Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation aux droits des femmes

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 5 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 25

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition sous forme de table ronde, sur certaines dispositions du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739), de :

– Mme Dominique Marchal, secrétaire confédérale chargée de l’égalité, responsable de la Commission confédérale femmes, Mme Joëlle Delair et M. Thierry Treffet, secrétaires confédéraux, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ;

– Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle, de Force ouvrière (FO) ;

– Mme Céline Verzeletti et Mme Sophie Binet, membres de la direction confédérale, chargées des questions relatives aux femmes, de la Confédération générale du travail (CGT) ;

– Mme Pascale Coton, secrétaire générale confédérale, et M. Jean-Michel Cerdan, secrétaire confédéral, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

– M. Franck Mikula, secrétaire national chargé de l’emploi et de la formation, de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

La séance est ouverte à 17 heures 05.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition sous forme de table ronde, sur certaines dispositions du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739), de :

– Mme Dominique Marchal, secrétaire confédérale chargée de l’égalité, responsable de la Commission confédérale femmes, Mme Joëlle Delair et M. Thierry Treffet, secrétaires confédéraux, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ;

– Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle, de Force ouvrière (FO) ;

– Mme Céline Verzeletti et Mme Sophie Binet, membres de la direction confédérale, chargées des questions relatives aux femmes, de la Confédération générale du travail (CGT) ;

– Mme Pascale Coton, secrétaire générale confédérale, et M. Jean-Michel Cerdan, secrétaire confédéral, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

– M. Franck Mikula, secrétaire national chargé de l’emploi et de la formation, de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous accueillons des représentants des syndicats qui vont nous faire part de leur appréciation sur le projet de loi « relatif au dialogue social et à l’emploi » au regard de l’égalité femmes-hommes.

Au nom de la Délégation, Mme Sandrine Mazetier, rapporteure sur ce projet de loi, va poser plusieurs questions.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’article 5 prévoit une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les institutions représentatives du personnel (IRP). Que pensez-vous de la possibilité de prévoir, d’une part, une forme de bonus pour encourager à la représentation plus équilibrée dans les IRP – par exemple, des heures de représentation –, au-delà des sanctions, et, d’autre part, des mesures pour instaurer la parité au sein des commissions paritaires interprofessionnelles régionales, prévues à l’article 1er ? Double question, donc, sur un bonus pour les IRP prenant mieux prendre en compte l’objectif de mixité des professions et sur la parité pour les commissions paritaires régionales.

Les articles 13 et 14 sont relatifs au regroupement des consultations et négociations obligatoires. Nous souhaitons connaître votre appréciation sur la place de la négociation collective sur l’égalité professionnelle et sur le rapport de situation comparée (RSC). En particulier, pensez-vous nécessaire de rétablir l’égalité professionnelle comme thème de la négociation collective ou, au contraire, d’affirmer le caractère transversal de l’égalité professionnelle en prévoyant qu’elle soit évoquée dans les trois temps de la négociation, et non exclusivement dans le temps « qualité de vie au travail » (QVT)?

L’article 24 est relatif à la réforme des dispositifs de soutien aux travailleur-se-s modestes. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur la prime d’activité et son impact concernant les femmes ?

Enfin, quelle est votre position sur l’utilisation éventuelle du fonds paritaire de financement des organisations syndicales de salariés et d’employeurs – dont l’article 18 prévoit l’élargissement du champ des missions – pour les formations des représentants du personnel ou les recherches sur l’égalité professionnelle ?

Mme Dominique Marchal, secrétaire confédérale chargée de l’égalité, responsable de la Commission confédérale femmes, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). La CFDT demande depuis longtemps la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les IRP. La disposition prévue dans le projet de loi bousculera les habitudes, mais sans cela, on n’avancera pas.

Concernant le bonus, j’avais compris qu’il s’agissait d’encourager cette représentation-là ; or vous venez de parler d’un objectif de mixité.

Mme Sandrine Mazetier. Le texte prévoit que pour une entreprise qui comporte 70 % d’hommes et 30 % de femmes, les IRP doivent reproduire cette proportion. Cela nous semble contradictoire avec le travail mené par le Gouvernement en faveur de la mixité des métiers, qui participe aussi de l’égalité professionnelle. C’est pourquoi nous préconisons, en plus d’une représentation qui serait un miroir absolu, un encouragement à aller plus loin, grâce par exemple à des heures de délégation, pour inciter des organisations à proposer 40 % de femmes même s’il y en a 30 % dans le corps électoral.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis contre la représentation miroir. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment on peut inciter davantage à une représentation des femmes.

Mme Dominique Marchal. La CFDT est favorable à la mixité proportionnelle, c’est-à-dire représentative de l’entreprise. Dans une entreprise comportant 80 % de femmes, cela impliquerait 80 % de femmes dans les IRP, ce qui constituerait déjà un grand pas. C’est comme cela que nous envisageons l’égalité.

Concernant le bonus pour aller plus loin, il ne nous semble pas opportun de l’envisager, car il serait compliqué d’avoir un nombre d’heures de délégation suffisant pour fonctionner en tenant compte du nombre d’hommes et de femmes.

Quant aux commissions paritaires régionales, la CFDT a toujours été favorable à une élection de liste, et non sur sigle, et aurait été prête à avoir des listes paritaires. Dans la mesure où de nombreuses femmes travaillent dans les très petites entreprises (TPE), nous sommes pour la règle de la parité, mais à condition qu’elle soit proposée par organisation.

Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle, de Force ouvrière (FO). Nous pensons que la proportion est plus raisonnable que la parité, inapplicable selon nous. En outre, nous préférerions que cette proportion soit plus souple et progressive. On pourrait prévoir, par exemple, une proportion à plus ou moins 30 % au premier renouvellement de l’instance, puis une proportion plus proche de la proportion pure au scrutin suivant, à plus ou moins 10 %. Des mesures progressives de cet ordre ont été instaurées pour les instances qui dépendent des pouvoirs publics.

Ce qui nous pose problème, c’est la sanction a posteriori, à savoir une invalidation d’élection. Nous proposons une incitation, c’est-à-dire un crédit d’heures supplémentaires qui serait octroyé aux organisations syndicales dont l’ensemble des listes respecterait l’équilibre proportionnel.

En tout état de cause, la mise en place d’une telle mesure sera difficile. Le non-engagement des femmes dans la vie syndicale est un vrai sujet. Certes, il faut des mesures volontaristes, mais il faut aussi traiter la situation des femmes au regard des autres sujets : l’emploi, la conciliation des temps, la rémunération des femmes, la répartition des tâches.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale confédérale, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Le principe de réalité doit nous amener à nous demander pourquoi les femmes ont autant de mal à s’impliquer dans le monde syndical. Il faut bien voir que tant que les femmes se poseront des questions sur leur emploi, la perte de salaire, leur carrière professionnelle, leur situation monoparentale, tant qu’elles auront peur l’avenir, que l’ascenseur social ne fonctionnera pas si elles s’engagent en dehors de leur travail, tant qu’elles seront dans l’incertitude quant aux conséquences sur leur retraite et la conciliation des temps de vie, elles ne souhaiteront pas s’engager dans le syndicalisme – ni d’ailleurs en politique et dans le secteur associatif. En tout cas, ce sont les réponses qu’elles nous donnent. Certes, le projet de loi reconnaît le parcours syndical au-delà de 30 % d’engagement, mais dans combien de temps, combien d’années cette reconnaissance sera-t-elle effective ? Il faudra certainement attendre un temps très long avant qu’hommes et femmes soient logés à la même enseigne professionnelle !

Dans le cadre des élections dans l’agriculture l’année dernière, l’égalité hommes femmes a été imposée dans les listes, puis cela est devenu une femme sur trois. La CFTC s’est arraché les cheveux pour trouver des femmes désireuses de s’engager dans un métier difficile. Qu’est-ce qu’on donne aux femmes pour qu’elles y gagnent par rapport à leur situation actuelle de salariée ?

Dans la perspective de notre congrès en novembre 2015, nous avons inscrit dans nos statuts que partout où il sera possible de présenter deux personnes, elles devront être de sexe différent, faute de quoi la structure ne pourra pas présenter de candidat. Nous savons déjà que certaines structures ne pourront pas être représentées au sein de notre confédération, faute de trouver des femmes qui remplissent les conditions – deux ans de responsabilité syndicale sont nécessaires pour arriver au niveau confédéral.

Par conséquent, faisons très attention à ce que l’on met dans une loi, car des sanctions, en l’occurrence l’annulation d’élection, pourraient avoir des conséquences extrêmement graves sur le dialogue social, mais aussi pour les salariés. Nous n’aurions peut-être même rien à gagner. Lorsque certains membres du gouvernement précédent avaient proposé que la négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires soit déclarée non valable dans les grandes entreprises en cas d’absence de parité, j’avais indiqué que cela reviendrait à rendre les femmes responsables dans les entreprises de ne pas avoir pu valider des augmentations salariales.

Enfin, s’agissant du bonus, qui va attribuer ces heures supplémentaires : la DGT, l’entreprise ? Ces heures supplémentaires seront-elles prises sur le contingent des hommes ? Autant de questions auxquelles il faut réfléchir.

M. Franck Mikula, secrétaire national chargé de l’emploi et de la formation, de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC). La CFE-CGC se réjouit du choix qui a été fait d’une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des IRP. Au premier abord, il peut paraître raisonnable de mettre en œuvre cette mesure progressivement. Néanmoins, il faudra sans doute s’inspirer des politiques qui ont décidé de passer brutalement à une représentation égalitaire entre les hommes et les femmes… car finalement, les femmes, on les trouve ! Une des raisons pour lesquelles les femmes sont si peu nombreuses dans les syndicats, c’est probablement parce que les hommes ne leur laissent pas la place. Je fais partie d’une organisation dont le trio confédéral est composé aux deux tiers de femmes : cette représentation équilibrée est donc possible. Dans certains cas, il n’y aura donc aucune femme, dans d’autres, aucun homme – cela n’est pas choquant si cela est représentatif du corps électoral.

Le bonus-malus va favoriser la mixité des métiers, dites-vous. Je ne comprends pas cet argument, car la représentation équilibrée et la mixité des métiers sont deux sujets totalement différents.

Une représentation équilibrée peut être une aubaine si l’on met 30 % d’hommes devant, et 70 % de femmes derrière dans les positions non éligibles. Il faut donc aller plus loin, en imposant une présentation des candidatures qui soit véritablement représentative – s’il y a autant de femmes que d’hommes dans l’entreprise, par exemple, une candidature sur deux devra être une femme ou un homme.

L’article 8 du projet de loi prévoit que les membres suppléants de la délégation unique du personnel participent aux réunions en cas d’absence des membres titulaires. Cela reviendra à diminuer la participation des suppléants au fonctionnement des IRP, ce qui est fort dommage, car cette fonction constitue souvent un marchepied pour les nouveaux candidats et donc les nouvelles candidates ! Si l’on veut une représentation équilibrée des hommes et des femmes, il faut y mettre tous les moyens.

Parler de la représentation équilibrée des salariés, c’est bien, mais quid des employeurs ? Ne pensez-vous pas choquant d’avoir une armada de femmes face à quatre patrons hommes ? Aller au bout du processus impose d’être exigeant aussi sur la représentation équilibrée des employeurs.

Il semble préférable de raisonner en termes de bonus-malus qu’en termes de stricte pénalité. Si l’augmentation du nombre d’heures de délégation permet d’aller plus loin que la représentation équilibrée, pourquoi pas. Une mesure qui améliore le fonctionnement des syndicats est toujours bienvenue. Quant à savoir qui paiera, c’est évidemment l’entreprise qui doit fournir les heures de délégation supplémentaire pour favoriser la présence de la partie du corps social la moins bien représentée au sein des salariés.

Enfin, nous sommes bien évidemment favorables à la parité dans les commissions paritaires régionales, qui sera plus facilement atteinte grâce à un scrutin de liste.

Mme Sophie Binet, membre de la direction confédérale, chargée des questions relatives aux femmes, de la Confédération générale du travail (CGT). En 1999, la CGT a imposé la parité dans ses instances de direction confédérale : dans nos délégations interprofessionnelles au niveau national, nous sommes quasiment à la parité, mais au niveau de nos organisations sur les territoires et dans les professions, c’est un autre problème !

La juste représentation des femmes dans les IRP est une proposition que nous portons depuis longtemps – nous l’avons encore fait dans le cadre de l’examen de la loi sur l’égalité femmes-hommes. Mais nous pensons nécessaire de se pencher, avant tout, sur les raisons qui expliquent l’inégale représentation des femmes. Comme Pascal Coton, je pense à la surexploitation des femmes au travail, majoritaires dans les temps partiels et les emplois précaires ; à l’inégal partage des tâches domestiques, qui empêche les femmes d’assister à des réunions tard le soir ou les oblige à cumuler trois emplois du temps au lieu de deux ; à la concentration des femmes dans des secteurs où la présence syndicale est moindre, et dans les TPE-PME, où il n’y a pas d’IRP.

Cette étude qualitative sur les freins à l’accès des femmes aux IRP et les leviers susceptibles d’améliorer la situation, nous la demandons depuis un an et demi. Elle permettrait de disposer d’un panel de propositions, y compris qualitatives, par exemple des mesures d’accompagnement du mandat pour aider les femmes dans la prise en charge des enfants et des tâches ménagères lorsqu’elles se rendent à un CCE à Paris ou à un CCE à Bruxelles, ou encore pour réguler les horaires de réunion afin qu’elles n’empiètent pas sur la vie privée des femmes, etc.

Pour en venir au projet de loi, il faut mesurer l’impact de toutes les mesures sur la présence des femmes dans les instances. D’abord, comme l’a dit Franck Mikula, la disposition sur les suppléants fragilisera la place des femmes. Ensuite, la mesure de concentration d’instances, avec l’élargissement de la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP), est défavorable à la prise de responsabilités des femmes, tout comme la mesure de valorisation des parcours militants avec le seuil à 30 %, car il faut pour cela cumuler trois mandats et que ce seuil exclut de fait les salariés à temps partiel. Enfin, l’élargissement des possibilités de négociation aux élus sans étiquette nuira également à la représentation syndicale des femmes, dans la mesure où les femmes sont plutôt dans des déserts syndicaux.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Pourriez-vous expliquer ce dernier point ?

Mme Sophie Binet. En cas de négociation par des élus sans étiquette, des commissions paritaires doivent valider les accords. Toutefois, ces commissions paritaires sont supprimées. À l’inverse, la possibilité pour des salariés mandatés, au lieu du syndicat, de négocier est élargie par rapport aux dispositions actuelles. Or, ces mesures d’ordre général s’appliqueront dans des secteurs où la présence syndicale est moindre, et donc dans des métiers à prédominance féminine.

Concernant précisément l’article 5, la mesure retenue nous inquiète, car la sanction seule risque d’aboutir à une augmentation du nombre de déserts syndicaux, c’est-à-dire sans liste syndicale. Au-delà, nous avons des interrogations d’ordre technique : faudra-t-il réorganiser des élections et, si oui, passer directement au deuxième tour ?

En résumé, la CGT propose une mise en place progressive avec, d’abord, une étude qualitative, puis l’instauration d’un système de bonus-malus – le dispositif pour la représentation parlementaire ressemble à cela, avec une pénalité sur le financement des partis politiques. Pour favoriser cette mise en place progressive, nous préconisons une mesure du type « plus un, moins un » : dans une entreprise comportant deux tiers d’hommes et un tiers de femmes où six postes sont à pourvoir, quatre seraient attribués aux hommes et deux aux femmes avec une souplesse de « plus un, moins un » pour les entreprises de moins de 300 salariés, par exemple. Nous souhaitons également que la condition d’ancienneté des candidats soit abaissée à trois mois, au lieu de six actuellement, sachant que les femmes sont plus nombreuses à occuper des emplois précaires. Enfin, nous sommes favorables à une représentation des salariés des TPE, mais nous pensons également qu’il est important de s’interroger sur la représentation dans les branches, ce qui permettrait d’envisager à la fois la représentation syndicale et la représentation patronale.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Nous en venons à la deuxième question. Faut-il rétablir dans les documents obligatoirement renseignés et dans les trois temps de négociation prévus par le projet de loi la dimension égalité professionnelle ? Ou faut-il concentrer sur un temps et un document la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle ? Ou encore faut-il un hybride des deux, c’est-à-dire à la fois retrouver le registre de situation comparée ou le RSE et une approche transversale lors de la négociation QVT, laquelle, aux termes du projet de loi, inclut l’égalité professionnelle ? Enfin, quelle appréciation portez-vous sur le devenir du RSC et du RSE dans le texte actuel ?

Mme Sophie Binet. Ces dispositions du projet de loi nous inquiètent beaucoup. L’égalité professionnelle comme sujet régulier de négociation dans l’entreprise est une construction vieille de trente ans, dont on commence à voir les résultats aujourd’hui, avec les sanctions, les négociations qui fleurissent et le rapport de situation comparée. Si le projet de loi reste en l’état, tout cela s’écroulera, puisque le RSC disparaît, la négociation dédiée disparaît, et l’on ne sait pas ce qu’il adviendra des sanctions. Au surplus, alors que nos équipes militantes commençaient à s’approprier toutes ces questions, nous serons obligés de les former à nouveau. Par conséquent, notre position est qu’il faut conserver les outils qu’on a réussi à construire, en intégrant les avancées de la loi du 4 août 2014.

Ensuite, l’égalité entre les femmes et les hommes est, pour nous, une préoccupation transversale qui doit être abordée à chaque négociation. Tout concentrer dans le cadre de la négociation QVT reviendra à exclure les enjeux majeurs d’égalité salariale et professionnelle.

En définitive, nous souhaitons, d’un côté, que les questions d’égalité soient traitées de façon obligatoire dans un maximum de temps – la formation professionnelle doit interroger sur l’accès à la formation professionnelle des femmes ; la prévention des risques, sur les risques professionnels des femmes, etc. – et, de l’autre, que la négociation spécifique égalité et le document spécifique égalité soient conservés, pour avoir une visibilité forte sur cette thématique. Bref, cet équilibre, dont on commence à voir les fruits dans l’entreprise, doit être préservé.

M. Franck Mikula. Le législateur casse tout le dispositif actuel, en regroupant en trois thématiques les consultations et les négociations. Votre délégation s’inquiète pour la négociation sur l’égalité hommes-femmes, mais la commission des Finances pourrait tout aussi bien s’inquiéter du devenir des négociations annuelles sur les salaires ! Le problème n’est donc pas que la négociation égalité hommes-femmes ait disparu, le problème est que toutes les négociations thématiques qui avaient de l’importance pour l’ensemble des salariés, hommes comme femmes, seront noyées. Ce processus ne va pas dans le bon sens pour la défense des salariés.

Vous l’avez compris : je ne suis pas très favorable au regroupement des négociations. Comme l’a dit Sophie Binet, le long combat de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est loin d’être terminé. Si l’on n’y prend pas garde, les femmes resteront encore dans l’ombre, peu représentées par les syndicats et faiblement défendues dans les négociations au sein des entreprises. Il faut donc un traitement particulier de la question de l’égalité hommes-femmes.

Selon le projet de loi, certains seuils sont déplacés et la DUP devient le mode normal de représentation jusqu’à 300 salariés. En revanche, la commission égalité professionnelle, qui s’appliquait à partir de 200 salariés, disparaît. Ensuite, lorsqu’une l’entreprise décide une DUP au-delà de 300 salariés, toutes les commissions deviennent facultatives. De facto, la commission égalité professionnelle passe à la trappe ! Or, on ne peut pas dire, d’un côté, qu’il y a un sujet égalité hommes-femmes dans le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, et, de l’autre, faire disparaître un pan entier de la législation qui préservait l’égalité hommes-femmes dans les entreprises ! La survie de la commission égalité professionnelle est en cause, vous devez donc porter votre attention sur son utilité, notamment au travers du rapport de situation comparée.

Pour ce qui est de l’unicité de la consultation, je serai moins sévère. Les consultations peuvent être regroupées de façon rationnelle dans trois temps distincts, mais à condition que les élus du personnel rendent un avis sur chacune des thématiques – égalité hommes-femmes, temps partiel, durée du temps de travail, etc. Or, le projet de loi est très discret sur ce point.

Enfin, d’après la lecture que je fais du projet de loi, je ne crois pas que le RSC ait disparu.

Mme Sophie Binet. J’espère que vous avez raison.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Effectivement, les choses ne sont pas claires.

Jean-Michel Cerdan, secrétaire confédéral, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Je commence par les négociations, prévues à l’article 14.

Au premier abord, on pourrait penser que c’est « marche arrière toute », mais c’est une logique séquentielle qui se trouve dans ce projet de loi. Ainsi, d’une logique de résultat, on passe à une logique de « à défaut » et de « si et seulement si ».

L’article 2242-6 du code du travail prévoit que les négociations obligatoires en entreprise prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Donc, pour répondre à votre question, l’égalité professionnelle doit avoir un caractère transversal dans les négociations, y compris dans la triennale GPEC, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ce projet de loi modifie l’article L. 2242-8 du code du travail, qui inclut déjà les salaires effectifs, en prévoyant que la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail porte, notamment, sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, mais qu’en l’absence d’accord, la négociation annuelle sur les salaires effectifs prévue à l’article L. 2242-5 porte également sur les écarts de rémunérations. Ainsi, les salaires effectifs se retrouvent dans le premier silo, « la rémunération » ; et l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, dans le deuxième silo, « la qualité de vie au travail », mais faute d’accord, ce thème revient au premier silo ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Par ailleurs, la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences (GPEC), mes collègues ont raison, est limitée aux entreprises de plus de 300 salariés. Sur le RSC, nous sommes très inquiets, c’est le moins qu’on puisse dire ! Quant à la négociation spécifique égalité hommes femmes, la logique du projet de loi ne s’y prête absolument pas !

J’en viens aux consultations, prévues à l’article 13.

L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes fait partie la « politique sociale » de l’entreprise, si bien qu’elle se retrouve intercalée, dans le projet de loi, entre « les modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés ». Les « petits » syndicalistes que nous sommes seront-ils capables d’analyser ce flot de données face à une armada de gestionnaires et autres DRH ? Bref, il faut absolument des avis par domaine, et non noyés dans la masse ! Car la négociation sur l’égalité professionnelle concerne obligatoirement les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les déroulements de carrière, les conditions de travail, le temps partiel, etc. !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les actuelles 17 négociations annuelles sont-elles satisfaisantes ?

Jean-Michel Cerdan. Le projet de loi modifie les règles de négociation par voie d’accord : pour les NAO, on passe d’une périodicité annuelle à une périodicité à trois ans ; pour la GPEC, on passe de trois ans à cinq ans. Demain, la négociation de branche suffira !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La négociation de branche garde sa périodicité, contrairement aux négociations d’entreprise, qui peuvent changer de périodicité par voie d’accord.

Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle, de Force ouvrière (FO). Pourquoi légiférer à nouveau sur l’égalité professionnelle ? L’arsenal législatif était à peu près complet, avec un décret de décembre 2012 prévoyant une sanction financière pour les entreprises ne respectant pas l’obligation de négociation ou de dépôt du plan d’action égalité – aucune entreprise n’a mis la clé sous la porte depuis. Quant à la loi du 4 août 2014, elle a permis de regrouper les négociations salariales femmes-hommes dans la négociation égalité professionnelle ; il est trop tôt pour savoir si la mesure est appliquée. Nous n’avons pas de recul non plus sur ce qui a été décidé par les signataires de l’accord QVT, notamment pour le regroupement de toutes les négociations – nous n’avons pas signé cet accord, mais soutenu son volet RSC qui avait été sanctuarisé dans la loi.

Avec ce projet de loi, toutes ces dispositions sont balayées, ce qui constitue à nos yeux une véritable régression en matière d’égalité professionnelle après des années et des années de construction au cours desquelles nos équipes syndicales avaient progressé sur cette question. Nous voyons dans cette fusion des négociations une remise en cause du sujet égalité professionnelle, mais aussi du sujet handicap. Nous observons d’ailleurs cette remise en cause au niveau européen, à la faveur de chartes, de codes éthiques, de RSE, de droits souples…

Vous l’avez compris, nous sommes farouchement opposés à l’article 14 du projet de loi, car la négociation égalité professionnelle se retrouverait dans un « 2° » d’une négociation fourre-tout, où des sujets pourraient être ajoutés par accord majoritaire, sans compter que pourrait être modifiée la périodicité par accord majoritaire au niveau des branches.

Ensuite, FO est favorable au caractère transversal de l’égalité professionnelle : ce sujet doit être traité par une négociation spécifique, mais aussi par toutes les autres, au même titre que le handicap. Nous avons d’ailleurs participé à l’avis que rendra le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle lundi prochain à ce sujet.

Dans le jeu de piste des articles du projet de loi, nous comprenons bien que le rapport de situation comparée et la base de données unique disparaissent ! Nous le déplorons. Quant à la sanction financière, les choses ne sont pas claires : l’article L. 2242-5-1 du code du travail serait modifié pour dire que les entreprises sont soumises à pénalité lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif au  « 2° » du projet de loi sur la négociation QVT ; or, ce 2° comporte plusieurs sujets, si bien que l’accord sera un accord QVT, et non un accord égalité… Il suffira donc que l’accord QVT comporte une ligne sur l’égalité professionnelle pour qu’il n’y ait pas de sanction. Bref, l’article n’est pas clair, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous sommes farouchement contre ce retour en arrière.

Mme Dominique Marchal. La CFDT avait déjà demandé un regroupement des consultations. Tel qu’il est prévu dans le projet de loi, le processus avec trois grandes consultations nous convient, d’autant que toutes les consultations obligatoires sont reprises.

Ce processus fait référence à la base de données économiques et sociales (BDES), que nous aimerions voir dénommée banque de données unique (BDU), qui devrait selon nous être disponible pour toutes les IRP et à tous les niveaux, du groupe jusqu’à l’établissement. Nous pensons en effet indispensable de consolider cette BDES, car elle est appelée à jouer un rôle central dans les consultations pour la mise à disposition des informations sur l’égalité professionnelle. Pour ce faire, nous souhaitons que toutes les données y figurant soient des données genrées, ce qui permettrait d’y retrouver tous les éléments que doit comporter le RSC, lequel, nous sommes d’accord avec FO, a disparu de la rédaction actuelle du projet de loi.

Pour ce qui est du regroupement des négociations, la dimension égalité professionnelle est mentionnée dans les trois négociations. A priori, il y a une volonté de prise en charge transversale de la question. Par contre, n’est mentionnée nulle part l’obligation de fournir, lors de chaque négociation, des informations sur la situation comparée entre les hommes et les femmes. Il faut donc être cohérent : si l’on mentionne l’égalité entre les femmes et les hommes dans les trois négociations, cela suppose l’obligation de fournir des éléments de comparaison entre les hommes et les femmes pour ces trois temps.

La négociation de l’égalité professionnelle dans le cadre d’un accord QVT ne nous choque pas. C’est ce que nous avons voulu réaliser dans la négociation sur l’ANI (l’accord national interprofessionnel) QVT/EP – « EP » signifiant égalité professionnelle. Du coup, nous serions satisfaits si le texte parlait de QVT/EP, car le fait de négocier l’égalité professionnelle dans le cadre de la qualité de vie au travail est cohérent, à condition que l’égalité professionnelle reste visible.

Mme Anne Balthazar. Il n’existe aucun accord QVT/EP.

Mme Dominique Marchal. En ce qui concerne la sanction, si la négociation sur l’égalité professionnelle reste obligatoire, la rédaction actuelle du texte est effectivement très floue.

Enfin, sur la qualité de vie au travail, nous tenons à la référence à l’organisation du travail, à laquelle il n’est jamais fait référence dans le texte. L’organisation du travail est, en effet, un élément fondamental pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Nous passons à l’article 18, relatif au fonds paritaire de financement des organisations syndicales de salariés et d’employeurs. Pensez-vous intéressant de prévoir l’élargissement des missions de ce fonds à des recherches genrées – par exemple, sur les mesures d’accompagnement du mandat – et à la formation des représentants du personnel aux négociations égalité professionnelle et à leur caractère transversal ?

Mme Dominique Marchal. L’article 18 prévoit une nouvelle mission d’intérêt général, la recherche. Pour la CFDT, prévoir que les partenaires sociaux vont gérer les recherches, dont des recherches sur l’égalité professionnelle, nous semble compliqué.

Quant à l’élargissement du fonds aux formations, nous n’y sommes pas favorables.

Mme Anne Baltazar. FO n’est pas très favorable à l’élargissement des missions du fonds en l’état actuel de sa mise en place et des ressources qui lui sont attribuées. En effet, en cas de nouvelles missions, il faudra aussi prévoir les ressources ; or, les ressources actuelles sont déjà affectées à des missions très précises et l’équilibre est précaire.

Mme Sophie Binet. L’égalité professionnelle est une question compliquée ; or, très souvent, nos élus arrivent à négocier toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire qu’on leur demande juste de regarder les écarts salariaux entre un homme secrétaire et une femme secrétaire à temps plein, alors que les inégalités sont ailleurs, dans les temps partiels, la carrière, etc. Ils doivent donc être formés. Mais si la formation est importante, elle pose la question de son financement et des nouvelles ressources.

Aujourd’hui, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) rejettent des accords ou des plans d’action dont le contenu est insuffisant. Il faut veiller à préserver ces avancées.

Enfin, je pense qu’un droit d’expertise ciblé sur la question de l’égalité professionnelle nous aiderait beaucoup pour défendre ces questions au quotidien.

Mme Pascale Coton. Selon notre responsable qui siège au fonds paritaire, il faut faire attention car non seulement tout n’est pas dans les clous – les statuts, le bureau qui n’est pas installé –, mais cette cotisation sera l’équivalent du FONGEFOR dont le financement n’est pas extensible. Par conséquent, il n’est pas sûr que les entreprises et le MEDEF soient d’accord pour rajouter des missions de recherche et de formation. En outre, fixer des thèmes lui semble prématuré. Enfin, s’il s’agit simplement de financer des recherches du type de celles de l’IRES ou de la DARES, cela n’apportera rien.

Deuxièmement, s’il faut des formations spécifiques, il conviendra de déterminer qui doit être formé et veiller à ce qu’on entend par « formation ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’article 18 ne prévoit pas des études, mais « l’animation et la gestion d’organismes de recherche. »

M. Franck Mikula. On ne peut pas augmenter les attributions de ce fonds sans changer l’enveloppe. Une contribution à hauteur de 0,020 % ne suffit déjà pas ; rajouter le financement d’organismes de recherche est problématique. Et on n’en est qu’au premier projet de loi, avant même que le fonds paritaire existe ! Par contre, si la contribution passe 0,080 %, je serai d’accord.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Dernière question : quel regard portez-vous sur la prime d’activité pour les salariées ?

M. Franck Mikula. Cette mesure aura un impact pour les salariés touchant une rémunération insuffisante, qu’ils soient hommes ou femmes. Si, malheureusement, les femmes sont plus concernées, en particulier parce qu’elles sont plus nombreuses à travailler à temps partiel ou en emploi précaire, l’objectif de cette mesure n’a rien à voir avec l’égalité hommes-femmes.

Mme Pascale Coton. Les chiffres le montrent : la paupérisation des femmes fait que cette prime d’activité – destinée aussi bien aux femmes qu’aux hommes – concernera davantage les femmes que les hommes. Pour nous, l’important est de permettre aux travailleurs précaires d’avoir un véritable travail avec une rémunération correcte, et non de leur appliquer un pansement, même si cela est vital. Nous attendons du MEDEF qu’il se mette au travail pour créer 1 million d’emplois, et non pour faire fabriquer un pin’s « 1 million d’emplois » !

M. Franck Mikula. Nous sommes bien sûr favorables à cette prime d’activité. Par contre, elle pose la question de savoir jusqu’où nous allons subventionner l’emploi. Ceux qui donneront de l’argent aux apprentis, c’est vous et moi, et non leurs employeurs. Ces derniers n’auront pas besoin de changer le mode de rémunération des apprentis, il y aura la prime ! Plus la peine non plus d’augmenter les bourses des étudiants ou d’augmenter la rémunération des salariés à temps partiel ou en emploi précaire… Le jeu qui se joue actuellement est, à mes yeux, contreproductif.

Mme Sophie Binet. Depuis la mise en place de la PPE, nous avons des interrogations de principe sur le fait que certains salariés ne seraient pas capables de gagner suffisamment pour vivre par leur travail et qu’il faudrait subventionner leur emploi par l’impôt. Pour notre part, nous considérons que le travail doit permettre à tout le monde de vivre dignement.

Je rappelle que les exonérations de cotisations sociales sont concentrées sur les bas salaires, les emplois précaires et les temps partiels. Mais dans la mesure où 45 accords de branche dérogent à la règle des 24 heures, un grand nombre de salariés sont en dessous du seuil de 150 heures par trimestre et n’ont pas suffisamment de revenus pour vivre, ni aucune protection sociale. Or, les pouvoirs publics subventionnent les bas salaires, les emplois précaires et les temps partiels par le biais des exonérations de cotisations massives. Par conséquent, une vraie mesure qui favorise l’égalité femmes-hommes serait de supprimer les exonérations de cotisations sur ces types d’emploi, car elles reviennent à pénaliser les femmes.

Mme Anne Baltazar. FO a conscience du taux très important de non-recours au RSA activité et ne s’en satisfait pas. Réformer le dispositif en vue d’une meilleure efficacité est, pour nous, une nécessité – s’agissant de lutter contre la pauvreté, notamment la pauvreté en emploi – plus encore que d’inciter à l’exercice d’une activité professionnelle. Nous avons cependant voté contre à la CNAF, mais pour des questions de mise en œuvre et de moyens.

La plupart des paramètres de calcul de la future prime d’activité sont renvoyés à des décrets, ce qui ne nous permet pas d’avoir une estimation du nombre de bénéficiaires au-delà du chiffre qui figure dans l’exposé des motifs. Pour FO, cette réforme doit permettre d’améliorer le dispositif, de le simplifier, mais sans faire de perdants par rapport aux personnes éligibles au RSA activité et à la PPE. Or, sur ce point, nous n’avons pas de garantie.

S’agissant des femmes, la problématique est la même que pour le RSA : le mode de calcul n’est pas individualisé, mais familialisé. Ainsi, une femme avec des revenus du travail modestes, mais dont le conjoint a des revenus élevés, ne percevra pas la prime individuellement ; elle restera donc en situation de précarité, voire de pauvreté, avec dépendance économique.

Mme Dominique Marchal. La CFDT n’a pas fait une étude particulière du point de vue des femmes. Cette prime va répondre à une double finalité, inciter à la reprise d’activité et augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres, parmi lesquels figure bien sûr un nombre important de femmes.

Le fait que le projet de loi renvoie à un décret pour le montant de la prime, le montant forfaitaire, le plafond ou les modalités de calcul de la bonification nous pose problème pour donner un avis complet sur cette mesure.

Nous pensons malgré tout que la simplification du dispositif devrait limiter le non-recours, qui excluait beaucoup de personnes du RSA.

Nous trouvons très intéressant que le suivi de l’impact sur les allocataires soit prévu, car cela nous permettra de savoir si les bénéficiaires sont davantage des femmes.

Par contre, le projet de loi est très imprécis sur l’accompagnement des personnes longtemps éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’un programme d’insertion.

Enfin, même si la rédaction actuelle du projet de loi ne le prévoit pas, le Gouvernement a annoncé son intention d’étendre la prime d’activité aux apprentis et aux étudiants. Or, nous pensons que l’amélioration de l’insertion et du pouvoir d’achat des apprentis et des étudiants ne devrait pas se faire via ce dispositif. Car l’objectif de la mesure, à savoir aider les travailleurs pauvres et précaires, serait alors dénaturé et les moyens – que l’on aurait intérêt à cibler – seraient en partie détournés, ce qui affaiblirait l’impact de la mesure.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Parmi les freins à l’investissement des femmes dans le combat syndical, la multiplicité des temps de négociation et des documents qu’il faut savoir maîtriser n’est-elle pas déterminante ? Autrement dit, la plus grande lisibilité des temps de négociation et les regroupements en une base de données unique ne constituent-ils pas des leviers importants pour remédier à la situation ? Je laisse cette interrogation en suspens, car le temps nous manque pour poursuivre cette audition. N’hésitez pas à nous transmettre vos recommandations par écrit, nous y serons très attentives.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, mesdames, monsieur, de votre contribution.

La séance est levée à 18 heures 45.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Catherine Coutelle, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Edith Gueugneau, Mme Conchita Lacuey, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maud Olivier, Mme Monique Orphé