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Délégation aux outre-mer

Mardi 5 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, Président

– Audition de M. Fabrice Richy, directeur du département Outre-mer de l’Agence française de développement (AFD), accompagné de M. François Parmantier, directeur adjoint, et de Mme Zolika Bouabdallah, responsable des relations parlementaires à l’AFD.

– Information relative à la délégation

La séance est ouverte à 17 heures 10.

Présidence de M. Jean-Claude Fruteau.

La Délégation procède à l’audition de M. Fabrice Richy, directeur du département Outre-mer de l’Agence française de développement (AFD), accompagné de M. François Parmantier, directeur adjoint, et de Mme Zolika Bouabdallah, responsable des relations parlementaires à l’AFD.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. Fabrice Richy, directeur du département Outre-mer de l’Agence française de développement (AFD).

C’est très volontiers que j’ai donné une suite favorable à la demande de l’Agence, qui souhaitait présenter à la Délégation son action spécifique en outre-mer, à la suite de la récente publication de ses principaux chiffres d’activité pour 2014. Cette démarche est une nouvelle preuve du rôle que remplit désormais notre Délégation dans les relations d’information et d’échange entre les parlementaires et les institutions.

L’AFD d’aujourd’hui revendique l’héritage de la Caisse centrale de la France d’outre-mer créée par Pierre Mendès-France en 1944. Si ses missions et dénominations ont évolué au rythme des évènements qui ont marqué l’histoire nationale depuis soixante-dix ans, l’AFD conserve et développe une action significative en faveur de l’outre-mer. C’est cette action que j’ai convié M. Richy à exposer aujourd’hui à la Délégation.

Je ne doute pas que son exposé ne l’amène à nous présenter un certain nombre de chiffres. Pour ma part, j’évoquerai d’abord une donnée globale : les financements de l’AFD à destination de l’outre-mer ont représenté en 2014 un peu plus de 1,5 milliard d’euros, soit à peu près un cinquième de l’ensemble des concours financiers accordés par l’Agence.

En consultant le rapport consacré par l’Agence à son activité outre-mer pour 2014, j’ai noté aussi que son principal domaine d’intervention avait été ce qu’elle appelle « aménagement urbain et équipement ». Quant aux bénéficiaires, ils se répartissent dans une proportion de 60 %/40% à peu près, entre le secteur public largement entendu et le secteur privé.

On souligne, dans ce contexte, la forte augmentation des concours financiers de l’Agence aux « acteurs publics locaux » entre 2013 et 2014, conséquence – selon le rapport – du désengagement du secteur bancaire privé.

Si l’on ne peut que se féliciter de voir ainsi assurée la pérennité des efforts de développement engagés par les différentes collectivités publiques de l’outre-mer, on doit dès lors se poser la question de l’évolution à plus long terme de leur financement.

Aussi bien, monsieur Richy serions-nous heureux, non seulement d’entendre vos commentaires sur le bilan de l’action passée de l’Agence outre-mer, mais aussi de connaître votre stratégie pour l’avenir.

M. Fabrice Richy, directeur du département Outre-mer de l’Agence française de développement (AFD). Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de nous avoir invités à cette séance de travail, qui nous donne l’occasion de vous présenter l’activité de l’AFD en outre-mer.

Comme vous l’avez dit, monsieur le président, une grande part de l’activité de l’Agence est orientée vers les politiques publiques. Pour nous, il est très précieux d’entretenir une relation de dialogue, de contact et d’entretien régulier avec les représentants de la Nation, avec le Parlement. En effet, c’est là que se définissent en grande partie les politiques publiques que nous accompagnons par nos financements.

Comme vous l’avez rappelé, l’AFD est un acteur ancien dans les outre-mer. Créée en 1941, devenue en 1944 la Caisse centrale de la France d’outre-mer, elle a connu des évolutions importantes au cours de son histoire. Elle fut un acteur majeur du développement des outre-mer, notamment dans les années cinquante : création de Sociétés d'aménagement et de banques de place – les outre-mer n’ayant pas de banques de place, nous avons joué ce rôle pendant trente ans environ, jusqu’à la cession des participations bancaires en 2005 ; création, à partir des années soixante, de sociétés de logement social. Par ces créations, et bien sûr par ses financements, l’AFD a fortement contribué à l’aménagement et à l’habitat dans les outre-mer. De fait, c’est pour nous une activité extrêmement importante.

En outre, l’AFD intervient à la fois dans les outre-mer et dans les États étrangers. Or les actions engagées, les projets lancés et les politiques menées dans les outre-mer ont souvent inspiré l’AFD dans ses politiques, ses projets et ses investissements dans les États étrangers. Les outre-mer sont ainsi une source précieuse de renouvellement pour l’Agence.

Je vous présenterai d’abord notre cadre stratégique et nos orientations pour les années à venir, pour revenir ensuite sur le bilan de notre activité.

En 2014, l’AFD s’est dotée d’un cadre d’intervention régional pour les outre-mer, qui a été présenté au Conseil d’administration de l’AFD et au Comité outre-mer en mai 2014. Ce cadre d’intervention régional, qui est notre cadre stratégique pour les quatre années à venir, a défini quatre priorités : soutenir les politiques publiques, notamment en faveur de la cohésion sociale et de l’environnement ; renforcer le secteur privé pour créer localement de l’emploi et de la valeur ajoutée ; améliorer l’habitat et l’aménagement urbain ; encourager l’intégration régionale. Vous y retrouverez des thématiques qui vous préoccupent fortement en tant qu’élus et représentants des différents territoires.

Première priorité : soutenir les politiques publiques, notamment en faveur de la cohésion sociale et de l’environnement.

Comme vous l’avez dit, monsieur le président, le secteur public constitue l’essentiel de notre activité en outre-mer. Sur le milliard et demi d’euros de financement accordé par l’AFD en 2014, près de 900 millions concernent le secteur public dans sa globalité.

Le secteur public dans sa globalité constitue donc un point d’appui extrêmement fort de l’action de l’AFD dans les outre-mer. Ces 900 millions se décomposent ainsi : 300 millions environ pour les collectivités locales ; 600 millions pour le « parapublic » – établissements publics, locaux, régionaux et nationaux, sociétés d’économie mixte et établissements hospitaliers.

Les 300 millions pour les collectivités locales sont principalement destinés aux communes, aux départements et aux régions ; les trois quarts des communes des outre-mer empruntent auprès de l’AFD. Nous sommes donc un acteur extrêmement important. A titre d’exemple, à La Réunion, toutes les communes ont souscrit un emprunt auprès de l’AFD.

Dans les outre-mer, l’AFD est la spécialiste des collectivités locales. Nous menons des travaux d’évaluation des finances communales, des actions de formation et d’appui des collectivités locales. Dans certains territoires, nous menons une action très spécifique de restructuration des finances locales, notamment communales. Un accent particulier est mis sur les communes de moins de 10 000 habitants : en 2014, 31 de ces communes ont reçu l’appui financier de l’AFD.

Je dois dire – mais vous pourrez me le confirmer – que nous sommes souvent considérés par les mairies comme un appui très important pour la conduite de leur politique financière. Mais il ne s’agit pas de leur « donner des leçons ». Nous travaillons vraiment en collaboration, en analysant leur documentation avec eux et en les conseillant sur des orientations stratégiques financières vertueuses.

Cela nous amène à travailler constamment à l’adaptation de nos produits.

Classiquement, nous prêtions aux collectivités locales et aux établissements publics pour financer des projets. Depuis pratiquement sept ou huit ans, nous avons fait évoluer nos interventions –anciennement basées sur des financements de projets- vers des prêts budgétaires, en basant notre approche sur la solidité, la fiabilité et la soutenabilité des finances de chaque collectivité. Dès que nous sommes assurés de cette soutenabilité, nous pouvons intervenir pour financer globalement un programme d'investissement, et non plus projet par projet. Ces prêts sont des instruments relativement souples, appréciés des collectivités locales. A partir de là, l’AFD a commencé à s’intéresser aux communes dans les États étrangers.

Il est un autre domaine sur lequel nous faisons des efforts constants d’adaptation : l’amélioration de nos produits financiers.

Depuis dix ans, nous assurions le préfinancement des projets bénéficiaires de subventions européennes – car beaucoup d’investissements réalisés par les collectivités locales le sont sur fonds FEDER. Depuis un an, la possibilité de préfinancement a été, en outre, étendue aux subventions de l’État aux collectivités locales et établissements publics. Les concours ainsi apportés ont maintenant atteint un volume financier relativement important.

Ce sont, là encore, des outils particulièrement appréciés. En effet, les communes ne touchent les fonds européens ou les subventions d’Etat qu’une fois le projet réalisé ou en tout cas bien engagé, ce qui leur pose un problème évident de trésorerie. Le préfinancement par l’AFD permet d’engager le projet, et d’attendre que celui-ci soit achevé pour nous rembourser. En 2014, cette activité a représenté pratiquement 80 millions, contre 25 ou 30 millions en 2013 ; nous avons accordé au cours de la seule année 2014 autant de préfinancements que pendant toute la décennie précédente. La demande est croissante : en 2015, nous ferons encore davantage, surtout après l’extension du préfinancement aux subventions de l’État français.

Nous sommes très à l’écoute des problématiques formulées par les collectivités locales et faisons évoluer nos produits en fonction de celles-ci : c’est pour répondre aux demandes des collectivités que nous sommes passés du financement projet au financement budgétaire, et que nous avons mis en place le préfinancement des subventions européennes, puis des subventions d’État.

Nous menons aussi une action transversale sur les politiques publiques dans un certain nombre de territoires, départements ou régions d’outre-mer, notamment sur les politiques environnementales régionales. A titre d’exemple, nous appuyons le financement du schéma de transport de la Polynésie française.

Par ailleurs, nous avons lancé, avec un certain nombre de partenaires, une étude sur les politiques en faveur des personnes âgées. En effet, depuis deux ans, nous avions reçu de nombreuses demandes de financement pour des EHPAD et nous voulions un peu mieux connaître ce secteur.

Nous sommes en train de mettre au point avec deux régions, la Réunion et la Guadeloupe, un système de prêts bonifiés au travers du FEDER. Pour la région Réunion, ces prêts seraient destinés à la réhabilitation du logement social, et devraient permettre aux organismes de logement social d’accéder à des lignes de refinancement intéressantes : ce type de prêts n’est pas facile à mettre en place et nous n’en sommes qu’au stade expérimental, mais il y a un partenariat. De la même façon, nous travaillons avec la région Guadeloupe sur la mise en place d’un financement bonifié d’actions environnementales et climatiques. Ces chantiers, que nous avons lancés cette année, avancent et nous espérons obtenir des résultats en 2016 ou en 2017.

Nous menons également, en direction des collectivités, une activité de formation relativement importante, au travers du Centre d’études financières, économiques et bancaires (CEFEB), l’université d’entreprise de l’AFD, dont le siège est à Marseille. Nos interventions prennent la forme de stages, de séminaires à l’intention des directeurs financiers et des directeurs généraux des communes, notamment sur les sujets financiers. Et nous sommes en passe de signer un accord avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour créer des synergies dans les accompagnements des collectivités locales. Très souvent, l’une des faiblesses des actions de ces collectivités tient au niveau insuffisant de formation des cadres administratifs, qui obère la capacité des élus à agir pour structurer les finances locales.

J’en viens à notre deuxième priorité : renforcer le secteur privé pour créer de l’emploi et de la valeur ajoutée. Dans les outre-mer, les enjeux en termes d’emploi sont majeurs : le taux de chômage y est élevé, et particulièrement le chômage des jeunes (60 % à La Réunion). Cette situation a de lourdes conséquences – aggravation de la précarité, menace pour la cohésion sociale – que vous avez à gérer tous les jours.

En premier lieu, nous intervenons en tant que prestataire pour le compte de Bpifrance Financement. En 2014, nous sommes intervenus pour un peu plus de 500 millions d’euros en faveur de quelque 2 000 entreprises, généralement de taille moyenne, à travers des crédits de trésorerie à court terme et de crédits à plus long terme, tels que les crédits de développement.

En deuxième lieu, nous menons une action sur les garanties. Dans les départements d’outre-mer, nous avons transféré en 2014 à Bpifrance l’activité de fonds de garantie, couverte désormais par les fonds nationaux de garantie. Dans le Pacifique, nous avons conservé un instrument de garantie, la SOGEFOM (Société de gestion de fonds de garantie de l’Outre-mer). Depuis sept ans, la SOGEFOM a accordé en moyenne chaque année environ 20 millions d’euros de garanties, en général à de petites, voire de très petites entreprises. En 2014, rien qu’en Nouvelle-Calédonie, une centaine d’emplois ont été ainsi créés – sans compter ceux qui ont été préservés. La garantie SOGEFOM est une garantie bancaire, que nous accordons sur demande de la banque, et en second rang derrière celle-ci. La quotité garantie varie entre 50 et 60 %, la banque assurant le reste : c’est un risque partagé entre la banque et nous.

En troisième lieu, nous menons une action en faveur du micro-crédit.

Nous sommes un financeur ancien et fidèle de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), que ce soit dans les outre-mer ou dans les États étrangers. Nous avons financé plusieurs prêts – dont le dernier en 2014, de 4 millions d’euros. En outre, sur sa proposition, nous avons mis au point un nouveau produit, un prêt d’un montant plus important que les prêts traditionnels qu’elle propose et qui devrait permettre à des entreprises de grandir, une fois passé le cap d’un ou deux salariés : le prêt Propulse. Nous entretenons des relations avec d’autres institutions de microfinance, comme France Active et Initiative France.

Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt l’audit sur la microfinance du Conseil économique, social et environnemental, dont nous avons reçu la rapporteure, Mme Crozemarie. Nous sommes en train de monter un séminaire sur la microfinance, qui pourrait se tenir cette année à Mayotte et permettrait un partage d’expérience entre les différents acteurs : l’Adie, France Initiative, mais aussi les acteurs publics. Nous espérons aboutir prochainement.

Il reste que le modèle économique de la plupart des institutions de micro-finance repose sur des subventions d’équilibre, besoin auquel nous ne pouvons répondre, dans la mesure où il n’existe pas de subventions destinées à de tels besoins dans les outre-mer. Dans les États étrangers en revanche, de nombreux organismes de microfinance, montés parfois à l’initiative de l’AFD, l’ont été sur subventions grâce au programme 209 du ministère des affaires étrangères – programme de subventions et d’aide au développement.

Concrètement, l’absence de système de subventions limite notre possibilité de soutenir, à moyen ou long terme, les acteurs de terrain du microcrédit en outre-mer. Traditionnellement, en effet, pour monter une organisation de microfinance, on travaille dans un premier temps selon le régime des subventions ; une fois que l’organisation est arrivée à un premier niveau de maturité, elle peut emprunter. C’est ainsi que nous avons soutenu financièrement pendant des années, par des subventions, l’action de l’Adie dans les États étrangers, pour qu’elle se constitue, jusqu’à ce qu’elle puisse nous emprunter.

En dernier lieu, nous intervenons directement auprès des entreprises privées.

Environ 100 millions de financements ont été accordés en 2014 à ce titre. Nous instruisons une dizaine de dossiers par an, systématiquement en cofinancement avec les banques, que nous contribuons ainsi à accompagner dans leur soutien à l’économie locale. En dépit d’un nombre de dossiers qui peut paraître peu élevé (mais qui dépend en définitive du dynamisme des économies et de ce que les banques commerciales souhaitent partager avec nous), ces financements représentent des montants unitaires élevés (10 à 20 millions d’euros), et généralement sur des tailles de projets plus conséquentes que les dossiers traités par Bpifrance Financements. Bpifrance, jusqu’à 3 millions d’euros, suit une procédure déconcentrée dans laquelle les directeurs régionaux ont le pouvoir de décision.

Notre rôle est double. Nous pouvons sécuriser un tour de table financier auprès d’une ou plusieurs banques de la place qui n’ont sur les projets qu’un regard financier et ont besoin de la capacité d’analyse de ces projets d’un partenaire comme l’AFD. Mais nous pouvons aussi prendre l’initiative en nous adressant au secteur bancaire de place pour accompagner un projet sur le moyen terme.

Notre avantage comparatif est double : nos équipes d’ingénieurs nous donnent une capacité d’analyse technique bien plus forte que celle des banques classiques. En outre, nos financements sont à plus long terme que ceux des banques puisque nous pouvons aller facilement jusqu’à quinze ans alors que les banques sont hésitantes et vont rarement au-delà de dix ans. Cela nous permet d’entraîner les banques privées de la place sur des projets où elles ne seraient sans doute pas allées, ou sur lesquels nous allons les chercher.

Nous avons un secteur de prédilection, sur lequel nous avons beaucoup travaillé ces dernières années et dont l’outre-mer peut être fier : les énergies renouvelables, secteur extrêmement dynamique et innovant, avec de belles sociétés dont les capacités de recherche méritent d’être valorisées. Ainsi avons-nous accompagné une dizaine de projets dans ce secteur, que ce soit en photovoltaïque, en biomasse, en éolien, et sans doute prochainement en énergie des mers, etc.

Au total, depuis quatre ans, les dix projets que nous avons contribué à financer dans ce domaine représentent pour nous seuls pratiquement 100 millions d’euros d’investissement – le total de l’investissement étant de plus de 200 millions d’euros. Ils portent sur la construction de serres agricole avec couverture photovoltaïque et stockage de l’énergie, d’ombrières photovoltaïques pour le maraîchage, d’une génératrice alimentée par la bagasse etc. Bref, une pluralité de projets avec une pluralité de sources énergétiques. Il y a là une opportunité, pour les outre-mer, de se mettre en avant, en cette année où se tient la COP 21.

En ce domaine, le savoir-faire des territoires insulaires des outre-mer français est tout à fait intéressant. Vous connaissez par ailleurs la problématique des États insulaires dans le monde. Les outre-mer pourraient sans doute envisager une collaboration avec les États insulaires en général : dans la zone caraïbe, dans l’Océan indien, dans les îles du Pacifique, des partages d’expériences pourraient être très profitables.

J’en viens au troisième point de mon exposé : l’aménagement et l’habitat.

C’est un domaine extrêmement important. Nous intervenons à la fois dans le secteur public, notamment avec les SEM d’aménagement et d’habitat, et dans le secteur privé, sur des opérations de promotion privée.

Il s’agit pour nous d’accompagner les mutations démographiques très complexes de certains territoires – notamment en Guyane et à Mayotte. Par exemple, nous sommes intervenus en 2014 au soutien de la Société immobilière de Mayotte, la SIM. Nous sommes également intervenus sur plusieurs opérations d’aménagement, privées ou publiques. Nous finançons la ZAC de Pierrefonds Aérodrome à la Réunion, que j’ai visitée il y a une quinzaine de jours ; c’est un très beau projet, avec une belle maîtrise d’ouvrage.

Toujours à La Réunion, pour nous adapter à la demande, nous avons mis au point un prêt « sculpté », comprenant à la fois un prêt de trésorerie, un prêt de portage sur l’aménagement, et un prêt à long terme sur le financement des équipements structurés.

Nous continuons par ailleurs à jouer un rôle d’animateur au sein d’un pôle technique du logement social. Nous réunissons régulièrement les directeurs de sociétés de logement social et nous assurons des missions d’audit et d’appui technique. Je précise toutefois que l’AFD n’a plus du tout de personnel dans les sociétés de logement social comme ce fut le cas pendant longtemps. Notre rôle au sein de ces sociétés est donc plus en retrait que par le passé.

J’en viens à la quatrième priorité définie par le cadre d’intervention régional : encourager l’intégration régionale.

Vous le savez mieux que moi, c’est un thème difficile à aborder, qui a fait l’objet de nombreux rapports parlementaires et aussi de nombreuses études internes à l’AFD. Il a changé de nom selon les époques : on parlait naguère de coopération régionale, on parle maintenant d’intégration régionale.

Nous tentons de soutenir les actions d’intégration régionale menées par les différentes collectivités, notamment les régions. Nous le faisons en participant à un certain nombre de missions et, surtout, en mettant en réseau nos agences. En effet, l’AFD est sans doute le seul outil de l’État français qui travaille à la fois dans les outre-mer et dans les États étrangers voisins de ces territoires. À ma connaissance, l’AFD est la seule institution qui ait, ainsi, deux « jambes », ce qui lui a permis de diffuser dans les États étrangers des politiques menées dans les outre-mer.

Cela dit, je pense que l’on devrait pouvoir un peu mieux exploiter ces « deux jambes » qu’on ne l’a fait ces dernières années, en mettant systématiquement en relation les régions, les collectivités locales avec nos agences locales, et en faisant de celles-ci un passage obligé. Nous n’utilisons pas suffisamment notre capacité – non pas à monter des projets, parce que je ne crois pas que nous en ayons les moyens financiers – mais à participer aux réseaux de manière plus importante. Or le travail en réseau est devenu une composante des dynamiques territoriales.

Nous pouvons aussi intervenir au bénéfice d’entreprises privées travaillant dans les outre-mer, telle que la société Akuo qui travaille beaucoup dans les Caraïbes, à La Réunion, mais aussi en Amérique Latine et prochainement en Indonésie. Nous donnons l’occasion à ces sociétés de créer des réseaux autres que les réseaux proprement « républicains ». Je crois que c’est l’un des enjeux que nous pouvons nous donner.

2014 a été pour nous une année de transition. En effet, les années précédentes, le secteur bancaire, du fait de la crise, s’était mis en retrait. Nous avons donc joué un rôle contracyclique, en intervenant très fortement dans le refinancement de ce secteur. Ensuite, nous nous sommes retirés : les banques locales étant refinancées par leurs maisons-mères, nous n’avions plus de raison d’intervenir. 2014 a donc très clairement fait rebasculer l’AFD du côté du secteur public et du secteur parapublic.

Pour cette année et les années à venir, notre objectif est double : tout d’abord, maintenir le cap de financement d’1,5 milliard d’euros, conformément au contrat d’objectifs et de moyens signé par la directrice générale de l’AFD, le ministre des finances, le ministre des affaires étrangères et la ministre des outre-mer, avec un volet BPI qui restera aux alentours de 500 millions d’euros et qui devrait même augmenter en raison d’une dynamique assez forte ; ensuite, continuer notre travail sur les collectivités locales et les entreprises.

Le PIB des outre-mer atteint à peu près 52 milliards d’euros. Cela veut dire que le 1,5 milliard d’euros mis en œuvre par l’AFD représente globalement 3 % du PIB des outre-mer, ce qui est loin d’être négligeable. Notre objectif est donc de maintenir au moins ces 3 %, d’être encore plus présents et de rester au plus près des politiques locales sur les problématiques que je viens d’évoquer.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Merci pour cette intervention très intéressante et très éclairante sur les activités de l’AFD.

M. Patrick Lebreton. Je suis moi-même député de La Réunion, mais aussi maire de Saint-Joseph, la commune la plus australe d’Europe, qui compte 38 000 habitants. De fait, nous sommes tout à fait satisfaits du soutien que nous a accordé l’AFD, surtout au cours de ces dernières années, pour réaliser un certain nombre d’investissements importants – assainissement, équipements structurants.

Votre directrice générale soulignait avec justesse dans le rapport que dans les outre-mer persistent des inégalités et un taux de chômage élevé, qui rendent nécessaires la poursuite de politiques volontaristes en faveur de la cohésion sociale, de la création d’emplois, et l’émergence d’un nouveau modèle de croissance.

Toujours selon votre rapport, l’AFD consacre 574 millions d’euros à l’île de la Réunion. Dans le même temps, le niveau d’intervention de l’AFD à destination de l’île Maurice, distante d’à peine 250 km de chez nous, est d’environ 500 millions d’euros. Loin de moi l’idée de critiquer l’aide apportée par l’AFD à l’île Maurice, qui est pour moi « l’île sœur » de la Réunion ; je suis d’ailleurs président du groupe d’amitié parlementaire entre la France et l’île Maurice. Mais j’ai tout de même remarqué que 47,5 millions d’euros étaient consacrés à l’extension du port à conteneurs de la Réunion, et qu’une somme à peu près comparable, c’est-à-dire 43 millions de dollars, était consacrée à l’extension du port à conteneurs de Mer Rouge à l’île Maurice, qui a vocation à devenir le hub du commerce maritime dans la zone de l’Océan Indien.

Pour reprendre les termes du directeur de la Mauritius Port Authority, j’en conclus que l’on peut s’interroger sur la cohérence des stratégies régionales de l’AFD. En clair, est-ce que le hub maritime de l’océan Indien sera à l’île Maurice ou à La Réunion ? L’île Maurice est une partenaire, une amie, mais elle est aussi une concurrente avec des règles sociales et des contraintes fiscales différentes. Cela dit, je reconnais que l’île Maurice ne bénéficie pas du soutien d’une métropole.

Ma question n’est ni tendancieuse, ni provocante. Mais comme vous êtes appelé à travailler à la fois dans l’océan Indien et dans les Caraïbes et que d’autres cas que celui-ci risquent de se présenter, je voudrais savoir s’il existe aujourd’hui à l’AFD une stratégie concertée sur les politiques menées entre la direction des outre-mer, d’une part, et les services chargés des pays de la même aire géographique, d’autre part.

Vous avez parlé tout à l’heure de coopération régionale. Or vous savez très bien qu’il n’est plus concevable de parler de développement sans prendre en compte la dimension régionale. Pour les insulaires que nous sommes, c’est particulièrement important.

M. Jean-Jacques Vlody. Je vais faire écho à l’intervention de Patrick Lebreton. J’avais reçu M. Marc Dubernet lorsqu’il était en poste à La Réunion, pour évoquer avec lui la nécessité d’une coordination de la politique de l’AFD dans les États membres des régions outre-mer et dans les territoires. Il semble que cette démarche n’ait pas été entreprise jusqu’à présent.

C’est un peu une attitude naturelle pour l’État français que de mener une politique de coopération et de développement, d’accompagnement des pays en voie de développement sans se préoccuper de manière régulière de la réalité des territoires français qui sont dans ces régions. On pourrait sortir de cette conception centralisée et parisienne, et imaginer l’inverse, c’est-à-dire accompagner le développement des pays qui se trouvent à l’entour des territoires ultramarins à partir de ces territoires. D’où ma question : comment mener, à travers l’AFD, une politique de développement des pays de la zone à partir des têtes de pont de notre République et de l’Europe que constituent les territoires d’outre-mer ?

Cela dit, j’ai entendu avec satisfaction ce que vous avez dit sur les financements FEDER en partenariat avec la région, et sur l’impérieuse nécessité de trouver des financements pour la réhabilitation des logements sociaux.

L’AFD est l’actionnaire majoritaire de la SIDR, la Société immobilière du département de la Réunion, qui est elle-même le premier opérateur de logements sociaux. La réhabilitation est un des enjeux majeurs de la SIDR qui, en tant qu’opérateur public, ne bénéficie ni de la défiscalisation, ni d’un accompagnement financier. Les premiers locataires de la SIDR vivent aujourd’hui dans des logements insalubres dont certains ne seraient même plus éligibles à l’aide de la Caisse d’allocations familiales en raison de leur état. Une telle situation est socialement insupportable. Il est donc urgent d’accompagner financièrement la SIDR pour permettre la réhabilitation de ces logements.

Je profite de l’occasion pour vous interroger, en tant que représentant de l’actionnaire majoritaire, sur la question de l’accession à la propriété des locataires de logements sociaux. Pendant des années, les opérateurs ont construit des logements qu’ils ont rétrocédés aux occupants dès le début, sous certaines conditions – par exemple, location-vente ou loyers d’accès différé ; nous en avons des exemples dans toutes nos communes. Mais aujourd’hui, une certaine frilosité et certaines difficultés de nature financière – difficultés supposées – semblent bloquer l’accession à la propriété. Or c’est une aspiration très forte des populations, en particulier à La Réunion. Certains logements, tels qu’ils sont conçus – notamment les maisons de villes, petites structures urbaines autonomes les unes des autres – s’y prêteraient pourtant parfaitement... à condition que la volonté politique soit vraiment là.

Enfin, ne croyez-vous pas que ce serait un juste retour des choses que de permettre à un locataire qui a déjà payé plusieurs fois son logement, d’en devenir propriétaire en le repayant une dernière fois ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Monsieur Richy, vous avez signalé qu’un tiers des financements accordés par l’Agence sont en fait des prestations réalisées par l’AFD pour BPI. Pourriez-vous nous parler de l’état actuel de la collaboration entre les deux institutions ?

M. Fabrice Richy. Commençons par l’intégration, ou la coopération, régionale.

J’ai entendu parler de l’histoire des deux ports, - je ne travaillais pas encore sur l’Outre-Mer à l’époque - et je peux témoigner des réactions qu’elle a provoquées en interne. Si j’ai dit que l’AFD avait deux jambes et qu’elle ne savait sans doute pas encore les utiliser de la meilleure manière possible, c’est aussi parce que la discussion qu’a provoquée cette histoire nous a fait prendre conscience de la nécessité d’assurer la cohérence de nos politiques et de nos financements –nous avons sans doute à notre disposition des moyens pour y parvenir.

Mais cette nécessité, à l’heure actuelle, ne concerne pas seulement l’AFD. Elle concerne plus globalement le dispositif public dont l’Agence n’est qu’une des représentations. Une meilleure coordination est sans doute possible entre les différents acteurs (partenaires locaux, ambassades, services des préfectures etc) qui agissent chacun avec leurs propres outils et selon leurs agendas et priorités.

Parce que nous en sommes conscients, nous avons adopté depuis quatre ans une stratégie interne à l’AFD sur la coopération régionale. En même temps, l’Agence est une vieille dame… Nous travaillons chaque jour pour mieux inscrire nos politiques d’intervention dans leur contexte régional.

Je sais que dernièrement, des amendements ont été adoptés pour obliger la puissance publique à se coordonner. C’est un premier pas, même si je ne suis pas sûr que ce soit suffisant. Sans doute vous-mêmes, en tant que députés, aurez-vous à remettre le chantier sur la table de l’Assemblée. Je ne doute pas que vous le fassiez au moment opportun. Mais c’est l’ensemble du dispositif qu’il faudrait réformer petit à petit.

Je ne peux pas vous dire plus que cela : le dossier des deux ports a provoqué une prise de conscience chez tous les acteurs ; le dispositif public doit mieux se coordonner ; enfin, nous ne sommes qu’une représentation de ce dispositif public.

Je préfère rester modeste sur le sujet, tout en sachant que cette problématique est prise en compte. Le principal sujet est de savoir comment arriver, dans une perspective pas trop lointaine, à mieux coordonner les acteurs (et ce faisant les actions de l’AFD). Je suis sûr que l’on y arrivera, mais c’est un travail de longue haleine et de tous les jours.

M. Jean-Jacques Vlody. Il ne s’agissait pas de faire le procès de l’AFD, mais d’alerter le directeur de son département Outre-mer sur cette réalité.

M. Fabrice Richy. J’ai parlé tout à l’heure de l’organisation, projetée par l’AFD, d’un séminaire à Mayotte sur le microcrédit. Nous avons l’intention d’y inviter des représentants du microcrédit de la sous-région Océan Indien, justement en relation avec les agences de l’AFD. Ce sera l’occasion d’un partage d’expériences. Tout cela est un peu novateur. Certes, ce n’est pas ainsi que l’on va réinventer le monde.

M. Philippe Houillon. C’est dommage !

M. Fabrice Richy. Mais au moins, à notre niveau, avec nos moyens d’action, on agit ! De même, il y a quinze jours, quand je suis allé à la Réunion, j’ai rencontré longuement le secrétaire général qui est très intéressé par l’intégration régionale.

J’ai travaillé longtemps dans les Caraïbes et en Nouvelle-Calédonie ; il se trouve que, pour des raisons de carrière, je suis parti à l’étranger pendant sept ans. Pendant cette période, à mes yeux, la situation a un peu évolué : des réseaux commencent à se nouer, des entreprises commencent à travailler dans d’autres zones géographiques. A titre d’exemple, une société de téléphonie mobile réunionnaise (que nous avons récemment accompagnée) travaille dans la sous-région. Sans doute trouvez-vous que cela n’avance pas assez vite. Pourtant, petit à petit, « la mayonnaise commence à prendre ».

À propos du logement, je voudrais d’abord préciser que nous ne sommes pas seuls actionnaires de la SIDR : nous portons également les parts de l’État, qui a la parole la plus forte dans les conseils d’administration de la SIDR, comme dans ceux d’autres sociétés immobilières d’outre-mer. Voilà pourquoi j’avais tenu à préciser dans mon intervention que pendant longtemps, soit pratiquement dix ans – cela n’a jamais été le cas à la SIDR – l’AFD avait eu des agents dans les sociétés immobilières mais que maintenant il n’y en avait pratiquement plus. Depuis quatre ou cinq ans, l’État a très fortement repris la main sur la gestion des sociétés immobilières. Je ne dis pas que c’est un bien ou un mal ; c’est une donnée.

Dans ce contexte l’AFD est toujours consciente des enjeux de l’habitat, secteur qu’elle continue d’accompagner activement et c’est bien pour cela qu’elle travaille à la mise en place du prêt bonifié dont j’ai parlé tout à l’heure. Nous nous y intéressons de très près ; nous sommes en train de faire une étude sur le sujet en partenariat avec la région Réunion. J’espère que l’on pourra aboutir sur ces questions de financement de la réhabilitation, qui sont très lourdes pour la SIDR, mais aussi dans d’autres régions.

J’espère également que le projet de bonifier des prêts par le fonds FEDER aboutira, car il permettra d’ouvrir des perspectives. Entre des fonds FEDER et nous, l’effet de levier devrait jouer à plein : pour un euro mis, l’objectif recherché serait d’arriver à 3, 4, 5 euros investis. C’est l’objectif recherché. On y travaille avec la région Réunion et, sur un autre secteur, avec la Guadeloupe. Si ces projets se réalisaient, cela pourrait faire école.

J’ai été interrogé sur l’accession à la propriété. C’est un sujet que je connais bien. Il est exact qu’en général, les sociétés immobilières sont réticentes à faire de l’accession à la propriété. J’ai été moi-même directeur général d’une société immobilière et, en cette qualité, j’éprouvais cette réticence. En effet, ce n’est pas la construction qui fait vivre une société immobilière, ce sont les loyers. À long terme, c’est un enjeu énorme de soutenabilité de la société qui est posé par la pratique de l’accession. Si on aborde le sujet d’une manière très politique en disant qu’il faut vendre parce qu’il faut vendre, on risque un blocage de la société. C’est donc davantage dans le cadre des plans stratégiques de patrimoine qu’il faudrait identifier les secteurs qui seraient ouverts à la vente, selon des modalités bien précises. Si des décisions en ce sens sont prises par le conseil d’administration et assumées par l’ensemble de la classe politique, on pourra sans doute construire des politiques d’accession à la propriété beaucoup plus solides.

Si l’on peut citer de beaux exemples de ventes du patrimoine, on peut aussi citer des exemples catastrophiques, qui aboutissent à une propriété dégradée. C’est pour cela qu’il faut lancer la vente sur certaines parties de patrimoine. Il faudrait donc que les conseils d’administration décident quelle partie du patrimoine peut être concernée. Il faut une politique construite, et se garder d’une logique du « tout ou rien ». Souvent, les directeurs généraux et les équipes de direction craignent d’être embarqués dans un système qu’ils ne contrôlent plus, alors même que la pérennité de toute société est liée aux loyers.

M. Jean-Jacques Vlody. Voilà qui est clair !

M. le président Jean-Claude Fruteau. En effet, il faut se garder du tout ou rien : tout pour garder la propriété des logements, et rien pour la réhabilitation des mêmes logements. Il faut par ailleurs tenir compte de la règle générale que vous édictez, à savoir que ce n’est pas sur la construction des logements, mais sur leur location et sur le fait de les garder le plus longtemps possible que s’assoit la solidité financière des sociétés immobilières. Reste que cela ne justifie pas le fait que des logements vieux de plus de quarante ans soient devenus insalubres – voire soient, comme certains logements de la SIDR, de véritables bidonvilles.

C’est une lourde charge pour les municipalités, car elle leur retombe dessus périodiquement, lorsque certaines personnes, parce qu’elles vivent dans des taudis, bloquent les routes. Par ailleurs, le fait que des familles entières vivent dans des conditions insupportables nuit à l’image de la société immobilière propriétaire. Pourtant, au départ, les logements ainsi contestés ont été un élément essentiel de l’amélioration de l’habitat.

Il faudrait en effet que les conseils d’administration se penchent sur la question, qui est, malheureusement, trop souvent occultée. Il y a une vraie prise de conscience à provoquer. J’observe que l’AFD fait partie de la gouvernance des sociétés immobilières. Certes, elle n’en est pas l’actionnaire majoritaire. Mais enfin, elle est une société publique, et elle porte les parts de l’État. Je pense donc qu’elle a un pouvoir d’influence considérable. La remarque vaut aussi pour les élus qui, ici ou là, participent au conseil d’administration.

M. Fabrice Richy. Ce ne peut être que de l’ordre du projet collectif.

Je voudrais préciser qu’à la SIDR, par exemple, nous avons deux sièges et que l’État en a quatre. Quoi qu’il en soit, dans les sociétés immobilières, le sujet de la gouvernance est très compliqué, et la situation mériterait d’être clarifiée.

Les relations avec la BPI sont bonnes. De nombreux collaborateurs de l’AFD travaillent pour elle : au moins 6 à La Réunion, 4 ou 5 en Martinique, autant en Guadeloupe, etc. Au total, un peu plus de 25 personnes assurent au quotidien l’ensemble du traitement des dossiers BPI, recevant les clients et les entreprises, dans un rapport de prestation de services axé sur les problèmes de trésorerie. Les crédits à court terme représentent en effet une bonne partie de notre activité BPI.

Nous sommes satisfaits parce que la représentation BPI constituait pour nous un enjeu. La mise en place de ce grand projet public a été réalisée très rapidement, début 2014, dans des conditions qui n’étaient pas évidentes. Comme dans toute relation entre des établissements partenaires, il convient de s’ajuster, mais je crois qu’en définitive, passées les étapes liées à l’organisation du travail et à la bonne coordination, nous pouvons être satisfaits du travail que nous faisons pour le compte de cette banque.

M. François Parmantier. En fait, les trois cinquièmes de l’activité correspondent au financement à court terme. C’est un pourcentage très significatif, qui répond à l’essentiel du besoin des petites entreprises ultramarines.

Petit rappel sur le contexte ayant conduit à ce dispositif AFD/BPI dans les DOM : le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, avait en effet annoncé en juillet en Martinique que l’AFD interviendrait pour le compte de BPI. Vous imaginez bien que pendant les quatre derniers mois de l’année 2013, tous nos efforts ont tendu à rendre opérationnels l’ensemble des dispositifs.

Ce chantier très conséquent a mobilisé l’ensemble de nos deux maisons. Pendant les quatre derniers mois de 2013, des groupes de travail techniques– ont permis de travailler avec BPI, main dans la main, sur les produits, les systèmes d’information, la formation des personnels. Au 1er janvier 2014, l’ensemble des équipes était sur le pont pour commercialiser l’ensemble des produits BPI, de sorte que, depuis maintenant un an et demi, une demande insistante des socioprofessionnels ultramarins se trouve satisfaite.

M. Jean-Jacques Vlody. J’aimerais que vous nous donniez votre appréciation sur la pertinence des produits BPI par rapport à la structure des entreprises. A la Réunion, il y a 80 ou 90 % de TPE ou PME. Est-ce que les produits BPI sont bien adaptés à ce type d’entreprises, ou sont-ils plus adaptés aux 10 % de grosses entreprises que nous avons sur notre territoire ? Ces outils sont-ils suffisamment pertinents ? Doivent-ils être améliorés par rapport à la structure des entreprises de notre territoire ?

M. François Parmantier. La BPI a nommé –c’est une différence substantielle avec l’ancien système – deux directeurs interrégionaux, qui sont arrivés à la fin de décembre 2013 : Christian Quéré à Saint-Denis (pour Mayotte et la Réunion), et Michèle Papalia à Pointe-à-Pitre (pour les Antilles et la Guyane). Ils sont également vos interlocuteurs, et sont à l’écoute des entreprises.

Avec le recul de quinze mois, nous nous rendons compte que l’essentiel des produits répond effectivement aux besoins. Je rappelle qu’aujourd’hui la gamme de produits va du financement court terme jusqu’au cofinancement, et dans certains cas, jusqu’au cofinancement AFD, BPI plus une banque, en passant par des systèmes de garantie – cela correspond à l’activité de l’ancien Fonds DOM que vous connaissiez, qui a bénéficié à plusieurs centaines d’entreprises, y compris les petites entreprises ultramarines.

Je pense, sans vouloir répondre à la place de M. Quéré ou de Mme Papalia, que la BPI est elle aussi soucieuse d’adapter son système et sera à l’écoute de demandes émanant des socioprofessionnels en vue de l’évolution de certains produits.

C’est ainsi que la BPI a décidé fin 2014, avec début de mise en œuvre début 2015, de pratiquer la subdélégation pour les garanties. Afin de raccourcir les délais de décision et de faciliter la fluidité des décisions d’octroi de garanties, les seuils de subdélégation en banque ont été portés à 200 000 euros. Concrètement, cela signifie qu'aujourd’hui, lorsqu’une entreprise va voir sa banque, dès lors que l’on est sur un montant inférieur à 200 000 euros, la banque décide elle-même d’imputer la garantie. Il s’agit bien là d’une adaptation aux des besoins des entreprises.

Bien évidemment, dès lors que de nouveaux besoins seront exprimés dans des proportions qui permettent à un organisme comme BPI de mettre en place une nouvelle ligne de produits ou d’adapter des produits existants, nous aurons tous à cœur – la BPI comme nous-mêmes qui sommes, d’une certaine façon, les revendeurs de ses produits – de satisfaire ces besoins.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Monsieur Richy, il ne me reste plus qu’à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs.

M. Fabrice Richy. Nous restons à votre disposition.

(M. Fabrice Richy, M. François Parmantier et Mme Zolika Bouabdallah se retirent)

M. Jean-Claude Fruteau. L’ordre du jour appelle maintenant la désignation d’un rapporteur sur le régime juridique de la contribution au service public de l’électricité.

La réforme de cette contribution a été jugée indispensable par la Commission européenne, qui conteste sa conformité avec le droit européen. Le Gouvernement a reconnu la nécessité d’un tel changement. A l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la transition énergétique, un sénateur a proposé et fait adopter une solution rapide et radicale : réserver la CSPE aux actions en faveur des énergies renouvelables. Cette initiative ferait disparaitre le financement par la CSPE de la péréquation des tarifs d’électricité outre-mer. Il serait fâcheux qu’elle soit poursuivie jusqu’à son terme.

La délégation ne peut rester en position de spectateur dans un tel débat. Je souhaite qu’elle établisse un rapport sur cette question et je souhaite être rapporteur, ou du moins l’un des co-rapporteurs. J’aurais voulu, conformément aux usages de la délégation, qu’un co-rapporteur, soit un député métropolitain, soit un membre d’un autre groupe politique, puisse être désigné. Mais les contacts que j’ai pris en ce sens sont restés infructueux en l’état.

Dans l’attente de nouveaux développements sur ce point, je propose à la délégation de me désigner comme rapporteur sur le régime juridique de la contribution au service public de l’électricité.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 18 heures 35