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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Delphine Batho, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, et M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour cette première audition devant notre commission qui sera suivie de bien d’autres dans les mois et les années à venir.
Je souhaite que vous concentriez vos interventions sur ces thèmes d’actualité que sont le bilan de la conférence « Rio + 20 », l’organisation de la conférence environnementale prévue avant le 15 septembre prochain, le programme du Gouvernement en matière de transition énergétique et écologique ainsi que l’avenir du schéma national des infrastructures de transport (SNIT).
Si la loi dite Grenelle I, très ambitieuse sur le plan environnemental, a été votée à l’unanimité en 2009, il n’en a pas été de même de la loi dite Grenelle II, l’opposition d’alors considérant que les instruments juridiques et fiscaux destinés à la soutenir n’en permettraient pas la réalisation. Des reculs ont été enregistrés, notamment s’agissant de la fiscalité – taxe carbone –, du report modal vers le ferroviaire ou de la responsabilité sociale et environnementale. Le Grenelle de l’environnement et la gouvernance associée demeurent-ils d’actualité ? Reviendrez-vous sur ces reculs ? La conférence environnementale représente-t-elle une sorte d’« acte III » du Grenelle destiné à lui donner un nouveau souffle et quelles priorités l’État y défendra-t-il ?
En ce qui concerne le « volet transport », la Cour des comptes a préconisé dans un récent rapport sur l’impact budgétaire et fiscal du Grenelle de procéder à des arbitrages tenant compte de la situation des finances publiques. Elle s’est plus particulièrement interrogée sur l’ampleur des créations de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) envisagées dans le SNIT qui ne sont pas budgétairement soutenables et dont la rentabilité financière ou socio-économique, non plus que l’intérêt environnemental, ne sont établis. Elle a estimé qu’il fallait accorder la priorité à la modernisation et à l’entretien du réseau ferroviaire existant. Partagez-vous cette analyse, monsieur le ministre ? Quelles sont, par exemple, les lignes d’ores et déjà considérées comme prioritaires et celles dont la réalisation est appelée à être différée ?
Enfin, à l’automne dernier, nous avons lu avec beaucoup d’intérêt le rapport de Guillaume Sainteny, qui avait été auditionné par la commission le 15 février dernier, sur les aides dommageables à la biodiversité. Quelles suites le Gouvernement envisage-t-il de lui donner ? Dans un contexte budgétaire contraint, qui n’interdit pas néanmoins de faire évoluer la structure de la ressource fiscale à périmètre constant ou croissant, pouvons-nous espérer des propositions et des avancées dans le cadre du projet de loi de finances 2013 ?
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je vous remercie de votre accueil et je salue les députés réélus ou nouvellement élus.
S’agissant, tout d’abord, des enjeux liés à la conférence environnementale, je rappelle que le changement climatique dû aux gaz à effet de serre est désormais scientifiquement avéré. Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 40 % entre 1990 et 2010 et, après une légère baisse en 2009, sont reparties à la hausse. Les dernières conférences internationales sur le climat de Copenhague et de Rio témoignent d’un recul de l’ambition de la communauté internationale. Le réchauffement climatique risque ainsi d’être largement supérieur à deux degrés à l’horizon 2100, température au-dessus de laquelle l’incertitude quant aux impacts sur nos sociétés croît de façon considérable. L’Union européenne produit 13 % des émissions mondiales de CO2 – avec une baisse de 12 % depuis 1990 – et la France 1,3 % – en légère croissance depuis 1990. La dégradation de l’empreinte carbone de notre pays, estimée à partir de la consommation des produits, laisse craindre qu’elle soit principalement due à la désindustrialisation et non à des stratégies de lutte contre le changement climatique. Je rappelle que, dans le « paquet Énergie-Climat », l’Union européenne s’est fixé l’objectif dit des « trois fois vingt » : baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique et de 20 % des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale. En 2009, un peu plus de la moitié du chemin était parcourue en matière d’émissions de gaz à effet de serre. C’est dans un tel contexte que la France s’est engagée à diviser ses propres émissions par quatre à l’horizon de 2050.
En matière de biodiversité, les scientifiques considèrent que nous sommes entrés dans la sixième grande phase d’extinction des espèces. Si nous avons pris conscience des dangers liés au changement climatique, on ne peut, hélas, en dire autant dans ce domaine. Sur le plan mondial, on évoque en effet la disparition de 12 % des oiseaux, 25 % des mammifères et 32 % des amphibiens d’ici à 2100. L’une des raisons majeures d’une telle situation est l’artificialisation continue et croissante des sols. En France, 600 km2 sont ainsi artificialisés chaque année, ce qui représente l’équivalent d’un grand département tous les dix ans.
S’agissant des négociations internationales sur le climat, nous sommes évidemment déçus par l’accord a minima intervenu à Rio. Nous essaierons toutefois de travailler à la réalisation de programmes d’action ambitieux à travers les objectifs de développement durable (ODD). D’ores et déjà, la France prépare deux grands rendez-vous internationaux : la conférence sur la biodiversité qui se tiendra à Hyderabad, en Inde, du 8 au 19 octobre 2012 – nous présiderons la table ronde consacrée à la question des océans – ainsi que la conférence sur le climat de Doha qui se déroulera du 26 novembre au 7 décembre prochain. Sans doute cela pourrait-il donner lieu à des échanges ou à des auditions dans le cadre de votre commission.
Le Président de la République l’a assuré : les transitions écologique et énergétique doivent être au cœur de la politique du redressement dans la justice. L’écologie sociale constitue à la fois un impératif – urgences liées au réchauffement climatique, problèmes de pouvoir d’achat, d’accès à l’énergie, de raréfaction des ressources – et un levier afin de sortir de la crise et de développer des politiques vertueuses s’inscrivant dans la mutation de notre modèle de développement tant sur un plan écologique que social et économique.
Le Grenelle de l’environnement fut une avancée majeure. La loi dite Grenelle I a en effet été adoptée à l’unanimité et a transposé 268 engagements issus de la consultation portée par l’ensemble des acteurs – ONG, acteurs sociaux et économiques, élus. La loi dite Grenelle II, quant à elle, n’a pas fait l’objet de la même unanimité et n’est pas parvenue à prolonger l’élan initial, même si elle constitua un acte législatif d’importance. De surcroît, tous les décrets d’application n’ont pas vu le jour et des reculs ont eu lieu dans un certain nombre de domaines, comme l’a signalé le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du 15 février, notamment en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables – impact économique désastreux sur un certain nombre de filières, dont le photovoltaïque –, les pesticides – dont la consommation a augmenté alors qu’elle devait être réduite – ou la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – les décrets qui ont été pris suscitant un certain nombre de controverses. Enfin, les derniers mois du dernier quinquennat ont non seulement été marqués par un essoufflement des engagements sur les questions environnementales, mais par quelques déclarations révélatrices, telles que celle-ci : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ».
Le Gouvernement s’inscrit à la fois dans une forme de continuité et dans la rupture à l’endroit du Grenelle et de la politique qui a été précédemment menée. La conférence environnementale vise ainsi à placer le dialogue environnemental sur le même plan que le dialogue social tel que la récente conférence sociale l’a illustré. Nous tenons ainsi à marquer le début du quinquennat en organisant une vaste conférence environnementale qui permettra d’établir la feuille de route des concertations et des grands chantiers qui doivent être ouverts. Les acteurs du Grenelle seront convoqués et les cinq collèges, de même que les parlementaires, seront associés aux travaux.
Néanmoins, si le Grenelle était l’aboutissement d’un processus de consultations, la conférence environnementale doit être un point de départ. Le 18 juillet, je présenterai une communication en Conseil des ministres afin d’en exposer l’architecture que j’évoquerai dès demain devant le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement. Nous envisageons, après une première phase de concertation avec plusieurs organisations, que la conférence environnementale aborde deux priorités majeures : l’énergie et la biodiversité. Nous la concevons également comme une « conférence sur la méthode » qui devra s’appliquer au débat national sur la transition énergétique, dont j’espère qu’il sera largement décentralisé. Ce dernier débouchera sur un projet de loi de programmation qui devrait être présenté devant le Parlement au premier semestre de 2013.
S’agissant de la biodiversité, nous avons besoin d’une véritable prise de conscience citoyenne. Il conviendra, en outre, de réaliser un bilan des engagements du Grenelle dans ce domaine. Le Président de la République souhaite que ce processus de concertation aboutisse à l’élaboration d’une loi-cadre sur la biodiversité afin d’appréhender de façon transversale l’ensemble des questions qui se posent. Je gage qu’une telle ambition de reconquête de la biodiversité accroîtra le rayonnement de notre pays.
La conférence environnementale devrait avoir lieu durant la première quinzaine du mois de septembre. Le Président de la République l’introduira et le Premier ministre la conclura, comme ce fut le cas pour la conférence sociale. Y participeront l’ensemble des ministres intéressés : la ministre du logement – pour les problèmes d’isolation thermique des logements ou les règles d’urbanisme –, le ministre du redressement productif, la ministre de la recherche, etc. Il s’agit de mobiliser l’ensemble du Gouvernement autour d’une feuille de route environnementale.
La conférence environnementale devra également intégrer trois enjeux majeurs : la fiscalité écologique – nous devons rattraper notre retard et engager toutes les réflexions et toutes les études d’impact quant à ses conséquences sociales et économiques, ce qui n’empêche pas que des mesures soient prises dès le projet de loi de finances pour 2013 ; le lien entre la santé publique et l’environnement – utilisation de certaines substances chimiques, perturbateurs endocriniens, loi sur le bisphénol, qualité de l’eau ; enfin, la gouvernance environnementale –. Si une étape a été franchie avec le Grenelle de l’environnement, il importe d’approfondir les discussions sur la représentativité et de s’inscrire dans une réflexion plus large liée à la nouvelle étape de la décentralisation : quelle démocratie écologique voulons-nous sur un plan local et national ?
Je rappelle, de plus, que la conférence environnementale aura lieu chaque année : nous aurons ainsi l’occasion de faire le point sur la feuille de route écologique du Gouvernement, sur son application, sur le respect de l’agenda et sur la mobilisation de tous les ministres concernés.
Enfin, je précise que je resterai à la disposition du Parlement et que je répondrai à toutes vos demandes d’audition. Je tiens également à répondre dans les délais aux questions, notamment écrites, de chacun d’entre vous, à produire les études d’impact qui seront sollicitées afin d’éclairer le débat législatif et à remettre au Parlement les études et les rapports exigés par la loi. À ce propos, je tiendrai à votre disposition la liste de ceux qui étaient prévus par le Grenelle de l’environnement et qui ne vous ont pas encore été remis.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. C’est avec plaisir que je me retrouve aujourd’hui devant vous, mesdames et messieurs les députés. Je vous félicite pour votre élection et, surtout, pour votre participation aux travaux de cette commission qui m’est chère puisque j’y ai longtemps siégé.
Je souhaite que le travail parlementaire dans le domaine des transports soit au cœur de notre politique. Je sais combien les problèmes auxquels nous sommes confrontés ont en l’occurrence suscité enthousiasme, fébrilité, attentes profondes. C’est ensemble que nous devrons y répondre ! Cela me semble d’autant plus important que, comme l’a rappelé Mme la ministre, de nombreuses annonces ont été faites ces derniers mois et ces dernières années, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Par exemple, la France s’était engagée à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 : nous en sommes fort loin.
La politique des transports doit s’inscrire dans une démarche environnementale. Or le report modal n’a pas été effectif, puisque le transport routier représente aujourd’hui plus de 83,4 % de l’ensemble des transports de marchandises, le ferroviaire 9,4 % – quand le Grenelle tendait à porter la part du trafic de fret ferroviaire à plus de 25 % – et le fluvial 2,2 % seulement. Les assises du ferroviaire, auxquelles nombre d’entre vous ont participé, ont eu lieu au second semestre de 2011. Chacun avait alors constaté l’échec de la politique menée. Aujourd’hui, le secteur ferroviaire est à bout de souffle : la dette de Réseau ferré de France (RFF), qui est très élevée, pourrait croître au rythme de 1 à 2 milliards d’euros par an, jusqu’à atteindre 55 milliards en 2025. De plus, le réseau ferroviaire est vétuste, dégradé, incapable d’absorber une croissance en volume et de répondre aux attentes des territoires. Pire : les incidents se succèdent et sont, hélas, inévitables compte tenu du retard qui a été pris en matière d’entretien et d’investissement.
Le SNIT est également au cœur de nos préoccupations. Là encore, de nombreuses annonces ont été faites par nos prédécesseurs – un véritable inventaire à la Prévert des infrastructures indispensables d’ici à 2020-2025 – sans que les financements aient été au rendez-vous. À ce jour, nous comptons ainsi 245 milliards d’euros de projets non financés alors que la capacité annuelle de financement de l’AFITF s’élève à environ 2 milliards par an. J’évoquerai quant à moi un certain nombre de projets : la ligne LGV dans la région PACA – 16 milliards –, la ligne Paris-Normandie – 7 à 9 milliards –, la liaison Lyon-Turin – 13 milliards –, le canal Seine-Nord Europe – 4 milliards –, la traversée centrale des Pyrénées – 5 à 10 milliards.
Nous nous emploierons également à apaiser les relations avec les collectivités locales tant les relations contractuelles qu’elles ont nouées ne correspondent hélas plus aux enjeux liés aux transports. De surcroît, les dernières mesures qui ont été prises ne vont pas dans le sens de la simplification, bien au contraire.
Le Président de la République s’est engagé à faire des transports un instrument de lutte contre la fracture territoriale afin que nombre de nos concitoyens ne se sentent plus exclus de l’emploi et que les transports deviennent un élément de croissance, d’aménagement du territoire et d’équilibre. Comme le précise le vingt-huitième engagement qu’il a pris, nous veillerons à ce que la qualité de service soit effective, notamment en Île-de-France et dans les territoires les plus enclavés. Telle est la feuille de route que respecterons.
Dès la rentrée, nous donnerons les grandes orientations politiques qui guideront notre action dans le domaine des transports à partir d’un certain nombre de principes : priorité à la remise à niveau et à la modernisation du réseau existant, amélioration de la qualité de service des transports au quotidien ainsi que de la desserte des territoires, moyens de financement des travaux.
L’acte III de la décentralisation comprendra également une feuille de route concernant les transports et les relations contractuelles – ou non – relatives aux compétences reconnues aux différentes collectivités territoriales, ainsi que les modes de répartition des financements croisés qui, s’ils ont été critiqués sous la précédente législature, n’en demeurent pas moins au cœur de l’investissement public.
Nous engagerons aussi la réforme du secteur ferroviaire alors que l’État n’a pas assumé ses responsabilités et a renoncé pendant trop longtemps à fixer les principes de son organisation. Avec l’ensemble des parties prenantes et dans le cadre d’un véritable dialogue social, nous ferons en sorte d’éviter l’ouverture à la concurrence avant que les entreprises ferroviaires publiques n’y aient été préparées. Nous savons, en effet, combien les conditions d’une telle ouverture ont été préjudiciables, notamment au fret SNCF.
Sans présumer du résultat des concertations, nous devrons simplifier le système en vigueur et, notamment, la gestion des infrastructures, laquelle devra concilier efficacité économique et sécurité juridique. Les compétences au sein de notre système ferroviaire sont aujourd’hui diffuses et ne répondent pas aux exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité opérationnelles, qui plus est dans un contexte européen impliquant de nouer d’importantes relations bilatérales avec nos voisins allemands notamment.
Par ailleurs, le secteur routier connaît également des difficultés importantes : les PME subissent une concurrence difficile dont il ne faut pas sous-estimer la déloyauté et le caractère socialement inacceptable. Notre système est à bout de souffle !
Nous mettrons en place l’« écotaxe » poids lourds, sans que les répercussions économiques qui pourraient se faire jour pénalisent la vitalité et la compétitivité des entreprises et nous financerons ainsi les infrastructures nécessaires et l’accompagnement du secteur. Loin d’opposer les modes de transport entre eux, nous voulons au contraire en assurer la complémentarité.
Innovation de ce Gouvernement : la gestion des affaires maritimes ne sera plus divisée en une dizaine de secteurs ministériels en fonction des différents enjeux. Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie travaille donc à la mise en place d’une politique maritime intégrée, et j’aurai quant à moi l’honneur de présenter les axes de nos réformes en la matière devant les deux commissions concernées, la vôtre bien sûr et celle des affaires économiques.
Le Président de la République a eu l’occasion de dire combien les enjeux maritimes sont importants pour la France, pays qui possède le deuxième domaine maritime mondial. Il relève en effet de notre responsabilité de lier la réforme et l’accompagnement des complémentarités de l’interface terre-mer, les enjeux portuaires et le désenclavement de nos ports. Nous devons également tirer les conséquences du rôle de la mer dans l’économie mondiale et faire en sorte que la formation ainsi que l’attractivité des métiers de la mer deviennent autant de priorités. Précisément, nous veillerons à ce que l’installation de l’École nationale supérieure maritime soit effective et qu’aucun établissement ne soit négligé ou n’ait de craintes pour sa pérennité.
Les énergies marines renouvelables constituent également une priorité, de même que la protection de l’environnement marin. Dans le cadre de la décentralisation, des études concertées ont été engagées pour la création de parcs naturels.
Enfin, nous veillerons à réformer les services de l’État dans le domaine public maritime en favorisant notamment la déconcentration des services et la gouvernance par façade maritime qui est aujourd’hui nébuleuse – c’est un euphémisme – et d’une efficacité toute relative.
J’aurai sans doute l’occasion d’évoquer la question des transports aériens, mais je préfère que nous engagions le débat.
M. Martial Saddier. Au nom des commissaires membres du groupe UMP, je réaffirme ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire ce matin : nous souhaitons travailler en bonne intelligence avec la majorité. Les premiers signaux envoyés par le Gouvernement laissent d’ailleurs penser que vous aurez besoin, madame la ministre, du soutien de l’ensemble des membres de la commission.
Le Grenelle de l’environnement avait abouti à la mise en place d’un grand ministère transversal dont le spectre d’activité était extrêmement large. À sa tête, le ministre d’État occupa successivement, dans le rang protocolaire, les deuxième et quatrième places du Gouvernement quand vous vous situez, madame la ministre, au dixième rang sans pouvoir agir sur une zone d’influence comparable. Cela ne constituera-t-il pas un lourd handicap dans le contexte que nous connaissons ?
En outre, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a cité quatre ministères prioritaires : le vôtre n’en faisait pas partie. Alors que l’équilibre des finances publiques est essentiel et que nous ne sommes pas encore sortis de la crise économique européenne et mondiale, nous craignons des suppressions de postes dans des ministères tels que le vôtre ainsi que l’annulation de plusieurs projets.
La foudre s’est-elle abattue sur le ministère de l’environnement lors du premier remaniement ministériel ? Quelles ont donc été les conditions pour que les autorisations administratives de forage en Guyane aient été délivrées alors que, jusqu’ici, cela n’avait manifestement pas été possible ?
Nous prenons acte de l’organisation d’une conférence environnementale annuelle. Vous avez d’ailleurs évoqué une certaine continuité par rapport au Grenelle de l’environnement, preuve que les versions I et II du Grenelle n’étaient pas si mauvaises que cela ! Nous souhaitons donc que cette conférence suscite autant d’avancées législatives et définisse autant de priorités que ce fut le cas sous la précédente législature.
J’ajoute que la loi de modernisation agricole avait permis de limiter l’artificialisation des sols.
La réalisation d’infrastructures de transport prend du temps. Avec le Grenelle de l’environnement, un certain nombre d’entre elles ont été fléchées et une véritable politique de transfert modal a été engagée. De nouveaux arbitrages ont-ils été rendus ou le SNIT s’en chargera-t-il ?
Vous engagez-vous à publier les 30 % de décrets d’application de la loi Grenelle II qui doivent encore l’être ?
Quid de la réforme du code minier et de la politique de l’air — un contentieux européen étant en cours, des réponses doivent être apportées d’ici à la fin de l’année ?
Qu’en est-il, enfin, du respect de nos engagements quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
M. Jean-Yves Caullet. Au nom du groupe SRC, je vous remercie, madame, monsieur les ministres, du temps que vous nous accordez aujourd’hui.
Le spectre de vos attributions est tellement large qu’il englobe des enjeux généraux sur les plans national et international, mais aussi des préoccupations locales très importantes pour la vie quotidienne de nos concitoyens telle que, par exemple, la transition énergétique, puisque la limitation du réchauffement climatique a des conséquences directes sur nos conditions de vie et notre pouvoir d’achat. Les enjeux du transfert modal sont également généraux, mais ils concernent également au premier chef la mobilité au quotidien, puisque certains Français sont toujours contraints d’utiliser leur véhicule personnel. Le succès de notre politique dépendra de notre capacité collective – Gouvernement, Parlement et ensemble des acteurs de ce secteur – à gérer la cohérence entre ces deux plans.
Les contraintes européenne et internationale s’imposent bien évidemment à notre pays en matière environnementale et de transport. Relever les défis auxquels nous sommes confrontés impliquera, dans le cadre de la décentralisation, de partager les objectifs et de conjuguer les énergies afin que les actions que nous mènerons soient le plus efficaces possible.
Je salue votre volonté de promouvoir un travail collégial au sein du Gouvernement, ce qui changera des politiques très personnalisées de naguère où chacun tenait à brandir son étendard pour se prévaloir ensuite de succès personnels. Je me félicite également de votre volonté de travail partenarial tant avec les collectivités locales qu’avec les parlementaires.
Les conditions de vie de nos concitoyens, l’organisation des territoires, de notre économie et de notre production résultent d’une sédimentation complexe et d’évolutions sociales et techniques que la globalité des questions écologiques, climatiques, énergétiques qui se posent implique de revisiter fondamentalement. Tel est le sens de la conférence environnementale qui abordera ces deux sujets majeurs que sont la transition énergétique et la biodiversité.
Évitons, toutefois, les mesures qui iraient à l’encontre des objectifs d’intérêt général. Comme disaient jadis les médecins : primum non nocere ! Ne pas nuire constitue en effet un objectif plus ambitieux qu’il ne semble, dès lors que la profusion des textes nuit parfois à leur efficacité.
Mettons les outils techniques et juridiques à la portée des acteurs du changement afin de ne pas obérer la réalisation des objectifs que nous avons fixés. Exigeons cohérence globale et efficacité locale. Efforçons-nous de faire prendre conscience à nos concitoyens de l’importance de la biodiversité. Proposons et convainquons, Gouvernement, Parlement, collectivités locales, ONG, citoyens, partenaires économiques et sociaux. C’est de la cohérence, de la constance et de la conjugaison de ces énergies que dépendra notre réussite commune.
Nous saurons, quant à nous, nous montrer à la fois exigeants et réalistes, mais le Gouvernement peut compter sur le soutien plein et entier des élus socialistes, républicains et citoyens.
M. Bertrand Pancher. Au nom du groupe UDI, je vous félicite, madame, monsieur les ministres, et j’adresse nos vœux de plein succès au président de notre commission Jean-Paul Chanteguet. Au-delà de nos accords et de nos divergences, nous avons travaillé ensemble dans un excellent état d’esprit lors de la législature précédente et je souhaite qu’il en soit de même pendant les années à venir.
Le groupe UDI, de centre droit, est dans l’opposition. Il cultive des valeurs humanistes et écologistes et, avec Jean-Louis Borloo, s’efforcera d’œuvrer à la création d’un nouveau développement équilibré au service de l’homme, en interaction avec un environnement préservé. Nous souhaitons donc, madame, monsieur les ministres, monsieur le président, que vous parveniez à rassembler la majorité et l’opposition autour de grands textes environnementaux structurants, comme nous l’avons fait lors du Grenelle I. Nous vous y aiderons !
Si le retour du domaine énergétique dans le périmètre de votre ministère est de bonne politique, l’éclatement du grand ministère du développement durable voulu par Nicolas Hulot constitue en revanche l’un des plus mauvais signaux envoyés — de même, d’ailleurs, que le changement du titulaire du poste un mois seulement après sa nomination. Nous nous interrogeons donc déjà sur la cohérence des décisions à venir en matière énergétique. À ce propos, je note que Mme Cécile Duflot est ministre du logement, alors que 42 % de l’énergie produite est utilisée dans ce secteur. Si le Premier ministre s’est engagé à piloter les stratégies qui seront mises en place à travers un certain nombre de rencontres interministérielles, pourquoi aucune feuille de route n’a-t-elle été transmise ?
Par ailleurs, vous avez annoncé une loi de programmation sur la transition énergétique pour le premier trimestre de 2013. Je gage qu’elle s’inscrira dans la politique énergétique qui sera définie après le grand débat national sur l’énergie annoncé par le Président de la République et qui aura lieu au mois d’octobre. J’espère que cette concertation sera la plus large possible et permettra à chaque Français d’en comprendre les enjeux mais, si tel doit être le cas, pourquoi la Commission nationale du débat public n’a-t-elle pas encore été saisie ? Un tel débat, en effet, ne doit pas regarder les seuls experts.
De plus, que se passera-t-il si la conférence sociale propose une nouvelle stratégie de réindustrialisation contraire aux objectifs environnementaux ? Pourquoi dissocier économie et développement durable ? Pourquoi ne pas avoir associé les organisations environnementales à la conférence sociale, alors que les syndicats se retrouveront à la rentrée autour de ces mêmes sujets ? N’est-ce pas là le signe qu’une fois de plus les domaines économiques et sociaux priment sur l’environnement, alors qu’ils sont étroitement liés ?
Après un cafouillage gouvernemental, les autorisations pour poursuivre les explorations de forage pétrolier à six mille mètres de profondeur au large de la Guyane ont été délivrées par votre prédécesseur dans une des zones où les courants marins sont les plus forts. Les risques technologiques sont considérables, comme en attestent également les tragédies de Deep Horizon et de la plateforme Chevron au large du Brésil. Au-delà de la polémique sur ce rapport de force qui laisse penser que le lobby pétrolier a encore gagné une bataille, que pensez-vous de l’extraction de gaz et de pétrole non conventionnels ? Qu’en sera-t-il demain du site de Melrose au large de Marseille ?
Le Premier ministre ayant annoncé le recrutement de soixante-cinq mille fonctionnaires dans les secteurs considérés comme prioritaires, certains ministères, dont le vôtre, seront contraints de réduire leurs effectifs. Comment pourrez-vous donc continuer à travailler efficacement alors que, avec notre ancien collègue Philippe Tourtelier, nous avions eu l’occasion de constater que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la loi Grenelle II étaient liées à l’insuffisance de moyens de contrôle ?
Enfin, votre attachement à la transition écologique est-il compatible avec une annulation de crédits de plus de 10 millions d’euros, dont 8 concernent le programme « Transport » et 2,5 la recherche, l’énergie et le développement durable ?
M. Denis Baupin. Au nom du groupe écologiste, je félicite également madame et monsieur les ministres ainsi que le président Chanteguet pour sa récente élection.
Je me réjouis de l’organisation de la conférence environnementale et que les parlementaires soient associés à ses travaux. Notre groupe se montrera particulièrement attentif à son pluralisme.
Nous souhaiterions que les conférences environnementale et sociale soient regroupées, car les objectifs environnementaux et de réindustrialisation ne sont pas antagonistes. Au contraire, la conversion écologique nécessite des reconversions industrielles, par exemple dans le domaine des énergies renouvelables ou du transport.
De plus, nous sommes confrontés à des urgences car, dans le domaine des énergies renouvelables, nombre d’emplois sont menacés par les mesures bureaucratiques qui ont été décidées lors de la précédente législature. Il importe donc d’agir dès avant la fin des débats.
Nous sommes également préoccupés par le laxisme qui règne dans le contrôle des installations nucléaires. MM. André-Claude Lacoste et Jacques Repussard, lors de leur récente audition par la commission des affaires économiques, n’ont pas répondu aux questions que je leur ai posées quant aux défauts génériques signalés depuis plusieurs mois sur le site de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’un d’entre eux concerne tout de même trente-quatre réacteurs sur quarante-huit. Selon le site de l’ASN, EDF envisage de mettre en place une évaluation complémentaire de sécurité, mais celle-ci n’est toujours pas effective. Nous sommes particulièrement inquiets que ces deux hauts responsables de la sûreté nucléaire aient affirmé que Fukushima avait permis d’attirer l’attention sur de tels incidents ! L’ASN devant être réformée à l’automne, je considère qu’un plus grand pluralisme en son sein contribuerait à améliorer son expertise.
Les annonces faites par le précédent Gouvernement pour lutter contre la pollution des véhicules diesel, en particulier celles relatives aux zones d’action prioritaires pour l’air (ZAPA), n’ont pas été suivies d’effet : aucune collectivité n’a pu rendre les dossiers dans les délais nécessaires afin de pouvoir les expérimenter. Il est en effet impossible de demander aux collectivités de restreindre la circulation des véhicules diesel tout en maintenant sur le plan national une politique de subvention à ces mêmes véhicules, dont nous savons — toutes les études médicales le démontrent — que leur multiplication nuit à la santé. Quelle sera donc désormais la politique du Gouvernement ? La sauvegarde de l’industrie automobile, qui préoccupe notamment le ministre du redressement productif, doit s’accompagner de mesures de protection de l’environnement.
Enfin, nous espérons que des mesures seront prises assez rapidement s’agissant des ondes électromagnétiques.
M. Jacques Krabal. Je souhaite que la France joue un rôle moteur, de sorte que les conférences nationales et internationales sur le climat, qui sont actuellement au point mort, prennent un nouvel élan. Une telle panne, à laquelle la ministre a fait allusion, ne manquera pas en effet d’avoir des conséquences sur le plan local.
Au nom du groupe RRDP, je me réjouis de la volonté affichée de promouvoir un travail collectif, notamment dans le cadre de la conférence nationale sur l’environnement.
Au cours de la dernière campagne électorale, les citoyens et les élus ont déploré la complexité des dispositifs mis en œuvre ainsi que la relative mise à l’écart dont ils sont victimes. La frénésie législative ne réglera pas les problèmes : il faut faire preuve de simplicité, de pédagogie et défendre une véritable démocratie écologique. Nos concitoyens ont le sentiment de ne plus être entendus tant les enquêtes publiques sont parfois remises en cause. Je ne doute pas que vous réviserez le cadre même de la concertation.
Le Président de la République a proposé de réhabiliter un million de logements chaque année, mais comment un tel programme sera-t-il financé ?
L’environnement et le développement durable supposent d’ouvrir des perspectives sociales et économiques en termes, notamment, de formation, de même que le souci d’être efficace implique la mise en place d’un guichet unique.
Quid du code minier, du gaz et de l’huile de schiste, la loi qui a été votée n’étant qu’un « écran de fumée » ? Dans ces deux domaines, les élus ont été bafoués et n’ont bénéficié d’aucune information jusqu’à ce que Mme Nicole Bricq leur fasse part de l’état réel de la situation dans l’Aisne, ainsi que des projets existants.
J’ajoute que l’ensemble de ces préoccupations doit être associé aux problématiques de santé publique.
Enfin, je rappelle que le monde rural est confronté à un certain nombre de difficultés, notamment dans les domaines de l’assainissement collectif et des ondes électromagnétiques.
Je vous souhaite bon courage, madame la ministre, car vous avez devant vous de grands chantiers ! Vous pouvez compter, en tout cas, sur le soutien de notre groupe.
M. Gabriel Serville. J’ai été très attentif à vos propos, madame et monsieur les ministres, qui confirment les engagements pris par le candidat François Hollande – lequel a obtenu en Guyane près de 62 % des voix. Les attentes de la population guyanaise sont aussi nombreuses que les problèmes qui se posent en matière de transports, de dégradation de la biodiversité, de code minier, de taxe carbone ou de fiscalité.
Quid des conditions du forage pétrolier en Guyane ? Les retombées fiscales profiteront-elles à nos collectivités ? Bénéficierons-nous des garanties environnementales permettant de préserver une si riche biodiversité ? Quid, également, de la gouvernance environnementale ?
Je rappelle que les élus de Guyane ont tenu à mettre en place une « loi Amazonie », qui devrait prendre en compte l’ensemble des dynamiques permettant de faciliter un développement intégré et cohérent du territoire tout en tenant compte des problèmes environnementaux. À cette fin, ils ont proposé un certain nombre d’outils techniques et juridiques.
Enfin, madame, monsieur les ministres, envisagez-vous de venir bientôt en Guyane afin d’appréhender les difficultés au plus près du terrain et de rencontrer les élus locaux ?
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je remercie M. Martial Saddier, qui a souhaité que notre travail soit constructif. La grande cause de la planète doit en effet nous rassembler même si des orientations politiques, économiques et sociales peuvent nous opposer.
Je rappelle que, pendant les dix-huit derniers mois du quinquennat, le ministère du développement durable ne fédérait plus les dimensions écologique et énergétique, pourtant fondamentales, et que pendant les trois derniers mois il n’y avait même plus de ministre de l’écologie, ce qui n’a pas manqué de laisser un certain nombre de dossiers en déshérence. Je rappelle également que le ministère du développement durable a été lourdement mis à contribution dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), puisqu’il a perdu près de six mille emplois en quelques années et que trente mille postes de fonctionnaires ont été supprimés dans la fonction publique d’État en 2012. Notre Gouvernement, quant à lui, tient à maintenir la stabilité globale des effectifs de la fonction publique même si, en effet, des choix seront effectués entre des ministères prioritaires, notamment ceux de l’Éducation nationale et de l’Intérieur, et ceux qui ne le sont pas en termes de créations d’emplois. J’ajoute que le Premier ministre a annoncé que le premier projet de loi de l’automne concernerait les emplois d’avenir. Or, de ce point de vue, l’écologie et le développement durable constituent un enjeu important.
S’agissant des forages en Guyane, il n’était pas possible de ne pas tenir compte des engagements juridiques pris par le précédent Gouvernement. À ce propos, M. Serville, c’est avec plaisir que je me rendrai en Guyane, même si je ne sais pas encore précisément à quel moment. Il est évident que l’exploitation du pétrole ne peut se faire que dans des conditions acceptables, c’est-à-dire en veillant au respect de l’environnement et en s’assurant que les bénéfices dégagés seront réinvestis dans le développement de ce territoire. Le groupe Shell a d’ailleurs pris un certain nombre d’engagements à cet égard.
La réforme du code minier est, quant à elle, impérative, comme le Premier ministre l’a rappelé lors de son discours de politique générale. Actuellement, le code n’est pas conforme à l’article 7 de la Charte de l’environnement, dont je rappelle qu’elle a valeur constitutionnelle : il ne respecte notamment pas les obligations d’information et de participation du public préalablement à toutes les décisions ayant un impact sur l’environnement. Le précédent Gouvernement le savait parfaitement, d’ailleurs, puisque le Conseil d’État avait demandé au mois de décembre 2010 une réforme qui n’a finalement pas été engagée. La mobilisation des associations de protection de l’environnement, des citoyens et des élus a ainsi conduit à adopter en urgence la loi interdisant la fracturation hydraulique, laquelle entraîne des dégâts environnementaux considérables. Notre Gouvernement, de ce point de vue, maintient clairement et nettement cette position. Je vous confirme donc que nous travaillons à la réforme du code minier. Avec le ministre du redressement productif, nous constituons en ce moment même un groupe de travail sur ce thème. Nous souhaitons également organiser une concertation aussi large que possible, notre objectif étant de présenter un projet de loi et une étude d’impact au Conseil d’État d’ici à la fin de l’année 2012, sachant que l’objectif principal de cette réforme est le respect du principe de précaution et des obligations d’information des citoyens. Je souhaite que le Parlement y prenne toute sa part.
Vous savez que la France a été assignée devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la législation sur la qualité de l’air. La révision des plans de protection de l’atmosphère se heurte à de nombreuses difficultés et je souhaite que la question de la pollution de l’air, notamment celle due au diesel, soit abordée dans le cadre de la conférence environnementale, car les enjeux de santé publique y ont toute leur place.
Le précédent Gouvernement a proposé aux collectivités le cadre très rigide des ZAPA : ainsi, c’est à elles de décider de mesures éventuelles d’interdiction de circulation pour des véhicules qui émettent des pollutions aux particules… mais qui bénéficiaient pourtant, récemment encore, du bonus écologique ! Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air doivent être cohérentes. Les collectivités candidates à la mise en œuvre des ZAPA doivent me communiquer leurs projets le 13 juillet : j’étudierai alors les difficultés qu’elles ne manqueront pas de me signaler et leur proposerai de constituer un groupe de travail pour lancer une concertation concrète afin de déterminer des plans d’action complets et applicables.
M. Jean-Yves Caullet a souligné à juste titre que la décentralisation représente un enjeu stratégique pour la transition énergétique. Les régions sont aujourd’hui à l’origine d’une grande part des politiques de développement des énergies renouvelables et les collectivités territoriales mènent de nombreuses actions en faveur de la biodiversité. J’ai proposé de rencontrer toutes les régions de France, afin que le travail qu’elles mènent dans leurs territoires soit mieux connu. La conférence environnementale doit également faire toute sa place à la décentralisation et à l’action locale, en déclinant notamment le débat national sur l’énergie au niveau des territoires – régions ou communautés de communes. De même, la réflexion sur ces sujets devra se développer dans l’optique de la nouvelle étape de la décentralisation à laquelle travaille ma collègue Marylise Lebranchu.
M. Bertrand Pancher – que je remercie d’aborder également ces travaux dans un état d’esprit constructif – a rappelé que les organisations non gouvernementales souhaitaient que tous les ministères se dotent d’une feuille de route environnementale. Le Premier ministre aura certainement l’occasion de leur confirmer lui-même cet objectif, puisque, avant la fin du mois de juillet, il recevra celles qui ont participé au Grenelle de l’environnement.
La Commission nationale du débat public sera partie prenante du débat national sur la transition énergétique, qui dépassera toutefois les limites habituellement fixées à ses travaux.
J’aurai l’occasion de revenir devant vous pour vous présenter le budget de mon ministère, dont nous ignorons encore s’il sera examiné ou non en commission élargie. Il est vrai que les enjeux sont considérables et que le contexte de réduction budgétaire s’impose à nous. Nous sommes prêts à prendre notre part de l’effort, mais notre ministère a déjà beaucoup contribué à ce que fut la révision générale des politiques publiques. Aujourd’hui, la logique a changé. Il ne s’agit pas d’imposer les mêmes efforts à toutes les administrations, mais de s’interroger sur l’efficacité de chaque dépense. Ainsi, je souhaite que soient préservées des missions essentielles concernant les risques naturels, les risques technologiques, la police environnementale et différents domaines dans lesquels il ne faut pas toucher au noyau dur des missions de l’État en matière de protection de l’environnement.
En réponse à M. Denis Baupin, je rappelle que le Gouvernement n’a pas à interférer dans les choix que le Parlement fera pour sa représentation, même s’il est en effet souhaitable qu’elle soit aussi large et pluraliste que possible.
J’aurai l’occasion de revenir, devant la commission des affaires économiques, sur le dossier des énergies renouvelables. Ce secteur ayant connu une certaine instabilité ces derniers temps, plusieurs entreprises ont été placées dans une grande difficulté. Nous travaillons à la fois à des mesures transitoires, susceptibles d’être prises très rapidement, et à des choix plus lourds, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.
À propos de l’Autorité de sûreté nucléaire, il me semble qu’il faut éviter de parler de laxisme. Les stress tests réalisés après Fukushima demandent à être étudiés attentivement. L’ASN a émis de très nombreuses préconisations qui doivent être mises en œuvre, notamment par EDF. Deux sujets méritent d’être approfondis : la gouvernance de l’ASN, que vous avez évoquée, et l’encadrement de la sous-traitance dans la filière nucléaire, qu’a souhaité la Cour des comptes et auquel s’est engagé le Président de la République. Je souhaite que les parlementaires soient pleinement associés au suivi de ces dossiers et soient aussi une force de proposition.
En ce qui concerne le « Grenelle des ondes », il serait prématuré de fixer des orientations avant d’avoir fait le bilan de la mise en œuvre des mesures qui ont déjà été prises – sur la base du travail réalisé notamment par le président François Brottes.
Enfin, M. Jacques Krabal m’a interrogée sur le financement de la réhabilitation des logements et de leur isolation thermique. La sobriété doit être un enjeu primordial du débat national sur la transition énergétique, non seulement pour les économies d’énergie qu’elle permet de réaliser, non seulement parce qu’elle est vertueuse du point de vue social et pour le pouvoir d’achat, mais aussi parce qu’elle pourrait avoir un effet de levier pour le redressement économique du pays : c’est un secteur tout entier qui attend du travail. Ma collègue Cécile Duflot et moi-même recherchons des marges de manœuvre pour mettre en place des circuits de financement rapide et concevoir un système de guichet unique, aussi opérationnel que possible, permettant une grande rapidité d’action. La question sera plus facile à traiter pour le logement collectif que pour les logements individuels, les mécanismes de prêt à taux zéro ou de crédit d’impôt ne s’adressant pas à ceux que nous voulons toucher : la ruralité, les personnes âgées qui ont de petites retraites et vivent dans des maisons individuelles mal isolées, avec un chauffage au fioul qui pollue et coûte cher. Il nous reste à inventer une politique publique efficace et il sera sans doute utile de le faire en liaison avec les collectivités territoriales, car l’État, seul, ne peut pas mettre en place un dispositif efficace pour traiter cet enjeu de l’isolation thermique.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à une série de questions adressées à Mme la ministre.
M. Stéphane Demilly. De multiples études ont démontré l’intérêt du projet de canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. Sur le plan environnemental, il contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre en retirant cinq cent mille poids lourds de nos routes à l’horizon 2020. Sur le plan du développement économique et de l’emploi, il représente une bouffée d’oxygène pour les territoires concernés, grâce au chantier lui-même et aux quatre plates-formes multimodales prévues.
Ce canal, atout décisif pour la compétitivité des ports français, permettra en outre de relocaliser de la valeur ajoutée logistique, en encaissant les droits de douane en France — et non en Belgique — pour des produits consommés in fine dans l’Hexagone.
Le 5 avril 2011, le président Sarkozy avait pris la décision très attendue de lancer officiellement la procédure de dialogue compétitif qui doit s’achever cet automne, avec un démarrage des travaux au début de 2013 et une mise en service du canal en 2017. Pourtant, des inquiétudes se sont exprimées localement quant à la volonté effective du nouveau Gouvernement de réaliser ce canal. Vous-même, monsieur le ministre des transports, avez alimenté ces craintes en critiquant à plusieurs reprises le montage financier du projet et le principe même du partenariat public-privé. Certes, il faut étudier rapidement la possibilité d’obtenir davantage de financements européens et la phase pilote des projects bonds, lancés dans le cadre du processus de croissance pour financer les grands projets, est une nouvelle occasion à saisir. Pour autant, cela ne doit pas remettre en cause le calendrier du projet et son architecture financière, qui ont demandé des années de travail. Les inquiétudes des élus et des acteurs économiques appellent donc une réponse rapide, claire et sans ambiguïté. C’est pourquoi, confiant dans la continuité des engagements de l’État, je souhaiterais que vous nous confirmiez la volonté politique de réaliser le canal Seine-Nord Europe dans les délais prévus.
M. Philippe Martin. Un peu partout sur le territoire, nous sommes alertés par des associations, des citoyens, des élus, qui s’inquiètent de voir des demandes d’exploration du sous-sol déposées par des opérateurs. En attendant la réforme du code minier, le ministère s’engage-t-il à n’accorder aucune nouvelle autorisation d’exploitation et de forage ?
M. Philippe Plisson. Lors des négociations pour la réforme de la PAC, le ministre français de l’agriculture se serait opposé à la proposition de la Commission européenne de consacrer 25 % de l’enveloppe budgétaire à l’agriculture respectueuse de l’environnement. Confirmez-vous cette information et quel est votre avis sur la question ?
Vous avez évoqué la fiscalité écologique. Il me paraît indispensable, pour susciter de bonnes pratiques, qu’y soient incluses la contribution climat-énergie et la TVA éco-modulable. Quelle est votre position à cet égard ?
Les chasseurs de gibier d’eau souhaiteraient que les dates d’ouverture entre le domaine maritime et les marais soient harmonisées au 5 juillet. Avez-vous une réponse favorable à leur apporter ?
Je voulais également attirer votre attention sur le parc marin des pertuis charentais et de l’estuaire de la Gironde, dont le périmètre s’étend de la Vendée à Bordeaux. Le département de la Gironde et nombre de collectivités ont émis un avis défavorable à un projet qui apparaît comme une véritable usine à gaz et qui annulerait le travail de fond réalisé par le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (SMIDDEST). N’y a-t-il pas moyen de reconsidérer cette démarche ?
Je souhaiterais encore vous parler de l’accord qui a été conclu avec Shell pour l’amélioration des conditions de forage en Guyane. Existe-t-il ? Sera-t-il appliqué ?
Enfin, pensez-vous légiférer pour réviser la procédure de création des zones de développement de l’éolien, revenir sur la règle des cinq mâts et supprimer le régime des installations classées pour la protection de l’environnement ?
M. Charles-Ange Ginesy. J’ai bien compris qu’il était nécessaire de réformer le code minier, également pour l’exploration des gaz de schiste. Certains permis ont été accordés – tel le permis de Brignoles –, mais les compagnies pétrolières se retournent aujourd’hui contre l’État qui, disent-elles, n’a pas respecté ses engagements. Certains ont estimé que la loi votée en 2011 était un « écran de fumée » : elle permet cependant au Gouvernement de refuser d’accorder des permis d’explorer et d’exploiter. J’aimerais connaître votre position à ce sujet.
D’autre part, vous serait-il possible d’accorder le plus rapidement possible les permis d’exploitation à ceux qui ont déjà obtenu un permis de construire une ferme photovoltaïque ? On observe, paraît-il, certains flottements à cet égard au niveau de la Commission de régulation de l’énergie.
Mme Marie-Line Reynaud. La future ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux sera la première ligne ferroviaire concédée dans le cadre d’un partenariat public-privé. Pour compenser les préjudices sociaux, économiques, environnementaux et fiscaux engendrés par l’implantation des voies autoroutières, une redevance est versée aux communes traversées lorsque l’autoroute est concédée à une entreprise privée. La création d’une redevance pérenne, payée par le concessionnaire privé d’une voie ferrée et dont les recettes seraient attribuées aux communes traversées, est-elle envisageable ?
M. Jacques Kossowski. En août 2011, un décret publié au Journal officiel a approuvé le schéma d’ensemble du réseau des transports publics du Grand Paris. Ce texte a marqué le lancement officiel du projet du Grand Paris Express qui doit relier les grandes agglomérations d’Île-de-France. Il est prévu un métro automatique doté d’environ deux cents kilomètres de voies nouvelles et de soixante-douze gares. La mise en service du premier tronçon entre La Défense et l’aéroport Charles de Gaulle devrait avoir lieu en 2018. Ce projet est-il confirmé ?
D’autre part, je souhaite connaître la position du Gouvernement concernant le projet Eole, qui doit prolonger la ligne de RER E à l’Ouest. Les quelque 450 000 voyageurs en provenance de l’Ouest parisien attendent sa réalisation.
Enfin, vous avez déclaré qu’il fallait mettre de l’ordre dans le schéma national des infrastructures de transport et qu’il serait souhaitable qu’une commission chargée de hiérarchiser les projets soit créée. Quand cette commission sera-t-elle installée et quand ses conclusions vous seront-elles livrées ?
Mme la ministre. Les alertes qu’évoquait M. Philippe Martin sont la contrepartie de la transparence voulue par le ministère. En effet, la mise en ligne d’un certain nombre de permis a fait naître des inquiétudes bien compréhensibles. La situation actuelle est relativement confuse. La seule façon d’en sortir dans des conditions juridiquement sûres, pour l’État, pour les citoyens comme pour les entreprises, c’est de réformer le code minier. M. Charles-Ange Ginesy a également signalé des contentieux. Le dispositif actuel n’est pas constitutionnel. On constate donc de grandes fragilités juridiques, au-delà de toutes les questions qui se posent en matière d’information des citoyens et de protection de l’environnement.
Si mon collègue Stéphane Le Foll avait été auditionné par la commission, il aurait pu rassurer M. Philippe Plisson : le maintien de la PAC et sa réorientation profonde, sur le premier et sur le deuxième pilier, constituent bien des enjeux primordiaux pour le Gouvernement. Du reste, nous travaillons en étroite concertation avec Stéphane Le Foll sur plusieurs dossiers difficiles, notamment celui des algues vertes en Bretagne. J’ai récemment notifié au préfet de la région une décision concernant deux baies pour lesquelles la concertation n’avait pu aboutir jusqu’à présent.
En matière de chasse, il faut sortir des visions réductrices. Partout où des dialogues se seront noués et auront débouché sur un consensus entre les chasseurs et les associations de protection de l’environnement sur les dates d’ouverture, je suivrai les accords locaux. Mais, lorsque les dialogues auront été infructueux, je me verrai dans l’obligation de suivre l’avis des scientifiques pour des raisons de sécurité juridique des décisions de l’État. Je n’ai pas, en tant que ministre, la capacité de savoir quelles sont, à tel ou tel endroit, les meilleures dates d’ouverture de la chasse. De façon générale, je souhaite que le dialogue, qui a été interrompu au niveau national, puisse reprendre.
En ce qui concerne le parc marin des pertuis charentais, le préfet a soumis à notre signature un dossier qu’il nous a présenté comme relativement consensuel. J’examinerai donc la question si d’autres problèmes se posent. Du reste, mon collègue Frédéric Cuvillier souhaitait dire quelques mots à ce sujet.
En matière d’éolien, nous sommes en effet en deçà de l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement. La question des règles limitant le développement de l’éolien sera donc abordée lors du débat national sur la transition énergétique. À propos du photovoltaïque, je n’ai pas compris si les flottements qu’a évoqués M. Ginesy étaient liés aux procédures d’appel d’offres actuellement en cours au niveau de la CRE.
M. Charles-Ange Ginesy. C’est simplement qu’un permis de construire a pu être accordé, mais que le permis d’exploitation tarde à être délivré.
Mme la ministre. Si vous le voulez bien, monsieur le député, vous m’indiquerez où cela s’est produit et je vous répondrai précisément.
Je regrette de ne pouvoir répondre aujourd’hui à toutes les questions. Peut-être pourrons-nous, d’ici à la fin du mois, prolonger ces échanges.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci, madame la ministre. Les contraintes horaires s’imposent à nous, mais, plusieurs parlementaires n’ayant pu vous interroger, il serait souhaitable d’organiser une nouvelle audition avant la fin du mois de juillet. Il faudra alors que chacun se discipline et évite de poser, comme certains de nos collègues, cinq questions en une…
Nous passons à présent aux questions adressées au ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Yann Capet. Je me réjouis de la renaissance d’une véritable politique maritime globale intégrée. Cette problématique, trop négligée ces dernières années, est au cœur d’enjeux transversaux, de nature écologique, économique et sociale. Ainsi, le paysage portuaire a été profondément modifié, avec les grands ports maritimes et une décentralisation portuaire très composite sur le plan de la gouvernance territoriale. Il serait important de tirer un bilan de cette première phase de décentralisation.
Mme Catherine Quéré. C’est dans ma commune que se fabriquent les trains Corail qui doivent disparaître à partir de 2016. Cette activité emploie de nombreux salariés. Ceux du Technicentre de Saintes sont très inquiets. Avez-vous eu l’occasion de vous pencher sur ce dossier ?
De même, avez-vous examiné le projet d’électrification de la ligne Niort-Royan, sachant que deux tracés sont en concurrence ?
M. Julien Aubert. La percée ferroviaire du Montgenèvre n’apparaît pas sur la liste des projets prioritaires du SNIT. Ce projet revêt pourtant une importance particulière pour les habitants des zones enclavées dépourvues d’infrastructures de transport adaptées, comme dans ma circonscription du Vaucluse. Son coût – 1,6 milliard d’euros – est pourtant bien moindre que celui d’autres projets.
M. François-Michel Lambert. Les transports sont la clé de voûte de l’égalité des territoires. Or le schéma national des infrastructures de transport fait la part belle aux grands projets pour favoriser les grands groupes du BTP avant de servir les territoires. Pouvez-vous, monsieur le ministre, définir l’axe politique que suivra le Gouvernement à l’égard de ce SNIT dispendieux, qui ne répond pas aux besoins de développement nécessaires pour anticiper un monde de raréfaction du pétrole ? Stopperez-vous les projets pharaoniques que sont ces LGV, ces tunnels sous le Montgenèvre ou ces autoroutes, pour favoriser au contraire un maillage plus serré de notre territoire ?
Vous l’avez dit, le projet de la LGV en région PACA devrait coûter 16 milliards d’euros pour transporter quelques milliers de voyageurs entre Marseille et Nice, alors qu’avec cette même somme, on pourrait remodeler tout le transport ferré, voyageurs et marchandises, du midi de la France, bien au-delà de la région PACA. Ce nouveau SNIT que nous appelons de nos vœux doit être revu sur la base de critères de moindre impact environnemental et énergétique, de meilleure efficacité des fonds publics, de droit à la mobilité du plus grand nombre, de renforcement des proximités et de lutte contre l’étalement urbain.
Le SNIT apporte une réponse structurelle aux défis d’un monde où le prix du pétrole ne cesse d’augmenter. Au-delà, il nous faut une réponse organisationnelle. Comment comptez-vous organiser le droit à la mobilité pour tous, pour faire émerger des initiatives innovantes, diversifiées, flexibles, adaptées à nos territoires ? Pensez-vous réviser la loi d’orientation des transports intérieurs ?
Mme Martine Lignières-Cassou. Il faudrait éviter d’accentuer la fracture territoriale en matière de desserte ferroviaire. Le financement des infrastructures ferroviaires n’est pas assuré : 245 milliards d’euros manquent à l’appel et la révision du SNIT sera déchirante. Quels critères de choix des priorités fixerez-vous et quelles ressources nouvelles proposerez-vous ?
M. Guillaume Larrivé. Le projet de contournement sud d’Auxerre a fait l’objet, en avril dernier, d’une déclaration d’utilité publique par le préfet de l’Yonne. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser le calendrier de réalisation et les modalités de financement du projet.
M. Alexis Bachelay. En matière d’aménagement du territoire, nous devons avoir une vision globale et ne pas passer notre temps à ne défendre que les projets locaux liés à notre circonscription. Ainsi, en Île-de-France, le Grand Paris Express – 144 kilomètres de métro automatique en rocade pour un coût d’environ 30 milliards d’euros et dont le financement n’est à ce jour pas acquis – se veut une réponse au déficit de transport. Un rapport de notre collègue Annick Lepetit s’interrogeait sur le financement de ces opérations. Nous devons réexaminer chaque projet à l’aune de l’intérêt général et des capacités budgétaires des collectivités et de l’État.
M. Gilles Savary. Monsieur le ministre, je ne peux que vous encourager à clarifier l’univers féerique du SNIT. Des documents aussi ambitieux mais aussi peu financés n’existent dans aucun autre État européen. Aujourd’hui, nous connaissons des tracés on ne peut plus réels pour des infrastructures qui restent financièrement virtuelles, et nombreux sont les propriétaires qui sont en état de spoliation sans cause.
D’autre part, quelle suite entendez-vous donner à l’opération de libéralisation des aéroports de province ? Plutôt que de livrer ces aéroports à des opérateurs privés par le biais d’un appel d’offres, certaines collectivités publiques souhaiteraient racheter les parts de l’État.
M. Christophe Bouillon. À quel moment les arbitrages concernant la ligne nouvelle Paris-Normandie seront-ils connus ? Les élus seront-ils consultés ?
Le fret est très important pour le développement économique des ports du Havre et de Rouen. Quelles sont vos orientations en la matière ?
Enfin, quid de la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, préoccupation prioritaire des élus de notre territoire ?
M. Rémi Pauvros. Le plan de relance de la croissance, qu’a négocié le président Hollande, permet d’envisager des investissements importants, qui pourraient concerner les transports et les infrastructures. En connaît-on déjà les modalités, les objectifs et les capacités ?
M. Alain Gest. Dans le cadre de la République impartiale et exemplaire dont a parlé le Président de la République, quelle est la procédure envisagée pour la prochaine nomination du président d’Aéroports de Paris ?
M. Jean-Jacques Cottel. Bien que tout à fait conscient des problèmes budgétaires concernant le canal Seine-Nord Europe, je n’en suis pas moins très favorable à ce grand projet, qui devrait avoir des retombées économiques et écologiques considérables. Le récent sommet européen a été un succès : pensez-vous pouvoir tirer profit, pour la construction de ce canal, d’une partie des 120 milliards de fonds européens ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. La plus grande difficulté de l’exercice auquel je me soumets aujourd’hui devant vous est d’apporter dans l’instant une réponse précise à toutes les questions particulières. En effet, nous ne voulons pas reproduire ce que nous dénoncions : retenir tel ou tel projet sans qu’aient été réalisées les nécessaires expertises préalables.
MM. Martial Saddier, Jacques Kossowski, François-Michel Lambert et plusieurs de vos collègues ont évoqué le SNIT. Il est important de mettre bon ordre à ces projets et de prendre en compte la soutenabilité de leurs financements. Vos questions l’ont montré, certains projets sont antagonistes et ne participent pas d’une approche globalisée de l’aménagement du territoire. Certaines réalisations ne figurent d’ailleurs pas dans le SNIT, alors qu’elles présentent, au regard du bilan coût/avantage, un intérêt indéniable pour l’aménagement du territoire. Nous aurons l’occasion, dans le cadre d’un dialogue suivi, de réaffirmer ensemble les critères de faisabilité financière. Il faudra, en même temps, assurer la cohérence de tous les projets.
Quelles méthodes allons-nous privilégier ? Je souhaite qu’une commission puisse être rapidement mise en place pour « revisiter » le SNIT. Il ne s’agira pas de ré-ouvrir le débat, mais d’expertiser la faisabilité financière en fonction de critères que l’on peut préalablement déterminer, tels que l’intérêt pour l’aménagement du territoire – afin de résorber la fracture territoriale qu’a révélée la campagne présidentielle, nombre de nos concitoyens se sentant exclus de la dynamique économique et de ce qui concerne leur quotidien –, la qualité du service rendu, le bilan environnemental des infrastructures, et l’enjeu économique. Sans doute, il peut être tentant de s’engager dans de grandes réalisations, mais elles ne sont pas toujours pertinentes et la mise à niveau d’infrastructures existantes peut permettre de mieux optimiser les investissements.
L’industrie ferroviaire, qu’a évoquée Catherine Quéré, offre aujourd’hui
20 000 emplois privés et 60 000 emplois publics. Les décisions prises avec mon collègue Arnaud Montebourg, pour sauver l’entreprise Lohr, montrent l’importance de la commande publique pour le dynamisme économique. En la matière, les industriels ont besoin de lisibilité sur plusieurs années. Je souhaiterais que nous puissions flécher de nouveau un certain nombre de financements pour soutenir l’activité de l’industrie ferroviaire.
MM. Stéphane Demilly et Jean-Jacques Cottel m’ont interrogé sur le canal Seine-Nord Europe. Dire que ce projet est lancé et financé s’apparente à une vue de l’esprit. Ce n’est pas parce que l’ancien Président de la République a fait une déclaration à ce sujet en 2011 que le canal est réalisable en 2012 ou en 2013, ni même en 2014. Une procédure de partenariat public-privé a été engagée. Il conviendra que la commission de personnalités qualifiées se penche sur ce type de procédure, car cette alternative au financement public n’est pas sans conséquence pour la collectivité : ainsi, en ce qui concerne le canal Seine-Nord Europe, pour une exploitation de cinquante ans, la personne publique devra acquitter chaque année entre 150 et 300 millions d’euros de loyers. Voies navigables de France a évalué ce canal à 4 ou
5 milliards. L’intérêt stratégique de l’infrastructure a été souligné, mais, si l’on avait accordé au fluvial tout l’intérêt qu’il mérite, notamment pour le report modal, nous ne serions pas obligés, aujourd’hui, de prendre des mesures dans l’urgence.
Une procédure a donc été arrêtée, mais les financements envisagés semblent ne pas correspondre à la réalité du projet. Nous ne pouvons lancer les travaux sans savoir comment les financer. Nous serions mieux inspirés de prolonger le combat du Président de la République pour réorienter les financements européens vers la croissance, vers des projets à dimension internationale, tels la ligne Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe ou le désenclavement des ports. En effet, sans une logique de compétitivité portuaire, le canal Seine-Nord Europe ne représenterait qu’une partie de la réponse et ne permettrait pas d’optimiser l’investissement public.
L’échec de la modernisation des réseaux fluviaux est une réalité. Nous nous trouvons aujourd’hui devant un dossier qui n’est pas financé, mais qui pourrait l’être si l’Europe et les collectivités s’engageaient. Certaines ont déjà pris position : le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais m’a ainsi adressé une invitation sympathique, à laquelle je répondrai bien volontiers, même si je n’ignore pas que l’enthousiasme n’est pas toujours communicatif et qu’il faut alors savoir se montrer persuasif.
La démarche du Grand Paris est aujourd’hui copilotée par différents ministères, sous l’impulsion de Mme Cécile Duflot, que je rencontrerai dans quelques jours. On m’a interrogé sur la ligne La Défense-Roissy Charles de Gaulle et sur le RER E. Après l’abandon d’un premier projet de Charles de Gaulle Express, il est aujourd’hui question d’un PPP – c’est-à-dire, en l’occurrence, d’un partenariat public-public, avec plusieurs groupes et entreprises publics. Nous n’y sommes pas opposés, mais nous voulons examiner au préalable la réalité du financement.
Il faut revenir sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les concertations autour du Grand Paris, prendre en compte les critiques assez nombreuses qui se sont fait jour, éviter les doublons d’infrastructures, identifier les projets qui, dans le cadre des financements dont nous disposons, sont susceptibles de connaître une réalisation rapide en apportant à nos concitoyens une véritable plus-value sociale et environnementale.
Mme Marie-Line Reynaud m’a interrogé sur la redevance que pourrait acquitter le concessionnaire privé d’une voie ferrée. Nous allons examiner la question. Un Fonds de solidarité territoriale, doté de 30 millions d’euros, a d’ores et déjà été institué ; il appartiendra aux préfets de le mobiliser. La consultation des préfets aura d’ailleurs lieu dans le cadre du SNIT. N’oublions pas ce niveau de l’État déconcentré. L’ensemble des projets – mentionnés ou oubliés – doit faire l’objet d’une analyse territoriale.
M. Julien Aubert a évoqué le tunnel sous le Montgenèvre. Ce projet, d’un montant de 1,6 milliard, n’a pas été retenu dans le SNIT et nos partenaires italiens y sont opposés, ce qui n’est pas pour faciliter sa réalisation. En outre, cette infrastructure concurrencerait en quelque sorte la liaison Lyon-Turin, dont elle affaiblirait l’efficacité. Nous ne pouvons pas développer des projets sans les doter de moyens de soutenabilité financière.
Monsieur François-Michel Lambert, le débat sur la LGV PACA doit être engagé. Je doute cependant et de sa faisabilité et de l’accord unanime des collectivités. Or, pour qu’un projet soit accepté, il faut qu’il soit porté par les collectivités. La question de la congestion du réseau actuel reste entière et il faudra mener cette réflexion de manière originale.
L’électrification de la ligne Niort-Saintes-Royan doit être envisagée dans le cadre des autoroutes ferroviaires de fret, dont il constitue l’itinéraire bis.
J’ai été en étroit contact, ces derniers temps, avec Yann Capet, heureux député du port de Calais, à propos de SeaFrance. Nous avons en effet besoin d’une politique maritime intégrée globale, d’une vision ambitieuse pour la mer. Une déclaration sera faite à ce sujet devant votre Assemblée et abordera tant la gouvernance que les enjeux. Il nous faut concilier à la fois la protection de la biodiversité et l’exploitation et les modes de financement de l’interface terre-mer. Les collectivités littorales sont confrontées à des enjeux impossibles à financer. Toute la question de la fiscalité, notamment du droit d’usage du domaine public maritime, doit être repensée. Les solutions en vigueur sont souvent très archaïques, ignorant tout de la réalité actuelle.
Je remercie Mme Lignières-Cassou pour le constat qu’elle a dressé à propos du SNIT. Nous nous employons à désigner très rapidement différents acteurs du transport, élus, techniciens ou financiers, pour mener ce débat. C’est à la rentrée de septembre que nous indiquerons ce que nous entendons faire au cours des prochaines années.
M. Gilles Savary m’a interrogé sur les aéroports. Les collectivités responsables étant variées – intercommunalités, départements, régions – et dotées de compétences inégales en fonction des effets de seuil, la mise en cohérence des différents modes de transport ne s’opère pas. Il faudra donc à la fois revisiter le rôle de chacun et se diriger vers l’expérimentation. Certaines régions s’interrogent déjà sur la pertinence de leur engagement dans l’aérien. Les questions juridiques sont complexes, selon qu’il y a ou non concession, appel d’offres, transfert. On doit également réfléchir aux conditions financières. Toutefois, l’expérimentation peut être extrêmement instructive et permettrait d’inscrire cette politique régionale aérienne dans le cadre de l’acte III de la décentralisation.
Je sais combien les questions de transport passionnent la représentation nationale : elles conditionnent le dynamisme des territoires. Avec tous mes collaborateurs, nous tâcherons d’être à votre écoute, de répondre à vos interrogations, à l’occasion de rencontres régulières, préalables aux décisions. Nous avons à répondre, pour le fret, à des questions existentielles. D’autres se posent à propos de l’aérien, notamment dans le cadre des échanges internationaux. Un conseil des ministres Airbus s’est tenu il y a quelques jours. Il était important que nous précisions la position des « pays Airbus » sur les échanges des droits d’émission, qui constituent une difficulté pour nos rapports avec les pays qui s’y opposent, telles la Chine ou la Russie, et qui sont de nature à déclencher une guerre commerciale fort dommageable : les commandes éventuelles de la Chine représentent en effet 12 milliards d’euros. Nous devons trouver des solutions dans le cadre des échanges internationaux et rompre avec la méthode qui a conduit à prendre des mesures unilatérales sans recourir aux instances et aux institutions classiques.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. N’oublions jamais que le rôle de l’Union européenne, c’est aussi de montrer la voie.
En votre nom à tous, je remercie Frédéric Cuvillier.
Nous prendrons un nouveau rendez-vous avec Mme Delphine Batho d’ici à la fin du mois de juillet pour que tous ceux qui le souhaitent puissent lui poser leurs questions.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 11 juillet 2012 à 16 h 15
Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Guillaume Larrivé, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Christian Jacob, Mme Viviane Le Dissez, M. David Vergé