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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 17 décembre 2014

Séance de 14 heures

Compte rendu n°12

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447).

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté très tôt notre invitation. Le projet de loi que vous présentez a pour ambition de débloquer l’économie et de favoriser la croissance, l’investissement et l’emploi. Pour cela, il faut agir sur tous les leviers, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes.

L’OCDE estime que l’annulation des écarts de taux d’emploi entre les hommes et les femmes pourrait permettre d’accroître le produit intérieur brut (PIB) potentiel de 9,4 points d’ici 2030, soit 0,5 point de croissance par an. L’égalité, au travers de l’augmentation du taux d’activité des femmes et de la réduction de l’écart de salaires, n’est pas seulement une exigence de justice mais aussi un levier de croissance plus forte et plus durable.

La délégation s’intéresse particulièrement à trois points du projet de loi : les professions réglementées dans lesquelles les femmes sont sous-représentées, le travail dominical et le travail en soirée.

Comment le projet de loi entend-il concourir à l’égalité des chances pour les femmes dans les professions réglementées ? L’étude d’impact comporte des données chiffrées sur ce point. Un notaire peut gagner entre 12 000 et 17 000 euros par mois tandis que les femmes salariées dans les études notariales, au demeurant plus nombreuses que les hommes, perçoivent en moyenne 4 000 euros par mois. Ces chiffres montrent que les femmes n’ont pas accès aux postes à responsabilité.

S’agissant du travail dominical et nocturne, je vous avoue qu’à titre personnel, mon modèle de société n’est pas une société de la consommation 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.

Je suis surprise, voire fâchée, que l’étude d’impact soit muette sur les conséquences en matière d’égalité entre hommes et femmes des dispositions sur le travail dominical, d’autant qu’elle est déjà légère sur d’autres aspects du texte.

56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes. Le travail dominical est plus répandu chez les jeunes femmes des quartiers populaires. Les femmes sont en outre majoritaires parmi les employés du commerce. Elles représentent 70 à 80 % des hôtes et hôtesses de caisse.

Quelles contreparties le projet de loi prévoit-il d’apporter au travail dominical et en soirée ? De quelle manière sera prise en compte la situation des mères de famille monoparentale ? Vous le savez, ce sont souvent les femmes qui font une double journée et pour lesquelles l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale est la plus difficile. Elles ont notamment besoin de garde d’enfants et de transports sécurisés pour le retour à domicile après le travail en soirée.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Je vais tâcher d’être le plus direct et le plus précis possible. La préoccupation de votre délégation rejoint l’une des ambitions de ce projet de loi, l’égalité. J’avais d’ailleurs souhaité le baptiser « projet de loi pour l’égalité des chances économiques ». Jusqu’à présent, les politiques publiques ont principalement tenté de corriger ex post les inégalités. Or, il n’est pas de meilleure façon de traiter les inégalités que de les prévenir en donnant, lorsque c’est possible, à chaque instant de la vie des chances égales à toutes et tous.

L’égalité entre hommes et femmes est une cause juste et efficace : juste car il est normal que les femmes et les hommes aient le même accès à des professions, à la mobilité, au logement et au salaire ; efficace car elle constitue l’un des leviers pour stimuler la croissance.

Je ne reviens pas sur l’action de la majorité en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, de l’égalité réelle. Najat Vallaud-Belkacem a défendu l’égalité réelle et l’approche globale qu’elle réclame en faisant nommer de hauts fonctionnaires à l’égalité dans tous les ministères, qui ont pour mission de diffuser cette préoccupation.

Le projet de loi comporte des dispositions qui participent indirectement à faire avancer le combat pour l’égalité. Il s’adresse – c’est même l’un des principes sur lesquels il est fondé – aux outsiders du système, aux publics les plus fragiles, à celles et ceux qui sont les moins protégés par une société souvent trop statutaire. Dans l’économie et la société françaises d’aujourd’hui, ce sont les moins bien nantis, les moins bien formés et les femmes. Le texte est fait pour ces publics. C’est la raison pour laquelle je revendique le qualificatif de loi de progrès et de liberté pour ce texte.

S’agissant du travail dominical, quels sont les principes sur lesquels repose l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche ?

Je tiens tout d’abord à vous rassurer : ce texte ne fait pas le choix d’une civilisation dans laquelle les individus seraient des créatures consommatrices ou travailleuses à longueur de jours et de nuits. Il offre de la flexibilité et la liberté de travailler et de consommer car telle est la réalité de notre société aujourd’hui : un tiers des Français travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche, avec des compensations qui, très souvent, ne sont pas justes, j’y reviendrai ; les Français consomment le dimanche, trop souvent sur des sites dématérialisés employant des salariés qui, pour la plupart, ne sont pas français, et contribuant à enrichir des sociétés qui ne paient pas d’impôts en France. On peut choisir de continuer à réfléchir comme si notre société ne participait pas à la mondialisation ou de regretter cette dernière. Mais, notre devoir est de considérer cette réalité et de chercher à s’y adapter au mieux sans pour autant changer notre modèle de civilisation.

Le projet de loi offre plus de liberté aux élus locaux et aux salariés ainsi que plus de protection à ces derniers. En aucun cas, il n’y a d’obligation ou de fatalité. Nous n’obligerons aucun maire à ouvrir douze dimanches par an ; nous n’obligerons aucun Français à se promener avec son caddie dans une grande surface. Je réfute la caricature.

Le texte prévoit sur ce sujet les mesures suivantes : il donne la possibilité au maire ou au président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’autoriser l’ouverture des commerces douze dimanches au lieu de cinq, cinq dimanches étant de droit pour les commerçants ; il définit un régime particulier pour les zones touristiques internationales et les grandes gares, qui relève de l’État et dans lesquelles le travail le dimanche et en soirée avec compensation sera permis ; il pose le principe de la compensation, ce qui constitue à mes yeux une avancée en faveur de la justice sociale, en particulier pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous l’avez rappelé, 56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes, de même que 74 % des salariés des grands magasins. Les inégalités en ce domaine sont croissantes. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), parmi les femmes de 15 à 29 ans, plus d’une sur cinq travaille de manière régulière le dimanche, alors qu’elles n’étaient que 17 % en 2009. Or, pour beaucoup de ces femmes et de ces hommes qui travaillent le dimanche dans les 600 zones touristiques, la loi ne prévoit aujourd’hui aucune compensation salariale.

Le texte précise en outre qu’il n’y aura pas de nouvelle ouverture sans la conclusion d’un accord de branche, d’entreprise ou de territoire, qui devra veiller aux conditions de volontariat et prévoir les compensations salariales. Pourquoi la loi ne fixe-t-elle pas les règles ? Parce que nous n’avons pas trouvé de solution adéquate et homogène.

Le « payé double », qui peut être une idée formidable, n’est pas adapté pour les petits commerces. Quant à l’instauration d’un seuil, dans les grands magasins – 75 % de femmes y travaillent le dimanche –, de nombreux « corners » emploient moins de vingt salariés qui n’auraient donc pas été concernés par le doublement de la rémunération. La manière la plus adaptée, la plus intelligente, de faire les choses est de laisser le soin aux accords de fixer les modalités de compensation.

J’insiste sur un point, la démarche retenue dans ce texte va au bout de la logique de confiance dans le dialogue social puisque, là où il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture.

Le projet de loi laisse un délai de trois ans pour conclure des accords de branche, de territoire ou d’entreprise dans les zones qui ne sont aujourd’hui pas couvertes par un tel accord. Ce nouveau dispositif est ambitieux, trop selon certains, mais François Rebsamen et moi-même l’assumons pleinement.

Vous avez raison, il importe de garantir la sécurité des salariés pour le travail en soirée. Le texte doit être suffisamment précis pour s’assurer que les accords prévoient les conditions de transport. Je crois savoir qu’aujourd’hui, des taxis sont prévus dans certains cas pour raccompagner les salariés travaillant le soir. Les compensations doivent être salariales mais aussi, pour certains publics – les personnes handicapées, les femmes –, inclure des moyens de transport individuel ou collectif permettant de regagner en sécurité le lieu d’habitation.

Le travail dominical est un sujet sensible, je le sais, je l’entends. Je suis pleinement disposé, sans que la loi ne verrouille tout, à préciser le contenu des accords afin de mieux prendre en compte les inégalités.

Ce projet de loi comporte également des dispositions fortes pour attaquer de front les inégalités entre les hommes et les femmes, vous l’avez évoqué. La plus manifeste, c’est l’inégalité d’accès à certaines professions, en particulier aux professions du droit. 85 % des notaires associés sont des hommes ; 84 % des notaires salariés sont des femmes qui gagnent en moyenne quatre fois moins que les premiers. Ces chiffres en sont l’illustration : lorsqu’une profession est réglementée, peut-être même surréglementée, dans ses conditions d’accès et d’installation, on aboutit à des situations d’injustice manifeste entre hommes et femmes. Le contre-exemple est la profession d’avocat dans laquelle 52 % sont des femmes avec une moyenne d’âge de 43 ans. Ce n’est donc pas le manque d’appétence pour la matière juridique qui explique la situation dans le notariat. C’est la relative fermeture de la profession qui nuit à certaines catégories, en particulier les femmes. Je crois profondément que la liberté d’installation régulée, qui est proposée par le texte, sans déstabiliser les professionnels en place ni les territoires, permettra d’ouvrir toutes ces professions : les notaires, les huissiers, les greffiers de tribunaux de commerce – pour lesquels nous proposons un système beaucoup plus méritocratique que le système « patriarcal » existant, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires. Il sera ainsi possible de mieux faire valoir son mérite personnel, ce qui ne manquera pas d’améliorer la part de l’emploi féminin.

D’autres dispositions fortes sont prévues pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes : aux termes de l’article 45 du projet de loi, le collège de la Commission des participations et des transferts doit être paritaire. Nous pourrions sans doute revoir dans ce sens la composition des collèges des autres régulateurs publics, ceux qui vont être installés ou dont les compétences sont élargies comme l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) mais aussi l’Autorité de la concurrence. Les modifications de compétence et de périmètre sont l’occasion de faire valoir une approche plus paritaire très concrète. Vous savez mieux que moi l’importance des mesures de cette nature qui infusent le principe d’égalité.

Au-delà de ces points spécifiques, certains dispositifs prévus pour faciliter l’accès au permis de conduire ou le développement du logement intermédiaire sont de nature à concourir à l’égalité entre les hommes et les femmes. On sait les inégalités dont sont victimes les femmes dans l’accès à la propriété et au logement. Au-delà de leur impact économique et de leur finalité première, ces mesures sont donc importantes pour l’égalité.

Je regrette avec vous, et vous prie de nous en excuser, l’absence d’étude d’impact sur l’égalité entre hommes et femmes. Cette étude existe et vous sera transmise.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comme la presse s’en était fait l’écho, nous étions étonnés de ne pas la retrouver dans le projet de loi.

M. le ministre. Vous faites bien de pointer ce qui n’est qu’une erreur matérielle.

Je suis complètement ouvert à ce que le texte puisse être enrichi de dispositions justes et efficaces pour aller dans le sens des préoccupations que vous avez exprimées.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous pouvez compter sur la délégation pour déposer des amendements sur la composition paritaire des instances puisqu’elle s’en est fait une spécialité, non sans avoir dû batailler parfois.

Je me réjouis des mesures pour faciliter l’accès au permis de conduire mais je tiens à souligner l’obstacle que constitue le coût aujourd’hui prohibitif des permis de conduire pour nombre de Français alors qu’il est souvent indispensable pour travailler.

M. Christophe Sirugue. Nous avons travaillé sur la précarité professionnelle des femmes, et nous savons que, dans le commerce, les femmes cumulent souvent temps partiel et contrat précaire. Nous sommes particulièrement sensibles à ces questions. À cet égard, le travail du dimanche et le travail en soirée méritent d’être regardés de près.

Je m’interroge sur deux points. En premier lieu, la fusion des deux régimes précédents – les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE) et les zones touristiques – risque de faire perdre aux salariés des avantages qu’ils avaient obtenus dans ces zones – doublement de salaire, repos compensateur. Comment s’assurer que ces avantages ne disparaîtront pas avec les nouvelles zones ?

En deuxième lieu, la loi de modernisation de l’économie autorisait plus d’ouvertures des commerces de moins de 1 000 mètres carrés, notamment le dimanche matin. De nombreux salariés, des femmes principalement, travaillent le dimanche matin sans bénéficier d’un quelconque avantage par rapport à leurs collègues qui ne travaillent pas. Votre projet de loi peut-il être l’occasion de revenir sur cette anomalie ?

Il faut absolument éviter que le texte, dans le même temps, prive les salariées précaires de leurs avantages et empêche d’en octroyer d’autres à celles qui le mériteraient.

En outre, pour le travail de 21 heures à minuit, la terminologie n’est pas neutre : s’agit-il de travail en soirée ou de l’extension du travail de nuit ? Cela peut considérablement modifier le travail de nuit pour d’autres secteurs que le commerce. Il faut donc être très vigilant sur les termes utilisés.

Enfin, qui prend en charge les frais liés au retour au domicile en sécurité ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. La question est d’importance : après 21 heures, s’agit-il de travail de nuit ? Des études montrent qu’un travail de nuit régulier engendre des problèmes de santé, notamment chez les femmes avec un risque accru de cancer du sein.

Mme Conchita Lacuey. Madame la présidente a posé des questions que je souhaitais aborder.

Il est nécessaire de prendre en compte la dimension sexuée dans le débat sur le travail du dimanche. Je me félicite que l’étude d’impact sur l’égalité entre hommes et femmes soit mise à notre disposition car les problèmes d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle sont importants.

Quelle liberté réelle aura une femme en situation de précarité de renoncer à travailler le dimanche ? L’exigence de volontariat sera-t-elle inscrite dans le projet de loi ?

Mme Sandrine Mazetier. Vous soulignez les contreparties qui seront mises en place et vous faites valoir que sans accord, il n’y aura pas d’ouverture.

Mais la constitutionnalité des dispositions sur les contreparties est sujette à caution. Le risque existe de voir ces dispositions censurées alors que celles sur la dérégulation du travail dominical ne le seraient pas. Ce serait vraiment la double peine. Quelles garanties avez-vous que les compensations verront effectivement le jour ?

Une disposition prévoit qu’en l’absence d’accord, le préfet est chargé d’autoriser les ouvertures. Cela ne me semble pas une garantie suffisante. Nous avons connu un préfet en Île-de-France qui a autorisé l’ouverture des magasins un jour d’élection régionale. Les préfets sont donc capables de faire des choses étonnantes et peu citoyennes.

Vous avez évoqué l’émergence des acteurs du commerce en ligne et fustigé le fait qu’ils échappent à l’impôt. Avez-vous la certitude que les propriétaires du Printemps Haussmann paient des impôts en France ?

Je suis sûre que vous êtes attaché à l’égalité entre tous les Français, vous en avez beaucoup parlé. Je m’étonne donc que les Parisiennes et les Parisiens soient traités de manière très inégalitaire puisque le texte ne prévoit pas de les consulter sur la création des zones touristiques internationales. Il n’y a pas de raison de faire des deux millions de Parisiens des sous-citoyens. Je l’avais dit à vos prédécesseurs à propos de la loi Mallié, je ne vois pas pourquoi je me priverai de vous le dire. Les habitants de tous les villages et villes de ce pays sont égaux et devraient être traités comme tels, vous en conviendrez.

Vous avez évoqué la confiance qu’il faut placer dans le dialogue social. Je suis donc surprise que les deux quartiers cités dans l’étude d’impact, susceptibles de pouvoir déroger aux règles du travail dominical et du travail de nuit, soient précisément ceux dans lesquels se déroulent d’importantes batailles syndicales. Ces périmètres internationaux de non-droit sont-ils susceptibles d’évoluer, y compris dans leurs règles d’élaboration ?

M. le ministre. Monsieur Sirugue, le travail en soirée n’est étendu que pour les zones touristiques internationales. C’est donc très spécifique. En outre, il ne s’agit pas de travail de nuit.

Les moyens de transport individuel ou collectif mis à disposition des salariés pour regagner en sécurité le lieu d’habitation sont à la charge de l’employeur. Il n’y a pas d’ambiguïté.

M. Christophe Sirugue. Le texte n’est pas aussi clair selon moi.

M. le ministre. L’article 81 indique : « l’accord collectif mentionné à l’alinéa précédent prévoit notamment qu’est mis à disposition du salarié un moyen de transport individuel ou collectif qui lui permet de regagner en sécurité son lieu d’habitation. » Je suis d’accord pour ajouter « à la charge de l’employeur » si vous le souhaitez.

On peut toujours relever les aspects négatifs mais on peut aussi reconnaître les avancées : dans les zones touristiques, il y aura un accord là où il n’y en avait pas.

Quant aux PUCE, le texte ne prévoit pas l’obligation de renégocier les accords existants. Ces accords ont vocation à demeurer. En revanche, le cas des zones dans lesquelles il n’y a pas d’accord mais dans lesquelles l’obligation légale s’applique, mérité d’être étudié, sans méconnaître le risque constitutionnel et le principe d’égalité. L’objectif que nous partageons tous est d’aboutir à un système mieux compensé et plus égalitaire. Le risque que nous courons à chaque instant est d’étouffer les plus petits à vouloir trop bien faire. Telle est la contrainte qui est la nôtre.

Si nous pouvions instaurer le « payé double » partout, ce serait formidable mais les petits commerces de centre-ville n’en ont pas les moyens. Il faut parvenir à une harmonisation progressive dans un système contraint. Il existe peut-être un angle mort. Nous devons en effet veiller à ne pas enlever des droits à ceux qui sont déjà couverts par des accords ou une contrainte légale. Je vous promets que nous allons nous y atteler ensemble.

Le principe du volontariat est bien inscrit dans le texte. Mais on se heurte toujours à la même difficulté : l’asymétrie de la relation entre employeur et salarié. Aucun texte ne peut prévoir un contrôle dans toutes ses composantes de la réalité du volontariat, je ne vais pas vous mentir. Toutefois, le principe est inscrit dans la loi et devra être décliné dans les accords.

Le principal problème pour les femmes aujourd’hui réside dans le temps partiel subi, en particulier fractionné, dans la grande distribution. J’ai reçu l’ensemble des responsables de la grande distribution qui n’ont pas encore signé leur accord de branche dans le cadre du pacte de responsabilité. Je leur ai demandé d’apporter des réponses concrètes sur ce point. Ils sont sensibles à cette question mais les mots sont une chose, les solutions concrètes, une autre.

Le volontariat pour le temps partiel et pour le travail dominical sont deux composantes d’une même réalité. Les publics les plus fragilisés sur le plan économique et social sont ceux pour lesquels la relation avec l’employeur est la moins équilibrée. Le texte impose le volontariat mais, notre principal souci étant l’égalité réelle, nous devrons être vigilants sur le respect de la volonté des salariés dans les accords.

Madame Mazetier, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à toutes vos questions qui relèveraient plutôt d’une délégation aux droits des Parisiens que de la délégation aux droits des femmes !

Le texte prévoit une consultation des collectivités et des organisations syndicales pour la définition des zones touristiques internationales. Il n’y a pas de zone de non-droit. Ce n’est pas l’ambition de ce texte qui, au contraire, propose une solution à certains espaces géographiques qui peinent à les trouver par eux-mêmes.

Quant au cas du Printemps Haussmann, n’ayant pas les éléments d’information pertinents, je me garderai de toute réponse. Je ferai part de votre question à MM. Christian Eckert et Michel Sapin.

Sans accord, il n’y a pas d’ouverture : le principe est clairement posé. Sans accord, le préfet n’a donc pas de rôle à jouer.

Enfin, s’agissant des inquiétudes sur la constitutionnalité, le Conseil d’État a indiqué que subordonner l’ouverture à un accord est peu fréquent. Je ne reviens pas sur le caractère baroque de l’exercice consistant à commenter les fuites du conseil juridique du gouvernement ; nous vivons dans cette réalité, il faut s’y adapter. Le Conseil d’État s’interroge sur la compatibilité avec le principe d’égalité de l’exigence de compensations. Il n’a pas pour autant souhaité modifier le texte. Nous proposons de laisser trois ans aux commerces pour conclure des accords. Si le Conseil d’État nous a alertés sur le risque constitutionnel, il n’a pas jugé ce risque de nature à justifier une révision du texte. Nous allons continuer à sécuriser au maximum le texte sur le plan juridique. Mais il nous semble que le texte propose la mesure la plus juste que nous puissions trouver en matière de compensation ; elle est plus juste que le seuil de vingt salariés qui favorise les inégalités entre les salariés.

Je le redis, dans toutes les zones, en l’absence d’accord, le préfet ne peut pas décider de l’ouverture des commerces. Le préfet peut autoriser ponctuellement une ouverture, comme aujourd’hui, en bordure de zone mais la définition des zones dépend des élus. Et pour les zones touristiques internationales, les élus seront consultés..

Mme Sylvie Tolmont. Je reviens sur le travail dominical et la question du volontariat. Quelles garanties pouvez-vous apporter sur le respect de l’accord des salariés ? L’inspection du travail sera-t-elle mobilisée le dimanche ?

Pour les zones touristiques internationales, le début de la période de nuit serait repoussé de 21 heures à minuit. Qu’adviendra-t-il pour les femmes enceintes, qui aujourd’hui peuvent refuser de travailler la nuit, en vertu de l’article L. 1225-9 du code du travail ? Accepteriez-vous un amendement prévoyant que pour les femmes enceintes, le travail de nuit commence à 21 heures sur tout le territoire afin de les dispenser de travail en soirée ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans les zones touristiques internationales, est-ce bien la totalité des salariés qui seront couverts par un accord, y compris les sociétés de services – garde d’enfants, ménage, gardiennage ?

Mme Sophie Dessus. J’ai été saisie par les guides conférencières qui s’inquiètent de voir leur profession ouverte à des personnes qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle. Comment les rassurer ?

Mme Maud Olivier. S’agissant du travail dominical, pour les futurs recrutements, le choix n’existera pas vraiment : les candidats, s’ils veulent prétendre aux postes, devront accepter les horaires proposés.

Ma question porte sur les familles monoparentales dont les responsables sont à 85 % des femmes. Quid des modes de garde ? À défaut de service public de la petite enfance, peut-on envisager la création dans les zones concernées de crèches par les entreprises qui y sont installées ?

M. le ministre. S’agissant du travail en soirée, le III de l’article 81 dispose que « Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et 24 heures. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler durant cette plage horaire pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler durant cette plage horaire ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler durant cette plage horaire pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

Compte tenu des contraintes déjà prévues par le texte, la question qui est posée est donc de savoir si on souhaite inscrire dans la loi l’interdiction de proposer le travail en soirée à une femme enceinte.

Il me semble que la rédaction du texte répond à votre souci. La seule façon d’aller plus loin est d’interdire de le proposer à une femme enceinte. Je suis preneur d’amendements qui permettent de résoudre de la manière la plus efficace le problème que vous soulevez. Ma crainte est toujours de tomber dans l’excès inverse. On va créer une interdiction pour des femmes que l’on voudrait protéger.

Mme Sylvie Tolmont. Le travail de nuit est bien repoussé de 21 heures à minuit ?

M. le ministre. C’est exactement cela. Pour répondre à votre préoccupation légitime, compte tenu de l’encadrement législatif déjà prévu, comment peut-on procéder ? Dès lors que le travail de nuit est repoussé de 21 heures à 24 heures dans les zones touristiques internationales, les femmes enceintes ne sont plus couvertes par le droit commun du travail de nuit. Voulez-vous introduire une exception qui consisterait à leur interdire le travail en soirée sachant que les dispositions du texte permettent déjà de les protéger si elles ne veulent pas travailler dans cette plage horaire ? Je suis très ouvert à des amendements allant dans le sens d’une plus grande justice.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La question peut se résumer ainsi : doit-on laisser la possibilité aux femmes enceintes de travailler en soirée ? Nous devons approfondir notre réflexion.

M. le ministre. Madame Dessus, les dispositions relatives aux guides conférenciers qui figuraient dans un avant-projet ont disparu du texte qui vous est soumis. Vous pouvez donc rassurer vos interlocutrices.

Enfin, le projet de loi permet une harmonisation des conditions de compensation. Les contreparties pourront prendre la forme de rémunération, de repos compensateur mais aussi d’organisation mutualisée ou de facilitation des modes de garde des enfants le dimanche et en soirée. La définition de ces éléments est renvoyée aux accords alors qu’aujourd’hui rien n’est prévu.

Il faut là aussi voir si vous souhaitez être plus précis et favoriser les modes de garde collectifs. Nous avons essayé de traiter ce sujet dans le texte mais nous pouvons peut-être aller plus loin en étant vigilants pour les plus petites structures. Il me semble que les accords de territoire et d’entreprise trouvent là toute leur pertinence.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, je vous remercie pour la précision de vos réponses. Nous travaillerons avec vos services sur d’éventuels amendements.

M. le ministre. Je me tiens à votre disposition pour enrichir le texte sur les sujets qui vous intéressent.

La séance est levée à quinze heures.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Laurence Arribagé, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle, Mme Sophie Dessus, Mme Martine Faure, Mme Conchita Lacuey, Mme Sandrine Mazetier, M. Jacques Moignard, Mme Maud Olivier, M. Gwendal Rouillard, M. Christophe Sirugue, Mme Sylvie Tolmont.