrait de détecter d’une manière plus fine les vulnérabilités. Les risques peuvent constituer en partie un motif de la demande d’asile. Mais nous n’avons pas en connaître, ou très peu. Ce sera à l’OFPRA de statuer.

Cela dit, nos directions territoriales sont confrontées aux problèmes que vous évoquez. Je pense tout particulièrement à des jeunes femmes victimes de la traite qu’il faut exfiltrer, héberger d’urgence à l’extérieur du département, et parfois faire protéger par la police.

Mme la rapporteure. Si ces jeunes femmes viennent vous voir, c’est qu’elles sont en danger immédiat par rapport à leur proxénète ou par rapport au réseau. Dans ces conditions, pouvez-vous réagir tout de suite ?

Mme Arlette Vialle. Toujours, lorsque l’on nous fait part de tels risques.

Mme la rapporteure. Avez-vous une idée du nombre de personnes concernées ?

Mme Arlette Vialle. Non, mais je peux le demander.

Mme la rapporteure. Ce serait intéressant pour notre rapport.

Mme Arlette Vialle. Comme je vous l’ai fait remarquer, on ne nous dit pas tout. Cela figure peut-être dans les dossiers de l’OFPRA.

Mme la rapporteure. Jusqu’à présent, la traite n’était pas considérée comme un motif de vulnérabilité. Si cela en devient un, peut-être que cela incitera certaines personnes à en parler.

J’aimerais par ailleurs savoir si un livret d’accueil est remis aux demandeurs d’asile. Sinon, serait-il possible d’en imprimer un ?

Mme Arlette Vialle. Il existe le guide du demandeur d’asile.

Mme la rapporteure. Je sais que l’on peut le consulter sur internet, mais tout le monde n’y a pas accès. Serait-il possible d’envisager la création d’un tel livret, qui serait naturellement rédigé dans plusieurs langues ?

Mme Arlette Vialle. Un livret les informant des conditions de leur accueil et de leurs droits en France leur est remis. Il pourrait évidemment être complété.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Selon l’article 21 de la directive, les personnes vulnérables sont : les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux, les personnes qui ont subi des tortures, des viols, des violences psychologiques, physiques, sexuelles et par exemple, les victimes de mutilations génitales féminines.

Mais les femmes victimes de mutilations génitales, de mariages forcés, de violences psychologiques notamment qui viennent vous voir ne sont pas forcément considérées comme faisant parties d’un « groupe social ». Les recevez-vous en tant que demandeuses d’asile ? Relèvent-elle d’un autre type de traitement ?

Ensuite, les associations me disent que l’OFII a des médecins : deux ou trois médecins, ainsi que des psychologues, qui mènent des entretiens. Ces médecins sont-ils formés à des entretiens sur la vulnérabilité ? On le sait en effet, ces femmes ne vont pas spontanément parler. Il faut savoir les interroger, tout en veillant à la confidentialité. Cette confidentialité est-elle assurée ? Très sincèrement, nous voudrions améliorer le parcours des femmes victimes de certains sévices et leur faire obtenir le statut de réfugiée.

La France a été montrée du doigt. Nous voudrions améliorer le texte pour qu’elle agisse conformément aux directives et devienne vraiment exemplaire.

Mme Arlette Vialle. Nous avons effectivement des médecins. Mais nos médecins n’interviennent pas dans la procédure de demande d’asile. Ils sont chargés de la visite médicale préalable à la délivrance d’un titre de séjour, qui concerne tous les étrangers qui arrivent en France et sont ressortissants des pays tiers.

Toutefois, quelques médecins interviennent dans le cadre de l’orientation en CADA, lorsque les personnes mettent en avant certains problèmes médicaux. C’est souvent le cas de celles qui ne veulent pas être hébergées hors du département ou de la région où elles se trouvent. Malgré tout, en tant qu’établissement administratif, nous ne sommes pas habilités au niveau médical. Voilà pourquoi nous envoyons le motif médical à un médecin qui est chargé de voir si, dans la région où est situé le CADA, la personne pourra, ou non, suivre le traitement dont elle a besoin. Nous nous conformons à sa réponse car ce n’est pas nous qui, dans ce cas-là, prenons la décision de maintenir, ou non, la place en CADA.

Mme la rapporteure. Est-il prévu de mettre en place une formation sur la question du genre à destination des personnels de l’OFII ?

Mme Arlette Vialle. On est en train de définir les formations qui seront nécessaires à nos agents qui vont recevoir tous les demandeurs d’asile. On peut donc le prévoir.

Le genre est une problématique qui est fortement prise en compte dans le cadre d’une autre de nos activités, qui est le « contrat d’accueil et d’intégration ». Dans ce cadre, nous sommes en lien avec les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) qui assurent parfois des formations à certains de nos agents.

Mme la rapporteure. Est-ce qu’il serait possible d’assurer aux femmes des conditions d’hébergement différenciées, afin de leur éviter de subir d’autres violences du fait de la promiscuité, comme cela a été signalé dans certains CADA ?

Mme Arlette Vialle. Vous pensez à des CADA destinés uniquement aux femmes ?

Mme la rapporteure. Ou à des ailes réservées aux femmes. C’est le cas de certains foyers Adoma. Mais cela dépend du bon vouloir de la direction locale. Pourrait-il y avoir des préconisations en ce sens ?

Mme Arlette Vialle. On ne peut qu’être favorable à l’amélioration des conditions d’hébergement des femmes.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’aller au-delà, et de les protéger davantage.

Mme Arlette Vialle. Il est certain qu’il faut absolument protéger les femmes isolées, dans la mesure de nos capacités. Bien sûr, cela doit être demandé aux centres d’hébergement. Je précise tout de même qu’il n’y a jamais de dortoirs.

Mme la rapporteure. D’après ce que l’on m’a dit, les demandeurs d’asile restent très longtemps dans les CADA. Il y aurait aussi des difficultés à en sortir sans l’autorisation du préfet.

Mme Arlette Vialle. Il faut signaler quand on est absent du CADA. Si l’on veut rendre visite à un cousin pendant quelques jours, je pense que cela ne pose aucun problème.

Mme la rapporteure. On nous a dit qu’il fallait prévenir le préfet, ce que j’ai trouvé assez surprenant.

Mme Arlette Vialle. Je ne pense pas que ce soit une mesure coercitive. Si le projet de loi prévoit l’obligation de prévenir lorsque l’on s’absente du CADA, c’est pour éviter tout risque d’abus – notamment que quelqu’un, qui a accepté d’aller en CADA, décide de ne pas y rester.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À la préfecture, les demandeurs d’asile ont un entretien, ils remplissent un certain nombre de dossiers et on leur demande s’ils souhaitent ou non aller en CADA. Parfois, ces demandeurs d’asile étant déjà hébergés dans des familles, refusent. De ce fait, ils n’ont pas droit à l’allocation temporaire d’attente (ATA). Quand ils réalisent leur erreur, ils s’adressent à une association, acceptent l’hébergement en CADA – puisque c’est cela qui déclenche l’aide – quitte à ne pas y aller.

Ensuite, on lit dans l’exposé des motifs, à propos de l’article 15 : « Avant l’orientation vers un hébergement, l’OFII procède à un examen des causes de vulnérabilité du demandeur d’asile. » Est-ce cela que vous appelez l’entretien ? Est-ce la visite avec un médecin ?

On lit aussi : « L’allocation du demandeur d’asile prend en compte les ressources du demandeur, sa situation familiale, son mode d’hébergement, les prestations qui lui sont offertes, et son barème étant défini par décret, elle est gérée par l’OFII. » Aurez-vous donc la capacité d’évaluer ce que le demandeur d’asile doit recevoir ?

Mme Arlette Vialle. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, l’ADA résulterait de la fusion de l’ATA et de l’AMS (allocation mensuelle de subsistance). Si la personne n’a pas d’hébergement, elle sera supérieure à l’allocation que le demandeur percevra s’il est hébergé dans un CADA. Il y a donc une modulation, selon les prestations qui sont offertes par le CADA – comme la nourriture – et les ressources déclarées de la personne. Si la personne a des ressources, il n’y a pas de raison qu’une aide lui soit versée.

Mme la rapporteure. En CADA, on touche d’ores et déjà quelque chose.

Mme Arlette Vialle. L’allocation mensuelle de subsistance (AMS).

Mme la rapporteure. Connaissez-vous le nombre de créations de places en CADA qui sont prévues dans les années qui viennent ? Celles qui avaient été annoncées se sont-elles concrétisées ?

Mme Arlette Vialle. Ce n’est pas nous qui décidons – c’est le ministère – mais depuis 2012, 3 000 places de CADA ont été ouvertes. Et nous en attendons 1 000 nouvelles dans l’année.

Mme la rapporteure. Selon vous, les personnes ayant demandé l’asile qui sont en attente d’une réponse doivent-elles être autorisées à travailler ?

Mme Arlette Vialle. Cette autorisation avait été supprimée dans les années quatre-vingt-dix. À l’époque, je travaillais depuis peu à l’OMI, et on m’avait expliqué que les ressortissants étrangers qui voulaient venir travailler en France utilisaient la demande d’asile pour y parvenir. L’interdiction de travailler peut donc se comprendre. Maintenant, quand une procédure dure très longtemps, c’est plus difficile à comprendre.

Mme la rapporteure. À partir du moment où la vulnérabilité d’une personne est établie, pour quelque raison que ce soit, et qu’elle est accepté à ce titre comme demandeur ou demandeuse d’asile, il n’y a plus de logique à lui interdire de travailler.

Mme Arlette Vialle. Nous évaluons la vulnérabilité et il faut le signaler à l’OFPRA pour qu’il traite la demande de façon appropriée, et flécher un hébergement qui conviendra à cet état de vulnérabilité. Maintenant, comme je vous l’ai dit, nous n’avons absolument aucun rôle en matière décisionnelle sur le fond de la demande d’asile.

Mme la rapporteure. Étant donné la longueur des délais de réponse à une demande d’asile, ne pourrait-on pas faire en sorte que dès le stade de l’OFII, et donc dès que les parents ont une domiciliation, les enfants puissent être scolarisés dès la maternelle ? Jusqu’à présent, ce n’est pas obligatoire, et c’est à la discrétion des maires des communes.

Mme Arlette Vialle. Je dirais que c’est souhaitable. Maintenant, je ne peux pas aller au-delà.

Mme la présidente Catherine Coutelle. D’après les chiffres qui nous sont donnés, en 2013, il y aurait eu 45 925 premières demandes de protection internationale, dont 16 000 environ– soit plus de 30 % – sont présentées par des femmes. Avez-vous le sentiment d’une forte augmentation, d’une augmentation ou bien d’une stagnation de la demande, sachant que l’Allemagne fait face à 100 000 demandes par an ?

Mme Arlette Vialle. Les chiffres de la demande d’asile sont donnés par l’OFPRA. Nous ne sommes pas chargés de comptabiliser les demandeurs d’asile. Mais nous connaissons le nombre des personnes qui souhaitent rentrer dans notre dispositif national d’accueil et qui sont en CADA.

Concernant l’accueil en CADA, il existe des données sexuées : selon mon service, il y avait ainsi, au 30 septembre dernier, 23 941 personnes hébergées, dont 12 206 femmes : principalement des Russes (2 461), des Congolaises (1 744), des Albanaises (1 438) et des Kosovares (1 248).

Mme la rapporteure. Pourtant, l’Albanie est considérée comme un pays sûr.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comme le Kosovo.

Mme Arlette Vialle. Cela s’explique par la longueur de la procédure. Ces femmes étaient là avant que leur pays ne soit considéré comme un pays sûr.

Mme la présidente Catherine Coutelle. De toute façon, même en cas refus de la CNDA, on ne renvoie pas des CADA des femmes seules avec enfants. Même déboutées, celles-ci restent sur le territoire, tout en tentant d’autres procédures.

Mme la rapporteure. Vous parlez de 23 941 personnes hébergées, et de 24 411 places.

Mme Arlette Vialle. Cela s’explique par le taux de rotation. Pour qu’une place soit réoccupée, il faut nettoyer complètement les petits appartements, les remettre à neuf, ce qui prend deux ou trois semaines.

Mme la rapporteure. Les données sexuées que vous venez de nous donner concernaient les personnes hébergées. Mais sur l’accueil, avez-vous des données ?

Mme Arlette Vialle. Non, mais je sais que 14 542 personnes sont en attente de prise en charge par un CADA, parmi lesquelles se trouvent 4 841 femmes.

Mme la rapporteure. On m’a dit que les femmes seules étaient loin d’être prioritaires et même qu’elles avaient peu de chances d’avoir une place en CADA.

Mme Arlette Vialle. Elles ont plus de chances d’être hébergées que les hommes. Dès lors qu’elles ont un enfant, elles sont hébergées très rapidement.

Les femmes isolées, quant à elles, si elles sont vulnérables au sens dont nous parlions, sont hébergées tout de suite – à moins qu’elles ne nous disent être logées par leur famille.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Est-ce que votre conseil d’administration est paritaire ?

Mme Arlette Vialle. Il y a à l’OFII un directeur général, un secrétaire général, et deux directrices générales adjointes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il suffit que vous deveniez directrice générale pour que notre pays gagne encore des places en termes de parité. Car la France vient de passer du 49e au 16e rang dans le classement du Forum économique mondial sur l’égalité femmes-hommes !

Madame Vialle, je vous remercie.

La séance est levée à 15 heures.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle, Mme Pascale Crozon, Mme Martine Faure, Mme Edith Gueugneau, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Romagnan, M. Christophe Sirugue.