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Mardi 30 octobre 2012

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. le préfet Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP)

– Information relative à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. le préfet Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis heureux d’accueillir M. le préfet Philippe Deslandes, qui préside la Commission nationale du débat public – CNDP–. Il a été auditionné le 18 mai 2011 en application de la loi relative au Grand Paris, qui a redonné un rôle important au débat public. Au moment où notre commission est saisie d’un projet de loi relatif à la participation du public telle que le prévoit l’article 7 de la Charte de l’environnement, il paraît d’autant plus important de tirer parti de l’expérience de la CNDP.

Monsieur le préfet, quel bilan dressez-vous des dispositions relatives à la CNDP contenues dans la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II » ?

Quel jugement portez-vous sur le contenu du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, adopté en conseil des ministres le 3 octobre dernier ?

Pourriez-vous faire le point sur l’organisation du débat public concernant le centre de stockage de déchets radioactifs de Bure, dans la Meuse, qui est prévu par la loi relative à la gestion des matières et déchets radioactifs et qui doit avoir lieu en 2013 ?

M. Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public. Je suis heureux de retrouver votre commission devant laquelle j’étais venu exposer les enseignements tirés de deux débats : l’un consacré au projet de métro Arc Express porté par le Syndicat des transports d’Ile-de-France, l’autre au « réseau de transport public du Grand Paris » organisé par la Société du Grand Paris.

L’article 95 de la loi « Grenelle II », qui concernait la Commission, portait principalement trois points.

Le premier a fait passer la Commission de vingt et un à vingt-cinq membres, en l’ouvrant à deux représentants des syndicats de salariés et à deux représentants des entreprises. Les titulaires ont rejoint notre Commission il y a deux mois.

Les deux autres mesures étaient de nature procédurale, la plus importante résidant dans la consécration législative du rôle des garants, sans lesquels il n’est point de bonne concertation. Désormais, nous pouvons nommer systématiquement un garant dès lors que nous recommandons une concertation. En outre, le garant continue d’intervenir à l’issue d’un débat public puisque l’une des nouveautés du Grenelle II est de faire en sorte que la concertation se prolonge jusqu’à l’enquête publique car le public s’était souvent plaint de ne plus entendre parler de rien entre la fin du débat public et l’enquête publique.

Enfin, la loi Grenelle II définit les « options générales » en matière d’environnement, de développement durable ou d’aménagement susceptibles de faire l’objet d’un débat public à l’initiative du ministre chargé de l’environnement et du ministre concerné. Celles-ci pourront porter sur « des politiques, plans et programmes », en référence à la convention d’Aarhus, avec laquelle le dispositif d’initiative français est désormais en conformité.

Avec la loi « Grenelle II », nous avons tous les outils pour que le public participe au processus d’élaboration d’un projet, depuis les études préliminaires jusqu’à l’enquête publique.

La CNDP, je le rappelle, n’est obligatoirement saisie, ou indirectement saisie, que pour des projets d’équipement dont la liste est fixée par décret. L’importance de l’environnement est très limitée puisqu’il n’y a qu’une dizaine d’opérations devant faire l’objet d’un débat public : ce sont essentiellement des infrastructures de transport ou d’énergie. De plus, la Commission ne peut pas s’autosaisir. Selon les décisions du Conseil constitutionnel, la participation du public doit être beaucoup plus large qu’elle ne l’est dans le cadre du débat public organisé par la CNDP. Dès lors, s’agissant de la mise en œuvre de l’article 7 de la Charte de l’environnement, notre participation est limitée.

Nous avons eu trois débats sur des options générales. L’un a porté sur la gestion des déchets radioactifs et il s’est tenu en 2005, anticipant la loi de juin 2006. Un deuxième a été consacré à la politique des transports dans la vallée du Rhône et l’arc languedocien. Le troisième traitait du développement des nanotechnologies.

Depuis 2002, année où la CNDP est devenue une autorité administrative indépendante, elle a décidé et organisé 70 débats, recommandé 39 concertations, pour 140 saisines environ. Autrement dit, une saisine sur deux entraîne un débat public, une sur quatre aboutit à recommander une concertation, une sur quatre également n’a pas de suite, soit parce que la concertation avait déjà eu lieu, soit parce que l’impact sur l’environnement – l’un des critères majeurs de notre décision – n’est pas significatif.

En ce qui concerne le site de Bure, la loi de 2006 prévoit qu’en 2015, l’Agence nationale des déchets radioactifs – ANDRA – demandera l’autorisation d’exploiter un centre de stockage géologique de déchets radioactifs à moyenne et forte activité, et à vie longue. Le débat public est donc inscrit dans la loi, dont le décret d’application précise même qu’avant le 31 décembre 2012, l’ANDRA aura soumis à son ministre de tutelle le projet de dossier du débat.

La CNDP a été saisie par l’ANDRA au début du mois d’octobre et elle rendra sa décision le 7 novembre. Sa marge de manœuvre étant extrêmement limitée, elle décidera donc l’organisation du débat et le nom de la personne qui l’animera sera rendu public en même temps. En revanche, les modalités et le calendrier restent encore à définir. Le débat risque d’être compliqué dans la mesure où le public relancera très probablement la question de savoir si les déchets à vie longue doivent être entreposés ou stockés, même si les instances internationales sont en faveur du stockage. De même, la question du temps ressurgira car la durée de vie de tels déchets se mesure en centaines de milliers d’années, soit une période aussi longue que celle qui nous sépare de l’homme de Cro-Magnon. L’échelle de temps est radicalement changée. Comment garder une mémoire sur une aussi longue durée ? Le débat se déroulera vraisemblablement entre avril et juillet prochain, l’idée étant de le coordonner avec celui sur la transition énergétique, pour éviter, dans les deux régions concernées, à savoir la Lorraine et Champagne-Ardenne, que la mobilisation sur le thème des déchets ne conduise ensuite à éclipser le débat national.

Les quatre autres débats sur des infrastructures énergétiques actuellement en cours portent sur l’installation de parcs éoliens en mer : au large de Fécamp, de Courseulles-sur-Mer, de Saint-Brieuc et de Saint-Nazaire. Nous sommes également saisis au sujet du gazoduc entre Saint-Avit, dans la Drôme, et Etrez, dans l’Ain, qui correspond à un tronçon du projet reliant Dunkerque, où un terminal méthanier est en construction, et Fos-sur-Mer qui est déjà pourvu de tels équipements.

En ce qui la concerne, la CNDP ne doute pas de sa mission. Elle a d’ailleurs enregistré plusieurs succès, dont le débat sur le Grand Paris.

M. Jacques Krabal. Je vous remercie, monsieur le président, de me laisser m’exprimer le premier car je suis attendu dans ma circonscription.

Monsieur le préfet, vous connaissez ma volonté et celle du groupe RRDP d’associer l’ensemble des acteurs de terrain à la décision politique car on constate un désaccord profond entre les citoyens et la sphère politique, que l’on peut mesurer localement au travers d’enquêtes de commodo et incommodo, ou d’enquêtes publiques qui ne recueillent en général qu’une faible mobilisation des citoyens et aboutissent à des avis qui sont souvent peu respectés par l’État. Dans ces conditions, comment faire adhérer nos concitoyens à des projets plus lointains mais qui les préoccupent davantage ? La Conférence environnementale, qui s’est interrogée sur la méthodologie participative, a exprimé sa volonté de simplifier les procédures de débat public et, surtout, d’améliorer la lisibilité de l’information. Dans cette optique, c’est l’ensemble de notre système de concertation qui a besoin d’être réformé pour le rendre plus simple, plus transparent, et faciliter le recours à des experts.

Selon le calendrier du projet CIGEO, le centre industriel de stockage géologique porté par l’ANDRA, c’est-à-dire pour le stockage réversible profond des déchets radioactifs à Bure, des travaux de construction devraient commencer en 2017. Comme le prévoit le code de l’environnement, votre Commission a été saisie de ce projet et un débat public sera prochainement organisé. Il devrait concerner les problématiques de sûreté du futur site, dont l’implantation ne manquera pas de susciter d’âpres discussions. Si, grâce aux travaux de la Commission que vous présidez, nos concitoyens et nous-mêmes, parlementaires, sommes désormais habitués aux débats publics consacrés aux infrastructures de transport, nous le sommes en revanche beaucoup moins aux spécificités des débats qui portent sur des installations de gestion des déchets radioactifs. Les craintes des habitants sont grandes et leurs préoccupations sont tout à fait justifiées, notamment s’agissant de leur santé, d’autant que, contrairement à ce qui se passe pour les transports, ces équipements n’améliorent pas la vie quotidienne, au contraire. Comment ce débat se déroulera-t-il ? Quelles seront ses spécificités ? Des experts indépendants de l’ANDRA seront-ils mobilisés pour ce débat ? Si oui, quel sera leur rôle ?

Ayant participé, dans le cadre de la Conférence environnementale, à la table ronde consacrée à la gouvernance, il me semble important de revenir sur la feuille de route tracée par le Gouvernement concernant le débat sur la transition énergétique. Il sera animé par une commission nationale composée des six collèges invités à la Conférence environnementale, un comité national d’organisation, un comité d’experts scientifiques et un comité citoyen. Cette commission nationale devra « entretenir un dialogue pendant toute la durée du débat avec le Parlement, le Conseil économique, social et environnemental, et la Commission nationale du débat public ». Le débat se divisera en trois phases : une phase de pédagogie et d’information de novembre à décembre 2012 ; une phase de participation du grand public de janvier à avril 2013 et une phase de synthèse et d’élaboration de recommandations à partir de mai 2013. Quelle sera la méthode de gouvernance retenue pour informer les citoyens dans le respect de la démocratie environnementale participative ? Comment la CNDP compte-t-elle intégrer le maximum d’acteurs pour ouvrir le débat le plus largement possible ? Sous quelle forme la CNDP rendra-t-elle ses avis et conclusions de façon à assurer non seulement la transparence mais aussi la clarté des enjeux ?

M. Jean-Yves Caullet. Comment le débat public peut-il prendre en compte les nouveaux médias ? Votre Commission souhaite organiser un porter à connaissance et un débat pour aboutir à un avis, lequel servira de socle à la suite de la procédure. Notre société se caractérise par une information, parfois parcellaire et polémique, mais qui se diffuse très largement et très rapidement. Ne craignez-vous pas qu’une sorte d’animation numérique autour des thèmes qui seront traités ne nuise à l’adhésion du public à la démarche qui lui sera proposée ? Autrement dit, ne risque-t-on pas de voir s’installer deux débats, l’un organisé par la Commission qui constituera les prémices de la décision publique, et l’autre, tout aussi vivant, se déroulant en dehors de la procédure mais qui pourrait finir par influencer le premier ? Quand l’on voit aujourd'hui se développer les débats de société dans la presse et les réseaux sociaux, on ne peut pas ne pas se poser la question, surtout quand il s’agit d’une procédure aussi ouverte.

M. Martial Saddier. Je commencerai par féliciter notre président grâce à qui notre commission est à l’honneur. Les députés UMP appuient entièrement ses déclarations selon lesquelles l’environnement n’est pas une préoccupation majeure depuis le début de la législature et que notre commission mériterait d’être davantage prise en considération. Ainsi, nous avons entendu la semaine dernière M. Cuvillier sur le budget des transports, audition qu’il a écourtée pour partir travailler sur le paquet ferroviaire, sans nous en dire un mot. Tous les commissaires au développement durable ont sûrement apprécié de découvrir l’intégralité de sa feuille de route en ouvrant leur journal.

Monsieur le préfet, la loi de 1995, dite « Barnier », a introduit le débat public dans notre pays et c’est Mme Dominique Voynet qui, la première, a mis en place la CNDP. Pourriez-vous nous expliquer la procédure de saisine depuis que la Charte de l’environnement a fait évoluer la jurisprudence ? Dorénavant, le débat public peut s’inviter dans la plus petite commune de France. Le renforcement de la concertation en amont, que nous défendons tous, aurait dû déboucher sur une plus grande adhésion de la population en aval. Or nous constatons que plus il y a de concertation, plus il y a de recours, y compris des recours abusifs ou qui sont introduits pour tenter d’obtenir des contreparties, par exemple quand on ne veut pas qu’un immeuble se construise devant chez soi, ou une ligne de transport. Qu’en pensez-vous ?

Quelles conclusions tirez-vous du débat sur les nanotechnologies qui, apparemment, n’a pas été des plus simples ?

Enfin, rédigé dans l’urgence en réponse à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le projet de loi sur la mise en œuvre de l’article 7 de la Charte de l’environnement répondra-t-il pleinement aux interrogations sur l’application du principe de participation du public ? N’aurait-on pas pu profiter de l’occasion pour amender la loi « Grenelle II » et son volet réglementaire ? Enfin, ne serait-il pas temps d’analyser toutes ces initiatives législatives qui se superposent et qui, guidées par le bon sens, finissent par se traduire par une multiplication des contraintes ? J’en veux pour preuve la procédure concernant les unités touristiques nouvelles dont le dernier décret sur l’étude d’impact, publié en juillet dernier, rend parfois nécessaires deux études d’impact pour deux procédures différentes, mais pour un même dossier. Comment, dans ce cas, améliorer la transparence ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. À cet égard, que suggérez-vous, monsieur le préfet, pour se prémunir contre les recours abusifs ? Comment une procédure de concertation permettrait-elle de les éviter ?

M. Bertrand Pancher. Je parle au nom du groupe UDI, mais je suis surtout le député de Bure et, à ce titre, le premier concerné ici par le projet. Je me félicite donc que le débat public ait lieu, conformément à la loi de 2006. J’ai, à propos de son organisation, plusieurs questions.

Premièrement, un débat ne sera possible que si plusieurs scénarios sont envisagés. Quels sont ceux dont a eu connaissance la CNDP, notamment les alternatives en matière de transport, sujet qui préoccupe tout particulièrement les habitants de la Meuse, et de réversibilité ?

Deuxièmement, comment s’articuleront le débat national et le débat local ? Lors du débat sur les déchets nucléaires, le premier l’avait emporté sur le second. Cette fois-ci, ce devrait être l’inverse puisque nous avons tranché sur l’opportunité de stocker dans le sous-sol les déchets nucléaires dans la loi de 2006.

Troisièmement, l’acceptabilité du projet ne dépend pas que de la sécurité du transport des déchets. Entrent aussi en compte dans les critères d’acceptabilité les contreparties en termes d’emploi, de fiscalité et d’aide au développement. En sera-t-il question dans le débat public ?

S’agissant du projet de loi sur la participation du public, il ne modifie qu’à la marge l’article 244 de la loi « Grenelle II ». Peut-être pourrons-nous lui donner plus d’ambition, par exemple, en reprenant les amendements que j’avais déposés pour prolonger le délai de consultation du public qui n’est que de quinze jours, alors qu’il est de deux mois aux États-Unis. De même, la concertation à propos des lois devrait être indispensable. Il est tout de même incroyable que, pour se conformer à la convention d’Aarhus, on impose une concertation sur les règlements alors que la loi, la pièce centrale du dispositif, n’a jamais été évoquée. Qu’en pensez-vous ? Le projet de loi ne prévoit pas non plus d’introduire des modérateurs indépendants, ni de prendre en compte la position des internautes.

Enfin, à quelques semaines de votre départ, que nous regretterons, monsieur le préfet, car vous avez marqué de votre présence la CNDP, quels conseils donneriez-vous au législateur ? Comment faire évoluer la concertation qui s’est déjà étendue avec la loi « Grenelle II » et la rénovation des procédures d’enquête publique ? Comment mieux faire participer le public au processus de décision ?

Mme Laurence Abeille. La participation du public aux projets ayant un impact environnemental, mais également sanitaire, est essentielle pour les écologistes. Il est nécessaire de mener une véritable consultation, non un simple simulacre. Dans ses décisions récentes, le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2005, qui prévoit la consultation du public pour « tout projet ayant une incidence sur l’environnement », mais mon groupe se réjouirait si le Conseil et le Parlement invoquaient également l’article 5 de la Charte, relatif au principe de précaution.

Le bleu budgétaire sur la mission « Écologie » indique que le budget de la CNDP dispose d’un peu plus de 2 millions d’euros par an et d’un effectif de 7 équivalents temps plein. Ces moyens seront-ils suffisants au regard du renforcement des procédures de consultation prévu dans le projet de loi que nous allons examiner ?

La CNDP est chargée de veiller à la participation du public dans le cadre du Grand Paris Express. Concernant le premier tronçon, la ligne rouge sud, appelée aussi T0, la CNDP a désigné un garant chargé de veiller à la mise en œuvre des modalités d’information et de participation du public mais je m’interroge sur la qualité des informations dont disposent les riverains. En effet, les réunions publiques ont démarré le 13 septembre dernier, mais l’Autorité environnementale, chargée d’émettre un avis consultatif sur les impacts environnementaux du projet, n’a rendu sa copie que le 24 octobre dernier. Son rapport pointe des insuffisances dans les études menées par la Société du Grand Paris. Elle l’invite à compléter son dossier pour donner à l’enquête publique tout son sens. Par ailleurs, des travaux sont actuellement en cours sous l’autorité de la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, pour actualiser le coût du projet. Il est tout de même regrettable que les habitants qui ont participé à la concertation n’aient pu disposer de l’avis de l’Autorité environnementale sur les impacts environnementaux, ni des estimations à venir sur les coûts. Cet exemple local révèle un problème plus global : que peut faire la CNDP pour fluidifier la concertation et faire en sorte que le public dispose d’une information complète en temps voulu ?

M. Serge Bardy. Je vous informe dès à présent que j’ai été désigné par notre assemblée comme membre de la CNDP, qui illustre l’importance donnée désormais au débat public dans notre pays.

S’agissant de la forme du débat public, d’aucuns ont dans le passé critiqué l’absence de formation à l’expertise des commissaires enquêteurs dont les avis perdaient alors en légitimité. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Comment jugez-vous, à l’aune de vos quatre années passées à la tête de la CNDP, la capacité des administrations à s’adapter à cette nouvelle forme démocratique ? Les dossiers que vous avez examinés et leur traitement par les administrations vous semblent-ils participer à la co-construction d’une politique publique et une réorientation réelle est-elle envisageable ?

M. Jean-Marie Sermier. Votre tâche est compliquée, monsieur le préfet, parce que le débat avec le public se prolonge parfois, comme celui autour de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes décidé en 2001, dossier dont la CNDP a été saisie et qui n’est toujours pas clos.

Après le débat sur la gestion des déchets radioactifs en 2005 et celui sur les nanotechnologies en 2009, peut-on envisager que la CNDP en organise un sur les OGM, en particulier sur les risques que présente leur ingestion ?

En tant que rapporteur du programme 217 cette année, je sais que, sur un plafond d’emplois de 59 944 pour l’ensemble du ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, 7 seulement étaient destinés à la Commission nationale du débat public. Est-ce suffisant pour organiser les débats que nous souhaitons ?

M. Philippe Plisson. Le 9 octobre dernier, l’ANDRA a saisi la CNDP sur le projet de création d’un stockage réversible profond de déchets radioactifs à Bure. Quelle procédure sera-t-elle mise en place pour l’occasion ? Quelles seront les questions posées dans ce cadre ?

La CNDP a été au centre d’une polémique lors du débat sur les nanotechnologies au cours duquel les citoyens participants auraient été préalablement sélectionnés. Quels enseignements avez-vous tirés de cet épisode ?

M. Laurent Furst. J’avoue que, comme beaucoup de nos concitoyens, j’ignorais l’existence de votre Commission, monsieur le préfet. Notre situation économique et financière m’incite à vous demander avec une certaine impudence, j’en conviens : combien coûtez-vous à la nation ?

Mme Laurence Abeille. Il suffit de lire le budget. (Sourires)

M. Laurent Furst. Certes, mais ma question contribue à la transparence. Et disposez-vous, ou non, des moyens nécessaires à l’accomplissement de votre mission ?

Mme Laurence Abeille. Le débat sur les déchets radioactifs a déjà eu lieu et il va être rouvert sur le projet précis de Bure. Vous n’ignorez pas les inquiétudes des écologistes sur cette technologie et sur la technique de l’enfouissement. Vous avez vous-même, monsieur le préfet, parlé de la durée de vie. Avec de tels enjeux, qui dépassent largement la vie quotidienne des habitants, comment envisager un débat serein et réaliste ? Les arguments tels que le développement local ou les subventions à la région, qui n’ont d’impact qu’à court ou moyen terme, me semblent de nature à fausser le débat.

M. Florent Boudié. Le débat sur la transition énergétique est très attendu et son organisation suscite beaucoup de commentaires. La ministre chargée de l’Écologie en a donné les grandes orientations dans sa feuille de route et la CNDP sera amenée à jouer un rôle important dans le déroulement du débat. Selon quelles modalités, en particulier s’agissant de l’articulation entre les différentes instances qui y présideront, à savoir le comité de pilotage, le comité d’experts, le comité de citoyens, le Conseil économique, social et environnemental et le Parlement ? Et comment le public interviendra-t-il dans ce débat ?

M. Yann Capet. J’ai eu l’occasion de suivre deux débats publics : l’un concernant le terminal méthanier de Dunkerque, l’autre le projet Calais Port 2015. Je me suis réjoui qu’ils se soient tenus dans l’esprit de la convention d’Aarhus et que la Commission ait toujours veillé à ce que l’information auprès du public soit suffisante. Dans le sillage du Grenelle II, des évolutions sont intervenues dans la tenue du débat public. C’est ainsi qu’a été offerte la possibilité de prolonger la concertation jusqu’à l’enquête publique qui est une étape déterminante. N’y aurait-il pas intérêt à la prolonger encore davantage, par exemple en organisant un suivi par le garant des recommandations qui viennent enrichir les projets jusqu'à leur mise en œuvre ? Ainsi, au cours du débat autour du projet du port du Havre a surgi l’idée d’une Maison du détroit, qui a facilité la participation de la population au projet, le suivi de sa mise en œuvre et même son enrichissement.

M. Michel Lesage. Quelles seront les modalités du débat en cours sur l’éolien offshore en baie de Saint-Brieuc, dont je suis l’élu ? Avec quels moyens et selon quel calendrier ? Comment les conclusions de cette consultation seront-elles prises en compte ?

M. Philippe Deslandes. L’un des tout premiers rôles de la Commission est de recréer de la confiance dans ce pays où elle manque souvent. Elle s’appuie pour cela sur une méthode de concertation mise au point au fil du temps dont voici les principes : celui qui organise la concertation – et ce sera valable aussi pour le débat sur la transition énergétique – doit être neutre et indépendant et, pour le prouver, s’abstenir, tout au long du débat, de donner le moindre avis. Sinon, il suscitera immanquablement la défiance du public et le débat sera définitivement compromis.

Le deuxième principe est celui de la transparence. Il faut que l’information dont dispose le public pour débattre soit la plus sincère et la plus complète possible. Elle est parfois difficile à obtenir du porteur de projet. Dans le cadre du projet CIGEO, j’ai demandé à l’ANDRA un dossier comportant une grande partie pédagogique expliquant d’où proviennent les différents déchets radioactifs à haute et moyenne activité ; quelles sont les différentes recherches menées depuis la loi, pour évaluer les chances de savoir un jour séparer les actinides de l’uranium et du plutonium, ce qui permettrait de réduire les quantités stockées ; pourquoi l’entreposage est nécessaire pendant un certain délai, de façon à faire baisser la température… Toutes ces problématiques doivent être compréhensibles par le public, dans des termes simples. Aujourd'hui, le volume des déchets correspond à environ 40 % de la capacité du site envisagé. Il faut que le public comprenne ce qu’on peut en faire, ce qu’on pourra faire pour que la réversibilité prenne tout son sens. Elle repose sur l’hypothèse que, d’ici un siècle, nous saurons mieux séparer les différents déchets. Nous porterons une attention toute particulière à ces différents points et c’est la Commission qui décide de lancer le débat, quand elle estime le dossier suffisamment complet. Nous avons donc un certain pouvoir.

Troisième principe, l’équivalence. Pour nous, tous les citoyens sont égaux, élus ou non, ce qui n’empêche pas, bien sûr, des règles de préséance.

Enfin, dernier principe, la recherche d’arguments. Contrairement à l’enquête publique, la CNDP ne donne aucun avis sur le fond. Nous sommes là pour recueillir des arguments, non pour faire un sondage ni tenir un référendum. Nous collectons des arguments en vue d’éclairer la décision du porteur de projet. Environ 8 projets sur 10 sont modifiés à l’issue du débat. Trois ont même été abandonnés.

Mme Suzanne Tallard. Lesquels ?

M. Philippe Deslandes. Le contournement autoroutier de Toulouse, le contournement autoroutier de Bordeaux et l’extension du port de Nice.

S’agissant de la prise en compte des nouveaux médias, nous sommes en train de réécrire les cahiers méthodologiques qui seront, cette année, joints au rapport d’activité.

Le débat se passe dans les réunions publiques, mais aussi sur Internet. Si vous allez sur les différents sites des instances du débat public, vous verrez qu’ils abritent des centres de discussion avec des avis et des réponses. C’est d’ores et déjà un moyen de recueillir des arguments – ce qui est, je le rappelle, notre but – à propos de la validité, ou non, du projet ; sur l’existence, ou non, de solutions alternatives ; et sur des améliorations possibles. Ces arguments permettent d’éclairer la décision et à ce qu’elle soit la plus conforme à l’intérêt général.

Mais Internet comporte aussi des risques. On ne sait pas très bien qui intervient. Nous avons d’ailleurs reçu des courriers d’internautes demandant de faire disparaître leur contribution. Encore faudrait-il que nous connaissions leur adresse IP. On peut organiser un débat sur le Net, en parallèle des réunions publiques, en créant des espaces de dialogue, à condition toutefois d’avoir un webmaster digne de ce nom car, sinon, la discussion risque de virer au n’importe quoi. Nous sommes avant tout des pragmatiques.

On ne peut pas nier l’importance d’Internet aujourd'hui mais il ne faut pas perdre le sens des préséances. Les participants à une réunion publique ont pris la peine de se déplacer et il nous a été dit et répété qu’ils ne supportent pas de se voir couper la parole par le président de séance pour écouter des internautes. Nous ne le faisons donc plus. En conséquence, il y a deux débats qui se déroulent, mais cela ne nous dérange pas, notre mission consistant à collecter des arguments, quelle que soit la façon dont ils nous parviennent.

Le principe de participation a été consacré par la loi Barnier de 1995, qui a créé la CNDP, après le sommet de la Terre à Rio de Janeiro où avait été adopté le principe selon lequel la meilleure façon de protéger l’environnement était d’associer tous les citoyens au niveau concerné. Mais cette loi ne prévoyait de saisine que par le ministre. En 2002, la CNDP est devenue une autorité administrative indépendante et c’est désormais en toute indépendance qu’elle décide ou non de lancer le débat. Ses décisions sont motivées et il leur arrive d’être attaquées devant le Conseil d’État.

S’agissant de la saisine, le décret pris en application de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit une dizaine de catégories d’opérations à l’occasion desquelles la Commission doit être saisie en fonction d’un critère physique, par exemple la longueur d’un tronçon d’autoroute, ou financier, environ 300 millions d’euros. Figurent dans la liste tous les équipements linéaires de transport – nous sommes saisis surtout par RFF, Voies navigables de France, par exemple au sujet de la mise à grand gabarit de la Seine entre Nogent-sur-Seine et Paris, car il se construit de moins en moins d’autoroutes – ou les grands équipements culturels ou scientifiques, comme les bâtiments universitaires d’une valeur supérieure à 300 millions, ou encore les équipements touristiques. S’agissant des équipements industriels, nous sommes rarement saisis parce que seul le prix du bâtiment intervient alors que ce qui coûte le plus cher ce sont les machines. Ce critère explique que nous n’ayons jamais été saisis pour les centres de traitement des ordures ménagères par incinération, ce qui a d’ailleurs provoqué un scandale à Marseille.

Les opérations sont à apprécier en fonction de deux seuils, le plus élevé détermine celles pour lesquelles la saisine est obligatoire, le second, fixé à la moitié du premier, correspond au montant au-delà duquel le porteur de projet doit publier les caractéristiques et les objectifs du projet dans un journal national et un journal local. Dans les deux mois qui suivent la publication, les associations agréées par Pôle environnement, les conseils municipaux, généraux ou régionaux concernés, peuvent saisir la Commission qui décide souverainement s’il y a lieu de tenir un débat public.

La procédure de saisine est très encadrée et nous ne pouvons pas nous autosaisir. Quand nous recevons des lettres, nous adressons leurs auteurs au porteur du futur projet, ou bien au ministre de l’Environnement qui peut saisir la Commission d’une demande de débat sur « les options générales », par exemple les nanotechnologies ou la gestion des déchets radioactifs.

En ce qui concerne la concertation, la CNDP a pour mission de veiller à la participation du public au processus d’élaboration des projets d’équipement ou d’aménagement, mais elle a aussi une mission d’appui méthodologique. Elle intervient à ce titre auprès des collectivités ou des maîtres d’ouvrage qui souhaitent employer nos méthodes. Pour le débat sur la transition énergétique, nous avons dit au directeur de cabinet de Mme Delphine Batho que nous étions prêts à transférer toutes nos méthodes à la commission nationale qui sera chargée d’organiser le débat car nous savons que, si elles ne sont pas suivies, le débat n’aura pas lieu. Le débat sur les nanotechnologies a montré que le temps d’information du public doit être assez long. Le ministre était très pressé, nous avons suivi un calendrier forcé avec sept ministres maîtres d’ouvrage. Nous avons mis près de six mois à mettre au point un document sur un état des lieux des nanotechnologies à l’époque. De très bonne qualité, il constitue l’apport le plus significatif de ce débat dans la mesure où son élaboration a obligé sept ministères à se parler pour arriver à une politique partagée.

Pendant le débat lui-même, il y a eu une forte opposition de Pièces et main-d’œuvre, un groupe de Grenoble, parfois virulente. Mais, en l’absence d’opposition frontale, on n’aurait jamais parlé de ce débat. Pour la presse, c’est un sujet extrêmement compliqué à traiter : un univers inconnu, difficile à appréhender, où les matériaux se comportent différemment. Ainsi, le fer, qui est inerte dans notre monde, prend immédiatement feu à l’échelle nanométrique. Allez expliquer cela au public. Il s’est immédiatement intéressé à l’impact sur la santé et a posé des questions sur les crédits publics alloués aux recherches sur la toxicité de ces nouveaux produits.

À la suite du débat, il a été décidé il y a quelques mois que l’État s’engagerait à consacrer une partie des crédits publics à ces recherches. Jusqu’ici, rien n’était fait, contrairement à ce qui se passait pour les produits chimiques, qui sont sous surveillance depuis la directive REACH. Il faut savoir que l’on ne produit pas plus d’une tonne par an de nanoparticules. Or, comme c’est le seuil retenu par la réglementation européenne, on pouvait donc mettre sur le marché tous les produits nanotechnologiques, sans aucun contrôle ni étude de toxicité. L’avantage du débat est d’avoir fait connaître l’état des lieux. L’opposition frontale a fini par susciter l’intérêt de la presse qui a publié quelques bons articles de fond. Aujourd'hui, le mot nanotechnologies est un peu moins ignoré.

Nous sommes de plus en plus sollicités par les élus au sujet de la concertation, qui nous demandent de désigner des garants pour leur commune. Nous répondons toujours favorablement. L’avantage pour l’élu est de faire organiser la consultation par quelqu’un qu’il n’a pas nommé. Le garant veille au respect des principes et à ce que la procédure se déroule correctement, c'est-à-dire à la bonne information du public et à sa participation. Il fait en sorte aussi que les arguments développés soient entendus sinon acceptés.

Nous avons organisé un débat public volontaire en Corse, sans aucune obligation. Il s’agissait de raccorder l’île au gazoduc allant de l’Algérie à la Sardaigne, de façon à desservir les centrales de Bastia et d’Ajaccio. Le diamètre était de 40 centimètres alors que le critère retenu est de 60 centimètres, mais nous sommes intervenus. Le débat s’est d’ailleurs fort bien passé : même les nationalistes ont participé au débat, parce que la population veut sortir du pétrole lourd qui est plus polluant. Le débat a duré quatre mois, il s’est tenu dans de nombreuses communes s’étendant du sud au nord de la Corse. Cet exemple montre que nous n’hésitons pas à sortir du cadre formel.

En général, nous intervenons, dans la mesure de nos moyens mais, jusqu’à présent, ils ont toujours suffi. Le problème se posera si nous montons en puissance en matière méthodologique.

Pour l’instant, la Commission, composée de vingt-cinq membres, s’appuie sur un effectif permanent de dix personnes, mais cette petite équipe a toujours fait en sorte de répondre aux demandes. S’il fallait intervenir en appui méthodologique, il faudrait probablement redimensionner cette formation restreinte. Mais si la montée en puissance se fait progressivement, elle devrait pouvoir suivre.

Il faut toujours prendre le temps de préparer le débat. Entre la saisine et le début du débat, il s’écoule au moins six mois, pendant lesquels la commission particulière fait le tour des acteurs et des territoires concernés, veille à ce que le dossier soit aussi complet que possible et propose un périmètre au débat, et des calendriers de réunion. Commence alors la phase du débat proprement dit, d’une durée de quatre mois, à l’issue de laquelle s’ouvre une période de deux mois qui sert à faire le bilan. La commission particulière dresse alors le compte rendu du débat. Tout ce qui a été dit est consigné sur Internet : le verbatim de toutes les réunions, toutes les contributions. La force du débat public réside dans sa publicité. Pendant le débat, on explore surtout les controverses, mais on ne les règle pas. Néanmoins, leur identification est de nature à éclairer le porteur du projet.

Dans les trois mois qui suivent la publication du bilan et du compte rendu, le maître d’ouvrage doit rendre publique sa décision finale. S’il poursuit le projet, il doit dire comment, en tenant compte des enseignements du débat. Comme il s’agit d’un acte public, il sera donc versé au dossier de l’enquête publique.

Depuis la loi « Grenelle II », les choses ne s’arrêtent pas là. S’ouvre une phase de concertation post-débat public. Il s’agit de débattre non plus de l’opportunité du projet, mais de ses caractéristiques. Cette phase, qui peut durer jusqu’à trois ou quatre ans, est l’occasion de déceler des convergences ou de trouver des compromis. C’est à mon avis l’apport le plus important de cette loi pour la CNDP et le débat public lui-même.

En ce qui concerne le projet de Bure, nous déciderons le 7 novembre d’ouvrir un débat public, notre seul choix résidant dans la faculté de le confier à l’ANDRA ou de le prendre en charge nous-mêmes en nommant une commission particulière. Dans la foulée, nous désignerons un garant qui a l’habitude des débats publics. Aussitôt nommé, il partira à la rencontre des acteurs sur le terrain pour définir le périmètre du débat. S’agissant d’un projet d’envergure nationale, il sera amené à rencontrer des associations nationales. Le calendrier n’est pas encore arrêté. Mme Delphine Batho m’a demandé que ce débat s’articule avec celui sur la transition énergétique. Nous voudrions éviter les mois d’été car craignons que les Grünen ne viennent camper sur le site pendant deux mois…

Mme Laurence Abeille. C’est une idée ! (Sourires)

M. Philippe Deslandes. Quant à l’acceptabilité du projet, l’ANDRA a déjà installé son laboratoire ; elle a l’habitude des contacts avec la population. Les concertations qui ont déjà été menées étaient sûrement nécessaires, mais le débat public sera plus ouvert. Il faut savoir que chaque débat public est une nouvelle aventure. La seule certitude que nous ayons, c’est que ce débat sera regardé car nous ne sommes pas le seul pays à avoir de tels problèmes de stockage. Cet après-midi, nous recevions dans nos locaux pour la troisième fois une délégation coréenne qui a traduit en coréen toute la partie du code de l’environnement nous concernant et tous nos cahiers méthodologiques.

Le sujet de la fiscalité sera probablement abordé car, dans un débat public, aucune question n’est taboue. Le maître d’ouvrage, l’ANDRA en l’occurrence, y répondra.

Sur la question de faire porter le débat sur le règlement ou sur la loi, il faut savoir que la loi n’est pas encore entrée dans les mœurs. Les conditions qui rendent la saisine obligatoire ont été modifiées en avril dernier sans que la Commission elle-même soit tenue au courant. Nous avons découvert cette information tout à fait par hasard, en septembre dernier, grâce à un stagiaire qui a consulté les textes récents publiés par le ministère de l’Écologie.

Pour le moment, on ne peut pas vraiment parler de concertation car la communication par voie électronique est unilatérale : on peut recueillir des avis mais ceux qui interviennent ne peuvent connaître celui des autres contributeurs. On parle alors de consultation. Mais, dans un débat public, celui qui intervient sur Internet sait ce qui se dit. La concertation est bien réelle.

Nous avons coûté à la nation autour de 1,9 million d’euros l’année dernière. Tous les ans, ce montant baisse un peu. Pour l’instant, ces dotations nous suffisent, mais plus la Commission sera connue, plus elle sera sollicitée, et plus il deviendra difficile de répondre. Force est de constater que les collectivités font davantage appel à nous. Elles nous demandent comment créer leur propre commission de débat public. Il en existe plusieurs en France et nous sommes intervenus en tant qu’appui méthodologique.

S’agissant du jury citoyen auquel la commission particulière avait décidé de faire appel dans le débat sur les nanotechnologies, ses quinze membres avaient été désignés par l’IFOP, pour que toutes les catégories de la population soient représentées. Il s’est réuni pendant plusieurs week-ends à Paris et les questions qu’il a posées étaient assez proches de celles posées lors des réunions publiques. Dès lors, on peut se demander à quoi bon organiser un débat si la consultation d’un échantillon représentatif suffit. Cette méthode est davantage utilisée en Europe du Nord, mais la France est un pays égalitaire et les citoyens ne se sentent pas engagés par un débat auquel ils n’ont pas été conviés. Le président de la commission particulière sur les nanotechnologies avait eu recours à une telle solution pour l’éclairer sur la façon dont conduire le débat et identifier les principales questions qui seraient soulevées. Il s’est trouvé qu’il s’agissait de la santé – va-t-on inhaler ou ingurgiter des nanoparticules ? – avec, en toile de fond, le problème de l’amiante.

Concernant le débat sur la transition énergétique, nous ne connaissons rien d’autre que la feuille de route. Une fois que le président du comité national aura été nommé, nous espérons entrer en contact avec lui rapidement pour lui exposer nos méthodes qui ont maintenant fait leurs preuves.

À propos de l’intervention des experts, je rappelle que la CNDP a pour rôle de faire fonctionner le débat et que, comme nous n’avons pas d’avis à donner, nous n’avons pas besoin d’experts. Au contraire ! Si l’un d’entre eux était nommé membre d’une commission particulière, sa neutralité serait immédiatement mise en cause par le public, et partant celle de la commission. Nous faisons appel à eux pour comprendre le sujet, et nous entendons généralement des avis contradictoires. Les expertises se font à la demande du public et elles sont payées par la CNDP, et non par le porteur de projet. C’est une façon pour nous d’instaurer un peu de confiance.

Les thèses du maître d’ouvrage sont systématiquement mises en cause au début et il faut un peu de temps avant que le dialogue s’instaure et que le débat puisse avoir lieu dans le respect réciproque. La question du financement vient de plus en plus sur la table, et la mise en cause des projets au nom de l’insuffisance des moyens budgétaires. C’est le cas pour RFF, à qui il est demandé pourquoi il porte des projets qu’il n’a pas les moyens de financer. Dans les débats faisant intervenir des sociétés privées – elles peuvent désormais nous saisir –, elles doivent toujours répondre à des questions sur leur motivation, sur l’utilisation des profits qu’elles réaliseront.

Nous n’avons pas de réel besoin de formation, sinon au profit des garants qui risquent d’être plus nombreux. Il arrive à des commissaires enquêteurs de devenir des garants, et il faut qu’ils comprennent qu’ils ne doivent à aucun prix donner leur avis. Les deux rôles ne sont pas les mêmes et il faudra monter des programmes de formation car nous recevons tous les mois des demandes de désignation de garant. Or le vivier n’est pas inépuisable.

Un débat sur les OGM, pourquoi pas ? Pour que nous intervenions, il faut que le projet ait des conséquences sur l’environnement. Ce sera incontestablement le cas. Seule la ministre de l’Écologie, avec le ministre de l’Agriculture, pourra saisir la CNDP d’une demande de débat.

M. Martial Saddier. Cela m’étonnerait que la ministre de l’Écologie vous saisisse !

M. Philippe Deslandes. En tout cas, le code de l’environnement ne laisse pas d’autre choix à la Commission que de répondre favorablement et d’organiser le débat.

Depuis la loi « Grenelle II », celui qui a pris l’initiative du débat doit, une fois que la procédure est achevée, indiquer la décision qu’il prend.

La consultation post-débat qui se déroule actuellement sur la ligne rouge sud du Grand Paris Express n’était pas légalement obligatoire, mais la Société du Grand Paris a tenu à appliquer les procédures votées dans la loi Grenelle II, qui a suivi celle sur le Grand Paris. Dans le cadre de la consultation qu’elle organise, elle nous a demandé un garant pour suivre les réunions, quasiment une par commune. Là aussi il y a un problème de calendrier car la société veut aboutir très vite à l’enquête publique. On n’en était pourtant pas à un ou deux mois près. L’avis de l’Autorité environnementale est tombé un peu plus tard. Il va nous falloir apprendre à travailler ensemble et à mieux coordonner nos calendriers.

Parfois, l’Autorité environnementale donne un avis avant même que le débat ait commencé. Nous lui avons expliqué qu’il ne valait mieux pas, pour ne pas donner l’impression que tout était déjà décidé. Il est sûrement possible de mieux travailler ensemble, surtout que nos relations sont excellentes.

Nous avons été saisis du projet de ligne orange qui faisait partie du projet Arc Express. L’opportunité de ce tronçon a été débattue et reconnue par l’accord entre l’État et la région. Nous avons donc été saisis du projet évalué à plus de 5 milliards d’euros. La décision étant acquise, nous recommanderons une concertation sans limite de temps.

Le 7 novembre, nous célébrerons nos dix années de fonctionnement, depuis le vote de la loi Voynet. En dix ans, nous avons organisé 70 débats, recommandé 39 concertations, et pris 565 décisions. Ne sont publiées au Journal Officiel que celles qui ont trait à l’organisation ou non d’un débat. Les autres le sont sur notre site.

Mme Françoise Dubois. Comment les membres de la CNDP sont-ils désignés ?

M. Philippe Deslandes. Le président et les vice-présidents sont nommés par décret.

Mme Françoise Dubois. C’est vague !

M. Philippe Deslandes. J’ai remplacé un préfet de région, mais il n’y a pas de règle. J’ai dit à Mme Delphine Batho qu’un profil de préfet de région était adapté au poste dans la mesure où les débats sont très largement territoriaux. Le président et les deux vice-présidents sont nommés par décret du Président de la République, pour cinq ans.

Ayant été nommés tous les trois à la même date, nos mandats arrivent à échéance en même temps, le 18 février 2013, d’où un risque de blocage des débats en cours puisque seul le président peut engager des dépenses – indemnisation des animateurs ou des expertises complémentaires. Cela tomberait mal avec le débat en cours sur la transition énergétique.

Depuis la réforme constitutionnelle, le président de la CNDP fait partie des quarante personnes qui doivent être nommées après avis des commissions des deux assemblées.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Êtes-vous atteint par une limite d’âge ?

M. Philippe Deslandes. Je n’ai fait qu’un mandat et, en théorie du moins, le mandat de membre peut être renouvelé une fois…

Les débats sur l’éolien offshore ne commenceront pas avant mars ou avril. Des associations ont déjà demandé que les débats aient lieu cet été, notamment à La Baule où il y a des résidences secondaires. Oui, on fera les quatre en même temps. Il faudra faire intervenir la Commission de régulation de l’énergie et la Direction générale de l’énergie et du climat pour expliquer pourquoi ces parcs sont nécessaires. Après, s’enchaîneront les quatre mois d’un débat qui risque d’être houleux quand le public aura compris que l’appel d’offres qui l’a précédé a déjà décidé beaucoup de choses.

M. Michel Lesage. À Saint-Brieuc, les gens sont d’accord, y compris les pêcheurs.

M. Philippe Deslandes. Au Tréport, les pêcheurs n’ont pas dit la même chose en débat public et dans des bureaux. L’accord préalable a volé en éclats. Le pêcheur qui déclarait publiquement espérer trouver un nouvel emploi sur les bateaux de maintenance a été sommé de se taire... On n’est jamais à l’abri d’un avis discordant.

M. Michel Lesage. À Saint-Brieuc, ce ne sera pas le cas.

M. Philippe Deslandes. Tant mieux.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il ne me reste plus, monsieur le préfet, qu’à vous remercier pour vos réponses.

◊ ◊

Information relative à la Commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Compte tenu de l’importance de l’équipement numérique sur l’aménagement du territoire, je propose que la Commission se saisisse pour avis de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire (n° 63). Ce texte a été adopté par le Sénat au cours de la précédente législature et nous l’examinerons le 22 novembre prochain, dans le cadre de la journée réservée au groupe UDI. Pour le rapporter, j’ai reçu la candidature de M. Alain Calmette qui est notre rapporteur pour les crédits de la mission « Politique des territoires ».

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a nommé M. Alain Calmette, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à assurer l’aménagement numérique du territoire.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 30 octobre 2012 à 17 h 15

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Christian Assaf, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, Mme Chantal Berthelot, Mme Sophie Errante, M. Christian Jacob, M. Gabriel Serville, M. David Vergé

Assistait également à la réunion. - M. François Pupponi