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Mardi 4 décembre 2012

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-France, sur le Grand Paris.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-France, sur le Grand Paris.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France et du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), d’avoir répondu à notre invitation. M. Huchon avait déjà rencontré cette commission en 2009, sous la treizième législature, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Nous le recevons aujourd’hui dans le cadre des travaux de suivi de l’application de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 pour lesquels nous avons nommé deux rapporteurs d’information, M. Yves Albarello – qui fut le rapporteur du projet de loi – et M. Alexis Bachelay.

Monsieur Huchon, je m’interroge, pour ma part, sur la gouvernance, le phasage des travaux et les financements dans le cadre de la mise en œuvre de ces grandes infrastructures de transports. Que dit, à ce propos, le rapport Auzannet ?

M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Île-de-France. Le Grand Paris mérite bien la passion avec laquelle le suivent les députés, le Premier ministre et le Gouvernement : la réussite de ce grand projet de transports, comme la France n’en a jamais connu, est en effet essentielle pour l’attractivité et le développement de la région capitale, et au-delà du pays tout entier.

Impressionnant sur le papier, le projet était au départ largement déconnecté des besoins réels de la région Île-de-France. Il s’agissait en réalité de deux projets quelque peu antinomiques : d’un côté, Arc Express, projet de desserte des habitants par le biais d’un système de transport de banlieue à banlieue, mettant en place une rocade raccordée aux lignes radiales – défendu par la région, le STIF et les départements ; de l’autre, un projet plus élitiste, à finalité davantage économique, d’un réseau de transport à très grande vitesse desservant des clusters d’excellence en Île-de-France, sans s’arrêter dans différentes localités – porté par M. Christian Blanc et appuyé par le gouvernement et le Président de la République de l’époque.

Toutefois, ce second projet – appelé « grand huit » –, qui a servi de fondement à la loi sur le Grand Paris, n’était pas connecté au réseau existant et ne tenait pas compte du plan de mobilisation pour les transports de la région. Il créait ex nihilo une Société du Grand Paris (SGP) qui échappait largement au contrôle des élus locaux, revenant ainsi sur la décentralisation des transports acquise en 2004 et mise en œuvre en 2006 avec l’installation du STIF – établissement public entièrement géré par les élus et ayant autorité sur l’ensemble des transports en Île-de-France. Ce projet proposait ainsi des contrats de développement territorial (CDT) autour des gares, qui s’exonéraient des prescriptions du schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF). Les négociations sur tous ces sujets d’inquiétude sont devenues plus faciles lorsque M. Christian Blanc a quitté le gouvernement ; les ministres qui ont repris le dossier – M. Michel Mercier, puis M. Maurice Leroy – ont en effet été beaucoup plus ouverts aux besoins des habitants de la région, et désireux de coopérer avec les collectivités locales.

Au terme d’un débat public exemplaire où vingt à trente mille personnes se sont exprimées, nous avons abouti à une fusion heureuse entre les deux projets, à travers la réunion des tracés du « grand huit » et d’Arc Express, la répartition de la maîtrise d’ouvrage entre la SGP et le STIF, et la reconnaissance du plan de mobilisation de la région et des départements, avec ses priorités. Le contrat de plan État-région, signé par Mme Kosciusko-Morizet au nom du Gouvernement, prévoyait 2 milliards d’investissements supplémentaires, destinés notamment à l’amélioration des RER, en accord avec les conclusions du rapport de la commission Goldberg-Morange. L’accord final englobe le Grand Paris et le plan de mobilisation pour les transports, tout en réintégrant les CDT au SDRIF ; l’Assemblée nationale a d’ailleurs récemment inscrit la nécessaire compatibilité des CDT avec le SDRIF dans la loi.

Devenu dès lors consensuel – j’en veux pour preuve la coopération des deux co-rapporteurs pour information, M. Albarello et M. Bachelay –, le projet est désormais porté à la fois par les élus de la région et par le Gouvernement. Mme Duflot, ministre compétente sur ce dossier, a chargé M. Pascal Auzannet d’identifier les points qui n’ont pas été réglés par l’accord précédent et d’exercer une expertise d’écoute. Cette mission est bienvenue, mais je suis convaincu que, quel qu’en soit le résultat, le projet devra être conduit à son terme. Les élus locaux y sont très attachés ; lors de la réunion, la semaine dernière, du conseil d’administration de l’Établissement public d’aménagement Plaine de France que je préside, leur principale préoccupation était ainsi de s’assurer que le rapport Auzannet ne vienne pas bouleverser ou raboter l’équilibre trouvé.

Nous ne savons pas ce que ce rapport dit exactement, mais, au-delà des détails techniques, plusieurs points suscitent notre inquiétude. Pour commencer, nous savons tous depuis le début que la réalisation du projet sera plus coûteuse que prévu ; mais en citant un chiffre très important – de l’ordre de 30 milliards au lieu de 20 –, on risque de provoquer l’effet calamiteux « du milliard » qui incite au défaitisme, alors que le projet avance et devrait être mené à bien. J’ai donc suggéré à M. Auzannet d’éviter une présentation alarmiste des choses. Cet écart des coûts est d’ailleurs parfaitement explicable et n’a rien d’aberrant. Une grande partie des frais qui aboutissent à ce chiffre de 30 milliards concernent ainsi les détails d’exécution : interconnexions, nouvelles gares, allongement des quais. De plus, la SGP n’incluant dans les montants que sa propre participation aux travaux, les calculs avaient été artificiellement minorés. Sur la ligne orange, par exemple, seuls 2 milliards de financement par la SGP ont ainsi été prévus, alors que le coût total de l’opération est proche de 5 milliards.

Je crains également que M. Auzannet, peu favorable au projet Charles-de-Gaulle Express – qui est loin d’être abouti –, ne remette en cause le développement du Grand Roissy et du Triangle de Gonesse. Celui-ci est pourtant au cœur de plusieurs projets d’élus, validés par le SDRIF dans le cadre d’un accord qui a recueilli un assentiment très large ; même les Verts l’ont ainsi voté, alors qu’il suscitait au départ des appréhensions en matière environnementale.

La ligne orange – qui part de Noisy-Champs ou de Champigny pour remonter vers le nord – constitue un autre sujet de préoccupation. Plus chère que prévu, elle risque d’être remise en cause, alors qu’elle est essentielle pour les initiateurs du projet, qui s’appuyaient sur le projet Orbival – proche d’Arc Express –, et pour les élus de Seine-Saint-Denis et duVal-de-Marne. Ces derniers, qui se sont engagés dans l’ensemble du projet précisément parce qu’ils tenaient à cette ligne, sont aujourd’hui inquiets.

Enfin, la question de Saclay – un « désaccord dans l’accord » entre la région et l’État – n’est toujours pas réglée. Nous trouvions en effet qu’en l’état, ce projet menaçait les terres agricoles et l’équilibre environnemental du plateau. M. Auzannet n’ira sans doute pas jusqu’à dire que ce projet doit être abandonné – ce serait dommage pour l’avenir des universités, de la recherche et de la ville –, mais conseillera sans doute de le limiter à un « métro léger » allant jusqu’à Massy ou jusqu’au centre du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Tous les spécialistes considérant aujourd’hui que la partie qui va au-delà du CEA pour revenir sur Versailles n’a qu’un intérêt limité, le sujet ne constitue plus un point de désaccord majeur.

Afin que les élus restent impliqués, ce projet doit garantir un système de transport cohérent. Les lignes de banlieue ont pâti, depuis trente ans, d’un sous-investissement chronique ; la priorité était en effet donnée au TGV, alors même que 65 % des voyageurs français circulent en Île-de-France, et que la seule ligne B du RER transporte quotidiennement autant de voyageurs que quatre-vingts TGV. Le plan de mobilisation pour les transports répond ainsi à des urgences, parmi lesquelles la rénovation de tout le matériel roulant, dont l’âge moyen se situe aujourd’hui entre quarante et quarante-cinq ans. Les « petits-gris » seront définitivement supprimés, et, à partir de l’année prochaine, circuleront en Seine-et-Marne les mêmes trains que sur la ligne H : beaux, larges, sécurisés, climatisés, modernes et écologiques. Ensuite viendra le tour de Montparnasse et de Saint-Lazare, et, en 2016, aucun matériel ne devrait avoir plus de vingt ans.

Le deuxième grand objectif du plan de mobilisation est le désengorgement de la ligne 13. Ce projet, qui passe par la prolongation de la ligne 14 jusqu’à Saint-Ouen d’un côté, et jusqu’à Orly de l’autre, fait partie du Grand Paris, et les travaux seront réalisés par le STIF.

L’amélioration des RER est tout aussi essentielle. Celle du RER C n’interviendra véritablement que lorsqu’on aura doublé les tunnels, ce qui nécessite au moins 6 milliards d’euros et constitue un horizon de moyen ou de long terme. Celle du RER A passe par le remplacement de tout le matériel à deux étages, qui se déroule d’une façon satisfaisante, contrairement à l’article très mal informé paru récemment dans Le Monde. Quant au RER B, le « Nord + » sera opérationnel à partir de mars 2013, à la suite de travaux gigantesques dont le coût s’élève à 250 millions d’euros. Le schéma directeur du RER B Sud est également voté, et les travaux sont prêts à démarrer. Enfin, le RER D est aujourd’hui le grand malade du réseau ; comme sur le RER C, il s’agit de décider si l’on fait des arrêts supplémentaires dans le Val-de-Marne, au détriment du temps de transport dans l’Essonne. Il est difficile de mettre d’accord ces deux départements, parties prenantes du STIF, mais il faut sortir du moratoire dont cette question fait actuellement l’objet.

Les lignes de métro s’étendent. La ligne 4 ira bientôt jusqu’à Montrouge – où une station sera prochainement inaugurée –, puis jusqu’à Bagneux. La ligne 12 a également été prolongée : elle s’arrêtera bientôt à la station Front Populaire, puis à Mairie d’Aubervilliers. Enfin, la ligne 14 ira jusqu’à Saint-Ouen. Quant à la ligne 13, elle est déjà prolongée jusqu’aux Courtilles-Gennevilliers.

Sept lignes de tramway ont également été lancées, et les travaux se termineront d’ici à 2014, voire, pour la plupart, au cours de l’année 2013. Le tramway en Île-de-France représentera alors cent sept kilomètres et un million de voyageurs transportés par jour.

Sans s’opposer au plan de mobilisation pour les transports, le Grand Paris Express vise à mettre en place une voie circulaire permettant de rouler de banlieue à banlieue à assez grande vitesse. Pour que le réseau soit efficace, il est nécessaire de réaliser les interconnexions avec les lignes radiales et d’aménager des gares qui permettent aux voyageurs de passer d’une ligne à l’autre. Il faut également veiller à l’interopérabilité du système : on doit ainsi pouvoir prendre la ligne rouge à Issy-les-Moulineaux et aller, via la ligne orange, jusqu’à Rosny-Bois-Perrier et le nord de l’Île-de-France.

Plusieurs chantiers restent à mener. La SGP doit faire l’objet à la fois d’une banalisation et d’une démocratisation. De l’avis général – puisque M. Yves Albarello, Mme Annick Lepetit et désormais M. Alexis Bachelay portent cette question avec nous –, elle doit devenir un opérateur comme les autres, traitant contractuellement avec le STIF, à l’instar de la RATP et de la SNCF. La gouvernance de la SGP, aujourd’hui largement dominée par l’État, devrait laisser davantage de place aux collectivités locales. Le STIF, actuellement un établissement public à caractère administratif (ÉPA), pourrait de son côté évoluer en établissement public à caractère industriel et commercial (ÉPIC), afin d’être plus opérationnel. Enfin, il faut veiller à la cohérence des projets d’aménagement : le SDRIF doit être déterminant, et les CDT doivent s’y insérer sans le contredire.

Je remercie l’Assemblée nationale et tous ceux qui ont porté ce dossier – députés socialistes, mais également M. Gilles Carrez, M. Yves Albarello et tous ceux qui ont à cœur l’amélioration de notre système de transport – pour leur soutien. L’augmentation de 0,1 % du plafond du versement transport (VT) se traduira ainsi pour nous par 62 millions d’euros dès la promulgation de la loi, 128 millions l’année suivante et 175 millions dans les années qui suivent. C’est un élément important pour faire face à nos engagements, notamment en matière de RER.

Pour lever les emprunts nécessaires à la réalisation du plan de mobilisation et faire le lien avec le futur contrat avec l’État, il nous manque pourtant un milliard d’euros environ. Une solution consisterait à utiliser les sommes qui vont aujourd’hui à la SGP via le Fonds pour l’aménagement de la région Île-de-France (FARIF). Dotée de 769 millions d’euros de trésorerie, la SGP touchera encore 450 millions ; l’année prochaine devrait en outre voir la fin du préciput dévolu à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Les sommes à la disposition de la SGP seront ainsi considérables, et il ne serait pas aberrant que, pendant quatre ans, le FARIF – ressource régionale – revienne à la région pour financer l’amélioration de la partie la plus faible de notre réseau que sont les RER. Cette dérivation temporaire des ressources du FARIF au profit du plan de mobilisation pour les transports avait d’ailleurs été prévue par l’accord passé entre les élus locaux et M. Maurice Leroy. Le Premier ministre est sensible à cette idée ; il a confirmé il y a quelques jours qu’en cas de besoin, ce milliard serait inscrit au budget 2015.

Hormis ce problème financier – qui ne devrait pas paralyser l’avancée de ce projet majeur –, les choses avancent bien. L’enquête publique sur la ligne rouge – le cœur du système – est lancée ; entre huit et dix mille personnes ont assisté aux quelque quatre-vingts réunions de présentation avec les élus, qui se sont très bien passées. Bien sûr, les détails d’exécution soulèvent à chaque fois des questions spécifiques ; à Champigny, par exemple, creuser une tranchée de huit cents mètres en plein milieu de la ville exige de trouver de bonnes solutions techniques. Mais, dans l’ensemble, le chantier du Grand Paris est bien préparé. Les rapports entre la SGP et le STIF, quelque peu orageux au début, sont désormais apaisés : les conseils généraux et la région sont présents au conseil d’administration de la SGP, et toutes les mesures sont actuellement votées à l’unanimité.

Le début des travaux est fixé à 2016-2017 ; la ligne rouge, censée être opérationnelle en 2018, le sera peut-être un peu plus tard, mais, en 2020, beaucoup de choses auront été réalisées. Certes, les parties les plus problématiques – comme Saclay – ne devraient être achevées que vers 2025, mais un projet de 32 milliards d’euros, censé doubler le nombre de kilomètres de voies ferrées et de métro en Île-de-France, exige du temps, surtout à un moment où les finances de l’État et de la région sont dans une situation difficile.

J’en profite pour commenter les problèmes de fonctionnement du métro et du RER en Île-de-France, qui suscitent beaucoup de protestations. Les enquêtes de satisfaction menées par la SNCF et par la région montrent que l’essentiel des plaintes se concentre sur la ligne 13 et les RER. Or, si les problèmes de matériel du RER A devraient bientôt s’arranger, de même que les dysfonctionnements du RER B liés aux travaux, la situation des RER C et D reste difficile et demande d’importants investissements complémentaires. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de trouver de nouvelles ressources, si possible en utilisant les trop perçus immédiats de la SGP.

Avec le Grand Paris – dont nous commençons tout juste à voir les premiers résultats –, notre système de transport changera du tout au tout. Les problèmes rencontrés aujourd’hui concernent le phasage des travaux, mais ne remettent pas en cause le projet global, qui fait désormais consensus. Le retour en arrière n’est plus possible, et je suis confiant dans la réalisation de ce grand chantier.

M. Alexis Bachelay. Monsieur Huchon, merci d’être parmi nous pour répondre aux interrogations de la représentation nationale. Nous partageons votre constat : l’histoire des transports de la région capitale se trouve aujourd’hui à un tournant. L’Île-de-France représente un tiers de la richesse nationale et 20 % des habitants de notre pays ; son système de transport relève donc d’un enjeu national. De surcroît, si Paris est la capitale de la France, la région est aussi une capitale mondiale. La question de son attractivité se pose donc également à l’échelle internationale, et le projet du Grand Paris reflète l’ambition de ne pas perdre du terrain dans la compétition avec les autres grandes métropoles que sont Londres, Shanghai et New York. C’est pourquoi, me semble-t-il, il intéresse l’ensemble des élus.

L’amélioration des transports du quotidien représente une urgence. Voici plusieurs années que la région en a pris conscience, et le plan de mobilisation vise à y répondre. Nos concitoyens qui utilisent ces transports tous les jours ont pourtant l’impression que les améliorations sont lentes et homéopathiques. Les années de sous-investissement chronique ne peuvent certes pas être effacées d’un trait, alors que le président du conseil régional d’Île-de-France ne préside le STIF que depuis 2006. Dans ce contexte, nous sommes à la fois rassurés de voir qu’une série de projets devraient considérablement améliorer la qualité des transports et les possibilités de mobilité dans notre région, et inquiets des écueils possibles. L’histoire récente témoigne en effet des pertes de temps et d’énergie que peut causer la gouvernance complexe des transports de la région, qui combine le STIF, les opérateurs SNCF et RATP, le Réseau ferré de France (RFF) et, depuis 2010, le nouvel acteur qu’est la SGP. En tant qu’élus, nous sentons le besoin de clarifier et d’améliorer ce système. La réforme ferroviaire est en cours, et la transformation du STIF en ÉPIC pourrait constituer l’une des pistes possibles. Pourriez-vous en développer les aspects positifs ?

Le projet du Grand Paris, porté par le Gouvernement et l’ensemble des élus, doit absolument être mené à bien. Il s’agit en effet du premier projet d’envergure qui associe Paris intra muros avec l’ensemble de la région Île-de-France, touchant directement cent cinquante communes, et bien plus encore par le biais des CDT. La question qui nous préoccupe le plus aujourd’hui est celle du phasage et du rythme de réalisation du projet. Nous avons toutes les raisons d’espérer que la première ligne – la ligne rouge qui relie Pont de Sèvres à Noisy-Champs, en passant par Champigny-sur-Marne – aboutira en 2018, ou quelques mois plus tard. L’étape d’après suscite en revanche une inquiétude légitime. Prolongera-t-on la ligne à l’ouest ou à l’est ? Peut-on envisager de faire les deux ? Ces questions – dont dépend l’achèvement de la première rocade – sont toujours en débat, et le Gouvernement les considérera à la lumière tant du rapport Auzannet que des travaux que nous menons ici. Monsieur le président de la région, quelle est votre position sur ce point ?

M. Yves Albarello. Je vous ai écouté avec délectation, monsieur le président Huchon. Vous représentez notre dernier espoir de voir se réaliser le très beau projet du Grand Paris Express, contraction entre votre projet – voté à l’unanimité des membres présents, y compris ceux de l’opposition – et celui du Président de la République de l’époque.

Lorsque j’ai rapporté le projet de loi relatif au Grand Paris, j’ai considéré que l’on ne pouvait faire fi du président du conseil régional, de surcroît président du STIF, au motif que le projet était d’intérêt national. Le travail du législateur a permis d’améliorer le projet en maillant davantage le territoire grâce à des gares supplémentaires et à des connexions avec les lignes à grande vitesse et les aéroports internationaux.

Je salue à cet égard la présence de Mme Annick Lepetit. Conformément aux conclusions du rapport d’information que nous avons cosigné sur l’application de la loi du 3 juin 2010, la récente loi relative à la mobilisation du foncier public prévoit que la région et le département peuvent co-contracter avec l’État dans les CDT et prolonge le délai d’ouverture des enquêtes publiques préalables à la signature de ces contrats jusqu’au 31 décembre 2013.

Je suis moins optimiste que vous, notamment au sujet du démarrage de la ligne rouge. D’aucuns prennent un malin plaisir à souligner les critiques de l’Autorité environnementale et se demandent si c’est assez d’un seul rapport : n’y aurait-il pas lieu de relancer toute la concertation ? Pour ma part, je pense que le rapport suffit. Sinon, on n’en sortira jamais et le dossier sera renvoyé aux calendes grecques !

Comme vous l’avez rappelé, il y a déjà des multitudes d’études de grande qualité. Une seule réponse motivée suffirait désormais à lever l’ambiguïté.

Je voulais également vous interroger sur les chances qu’aurait la ligne verte de voir le jour, mais vous avez déjà évoqué le sujet dans votre propos liminaire. Les élus chargés des transports publics y sont attachés, même si je pense que le projet prévu au départ connaîtra des modifications.

Quant à M. Auzannet, c’est un haut fonctionnaire chargé de remettre un rapport. Les décisions reviennent, que je sache, aux politiques. Quand on veut retarder ou faire capoter un projet, on se retranche toujours derrière une mission confiée à un fonctionnaire ! Mme Annick Lepetit et moi avions déjà auditionné M. Auzannet en son temps. Il remettra son rapport. Mais les décisions, c’est vous, l’homme clé du Grand Paris Express, qui les prendrez.

Dans le futur phasage, le démarrage de la ligne rouge nord suivra-t-il immédiatement celui de la ligne rouge sud ? Le consensus, je le rappelle, s’est établi sur le projet global. Il n’est pas question de « saucissonner » le Grand Paris.

S’agissant enfin du projet CDG Express, nous entendrons demain le préfet de région Daniel Canepa, qui mène une mission de réflexion sur la possibilité d’un partenariat public-public associant RATP, SNCF, Aéroports de Paris (ADP) et Réseau ferré de France (RFF). J’aimerais connaître votre avis sur la pertinence de ce projet.

Il y a urgence à lancer les premiers travaux du Grand Paris Express. Comme le disait récemment M. Guillaume Pepy devant notre commission, le temps des transports est un temps long. Les décisions que nous prenons aujourd'hui auront des effets dans dix à quinze ans. La question des transports est sans conteste le maillon fort du Grand Paris. Pour l’avenir de notre métropole à l’échelon local, national et européen, mettons-nous rapidement au travail !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Lors de son audition en vue de sa nomination, la semaine dernière, le nouveau président-directeur général d’Aéroports de Paris, M. Augustin de Romanet, a confirmé à notre commission qu’ADP serait un des partenaires du projet CDG Express.

M. Stéphane Demilly. Je me réjouis de cette audition. Étant picard, je n’ai pas la même connaissance du dossier que mes collègues franciliens même si je ne suis pas très éloigné de la capitale.

Le Grand Paris recoupe un autre projet majeur d’aménagement du territoire de notre pays, celui du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. Ce chantier intéresse directement la région Île-de-France et le Grand Paris. Ses intérêts sont multiples : report modal massif de la route vers le transport fluvial – on évoque 2 millions de camions par an à terme –, création d’emplois – le chiffre de 15 000 a été avancé pour l’Île-de-France –, dynamisation de ports franciliens comme Gennevilliers ou Conflans-Sainte-Honorine, etc.

Plus largement, le canal Seine-Nord Europe est une opportunité stratégique pour accompagner le complexe portuaire Le Havre-Rouen dans son développement et pour desservir l’ensemble du bassin de consommation en s’appuyant sur le réseau des ports intérieurs. Il permettrait de faire des ports de la Seine de véritables ports de Paris et d’étendre leur aire d’influence vers l’est de l’Europe et vers le Benelux.

Vous vous êtes vous-même déclaré « à 100 % favorable» au canal Seine-Nord Europe. Le conseil régional d’Île-de-France a voté à l’unanimité une participation de 215 millions d’euros pour sa construction. J’aurais aimé, du reste, qu’il en aille de même au conseil régional de Picardie !

Alors que près de 300 millions d’euros ont été déjà dépensés et que la plus haute autorité de l’État a donné son feu vert en 2011, nous étions en droit de penser que la réalisation du canal était devenue irréversible. Or le Gouvernement a décrété un gel que je ne suis pas le seul à espérer provisoire. En soumettant à une énième évaluation de principe ce qui a pourtant dépassé le stade du projet – des réalisations concrètes ont déjà été effectuées, notamment, en 2011, le surbaissement de l’A29 pour permettre le passage du canal – et en plaçant cette infrastructure sur le même plan que d’autres projets du schéma national des infrastructures de transport (SNIT) qui n’existaient pas encore ou seulement sur le papier, le Gouvernement a pris le risque de brouiller le message volontariste de l’État et de décourager les nombreux acteurs qui, sur le terrain, préparaient très activement l’arrivée du chantier.

Fort heureusement, cette volte-face est en train de susciter, dans les régions concernées par le tracé, une très forte mobilisation, un « Front populaire » rassemblant des élus locaux et nationaux de toutes étiquettes politiques et la totalité des acteurs économiques.

C’est pourquoi je souhaite que vous nous confirmiez les enjeux du canal Seine-Nord Europe pour le Grand Paris et que vous nous indiquiez les actions que vous avez entreprises ou que vous comptez entreprendre pour convaincre le Gouvernement de réaliser enfin cette construction tant espérée.

M. Patrice Carvalho. Le canal Seine-Nord Europe serait en effet une solution pour soulager Paris des dizaines de milliers de camions qui le traversent sans s’y arrêter.

Je suis d’ailleurs surpris, monsieur le président Huchon, que vous n’ayez pas abordé le problème du contournement de Paris. Pour les trajets nord-sud, on est quasiment obligé de passer par le Périphérique tant l’A104 est encombrée et dangereuse. Il est donc nécessaire de réaliser deux contournements, un par l’ouest et un par l’est. Ces grands travaux iraient dans le sens de l’histoire car, à ma connaissance, la voiture est encore loin d’être un objet obsolète !

Les tentatives pour écarter les voitures de Paris ne sont d’aucune aide : au contraire, le Périphérique est de plus en plus encombré. Pour venir de Compiègne jusqu’à l’Assemblée nationale aujourd’hui, j’ai mis plus de trois heures ! Et prendre le train n’est pas une solution pour moi puisque le trafic s’arrête à 23 heures.

Mme Laurence Abeille. Je remercie M. Jean-Paul Huchon d’avoir bien voulu venir nous parler d’un sujet essentiel pour tous les Franciliens mais aussi pour l’ensemble du pays. Pour ma part, monsieur Carvalho, je prends la ligne A du RER, où les rames sont ralenties par des arrêts continuels « pour régulation du trafic », formule obscure qu’il conviendrait d’expliquer aux voyageurs.

Il était temps de prendre à bras-le-corps la question des grandes infrastructures de transport. La région Île-de-France a déjà réussi à inverser la proportion entre son budget pour les routes et son budget pour les transports en commun, puisque l’on est passé d’un rapport de 70 à 30 % à un rapport de 30 à 70 %. Cette évolution menée par le président Huchon et les élus régionaux s’est accompagnée de la prise de conscience qu’il était nécessaire de changer de braquet. En effet, pendant une trentaine d’années, rien n’avait été fait en matière de grandes infrastructures de transport hormis la ligne 14, qui s’apparente à un chantier de prestige.

M. Jean-Paul Huchon. Il y a eu tout de même Éole et Météor.

Mme Laurence Abeille. Ce n’étaient pas de grandes nouveautés. Éole, c’est le train transformé en RER E.

On se rend compte aujourd'hui qu’il faut à la fois créer de grandes infrastructures, moderniser le réseau existant – la rénovation des matériels de la ligne A constitue à cet égard une priorité – et réduire l’usage de la voiture pour lutter contre la pollution atmosphérique et l’effet de serre. L’augmentation exponentielle de la circulation des véhicules rend l’air presque irrespirable par moments.

Le coût de ces chantiers, on le sait, sera très important. L’affrontement entre la conception gouvernementale de la Société du Grand Paris et la conception régionale de l’Arc Express a été très révélateur. La présentation vidéo du premier projet montrait des personnes qui prenaient leur petit-déjeuner à Londres, se rendaient dans tel ou tel pôle de compétitivité de la région Île-de-France, reprenaient l’avion pour le Japon, etc. Bref, on s’adressait à des hommes et des femmes d’affaires. L’Arc Express, en revanche, concernait le quotidien des habitants.

Après un travail remarquable de conciliation de ces deux visions de la région capitale, on est parvenu à un résultat important mais extrêmement cher. Quel en sera le phasage en fonction des coûts ? Vous nous avez expliqué pourquoi une prévision peut augmenter tout à coup de 1 milliard d’euros pour une seule ligne de RER. À chaque fois que l’on discute d’un projet, on s’aperçoit que son coût prévisionnel a augmenté de façon quelque peu mystérieuse de plusieurs centaines de millions d’euros, voire plus.

Une solution pour aider les habitants de l’Île-de-France à attendre la réalisation de ces grands travaux serait de mettre en place un réseau de bus beaucoup plus important dans la période qui nous sépare des années 2018-2025. Je sais d’ailleurs que la région réfléchit à un dispositif que l’on pourrait déployer rapidement et à moindre coût : un réseau de bus de grande capacité, roulant sur les voies rapides lorsque cela est possible, de manière à désengorger les lignes existantes.

S’agissant du tronçon orange qui concerne ma circonscription, je veux me faire l’écho des inquiétudes des élus, des habitants et des associations. Nous souhaitons être rassurés sur la réalité de ce projet. Nous avons besoin d’informations précises sur le financement, sur la maîtrise d’ouvrage et sur le calendrier. Quand l’enquête publique sera-t-elle lancée ?

En tout état de cause, l’usage de la voiture ne se trouvera pas forcément réduit dans les prochaines années. Sans doute les contrats de développement territorial devront-ils inciter plus fortement à la réduction des pollutions et des émissions de gaz à effet de serre. C’est une nécessité pour la santé publique et le bien-être des habitants.

M. Jacques Krabal. La ville de Château-Thierry, dont je suis le maire, est membre d’un groupement de dix villes autour de la métropole rémoise. Elle fait également partie des villes qui sont à moins d’une heure de Paris. Je suis donc heureux de participer à ce débat, d’autant que le projet, on l’a rappelé, a pour ambition de faire de l’ensemble du Grand Bassin parisien une métropole mondiale au même titre que Shanghai ou Londres.

Pour autant, la métropole ne doit pas cannibaliser le reste du territoire. La tendance française à l’hypercentralisation est connue, même si la décentralisation a eu des effets très positifs sur plusieurs grandes villes dans l’Ouest ou près des frontières.

Vous avez évoqué en détail la restructuration du réseau d’infrastructures de transports en commun autour de Paris. Comme Mme Adeline Hazan, maire de Reims, je me demande si ce projet ne risque pas de porter ombrage aux villes ou métropoles du Grand Bassin parisien situées à une heure de Paris. La réalisation du Grand Paris doit être accompagnée par ces pôles économiques et urbains, dans une perspective de développement équilibré s’appuyant sur la qualité de la vie et le développement durable.

Lors de son audition, M. Laurent Davezies a quelque peu confirmé nos craintes. Certes, disait-il, les grandes villes du Bassin parisien bénéficient de la croissance, mais il existe à l’inverse beaucoup de pauvreté et de mal-vivre. Ne convient-il pas de trouver un équilibre ? Quelle place pour des villes comme Le Mans, Orléans, Reims ou Amiens ?

En matière de transport aérien, on semble ne découvrir les territoires que lorsque des problèmes de nuisances sonores et de santé s’y posent. J’ai rencontré ce matin les associations qui se battent contre la récente modification des couloirs aériens. Vous vous étiez opposé à ce projet qui touche plus d’un million de personnes. Quelle est votre position aujourd'hui ?

« On a souvent besoin d’un plus petit que soi », dit Jean de La Fontaine, natif de Château-Thierry, dans Le Lion et le Rat. Faites-vous vôtre cette morale ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Plusieurs élus se sont battus pour que figure dans la loi Grenelle II une disposition permettant aux collectivités territoriales d’expérimenter la mise en place d’un péage urbain. Êtes-vous favorable à un tel dispositif dans l’agglomération parisienne ?

M. Sébastien Pietrasanta. Je remercie la Commission du développement durable de m’accueillir. En tant qu’élu de la région parisienne, j’ai pu mesurer ces dernières années la détermination et la mobilisation constantes de M. Jean-Paul Huchon dans l’amélioration des transports en Île-de-France.

Beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire. À cet égard, je me réjouis que le projet du Grand Paris Express, qui transcende les clivages politiques, soit « sur de bons rails ». Ce projet nécessaire aura un coût élevé alors que le contexte économique et financier est tendu. Nous devons être donc sûrs de le mener jusqu’à son terme. Il est hors de question de laisser des chantiers à l’abandon dans nos villes. Pourriez-vous nous préciser comment vous comptez organiser et renforcer le phasage ?

Permettez-moi également d’évoquer la situation de la ligne 13. Les usagers ne peuvent attendre des échéances aussi lointaines que celles du Grand Paris. Avec 600 000 voyageurs par jour, cette ligne est la plus saturée du réseau. La prolongation de la ligne 14 risque d’être insuffisante pour la désengorger, d’autant que le tramway T1 qui vient d’être inauguré apporte encore davantage de voyageurs. Où en sont le déploiement du système Ouragan et l’installation des portes palières dans l’ensemble des stations de la ligne et non plus dans les seules stations du centre de Paris ?

Mme Valérie Lacroute. Je suis pour ma part élue de la Grande couronne. La ville de Nemours dont je suis maire est située à 75 kilomètres au sud de Paris mais elle ne fait pas partie, malheureusement, du réseau des villes à moins d’une heure de train de Paris puisque la durée du trajet est passée à une heure dix.

Les problèmes de transport qui se posent à la Grande couronne sont aussi cruciaux que ceux de la Petite couronne. Or, bien que le Grand Paris représente une réelle opportunité en termes d’aménagement du territoire, les élus de la Grande couronne se sentent peu concernés par ce projet.

Je vous ai adressé plusieurs courriers sur les problèmes rencontrés dans mon secteur sans recevoir à ce jour de réponse. Vous n’avez d’ailleurs pas mentionné dans votre propos introductif la ligne R du Transilien, qui ne transporte, certes, « que » 60 000 voyageurs par jour, mais où les difficultés sont quotidiennes : trains bondés, en retard, trop courts, parfois non chauffés et non éclairés. De plus, les arrêts de trains Intercités dont bénéficiait le sud de la Seine-et-Marne ont été supprimés. Que faire pour les rétablir, sachant que le SDRIF définit Nemours comme « ville trait d’union » ? Cela aurait l’avantage de soulager indirectement la ligne R ainsi que la ligne D du RER. J’espère pouvoir en parler avec vos techniciens le plus rapidement possible.

Mme Annick Lepetit. Le projet de Grand Paris Express est d’ampleur nationale certes, mais il reste un projet francilien. Seuls les Franciliens, d’ailleurs, acquittent chaque année une taxe à ce titre.

Je n’ai jamais cru au scénario de M. André Santini selon lequel on déploierait vingt tunneliers dans toute l’Île-de-France pour réaliser simultanément les travaux. De fait, nous serons obligés d’établir un calendrier et de phaser les travaux et les financements.

Je souscris aussi à la proposition du président Huchon de cibler les sommes inutilisées par la SGP sur le plan de mobilisation. Les voyageurs franciliens souffrent quotidiennement des problèmes des transports en commun. Même à Paris, dont le métro est un des meilleurs au monde, le réseau commence à saturer sérieusement. Il faut tout à la fois s’engager dans la réalisation du Grand Paris Express et améliorer rapidement le quotidien dans les transports existants.

M. Jean-Paul Huchon. Vous m’avez interrogé, monsieur le président Jean-Paul Chanteguet, sur l’opportunité d’un péage urbain. Le maire de Paris serait favorable, je crois, à l’instauration d’un péage pour les poids lourds sur les autoroutes urbaines menant à Paris, mais il s’est toujours opposé à l’idée d’un péage urbain à l’entrée de la capitale. Ma position est la même. À Londres, je n’ai pu observer aucune amélioration de la circulation depuis que la ville a adopté ce système. Le montant du péage y est exorbitant : 12 livres par jour, et l’on envisage de le faire passer à 20 livres, ce qui pénalisera encore plus les particuliers. Bref, c’est principalement pour une raison d’ordre social que je suis très opposé à cette idée.

Soulignant l’urgence qu’il y a à améliorer le quotidien, M. Alexis Bachelay remarque que la gouvernance donne l’impression de faire perdre du temps. Ce n’est plus tout à fait le cas.

Lorsque je suis arrivé en 1998, les rapports entre la région et les entreprises étaient réduits à leur plus simple expression. On nous demandait de temps en temps de l’argent mais, pour le reste, on nous ignorait. Les élus n’avaient pas voix au chapitre et étaient tenus dans un mépris assez déplaisant. La situation a beaucoup changé grâce au système de contractualisation établi entre, d’une part, le STIF et, d’autre part, la RATP, la SNCF ou, notamment dans la Grande couronne, les entreprises concessionnaires de transports.

Les contrats de type 2 que nous adoptons maintenant comprennent des obligations strictes de qualité. Le STIF convoque régulièrement les PDG de ces entreprises. Récemment, M. Pierre Mongin s’est expliqué longuement devant nous sur les problèmes – dont ceux de la ligne 13 – rencontrés par la RATP. Nous recevrons demain M. Guillaume Pepy et le futur président de RFF. Je me réjouis à cet égard que la région d’Île-de-France soit désormais représentée au conseil d’administration de RFF alors qu’elle avait été écartée de tous les conseils d’administration des entreprises de transports à l’occasion de la loi sur le Grand Paris.

Les obligations contractuelles sont très précises et les contrôles du STIF sont sévères. Le temps où le bon fonctionnement d’une ligne pouvait compenser les retards sur une autre est révolu. La surveillance s’effectue ligne par ligne et les malus augmentent. Celui de la RATP pourrait s’élever cette année à plus de 10 millions d’euros et celui de la SNCF, qui n’arrive pas aux mêmes résultats en termes de régularité, à bien plus.

M. Alexis Bachelay a également évoqué la réforme ferroviaire. Il s’agit, si j’ai bien compris, de revenir à un opérateur unique comme dans le système allemand. Cela mérite d’être tenté.

C’est à M. Loïc Le Floch-Prigent, président de la SNCF pendant quelques mois, que revient l’initiative de la partition de l’établissement pour faire face à une dette de 20 milliards de francs. En tout cas, il avait eu l’idée d’une caisse autonome d’amortissement pour porter la dette, mais, comme l’actionnaire principal, à savoir l’État, n’a pas donné à RFF les moyens de résorber la dette, les investissements n’ont pas été faits. Nous avons signé une convention avec RFF pour récupérer en investissements ce que nous payons au titre des péages, contre un tiers seulement auparavant, d’autant que la région Île-de-France est la seule à payer sur la base des coûts complets. Il était difficile au STIF de faire mieux que ce qu’il a fait.

Il est très désagréable de voir les délais s’allonger. Les chantiers du tramway de Paris, eux, sont toujours à l’heure parce que la Ville de Paris est une autorité unique : c’est un avantage. Pour le tramway Châtillon-Vélizy, il a fallu que la région se mette d’accord avec deux conseils généraux. De plus, certains maires avaient des exigences et il a fallu négocier, au détriment du délai de réalisation.

Je suis décidé à sanctionner plus durement les opérateurs. Ainsi, la fameuse Tangentielle Nord Sartrouville-Noisy-le-Sec, qui figurait au contrat de plan en 1999, ne sera pas livrée en 2016 comme prévu, mais en 2018. Pourquoi ? Parce que les opérateurs n’ont pas mis les moyens nécessaires dans l’ingénierie. Il faut définir précisément les projets très en amont, de façon à éviter les surprises, qui ne sont pas seulement d’ordre financier. Le temps est long, en effet. Le prolongement de la ligne 13 jusqu’à Montrouge a été inscrit au contrat de plan en 1999-2000 et il va être inauguré dans quelques mois. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas un problème de gouvernance, mais un problème de rapports avec les opérateurs.

Les grands projets, ils savent faire, mais au quotidien, ils ont du mal à venir à bout des problèmes de caténaires ou de feuilles qui tombent sur les rails à l’automne. Il faut vraiment que les entreprises s’attachent à satisfaire la clientèle et à informer les voyageurs. À cet égard, les derniers incidents survenus sur le RER B sont scandaleux. Comme on n’a rien dit, les passagers, rendus presque fous, sont descendus sur les voies et il n’a plus été possible de faire quoi que ce soit. Nous avons pourtant financé un schéma d’information des voyageurs qui a coûté des centaines de millions d’euros ! Il faudrait que les sanctions soient plus fortes, bien que je convienne que les opérateurs sont capables de grandes choses. Je me souviens être allé à une convention de cadres de la SNCF auxquels j’ai expliqué que l’information des voyageurs était une tâche importante, mais ils m’ont répondu que ce n’était pas leur métier. M. Guillaume Pépy et les autres font de gros efforts pour faire changer la culture d’entreprise mais l’argent ne fait pas tout.

Cela dit, les contrats ont du bon. La réforme ferroviaire pourra aussi améliorer les choses d’autant que l’une des entreprises, RFF, a utilisé l’autre en lui faisant faire la moitié du travail qui lui revenait.

Une transformation en EPIC simplifierait le fonctionnement du STIF et lui permettrait de déléguer davantage ses compétences à des autorités déconcentrées. J’y suis favorable mais je ne vous cache pas qu’il sera difficile de vaincre les réticences de la direction du STIF. Il s’agit d’une grosse entité, où l’affectio societatis est forte et qui ne renoncera qu’à contrecœur à certaines prérogatives. Une loi faciliterait la transformation.

Le STIF est sous-évalué par rapport à d’autres. Je n’en dirai pas plus sur les écarts de salaire entre les personnels du STIF et ceux de la SGP. La directrice du STIF est la femme la plus puissante de France, depuis que Mme Anne Lauvergeon a quitté Areva ; on lui proposait d’être payée selon les règles de la fonction publique, comme dans une communauté d’agglomération de 120 000 habitants, alors qu’elle gère un budget de 7 milliards d’euros et l’ensemble des transports d’Île-de-France. Pour la garder, j’ai dû rencontrer le président Nicolas Sarkozy en personne. Maintenant qu’on entre dans une phase plus opérationnelle, l’EPIC permettrait plus de souplesse, sans que l’on s’avance le moins du monde vers une privatisation. Il n’en est pas question.

Concernant le phasage, je ne suis pas sûr que le rapport Auzannet proposera des innovations radicales. On commencera par la ligne rouge sud car c’est là que les flux de trafic sont les plus importants. Ensuite, il faut faire la ligne orange et remonter vers le nord. L’est, c’est une question de justice territoriale. Entre-temps, nous aurons construit le T4 à Clichy-Montfermeil que nous nous sommes engagés à faire, malgré l’opposition d’une partie des maires. Le grand Est, Saclay et Roissy feront partie du phasage. Encore une fois, il ne faut pas toucher au projet dans son ensemble, il suffit de le phaser un peu plus. D’ici là, il faut avancer les dossiers du plan de mobilisation.

À ce propos, je remercie Mme Annick Lepetit d’avoir appuyé l’idée que la taxe payée par les Franciliens puisse revenir, au moins pour un temps, à la région, pour avancer le plan de mobilisation.

Quant au Charles de Gaulle-Express, j’y suis favorable depuis le début. Il est inadmissible que, dans une capitale comme la nôtre, il n’y ait pas une ligne dédiée pour desservir l’aéroport. À l’époque, j’avais même proposé avec M. Bertrand Delanoë de garantir deux cinquièmes des emprunts de la ligne, qui devait faire l’objet d’un PPP. Mais, à l’occasion d’un débat à l’Assemblée nationale, aux alentours de deux ou trois heures du matin, un amendement du rapporteur, M. Patrick Devedjian, a dessaisi le STIF du projet. Aujourd'hui, la région doit rentrer dans le jeu. On parle d’un PPPublic après un PPPrivé qui a échoué puisque Vinci a décidé « d’arrêter les frais ». Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille arrêter le projet du Grand Paris Express au niveau du triangle de Gonesse et au nord, autour du Mesnil-Amelot. Ce serait impossible compte tenu des besoins. Il faudra mener les deux projets de front.

Il est temps qu’Aéroports de Paris participe car j’en ai assez de me battre tous les ans pour que cette société paie 30 % d’Allobus alors que ce service sert surtout à ses propres employés. Cette année, ADP vient de se réengager pour trois ans, et c’est tant mieux parce que cette société a des moyens – il suffit pour s’en convaincre de voir les sommes qui ont été investies dans sa plate-forme. Je suis donc plutôt favorable à une ligne dédiée, même si certains élus de ma majorité s’y opposent. Il faut la mettre en service tout en continuant à améliorer le RER B.

La ligne verte a une chance de voir le jour, mais sous un format un peu réduit, un « métro léger », pour reprendre l’heureuse formule de M. Maurice Leroy. Personne ne sait ce que c’est exactement, mais il devrait s’agir d’une prolongation d’Orlyval jusqu’à Massy-Saclay.

Concernant la ligne rouge, il a été admis qu’on répondrait aux questions de l’Autorité environnementale dans le cadre de l’enquête publique et qu’il n’y avait pas lieu de tout recommencer. Les huit conseils généraux et la région ont voté unanimement pour que l’enquête publique ne soit pas retardée par les conclusions de l’Autorité environnementale.

M. Stéphane Demilly, nous avons en effet voté une participation de 215 millions d’euros pour la construction du canal Seine-Nord Europe, comme la région Nord-Pas-de-Calais d’ailleurs. Nous nous étions mis d’accord au cours d’une réunion avec M. Jean-Louis Borloo, mais M. Daniel Canepa, le préfet de région, n’est pas parvenu à obtenir la participation des départements. Il manque un effort de l’Europe, qui doit pouvoir se négocier. Il ne faut pas que l’État arrête ce projet car le transport fluvial constitue un atout formidable en ce qu’il permettrait de supprimer le passage de 2 millions de camions par an. Ce projet figure toujours dans notre budget, même si d’autres régions sont peut-être dans une situation financière plus difficile. Le Nord-Pas-de-Calais est très allant, la Picardie moins car elle voudrait d’autres sources de financement. Nous avons réaffirmé que nous serions partie prenante.

M. Patrice Carvalho, nous sommes tout à fait pour la limitation des camions, mais le contournement routier de Paris est une opération d’intérêt européen. Nous menons actuellement à ce sujet une négociation avec le commissaire européen aux transports dans le cadre du C8, qui comprend les régions du grand Bassin parisien, mais les sommes en cause sont absolument considérables. Quand je suis arrivé en 1998, une moitié du budget transports allait à la route, l’autre moitié aux transports publics, mais, aujourd’hui, ces derniers en absorbent plus de 90 %, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés pour la Grande couronne. Il n’en reste pas moins que nous intervenons pour les très grandes opérations, comme la déviation de la RN 19 ou de Roissy, mais il s’agit d’investissements très coûteux qui ne peuvent pas être pris en charge principalement par la région Île-de-France. Il faut faire des opérations interrégionales avec l’aide de l’État, mais les conditions actuelles ne s’y prêtent guère.

Assurément, le réseau de bus va évoluer. Le 13 décembre, le STIF va voter un « plan bus » de plusieurs dizaines de millions d’euros, couvrant une cinquantaine d’opérations. C’est l’avenir, même si cela coûte un peu plus cher qu’un réseau de bus normal à cause de la mise en site propre. Il y a d’ailleurs déjà trois T Zen, soit en service soit en projet, et l’objectif est d’en réaliser une dizaine ou une vingtaine dans l’ensemble de la région. Ce sont des véhicules très confortables, qui circulent avec une très grande fiabilité. L’accent sera d’abord mis sur la Grande couronne mais le plan bus s’appliquera aussi à Paris et en Petite couronne – en Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis. Le président du conseil général de l’Essonne, qui est aussi député, s’est engagé à consacrer une partie du versement transport (VT) à ce projet. Ce ne sont pas moins de 40 millions d’euros qui devraient être engagés – du jamais vu –, dont 20 millions seront votés le 13 décembre. Et, dès le début de l’année prochaine, nous devrions voter une rallonge car l’augmentation du VT ne peut être utilisée tant que la loi n’est pas promulguée.

Personne n’a posé de question sur la tarification, alors que beaucoup s’agitent à ce sujet, mais c’est significatif. Les parlementaires se préoccupent surtout du fonctionnement du réseau et de l’amélioration de l’offre.

Le maire de Château-Thierry se demande si nous avons besoin d’un plus petit que nous. Oui, bien sûr, surtout que nous ne sommes pas si gros que ça (Sourires). La région Aquitaine dispose d’un budget huit fois supérieur au mien. Je regrette que nous ne soyons pas un État plus fédéral. Sans doute la loi de décentralisation apportera-t-elle un début de réponse. L’État doit se concentrer sur ce qu’il doit faire, à savoir les fonctions régaliennes et la solidarité. Tout le reste devrait être confié aux régions en liaison avec les départements, les villes et les agglomérations. Nous n’avons pas de problème avec les conseils généraux ou la Ville de Paris ; on n’est pas toujours d’accord mais nos relations sont bonnes.

Le développement des pôles métropolitains autour de Paris nous intéresse beaucoup dans la mesure où nombre de sujets doivent se traiter au niveau du C8. C’est ainsi que la région Île-de-France a participé au financement de l’électrification de la ligne jusqu’à Troyes, comme elle participera à la nouvelle LGV Normandie, qui prévoit le changement de berge de la gare de Rouen et le prolongement jusqu’à Caen et au Havre, ou encore au contournement de Paris par le sud, avec la région Centre.

Quant aux TER à propos desquels Mme Valérie Lacroute m’a interrogé, et dont l’offre n’est pas satisfaisante à bien des égards, nous sommes en train de négocier avec les régions Centre et Bourgogne – avec la Normandie et la Picardie, c’est réglé – les arrêts sur les lignes, qui sont en concurrence les uns avec les autres : un arrêt supplémentaire gêne les gestionnaires de TER tandis que l’absence d’arrêt mécontente les usagers. Je vous proposerai de rencontrer à ce sujet les responsables du STIF en présence du vice-président de la région, M. Pierre Serne, à qui j’ai confié une mission spécifique à ce sujet.

M. Sébastien Pietrasanta m’a demandé si le prolongement de la ligne 14 suffira. À chaque jour suffit sa peine. Quoi qu’il en soit, l’option prise devrait permettre une « désaturation » de 30 % à 35 %. M. Pierre Mongin a évoqué Ouragan devant le STIF il y a trois jours. Le système serait sur le point de marcher...

Mme Annick Lepetit. Il nous était promis pour 2005 !

M. Jean-Paul Huchon. Ce serait l’affaire de quelques mois, mais je prends des précautions, puisqu’il a déjà été refait plusieurs fois. Cela devrait permettre d’accélérer le passage des trains. Quant aux portes palières, elles fonctionnent bien dans les douze stations qui ont été équipées. Le STIF étudie la possibilité d’en installer davantage.

Enfin, je remercie Mme Annick Lepetit de son soutien et je rappelle que la loi de finances rectificative offre aux parlementaires que vous êtes une bonne occasion pour transférer des crédits. Il faudrait pratiquement réserver le Fonds d’aménagement de la région d’Île-de-France pendant trois ou quatre ans. La SGP est au courant de notre démarche, elle qui est assise sur 769 millions d’euros, qui font bien des envieux.

L’augmentation de la fréquentation de près de 5 % par an est pour nous une gageure, et nous en avons longtemps été réduits à courir après les événements. Maintenant, plusieurs chantiers sont lancés et nous devrons être très actifs en Grande couronne, notamment s’agissant du réseau de bus. Les élus locaux seront naturellement associés.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous vous remercions, M. Jean-Paul Huchon, du temps que vous avez consacré à la représentation nationale et je me félicite de l’accord qui a été trouvé avec le Gouvernement précédent, grâce à M. Maurice Leroy et à vous-même. Je salue le succès remporté par les débats organisés par la Commission nationale du débat public – CNDP – qui ont contribué à l’appropriation par la population de ce formidable projet porté collectivement par la majorité et l’opposition.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 4 décembre 2012 à 17 heures

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Christophe Bouillon, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Falorni, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Philippe Martin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Yves Caullet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Philippe Duron, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Olivier Marleix, M. Bertrand Pancher, M. Edouard Philippe, Mme Catherine Quéré, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, M. David Vergé, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - Mme Annick Lepetit, M. Sébastien Pietrasanta