Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme minière, avec M. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM), M. François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRMG), M. Yves Fouquet, chef du laboratoire géochimie et métallogénie de l’Institut français de recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur la réforme minière, avec Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM) ainsi que MM. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et Yves Fouquet, chef du laboratoire géochimie et métallogénie de l’Institut français de recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable s’est engagée dans un travail prospectif afin de mieux appréhender les textes qu’elle aura à examiner dans les prochains mois. Nous avons ainsi organisé trois tables rondes sur le thème de la transition énergétique.

Et nous souhaitons, bien entendu, nous investir dans la prochaine réforme du code minier. Sous la précédente législature, nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin avaient remis un rapport d’information sur les hydrocarbures non conventionnels, c’est-à-dire les gaz de schiste, et nos collègues Christophe Bouillon et Michel Havard un autre sur les matières premières métalliques. C’est donc un axe de travail que nous approfondissons dans cette mandature. À l’automne, nous avons auditionné Me Arnaud Gossement sur son rapport sur la réforme du droit minier. En décembre, une délégation de notre commission s’est rendue en Guyane pour aborder les sujets des forages pétroliers en mer et de l’extraction aurifère. Dans un mois, le 19 février, nous recevrons M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, compétent en matière de politique minière.

C’est peu dire que nous attendons, avec grande impatience et grand intérêt, les conclusions du conseiller d’État Thierry Tuot, auquel le Premier ministre et la ministre de l’environnement ont confié une réflexion sur la réforme minière. Je constate avec regret que le calendrier annoncé ne sera pas respecté. Il faut pourtant, sans plus tarder, moderniser notre législation minière, devenue obsolète et dépourvue de légitimité. Les industriels, comme nos concitoyens, y sont attentifs.

Politique et droit miniers sont un enjeu majeur de compétitivité. À côté de la mine énergétique – de gaz et de pétrole – il y a la mine métallique, pour tous les autres produits. Je souhaite que notre débat se déroule de sorte que tous ces aspects puissent être abordés.

Je vous présente maintenant nos invités que je remercie d’avoir répondu à notre invitation : M. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), accompagné de M. Bruno Ageorges ; Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM), accompagnée de M. Jack Testard, président de la chambre syndicale des industries minières de la FEDEM ; M. François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ; et M. Yves Fouquet, chef du laboratoire de géochimie et métallogénie de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER).

Plusieurs d’entre vous ont participé au groupe de travail présidé par M. Tuot. Nous attendons aujourd’hui que vous nous disiez comment vous voyez la réforme du code minier et quelles sont, selon vous, les évolutions à provoquer et les limites à ne pas franchir. Cette table ronde doit être l’occasion d’un échange, d’un débat bien sûr, mais non d’une confrontation, comme certains peut-être l’auraient souhaité. C’est avec déplaisir que j’ai pris connaissance du communiqué publié hier par l’association France Nature Environnement, se plaignant de n’être pas représentée ce matin.

M. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP). Nous sommes très heureux d’avoir été invités ce matin pour traiter du code minier, texte essentiel pour l’exercice de nos activités. Je représente ici la mine énergétique, pour reprendre l’expression de votre président.

L’Union française des industries pétrolières – UFIP – est le syndicat professionnel des entreprises pétrolières travaillant sur le territoire français dans le domaine de l’exploration-production, du raffinage et de la distribution. Nous ne parlerons aujourd’hui que d’exploration-production, sous l’angle du code minier. L’UFIP représente la quasi-totalité des entreprises engagées sur le territoire national dans l’exploration et la production d’hydrocarbures – pétrole ou gaz. Pour la plupart d’origine étrangère, ces sociétés sont au nombre d’une vingtaine.

On dénombre aujourd’hui, en France, environ soixante permis d’exploration, et le même nombre de concessions d’exploitation, ainsi qu’une trentaine de sites de stockage de gaz. Nous produisons chaque année 900 000 tonnes de pétrole et 800 millions de mètres cubes de gaz, soit respectivement 1 % et 2 % de notre consommation : c’est dire combien notre pays importe massivement les hydrocarbures dont il a besoin. Ces importations représentaient 65 milliards d’euros en 2011. Il va sans dire que tout ce que nous pourrons produire sur le territoire national est autant que nous n’aurons pas à acheter à l’étranger. Le déséquilibre entre consommation et production montre que l’autosuffisance est, évidemment, hors de portée.

Le pétrole constitue une véritable filière dans notre pays. Nous comptons plusieurs entreprises de dimension internationale : Total bien sûr, mais aussi Schlumberger, Technip, Vallourec ou encore CGGVeritas, dont l’activité se déploie dans le monde entier. La France est, par ailleurs, le second exportateur mondial d’équipements et de services pour l’industrie des hydrocarbures.

À notre sens, le droit minier, qui encadre les activités d’exploration et de production, a vocation non pas à bloquer leur développement, mais au contraire à les encourager dans toutes leurs dimensions. Il comporte, bien entendu, des dispositions législatives et réglementaires, notamment le règlement général des industries extractives (RGIE), et il s’inscrit plus largement dans le cadre de la directive européenne de 1994 relative à l’exploration et la production d’hydrocarbures.

Nous sommes favorables à une modernisation. Nous avons participé activement aux travaux de la commission Tuot et sommes très heureux, au moment où commence le travail législatif, de pouvoir exprimer nos positions devant vous. Le code minier doit fonctionner de manière satisfaisante, à la fois pour le public et les opérateurs.

Que souhaitons-nous ? Tout d’abord, nous plaidons pour une meilleure information et une meilleure participation du public afin de faciliter l’appropriation des projets. Les problèmes que nous avons tous présents à l’esprit sont nés d’un déficit d’association des populations : c’est ce à quoi il faut remédier. Un code minier du XXIe siècle ne peut pas ignorer cette dimension.

Le droit doit, ensuite, favoriser les conditions d’exercice de l’activité. Il doit confirmer la distinction entre, d’une part, l’octroi des permis d’exploration et des concessions d’exploitation au niveau national et, d’autre part, l’autorisation des travaux à l’échelon local : ce sont deux stades bien distincts. Il convient de maintenir le droit du titulaire d’un permis d’exploration à obtenir une concession d’exploitation. Il ne serait pas raisonnable de scinder les deux : celui qui a découvert une substance doit pouvoir l’exploiter. Le code doit aussi définir des modalités et des délais d’instruction compatibles avec la conduite des projets et l’engagement des investissements.

Quant à la fiscalité, elle doit être incitative, aussi bien pour les projets terrestres que pour les opérations en mer. Surtout, il importe d’assurer la visibilité et la stabilité du cadre juridique, sans lesquelles les opérateurs ne peuvent travailler. Il faut enfin garantir la transparence pour les collectivités locales en ce qui concerne la fiscalité.

Cent vingt permis d’exploration sont aujourd’hui bloqués administrativement. Notre industrie ne fonctionne plus de façon normale. Les dégâts collatéraux de l’affaire des gaz de schiste n’y sont certes pas étrangers. Mais les permis sont également ralentis dans l’attente de la réforme du code. Conséquence : l’activité des opérateurs est paralysée. Voilà le message que nous souhaitions porter, qui s’adresse d’ailleurs sans doute davantage au Gouvernement qu’aux parlementaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Chacun perçoit bien l’urgence. Aucune demande de permis de recherches n’est plus instruite, ce qui nous inquiète autant que les industriels. Il était bon que vous le rappeliez, car notre rôle est aussi de solliciter le Gouvernement pour que les choses avancent. Cette table ronde vise d’ailleurs à ce que la réforme du code minier ne soit pas oubliée au sein d’un ordre du jour parlementaire déjà bien chargé pour les six mois à venir. Nous y veillons.

Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM). C’est un honneur et un plaisir pour la FEDEM d’avoir été invitée à cette table ronde qui nous donne l’opportunité d’exposer notre point de vue. Comme l’UFIP, la FEDEM a participé aux travaux de la commission Tuot, qui ont permis de dialoguer et de progresser.

La Fédération regroupe les acteurs du secteur industriel des minerais, des minéraux et des métaux non ferreux, de l’amont – l’extraction, sujet qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui – jusqu’à l’aval – première transformation et même recyclage, activité dans laquelle plusieurs de nos membres se sont investis. Nous sommes moins connus que l’UFIP, mais nous jouons tout de même un rôle fondamental puisque les matières premières en question, plus ou moins transformées, alimentent l’ensemble des industries stratégiques de notre pays. Les gouvernements successifs, celui-ci comme le précédent, l’ont bien compris, qui ont engagé un travail sur les métaux stratégiques, auquel nous sommes associés. Au nombre de nos membres, nous comptons de grandes entreprises comme Areva, Eramet, Imerys, Umicore, mais aussi des PME qui jouent un rôle-clé dans l’industrie minière, puisque ce sont elles qui font l’exploration et les premières recherches.

Tout comme le ministre du redressement productif, dont les déclarations rejoignent les propos de Jean-Louis Schilansky, nous souhaitons un développement harmonieux de l’activité minière en France, et même dans certains cas sa relance, ainsi que celle des activités d’aval qui lui sont associées. Des événements comme celui qui vient d’avoir lieu sur le complexe gazier de Tigantourine en Algérie montrent combien il est important pour notre pays et pour l’Europe, sinon d’atteindre l’autosuffisance en ressources naturelles, du moins de sécuriser les approvisionnements. Pour les opérateurs miniers, la géopolitique constitue un paramètre fondamental car il y va aussi de la compétitivité.

Comme nos partenaires industriels, nous avons besoin de stabilité et de visibilité. Il importe de savoir parfaitement quel droit est applicable à un moment donné – on l’a encore vu récemment dans un dossier, en Guyane, où l’on s’est interrogé sur la question de l’antériorité. L’imminence de la réforme du code minier ne doit pas provoquer de rupture pour les industriels, vu le niveau des investissements nécessaires dès la phase de recherches, considérables tant pour les entreprises juniors que pour les grands groupes. Clarté, lisibilité, dialogue en amont, concertation : tels doivent être les maîtres-mots.

Nous souhaitons, nous aussi, la modernisation du droit minier. Les activités d’extraction ont encore une image archaïque alors qu’elles ont beaucoup évolué. Ainsi l’entreprise pour laquelle je travaille a-t-elle développé en Nouvelle-Calédonie de nouvelles techniques, moins invasives, qui limitent les problèmes d’après-mine. Lorsque M. Montebourg envisage de lancer une mine responsable en France, les entreprises membres de la FEDEM sont volontaires pour apporter la preuve que cela est possible, sur une base réglementaire rénovée. Nous sommes beaucoup plus attentifs à l’environnement et à la biodiversité. Si une activité minière est relancée en France, nous prêterons une attention toute particulière à ces aspects et nous travaillerons différemment de par le passé.

Comme l’UFIP, nous l’avons dit tout au long des travaux de la commission Tuot, nous sommes très attachés au phasage et à la proportionnalité des dispositions du code minier : celles-ci doivent être adaptées à chaque étape du processus. S’il est légitime qu’il y ait davantage d’information et de participation qu’il n’y en avait jusqu’à présent au stade des permis d’exploration, en général accordés sur des zones très larges, il serait impossible à ce stade de réaliser des études d’impact aussi détaillées que celles menées au moment de l’exploitation puisque, par définition, on ignore alors ce qu’on va trouver – on ne sait même pas toujours exactement ce que l’on cherche, on est seulement au fait d’un potentiel. Le dialogue avec les parties prenantes locales doit être permanent pour rendre compte au fur et à mesure de ce qui est fait.

Permis exclusif de recherches, concession minière : ce sont des termes qu’il faut peut-être revoir, mais qui nous paraissent appropriés. Nous souhaitons en tout cas que l’on reste dans la même logique.

De l’État, des administrations déconcentrées et des collectivités territoriales, quel est l’échelon pertinent pour la prise des décisions ? Si les grands engagements nous paraissent relever du niveau national, les autorisations de travaux pourraient, elles, être délivrées par les autorités locales. Nous sommes attachés à l’existence de règles du jeu partagées. Tout un équilibre doit être atteint entre les collectivités locales et l’État. Jack Testard, qui préside notre chambre syndicale des industries minières, pourra expliquer en détail comment les choses se passent et vous dire quelle nous paraîtrait la manière la plus intelligente d’adapter le droit à ces réalités.

Dans les travaux de la commission Tuot, il a été question d’un schéma national directeur de la politique minière. Des réticences s’expriment dans le monde industriel à cette idée. La FEDEM y est plutôt favorable à la condition que ce schéma ne soit ni trop précis ni surtout figé en amont. Il doit pouvoir évoluer, être un outil permettant aux opérateurs de travailler.

M. François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Comme vous le savez, le BRGM est un organisme de recherche et d’expertise au service de la nation. J’ai participé aux travaux de la commission Tuot et je me concentrerai ici sur certains des points qui y ont été abordés, d’opportunité juridique essentiellement.

Pourquoi une réforme du code minier est-elle nécessaire ? Le manque d’information et de participation du public, ainsi que le défaut d’études d’impact – d’études publiques en tout cas – dans certaines phases de travaux d’exploration ont suscité beaucoup d’émoi. À cette occasion, on s’est aperçu que des permis exclusifs de recherche avaient été antérieurement accordés sans enquête publique préalable. Remédier à cette absence d’information du public et de prise en compte des enjeux environnementaux est le premier objectif de la réforme.

Celle-ci se fonde également sur la remise en cause de l’intérêt même d’exploiter des ressources minérales. C’est une question de principe de politique minière et, lorsqu’il s’agit d’hydrocarbures, d’articulation avec la politique énergétique.

Le cœur du code minier traite des substances dites concessibles. Pour ces richesses, la nation a historiquement jugé que leur intérêt justifiait une exception, avec les titres miniers, aux droits du propriétaire du sol : l’État exploiterait lui-même ces substances – hypothèse assez théorique aujourd’hui, mais en vogue par le passé – ou en concèderait l’exploitation exclusive à des entreprises. Au terme de la phase de production, c’est l’État qui assume la responsabilité de l’après-mine.

Parce que ses procédures étaient plébiscitées, notre droit minier a été, par mimétisme, étendu à d’autres usages du sous-sol comme le stockage souterrain de gaz et de dioxyde de carbone. Il inclut même désormais la géothermie et l’exploitation des granulats marins.

C’est également sur ce code minier que l’on s’est appuyé pour améliorer la connaissance de notre sous-sol, connaissance toujours difficile et coûteuse. Le droit fait ainsi obligation à toute personne réalisant des fouilles ou des forages de plus de dix mètres de profondeur de déclarer tout ce qu’elle a repéré dans le sous-sol. L’une des missions de service public du BRGM est de capitaliser, numériser, organiser en banque de données puis mettre à disposition du public toutes ces données souterraines. Sont concernés les résultats de forages pétroliers, de prélèvements d’échantillons…

Nous avons formulé, notamment au sein de la commission Tuot, diverses propositions de modernisation de ce dispositif, mal financé et imparfait sur le plan administratif. La mise à disposition de ces informations, utiles non seulement aux exploitants miniers mais aussi aux bâtisseurs d’infrastructures comme le tunnel transalpin de la ligne ferroviaire Lyon-Turin et les stations de métro du Grand Paris, pourrait être à la fois plus ambitieuse et plus efficace.

Nous avons également fait des propositions sur le cas particulier de la géothermie. Un débat s’est engagé au sein de la commission Tuot sur le meilleur support législatif pour traiter ses différentes formes. Nul ne conteste que la géothermie profonde relève du code minier et qu’elle doit faire l’objet de permis d’exploration et de concessions. Il y va différemment de la géothermie de surface. Lorsqu’une commune se dote d’un équipement comme un hôpital, elle peut aujourd’hui recourir à la technique de pieux ou de fondations énergétiques qui permettent de transmettre la chaleur du sous-sol au bâtiment, rendant celui-ci très économe en énergie. Il n’y a sans doute pas besoin du code minier pour cela ; le code civil pourrait suffire. Dans certains cas, des procédures administratives sont nécessaires. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous détailler nos propositions en la matière.

J’en viens à la politique énergétique. La dimension géographique d’un schéma fixé par la loi interpelle puisqu’on ne sait pas a priori exactement où se trouve telle ou telle ressource. Dans certaines zones – je pense à la Guyane qui possède désormais son propre schéma départemental d’orientation minière (SDOM) –, une longue concertation a eu lieu sur le zonage, mais ce n’est pas et ce ne sera pas le cas sur l’ensemble du territoire.

La France connaît aujourd’hui une fringale de matières premières, car c’est ce que requiert l’industrie moderne. Certes, l’économie circulaire et le recyclage se développent, mais on en est encore à un stade où l’on incorpore de plus en plus de matières premières. La nécessité de rechercher de nouvelles ressources minérales s’impose donc. À la demande du ministre du redressement productif, nous avons fait plusieurs propositions sur la reprise d’un inventaire des ressources du territoire national et sur ce que pourrait être une mine moderne. La question de la stratégie, s’agissant des hydrocarbures, reste un sujet en soi.

J’oserai un dernier mot sur la fiscalité. Les mines d’hydrocarbures comme les mines de substances métalliques constituent un bien national ; il est donc logique que la nation – au niveau central ou décentralisé – bénéficie d’une partie des recettes ou de la rente qu’elles procurent. On parle de rente lorsque le prix d’une matière première sur le marché mondial est très supérieur à son prix de revient, ce qui permet de réaliser des bénéfices élevés quoique généralement transitoires. En effet, le cours de ces matières est très volatil : il faut trouver les mécanismes d’une répartition équitable de la richesse sans menacer la bonne exploitation des gisements.

La géothermie haute température devrait devenir une ressource énergétique significative de l’outre-mer. C’est le moyen le plus efficace et le moins cher de produire de l’électricité dans les îles volcaniques. Une fiscalité spécifique doit permettre d’intéresser les collectivités territoriales à son développement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En France, ce qui se trouve dans le sol et le sous-sol appartient à l’État, alors qu’aux Etats-Unis par exemple, cela reste la propriété du propriétaire du terrain. Personne ne souhaite revenir sur le principe selon lequel, dans notre pays, les substances de mines appartiennent au patrimoine commun de la nation.

Un schéma directeur national minier paraît une proposition intéressante. Mais sommes-nous en mesure de l’élaborer ?

M. Yves Fouquet, chef du laboratoire de géochimie et métallogénie de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Parmi les ressources minérales marines, il y a les nodules polymétalliques qui sont des oxydes de manganèse qui reposent par 5 000 mètres de fond, les encroûtements d’oxyde de manganèse eux aussi situés en grande profondeur, et, associés aux volcans sous-marins, les sulfures hydrothermaux contenant du cuivre, du nickel, du cobalt, du platine, de l’argent, de l’or et des métaux rares. En milieu moins profond, on exploite les granulats marins.

Ces ressources ne sont pas exploitées pour l’instant. Depuis plus d’une trentaine d’années, la France, grâce à son potentiel scientifique et technologique, avec notamment la théorie de la tectonique des plaques née dans les années 1960-1970 et la mise au point d’engins sous-marins qui ont permis des explorations plus fines, compte parmi les meilleurs mondiaux pour la connaissance à la fois géologique et biologique des grands fonds marins.

Nous travaillons à la fois dans la zone économique exclusive (ZEE), c’est-à-dire à l’intérieur de la zone des 200 milles marins, et dans les eaux internationales. Pour ces dernières, un cadre juridique s’est mis en place au travers de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), organisation internationale établie en Jamaïque et qui regroupe les 162 pays parties à la convention de Montego Bay de 1982. Ont pu être adoptées, en 2000, une législation spécifique pour les nodules de grands fonds et, en 2011 une règlementation pour les sulfures hydrothermaux. Un troisième accord, relatif aux encroûtements polymétalliques, est en cours de discussion ; il devrait aboutir l’année prochaine.

Pour ce qui est des nodules, il existe aujourd’hui treize permis d’exploration. Deux ont été délivrés en 2011 et deux autres en 2011. C’est dire le regain d’intérêt pour ce domaine. S’agissant des sulfures, dès 2011, la Russie et la Chine ont déposé des permis, l’une dans l’Atlantique, l’autre dans l’Océan Indien. La France a elle aussi soumis un dossier, encore en cours de discussion, mais qui a été accepté l’an dernier.

L’AIFM cherche à mieux connaître les ressources potentielles des eaux internationales et à les valoriser au regard des enjeux environnementaux et de biodiversité dans la perspective d’une éventuelle exploitation. Les ressources des eaux de notre ZEE n’ont pas encore été inventoriées ni même cartographiées. Ce travail reste à accomplir. Avec 11 millions de km2, notre ZEE est la deuxième au monde, après celle des Etats-Unis – même si d’un point de vue législatif et réglementaire, il existe des spécificités pour les territoires d’outre-mer comme la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.

En 2000, un groupe de travail national, piloté par l’IFREMER et associant les universités, le CNRS et d’autres organismes de recherche, a élaboré un rapport sur la stratégie française en matière de ressources minérales marines. Ses recommandations ont été reprises par le Comité interministériel de la mer de juin 2011 qui a conclu à la nécessité d’une véritable stratégie nationale autour des ressources minérales marines – orientation reprise par l’équipe gouvernementale actuelle. À l’initiative du ministère de la recherche, une expertise collective est en cours autour des questions d’environnement pour les deux volets exploration et exploitation.

Je veux dire un mot du volet énergétique. L’IFREMER n’a pas vocation à rechercher du gaz ou du pétrole, mais il est souvent consulté par des compagnies françaises ou étrangères sur certains risques physiques comme ceux que peuvent représenter les hydrates de méthane pour les plateformes pétrolières, ou bien encore sur des questions environnementales comme la biodiversité dans les grands fonds. Il faut mentionner également le programme national Extraplac d’extension du plateau continental au-delà des 200 milles.

Je citerai une action exemplaire en matière d’inventaire, conduite à Wallis-et-Futuna dans le cadre d’un partenariat public-privé et d’une autorisation de prospection préalable (APP), dans une zone vierge, dont nous ne disposions pas même de la carte. En deux ans, nous avons dressé l’inventaire de sa minéralisation. Nous y avons notamment trouvé des sulfures et des encroûtements. Ce ne sont pas nécessairement les plus riches, mais les résultats sont encourageants, et nous discutons actuellement d’un dépôt de permis d’exploration.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pourrez-vous nous dire quelles sont les techniques utilisées pour explorer à plus de 5 000 mètres de fond, puisque c’est à ces profondeurs que se trouvent, par exemple, les nodules polymétalliques ?

Mme Sabine Buis. Je remercie l’ensemble des intervenants. Il est fort agréable de pouvoir aborder ce débat dans un climat apaisé.

Il est difficile de traiter le sujet de la réforme minière dans le temps bref qui nous est imparti, tant il englobe d’aspects quand on prend en compte toutes les techniques et toutes les substances. Quelle place pour les activités minières à l’heure où l’on souhaite encourager la transition énergétique ? C’est la première question, de principe dirais-je. On ne peut faire abstraction de ce qui s’est passé en matière d’exploration pour les gaz de schiste.

J’ai bien entendu les chiffres qui ont été donnés concernant la production et les importations. Des emplois sont aussi concernés. Je ne pense pas, pour autant, que nous ayons le droit de nous en tenir là et de nous satisfaire de l’équilibre économique et énergétique qui prévaut aujourd’hui dans notre pays. Il est de notre devoir de parlementaires d’anticiper les évolutions et de proposer des idées innovantes.

Monsieur Schilansky, vous attendez de la réforme du code minier qu’elle assure une meilleure information du public afin de permettre l’adhésion aux projets. Oui, le public doit être mieux informé – j’ai eu l’occasion récemment de défendre un texte à ce sujet. Mais cette information doit-elle nécessairement aboutir à l’adhésion du public ? Celui-ci a un droit de retour.

Le code minier doit favoriser les conditions d’exercice de l’activité, avez-vous dit, et celui qui découvre une substance doit pouvoir l’exploiter, avez-vous ajouté. Je vous remercie d’avoir été aussi clair car à de multiples reprises, notamment lorsque nous avons été reçus avec certains collectifs par le préfet de l’Ardèche, on nous a demandé pourquoi nous nous inquiétions puisqu’il s’agissait seulement d’exploration, et non encore d’exploitation !

Vous avez enfin distingué les décisions appartenant à l’État de celles pouvant relever des collectivités locales. Sans aller jusqu’à dire que le modèle actuel appartient au passé et qu’il convient d’en tourner la page, je défends l’idée d’une transition énergétique. Celle-ci prendra du temps. Il n’est donc pas question de porter atteinte à l’équilibre économique actuel, mais cela ne doit pas nous empêcher d’en rechercher un autre. Or, à entendre l’ensemble des intervenants, je crains que l’on ne cherche avant tout à continuer de développer l’exploitation actuelle, au risque de brider la réflexion sur un modèle alternatif. Alors que les collectivités locales ont beaucoup à dire, on ne leur a pas jusqu’à présent accordé une place suffisante. La discussion avec les industriels, d’ailleurs, n’a pas été suffisante non plus.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Aujourd’hui, l’industriel détenteur d’un permis d’exploration obtient automatiquement un permis d’exploitation. Une réflexion est engagée sur ce droit de suite. Je ne doute pas que des solutions équilibrées pourront être trouvées.

M. Martial Saddier. Les députés UMP saluent la qualité des exposés des intervenants. Nous partageons, monsieur le président, vos préoccupations sur le délai dans lequel pourra être adoptée la réforme du code minier, qui ne sera pas inscrite à l’ordre du jour d’ici à l’été. Cent vingt dossiers sont aujourd’hui, sinon bloqués, du moins toujours en cours d’instruction. Si on devait attendre un projet de loi encore un an, toute la filière serait paralysée.

Qu’il me soit permis de rappeler, amicalement, à nos collègues de l’actuelle majorité, que lorsque nous expliquions que la réforme du code minier était une affaire complexe qui ne pouvait se mener à bien à trois mois de la fin de la précédente législature, leurs réactions n’avaient pas toujours été apaisées ! Pour ce qui nous concerne, nous chercherons à être constructifs, notre seul souci étant l’intérêt du pays.

Nous sommes attachés à deux principes fondamentaux. Premier de ces principes : les produits de l’exploitation du sous-sol sont un bien sans maître et doivent le rester. Deuxième principe : mieux les projets seront expliqués en amont et plus la participation du public sera importante, plus les incompréhensions auront de chances d’être levées. Je rappelle ici que les députés et les sénateurs UMP ont permis, lors d’une commission mixte paritaire qui s’est tenue au Sénat avant Noël, que soient adoptés plusieurs amendements en ce sens.

Nous prenons acte du souci de transparence des professionnels. L’État ne peut seul décider, et les collectivités se contenter d’accompagner. Il faudra bien aussi régler la question fiscale. Si le maire ou le président de la structure intercommunale sont seulement chargés de vérifier que tout se passe bien et que d’une part seul l’État décide, d’autre part la fiscalité échappe aux collectivités au profit de l’échelon national ou régional, il y aura un problème de fond. J’espère que cet avis est largement partagé dans notre commission.

Aujourd’hui, les autorisations sont d’une durée de cinq ans et trois fois renouvelables. Vous avez évoqué une durée plus longue, ce que l’on peut comprendre au regard des investissements engagés. Pourriez-vous être plus précis ?

Nous partageons votre opinion selon laquelle le code minier doit encourager l’activité. Mais devrait-il permettre aussi de l’interrompre en cas de dommages avérés à l’environnement ? Devrait-il également prévoir le financement de la reconversion au terme de l’exploitation ? Sa réforme sera l’occasion de préciser ces deux points.

Comme vous le savez, il existe actuellement un contentieux européen pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air. Il est beaucoup question de gazole, de PM10, de NOx, d’ozone… Que pouvez-vous nous dire sur le sujet au regard de vos activités ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que certaines grandes nations, notamment la Chine, achètent actuellement en nombre des surfaces agricoles, en particulier en Afrique, pour en exploiter le sous-sol ?

M. Bertrand Pancher. L’UDI, qui soutient une écologie de progrès et de développement, souhaite que l’exploitation de nos ressources naturelles puisse se poursuivre, sous réserve de ne pas appauvrir la nature et de ne pas créer de dommages irréversibles.

Une réforme du code minier s’impose. Elle était engagée : tant mieux si nous disposons d’un peu plus de temps pour y réfléchir. Nous soutenons les principales orientations annoncées par la ministre, Delphine Batho : information, transparence, prise en compte des enjeux environnementaux. Mais cela suffira-t-il pour apaiser totalement le climat dans notre pays ?

Il importe de bien distinguer l’évaluation de l’état des réserves et de leurs conditions potentielles d’exploitation des opportunités réelles d’extraction. L’exemple de la Pologne est emblématique : alors que ce pays devait être l’eldorado du gaz de schiste, on vient de s’apercevoir qu’en réalité, il n’avait pas ou que peu de réserves. Il importe également de trancher les grandes controverses pour relancer les activités. Un débat national suffira-t-il ? Il faut prendre en compte les débats locaux, car ce sont les populations locales qui réagissent.

Serait-il possible et souhaitable que les permis de recherches soient accordés à des entreprises différentes de celles chargées de l’exploitation ultérieure ? Cela se pratique-t-il dans d’autres pays ? Cela semblerait de nature à restaurer la confiance entre nos concitoyens, les opérateurs et l’État.

Serait-il possible de transférer aux collectivités la décision d’exploitation – directement ou indirectement par le biais d’un mécanisme de codécision ? Là où les décisions sont prises au niveau local, les décideurs consultent beaucoup plus largement les populations – c’est le cas dans les pays d’Europe du Nord. Si les décisions relèvent uniquement de l’État central, cela ne marchera pas.

Enfin, je ne reviens pas sur les contreparties en termes de développement et d’économie, qui sont importantes et dont vous avez déjà largement parlé.

M. François-Michel Lambert. La réforme du code minier est plus que nécessaire. Tous les acteurs en conviennent, même si certains se félicitent sans doute des dispositions actuelles.

Un point, plus large que le sujet qui nous occupe, n’a pas été abordé. Quel développement économique voulons-nous ? L’exploitation minière est l’archétype d’une économie linéaire induisant toujours davantage de pression et de prélèvements sur les ressources naturelles. Il serait temps de réfléchir à un modèle de développement fondé sur une économie circulaire, où ces prélèvements ne viendraient qu’en complément d’un système économique visant à les limiter. C’est dans cette perspective qu’il faudrait aborder la réforme du code minier.

Je suis bien conscient que les opérateurs ont besoin de règles lisibles et stables. C’est d’ailleurs pourquoi j’insiste sur le lien nécessaire entre notre politique industrielle et le futur code minier. Les industriels doivent en finir avec la course à l’exploitation – qui existe encore aujourd’hui : j’en veux pour preuve que l’on se lamente sur cent vingt permis qui seraient bloqués ! – et privilégier plutôt un schéma économique incluant d’un côté l’extraction des matières premières, de l’autre le recyclage des matériaux pour limiter la pression sur les ressources. Cette approche est indispensable à un développement soutenable. Dans cette perspective, le nouveau code minier devra intégrer plusieurs objectifs.

Premier de ces objectifs : minimiser les besoins d’extraction. Pour ce faire, il faut un schéma directeur national, tenant compte des besoins et des potentialités, décliné en schémas directeurs territoriaux qui, sans être figés – ils doivent pouvoir évoluer – devraient néanmoins être prescriptifs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Deuxième objectif : veiller de façon permanente à la préservation de l’environnement, en prenant notamment en compte les incidences de l’activité sur la ressource en eau, sur la biodiversité… car c’est bien là ce qui reste quand l’exploitation a cessé – et qui reste intact, endommagé ou détruit, selon l’attention qui y est portée.

Troisième objectif : assurer la transparence et la démocratie. On reste dubitatif devant la difficulté d’obtenir des informations sur les permis concernant les gaz de schiste, en particulier pour les dossiers postérieurs à la loi Jacob sur la fracturation hydraulique, lesquels sont tout sauf transparents.

Alors que vous estimez difficile d’évaluer l’impact d’une exploitation à venir, n’est-il pas paradoxal de militer pour que le permis d’exploitation continue de découler naturellement du permis d’exploration ? Pour notre part, nous jugeons indispensable de continuer à bloquer les permis en cours, comme nous nous y sommes engagés, puisqu’ils relèvent de l’ancien code minier dans lequel exploration et exploitation sont indissociables. Le cas du « permis Limonade » en Guyane est l’illustration même de ce qu’il ne faut pas faire. Aux termes du schéma directeur départemental, un permis d’exploitation n’aurait pas dû être accordé à la douteuse société Rexma. Toutes les collectivités et les acteurs locaux se sont opposés à ce permis, mais le droit d’exploiter découle naturellement du droit accordé antérieurement d’explorer. Voilà ce que nous voulons éviter. Est-il envisageable de découpler exploration et exploitation ? Le représentant de l’IFREMER a abordé le sujet. J’aimerais que celui du BRGM, à son tour, nous en dise un peu plus.

M. Jacques Krabal. Je remercie le président Chanteguet d’avoir organisé cette table ronde, et d’y avoir convié des intervenants de qualité. Certes, les retards qui ont été pris sont préoccupants, mais le sujet est particulièrement complexe. On ne peut donc que regretter que la réflexion ait été engagée si tard.

Mon intervention portera non pas sur les enjeux économiques, mais sur la seule réforme du code minier. Je m’inscris dans la ligne des orientations que le Premier ministre et Mme Batho ont annoncées ici, et des propos que Me Gossement a tenus devant notre commission le 31 octobre 2012 : « Réformer le code minier, ce ne doit pas être ajouter de nouvelles règles, de nouvelles couches au millefeuille, mais repenser le droit dans l’éclairage de la Charte de l’environnement, le réécrire dans son intégralité » – c’est-à-dire l’inscrire dans le cadre du projet global de développement énergétique dans lequel nous sommes engagés. Il ne s’agit pas d’octroyer de nouveaux droits aux exploitants, mais de resituer les questions écologiques, qui sont primordiales, de débattre de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste, et enfin de conduire une expertise environnementale. Je regrette donc que vos interventions aient si peu pris en compte les vraies problématiques auxquelles nous sommes confrontés, au-delà de la nécessaire consultation des citoyens.

Nos compatriotes savent que les dégâts portés à l’environnement sont conséquents. Hormis Mme Tissot-Colle, vous n’avez pourtant pas abordé la question de leur réparation. Or cette problématique doit être prise en compte dans la réforme du code minier. Il revient à l’État – et non aux assureurs, qui ne pourraient l’assumer – d’en supporter le coût. Nous espérons que le code sera précis sur ces altérations et leur réparation, voire qu’il permettra de les anticiper.

Comme les intervenants précédents, je trouve provocateur que l’on puisse envisager d’écarter le niveau local de la décision. Il importe au contraire de l’y associer, qu’il s’agisse d’autoriser l’exploration ou l’exploitation. Je souhaite que nous puissions aller plus loin avant la présentation du texte au Parlement. Pour aujourd’hui, je regrette que la réforme du code minier ait été présentée sous le seul angle économique, sans prendre en compte une perspective globale et environnementale.

Mme Chantal Berthelot. Je tiens d’abord à remercier les différents intervenants de leur franchise, et à insister sur la nécessité d’accélérer l’agenda parlementaire afin d’éviter de nouvelles affaires, qui concernent trop souvent mon territoire. Chacun a rappelé l’intérêt qui s’attache à la réforme du code minier face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il convient aussi de dire comment nous voulons exploiter nos ressources naturelles nationales, et dans quel cadre la puissance publique, les industriels et les acteurs locaux s’accordent pour y parvenir.

Vous appelez à une fiscalité « incitative et stable » pour les entreprises, monsieur Schilansky. Vous avez également parlé de transparence vis-à-vis des collectivités locales. Quelles propositions l’UFIP est-elle prête à faire, sachant notamment qu’aujourd’hui, l’exploitation en mer n’est pas imposable en France ?

Ma deuxième question s’adresse à madame Tissot-Colle. Dans un document que vous nous avez fait parvenir, vous expliquez que « pour la pérennité du développement de l’industrie minière, il faudra absolument concilier les besoins en matières premières minérales de l’activité économique du pays, la protection de l’environnement et le respect des populations locales. » Dans ce cadre, les membres de la FEDEM sont-ils prêts à renoncer à une exploitation qui serait néfaste pour l’environnement et ne respecterait pas les souhaits de la population locale ? Je ne fais référence à aucun dossier particulier…

J’aimerais enfin que le BRGM et l’IFREMER clarifient un point particulier. Établissement public, le BRGM dresse l’inventaire des potentialités de minerais sur les territoires. Or, pour faire suite à ce qui a été dit par le représentant de l’IFREMER, cette connaissance est rendue publique non pour les élus locaux et les partenaires institutionnels, mais pour des partenaires privés. C’est ce que le BRGM a fait en Guyane pour Camp Caïman : l’exploitation a été attribuée à Cambior après un appel d’offres. La même problématique se pose à Wallis-et-Futuna avec l’IFREMER : alors que les connaissances ont été acquises grâce à l’argent public, vous discutez avec le secteur privé sur des permis d’exploration puis d’exploitation.

M. Laurent Furst. Bien que novice en la matière, je constate que de très nombreux projets sont aujourd’hui bloqués pour des raisons juridiques. J’entends le souhait d’une meilleure participation du public, nécessaire à l’appropriation des projets, mais force est de reconnaître qu’on ne peut plus construire une route ou une ligne de chemin de fer, ou développer quelque exploitation que ce soit, sans voir naître des collectifs et subir des recours. Certes, la révision de notre droit doit tirer les conséquences de l’évolution de la société, mais elle doit aussi exprimer une ambition pour la nation. Soit l’on détermine un droit actif qui permet de faire, sous certaines contraintes naturellement, et on aura de l’activité économique et des emplois, soit l’on pose des verrous, et l’activité économique se contractera. Compte tenu de ce que sont les délais de la justice administrative dans notre pays, où une procédure peut durer dix ans, le risque est d’affaiblir, voire de détruire toute activité économique dans ce secteur. Bref, la réforme du code minier doit répondre à une question simple : quelle est notre ambition économique en la matière ?

J’en viens au rôle des collectivités locales. Je suis moi-même élu local et, comme d’autres, je juge sain que les parlementaires puissent aussi être des élus locaux. J’apprécie particulièrement le terme de « bien sans maître ». Il est normal que les collectivités aient un mot à dire au regard des contraintes d’une exploitation pour un territoire. Mais l’intérêt de l’opération dépasse l’intérêt strictement local. Bien que partisan de la décentralisation, j’estime qu’en pareil cas, il revient à l’État de faire prévaloir l’intérêt général.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je remercie moi aussi nos invités pour la qualité de leurs interventions. Le code minier s’applique de la même manière à des domaines très différents – géothermie profonde, stockage de CO2, exploitation d’hydrocarbures, métaux précieux… Qui plus est, il ne visait à l’origine qu’à régir l’attribution des concessions et l’octroi de titres par l’État. Cette approche est-elle encore d’actualité ? Le débat a, par ailleurs, tendance à se focaliser sur deux questions, celles des gaz de schiste et de l’or.

Ma deuxième question rejoint celle de Mme Berthelot. Compte tenu des enjeux environnementaux et économiques, il convient de poser le problème de la connaissance et du partage des données. Je m’étonne d’entendre que le BRGM et l’IFREMER doivent procéder à de nouveaux inventaires, et que le BRGM le fait avec des sociétés privées. Pourquoi pas, si l’argent public n’y suffit plus ? Mais la question se pose alors de savoir à qui appartiennent ces données. Peuvent-elles être en accès libre ? Bien des fantasmes disparaîtraient si ces analyses pouvaient être rendues publiques et discutées. Cela permettrait, par exemple, d’expliquer pourquoi une exploration est nécessaire ou quel est le degré d’incertitude.

M. Guillaume Chevrollier. Le code minier mérite une réforme globale, et cette réforme est un chantier urgent. De nouvelles priorités, comme l’information sincère des citoyens sur les risques environnementaux et le partage de la richesse entre l’État, les collectivités locales et les compagnies minières, se dessinent. On note néanmoins des inquiétudes quant aux lourdeurs et aux rigidités que ce nouveau code pourrait imposer, notamment en termes de participation. Or il doit encourager les activités minières. Compte tenu du contexte économique et de la situation inquiétante de l’emploi dans notre pays, l’activité minière est un enjeu de compétitivité et un levier de redressement national. Dans notre économie mondialisée, elle ne saurait rester bloquée trop longtemps. J’aimerais donc entendre nos invités sur l’état du droit dans les grands pays disposant de ressources minières. Y a-t-il autant de permis bloqués chez nos concurrents ? Nous devons veiller à avoir une réglementation équilibrée par rapport à eux, sous peine de voir notre décrochage économique s’aggraver. Cette exigence vaut pour le code minier comme pour d’autres domaines de notre droit.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il est vrai que des permis exclusifs de recherches ont été annulés à la suite d’une forte contestation territoriale, que celle-ci vienne des citoyens ou des élus locaux. Mais si le public participe à la réflexion, l’acceptabilité des projets sera meilleure. C’est dans cette direction qu’il faut aller.

M. Jean-Marie Sermier. Je confirme la difficulté de l’acceptation sociétale de ces problématiques. Dans le Jura, un permis de recherches de gaz de schiste fait actuellement débat. Bien qu’il ne concerne pas ma circonscription, je suis constamment sollicité à ce sujet. J’avoue d’ailleurs avoir du mal à faire la part de la vraie peur et de l’idéologie.

J’en reviens au nouveau code minier. La législation ne progressera pas sans s’appuyer sur les avancées technologiques. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes en matière de techniques minières, afin que nous puissions nous assurer que l’exploitation – voire les recherches – se font dans le plus grand respect de l’environnement ? Et quels sont précisément les risques pour l’environnement ?

Enfin, une législation est faite pour s’appliquer. Que pensez-vous à cet égard de la proposition du rapport Gossement de fusionner la police des mines avec la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ?

Mme Catherine Quéré. Depuis la loi fondatrice du 21 avril 1810, les préoccupations environnementales et démocratiques des Français ont évolué. Le souci de la protection de l’environnement s’est considérablement renforcé, et les décisions publiques ne peuvent plus être appliquées au seul motif qu’elles sont prises par l’État. Il importe désormais qu’elles fassent une place à la participation des citoyens. Une nouvelle définition du dialogue entre les experts, les élus et les citoyens doit être élaborée.

Permettez-moi de revenir sur le problème de la Guyane. Dès lors que l’État a donné un permis d’exploration sur un certain périmètre, comment refuser ensuite le permis d’exploitation ? Les élus locaux ne sont pourtant pas d’accord avec la zone délimitée. C’est donc sur le permis d’exploration qu’il faudrait travailler avec les citoyens et les élus locaux !

M. Jean-Pierre Vigier. Je remercie également nos invités pour la qualité de leurs interventions. La réforme du code minier, dont les grandes lignes ont été annoncées en septembre 2012, a notamment pour objectif de mettre celui-ci en conformité avec les principes de la Charte de l’environnement. La délivrance des futurs permis sera liée à la prise en considération de ces enjeux environnementaux. Qu’en sera-t-il pour les permis déjà délivrés ?

Mme Valérie Lacroute. Je suis députée de la Seine-et-Marne, département très prisé par les grandes compagnies pétrolières. Pas moins de sept autorisations de travaux miniers ont en effet été accordées par la préfecture, soit un dixième des autorisations nationales. Dans le sud du département, constitué essentiellement de zones rurales et agricoles, une autorisation a été délivrée dans la commune de Nonville pour un forage vertical de reconnaissance des couches géologiques devant s’opérer entre 1 500 et 2 500 mètres. Les élus des deux communautés de communes concernées s’inquiètent du déroulement des travaux et des moyens qui seront utilisés pour procéder à ce forage. Plusieurs facteurs sont à prendre en considération, parmi lesquels l’existence sur ces terres de sources et de zones humides, dont certaines situées à tout juste cent mètres des plateformes. Ces sources ont la particularité d’être en liaison avec le Lunain, un cours d’eau affluent du Loing qui est la zone de captage première de la société des eaux de la ville de Paris. Quelles sont les prescriptions techniques qui encadrent ces travaux et les mesures de protection et de surveillance mises en œuvre sur ces aquifères d’eau douce ?

Mme Sophie Rohfritsch. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’intervention de mon collègue alsacien Laurent Furst. J’attends en effet une forte prise de position sur la participation des collectivités locales à l’élaboration des projets et à la manne financière qui pourrait découler des futures exploitations. Le département du Bas-Rhin est couvert dans sa presque totalité par deux permis d’exploration pour de la géothermie. Nous sommes en première ligne pour apporter des explications à nos concitoyens, mais nous n’en avons pas les moyens. Or nous aurons sans doute à piloter ultérieurement la concertation au moment de la délivrance des permis d’exploration.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les recours abusifs sont un véritable problème. A-t-on la possibilité juridique de les purger pour raccourcir les délais de certains dossiers ?

M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez dit tout à l’heure que l’État était propriétaire du sous-sol, monsieur le président. Or ce n’est pas véritablement le cas. L’article 552 du code civil, selon lequel « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous », protège justement la propriété. Aux termes de l’article 716 du même code, la propriété du produit de l’extraction appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour moitié au propriétaire du tréfonds. Je comprends que le propriétaire peut faire en dessous de sa propriété toutes les fouilles qu’il juge à propos, et en tirer les produits qu’elles fourniront. J’aimerais que nous éclaircissions ce point, de même que celui des prérogatives du maire. En effet, selon le code général des collectivités territoriales, le maire a délégation de la commune pour exercer le droit de préemption.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est une bonne question.

M. Jean-Louis Schilansky. Si vous en êtes d’accord, je vous propose de répondre par écrit à certaines questions. Cela nous permettra de le faire de manière plus circonstanciée.

Pour détendre l’atmosphère, je commencerai par une boutade. On change le code de la route non pas pour stopper la circulation, mais pour améliorer ses conditions et la sécurité. C’est ainsi qu’il faut comprendre la réforme du code minier.

Beaucoup d’entre vous l’ont dit, cette réforme s’inscrit dans la perspective de la transition énergétique et dans le cadre du grand débat que notre pays a engagé. Pour autant, les deux ne se situent pas au même niveau. La transition énergétique doit permettre de fixer un certain nombre d’orientations tandis que le code minier traite des façons d’opérer. Il lui revient non pas de déterminer le bouquet énergétique de notre pays, mais de dire comment on doit travailler. Si j’ai pu donner l’impression que les problèmes d’environnement étaient secondaires, c’est que je me suis mal fait comprendre : ils sont aujourd’hui fondamentaux pour toute industrie, quelle qu’elle soit, et dans tous les domaines. Le code minier doit donc les prendre en compte.

J’en viens au sujet de l’exploration et de la production. Il faut se placer du point de vue de l’opérateur. Si vous ne lui donnez pas l’assurance d’amortir ses frais d’exploration par l’exploitation, vous n’aurez pas de candidats à l’exploration ! On ne peut demander à des entreprises privées d’investir des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros sans leur offrir de perspectives. Il faut trouver une façon de faire permettant de certifier aux explorateurs qui prennent la lourde décision d’investir pour explorer qu’ils pourront récupérer leur mise. Cela se passe partout ainsi. Créer une césure entre exploration et production serait problématique.

Si j’ai pu donner l’impression que la concertation et le dialogue avec le public étaient secondaires, c’est un autre malentendu, car ce n’est plus concevable dans le monde d’aujourd’hui. Le public doit bien sûr être informé et participer à la discussion : plus il le sera, et mieux cela fonctionnera. Je ne dis pas que les opérateurs iront nécessairement jusqu’au bout, madame Buis, mais du moins y aura-t-il eu un dialogue de bonne foi. Je me désole de la suspicion qui pèse sur notre activité. On parle, par exemple, de sites cachés d’exploration de gaz de schiste alors que la fracturation hydraulique est interdite en France. Il suffit d’ailleurs de consulter les permis en cours pour connaître les techniques employées. L’un des objectifs du nouveau code minier sera donc de définir la proportionnalité de la participation et de l’information.

Les permis sont aujourd’hui bloqués – il n’y a pas d’autre mot. Il y a vingt-et-un permis dont l’instruction est terminée et qui ne sont pas délivrés. Si c’est délibéré, il faut le dire et ouvrir le débat. Mais ne restons pas au milieu du gué !

S’agissant de la fiscalité, madame Berthelot, la loi de finances rectificative pour 2011 votée en décembre de la même année a prévu que 12 % du montant des revenus de l’exploitation en mer seraient redistribués aux collectivités locales ou à l’État. Cet aspect doit être appréhendé en fonction de la production et des coûts d’exploitation. Quoi qu’il en soit, cette disposition est un pas dans le sens d’une redistribution de la manne pétrolière.

Mme Catherine Tissot-Colle. Je vous remercie sincèrement de la richesse de vos interventions. Il nous faudrait beaucoup plus de temps pour y répondre en détail. Nous nous tenons donc à votre disposition, au-delà de cette réunion, pour approfondir le débat.

L’idée selon laquelle l’exploitation des matières premières conduirait les opérateurs à un comportement frénétique de consommation immédiate est erronée. Nous sommes parfaitement conscients que notre monde évolue et que la transition énergétique est une réalité. Je travaille moi-même sur le sujet au Conseil économique, social et environnemental (CESE) depuis presque un an. Pour autant, il y aura toujours besoin de matières premières ; les outils nécessaires au développement des énergies renouvelables en ont d’ailleurs besoin. Ces matières premières ne seront pas seulement issues de l’industrie primaire. Vous avez évoqué l’économie circulaire, monsieur Lambert : nous y sommes déjà ! Comme je vous le disais dans mon propos liminaire, la FEDEM compte aussi des opérateurs qui font du recyclage. Dans les industries de première transformation qui interviennent juste après la mine, l’autorecyclage est une réalité : plus de 90 % de l’acier enfourné dans les aciéries correspond à du recyclage. Aidez-nous donc à valoriser le recyclage professionnel, le recyclage en Europe et le recyclage par des opérateurs de qualité ! Sans doute subsiste t-il de part et d’autre des idées préconçues. Nous devons apprendre à mieux nous connaître. Loin de consommer à toute allure des matières premières sans y réfléchir, nous développons des technologies qui permettent d’accéder à des matières premières autrefois considérées comme des rebuts parce que trop pauvres, qui deviennent aujourd’hui intéressantes. Cela change aussi la donne. Encore une fois, nous sommes déjà dans l’économie circulaire et je suis convaincue qu’elle va continuer à se développer.

Beaucoup a été dit sur l’exploration et l’exploitation. Il y a bien sûr la logique économique, que Jean-Louis Schilansky a rappelée. Par ailleurs, pour passer de la phase d’exploration à la phase d’exploitation, l’opérateur doit d’ores et déjà répondre à un cahier des charges environnemental et sociétal pour obtenir son permis. Appartenant à une entreprise qui mène des projets à l’étranger, je suis bien placée pour savoir que s’imposent également des normes internationales, fixées par exemple par la Banque mondiale. Un opérateur minier qui prépare un projet doit procéder à des études très détaillées, qui sont diffusées sur internet et donnent lieu à interpellation des parties prenantes. Si nous voulons relancer l’activité minière en France, parce que nous avons un potentiel, parce que celle-ci contribuera à assurer notre indépendance en termes de ressources et qu’elle est intéressante sur un plan économique, il n’y aura aucun problème pour appliquer ces logiques, qui existent déjà dans les pays miniers.

M. Chevrollier nous a interrogés sur les codes miniers. Tous les grands pays miniers se sont dotés de codes miniers qui intègrent ces paramètres.

Madame Lignières-Cassou, M. Tuot a dû vous dire que l’une des propositions issues de la première phase de concertation était justement que le nouveau code comporte un tronc commun, avec des principes généraux, puis des chapitres par type et nature d’activité. Cette logique nous conviendrait pleinement.

J’en viens au libre accès des données géologiques. Si l’on peut concevoir les avantages de la transparence, il faut se garder de toute naïveté et rester vigilant sur ce que l’on rend public. S’il est légitime de partager des informations précises avec la représentation nationale ou avec les collectivités territoriales concernées par un projet, n’oublions pas que nous avons des concurrents. Or certains pays disposent de moyens financiers propres qui pourraient leur permettre de s’affranchir des processus auxquels nous tenons. Il faut tenir compte de cette réalité mondiale et se garder de raisonner de manière isolée.

M. François Demarcq. Vous avez évoqué le schéma directeur. Il faut savoir ce que l’on entend par ce terme. Historiquement, le code minier répond à une philosophie bien précise : encourager toute exploitation d’une ressource minérale d’intérêt national et, à ce titre, concessible. Cette philosophie est remise en cause par certains. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur ce que doit être la position de la nation par rapport à l’exploitation de ses ressources. Il faut, en revanche, que la législation en vigueur permette à la volonté générale de s’exprimer. Si la loi n’est plus adaptée, il faut la modifier. L’une des pistes suggérées consiste à élaborer un schéma qui constitue une « expression de politique minière » et permette, le cas échéant, de nuancer la philosophie d’origine.

Se posent dès lors un certain nombre de questions techniques. Qui doit élaborer ce schéma directeur – la loi, un décret ? Jusqu’où doit-il aller ? Faut-il raisonner par substance ou par famille de substances, région par région ? Il faut également s’interroger sur la dimension géographique ou cartographique du schéma : doit-on privilégier un document cartographique, avec un zonage, ou l’expression d’une politique ? Faut-il se borner à indiquer que si l’on trouve du tungstène quelque part, il conviendra de l’explorer et le cas échéant de l’exploiter, ou bien dire que où l’on va chercher du tungstène, et là seulement où on pourra l’exploiter ? Je dirais qu’il faut savoir évoluer et se montrer ouvert. Dans certains cas, comme en Guyane, on a fait le choix d’un schéma directeur géographiquement déterminé. Mais le travail était suffisamment approfondi pour que cela soit possible. Dans d’autres cas, on procédera autrement, et l’expression de la politique minière ne sera sans doute pas cartographique. La connaissance géologique de notre territoire est difficile et coûteuse à acquérir ; indépendamment de l’aspect inventaire minier, la connaissance du sous-sol, l’interprétation de la genèse des différentes formations géologiques qui vont ensuite déterminer la présence potentielle de telle ou telle substance, progressent tous les jours. Tant que l’on n’a pas avancé au moins jusqu’à un certain point, il est difficile d’être précis sur ce point. Il faudra donc s’adapter. C’est en tout cas l’opinion que je défends quant à la conception de ce schéma directeur ou de ces schémas directeurs territoriaux.

Je reviens à présent sur les données. Le BRGM a des missions de service public en matière de capitalisation, de bancarisation, de numérisation et de mise à disposition d’une foule de données et de connaissances relatives au sous-sol. Il suffit de se connecter au site internet InfoTerre pour accéder à des couches de données multiples sur tout ce qui concerne le sous-sol, que ces bases de données soient stockées au BRGM ou chez ses partenaires. Vous pouvez disposer de quantités de données sur le sous-sol, les eaux souterraines ou encore les risques naturels dans les cavités. Il revient au BRGM de collecter, de mettre en forme et de mettre à disposition du public cette information, qui porte sur les couches supérieures de la surface. Comme je l’ai dit tout à l’heure, forages et fouilles doivent être déclarés à la Banque des données du sous-sol (BSS) gérée par le BRGM, via l’administration. Cette accumulation de données sur le sous-sol, y compris sur la couche de surface, permet aux bureaux d’études de disposer de l’indispensable information géologique lorsqu’il s’agit de construire une ligne de chemin de fer ou un immeuble.

Les données plus profondes, qui sont plus rares, sont issues de l’exploration pétrolière conduite dans les grands bassins sédimentaires, comme le Bassin parisien, par les milliers de forages qui ont été réalisés depuis le début du XXe siècle. Ces données finissent par être libres d’usage pour le grand public. Elles sont accessibles sur InfoTerre. Un grand projet actuellement en cours, le référentiel géologique de la France, nous permettra bientôt d’en avoir une interprétation en trois dimensions, elle aussi accessible à tous.

Voilà donc pour notre mission de service public, qui est financée par le contribuable. En tant qu’expert, le BRGM peut cependant être sollicité ponctuellement par une personne privée pour réaliser une étude. Cette mission fait alors l’objet d’un contrat, et elle est financée par la personne privée. Il peut y avoir des clauses de confidentialité, notamment si l’entreprise souhaite déposer un permis et veut conserver une longueur d’avance sur ses concurrents. Les données géologiques accumulées par les détenteurs de permis retombent dans le domaine public une fois le titre minier expiré. Le détenteur d’un permis d’exploration qui a accumulé des données, mais décide finalement de ne pas exploiter, doit remettre celles-ci à l’administration pour alimenter les bases de données. Mais s’il souhaite exploiter, il a le droit de conserver ces données acquises à ses frais : elles ne sont donc pas disponibles pour ses concurrents. Je puis cependant vous rassurer : la grande majorité des données disponibles sur le sous-sol sont des données publiques.

M. Yves Fouquet. J’ai bien noté que la mise à disposition des données était une préoccupation générale. Comme je l’ai exposé dans mon intervention liminaire, l’IFREMER travaille essentiellement sous l’angle de la recherche. Nos données sont publiées sous la forme d’articles scientifiques : il y a donc une mise à disposition. Il peut néanmoins y avoir des cas particuliers. En Polynésie, par exemple, nous avons eu accès à des échantillons sur lesquels avaient été faites des découvertes intéressantes, auxquelles nous avions travaillé avec le BRGM. Ces travaux ont fait l’objet de rapports, qui n’ont pas été publiés, mais qui ont été transmis aux responsables territoriaux de Polynésie voilà une dizaine d’années. À Wallis-et-Futuna, où les actions sont bien plus récentes, une information locale a été dispensée au cours de trois campagnes. Une vaste opération a été conduite en 2011 : les responsables locaux ont tous été invités à bord de notre navire pour prendre connaissance des technologies que nous utilisions et des premiers résultats acquis. Nous avons également reçu, durant une demi-journée, les élèves de première et de terminale scientifiques du territoire. Nous leur avons fait visiter le navire et leur avons présenté la problématique des ressources minières, ainsi que les cartes et les données acquises sur Wallis-et-Futuna. Tout cela a pu être organisé par l’intermédiaire du préfet. Nous n’en sommes qu’à la première étape de l’exploration, mais les contacts sont pris et ils vont se poursuivre.

Les informations sont bien sûr plus confidentielles s’agissant d’un partenariat public-privé, d’autant que nous avons travaillé dans le cadre d’une autorisation de prospection préalable (APP) qui ne donne pas l’exclusivité aux organismes ayant financé les opérations. Cela peut poser problème en cas de découverte intéressante. Nous avons été confrontés à ce cas de figure : un groupe australo-canadien a déposé une APP dans la même zone, avec un retard de trois ans sur les équipes françaises, et a pu voir quelques informations percer. L’APP expirée, nous travaillons actuellement sur un projet de permis : il n’y a plus de filet juridique pour les entreprises françaises.

S’agissant des grands fonds, je souhaite préciser un point. Il y a bien sûr la question de l’accès, à plus ou moins long terme, à une ressource – et pourquoi pas à une ressource dans les zones françaises. Mais il y a aussi le volet des technologies d’exploration, voire d’exploitation, dans lesquelles des groupes français comme Technip sont très bien placés. La problématique des grands fonds n’est donc pas seulement celle des ressources pour diversifier nos approvisionnements ; c’est aussi une problématique de savoir-faire national, au travers des technologies développées et commercialisées à l’échelle mondiale. C’est la stratégie sur laquelle tablent Technip et des groupes allemands.

Je ne dispose pas de suffisamment de temps pour exposer en détail toutes les facettes de notre métier. Comme mes collègues, je me tiens à votre disposition pour approfondir telle ou telle question. Je me propose également de mettre à votre disposition les rapports mentionnés tout à l’heure sur la problématique de l’expertise nationale sur les ressources marines.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant de conclure cette table ronde, j’aimerais entendre M. Jack Testard sur le problème de la propriété des substances de mines, qu’a soulevé Jacques-Alain Bénisti.

M. Jack Testard, président de la chambre syndicale des industries minières de la FEDEM. Cette notion a été débattue à de multiples reprises, au moment de l’élaboration des codes miniers, ainsi que dans le cadre de la commission Tuot. D’éminents juristes ont eu l’occasion de s’exprimer sur ce point. Je le ferai pour ma part en tant que simple technicien.

La propriété du sol va jusqu’au centre de la Terre, sauf pour les substances concessibles. Il s’agit des substances jugées stratégiques pour la collectivité, gérées par l’État – ce qui ne signifie pas que le propriétaire du terrain n’ait aucun droit. Ces substances sont définies par une liste qui figure dans le code minier et qui évolue en fonction des décisions collectives. En font partie notamment le cuivre, le plomb, le zinc, les terres rares, le germanium, toute substance stratégique pour notre industrie. Toutes les autres substances sont régies par le droit de propriété, sachant que le droit des carrières soumet l’exploitation au respect de conditions environnementales précises.

Cette réflexion sur la propriété me conduit à aborder une notion importante qui n’a guère été évoquée ce matin : celle du temps. Il ne faut pas oublier qu’entre le moment où naît l’idée de rechercher une substance et celui où débutera l’exploitation, il s’écoulera un minimum de dix à quinze ans – parfois davantage. Il est impossible aux opérateurs qui débutent une exploration de répondre aux questions qui se poseront dans quinze ans. La proportionnalité de nos réponses est essentielle. Sachez également que pour ce qui concerne les mines de métaux, et dans des zones très favorables à certaines substances, les recherches entamées ne déboucheront sur une exploitation du gisement, au plus, que dans un cas sur dix. Enfin, nous savons nous arrêter à toutes les phases – ce qui est très important. L’arrêt de nos travaux peut tenir aux conditions économiques ou à d’autres raisons. Ces travaux se déroulent au fur et à mesure. C’est la différence majeure qui sépare notre code actuel des autres codes miniers. Au Canada, en Finlande, en Suède ou en Norvège, un permis d’exploration s’obtient en quelques minutes. Il ne vous donne pas le droit d’exploiter. Mais il faudra répondre aux mêmes questions avant d’en arriver à la phase d’exploitation, que l’on soit en France ou dans l’un des ces pays. La répartition, la durée et l’échelonnement de ce travail sont l’une des clefs ou l’une des solutions possibles dans le cadre de nos discussions. On ne détermine pas au préalable ce que l’on ne connaît pas. Il me semblait important de revenir sur cette notion de temps, qui est liée à des engagements financiers importants.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous sais gré de nous avoir apporté cette importante précision. Je vous remercie tous de votre participation à ces débats fructueux, qui seront prochainement suivis d’une seconde table ronde.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 23 janvier 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Christian Assaf, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Edouard Philippe, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, M. David Vergé, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Brigitte Allain, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, Mme Florence Delaunay, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Rémi Pauvros, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Patrick Vignal