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Mercredi 21 novembre 2012

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde, ouverte à la presse, consacrée au thème « biodiversité et collectivités locales », avec la participation de M. Damien Carême, maire de Grande-Synthe, Mme Corinne Casanova, administratrice de l’Assemblée des Communautés de France, M. Éric Gautier, Vice-président de commission de l’Assemblée des départements de France, président du Conseil général des Deux-Sèvres, M. Daniel Béguin, vice-président de la commission Développement durable et environnement de l’Association des régions de France, vice-président de la région Lorraine, Mme Viviane Le Dissez, présidente du conseil d’administration du Conservatoire du Littoral et M. Yves Colcombet, directeur général

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde, ouverte à la presse, consacrée au thème « biodiversité et collectivités locales ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J'ai le plaisir d'accueillir M. Damien Carême, maire de Grande-Synthe, Mme Corinne Casanova, administratrice de l'Assemblée des communautés de France, M. Éric Gautier, vice-président de la commission de l’environnement, du développement durable, des énergies et du climat de l'Assemblée des départements de France, président du conseil général des Deux-Sèvres, M. Daniel Béguin, vice-président de la commission du développement durable et de l’environnement de l'Association des régions de France, vice-président de la région Lorraine, et notre collègue Mme Viviane Le Dissez, qui a succédé à M. Jérôme Bignon à la tête du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres et que je félicite pour son élection ; elle est accompagnée de M. Yves Colcombet, directeur général du Conservatoire.

Je rappelle à titre liminaire qu'un certain nombre de membres de cette commission ont eu le plaisir et l'honneur de participer à la conférence environnementale qui s’est tenue les 14 et 15 septembre derniers et, notamment, comme M. Martial Saddier et moi-même, à la table ronde consacrée à la biodiversité.

La feuille de route que nous avons reçue du Premier ministre prévoit le vote d'une loi-cadre sur la biodiversité en 2013, ainsi que la création d'une agence de la biodiversité. En vue d'apporter notre contribution au contenu de ce projet de loi, nous avons prévu d'organiser des rencontres dont la présente constitue la deuxième. Nous avons en effet auditionné, le 9 octobre dernier, M. Gilles Bœuf, président du Muséum d'histoire naturelle.

L'acte III de la décentralisation devrait à mon avis procéder au transfert aux collectivités territoriales – en particulier aux régions – de la compétence en matière de protection et de valorisation de la biodiversité.

Nos travaux, dans le cadre de l'examen prochain de cette loi-cadre dite « biodiversité » et du projet de loi dit « acte III de la décentralisation » sont donc très étroitement liés. C'est pourquoi il nous faut apporter notre contribution active sur chacun de ces deux textes.

Pourriez-vous, mesdames, messieurs, nous dresser un rapide bilan de l'action que votre collectivité, ou l'association d'élus que vous représentez, mène dans le domaine de la biodiversité ? Par ailleurs, quel outil d’intervention vous semble le plus efficace ? Comment doit être traitée la question de la fiscalité dédiée à cette politique ? L’État consacre 280 millions d’euros à la biodiversité, ce qui est insuffisant et qui oblige à faire preuve d’imagination et d’originalité.

Quelles missions pourraient être confiées à l’agence nationale de la biodiversité sachant qu’un préfigurateur devrait bientôt être nommé ?

M. Damien Carême, maire de Grande-Synthe. Grande-Synthe est située dans le département du Nord et dans la communauté urbaine de Dunkerque. En 1958, il s’agissait d’un village de 1 600 habitants, qui est devenu une ville peuplée de 22 000 personnes du fait de la décision prise par l’État d’implanter Usinor sur le rivage de la mer du Nord. Cette commune ouvrière s’est construite rapidement ; elle compte 64 % de logements sociaux et affiche un taux de chômage de 20 % ; le revenu annuel moyen de ses résidents s’élève à 9 600 euros et 25 % d’entre eux ne possèdent pas de véhicule.

La ville est entourée de 15 sites Seveso. En 1971, elle n’était composée que de champs à perte de vue ; le conseil municipal a donc décidé de procéder à une vaste campagne de plantation d’arbres afin de faire entrer la nature dans la zone à urbaniser en priorité (ZUP) qu’était Grande-Synthe. Aujourd’hui, 350 hectares sont urbanisés alors que 400 hectares se situent en zone naturelle. La superficie d’espace vert par habitant atteint 127 m² et 95 % de la population de la commune vit à moins de 300 mètres d’un espace naturel ou d’un parc. Cette présence de la nature dans la cité donne corps au concept de « ville durable » et redonne le goût de vivre en ville, ce qui dispense de s’installer dans le périurbain et permet de lutter contre l’artificialisation des sols qui fait perdre à ces derniers les qualités du milieu naturel.

Avant le choc pétrolier, la population du dunkerquois augmentait fortement. La ville de Grande-Synthe a donc décidé, en 1974 la construction d’un nouveau quartier dans une zone d’aménagement concerté (ZAC). S’appuyant sur les expériences belge et néerlandaise, des canaux ont été installés dans les quartiers de la ville afin de drainer les eaux pluviales. Cette trame bleue succédait alors à la trame verte.

En 1995, la commune a opté pour la gestion différenciée de ses espaces verts. Elle a cessé – presque complètement – d’utiliser des produits phytosanitaires ; ceux-ci servent aujourd’hui uniquement à éradiquer certaines mauvaises herbes des terrains de sport.

Les services techniques de la ville comprennent une équipe dédiée à la biodiversité. Elle procède chaque année, en lien avec le Conservatoire national botanique, à un inventaire de la faune et de la flore sur le territoire de la commune. Ce recensement montre que certaines espèces ont été réintroduites : quinze espèces d’oiseaux nicheurs étaient identifiées en 1991 alors qu’elles sont aujourd’hui soixante-quatorze.

En 2010, la ville consacrait 7 % de son budget aux espaces publics et à la nature ainsi que 2 % à la biodiversité.

Un projet de recherche, conduit avec la région Nord-Pas-de Calais pour une durée de trois ans et s’intitulant « Les Corridors des Uns sont les Barrières des Autres » (CUBA) vise à étudier les ruptures des corridors biologiques afin de pouvoir les restaurer. La région finance cette étude à hauteur de 100 000 euros sur laquelle un agent de la commune travaille à mi-temps.

Cette politique environnementale contient également une action de sensibilisation de la population. Un centre d’initiation à l’environnement, né dans les années 1970, accueille plus de 8 000 enfants chaque année. Des week-ends nature, ouverts à tous les publics et attirant une cinquantaine de personnes, sont organisés une fois par mois autour d’un thème comme les oiseaux ou les champignons. Un verger pédagogique de quatre hectares, vierge de tout produit phytosanitaire et accessible à tous, est le théâtre d’un grand week-end annuel à l’occasion de la cueillette des pommes. L’année dernière, cinq cents personnes avaient participé à cet événement. Les habitants viennent toute l’année se servir dans ce verger et prélèvent une quantité uniquement destinée à leur consommation. Il constitue également un outil pédagogique d’explication du fonctionnement de la nature.

Avec l’aide du professeur Caudron, phytothérapeute et pharmacien, un jardin des plantes médicinales, très visité, a été créé. Un circuit de biodiversité a également été aménagé dans la ville.

Les deuxièmes assises nationales de la biodiversité ont été organisées à Grande-Synthe en septembre dernier. Destinées aux collectivités territoriales, j’ai souhaité permettre au public d’assister à certaines conférences qui se sont tenues à l’occasion de ces rencontres.

Dans une commune connaissant de nombreuses difficultés sociales, nous souhaitons montrer aux habitants que la biodiversité peut être un facteur de dynamisme économique et de création d’emplois dans l’agriculture biologique et de proximité. Elle constitue aussi un outil pour la politique de la santé.

La ville est lauréate du Grand prix national du fleurissement depuis 1989. Elle a également reçu le Grand prix national de l’arbre en 1992 et 2006 et a été désignée capitale française de la biodiversité en 2010. Ces récompenses permettent de placer les sujets liés à l’environnement au cœur de la vie de la cité.

Depuis septembre 2011, toutes les cantines scolaires de la commune ne servent que de la nourriture provenant de l’agriculture biologique. Les normes juridiques prescrivent 20 % de bio dans les restaurants des écoles, ce qui est une hypocrisie car si cette alimentation est déclarée bonne pour la santé, pourquoi ne pas porter ce taux à 100 % ? Le marché public a été réservé à une entreprise d’insertion ; c’est un établissement ou service d’aide par le travail – un Ésat – qui dispose d’une grande cuisine centrale sur le territoire de Grande-Synthe et qui livre 900 repas par jour. Dans le cahier des charges de ce marché, le bio était imposé. Les denrées biologiques proviennent d’une coopérative située à Arras. Le passage à une nourriture intégralement biologique s’est déroulé par étape – d’abord 20 % puis 50 % – et une action pédagogique envers les parents des élèves et les agents travaillant dans les cantines scolaires a été menée.

Certaines zones naturelles de Grande-Synthe ont été sanctuarisées par le plan local d’urbanisme – le PLU – de la communauté urbaine de Dunkerque, adopté en février dernier. Une démarche a été lancée auprès de la région Nord-Pas-de-Calais pour procéder à leur classement comme réserve naturelle régionale. Ce gel de terres doit favoriser la pérennité de la biodiversité dans le territoire de la commune.

La ville accueille des délégations régionales ou nationales – des membres du conseil syndical du parc naturel régional des Ballons des Vosges furent ainsi reçus il y a quelques semaines – qui veulent s’inspirer de notre action en matière de biodiversité. Elle a signé la Convention des maires en 2009 et a souscrit aux engagements de Durban via l’association internationale des gouvernements locaux pour le développement – l’ICLEI – et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Enfin, l’index de Singapour va être utilisé par nos services afin de mesurer la biodiversité dans la commune et la comparer à d’autres villes dans le monde.

Mme Corinne Casanova, administratrice de l'Assemblée des communautés de France. L’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, participe à la Stratégie nationale pour la biodiversité, au Comité national trames verte et bleue et a pris part à la conférence environnementale. Cet engagement s’explique par le fait que, même si l’AdCF ne développe pas une action spécifique en faveur de la biodiversité, les champs de compétence de l’Assemblée – aménagement du territoire, urbanisme, agriculture, traitement des déchets et assainissement des cours d’eau – comportent des dimensions liées à ce thème.

Je suis élue à la communauté d’agglomération constituée des communes entourant le lac du Bourget, premier lac naturel de France. Les conservatoires botanique, du littoral et d’espaces naturels disposent d’une antenne locale ; notre territoire est donc bien doté en termes d’acteurs protégeant la biodiversité. De nombreuses actions ont été engagées : un plan en faveur des zones humides dans les principales agglomérations du département, des contrats de corridors biologiques – mis en place par la région Rhône-Alpes et déclinés dans des opérations concernant l’agriculture, les infrastructures, et la sensibilisation du public – et une cartographie départementale de la trame verte et bleue au 1/25 000e , qui va être versée dans le schéma régional de cohérence écologique, le SRCE, afin de clarifier les responsabilités de chaque échelon territorial. J’occupe un poste de représentante au comité régional « trames verte et bleue » – le CRTVB – et dans un groupe technique qui permet d’adapter la mise en œuvre des dispositifs en fonction des situations locales.

Le comité intersyndical pour l’assainissement du lac du Bourget élabore des actions visant à éliminer tous les produits phytosanitaires et à informer les usagers du lac des enjeux liés à la biodiversité. Le PLU de l’agglomération est hétérodoxe car toutes ses prescriptions ne sont pas rassemblées dans un seul document mais il contient néanmoins les mesures nécessaires à la maîtrise d’ouvrage.

L’« emboîtement » des strates administratives, la coordination des dispositifs – le SRCE peut se trouver en opposition avec le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie, le SRCAE, ce qui rend leur application complexe –, le processus d’élaboration de ces schémas, leur degré d’opposabilité, la nature des documents évaluant leur mise en œuvre et le rôle de l’État dans l’équité territoriale : voilà autant de questions essentielles sur lesquelles nous devons nous pencher en matière de biodiversité.

M. Éric Gautier, vice-président de la commission de l’environnement, du développement durable, des énergies et du climat de l'Assemblée des départements de France, président du conseil général des Deux-Sèvres. Les départements mènent quatre types d'actions en matière de biodiversité.

Tout d’abord, la compétence sur les espaces naturels sensibles – les ENS – est fondamentale. Le mécanisme de la taxe départementale des espaces naturels sensibles – la TDENS – a été adopté par 99 départements. Cette politique couvre 200 000 hectares, répartis dans 4 000 sites qui font directement travailler 1 000 agents sans compter les emplois induits.

Les espaces sont acquis par les départements, les communes, le Conservatoire du littoral ou les parcs naturels régionaux sous la forme de conventions ou de délégations du droit de préemption que possèdent les départements sur ces ENS. Parmi eux, 1 500 sont administrés par les communes et 200 par le Conservatoire du littoral.

Les trois quarts des départements ont élaboré un schéma des ENS. Ces derniers sont gérés en concertation avec les usagers et constituent un outil pédagogique pour l’éducation à l’environnement.

Dans les Deux-Sèvres, huit zones de préemption, représentant une superficie totale de 600 hectares, ont été délimitées. Trois sites ont été acquis par le département, lequel est en passe d’obtenir l’étang de Beaurepaire qui se situe à la frontière du Maine-et-Loire et qui sert d’abri lors de la migration des oiseaux. Dix espaces sont labellisés et quarante vont bientôt l’être. Ce processus donne lieu à la signature de contrats avec les agriculteurs et à l’organisation d’événements et d’expositions ouverts au public.

Les départements gèrent également les espaces de type Natura 2000. Ils peuvent, sur la base du volontariat, se charger de l’animation du site.

Par ailleurs, des équipes pédagogiques sont dédiées à l’éducation à l’environnement, les conseils généraux assurant le financement. À titre d’exemple, l’opération « 3 000 nichoirs dans la plaine », menée en collaboration avec le CNRS et visant à favoriser la nidification de certains oiseaux comme la huppe fasciée, a impliqué des enfants et leur famille en ce qu’ils devaient, en lien avec la Ligue pour la protection des oiseaux, repérer les nichoirs. Le CNRS traite actuellement les données ainsi récoltées. Par ailleurs, trois pôles science et nature, un parc animalier sur les animaux d’Europe, le centre d’élevage du vison d’Europe et celui de l’outarde canepetière sont également implantés sur notre territoire.

S’agissant de l’outarde canepetière, une équipe de chercheurs a montré que la courbe de disparition cet oiseau était en corrélation avec celle de la diminution du nombre d’agriculteurs : la biodiversité et les modes de production agricole se nourrissent mutuellement. C’est pourquoi le CNRS cherche, en lien avec les cultivateurs, à faire évoluer certaines méthodes de production afin de maintenir la biodiversité et leur présence.

J’ajoute qu’une école de cinéma animalier a également été créée en partenariat avec l’université de Poitiers, ainsi qu’un lieu dédié au thème de l’eau.

Enfin, la connaissance de la situation locale permet de nouer dans les ENS des partenariats avec les autres collectivités locales – établissements de coopération intercommunale, EPCI, communes et conseils régionaux –, avec les parcs et réserves naturels, avec les associations de protection de la nature, avec le CNRS, avec les agriculteurs, avec l’Office national des forêts (ONF) qui gère, dans les Deux-Sèvres, la réserve biologique intégrale de la forêt de Chizé et avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour étudier les migrations des tourterelles des bois. Le conseil général a institué un comité départemental de la biodiversité qui intègre l’ensemble des acteurs impliqués dans ce domaine.

La contractualisation est utilisée pour le soutien à la recherche, la diffusion des savoirs scientifiques et l’éducation à l’environnement, notamment avec des associations.

Les actions en faveur de la biodiversité ont un impact sur l’ensemble des politiques menées par les départements. Cette transversalité touche notamment les chantiers d’insertion, la réflexion – lancée par les trois quarts des départements – sur l’utilisation des produits phytosanitaires au bord des routes, la redéfinition des aides agricoles pour tenir compte de la biodiversité et les mesures prises dans les domaines de l’énergie et du bâtiment.

La taxe d’aménagement, la TDNES, permet aux conseils généraux de conduire ces politiques. Sans elle, bon nombre de ces opérations ne pourraient plus être mises en œuvre du fait de la situation financière dégradée des départements liée à la crise économique et à l’augmentation des dépenses sociales.

La délimitation de périmètres de protection et d’aménagement des espaces agricoles et naturels – les PAEN – est un outil à développer, seuls trois départements l’utilisant actuellement.

L’action de proximité menée par les départements les situe dans le cadre de la biodiversité ordinaire, laquelle repose sur une politique transversale. Mais cela n’exclut pas des actions d’envergure comme la réintroduction d’espèces.

Je partage les appréciations portées par Mme Corinne Casanova quant à la difficulté d’adopter la bonne échelle pour la trame verte et bleue.

M. Daniel Béguin, vice-président de la commission du développement durable et de l’environnement de l'Association des régions de France, vice-président de la région Lorraine. Les régions sont compétentes en matière de parc naturel et de nombreuses chartes de PNR prennent en compte la biodiversité.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a ouvert aux régions la possibilité de créer des réserves naturelles régionales, les RNR, qui sont venues s’ajouter aux réserves naturelles nationales ; les réserves naturelles volontaires ont, de fait, été supprimées par l’application de ce texte. Avec les RNR, une collectivité locale a, pour la première fois, l’opportunité d’élaborer un règlement régissant un territoire qu’elle a elle-même identifié.

Depuis 2004, les régions ont classé presque autant de territoires en réserves naturelles que l’État au cours des trente ou quarante dernières années. Le réseau des RNR ne cesse donc de s’étendre. L’ambition commune est de procéder à un maillage serré des espaces naturels les plus précieux.

Pour ce faire, la méthode privilégiée est l’obtention de l’accord des propriétaires. Toutefois, ce principe du règlement à l’amiable ne constitue pas une obligation légale puisque la procédure de l’enquête publique pourrait être employée. Cela dit, à ma connaissance, aucune procédure de contentieux n’a été lancée.

La vocation d’expérimentation des PNR en matière de biodiversité s’accroît. Presque toutes les régions ont développé une stratégie régionale pour la biodiversité – une SRB – qui ne s’inscrit pas forcément en « emboîtement » avec la stratégie nationale mais qui s’articule avec l’action menée par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel, le CSRPN. Ce dernier, composé d’experts compétents dans les sciences de la nature, est à la disposition du préfet de région et du président du conseil régional. Les régions le sollicitent pour les questions relevant du patrimoine naturel.

De nombreuses mesures agro-environnementales ont été prises par les régions : c’est le cas de la Lorraine pour les pisciculteurs et de l’ensemble des régions pour la préservation des prairies. Par ailleurs, les labels d’éducation à l’environnement permettent d’aider des structures régionales, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de leur programme ou de leur fonctionnement.

La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, a confié à l’État et aux régions la responsabilité d’agréer les conservatoires régionaux d’espaces naturels, ce que certaines régions ont déjà réalisé.

Les régions participent à la construction du SRCE – il s’agit d’une compétence partagée avec l’État. Pour cela, elles s’appuient sur l’expérience tirée de l’élaboration des SRCAE et des schémas régionaux éoliens. La collaboration avec les services de l’État repose sur la concertation. Ainsi, la trame verte et bleue devra être définie en lien avec l’ensemble des collectivités locales concernées, à une échelle spatiale qui la rende applicable.

De même, l’affectation de certains crédits européens doit être décidée avec l’État : cela a été le cas pour la mise en place des SRB. Par ailleurs, plusieurs conseils régionaux mettent en œuvre le programme européen Life pour la préservation de sites d’intérêt patrimonial majeur.

Enfin, les régions ont développé des coopérations avec les agences de l’eau, qui font désormais de la préservation du patrimoine naturel l’une de leurs priorités. De même, les régions littorales et des grands lacs accompagnent le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres pour ses investissements, ses plans de gestion et ses programmes d’aménagement.

Mme Viviane Le Dissez, présidente du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Mon élection à la tête du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres – ou Conservatoire du littoral – date de deux semaines.

Maire de Plancoët dans les Côtes d’Armor, j’ai entrepris dans ma commune une démarche en faveur de la biodiversité, en partenariat avec le conseil régional et le conseil général mais également avec un acteur privé propriétaire d’une source minérale. Nous avons ainsi établi un contrat nature dans un espace de près de cent hectares où un observatoire devrait être installé à terme.

Le Conservatoire du littoral est un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Créé en 1975, le Conservatoire agit avec les collectivités locales, les conseils de rivage – instances composées d’élus régionaux et départementaux – et des associations de protection des espaces côtiers et lacustres en métropole et en outre-mer.

Le Conservatoire est alimenté par le droit annuel de francisation de la navigation, plafonné à 37 millions d’euros, mais également par les participations de collectivités locales, ainsi que par des dons et des legs.

Le patrimoine foncier acquis par le Conservatoire s’étend sur plus de 150 000 hectares. Ces terrains font ainsi partie du domaine public, ce qui contribue à la protection durable des milieux naturels qui abritent de nombreuses espèces animales et végétales, parfois menacées de disparition. Le Conservatoire assure la gestion de ces sites grâce à l’aide de l’ensemble de ses partenaires.

Ces espaces doivent être ouverts au public et se transformer. L’élaboration de la feuille de route pour la transition écologique, présentée lors de la conférence environnementale, a été l’occasion pour le Gouvernement de rappeler son engagement en faveur de la protection du littoral, engagement que Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a réitéré lors de la dernière réunion du conseil d’administration du Conservatoire au début de ce mois.

Il est à noter que l’établissement s’implique désormais davantage en outre-mer, qui recèle des trésors qu’il convient de sauvegarder et de préserver.

Par ailleurs, le mode de gestion des phares, assumé par le Conservatoire, doit être précisé.

Enfin, les enjeux nouveaux – notamment les conséquences du changement climatique – imposent au Conservatoire d’établir une nouvelle stratégie foncière pour les années à venir.

J’ajoute que projet à la tête de cet établissement repose sur le travail en commun et la concertation.

M. Yves Colcombet, directeur général du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. À l’époque où le Conservatoire du littoral fut créé, le mot de biodiversité était inconnu et celui d’écologie restait marginal. La loi du 10 juillet 1975 portant création du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres fut d’ailleurs l’occasion de faire une référence explicite à l’écologie puisque le texte conférait à cet établissement la mission de mener « une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique ». L’objectif initial du Conservatoire était de lutter contre l’urbanisation. Il a en effet été conçu dans un contexte de programmes d’État d’envergure et d’une décentralisation inexistante par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale – la DATAR – pour empêcher le développement de situations irrémédiables dans certains espaces très sensibles : de grands ensembles étaient aménagés sur le littoral, d’où l’idée de préserver une vision alternative de l’avenir de ces espaces.

La densité de population résidant à moins de 500 mètres des côtes est 3,2 fois supérieure à la moyenne nationale, tandis que celle de logements y est 6,5 fois plus élevée que dans l’ensemble du pays. Quant à la part des territoires artificialisés, elle est 5,5 fois plus importante dans ces bandes du littoral que dans le reste de la France. La création du Conservatoire en 1975 répondait donc à un enjeu précis.

La spécificité de cet établissement réside dans son rôle d’acheteur. L’acquisition est irrémédiable : jamais un bien classé dans le domaine propre n’a été rétrocédé. Cette garantie apportée par l’État est au cœur de la puissante politique de protection mise en œuvre par le Conservatoire. Elle a favorisé le développement d’un climat de confiance permettant à la biodiversité d’être défendue, au public d’être accueilli dans de bonnes conditions et au patrimoine d’être restauré. Ce système conservatoire repose donc sur un établissement de l’État qui fédère l’action des collectivités, des associations et des citoyens.

La stratégie du Conservatoire s’inscrit dans le long terme. Son but est d’acquérir le tiers du littoral pour en préserver le caractère naturel ; cette notion du tiers naturel a émergé dans les communes et les départements au cours des années 1960. Aujourd’hui, entre le tiers et la moitié du chemin a été parcouru. À l’appui de ce dessein, une cartographie par zone dresse la cible à atteindre en 2050. Malgré le rythme actuel d’avancement et les contraintes budgétaires, la perspective de 2050 est maintenue, même si elle pourrait être repoussée à 2070. En tout cas, parvenir à protéger le tiers naturel ne constitue pas une utopie. Aujourd’hui, le Conservatoire sauvegarde 150 000 hectares dont 85 000 ont été achetés sur le marché foncier, le prix moyen du mètre carré acquis s’établissant à environ un euro.

Une fois devenu propriétaire des terrains, le Conservatoire en délègue la gestion. Au cours de ses premières années d’existence, l’action de l’établissement pouvait susciter de la méfiance de la part des communes sur cette intrusion de l’État, mais en confiant la gestion des terrains aux communes – celles-ci étant aidées par les départements grâce à la TDENS et par les régions –, la crainte de voir les plus beaux sites confisqués s’est dissipée. De plus, ces derniers étaient préservés, échappaient aux enjeux locaux et aux convoitises des promoteurs immobiliers et pouvaient être accessibles au public.

Les terrains sont surveillés par 800 gardes du littoral, agents des communes ou du département comme en Haute-Corse. La plupart d’entre eux portent l’uniforme du Conservatoire du littoral et reçoivent pour mission de protéger les sites au titre du droit de propriété. Ils sont en même temps des acteurs de la vie locale puisqu’ils accueillent le public et font visiter les sites qu’ils entretiennent ; ils sont placés sous l’autorité des maires ou des présidents d’EPCI dont ils relèvent.

Le Conservatoire fonctionne, comme l’a expliqué Mme Le Dissez, grâce à la taxe annuelle de francisation des navires de plaisance qui rapporte un peu plus de 40 millions d’euros à l’État, lequel en reverse 37 à l’établissement. En outre, des subventions sont accordées par les collectivités locales et les agences de l’eau afin que le Conservatoire puisse acquérir les espaces les plus sensibles. Le budget annuel de l’établissement s’élève à 50 millions d’euros.

Le Conservatoire emploie seulement 180 personnes mais les régions et les départements l’appuient également pour sa gestion. Sa relation avec les collectivités locales est donc très étroite.

Enfin, le conseil d’administration est composé, pour une moitié, de représentants de l’État et de personnalités qualifiées et, pour l’autre, de parlementaires, d’élus municipaux et des présidents des conseils de rivage.

Les décisions d’acquisition et de gestion des terrains sont prises par le conseil d’administration après avoir recueilli l’avis de ces conseils de rivage – lesquels se réunissent une à deux fois par an pour examiner les projets de l’établissement. Les régions littorales sont regroupées dans ces conseils à l’échelle des façades maritimes : un conseil de rivage pour la Manche et la mer du Nord, un pour la Bretagne et les Pays de la Loire, un pour l’Atlantique d’Aquitaine et de Poitou-Charentes, un pour la Méditerranée, un pour la Corse, un pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, un pour la Réunion et la collectivité territoriale de Mayotte et un autre pour les lacs.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les trames verte et bleue sont élaborées par l’État et les régions, ce qui pose certaines difficultés. Est-il envisageable que la mise en œuvre de ces trames soit, à l’avenir, portée uniquement par les régions, l’État conservant la responsabilité majeure de définir la Stratégie nationale pour la biodiversité ?

Dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I, 20 000 hectares de zones humides devaient être acquis par les collectivités publiques avec l’aide des agences de l’eau. Cet objectif sera-t-il atteint et combien d’hectares ont été achetés à ce jour ?

Mme Geneviève Gaillard. Je voudrais tout d’abord saluer, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, nos invités, qui représentent les collectivités locales et le Conservatoire du littoral et qui nous font l’honneur de venir débattre avec nous d’un sujet prioritaire : la conservation et la reconquête de la biodiversité ordinaire comme extraordinaire. Nous vous remercions, mesdames, messieurs, de venir nous éclairer sur les défis que vos collectivités se sont engagées à relever, sur les moyens – tant financiers que humains – que vous leur consacrez, sur les écueils que vous rencontrez et sur les solutions que vous préconisez.

La question de la dégradation de la biodiversité a été au cœur de la conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique qui s’est tenue à Hyderabad en octobre dernier. Lors de cette réunion, l’Union internationale pour la conservation de la nature – l’UICN – a présenté la liste noire des espèces menacées – qui en comprend 400 de plus qu’à la rencontre « Rio + 20 » de juin 2012. Ainsi, 20 219 espèces sont menacées d’extinction, 4 088 se trouvent en danger critique, 5 919 en danger et 10 212 en situation de vulnérabilité. En France, ces chiffres sont respectivement de 512, 49, 110 et 353.

Le monde, l’Europe et la France n’ont pas atteint les objectifs fixés à Rio en 1998 et à Nagoya en 2010. L’Homme n’est pas performant quand il s’agit de sauvegarder sa propre survie sur la terre.

Dans notre pays, la Stratégie nationale pour la biodiversité, mise en place en 2004, avait pour but de mettre un terme, en 2010, à l’érosion de la biodiversité des gènes, des espèces, des habitats et des écosystèmes. Cela n’a pas été le cas. Cet échec serait dû à l’insuffisance du portage politique – notamment interministériel –, à l’absence des collectivités territoriales dans la définition et la mise en œuvre de cette stratégie, à l’éparpillement des crédits, au défaut d’intégration de l’action en faveur de la biodiversité dans des politiques publiques comme celles de l’eau, de l’urbanisme, de la mer, du littoral ou de l’agriculture et, enfin, à la faiblesse de l’évaluation. Pourtant, des outils de protection de la nature, nombreux et variés, existent depuis longtemps.

Ainsi, les collectivités locales, dont les compétences en la matière se sont élargies au fil du temps, jouent un rôle essentiel pour la connaissance et la gestion de la biodiversité ainsi que pour la maîtrise foncière.

De même, les régions peuvent créer des parcs naturels – qu’ils financent en grande partie. Parties prenantes des contrats de plan avec l’État, elles élaborent également les SRCE.

Les départements, quant à eux, possèdent des attributions en matière agricole et d’acquisition foncière. Ils ont à leur disposition plusieurs outils dont les ENS.

Quant aux communes et aux EPCI, ils gèrent des services de proximité et ont la maîtrise d’instruments de planification comme les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les PLU, les programmes locaux de l’habitat (PLH), les schémas de développement économique, les plans de déplacement urbain (PDU) –, etc.

Les collectivités territoriales apportent ainsi une contribution deux fois supérieure à celle de l’État en matière de biodiversité. En outre, elles sont devenues incontournables dans l’alimentation des dispositifs de préservation grâce à la trame verte et bleue, instaurée par la loi dite Grenelle I. Toutefois, les collectivités ne s’inscrivent pas toutes dans la logique vertueuse et généreuse du développement durable au sein de laquelle la biodiversité occupe une place éminente. C’est pourquoi je vous remercie, mesdames, messieurs, pour les politiques que vous avez mises en place, car les problèmes de biodiversité pourraient être mieux traités si tout le monde suivait votre exemple.

J’en viens à mes questions.

Faut-il, lorsque l’on occupe la charge d’un exécutif local, avoir déjà été sensibilisé à la nécessité des actions de préservation et de reconquête de la biodiversité ? Quel rôle joue l’éducation dans ce domaine ?

Le modèle de développement que nous connaissons depuis un siècle contribue-t-il à la perte de biodiversité ? Quelles mesures devrions-nous prendre pour inverser la tendance si elle s’avérait négative ? Quelle importance accordez-vous à la place des citoyens, des chercheurs, des experts et des naturalistes – ces derniers étant malheureusement en voie de disparition ?

La représentation des collectivités locales au sein des instances de décision est-elle suffisante ? Quelles seraient vos recommandations en la matière ?

Les prochains contrats de projets entre l’État et les régions devraient-ils mettre davantage l’accent sur les objectifs de préservation de la biodiversité et comporter une dimension coercitive plus affirmée ?

Préserver les espèces et les espaces nécessite de les connaître. Quel rôle reconnaissez-vous aux inventaires et à l’évaluation ? Les moyens dont vous disposez vous semblent-ils suffisants ?

Enfin, la création d’une agence de la biodiversité est-elle utile ? Quelle mission devrait lui être assignée ?

M. Martial Saddier.  Au nom du Groupe UMP, je remercie également les intervenants pour leur présence et la qualité de leurs propos.

Je tiens à rappeler les principales étapes parlementaires qui sont à l’origine de notre discussion : 1976, première grande loi reconnaissant d’intérêt général les paysages et la biodiversité ; 2004, Stratégie nationale pour la biodiversité portée par le président Jacques Chirac ; 2005, Charte constitutionnelle de l’environnement, qui place la reconnaissance de l’environnement au plus haut niveau institutionnel ; enfin, les lois Grenelle de l’environnement I et II avec, notamment, l’élaboration de la trame verte et bleue sur le plan régional.

La France se situe au cinquième rang mondial des pays les plus concernés par les enjeux de la biodiversité. Nous consommons 165 hectares de terrains agricoles et de zones humides par jour ; 2 % des espèces étudiées sont d’ores et déjà considérées comme disparues et environ 30 % d’entre elles sont en voie de disparition.

Sur un plan législatif, la majorité précédente a considéré que les régions constituent le bon échelon afin pour établir les schémas pour la biodiversité et pour mettre en oeuvre les outils de planification. L’acte III de la décentralisation les considérant également comme un élément essentiel, comment pourraient-elles agir indépendamment des collectivités territoriales et de leurs documents d’urbanisme – mais aussi des SCOT –, ainsi que de l’échelon intercommunal ? La biodiversité, en effet, concerne l’eau, l’air, les sols, les océans, la destruction des habitats, l’évolution du climat, les espèces invasives – je songe en particulier, aujourd’hui, au frelon asiatique.

Qui élabore donc les documents stratégiques ? Ne prenons-nous pas le risque que des experts soient à la fois juge et partie ? Ces documents réalisés suite à des appels d’offres doivent-ils être opposables, conformes ou compatibles par rapport à d’autres et vis-à-vis des différentes collectivités territoriales ?

Quid des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles mises en place par la loi de modernisation agricole, la LMA ?

Que pensez-vous, madame Le Dissez, de l’agence nationale de la biodiversité ? Le Conservatoire du littoral doit-il ou non y être inclus ? Je profite de cette question pour saluer le travail de votre prédécesseur, M. Jérôme Bignon.

Le financement de la préservation de la biodiversité constitue également un enjeu important. Or, les dotations des collectivités territoriales dépendent uniquement des projets de développement, de la création de zones d’activités économiques ou artisanales et de la prise en compte du nombre d’habitants. Il faudra bien que les collectivités portant les trames verte et bleue bénéficient d’une péréquation financière et d’une solidarité, mais laquelle, à quel niveau et à quelle échelle ?

Quel est le bon échelon en matière de communication ? L’école élémentaire, le collège, le lycée ?

La France se doit d’être exemplaire mais elle doit également entraîner avec elle l’ensemble de la planète, comme elle a su le faire dans d’autres domaines. Quand la diplomatie et la solidarité internationales intègreront-elles vraiment la biodiversité ?

M. Stéphane Demilly. « Penser global, agir local » : ce principe célèbre, popularisé lors de la première conférence des Nations unies sur l’environnement, à Stockholm, en 1972, est pour le Groupe UDI d’une parfaite actualité. Sans doute convient-il plus que jamais d’« agir local » compte tenu des immenses difficultés auxquelles nous nous heurtons, afin de « penser global ».

Mme Geneviève Gaillard y a fait allusion dans son intervention : le sommet « Rio + 20 », qui s’est tenu au Brésil au mois de juin dernier, a clairement mis en évidence la quasi-incapacité des dirigeants politiques de la planète à trouver un accord minimum sur le développement durable dans un contexte de crise économique majeure qui relègue les préoccupations environnementales au second plan. Reconnaissons en effet que, pour nos concitoyens, les enjeux planétaires comme le réchauffement climatique ou la préservation de la biodiversité apparaissent bien lointains lorsqu’il s’agit de faire face aux difficultés quotidiennes.

A contrario, la réalité locale nous est beaucoup plus accessible et l’environnement, précisément, peut être pensé sur un plan local, à l’échelle d’individus appartenant à un même territoire. Chacun peut davantage s’approprier les enjeux, participer aux décisions, en mesurer les conséquences et en partager collectivement les responsabilités. Je suis donc convaincu qu’en matière de biodiversité, à l’instar des autres enjeux de développement durable, les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer comme les intervenants l’ont d’ailleurs parfaitement illustré à travers de nombreux exemples. En tant que maire et président d’intercommunalité, je connais moi-même de telles situations.

Comme M. Martial Saddier l’a également dit, la France métropolitaine s’artificialise au rythme d’environ 610 000 hectares tous les sept ans, ce qui représente l’équivalent d’un département français de taille moyenne. Ce mouvement de grande ampleur entraîne évidemment une perte importante de biodiversité. Le Grenelle de l’environnement, avec la trame verte et bleue, s’est efforcé de définir des outils permettant de l’enrayer mais il me semble fondamental d’assurer la nécessaire implication des collectivités.

M. Jacques Krabal. Au nom du Groupe RRDP, monsieur le président, je vous remercie d’avoir organisé ces auditions, qui, une fois encore, s’il en était besoin, montrent que l’on peut compter sur les collectivités territoriales pour donner l’exemple. Depuis de nombreuses années, en effet, elles agissent en faveur du maintien de la biodiversité, question dont l’urgence est de plus en plus patente, comme nos concitoyens en ont de plus en plus conscience. Une telle prise de conscience s’est d’ailleurs concrétisée avec la conférence environnementale, durant laquelle des annonces fortes ont été formulées comme, par exemple, la création de l’Agence de la biodiversité ou l’ouverture de nombreuses pistes dans le domaine de l’éducation à l’environnement.

Au-delà, cette prise de conscience ne doit-elle pas être mise en parallèle avec nos difficultés à convaincre les Français de s’engager dans cette voie et à percevoir les enjeux très forts liés à la biodiversité ? Je songe, en particulier, à la mise en place des trames verte et bleue en milieu urbain. En tant qu’élu local, je constate que les réponses apportées ne sont pas forcément celles que nous attendions puisqu’il convient à la fois de tenir compte des problématiques économiques et du caractère inédit de trames qui, d’un point de vue pédagogique, ne sont pas encore entrées dans les mœurs. Que pensez-vous d’une telle situation ?

Il conviendrait également de clarifier tout ce qui touche à la gouvernance et au fonctionnement des processus et des systèmes en vigueur. Le verbe « emboîter » a été utilisé  par plusieurs intervenants: précisément, quels « emboîtements » envisager en matière de biodiversité sur l’ensemble de nos territoires ? Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’un pilote. Je milite quant à moi pour que ce soit la région. Le pays du Sud de l’Aisne comprend 124 communes au niveau desquelles nous essayons de mettre en place SCOT, PCET, trames verte et bleue, corridors… Je vous passe les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

La problématique financière est aussi d’importance. Vous avez évoqué la préservation des zones humides et le soutien important apporté par les agences de l’eau. Ce modèle est-il toutefois transposable, étant entendu que ces agences bénéficient des taxes sur le prix de l’eau et que nos concitoyens rencontrent déjà bien des difficultés économiques ?

Enfin, je souhaite que l’éducation à l’environnement soit aussi une éducation à la citoyenneté.

Mme Laurence Abeille. Au nom du groupe Écologiste, je remercie également l’ensemble des intervenants pour leurs témoignages passionnants.

Depuis que les mots « biodiversité » et « écologie » font partie de notre vocabulaire courant, nombre d’expérimentations et d’innovations ont été réalisées dans plusieurs régions, à différentes échelles et dans des domaines divers. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à considérer la biodiversité comme une préoccupation essentielle et vitale, tout en sachant qu’elle est insuffisamment connue et partagée.

Il a également été question du travail d’éducation qui doit être notamment mené auprès des décideurs locaux afin que chacun puisse mesurer la nécessité de préserver la biodiversité et, a minima, de mettre un terme à ce qui peut lui nuire.

Au-delà de l’éducation, la formation de l’ensemble des acteurs, insuffisamment prise en compte, me paraît pourtant essentielle dans les domaines de l’urbanisme, de l’architecture, de la construction, de l’aménagement, de l’administration, de l’agriculture et bien d’autres encore. Les écoles primaires font des efforts en matière d’éducation à l’environnement mais tel n’est plus le cas, la plupart du temps, lors des études supérieures.

L’artificialisation des sols, qui est l’une des causes principales de la perte de la biodiversité, a été un thème très important de la conférence environnementale. Or les corridors écologiques ne peuvent être considérés comme la seule réponse à ce problème, sachant que les élus locaux cherchent à développer des zones commerciales bitumées ou des lotissements dont l’impact financier leur importe plus que la création d’une zone naturelle. Si la question de la biodiversité n’est pas intégrée au sein des cahiers des charges de l’ensemble des projets, nous ne nous en sortirons pas.

Comment pourrait-on stopper définitivement l’usage des produits phytosanitaires que certaines collectivités locales continuent d’utiliser ?

La création d’espaces protégés était certes nécessaire mais, aujourd’hui, ne devrions-nous pas envisager de protéger l’ensemble de nos espaces même si une telle action peut paraître assez ambitieuse ? Nous avons mis en place des espaces muséographiques, nous avons installé des nichoirs, ce qui est formidable, mais la préservation de la biodiversité doit s’étendre à l’ensemble de notre territoire.

De la même manière, nous avons créé des éco-quartiers, et il le fallait ; mais ne devrions-nous pas créer des éco-villes de façon à ce que notre urbanisation soit elle aussi entièrement écologique ?

Enfin, que pensez-vous de la superposition des schémas et de la question des « emboîtements » ?

M. Bertrand Pancher. Je vous remercie également, monsieur le président, pour avoir organisé cette rencontre.

Je souhaite, mesdames, messieurs, vous poser plusieurs questions que m’ont transmises les grandes organisations environnementales avec lesquelles nous avons préparé cette rencontre.

La feuille de route de la conférence environnementale annonçait que les débats seraient organisés sur le plan régional pour préparer la future loi-cadre sur la biodiversité. Quelle sera l’implication de l’Association des régions de France et de l’Assemblée des communautés de France ? Comment préparez-vous ces débats ?

Madame Viviane Le Dissez, pensez-vous qu’une réorganisation des compétences en matière d’aménagement du territoire pourrait être bénéfique aux espaces naturels sensibles dans le cadre de la future loi sur la décentralisation ? Pensez-vous que les représentants d’associations de protection de la nature et de l’environnement devraient siéger en tant que personnalités qualifiées au sein du Conservatoire du littoral ?

Les collectivités sont-elles prêtes à s’engager dans la réalisation d’atlas de la biodiversité et dans quelles conditions ?

Les collectivités ont porté la déclaration commune des associations françaises d’élus et de collectivités territoriales pour la biodiversité à Hyderabad au mois d’octobre 2012. Pourtant, certaines d’entre elles refusent de signer les chartes des parcs nationaux, risquant ainsi de détruire des zones sensibles en phase de reconquête. Quel est le lien entre les chartes signées sur le plan national et l’implication des acteurs locaux ?

Enfin, s’agissant de l’artificialisation des sols, les élus vous semblent-ils de plus en plus disposés à repenser leur façon d’aménager les territoires afin de limiter la consommation des espaces ?

M. Florent Boudié. Dans sa feuille de route, le Gouvernement s’est engagé à réaliser d’ici le mois de mars 2013 le bilan de la politique de l’eau de 2006 à 2012 et de la mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau. Je me réjouis également de l’annonce de l’augmentation des moyens fléchés vers les agences de l’eau pour le dixième programme d’intervention.

La coordination des moyens locaux mis en œuvre constitue un enjeu majeur mais la feuille de route souligne que les établissements publics qui concourent aux politiques de préservation de la biodiversité sont trop nombreux, souvent de taille trop petite, et trop spécialisés. Pourtant, il me semble que l’établissement public territorial du bassin de la Dordogne (EPIDOR), dans ma circonscription, assure parfaitement la coordination et l’optimisation des actions des collectivités pour la gestion durable de l’eau, des rivières et des milieux aquatiques. Ce type d’établissement joue un rôle stratégique : il conçoit l’action à l’échelle pertinente et, surtout, aide à clarifier les responsabilités et les compétences des différents acteurs pour la mise en cohérence des politiques publiques en faveur, par exemple, de la biodiversité.

Le Gouvernement annonce la création d’une agence nationale de la biodiversité dont les missions – articulation avec les collectivités locales et relations avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche – feront l’objet d’une concertation. Ne peut-on pas considérer qu’un appui aux actions des établissements publics territoriaux tel qu’EPIDOR constituerait dans certains cas une solution plus optimale ? Ces derniers fonctionnent souvent bien et il convient d’encourager leurs pratiques à travers la future agence, laquelle pourrait jouer un rôle de coordination à cette échelle.

M. Philippe Plisson. Je préside une démarche SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux) concernant l’estuaire de la Gironde et entreprise depuis six ans. Il faut savoir que cet estuaire est aujourd’hui vidé de certaines espèces, successivement disparues depuis trente ans au gré des pollutions diverses : esturgeons, aloses, platus, lamproies, civelles, anguilles, sans oublier la mort systématique d’essaims d’huîtres qui laisse craindre la disparition des huîtres d’ici à trois ans. Dans le cadre de cette démarche, nous avons réintroduit des espèces, dont les esturgeons – il arrive que l’on en repêche quelques uns – dans les rivières, et nous attendons que les choses s’arrangent…

Or le SAGE que nous avons mis en place a suscité l’opposition des carriers, qui prélèvent la grave au fond du fleuve, et des agriculteurs concernés par le zonage des zones humides, qu’ils réfutent. Au bout du compte, lors du vote définitif lundi dernier, ce schéma n’a pas réuni les deux tiers des votes des membres de la commission locale de l’eau (CLE). On me conseille de composer en supprimant la carte des zones humides, ce qui me semble s’inscrire dans la démarche de reddition qui a abouti à la catastrophe que je viens de décrire. Quel est votre avis sur cette question ?

M. Serge Bardy. L’année internationale de la biodiversité, en 2010, laissait présager une meilleure prise en compte de la biodiversité au titre des politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales. Or, l’actuelle érosion de la biodiversité, comme l’a souligné Mme Geneviève Gaillard, est menaçante. De surcroît, la France est le troisième utilisateur mondial de pesticides, ce qui risque de rendre la situation encore plus critique à l’avenir.

En conclusion du rapport de 2007 sur les collectivités et la biodiversité, le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) indiquait qu’une meilleure cohérence et une meilleure coordination entre les différents niveaux de collectivités semble nécessaire pour améliorer l’efficacité des politiques de préservation de la biodiversité. L’acte III de la décentralisation, qui doit voir le jour l’année prochaine, devra préciser le contour des missions relevant de la compétence de chacune d’entre elles ainsi que les modalités de leur coordination.

Ce même rapport indiquait que l’échelle géographique pertinente d’identification des enjeux de la planification des actions était la région. Est-ce toujours le point de vue des acteurs de la préservation de la biodiversité ?

S’agissant des actions de coopération décentralisées en matière de biodiversité que mènent les collectivités territoriales à l’international, quelles sont les principales méthodologies expérimentées à l’étranger qui pourraient nourrir notre propre réflexion sur les bonnes pratiques ?

Enfin, quelle marge de manœuvre le droit européen en faveur de la préservation de la biodiversité laisse-t-il aux collectivités territoriales ? Le jugez-vous suffisamment volontariste ?

M. Christophe Priou. Je rappelle souvent que je suis issu d’une terre dont l’un des élus a beaucoup compté : Olivier Guichard, premier patron de la DATAR, créateur du Conservatoire du littoral dont il fut également le premier président. Nous avons donc pris conscience, très tôt, du nécessaire équilibre entre le développement et l’environnement.

Or, en matière de biodiversité, je crains un déséquilibre entre la terre et la mer, même si un travail important a été accompli dans le cadre du Grenelle de la mer, notamment s’agissant des énergies renouvelables. Après avoir examiné les SCOT, les PLU, les PAEN, les Opérations Grands Sites, les chartes des parcs naturels régionaux, les chartes paysagères et les périmètres de protection, il nous a semblé que l’éolien maritime était plus approprié. Et si, s’agissant du domaine public maritime, la réglementation est aujourd’hui abondante et les intervenants nombreux – région, départements, intercommunalités, communes –, la présence de l’État est assez « squelettique ». L’acte III de la décentralisation devra donc prendre en compte un certain nombre de propositions qui ont été formulées dans le cadre du Grenelle de la mer, notamment, la gestion des 12 milles marins et d’une partie de l’espace public maritime. Si tel n’est pas le cas, nous risquons d’être confrontés à un déséquilibre grave alors que, je le répète, les biodiversités marine et terrestre sont liées et aussi essentielles l’une que l’autre.

M. Patrick Lebreton. Le parc national des Hauts de la Réunion a été inscrit en 2010 au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce qui a été vécu à la fois comme une fierté et une chance en termes d’attractivité touristique. D’un autre côté, la situation sociale de l’île est très préoccupante  en ce qu’elle compte 840 000 habitants, 30 % de chômeurs dont 60 % des jeunes. Dans ces conditions, le premier impératif des collectivités est de favoriser le développement social et économique. De surcroît, les outre-mer connaissent d’importants retards en termes d’infrastructures, le problème de l’assainissement étant particulièrement crucial. Nous devons donc faire coexister ces priorités avec les enjeux de la préservation de la biodiversité.

C’est pourquoi nous avons pensé – est-ce faire preuve d’un optimisme béat ? –que la préservation d’une biodiversité exceptionnelle pourrait être un atout afin de résoudre certains problèmes économiques et sociaux en créant notamment une dynamique positive. Or, les premières heures du Parc national des Hauts ont été mal vécues car nous ne nous sommes pas attaqués aux véritables prédateurs mais aux personnes qui travaillent dans l’économie artisanale – petites activités traditionnelles d’élevage, petits commerces ambulants sur le parcours de la plaine des volcans. Le projet de charte pour le parc national des Hauts ne parvient donc pas à recueillir l’avis favorable de toutes les communes concernées.

Quelles démarches pourraient-elles être entreprises afin que les collectivités territoriales puissent être pleinement associées aux orientations prises par le Parc national ? Il faut que nous puissions nous entendre afin de faire avancer l’ensemble des dossiers.

M. Jacques Kossowski. Le 4 juillet dernier, l’ARF a formulé un certain nombre de propositions susceptibles d’être reprises dans la future loi de décentralisation. Le document prévoyait que la politique confiée à l’ADEME, chargée notamment des questions liées à la biodiversité et à la maîtrise de l’énergie, soit mise en œuvre dans le cadre de la délégation régionale rattachée aux régions. Nous avons cru comprendre que cette proposition de l’ARF avait été rejetée par les élus syndicaux du comité d’entreprise de l’ADEME, lesquels ont adopté le 10 juillet une motion en ce sens. Ils ont fait part de leur volonté de conserver leur autonomie, la neutralité de l’expertise et le lien entre les services régionaux et la structure nationale de l’ADEME. Quelle est votre position sur cette question ?

M. Jean-Jacques Cottel. Toutes les expériences qui ont été relatées sont très intéressantes mais la volonté ne suffit pas toujours. Les départements détiennent un certain nombre de compétences – aménagement foncier, protection des espaces agricoles, gestion des espaces naturels sensibles, perception de la TDENS, réglementation des boisements – qui leur permettent de mener des actions importantes en faveur de la protection de la nature. Je souhaite qu’ils continuent à les conserver dans le cadre de la nouvelle loi de décentralisation même si la région peut être amenée à jouer un rôle de planificateur.

Ces politiques se mettant en place avec le concours des communes et des intercommunalités, il convient d’insister sur les nécessaires partenariats à nouer avec les différentes associations, les conseils scientifiques, les conservatoires divers mais il ne faut pas non plus oublier le monde agricole. En effet, la trame verte et bleue est complexe à mettre en place, faute d’être toujours bien comprise par les agriculteurs, auxquels il faut faire comprendre, par exemple, que la constitution de haies permet aussi de lutter contre l’érosion des sols.

Il convient également d’associer à cette démarche les associations de randonneurs, celles de pêcheurs ou de chasseurs de manière à ce que nous allions tous dans le même sens. Comment parvenir à les fédérer et à les coordonner ? La manière dont nous répondrons à cette question est essentielle.

Enfin, nos sols sont pollués car nous continuons à épandre des pesticides. Ainsi, dans ma région, la présence de ions perchlorates a ainsi été découverte. Les maires sont dans l’expectative et ont des difficultés à expliquer la situation à leurs administrés. Comment aider nos collectivités territoriales et nos élus à gérer l’ensemble de ces problèmes ?

Mme Sophie Rohfritsch. Je remercie également les intervenants pour leurs présentations.

Comme mes prédécesseurs, j’insiste sur la nécessité de coordonner les politiques locales. Nous fondons à ce propos de grands espoirs sur l’acte III de la décentralisation afin que de telles politiques soient effectivement menées sur le plan territorial.

Cela dit, le « cochon de Strasbourg », un adorable hamster, risque de nous « mettre sous cloche rapidement », même si nous sommes prêts à tout pour qu’il ne soit plus chassé. Malgré les discussions engagées avec l’ensemble des collectivités territoriales dans un cadre relativement consensuel, deux arrêtés ministériels parus aux mois d’août et de septembre derniers visent en effet à geler définitivement 9 000 hectares de terre. Or, dans une région où la pression démographique demeure très importante, vous imaginez à quel point cela nous pénaliserait. Il est temps que la loi impose un véritable dialogue illustrant ce que vous avez préconisé, monsieur le président, dans vos propos introductifs. Dans cette commission, nous devons faire un lobbying forcené afin que le pilotage régional soit mis en œuvre.

Mme Geneviève Gaillard. Vous avez pointé l’inadaptation de l’échelle des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) dans le cadre de la trame verte et bleue, qui est au 1/100 000e. Faut-il la changer pour les schémas actuellement en cours de discussion ?

M. Damien Carême. Beaucoup de questions dépassent l’échelon communal, mais, étant également président de la commission « Aménagement du territoire, tourisme, environnement, plan climat » de la région Nord-Pas de Calais, je pourrai peut-être apporter quelques réponses.

Je pense en effet, madame Geneviève Gaillard, qu’il faut être convaincu pour défendre la biodiversité en tant qu’élu. Pour côtoyer de nombreux élus dans le cadre de la révision du SCOT Flandre Dunkerque, je peux attester des difficultés rencontrées pour intégrer la préservation de la biodiversité et la lutte contre la périurbanisation dans les documents directifs.

Il existe dans chaque région un schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Dans le Nord-Pas de Calais, celui-ci s’articule autour de deux directives régionales d’aménagement, « Lutte contre la périurbanisation » et « Trame verte et bleue ». Ces documents devraient devenir opposables à d’autres documents d’urbanisme. Car, comme l’a souligné M. Martial Saddier, les petits villages veulent continuer à construire des logements non seulement pour s’assurer des recettes fiscales, mais aussi pour attirer les commerces ou pour repeupler leurs écoles – ce qui a pour effet, parfois, de dépeupler les écoles des villes voisines. Certains enjeux, on le voit, dépassent l’intérêt strictement local. Il me semble pertinent de se placer à l’échelle régionale pour les aborder.

De ce point de vue, le législateur aura une responsabilité très importante dans les prochains mois. Pour l’instant, la stratégie nationale pour la biodiversité reste au niveau des intentions : elle prévoit d’apporter des aides, de soutenir des démarches... Il est urgent de passer aux actes. Les synthèses actuelles sont très alarmantes. La Banque mondiale elle-même a estimé récemment qu’une hausse de la température moyenne de 4 °C serait un « cataclysme ». Le temps est venu de taper du poing sur la table et de faire usage de coercition.

Il est clair que nous arrivons au bout du modèle de développement suivi depuis un siècle. L’élu local que je suis essaie d’en convaincre ses collègues. Il faut se tourner vers d’autres modèles et revenir à des économies circulaires : les cantines biologiques dont je vous ai parlé en sont un exemple. L’étiquetage environnemental, pour lequel le législateur joue un rôle important, doit également contribuer à sensibiliser les populations. Du reste, il n’y a pas que les produits biologiques : un produit étiqueté biologique mais qui vient du bout du monde ou d’un pays ne respectant pas les normes n’a aucun intérêt.

M. Patrick Lebreton estime qu’il est difficile de faire coexister biodiversité et réalité socioéconomique. Cette formulation me gêne un peu car l’une ne peut aller sans l’autre. Sans biodiversité il n’y a plus de vie, donc plus de problèmes socioéconomiques du tout ! La protection de la biodiversité est un postulat indispensable à l’action locale. Si les élus n’en sont pas persuadés, ils n’arriveront jamais à convaincre les populations qu’il faut aller dans ce sens.

Quant à l’agence nationale de la biodiversité, s’agira-t-il d’une nouvelle instance d’aide et d’accompagnement ? Pour ma part, je préférerais que l’on soit dans la réalisation, dans le pragmatisme et dans la mise en œuvre plus que dans l’intention. Si l’outil ne permet pas une action immédiate, nous aurons encore perdu du temps et des moyens.

Mme Corinne Casanova. Je me réjouis de la diversité de vos questions, qui montrent – contrairement à certains textes de loi dont il est difficile de démêler l’intention – que le législateur mène une réflexion en profondeur sur ces sujets.

Je crois, madame Geneviève Gaillard, que l’engagement en la matière suppose toujours une forte conviction. Si la musique des mots « développement durable » et « biodiversité » commence à être familière à nos concitoyens, ce qui se cache derrière ces notions ne l’est pas encore.

La prise de conscience globale avance, mais, dans le même temps, les relations bilatérales deviennent difficiles, par exemple entre naturalistes et agriculteurs, entre naturalistes et élus, etc. On a mentionné les grands hamsters d’Alsace, dans ma région ce sont les chiroptères et les crapauds. Les problèmes se cristallisent sur des questions ponctuelles et locales, ce qui rend les acteurs beaucoup moins clairvoyants sur les questions globales.

Il est également fréquent que l’on oppose des préoccupations sociales à ceux qui insistent sur la nécessité de consacrer des moyens à la biodiversité. À l’évidence, on a du mal à faire le lien entre les deux, tout comme on a du mal à reconnaître que les investissements pour la biodiversité sont souvent de petites sommes à fort effet de levier.

Pour ce qui est des échelons de concertation, la formule des collèges multiples – comme il en existe souvent dans les conservatoires – rassemblant des personnalités qualifiées, des élus, des naturalistes, me semble particulièrement pertinente. Ce type d’instance créant une obligation d’acculturation et de compréhension réciproque pour parvenir à un consensus est encore trop rare.

Une autre question concernait la formation. Je crois que celle-ci est nécessaire à tous les niveaux scolaires et peut commencer dès le plus jeune âge. Le thème de la biodiversité est un excellent support d’activités ludiques qui, mieux que des leçons, permettront de faire passer des messages aux jeunes enfants.

Un autre enjeu est d’établir un lien entre les préoccupations des élus et la recherche fondamentale. À cet égard, il est important de savoir de quelle biodiversité on parle. Il est difficile de s’approprier, au niveau local, les protocoles des nombreux observatoires nationaux. L’échelle départementale me semble plus satisfaisante pour ce qui est de l’observation. C’est ainsi que la Savoie est dotée d’un observatoire de la biodiversité regroupant dix-neuf partenaires. Il faut également mentionner le programme « RhoMeo » – mise en œuvre d’un observatoire de l’évolution du bon état des zones humides dans le bassin Rhône-Méditerranée –, qui associe chercheurs et gestionnaires pour construire une méthode d’observation. C’est un modèle qui pourrait être utilement dupliqué.

L’évaluation est encore trop descendante, trop éloignée des préoccupations des gestionnaires, alors qu’elle devrait s’exercer à des échelles appropriables par les acteurs.

Une remarque également sur la focalisation peut-être excessive sur les zones humides, qui représentent seulement 3 % du territoire. Il ne faut pas oublier le reste ! De même, on l’a dit, on a tendance à se focaliser sur les éco-quartiers alors qu’il faut voir plus large.

Pour en venir aux questions sur l’agence nationale de la biodiversité, je crois qu’il existe déjà de nombreuses structures : Atelier technique des espaces naturels, Parcs nationaux de France, Agence des aires marines protégées... Une agence de la biodiversité pour soutenir la diversité des agences ? On n’en a pas forcément besoin ! Je crains que l’on ne crée encore une structure en tuyaux d’orgue, là où on a surtout besoin de transversalité.

S’il s’agit au contraire de lier les politiques publiques entre elles et d’avoir une action horizontale entre défense du patrimoine naturel, politique de l’eau, déplacements, énergie, cette création nationale, accompagnée d’une déclinaison régionale pour « coller » aux problèmes, aurait alors du sens. Une telle agence pourrait également servir de cadre national pour l’évaluation et contribuer à faire remonter les préoccupations des élus vers la recherche fondamentale.

En ce qui concerne le rôle que pourraient jouer les régions dans l’élaboration d’une loi-cadre sur la biodiversité, l’Assemblée des communautés de France est impatiente de prendre part à des débats décentralisés. Comme pour le débat national sur la transition énergétique, nous attendons seulement le signal de départ.

Soit dit en passant, il serait opportun de préciser que le produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles « est affecté » – et non, comme dans la rédaction actuelle, « peut être affecté » – aux opérations énumérées dans la loi. En effet, certains départements sont moins vertueux que d’autres.

En matière de dotation et de péréquation, l’idée est davantage de financer une dynamique, un flux ou une action que de gérer une sorte d’« héritage ». Je ne suis pas persuadée de la pertinence d’une mise en péréquation du « capital naturel ».

Nous sommes en revanche tout à fait d’accord pour que la région soit le chef de file des politiques en faveur de la biodiversité, dès lors qu’un travail de co-construction est réalisé en amont des documents et qu’il existe une articulation pour les rendre opérationnels. Nous participons ainsi à l’élaboration du schéma régional de cohérence écologique de la région Rhône-Alpes, qui se traduira notamment par le passage d’une cartographie au 1/25 000e à une cartographie au 1/100 000e. Le choix de cette échelle me paraît convenir à la prise en compte des enjeux régionaux. Un grossissement supérieur nuirait à une vision globale.

Cela dit, il est important que les préconisations et mesures du SRCE précisent ce qui reviendra à la région et ce qui pourra revenir à d’autres opérateurs. L’action en matière de foncier et de limitation de l’artificialisation des sols, en particulier, relève plutôt de la compétence des collectivités d’échelon inférieur, notamment des EPCI.

Enfin, j’ai constaté récemment à la Réunion que beaucoup de plantes invasives dont on s’emploie à combattre l’expansion dans la forêt primaire sont en même temps en vente chez les pépiniéristes. Comment parvenir à interdire, à la Réunion comme en métropole, la vente de plantes invasives ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si l’on accorde tant d’attention aux zones humides, c’est, d’une part, qu’elles ont régressé de manière particulièrement importante, et, d’autre part qu’elles jouent un grand rôle dans l’épuration de l’eau, dans la régulation des crues et en matière de biodiversité.

Je remercie M. Damien Carême et Mme Corinne Casanova pour leurs appréciations sur le projet d’agence nationale de la biodiversité, auquel beaucoup de personnes présentes dans cette salle sont très attentives.

M. Éric Gautier. Peut-être aurions-nous dû commencer notre discussion par une tentative de définition des concepts. Les questions posées font en effet apparaître des représentations assez variées de ce qu’est la biodiversité. On passe du réchauffement climatique à la protection des espèces, puis à celle des zones humides. Il existe bien sûr un lien entre ces éléments, mais nous aurions intérêt à le préciser. Lorsque nous posons les problèmes de la biodiversité, nous devons abandonner la manière cartésienne de penser pour entrer dans la pensée systémique. Il faut le faire complètement, faute de quoi nous risquons de ne pas avancer.

De même, en matière éducative, on aura du mal à faire progresser les idées tant que le sujet ne sera pas considéré comme relevant d’une démarche citoyenne.

Plusieurs questions portent sur les inventaires et les observatoires. Sans doute faut-il observer pour agir ; pour autant, on n’est pas dans l’action quand on observe. C’est en marchant que l’on avance et s’arrêter de marcher reviendrait, en l’espèce, à reculer. Le tâtonnement expérimental et le droit à l’erreur doivent donc être reconnus. Les collectivités peinent à mettre en place des démarches de projets car celles-ci entrent souvent en contradiction avec la structure « en tuyaux d’orgue » des administrations territoriales. La transversalité entre les services de l’agriculture, de l’environnement, des bâtiments, etc., est difficile à mettre en place mais elle est indispensable.

Oui, un « emboîtement » est nécessaire, sachant qu’il y a plusieurs manières de le réaliser. Soit on considère que le schéma est élaboré au niveau régional, que les collectivités peuvent y entrer ou non, et l’on discute à la marge de la place réservée aux départements ; soit, à l’inverse, on part de la réalité du terrain pour structurer une démarche collective au niveau de la région. Il faut tenir compte, à cet égard, de la variété des approches et de la personnalité des présidents de conseils généraux et de conseils régionaux.

S’agissant du projet d’agence nationale de l’environnement, je note que l’éclosion de nombreuses agences ces dernières années a été un moyen de privatiser un certain nombre de services. J’attends donc de savoir quel rôle on souhaite faire jouer à cette nouvelle instance et comment on la financera.

Je veux bien croire, par ailleurs, que certains départements ne sont pas totalement vertueux quant à l’usage du produit de la TDENS. Établir, comme le souhaite Mme Corinne Casanova, un impératif catégorique, pourquoi pas ? Mais l’analyse de l’utilisation de cette taxe doit prendre en compte la difficulté comptable structurelle qu’engendre le délai entre l’acquisition de terrains et le décaissement. Si la seule référence temporelle est l’année budgétaire, il est évident que des situations peuvent paraître inacceptables.

M. Daniel Béguin. Je suis assez optimiste en ce qui concerne les 20 000 hectares de zones humides. L’action des agences de l’eau – dont le taux de subvention a été relevé –, conjointe avec les opérations de maîtrise foncière réalisées par les départements, le Conservatoire du littoral et les conservatoires régionaux d’espaces naturels, laisse à penser que les objectifs seront atteints.

S’agissant de la co-construction des schémas régionaux de cohérence écologique, un aspect de la loi Grenelle est peu compréhensible : l’État et la région élaborent ensemble le document mais il est prévu que celui-ci, une fois finalisé, fasse l’objet d’une évaluation de l’État. Sans que soit remise en cause cette évaluation, ne serait-il pas préférable que les collectivités territoriales élaborent elles-mêmes – comme elles ont la capacité de le faire – le schéma régional de cohérence écologique ? Il est quelque peu ambigu que l’État se trouve à la fois en situation d’élaboration et d’évaluation.

Pour répondre à la question de Mme Geneviève Gaillard, je précise que mon engagement de naturaliste est ancien : je suis un des fondateurs de la Fédération nationale des conservatoires d’espaces naturels, dont j’ai été le président pendant dix ans. Au-delà de l’engagement politique, il faut être convaincu de la nécessité de préserver la biodiversité. Nous sommes parfois confrontés à des arbitrages difficiles – Mme Sophie Rohfritsch a évoqué le grand hamster, Mme Corinne Casanova le crapaud vert. C’est à l’aune de ces arbitrages que nous mesurons la capacité de nos collègues à prendre la biodiversité en compte. Les quelques difficultés rencontrées ne doivent pas nous conduire à adopter une approche trop critique, car les succès sont beaucoup plus larges que les échecs.

De plus, l’investissement des collectivités territoriales de tous niveaux montre clairement que c’est bien à cette échelle que nous sommes le plus efficaces, le rôle de l’État étant plutôt de veiller à l’équité au niveau national.

J’ai vu se succéder de nombreux ministres et secrétaires d'État. À chaque fois se posait la question des inventaires. Jean-Marie Pelt le dirait mieux que moi : on aura beau chercher, jamais l’on n’atteindra une connaissance exhaustive du monde du vivant. Il faut apprendre au fur et à mesure, poursuivre les inventaires, être attentif aux évaluations, mais cela ne doit pas être un prétexte à l’inaction. L’engagement de terrain est indispensable.

Nous devons aussi éviter d’opposer les « noyaux durs » de la biodiversité et la nature dite ordinaire. Ce n’est pas parce que le travail de préservation des espaces naturels remarquables n’est pas achevé qu’il faut négliger le reste !

Il faut également veiller à la cohérence des politiques publiques. La politique agricole commune, la politique forestière, ou encore les décisions de la Commission de régulation de l’énergie concernant le bois, ont des répercussions importantes sur la biodiversité.

Pour ce qui est du débat régional annoncé en préparation de la loi-cadre, je n’ai pas d’informations à ce jour. Je suppose qu’il s’inscrira à la suite du débat sur la transition énergétique.

Les associations de conservation de la nature ont un rôle déterminant de témoins et de veilleurs attentifs quant à l’état de la biodiversité sur les territoires. Elles détiennent beaucoup de connaissances. D’ailleurs, les conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel comprennent de nombreux naturalistes qui en sont issus.

La question du député de la Réunion renvoie à celle de l’articulation entre une décision de classement en parc national et les collectivités territoriales. J’estime que la mise en place de mesures de préservation doit s’accompagner, peu ou prou, de contrats de développement territorial. Cela conduira les élus à mieux comprendre l’importance de la préservation de leurs espaces naturels et à nous soutenir dans nos interventions.

Enfin, si les régions se sont engagées de manière audacieuse, depuis plus de dix ans, dans la préservation de la biodiversité, elles ne disposent toujours pas de ressources dédiées. Je ne pense pas que la question puisse donner lieu à une bataille entre l’ADF et l’ARF, tant les niveaux sont complémentaires. Nous avions proposé, en son temps, d’instaurer une fiscalité nouvelle et pérenne sur l’artificialisation des sols, dont l’avantage serait de ne pas trop peser sur les acteurs publics et privés. Le projet a été mis de côté mais il faudra y réfléchir de nouveau : les contraintes financières qui pèsent de plus en plus sur les collectivités risquent de les amener à réduire leurs interventions dans un champ qui ne relève pas encore complètement de leur compétence. Nous avons besoin de plus de souplesse et de plus de moyens financiers.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Une fiscalité dédiée liée à l’artificialisation des sols serait en effet cohérente. Mais cela ne remet pas en cause la proposition de Martial Saddier : la dotation globale de fonctionnement devrait tenir compte des actions menées par les collectivités territoriales en la matière. Les deux sources de financement sont complémentaires.

M. Daniel Béguin. Un mot encore sur l’agence nationale de la biodiversité. Cette création correspond-elle à un besoin ? S’agira-t-il d’un regroupement d’établissements publics dont certains ont des facilités financières, d’autres moins ? Quelle sera la plus-value apportée aux politiques que nous menons à nos échelles respectives ?

Comme les autres intervenants, je m’interroge sur le périmètre et les moyens de cette agence, ainsi que sur l’articulation de son action avec les politiques menées par les collectivités territoriales. Je me suis montré assez critique à ce sujet lors de la conférence environnementale, ce qui me vaut une mauvaise réputation auprès du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les politiques locales sont déjà organisées : chacun d’entre nous consulte les scientifiques, met en place des stratégies, détermine des noyaux durs, organise des mesures environnementales avec le monde agricole, établit le cas échéant des synergies avec le Conservatoire du littoral ou le conservatoire régional des espaces naturels, qui achètent des terrains...

Bref, nous souhaitons des précisions concernant cette agence. Les négociations quant à son implantation dans telle ou telle région me semblent pour le moins prématurées !

M. Martial Saddier. Il faut le dire à Mme Delphine Batho !

M. Daniel Béguin. Je l’ai fait.

Mme Viviane Le Dissez. Il est nécessaire d’être convaincu, madame Geneviève Gaillard, car la défense de la biodiversité reste une affaire d’initiés, celle de quelques élus qui s’investissent sur leur territoire. Peut-être l’agence nationale de la biodiversité permettra-t-elle d’exercer une pédagogie en direction de tout un chacun. On l’a vu, les élus peuvent douter de l’intérêt de la classification d’une zone en parc national, craignant même que cela nuise à l’économie locale. De même, lorsque l’on prépare le projet d'aménagement et de développement durables d’un SCOT, il est généralement difficile de convaincre de la nécessité de construire un peu moins dans telle ou telle commune.

N’étant présidente du conseil d’administration du Conservatoire du littoral que depuis trois semaines, je laisserai à M. Yves Colcombet le soin compléter mon propos. Je tiens cependant à souligner que cette instance rassemble des élus locaux, mais aussi d’autres organismes comme l’Agence des aires marines protégées. Elle mène une action juridique très technique pour acquérir des terrains puis pour les gérer. Les quelque 120 agents du Conservatoire ont une expérience de l’acquisition sur le long terme. Il faut souvent plusieurs années pour acheter un périmètre qu’il y a lieu de préserver.

Par ailleurs, j’indique que sur les 150 000 hectares acquis par le Conservatoire, près de 20 000 sont en zones humides.

Notre stratégie foncière demande de la réflexion. Alors que le climat et le monde évoluent, nos moyens financiers restent limités, pour la deuxième année consécutive, à 37 millions d’euros.

Si une agence nationale de la biodiversité devait être mise en place, il faudrait en définir les contours et l’organisation aux plans national et territorial, sachant que les régions et les départements s’impliquent déjà largement.

M. Yves Colcombet. En près de quarante ans d’existence, le Conservatoire du littoral a fait ses preuves. Il s’est construit en association étroite avec les partenaires locaux et nationaux. Il a su accompagner les évolutions institutionnelles au profit d’une action foncière de long terme. L’acquisition et la préservation définitive garantie par l’État correspondent à un métier qui repose sur un savoir-faire précieux. Avant d’apporter des retouches – y compris en matière d’implantation des bureaux, car il arrive que des réformes échouent faute d’avoir pu regrouper les personnes –, il faut bien en mesurer toutes les conséquences pratiques et techniques. Le Conservatoire du littoral fonctionne mais il peut avoir ses fragilités. Les résultats obtenus depuis sa création font l’unanimité. Il faut donc porter beaucoup d’attention à ce qui fonctionne.

J’ajoute que la fiabilité du Conservatoire du littoral lui permet de protéger des zones bien plus étendues que celles qu’il a acquises. En effet, lorsqu’il décide, en accord avec les collectivités territoriales et l’État, qu’un périmètre doit faire l’objet d’une protection et qu’il achètera ce qui est à vendre, la zone est de facto protégée. On remarque à cet égard que l’urbanisation dans les zones littorales commence à se structurer sur le long terme, dans la mesure où il est notoire que l’occupation des sols ne se modifiera pas et que le foncier en vente sera acheté par le Conservatoire. Notre action est donc beaucoup plus puissante que les crédits que nous y consacrons annuellement – même si, bien sûr, elle ne peut apporter toutes les réponses en matière de biodiversité.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie tous les participants pour la qualité de leurs interventions. Les propos tenus ce matin me confortent dans l’idée que la bonne orientation, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, est de transférer aux collectivités territoriales les compétences en matière de préservation et de mise en valeur de la biodiversité, les régions assurant le rôle de chefs de file.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 21 novembre 2012 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Arnaud Leroy, M. Franck Marlin, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, M. David Vergé

Assistait également à la réunion. - M. Patrick Lebreton