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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 19 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 27

Présidence de Mme Conchita Lacuey, Vice-présidente

– Examen du rapport d'information sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (n° 2739) (Mme Sandrine Mazetier, rapporteure).

La séance est ouverte à 17 heures.

Présidence de Mme Conchita Lacuey, vice-présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l’examen du rapport d'information sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (n° 2739) (Mme Sandrine Mazetier, rapporteure).

Mme la vice-présidente Conchita Lacuey, présidente. Mes chères collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner le rapport de Mme Sandrine Mazetier sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Notre délégation a souhaité se saisir de ce texte pour se concentrer sur certaines de ses dispositions, notamment celles sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des institutions représentatives du personnel (IRP) ou encore le compte personnel d’activité.

L’élaboration de votre rapport, madame la rapporteure, repose sur une méthodologie très complète. En plus de vous appuyer sur l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) sur ce projet de loi, et sur les comptes rendus des différentes auditions organisées par notre délégation, vous avez mené plusieurs auditions sur ce projet de loi, avec plusieurs expertes notamment, et vous vous êtes rendue dans une structure d’aide à domicile à Paris, et tout cela dans un délai très restreint.

Le dialogue social est au cœur de notre pacte républicain. C’est pourquoi le Gouvernement a privilégié cette voie pour engager des réformes majeures. Je vous laisse tout de suite la parole afin que vous puissiez nous présenter votre rapport et nous exposer les recommandations que vous y formulez.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Mes chères collègues, depuis 2012, le gouvernement a fait de l’emploi son objectif, et du dialogue social, sa méthode.

Présenté en Conseil des ministres le 22 avril 2015, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi comporte plusieurs avancées majeures, porteuses de progrès social, en particulier pour faire en sorte que les 4,6 millions de salariés des très petites entreprises (TPE) et du particulier employeur aient, eux aussi, droit à une représentation, mais aussi pour valoriser et favoriser l’engagement des salariées et des salariés dans l’entreprise.

Il s’agit également de simplifier les règles du dialogue social pour le rendre plus efficace et stratégique, au travers notamment du regroupement des consultations annuelles et des négociations obligatoires, et de prévoir une clarification des rôles et un fonctionnement plus fluide des institutions représentatives du personnel (IRP) dans les entreprises.

Le projet de loi vise également à améliorer les dispositifs de soutien financier aux travailleuses et aux travailleurs modestes, avec la création d'une prime d’activité, qui sera aussi ouverte aux jeunes actifs.

Il prévoit, en outre, de sécuriser les parcours professionnels, au travers notamment de la création du compte personnel d'activité, qui sera l’une des grandes réformes sociales de cette législature. De nombreux droits individuels, mobilisables à l’initiative du salarié, ont été mis en place grâce à des gouvernements de gauche, tels que le compte épargne temps, le compte personnel de formation et le compte pénibilité, et il s’agit à présent de les réunir pour donner plus de lisibilité à ces dispositifs, et de les décloisonner pour permettre à chacune et à chacun d'être acteur de son parcours professionnel.

La Délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de cette réforme importante du dialogue social et de l’emploi, car 48 % des personnes en emploi dans ce pays sont des femmes et 70 % des travailleurs modestes sont des travailleuses. Il était donc légitime, dans le droit fil de nos travaux précédents, de nous pencher sur ce projet de loi.

Nous nous sommes concentrées sur les dispositions relatives à l’objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des IRP (article 5), à la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles dans les TPE (article 1er), ainsi qu’à la protection contre les discriminations salariales et la valorisation des parcours des représentantes et représentants du personnel (articles 2 à 4).

La délégation a également examiné attentivement les articles 13 et 14, qui portent sur le regroupement des consultations annuelles et des négociations obligatoires, et s’est efforcée d’en mesurer l'impact sur la négociation collective sur l'égalité professionnelle et les informations relatives à la situation comparée des femmes et des hommes sur lesquelles elle s’appuie.

Nous nous sommes également penchées sur la création d'une prime d'activité (articles 24 à 27), sachant que les femmes représentent la majorité des travailleurs pauvres dans notre pays. Enfin, d'autres mesures ont été examinées sous l'angle de l'égalité entre les femmes et les hommes, concernant les intermittentes et intermittents du spectacle (article 20), l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et le compte personnel d'activité (articles 21 et 22).

Plusieurs auditions ont été organisées sur ce texte, et nos travaux ont également pu s’appuyer sur l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle.

Dans un calendrier extraordinairement contraint, ce rapport d’information, et les recommandations qui en sont issues n’auraient pu exister sans les nombreux travaux précédents de la Délégation aux droits des femmes sur la précarité, la fiscalité et l’emploi.

La première partie de ce rapport est consacrée aux IRP. L'article 1er du projet de loi institue les commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les entreprises de moins de onze salariés. Dans le cadre des nouvelles régions, ces dispositions pourraient être complétées concernant la représentation des femmes.

L'article 5 institue une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes. Ce n'est pas la parité, mais l'application de la théorie du miroir : les listes des candidats pour les élections aux postes de délégués du personnel et de membres du comité d'entreprise doivent refléter le poids respectif de chacun des collèges électoraux. Si le corps électoral est composé de 70 % d’hommes et de 30 % de femmes, par exemple, les listes devront comporter 70 % de candidats et 30 % de candidates.

En cas de listes irrégulières, le juge judiciaire peut réformer les élections en rayant un ou plusieurs noms sur les listes, ceux du sexe surreprésenté. Même chose en cas de listes incomplètes : le juge peut réformer les élections. Il peut aussi déclarer les listes irrégulières s'il est saisi avant les élections, en référé. Il existe une incertitude sur le point de savoir si, dans ce contexte, les noms radiés par le juge sont pris en tête de liste, auquel cas on pénalise des élus susceptibles de devenir des titulaires, ou en fin de liste, auquel cas on pénalise des élus susceptibles de devenir des suppléants. Logiquement, il vaudrait mieux que ce soit en tête de liste.

Tel qu’il est rédigé, l’article 5 constitue une avancée pour les femmes. Bien sûr, il est possible d'aller plus loin, d'une part, dans le cadre du texte, en instituant une représentation alternée femmes-hommes, afin que les femmes soient en position éligible, et, d’autre part, en modifiant la logique du texte et en prévoyant, à terme, la parité intégrale.

Les articles 2, 3 et 4 prévoient une validation des acquis professionnels des salariés en tant que délégués aux IRP. En particulier, l'article 3 prévoit un système de certification professionnelle à l'échelle nationale. Ici, l'obstacle majeur pour les femmes est la clause prévue par le texte des 30 % du temps de travail exercé pour le, ou plutôt les mandats, clause qui sert de fait générateur pour la reconnaissance des parcours professionnels. Cette clause favorise plutôt les hommes qui détiennent généralement plusieurs mandats. Nous pourrions préconiser d’abaisser ce taux uniformément à 10 %, ce qui correspond à un seul mandat exercé au sein des IRP et davantage à la situation des femmes.

La première recommandation vise à compléter l'article 5 du projet de loi relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des IRP, en indiquant qu’il est nécessaire de prévoir des listes de candidats alternées. Il s’agit d’avoir la certitude que la composition des listes assure la présence de femmes en position éligible.

La deuxième recommandation vise à organiser, à partir du 1er janvier 2017, un système progressif permettant d'aboutir, à terme, à la parité entre les hommes et les femmes dans la composition des institutions représentatives du personnel. C'est ainsi que l'on pourrait prévoir une représentation proportionnelle des femmes et des hommes lors des premières élections ; puis, la réalisation de listes électorales comportant 40 % de femmes lors des élections suivantes ; et enfin, la parité intégrale lors des élections ultérieures.

Dit autrement, on pourrait prévoir l’application de l’article 5 corrigé par la première recommandation, puis la réalisation de listes électorales comportant 40 % de femmes, ou 40 % d’hommes dans les secteurs hyper féminisés, lors des élections suivantes, et enfin la parité intégrale lors des élections ultérieures.

La troisième recommandation vise, aux articles 2 et 4 du projet de loi, à abaisser la condition minimale de durée du mandat de représentant du personnel – condition nécessaire pour la reconnaissance du parcours professionnel – à 10 % du temps de travail. Il s’agirait donc de ramener cette condition nécessaire pour la reconnaissance du parcours professionnel de 30 % à 10 %.

La quatrième recommandation vise à prévoir, dans les articles L. 2141-5 et L. 2242-20 du code du travail, que les entreprises doivent favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

Je sais que cette recommandation peut sembler un vœu pieux, mais l’article 5 est modérément bien accueilli, les organisations représentatives des salariés nous ayant expliqué que des mesures devraient être prises pour l’accompagnement des mandats, mais que le texte ne prévoit aucune contrainte pour les employeurs. Cette recommandation est donc une manière de rappeler que les employeurs, en se souciant de l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle et de l’engagement syndical ou dans les IRP de leurs salariés, peuvent contribuer à l’application de la disposition que nous préconisons, à savoir la parité dans l’ensemble des institutions représentatives du personnel.

La cinquième recommandation est rédigée de la façon suivante : les listes des candidats élaborées en vue de la désignation des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doivent tendre progressivement à la parité. Dans ce but, à partir du 1er janvier 2017, il est procédé de la manière suivante : pour la première élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent refléter le pourcentage d'hommes et de femmes existant au sein du corps électoral concernant les élections des délégués du personnel et celle des membres des comités d'entreprise ; pour la seconde élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent représenter 40 % de femmes ; pour la troisième élection, ces listes sont établies en respectant la parité entre les femmes et les hommes.

La sixième recommandation a pour objet de préciser les attributions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, dont l’article 1er du projet de loi prévoit la création, pour représenter les entreprises de moins de onze salariés, afin d’inclure dans leur champ de compétence les questions relatives à l'égalité professionnelle et au temps partiel. La septième recommandation prévoit par ailleurs que les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs pourvoient les sièges qui leur sont attribués, au sein de ces commissions, en respectant la parité entre les femmes et les hommes. Lorsque le nombre de sièges à pourvoir est impair, l'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes ne peut être supérieur à un. En clair, nous proposons qu’elles soient créées d’emblée selon une composition paritaire, dans le collège employeur comme dans le collège salarié.

La huitième recommandation vise à inciter les organisations syndicales et les organisations professionnelles d'employeurs à réfléchir à leurs pratiques afin de faire progresser la mixité et viser la parité dans leurs instances de décision, tant au niveau national qu'au niveau départemental.

Nous envisageons cette recommandation du fait des réactions suscitées par l’article 5, mais aussi des observations, que nous avons entendues lors de nos auditions, sur la difficulté de la tâche en raison de l’absence de « vivier ». L’audition des représentants des organisations patronales, à laquelle étaient représentées la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union professionnelle artisanale (UPA), mais pas le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a montré que des progrès restent à faire dans les pratiques mêmes de ces organisations.

Enfin, la neuvième recommandation vise à compléter le projet de loi en vue de prévoir la parité femmes-hommes dans les instances prud'homales. En effet, suite à la réforme des prud’hommes, ce sont les organisations qui désigneront leurs conseillers prud’homaux. Dans ces conditions, nous pensons que la parité dans les conseils de prud’hommes pourrait être possible dès les prochaines désignations.

La deuxième partie du projet de rapport s'intitule : « La négociation collective en entreprise : rationaliser sans négliger l'impératif d'égalité entre les femmes et les hommes ». Elle présente la situation actuelle avec l'ensemble des négociations annuelles obligatoires, qui incluent l'obligation de négociation en matière d'égalité professionnelle, dont le cadre juridique est rappelé, ainsi que les apports de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Afin de répondre aux craintes qui se sont exprimées concernant notamment la disparition du rapport de situation comparé (RSC) et du rapport sur la situation économique (RSE), nous avons préparé un certain nombre d'amendements. Je vais donc vous présenter les recommandations qui visent à s'assurer que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sera bien un aspect important de ce projet de loi.

La dixième recommandation propose de modifier le titre de la négociation sur la qualité de vie au travail pour faire référence également à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Pour plus de lisibilité, la onzième recommandation vise à clarifier la rédaction du nouvel article L. 2242-9 du code du travail relatif à la pénalité financière concernant l’application de celle-ci aux entreprises qui n'ont pas conclu d'accord collectif sur l'égalité professionnelle ou, à défaut de plan d'action. Des inquiétudes se sont en effet exprimées sur la base juridique de cette pénalité ; clarifier la rédaction de ce nouvel article permettra donc de la rendre plus lisible. Néanmoins, en raison d’un problème de légistique, cet objectif de lisibilité ne sera pas totalement atteint à la mesure de notre ambition.

La douzième recommandation vise à préciser dans la loi que la base de données unique reprend l'intégralité des informations tant quantitatives que qualitatives figurant antérieurement dans le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes (RSC) et le rapport sur la situation économique de l'entreprise (RSE). Ainsi, la base de données unique ne se réduira pas à des tableaux Excel avec des chiffres, elle inclura aussi la dimension diagnostic et analyse qui est, à nos yeux, au moins aussi importante que les données elles-mêmes.

La treizième recommandation a pour objectif de rétablir explicitement le lien entre les outils de diagnostic sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise et la négociation sur l'égalité professionnelle.

La quatorzième recommandation vise à ne pas permettre le caractère facultatif de la transmission des informations récurrentes au comité d'entreprise sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise. En effet, le projet de loi prévoit que, par accord d’entreprise, les partenaires sociaux peuvent déterminer la liste et le contenu des informations récurrentes transmises au comité d’enteprise. Je propose cette recommandation très claire, afin que l’information sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise n’ait pas un caractère facultatif.

Mme  Conchita Lacuey, présidente. Il faut que ce soit une obligation.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Quinzième recommandation : réintroduire la question du suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise.

La seizième recommandation a pour objet de prévoir l'intégration du thème de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la mixité des métiers dans le champ de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, afin de souligner la transversalité du thème de l'égalité professionnelle.

La recommandation suivante vise à réserver le caractère annuel de la négociation sur les rémunérations tant que les entreprises n'ont pas signé un accord collectif sur l'égalité professionnelle.

En effet, l’article 13 du projet de loi prévoit le regroupement des consultations annuelles obligatoires, et l’article 14 le regroupement des négociations obligatoires, en trois temps forts. Par conséquent, je propose, d’une part, de rétablir le caractère obligatoire des informations relatives à la situation comparée entre les femmes et les hommes pour les retrouver dans la base de données unique, sur la création de laquelle les partenaires sociaux sont tombés d’accord. Les partenaires sociaux et les membres des IRP doivent avoir accès à cette base de données unique, non pas une fois par an, mais en permanence, et cette base de données unique ne doit pas concerner les seules entreprises de trois cents salariés. L’objectif est donc de retrouver toutes les informations du RSC dans cette base de données unique, quantitativement et qualitativement, et de rendre obligatoire le fait que ces informations soient renseignées et actualisées annuellement.

Je propose, d’autre part, que la dimension égalité professionnelle soit présente dans les trois temps de négociation, mais qu’une négociation – celle sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail – soit spécialisée sur le sujet, autrement dit qu’un moment très identifié porte sur l’égalité professionnelle, en se fixant des indicateurs de progression. Une fois cet accord conclu ou que, à défaut d’accord, l’employeur se trouve dans l’obligation d’établir un plan égalité, il serait dommage que ne soit pas prévu, dans un autre temps, le suivi de la mise en œuvre de ce qui aurait été décidé dans le cadre de la négociation égalité professionnelle. C’est pourquoi je propose également que la négociation annuelle sur les rémunérations assure le suivi de la mise en œuvre des objectifs fixés dans le cadre de la négociation égalité professionnelle, ce qui permettra de retrouver chaque année l’objectif de suppression des écarts de rémunération. Enfin, je propose que la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois inclue, elle aussi, une dimension égalité professionnelle et mixité des métiers. Cela amènera les entreprises qui emploient des équarrisseurs, mais pas d’équarrisseuses, à se poser la question de savoir comment elles peuvent employer des femmes dans ce métier ; de la même manière, si un employeur fait travailler des esthéticiennes, il réfléchira à la façon de se mettre en situation d’employer des esthéticiens.

La troisième partie de ce rapport d’information concerne la prime d'activité, qui est un nouveau dispositif ciblé sur les travailleuses et les travailleurs modestes qui ne touchent pas de minima sociaux et ne bénéficient pas de réduction d’impôt au travers, par exemple, de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu faute de gagner suffisamment. Cette prime d’activité viendra donc compléter un revenu d’activité, mais elle incitera aussi les personnes à augmenter leur activité, sachant certains dispositifs, et notamment le RSA activité, peut décourager la bi-activité dans un couple. Cette prime d’activité est donc une bonne nouvelle, mais je vous propose d’adopter les recommandations suivantes.

La dix-huitième recommandation vise à exclure les pensions alimentaires des ressources prises en compte pour déterminer l'éligibilité à la prime d'activité et le calcul du montant de celle-ci, en raison de leur nature particulière. En effet, non seulement la pension alimentaire n’est pas un revenu d’activité, mais elle n’est pas toujours payée dans son intégralité, ni immédiatement. Il serait donc fâcheux qu’elle soit intégrée à la base de ressources permettant le calcul de la prime d’activité.

Mme  Conchita Lacuey, présidente. D’autant plus que ce sont des revenus modestes.

Mme la rapporteure. À travers la recommandation suivante, je propose de veiller au suivi statistique et à l'évaluation ex post sexuée de la prime d'activité (évaluation quantitative et qualitative de son impact, enquête auprès des bénéficiaires et publics cibles, documents budgétaires, etc.).

Il convient par ailleurs de mettre en œuvre un plan d'information sur la prime d'activité, avec des actions diversifiées en direction des publics cibles – par exemple, sous forme d'affiches et dépliants dans les organismes de protection sociale (CAF, CPAM, antennes de Pôle Emploi, etc.), PMI, missions locales et centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) notamment, de stands d'information dans les supermarchés low cost et les centres de la Poste, ou encore de courriels envoyés de façon ciblée à certains publics potentiellement éligibles, avec un lien vers le simulateur des droits qui sera prochainement mis en place, etc. C’est l’objet de la vingtième recommandation, qui souligne également la nécessité de veiller à la formation des agents des caisses et travailleurs sociaux sur le nouveau dispositif.

Il s’agit de faire en sorte que le taux de recours à la prime d’activité soit largement supérieur à celui du RSA activité. Dans le cadre de l’audition par la délégation de la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Mme Ségolène Neuville, le 15 avril dernier, j’avais évoqué cette possibilité d’une campagne de communication à destination des publics cibles dans les galeries commerciales, les supermarchés, La Poste, etc. Enfin, comme tout nouveau dispositif, celui-ci ne donnera pleinement des résultats que s’il est bien approprié par les agents et les travailleurs sociaux.

J’en arrive maintenant à la dernière partie du rapport, qui porte sur les intermittent-te-s du spectacle et sur la sécurisation des parcours professionnels.

La vingt-et-unième recommandation vise à réaliser une étude sur la situation des intermittentes, avec des éléments d'analyse quantitative et qualitative, s'agissant en particulier de l'accès aux prestations maladie et maternité, et de prévoir à cette fin une codification spécifique pour les salariés intermittents dans la nomenclature des familles professionnelles (DARES).

La recommandation suivante a pour objet de veiller à l'application par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) des dispositions prévues par le code de la sécurité sociale en matière de droits aux prestations et de rappeler ce principe dans la prochaine circulaire ministérielle sur le régime applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l'accès aux prestations au titre de la maladie et de la maternité (direction de la sécurité sociale). Comme toutes les salariées, les intermittentes du spectacle ne peuvent travailler à la fin de leur grossesse ou au moment de leur accouchement. Mais en étant privées d’activité, elles n’ont pas un nombre d’heures de travail suffisant pour prétendre à une couverture au titre de l’assurance chômage. Elles sont donc doublement pénalisées. La situation est kafkaïenne car, alors que les caisses primaires d’assurance maladie pourraient résoudre en partie ce problème, conformément à des dispositions existantes, ces mêmes CPAM et l’UNEDIC se renvoient la balle. Et pendant ce temps, ces femmes n’ont aucun revenu ! Notre délégation pourrait donc rappeler que la loi doit s’appliquer et appeler l’attention des partenaires sociaux gestionnaires de l’UNEDIC, en vue de répondre à cette situation scandaleuse, qui est peu connue car elle concerne un petit nombre de personnes.

Je termine sur la sécurisation des parcours et le retour à l'emploi.

Ma vingt-troisième recommandation consiste à veiller à la prise en compte de l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes dans le diagnostic préalable et la construction du compte personnel d'activité.

La recommandation suivante vise à préciser dans le code du travail que l’AFPA contribue à l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers. Je pense, en effet, que l’AFPA, association qui réalise des bilans de compétences et propose des formations, est un acteur qui pourrait être essentiel au regard de la mixité des métiers.

Pour finir, je pense intéressant de réfléchir à des propositions que la délégation pourrait formuler en matière de lutte contre le sexisme dans l’entreprise. En tout cas, ce texte est un véhicule législatif adapté, d’autant que la date limite de dépôts des amendements en séance a été repoussée à vendredi. Ma vingt-cinquième et dernière recommandation vise donc à renforcer la lutte contre le sexisme dans le monde du travail.

Mme Maud Olivier. Merci, madame la rapporteure, de cet important travail réalisé en un temps très contraint.

Concernant la cinquième recommandation, le terme « progressivement » pourrait être supprimé – le verbe « tendre » est suffisamment explicite.

S’agissant des huit recommandations sur la négociation collective, il serait intéressant d’introduire un chapeau pour indiquer clairement que l’égalité femmes-hommes concerne les trois temps de négociation. À la quatorzième recommandation, les termes « ne pas permettre le caractère facultatif » de la transmission des informations pourraient être remplacés par « supprimer le caractère facultatif ».

Peut-être le Gouvernement réintroduira-t-il l’appellation « rapport de situation comparée ». Si c’est le cas, nous nous en réjouirons. En tout cas, je trouve que les recommandations sont très intéressantes.

Le projet de loi prévoit une publicité sur le plan d’action selon des modalités définies par décret. Ne serait-il pas plus intéressant que le projet de loi lui-même prévoit cette publicité ?

La commission égalité professionnelle, actuellement obligatoire à partir de deux cents salariés, le sera à partir de trois cents aux termes de l’article 16 du projet de loi. Ne pensez-vous pas préférable de rétablir le seuil de deux cents salariés ?

Enfin, j’apprécie les avancées sur la représentation miroir, avec une alternance pour les premiers délégués. Mais il faudrait faire œuvre de pédagogie car, si certaines entreprises comportent très peu de femmes, cela ne signifie pas qu’elles ne savent pas défendre les droits des salariés : elles sont tout à fait capables de défendre le droit du travail s’agissant de métiers majoritairement occupés par des hommes. Il convient de le souligner.

Mme la rapporteure. Le rétablissement de l’égalité professionnelle pour les informations obligatoires, mais aussi pour les trois temps de négociation se comprend à la lecture du rapport. Mais je ne suis pas contre l’introduction d’un chapeau à ces recommandations pour indiquer que la dimension égalité professionnelle doit être présente dans les trois temps de négociation identifiés par le projet de loi. Cela contribuerait à la lisibilité de ces recommandations.

La suppression du terme « progressivement » à la cinquième recommandation ne me pose aucun problème.

En revanche, à la quatorzième recommandation, substituer le mot « supprimer » au terme « ne pas permettre » serait excessif. En effet, en aucun cas le projet de loi ne rend l’information facultative : il permet aux partenaires sociaux de s’entendre, par accord d’entreprise, sur la liste des informations récurrentes qui doivent obligatoirement leur être envoyées chaque année, et sur les informations qui n’ont pas lieu d’avoir cette régularité. Préventivement, je préfère écrire que le caractère récurrent des informations sur la situation comparée des femmes et des hommes dans une entreprise ne peut être modifié par accord d’entreprise. Ainsi, le comité d’entreprise en particulier, doit être informé sur la situation comparée des femmes et des hommes dans les neuf domaines prévus par la loi d’août 2014.

Ensuite, si je comprends que certains demandent le rétablissement de la commission égalité professionnelle à deux cents salariés, j’observe que cela ne correspond à aucun autre seuil. Ce projet de loi vise en grande partie à rendre plus lisible et plus efficace le dialogue social sur tous les sujets. Si des amendements sont adoptés sur la base de nos recommandations, les entreprises de moins de trois cents salariés auront beaucoup plus d’informations dans la base de données unique qu’elles en avaient avec le rapport de situation économique. Plutôt qu’une commission égalité, je propose donc un fléchage très clair du temps de la négociation sur l’égalité professionnelle dans les neuf domaines, puis un accord, et enfin de prévoir pour les entreprises de deux cents, trois cents, quatre cents salariés, un suivi annuel par les partenaires dans les instances de négociation de la mise en œuvre effective des mesures.

Mme Maud Olivier. Il y aura une commission égalité professionnelle même en cas de délégation unique du personnel (DUP) ?

Mme la rapporteure. Ce n’est pas interdit.

Mme Maud Olivier. Ce sera un problème si l’entreprise décide unilatéralement de supprimer la commission égalité professionnelle.

Mme la rapporteure. Ce n’est jamais une décision unilatérale.

Par ailleurs, les recommandations visent précisément à modifier le projet de loi, pour que ce qui pourrait relever d’un accord d’entreprise, comme par exemple la transmission des informations au comité d’entreprise, ne puisse plus en relever. De la même manière, je propose que la négociation avec objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes reste annuelle, c’est-à-dire qu’elle ne change pas de périodicité par accord d’entreprise, comme le permet le texte.

Enfin, s’agissant de la publicité du plan d’action, je n’ai pas formulé de recommandation. Par contre, un amendement devrait prévoir que, faute d’accord au terme de la négociation sur l’égalité professionnelle, l’employeur doit élaborer un plan d’action unilatéral, en reprenant toutes les dispositions correspondantes dans le code du travail. Cet amendement ne prévoit pas une publicité du plan d’action, mais s’il était adopté en commission, il pourrait faire l’objet en séance publique d’un sous-amendement visant à rétablir la publicité du plan d’action, par voie d’affichage notamment, tel que le prévoit actuellement le code du travail.

Mme Conchita Lacuey, présidente. Mes chères collègues, je vous propose d’adopter ces vingt-cinq recommandations.

*

La délégation adopte le rapport d’information ainsi que les recommandations suivantes :

– S’agissant des commissions paritaires régionales, institutions représentatives du personnel (IRP), organisations syndicales et professionnelles d’employeurs, conseillers prud’homaux :

1) Compléter l’article 5 (représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des IRP) en indiquant qu’il est nécessaire de prévoir des listes de candidats alternées

2) Organiser, à partir du 1er janvier 2017, un système progressif permettant d’aboutir, à terme, à la parité entre les femmes et les hommes dans la composition des institutions représentatives du personnel. C’est ainsi que l’on pourrait prévoir une représentation proportionnelle des femmes et des hommes lors des premières élections ; puis, la réalisation de listes électorales comportant 40 % de femmes lors des élections suivantes ; et enfin, la parité intégrale lors des élections ultérieures.

3) Dans les articles 2 et 4 du projet de loi, abaisser la condition minimale de durée du mandat de représentant du personnel – condition nécessaire pour la reconnaissance du parcours professionnel – à 10 % du temps de travail.

4) Prévoir, dans les articles L. 2141-5 et L. 2242-20 du code du travail, que les entreprises doivent favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

5) Faire en sorte que les listes des candidats élaborées en vue de la désignation des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) tendent à la parité. Dans ce but, à partir du 1er janvier 2017, il est procédé de la manière suivante :

– Pour la première élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent refléter le pourcentage d’hommes et de femmes existant au sein du corps électoral concernant les élections des délégués du personnel et celle des membres des comités d’entreprise.

– Pour la seconde élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent représenter 40 % de femmes.

– Pour la troisième élection, ces listes sont établies en respectant la parité entre les femmes et les hommes.

6) Préciser les attributions des commissions paritaires régionales afin d’inclure dans leur champ de compétence les questions relatives à l’égalité professionnelle et au temps partiel.

7) Faire en sorte que les organisations syndicales de salariés et que les organisations professionnelles d’employeurs pourvoient les sièges qui leur sont attribués au sein de ces commissions paritaires régionales en respectant la parité entre les femmes et les hommes. Lorsque le nombre de sièges à pourvoir est impair, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un.

8) Inciter les organisations syndicales et les organisations professionnelles d’employeurs à réfléchir à leurs pratiques afin de faire progresser la mixité et viser la parité dans leurs instances de décision, tant au niveau national qu’au niveau départemental.

9) Compléter le projet de loi en vue de prévoir la parité femmes-hommes dans les instances prud’homales.

– Concernant la négociation collective sur l’égalité professionnelle :

10) Modifier le titre de la négociation sur la qualité de vie au travail pour la renommer : « Qualité de vie au travail et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

11) Clarifier la rédaction de l’article L. 2242-9 (nouveau) du code du travail relatif à la pénalité financière concernant l’application de celle-ci aux entreprises qui n’ont pas conclu d’accord collectif sur l’égalité professionnelle, ou à défaut de plan d’action, pour plus de lisibilité.

12) Préciser dans la loi que la base de données unique reprend l’intégralité des informations tant quantitatives que qualitatives figurant antérieurement dans le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes (RSC) et le rapport sur la situation économique de l’entreprise (RSE).

13) Rétablir explicitement le lien entre les outils de diagnostic sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise et la négociation sur l’égalité professionnelle.

14) Ne pas permettre le caractère facultatif de la transmission des informations récurrentes au comité d’entreprise sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Intégrer la dimension de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans chacun des trois blocs de négociations :

15) Réintroduire la question du suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise.

16) Concernant le champ de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, prévoir l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la mixité des métiers, afin de souligner la transversalité du thème de l’égalité professionnelle.

17) Préserver le caractère annuel de la négociation sur les rémunérations tant que les entreprises n’ont pas signé un accord collectif sur l’égalité professionnelle.

– Concernant la prime d’activité en direction des travailleuses et travailleurs modestes :

18) Exclure les pensions alimentaires des ressources prises en compte pour déterminer l’éligibilité à la prime d’activité et le calcul du montant de celle-ci, en raison de leur nature particulière.

19) Veiller au suivi statistique et à l’évaluation ex post sexuée de la prime d’activité (évaluation quantitative et qualitative de son impact, enquête auprès des bénéficiaires et publics cibles, documents budgétaires, etc.)

20) Mettre en œuvre un plan d’information sur la prime d’activité, avec des actions diversifiées en direction des publics cibles – par exemple, sous forme d’affiches et dépliants dans les organismes de protection sociale (CAF, CPAM, antennes de Pôle Emploi, etc.), PMI, missions locales et centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) notamment, de stands d’information dans les supermarchés low cost et les centres de la Poste, ou encore de courriels envoyés de façon ciblée à certains publics potentiellement éligibles, avec un lien vers le simulateur des droits qui sera prochainement mis en place, etc.

Veiller à la formation des agents des caisses et travailleurs sociaux sur le nouveau dispositif.

– Concernant les intermittentes du spectacle :

21) Réaliser une étude sur la situation des intermittentes, avec des éléments d’analyse quantitative et qualitative, s’agissant en particulier de l’accès aux prestations maladie et maternité, et prévoir à cette fin une codification spécifique pour les salariés intermittents dans la nomenclature des familles professionnelles (DARES).

22) Veiller à l’application par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) des dispositions prévues par le code de la sécurité sociale en matière de droits aux prestations et rappeler ce principe dans la prochaine circulaire ministérielle sur le régime applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l’accès aux prestations au titre de la maladie et de la maternité (direction de la sécurité sociale).

– Concernant la sécurisation des parcours et le retour à l’emploi :

23) Veiller à la prise en compte de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le diagnostic préalable et la construction du compte personnel d’activité.

24) Préciser dans le code du travail que l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) contribue à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

– Concernant le sexisme au travail :

25) Renforcer la lutte contre le sexisme dans le monde du travail.

La séance est levée à 18 heures 05.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Sophie Dessus, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Conchita Lacuey, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maud Olivier, Mme Monique Orphé, Mme Sylvie Tolmont.