Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation aux droits des femmes

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 15 avril 2015

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l’audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre, je vous remercie chaleureusement de revenir devant la délégation, pour évoquer aujourd’hui la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Nous n’oublions pas que vous avez été un des piliers de cette délégation lorsque vous en étiez membre, notamment par votre remarquable rapport sur le harcèlement sexuel, et votre engagement sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, que nous espérons voir adoptée avant fin juin.

Pour bien situer les enjeux de cette audition, je voudrais tout d’abord rappeler quelques chiffres.

Les travailleurs pauvres représentent environ 3,7 millions de personnes, dont 70 % de femmes, exerçant un emploi leur procurant un revenu inférieur à 964 euros, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié en 2013. Ils occupent plus fréquemment des emplois à temps partiel, majoritairement exercés par des femmes. Malgré l’instauration d’un seuil de 24 heures hebdomadaires minimales pour les salariés à temps partiel, il existe un certain nombre de dérogations à cette règle.

Parmi ces travailleurs pauvres, on trouve des mères seules avec enfants, dont le père ne participe pas à l’entretien ou ne verse plus de pension alimentaire. Environ un tiers des familles monoparentales sont pauvres et, dans plus de 80 % des cas, ce sont des femmes seules qui élèvent leurs enfants.

La pauvreté des femmes a d’importantes répercussions, et en premier lieu sur les enfants. Comme l’a indiqué François Chérèque, que nous avons auditionné récemment au titre du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’évaluation de la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté, le taux de pauvreté des moins de dix-huit ans a progressé, pour s’élever aujourd’hui à près de 20 %. Entre 2007 et 2012, le nombre d’enfants pauvres a ainsi augmenté de 416 000, en particulier au sein des familles monoparentales.

Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter les principales mesures de la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et l’inclusion sociale qui concernent plus particulièrement les femmes ?

Quelles actions sont prévues pour éviter les ruptures de parcours et pour améliorer l’accompagnement et l’accès aux droits ? Je pense, en particulier, aux femmes qui souhaitent travailler, reprendre une activité professionnelle ou se former.

Enfin, quels avantages sont attendus de la prime d’activité, qui sera issue de la fusion entre la prime pour l’emploi (PPE) et le revenu de solidarité active (RSA) activité ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. C’est avec un grand plaisir que je reviens m’exprimer devant la Délégation aux droits des femmes. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir rappelé mon engagement personnel sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, que je souhaite également voir adoptée le plus rapidement possible.

Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement auquel j’appartiens est très engagé en faveur des droits des femmes. Ce sujet revêt une très grande importance au regard de la lutte contre l’exclusion puisque 4,7 millions de femmes en France sont en situation de pauvreté monétaire, soit 15 % de femmes, contre 14 % en moyenne chez les hommes, en particulier chez les moins de vingt-cinq ans avec quatre points d’écart entre les hommes et les femmes. La pauvreté monétaire correspond à un niveau de revenu inférieur à 60 % du revenu médian : pour une femme seule, ce revenu est inférieur ou égal à 987 euros ; pour une femme avec un enfant de plus de quatorze ans, il est inférieur ou égal à 1 480 euros par mois.

Certes, la situation s’est améliorée puisque l’écart entre le taux de chômage des femmes et celui des hommes a été divisé par quatre en vingt ans. Néanmoins, les inégalités salariales perdurent et les femmes se retrouvent souvent seules pour élever leur(s) enfant(s). Vous l’avez dit, madame la présidente : un ménage monoparental sur trois se trouve en situation de pauvreté ; or dans neuf cas sur dix, ce sont des femmes qui sont à la tête de ces foyers.

Faire rempart contre la pauvreté nécessite de créer des droits, mais aussi de faciliter l’accès aux droits, car s’il en existe un grand nombre dans notre pays, les potentiels bénéficiaires n’y ont pas toujours recours. Il faut donc rendre les droits effectifs, et c’est le sens de la mise en place par les caisses d’allocations familiales (CAF) des « rendez-vous des droits », une des mesures inscrites dans le plan pauvreté. Il s’agit de rendez-vous qui durent plus longtemps que des rendez-vous ordinaires et au cours desquels les personnes bénéficient d’une analyse complète de leur situation pour identifier les prestations sociales auxquelles elles ont droit. Ces rendez-vous peuvent être proposés en cas de situation complexe, lorsque la personne a droit à plusieurs prestations, mais aussi en cas de parcours spécifique – naissance, décès ou rupture familiale. Les ruptures familiales touchent particulièrement les femmes, puisqu’elles peuvent tomber dans la pauvreté après une séparation, a fortiori si elles se retrouvent seules avec leur(s) enfant(s). Le bilan 2013-2014 du plan pauvreté montre que, sur 100 000 « rendez-vous des droits » annuels prévus, 130 000 ont été réalisés à fin 2014 ; l’objectif a donc été rempli. Néanmoins, j’ignore s’ils ont permis un meilleur accès aux droits pour les personnes reçues, car ces données ne m’ont pas encore été transmises par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Pour protéger contre la pauvreté, il faut aussi plus de simplicité. C’est pourquoi la feuille de route 2015-2017 du plan pauvreté prévoit la création d’un « coffre-fort numérique » qui conservera les pièces d’une institution à l’autre, afin que les personnes n’aient pas à refournir l’ensemble des pièces à chaque demande de prestation. Le dossier unique, envisagé initialement, n’a pas été retenu car ce ne sont pas les mêmes ressources qui sont utilisées pour l’attribution de chaque prestation sociale, et il aurait donc fallu changer les bases ressources.

Au-delà de cette simplification et de la facilitation d’accès aux droits, nous avons revalorisé un certain nombre de prestations sociales destinées aux personnes les plus fragiles.

Le RSA a été revalorisé de 2 % par an, et il est prévu que cette augmentation atteigne 10 % à la fin du quinquennat. Le RSA socle pour une personne seule s’élève actuellement à 500 euros par mois.

L’allocation de soutien familial (ASF), destinée aux familles monoparentales, a été augmentée de 5 % en 2014 et en 2015, ce qui représente un montant de 5 euros par mois et de 60 euros par an. Cela concerne 730 000 familles.

Le complément familial majoré destiné aux familles nombreuses – composées d’au moins trois enfants âgés de plus de trois ans – a été revalorisé de 10 % par an, soit 17 euros par mois et 200 euros par an. Cela a concerné 800 000 ménages en situation de précarité.

Sans ces prestations sociales, le taux de pauvreté des familles monoparentales, actuellement de 33 %, s’élèverait à plus de 50 %. C’est la preuve que ces prestations sociales tiennent leur rôle en limitant la précarité.

Protéger contre la pauvreté, c’est aussi permettre aux femmes sans domicile d’avoir un toit. Le plan avait prévu la création de 5 000 places d’hébergement, dont un tiers réservé aux femmes victimes de violences. L’objectif a été dépassé en termes de places d’hébergement, puisque 7 000 places ont été créées depuis 2013. En revanche, il n’est pas encore rempli s’agissant des places réservées aux femmes victimes de violences, soit 1 500 à 2 000 nouvelles places, en raison de deux freins majeurs. Le premier est que, parmi les nouvelles places, un grand nombre sont des places d’hôtel créées dans l’urgence pour accueillir les personnes sans domicile. Le second est que les structures d’accueil sont habituées à accueillir les personnes sans domicile, mais pas des publics spécifiques. D’où l’intérêt de ces places spécifiques, et même de structures spécifiques, l’accueil de personnes sans domicile et l’accueil de femmes victimes de violences étant deux métiers différents.

Les familles sont prioritaires pour être accueillies à l’hôtel. Évidemment, beaucoup de femmes avec leurs enfants y sont logées, dans les conditions que vous imaginez : une chambre, pas de quoi faire la cuisine avec les colis de l’aide alimentaire... C’est pourquoi un plan de réduction des nuitées hôtelières, coordonné par Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité prévoit la création d’ici à 2017 de solutions alternatives qualitatives avec un accompagnement social systématique des familles. Car actuellement, les familles dans le besoin appellent le 115, dans le meilleur des cas elles sont logées à l’hôtel, mais sans aucun accompagnement social, si bien qu’elles ne peuvent pas résoudre leurs difficultés. Ainsi, transformer les nuitées hôtelières en nuitées dans des structures alternatives permettra de mettre en place cet accompagnement qui bénéficiera à un grand nombre de femmes.

Protéger encore, c’est évidemment permettre de se soigner. Ce sont des mesures que vous connaissez, puisque vous venez d’adopter en première lecture le projet de loi relatif à la santé, porté par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mais il m’est difficile de vous parler de précarité des femmes sans vanter les mérites du tiers payant généralisé, qui permettra à des millions de gens de se soigner sans avoir à avancer les frais médicaux, mesure essentielle qui concerne aussi bien les femmes que les femmes. De la même manière, la prise en charge à 100 % des actes avant et après l’interruption volontaire de grossesse (IVG) viendra renforcer le droit à l’IVG. Je sais que vous êtes en pointe sur ce sujet, en ayant notamment soutenu la suppression du délai de réflexion, qui a été votée.

En plus de protéger les femmes, il faut leur donner confiance et les sécuriser dans les parcours, car la précarité est souvent provoquée par les ruptures familiales, mais aussi les ruptures professionnelles, notamment à la suite de la naissance des enfants. On le sait : beaucoup de femmes arrêtent de travailler après une troisième naissance, ce qui peut engendrer un relatif isolement social, voire un isolement psychologique – il est parfois difficile de se réinsérer après être restée à la maison pendant plusieurs années. Quand je dis « donner confiance et sécuriser les femmes », loin de moi l’idée de penser qu’elles sont fragiles ou plus fragiles, notamment psychologiquement, que les hommes. Simplement, elles se retrouvent plus souvent dans des situations qui les fragilisent, puisque les familles monoparentales sont à 85 % des femmes avec enfants. L’objectif est donc de les aider à sortir d’une situation difficile et à se reconstruire, sachant que 60 % des mères célibataires se disent aujourd’hui fréquemment angoissées et que, de manière générale, les femmes sont deux fois plus souvent atteintes que les hommes de troubles dépressifs – encore que cette proportion doive être relativisée car la dépression se manifeste sous d’autres formes chez les hommes.

Dans cet objectif de sécurisation des familles monoparentales, la garantie contre les impayés de pension alimentaire a été votée dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, portée par Najat Vallaud-Belkacem, et je sais que vous y avez pris une part active. Ce dispositif est expérimenté dans vingt départements et devrait être généralisé rapidement. Le bilan en la matière montre que 1 000 pensions alimentaires minimales ont été versées à ce jour pour un montant moyen de 45 euros par enfant et par mois. Les choses démarrent, donc, et il faut renforcer le travail d’information car le nombre de femmes seules ne percevant pas de pension alimentaire est élevé.

J’en viens au temps partiel, sujet qui vous tient à cœur. On le sait : le temps partiel est le plus souvent subi par les femmes, et non souhaité ; elles sont donc nombreuses à vouloir travailler davantage. Un grand nombre de femmes à temps partiel travaillent dans le secteur de l’aide à domicile, auprès des personnes âgées et des personnes handicapées, et elles cumulent de faibles rémunérations, des temps de déplacement importants, des horaires décalés et des temps d’inactivité contraints. Certes, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi a imposé 24 heures de travail minimum par semaine, sauf accord de branche, mais de nombreuses dérogations existent, si bien que la loi ne suffira pas à résoudre le problème du temps partiel.

C’est la raison pour laquelle la feuille de route 2015-2017 comporte une mesure, soutenue par François Rebsamen, ministre du travail, consistant à encourager un plan de développement des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ). En effet, le groupement d’employeurs permettra aux femmes d’occuper plusieurs emplois à temps partiel sans cumuler les inconvénients de plusieurs employeurs, par exemple lorsqu’ils leur opposent un refus sur leurs dates de vacances.

Le temps partiel pose également un problème aux femmes lorsqu’elles veulent trouver un mode de garde pour leurs enfants. Comme vous le savez, le Gouvernement avait promis en 2013 la création de 275 000 solutions d’accueil d’ici à 2017. Certes, cet objectif est loin d’être atteint, mais les élections en 2014 ont retardé les projets des communes ou communautés de communes. Ma collègue Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille, des personnes âgées et de l’autonomie a donc décidé de relancer le plan crèches, avec une aide supplémentaire de la CNAF de 2 000 euros par place de crèche dont la création est décidée en 2015.

En outre, les crèches étant plus souvent accessibles aux parents qui travaillent, et non à ceux en situation de précarité, le plan pluriannuel contre la pauvreté prévoit que 10 % des enfants de familles pauvres doivent être accueillis au sein des crèches, objectif qui a été inscrit dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) des caisses d’allocations familiales (CAF) et de la CNAF. L’administration se base sur les données fournies par les déclarations d’impôt pour déterminer si un enfant est issu d’une famille pauvre, et le logiciel « FILOUE » (fichier localisé des enfants usagers d’établissements d’accueil des jeunes enfants), mis en place dans dix départements, permet de suivre le nombre d’enfants accueillis dans chaque département. J’ajoute que le schéma départemental de l’accueil pour les familles, que doivent élaborer les préfets, décline le nombre de places en structure collective et le nombre de places chez les assistants maternels. Enfin, le versement en tiers payant, c’est-à-dire l’avance du complément de mode de garde pour les assistants maternels, expérimenté dans onze départements, permet aux familles qui ne peuvent avancer les frais de pouvoir malgré tout faire garder leurs enfants.

J’en viens maintenant à la prime d’activité, qui sera issue de la fusion entre la prime pour l’emploi (PPE) et le RSA activité dans le cadre du projet de loi relatif au dialogue social porté par François Rebsamen et qui sera présenté dans quelques jours en Conseil des ministres, avant d’être discuté au Parlement fin mai. Destinée à encourager la prise ou la reprise d’emploi pour les plus modestes, la prime d’activité devrait entrer en application dès le 1er janvier 2016.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prend en compte la composition familiale. En effet, sans la prise en compte du nombre d’enfants à charge, qui permet de verser une prime plus importante, les perdants seraient les familles monoparentales. Néanmoins, une bonification individualisée sera liée uniquement à l’activité pour favoriser la bi-activité. Il s’agit de ne pas encourager les situations où le mari travaille et pas la femme, et je sais que votre délégation est particulièrement vigilante sur cette question, tout comme l’est Marisol Touraine en tant que ministre des Droits des femmes.

Le gain maximum sera compris entre 0,6 et 1,2 SMIC. Les personnes en dessous de 0,6 SMIC n’y perdront pas : elles gagneront un peu plus à chaque fois qu’elles travailleront un peu plus. Surtout, elles bénéficient de l’augmentation du RSA socle, en plus de celles intervenues pour les autres prestations – allocation de soutien familial, complément familial, allocation de rentrée scolaire.

L’objectif est d’encourager la reprise d’activité, et non de créer une allocation supplémentaire. Car il est souvent reproché à notre système de protection sociale, compte tenu des diverses allocations, de placer dans une situation comparable les personnes aux très petits revenus et celles qui ne travaillent pas ou très peu.

L’objectif est aussi d’introduire de la simplicité. En effet, alors que le taux de non-recours au RSA socle est de 30 %, celui du RSA activité se situe entre 60 % et 70 % en raison de la complexité du système : les personnes doivent déclarer leurs revenus tous les mois, elles peuvent aussi se voir réclamer des indus à la suite d’une simple erreur ou même d’un oubli sur la composition de leur foyer. Or certaines personnes se séparent et se remettent en couple tous les trois mois – vous avez certainement reçu dans vos permanences des bénéficiaires qui se voient réclamer des indus, alors qu’ils n’ont déjà pas grand-chose pour vivre. Pour remédier à ce problème, il est envisagé d’attribuer aux personnes des droits figés pour une durée de trois mois, c’est-à-dire quels que soient leurs changements de situation pendant de ce laps de temps, à charge pour elles de faire une nouvelle déclaration au bout de ces trois mois, formalité qui leur sera rappelée grâce à l’envoi d’un mail ou d’un SMS. Les courriers papiers ne sont, en effet, pas toujours lus ni compris par les destinataires, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques car il est très compliqué de faire rouvrir des droits. Cette simplification devrait aboutir à une diminution très nette du taux de non-recours, et nous espérons d’emblée un taux de recours de 50 %, ce qui nécessitera une information claire sur la nature du dispositif, à savoir une prime pour l’activité, et non une allocation, et un système beaucoup plus simple.

Vous vous êtes interrogée, madame la présidente, sur les moyens susceptibles de permettre aux femmes de retourner vers l’emploi. En la matière, la feuille de route 2015-2017 du plan pauvreté prévoit d’améliorer les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi en renforçant la coopération entre Pôle emploi et les CAF. Concrètement, au vu des données de la CAF, qui connaît les dates de fin de congés parentaux et les allocations afférentes, Pôle emploi pourra, un an avant la fin de leur congé, conseiller les femmes sur une formation et leur proposer un bilan de compétences.

Pour terminer, je vais vous parler des enfants. Car lorsque les femmes sont en situation de pauvreté, leurs enfants en pâtissent, notamment à cause de toute une série de privations sur lesquelles l’UNICEF a publié un rapport édifiant qui montre qu’un nombre important d’enfants en France sont en situation de privation. Et lorsqu’elles n’ont pas suffisamment d’argent pour élever leurs enfants, les femmes seules culpabilisent. Par conséquent, aider les enfants, c’est aussi aider les femmes à ne pas culpabiliser, à ne pas sombrer dans des situations extrêmes quand elles n’ont pas les moyens d’acheter à manger à leurs enfants et encore moins de leur payer des loisirs et des vacances.

Ensuite, comme le montrent les chiffres, malgré un système de protection sociale très développé, malgré notre école républicaine, la pauvreté en France est toujours héréditaire. Il faut donc faire en sorte qu’elle ne le soit plus, et c’est une des priorités à laquelle je suis particulièrement attachée dans ma mission au Gouvernement. Dans cet objectif, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, a décidé de porter les fonds sociaux destinés aux enfants scolarisés dans le second degré à 45 millions d’euros, soit une augmentation de 8 millions d’euros, afin de mieux accompagner les élèves dont les parents sont pauvres.

Enfin, conformément à l’une des promesses de campagne de François Hollande, la lutte contre la pauvreté suppose de développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ce que prévoit également la feuille de route 2015-2017. C’est la raison pour laquelle l’Éducation nationale embauche de nouveaux enseignants pour pouvoir ouvrir de nouvelles classes. Mais encore faut-il que les parents souhaitent mettre leurs enfants de moins de trois ans à l’école. C’est pourquoi un travail de discussions vient de démarrer entre les CAF et les services de la protection maternelle et infantile (PMI) afin de sensibiliser les familles sur l’intérêt de scolariser le plus tôt possible leurs enfants, car cela est un facteur de réussite scolaire. Certes, la scolarisation précoce concerne tous les enfants, mais il est avéré que l’échec scolaire a un lien avec la pauvreté.

Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les classes passerelles sont une excellente solution pour les familles qui hésitent à mettre leurs enfants de moins de trois ans à l’école. Malheureusement, elles ne sont pas assez développées sur le territoire.

Concernant la prime d’activité, nous avons alerté François Rebsamen sur la simplicité absolue qui devra prévaloir à sa mise en œuvre. Ce dispositif, qui doit se faire à coût constant, a-t-il fait l’objet de projections en termes de gagnants et de perdants ?

Mme Maud Olivier. Merci beaucoup, madame la ministre, de cette présentation.

Vous avez annoncé la suppression de nuitées hôtelières en vue de la création de solutions alternatives. Est-ce le « 115 » qui créera et prendra en charge ces solutions alternatives ? Je pose cette question car les hébergements de court séjour de ce service d’urgence rendent très difficile la scolarisation des enfants et quasiment impossibles le suivi social des familles et l’accompagnement des parents. Ces solutions alternatives vont-elles répondre à cette problématique ? Les conseils départementaux assureront-ils le financement des nuitées ?

Lors de l’audition de François Chérèque par notre délégation, nous avons été alertées sur la pauvreté des enfants qui atteint 20 % dans notre pays. Il y a là un risque énorme pour les mères seules, mais aussi pour les enfants, de tomber dans la prostitution. Les chiffres sont difficiles à vérifier, mais selon une association qui s’occupe de prostitution enfantine, 6 000 mineurs sur le territoire français en seraient victimes, ce qui ne peut que renforcer notre volonté de lutter contre la pauvreté des enfants.

Mais la question reste posée pour les mineurs isolés. Comment aider ces enfants en situation de grande pauvreté et en déshérence ? Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de lutte contre la prostitution, nous avions demandé que les travailleurs sociaux soient réellement formés à des diagnostics et à des repérages de ces enfants qui se prostituent et qui évidemment ne le disent pas. Même si la proposition de loi n’a pas encore été votée, j’aimerais savoir s’il est possible d’avancer sur cette question de la formation des professionnels.

Pour finir, j’ai cru comprendre que la CNAF ne mettait pas toute l’énergie nécessaire pour que les « rendez-vous des droits » se concrétisent par des ouvertures de droits effectifs. Comment faire, madame la ministre, pour que la CNAF joue ce rôle indispensable d’ouverture des droits ?

Mme Sandrine Mazetier. Merci infiniment, madame la ministre, de tout ce que vous faites pour les droits des femmes. D’abord, je ne suis pas certaine que le déclenchement de cette prime à partir de 0,6 SMIC n’écartera pas du dispositif essentiellement des femmes. Disposez-vous de chiffres sur la répartition des revenus ? Ne pensez-vous pas que démarrer à 0,4 SMIC permettrait d’englober davantage de femmes ? En tout cas, toutes les données sur la répartition des revenus par sexe seraient utiles à notre délégation pour réfléchir à l’optimisation du dispositif, que nous trouvons a priori excellent. Mais nous souhaiterions qu’il vise juste.

Vous avez également évoqué le taux de non-recours au RSA activité. Le Gouvernement envisage-t-il un plan d’action pour que cette mesure importante et novatrice touche bien le public visé ?

En outre, je me demande s’il ne faudrait pas aussi envisager des stands d’information dans des lieux très fréquentés, en particulier par les personnes en grande difficulté, comme les supermarchés, les magasins low cost, etc. Avez-vous imaginé des choses de cet ordre ?

Enfin, il a été annoncé que la fusion de la prime pour l’emploi (PPE) avec le RSA activité serait réalisée à coût constant. De deux choses l’une : ou bien on augmente le coût ou on n’ajoute pas de bénéficiaires. Quelles sont vos convictions dans ce domaine, madame la ministre ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les permanences d’information des CAF pourraient également être installées dans des lieux comme La Poste, les épiceries sociales, etc.

Mme la secrétaire d’État. D’abord, la prime d’activité sera versée dès le premier euro de revenu d’activité, et non à partir de 0,6 SMIC. Jusqu’à 0,6 SMIC, la prime d’activité sera équivalente au RSA activité : une personne seule à 0,25 SMIC qui touchait 185 euros par mois au titre du RSA activité recevra 185 euros par mois au titre de la prime d’activité. En revanche, une personne seule à 0,75 SMIC touchera une prime d’activité de 188 euros par mois, soit un supplément de 56 euros par mois par rapport au RSA activité. Le maximum de gain par rapport au RSA activité serait compris entre 0,8 SMIC et 1,1 SMIC.

Par « coût constant », je fais référence à la dépense annuelle de 4 milliards d’euros qui devrait être consacrée à ce dispositif. Il faut savoir que le budget de la prime pour l’emploi (PPE) était en diminution constante depuis 2008, en raison du gel du barème. Comme le RSA, la prime d’activité sera indexée sur l’inflation. Il s’agit donc d’une prestation dynamique et qui bénéficiera aussi des revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire du RSA. Les « perdants » seront les personnes au-delà de 1,3 SMIC qui touchaient la PPE. Nous avons été extrêmement vigilants à ce que le dispositif soit ciblé sur les personnes en situation de précarité.

Je partage votre préoccupation sur l’importance de faire connaître ce dispositif. Un plan communication a été évoqué, mais je n’en connais pas les détails pour l’instant. Je peux néanmoins vous dire que le programme de simplification prévoit un simulateur en ligne qui permettra à chacun de calculer le montant de sa prime d’activité en fonction de ses revenus. Avec le « coffre-fort numérique », ce simulateur fait partie du plan pauvreté : il devrait grandement faciliter les choses.

Ensuite, les 13 000 solutions alternatives aux nuitées d’hôtel qui sont programmées d’ici à la fin du quinquennat supposent un accompagnement social automatique. Actuellement, les nuitées d’hôtel ne permettent pas cet accompagnement social. Surtout, elles sont un frein à la scolarisation des enfants, problème qui se pose essentiellement en Île-de-France, puisqu’un grand nombre de familles sont logées dans des hôtels éloignés de Paris, mais elles peuvent être domiciliées dans un centre communal d’action sociale (CCAS) ou une association basée dans la capitale, d’où une inadéquation entre le département de domiciliation et le département de résidence. Pour remédier à ce problème, les préfets ont eu pour consigne d’élaborer des schémas territoriaux. En outre, j’ai rencontré récemment l’Union nationale des CCAS (UNCCAS) lors d’une journée consacrée à la domiciliation. Le problème se pose d’ailleurs pour toutes les aides – une personne envoyée en nuitée hôtelière dans un département loin de la capitale doit venir chercher son aide alimentaire à Paris –, et c’est à cela que nous travaillons avec l’UNCCAS.

Enfin, vous connaissez mieux que personne le problème des enfants qui se prostituent. Une réflexion globale est actuellement menée sur la formation des travailleurs sociaux dans le cadre d’une démarche ascendante, intitulée « États généraux du travail social », qui s’appuie sur les remontées du terrain, les rapports d’experts, et la mission parlementaire conduite par votre collègue Brigitte Bourguignon. Parallèlement, Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille, des personnes âgées et de l’autonomie, travaille sur la formation des éducateurs spécialisés, notamment dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. La formation des assistants sociaux et celle des éducateurs sont différentes, et si la formation des travailleurs sociaux doit être renforcée, elle doit également être ciblée, car ils ne sont pas tous concernés par le sujet.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci infiniment, madame la ministre, de la clarté de votre propos et des réponses que vous nous avez apportées. Nous apprécions beaucoup le travail qui est réalisé au sein de ce grand ministère qui regroupe trois secrétaires d’État autour de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, toutes engagées en faveur de l’égalité réelle des droits entre les hommes et les femmes.

Mme la secrétaire d’État. Je tiens à vous rappeler que je suis à votre disposition non seulement dans le cadre des auditions, mais aussi à chaque fois que vous le souhaiterez, car je considère que j’ai à vous rendre compte de notre activité au sein du ministère.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci encore, madame la ministre, de votre engagement.

La séance est levée à quinze heures.

——fpfp——

Membres présents

Présentes. – Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maud Olivier.