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Mardi 12 février 2013

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Lionel Guérin, président du nouveau pôle régional français d’Air France « Hop ! ».

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Lionel Guérin, président du nouveau pôle régional français d’Air France « Hop ! ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Air France a créé une filiale dénommée « Hop ! », regroupant les compagnies régionales Brit’Air, Airlinair et Regional, qui lui sont liées sur le réseau de court courrier.

Pouvez-vous, monsieur le président, nous parler d’abord de la concurrence avec les compagnies à bas coût, dites low cost, qui a conduit Air France à cette création et nous expliquer comment la nouvelle compagnie s’insère dans le plan Transform 2015 que nous a déjà présenté il y a quelques mois le président d’Air France, M. Alexandre de Juniac ?

M. Lionel Guérin, président du nouveau pôle régional d’Air France, « Hop ! ». La compagnie « Hop ! » s’insère en effet dans le plan Transform 2015. En 2011, nos réseaux de court et de moyen courriers ont perdu 500 millions d’euros. La réforme déployée de 2012 à 2014 repose sur trois piliers : l’activité propre d’Air France, sur le hub de Roissy-Charles de Gaulle (CdG), à Orly et sur les bases de province de Marseille, Toulouse et Nice, avec le lancement des premiers prix bas en janvier afin de faire face à la concurrence des compagnies à bas coût ; l’activité low cost de Transavia, filiale d’Air France créée en 2007, et dont l’activité, rentable depuis 2012, se développe à raison de 30 % par an, principalement dans les transports de loisirs sur le bassin méditerranéen et en Europe ; enfin l’activité régionale, qui se répartit entre les flux d’avions comptant moins de 100 sièges, alimentant le hub, et une activité de point à point en Europe, au départ d’Orly ou des villes de province à destination de l’Europe, avec son propre hub à Lyon.

À la fin de 2011, l’activité régionale était déficitaire à hauteur de 160 millions d’euros, dont 130 millions pour les vols sous pavillon d’Air France et 30 millions pour les vols de Brit’Air et de Airlinair. Air France a donc décidé de supprimer progressivement, entre 2012 et 2014, 37 destinations européennes fortement déficitaires au départ de Roissy-CDG. De sorte que, des 120 avions quotidiens à la fin de 2011, il n’en resterait que 81 à la fin de 2014, soit une diminution de 20 %.

En 2011, les trois compagnies réalisaient ensemble un peu moins d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, employaient 3 500 salariés et comptaient 100 avions de 50, 70 et 100 sièges.

Les avions basés à Roissy voleront désormais davantage – plus 6 % – dès 2013.

Ces deux mesures réduiront déjà le déficit d’environ 80 millions d’euros cette année, première étape du redressement du groupe Air France.

Pour le reste de nos activités, nous avons également décidé de revoir fondamentalement notre modèle commercial afin de mieux tenir compte des attentes de nos clients dans une conjoncture économique atone depuis 2008 et un contexte de concurrence exacerbée sur les prix.

Les vols low cost représentent aujourd’hui, en France, 20 % du trafic aérien de passagers, alors qu’ils atteignent 40 % en Allemagne et au Royaume-Uni. Il faut donc s’attendre à une augmentation de leur part du marché domestique.

Nos clients se répartissent en trois catégories : la clientèle d’affaires, ou d’entreprise, qui représente 30 % des passagers et 60 % de notre chiffre d’affaires ; la clientèle familiale et de loisirs, comprenant notamment les jeunes et les seniors, qui représente également 30% des passagers mais seulement 10 % de notre chiffre d’affaires ; enfin la clientèle dite intermédiaire, représentant 40 % des passagers et 30 % du chiffre d’affaires.

Les études de marché préalables au lancement de « Hop ! » ont montré que notre clientèle recherchait avant tout des formules de mobilité rapide, partout en France et en Europe, assorties de prix beaucoup plus bas qu’actuellement.

Nous nous sommes donc engagés dans une réforme qui constitue une révolution chez Air France puisqu’elle consiste à abandonner son pavillon traditionnel.

Les vols assurés par « Hop ! », annoncés le 28 janvier dernier, commenceront le 31 mars prochain.

Nous avons choisi ce nom pour traduire de façon simple et claire un service consistant à proposer des sauts d’une région à l’autre. Les premières retombées sont favorables, surtout en province.

Nous avons diminué tous nos tarifs de base d’au moins 10 euros et, à l’instar d’autres grandes compagnies mondiales, proposons sur le site internet de « Hop ! » les prix les moins chers pour chaque vol en fonction de sa date et de son horaire. Plus on réserve tôt son billet, moins celui-ci est cher.

Parallèlement, nous avons créé, en haut de gamme, le tarif « maxiflex », répondant au désir des entreprises de bénéficier du maximum de flexibilité. Plus élevé, il correspond à des prestations plus facilement modifiables ou remboursables.

Nous prévoyons qu’à l’été 2013, « Hop ! » disposera de 98 avions, dont 86 en exploitation et 12 en réserve afin d’assurer un service stable et sécurisé, 3 500 salariés hérités des trois compagnies précédentes, 136 destinations en France et en Europe, 530 vols quotidiens, une commercialisation par plusieurs canaux, dont le site d’Air France, les agences de voyages et les points de vente.

Ainsi, et toujours dans le cadre du plan Transform 2015, nous augmentons le rendement de nos avions, nous négocions avec les syndicats la réalisation d’économies, de 15 % pour « Hop ! » et de 20 % pour Air France, par un gel des salaires, une meilleure productivité du travail, une amélioration des processus et une plus grande synergie entre les compagnies du groupe, notamment grâce à des achats groupés et à des mises en commun d’appareils.

Nous préférons, sur un vol donné, et pour un même chiffre d’affaires, enregistrer un plus grand nombre de voyageurs avec une recette unitaire plus basse, de façon à attirer de nouveaux clients ou à faire revenir des clients que nous avions perdus. Notre coefficient de remplissage s’établit aujourd’hui à 65 %, ce qui est trop faible. Nous espérons l’accroître de 10 %, soit directement, soit en accroissant la taille des avions.

Enfin, nous comptons augmenter nos recettes auxiliaires, notamment au titre des bagages, et pousser davantage les innovations. C’est ainsi que nous avons passé un accord avec le syndicat de la presse quotidienne régionale afin de développer des applications sur terminaux mobiles et d’offrir à nos clients dits premium les 420 éditions des journaux régionaux sur tablette, ce qui leur permet de prendre connaissance des informations locales avant d’arriver à destination. Quant à nos clients dits basiques, ils pourront désormais acheter le journal dont ils disposaient autrefois gratuitement, ce qui nous apportera des recettes commerciales supplémentaires en notre qualité de kiosque.

Nous avons intégré, dès le démarrage du projet « Hop ! », la nécessité de présenter un bilan carbone annuel aussi bas que possible, inférieur même aux objectifs du Grenelle de l’environnement. Il sera consolidé avec celui des autres compagnies du groupe et intégrera, outre la consommation de carburant, qui constitue environ 95 % des émanations de gaz carbonique, l’occupation des sièges.

Nous mettons en place un site de covoiturage, comparable à celui de Transavia, particulièrement intéressant pour les jeunes se rendant aux aéroports, notamment à celui d’Orly dont l’accès est très difficile à certaines heures.

En liaison avec l’Union des aéroports français, quelques « aéroports pilotes », certaines régions françaises et l’association « Les petits débrouillards », nous nous efforçons d’œuvrer en faveur de la biodiversité en favorisant les bonnes pratiques aéroportuaires.

Le réseau de « Hop ! » devrait également contribuer à l’aménagement du territoire en offrant des solutions complémentaires au train et à la route. Nous ne concurrençons pas la voie ferrée puisque, en dessous d’un temps de transport de 2 h 30, l’avion cesse d’attirer les voyageurs. Entre 2 h 30 et 3 h, une certaine répartition s’opère entre les deux modes de transport.

« Hop ! » devrait atteindre son équilibre à la fin de 2014 pour, ensuite, gagner de l’argent. Nous serons contraints, conformément au plan Transform 2015, de supprimer, sur les 3 500 emplois actuels, 106 postes de pilote, 34 postes de personnel navigant et 50 postes au sol.

Les premières réactions du public à la création de la nouvelle compagnie sont positives. Un million et demi de pages du site internet de « Hop ! » a déjà été visité en deux semaines. On ne note aucune rupture dans les ventes de billets entre la marque Air France et la nouvelle marque. Nous comptons 10 000 fans sur Facebook.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Qui a trouvé le nom « Hop ! » ?

M. Lionel Guérin. Trois dirigeants d’Air France, à la suite de propositions émanant d’agences de communication et fondées sur des études qui ont duré trois ou quatre mois.

M. Gilles Savary. « Hop ! » s’inscrit dans le plan de redressement et de performance d’Air France que son président, M. Alexandre de Juniac, nous a déjà présenté.

Comment se portent aujourd’hui, financièrement et socialement, les trois compagnies du groupe ? Le pacte social se boucle-t-il facilement ? Il n’est jamais aisé de regrouper des cultures et des managements différents.

Apportez-vous des modifications importantes à la desserte aérienne de notre territoire ? Peut-on en connaître le détail ?

Quels développements envisagez-vous au-delà de l’offre commerciale de départ ?

Le monde du transport aérien change très vite. Les entreprises sont fragiles, même les mieux installées. Des géants ont disparu. Si le groupe Air France-KLM, centré sur deux très grandes plateformes européennes, Schiphol à Amsterdam et Roissy-CDG, a fait preuve d’une grande capacité d’anticipation stratégique, il semblerait qu’il ait un peu tardé à réagir à l’expansion des compagnies low cost. Il cherche maintenant à prendre sa place sur un marché déjà occupé par de très grandes entreprises disposant d’un excellent savoir-faire, comme Ryanair, dont le nombre de passagers est déjà supérieur à celui d’Air France-KLM et qui est devenue la première compagnie européenne. On peut également mentionner Easy Jet, avec 57 millions de passagers par an. Comment la nouvelle filiale d’Air France va-t-elle, dans ce contexte, réussir à trouver sa place ?

Le nouveau modèle économique du transport aérien va-t-il se généraliser ? Est-il transposable sur le marché des longs courriers ? Son extension pourrait intéresser nos populations d’outre-mer au titre de la continuité territoriale.

Qu’attendez-vous, et que craignez-vous, de la réglementation européenne, aujourd’hui en pleine effervescence, particulièrement avec la perspective du « ciel unique », et surtout de l’European emission trading scheme (ETS), de la libéralisation des services, notamment portuaires, ou de la régulation des taxes aéroportuaires ? Que pensez-vous du rejet, par la Commission européenne, de l’absorption d’Aer Lingus par Ryanair ?

Comptez-vous, comme vos « nouveaux » concurrents, Ryanair et Easy Jet, intégrer des missions, réelles ou supposées, d’aménagement du territoire afin d’obtenir des aides de l’État et des régions ? Contribuerez-vous au maintien des petits aéroports de province ?

M. Martial Saddier. Tous les députés UMP souhaitent réaffirmer leur attachement à Air France, magnifique aventure humaine et industrielle dont notre pays peut être fier et dont les appareils au sigle tricolore sont quotidiennement des ambassadeurs dans le monde entier.

« Hop ! » constitue une adaptation au monde d’aujourd’hui et donc une démarche incontournable compte tenu du poids pris au cours des dernières années par les compagnies low cost.

Je regrette toutefois de voir ainsi disparaître la mention France …

M. Lionel Guérin. Elle demeurera sur les fuselages à côté de « Hop ! », avec la mention « for Air France ».

M. Martial Saddier. Très bien !

Renault, autre grand nom de l’industrie française, a dû, comme vous, mettre en place une filière de production à bas coût. Mais après quelques années d’expérience, l’équilibre économique de l’opération semble au bord de la rupture. Car on ne sait plus bien qui, de l’entreprise d’origine ou de la nouvelle, détient le pouvoir de décision. Avez-vous examiné cette problématique ?

Quelles sont, selon le Gouvernement et sa majorité, les incidences attendues pour la SNCF ? Comment envisagez-vous la concurrence ou la complémentarité avec elle ?

« Hop ! » est issue de trois compagnies, chacune étant régie par ses propres accords collectifs. Comment le pacte social et les accords salariaux se traduiront-ils dans la nouvelle structure ?

La majorité parlementaire a lancé un grand débat sur la fiscalité écologique mais il ressort, notamment des indiscrétions de la presse, qu’une très substantielle augmentation du prix des carburants est d’ores et déjà décidée. Pourrez-vous, dans ces conditions, maintenir un premier prix du billet à 20 euros ? Votre projet ne risque-t-il pas de se trouver remis en question ?

M. Yannick Favennec. Le groupe Air France a donc décidé, avec « Hop ! », de réagir au développement du transport aérien à faible coût. Sa création s’inscrit dans le plan Transform 2015 destiné à faire renouer Air France avec le profit. Le principal foyer de pertes réside dans l’activité de court et de moyen-courrier, avec un déficit global de 160 millions d’euros en 2011 pour les trois compagnies réalisant ensemble un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros, et désormais regroupées sous la bannière de « Hop ! ».

Selon le quotidien La Tribune du 28 janvier dernier, certains observateurs du secteur aérien considèrent qu’Air France agit à l’inverse des autres grandes compagnies aériennes, qui tendent à se désengager du transport régional. Les mêmes estiment difficile de proposer des prix bas pour des vols régionaux dont le coût au siège est plus élevé que dans un gros porteur.

Le lancement de « Hop ! » va nécessiter d’harmoniser les statuts et les conditions de travail des personnels des trois compagnies regroupées. Comment allez-vous procéder en la matière ? Comment se déroulent les discussions ?

Vous voulez concurrencer les lignes transversales des compagnies low cost tout en visant plus spécialement la clientèle d’affaires qui représente 40 % des passagers, mais 60 % des recettes. Sur la base de quels critères avez-vous choisi les destinations desservies ? Reprenez-vous simplement les liaisons déjà assurées par les trois compagnies précédentes et la sous-traitance d’Air France ou en créez-vous de nouvelles ? Comment serez-vous territorialement organisés ?

« Hop ! » s’est fixé un objectif de réduction des émanations de gaz à effet de serre, mesurable par un bilan carbone annuel. Pouvez-vous le préciser et nous dire selon quels moyens vous comptez y parvenir ?

Mme Laurence Abeille. Le transport aérien n’est pas le mode de transport favori des écologistes, surtout pour les liaisons bénéficiant d’autres moyens collectifs comme le train. Certes, la quantité de gaz carbonique émise par kilomètre parcouru diminue depuis plusieurs années grâce à une meilleure efficacité énergétique des avions mais, le nombre de vols augmentant, l’incidence globale du transport aérien sur le réchauffement climatique s’accroît et le low cost y contribue fortement.

Des publicités récentes nous confirment qu’une tendance commerciale du secteur consiste aujourd’hui à affecter un prix du billet à chaque siège. De sorte qu’on ne sait plus vraiment ce qu’on paye et pourquoi on constate des écarts importants d’un passager à l’autre. Cela finit pas poser un problème de société.

La notion de low cost est relative au coût du transport et non à son prix, qui se dit price en anglais. En effet, certaines compagnies réduisent leurs coûts au détriment de l’emploi des personnels et de la sécurité des voyageurs. Jusqu’où persévéra-t-on dans cette logique ?

La concurrence entre liaisons aériennes et ferroviaires surprend dans certains cas : vous proposez des vols depuis Paris à destination de Caen ou de La Rochelle, villes très bien desservies par le train. Avez-vous évalué le report modal entraîné par votre activité et son incidence sur la pérennité des services de la SNCF ?

Des aéroports construits récemment, notamment celui de Ciudad Real en Espagne, n’ont jamais été mis en service et de nombreux aéroports français sont sous-utilisés. Pensez-vous que la France manque de structures aéroportuaires ?

Certaines compagnies low cost assurant des liaisons vers de petits aéroports bénéficient d’aides financières publiques, notamment de conseils généraux qui voient dans le transport aérien un moyen de rendre leur territoire plus attrayant, notamment sur le plan touristique, alors que le train ne bénéficie pas d’aides comparables. Que pensez-vous de ce système ? Comptez-vous également en bénéficier ?

M. Philippe Plisson. Air France a déjà laissé la place au TGV sur la ligne de Roissy-CDG à Strasbourg et de Roissy-CDG à Bruxelles. Compte tenu, d’une part du prochain épuisement des réserves mondiales d’hydrocarbures ; d’autre part de la concentration croissante des gaz à effet de serre, l’avenir ne réside-t-il pas davantage dans ce genre d’option, qui permet de réserver le transport aérien aux longs courriers, plutôt que dans la création d’une nouvelle compagnie aérienne dédiée aux liaisons entre régions ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Quelle sera la part de la flotte d’Air France allouée à sa nouvelle filiale ? En d’autres termes, reviendra-t-il à « Hop ! » d’assurer la majorité des vols court et moyen-courrier ?

Votre objectif concurrentiel vise-t-il principalement Easy Jet et Ryanair, qui ont pris l’importante part de marché rappelée tout à l’heure grâce notamment à leur politique de remplissage des appareils ? Ou bien vise-t-il plutôt la SNCF et ses TGV ?

En multipliant les sauts, ou les « hop », entre aéroports de grandes villes, pensez-vous tracer un avenir durable pour Air France ?

M. Alain Calmette. Le Cantal et son chef lieu, Aurillac, disposent, avec Airlinair, d’une liaison aérienne d’autant plus indispensable à l’aménagement du territoire que les voies routières et ferrées sont quasiment à l’abandon dans la région. Cette ligne est largement financée non seulement par l’État, à travers le Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), mais aussi par les collectivités locales. La création de « Hop ! » aura-t-elle des incidences sur la desserte aérienne du Cantal, sachant que les collectivités publiques ne pourront guère accroître leur concours ?

Ce type de ligne souffre parfois de retards et de manques d’information des usagers. Le regroupement des trois compagnies régionales est-il de nature à améliorer le service grâce notamment à la mutualisation de certains moyens ?

Vous avez évoqué une politique commerciale plus attrayante pour vos clients. Se paiera-t-elle, en contrepartie, par la suppression d’avantages consentis actuellement par Airlinair ? À titre d’exemple, les tarifs préférentiels accordés aux plus de 63 ans seront-ils maintenus ou désormais réservés aux plus de 65 ans comme le bruit en court ?

M. Jean-Marie Sermier. Je me félicite de la naissance de cette nouvelle compagnie, qui sera utile à l’aménagement du territoire.

La zone de concurrence entre les avions et le TGV se situe, avez-vous déclaré, entre deux et trois heures de trajet ; or tous les territoires français se situent désormais à moins de trois heures de Paris en TGV. Dans ces conditions, une ligne aérienne entre Paris et le Jura – soit deux heures, en avion comme en TGV – est-elle envisageable ?

Aurez-vous des pratiques similaires à celles des mastodontes européens sur le marché dont nous parlons ? Avez-vous signé des contrats avec des collectivités afin de financer le maintien de lignes commerciales ?

Plusieurs petits aéroports assurent des liaisons vers des pays tels que le Maroc ou la Turquie, où s’est développé un tourisme familial et populaire. Envisagez-vous d’ajouter de nouvelles destinations à votre catalogue ?

Enfin, quelle est la part du coût du carburant dans un billet à 55 euros ?

M. Dominique Raimbourg. La compagnie Regional a installé son siège à Bouguenais, dans la quatrième circonscription de Loire-Atlantique, dont je suis l’élu. Je nourris donc quelques inquiétudes pour l’emploi au sein de la nouvelle compagnie. Où en sont les opérations visant à encourager le départ de certains personnels ? Ceux que j’ai rencontrés m’ont dit craindre que les avions affectés à « Hop ! » comprennent moins de 100 à 120 passagers, nombre qui constitue à leurs yeux le seuil de rentabilité.

M. Guillaume Chevrollier. Je me réjouis de voir notre compagnie nationale améliorer sa compétitivité à travers cette synergie entre les compagnies régionales.

Bien qu’inférieur aux tarifs habituels d’Air France, l’aller simple à 55 euros reste plus coûteux que le billet d’autres compagnies low cost. Votre compétitivité est-elle assurée ?

Quelle sera la desserte du nord-ouest de la France, en particulier des petits aéroports de Laval, Angers et Le Mans ?

Membre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, je suis un peu gêné, enfin, par le fait que notre compagnie nationale, qui devrait montrer l’exemple en la matière, communique dans une autre langue que la nôtre.

M. Laurent Furst. Il y a deux ou trois ans, des raisons sociales avaient empêché le rapprochement entre les trois filiales. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Comment le trafic domestique d’Air France a-t-il évolué ? Constatez-vous un déclin ? Air France conservera-t-elle de grandes lignes sur le territoire national ? Quel sera le partage avec la nouvelle compagnie régionale ?

La compagnie « Hop ! » est-elle propriétaire de ses avions ? La compagnie espagnole Volotea, sur l’aéroport de Strasbourg, sera un concurrent direct pour elle.

La ligne Strasbourg-Roissy, que vous allez fermer, est certes très déficitaire, mais elle permet de rabattre des clients pour Air France. Je crains donc des reports vers Francfort ou Zurich.

Enfin, « Hop ! », en alsacien, se dit « Hop là ! ». (Sourires.)

M. Jean-Pierre Vigier. Le regroupement des trois compagnies régionales vise à répondre à la concurrence des compagnies low cost. Hop ! entend exploiter 86 avions moyen courrier à partir du printemps 2013, contre 93 avions à l’heure actuelle. Une soixantaine d’emplois seront, semble-t-il, supprimés. Comment, avec moins d’appareils et de personnels, continuer à assurer un service de qualité ? Qu’en sera-t-il de la desserte des territoires ruraux et enclavés, qui ont besoin d’un tel service ?

M. Lionel Guérin. Je regrouperai mes réponses en fonction des thèmes évoqués.

« Hop ! » est née de la synergie de Brit Air, Regional et Airlinair. Brit Air et Regional exploitaient un réseau affrété pour Air France et franchisé : l’expression « by Air France » sera simplement remplacée par celle de « for Air France », surmontée du nom de la compagnie.

La diminution des routes est liée au plan Transform 2015. « Hop ! » conservera le réseau existant, y compris les routes déficitaires, avant d’étudier les réactions de la clientèle. Il n’y a donc pas de diminution du nombre de routes ; certaines sont créées, comme Strasbourg-Montpellier ou Montpellier-Lille. C’est la fréquence des liaisons qui nous distingue des compagnies low cost : trois allers-retours quotidiens, contre trois à cinq vols par semaine pour celles-ci.

La première solution, pour Air France, aurait pu consister à se séparer des trois compagnies régionales. Mais le hub doit être alimenté avec de petits flux, les Airbus étant trop volumineux pour beaucoup de routes : 35 ou 36 avions amèneront des clients à la compagnie nationale tous les jours, pour des vols long courrier, depuis la France ou l’Europe. Par ailleurs, le marché intérieur – qu’il s’agisse des lignes régionales, moyen ou long courrier – représente la moitié du chiffre d’affaires d’Air France : le maintien des compagnies régionales est donc un enjeu stratégique pour le groupe. Enfin, 3 500 emplois sont en jeu, et leur maintien est une priorité, comme l’a rappelé Alexandre de Juniac.

L’autre solution était de fusionner les trois compagnies régionales ; mais les accords d’entreprise, les appareils et l’informatique sont différents ; en somme, le point commun est la clientèle. Le choix s’est donc porté sur un « business unit » préservant les éléments essentiels de chacune des trois entités : sécurité, qualité de service, ponctualité, régularité, opérations aériennes, opérations au sol et maintenance. Pour cette dernière, il n’y a pas de sureffectifs : des synergies seront réalisées, qui permettront d’assurer l’entretien des avions ATR à Clermont-Ferrand, à Morlaix, à Lille et à Lyon. S’agissant de l’exploitation, les opérations aériennes feront également l’objet de synergies. La mise en commun portera sur le programme, le marketing, le volet commercial, le management – avec un président et trois directeurs généraux –, les achats, la gestion de la flotte et la trésorerie. Enfin, une forte synergie sera rendue possible avec Air France pour la commercialisation dans les territoires.

Sur le plan social, la baisse d’activité sur les affrètements entraînera 190 suppressions de poste, dont 106 postes de pilote – 53 pour Regional, 47 pour Brit Air et 6 pour Airlinair – 34 postes de personnel navigant commercial et 50 postes de personnel au sol – les 50 postes créés au sein de « Hop ! » compensant pour moitié les 100 postes supprimés au niveau d’Air France. Des accords ont été signés avec les partenaires sociaux chez Airlinair et les négociations sont en cours chez Brit Air ; elles devraient aboutir à la mi-mars. Chez Regional, nous avons dénoncé les accords concernant les pilotes et les hôtesses ; il reste quinze mois pour trouver un terrain d’entente. Les suppressions de postes se font sur la base de départs volontaires, selon la règle appliquée à Air France dans le cadre du plan Transform 2015.

Sans cette réforme rapide, rendue nécessaire par le contexte économique national et européen comme par la concurrence des compagnies low cost, beaucoup plus d’emplois auraient été menacés. Je rappelle au demeurant que « Hop ! » n’est pas une compagnie low cost, tout d’abord parce qu’elle exploite des avions de moins de 100 sièges, compte tenu de ses fréquences plus élevées. « Hop ! » est ce qu’il est convenu d’appeler une compagnie value cost, selon le modèle suivi par Lufthansa avec Germanwings, ou par d’autres compagnies au Brésil et en Asie. Pour les flux moins importants, mais fréquents, nous disposons d’appareils de 130 sièges, et même de 170 sièges chez Air France et 189 sièges chez Transavia. Vers des villes comme Aurillac, Rodez ou Brive, qu’il s’agisse de déplacements professionnels ou de loisir, la fréquence reste élevée.

Notre tarification n’est certes pas assimilable à du low cost ; au demeurant, si les compagnies low cost annoncent parfois des prix proches de zéro, ces derniers constituent des prix d’appel, que nous avons fixés, pour notre part, à 55 euros : le prix moyen sera plus élevé, le barème progressant à mesure que l’achat s’effectue plus près de la date de départ. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le prix moyen du billet chez EasyJet, Ryanair et Vueling approche les 100 euros, même si ces compagnies ne sont guère transparentes en la matière. Air France appliquait la même logique, mais en partant de prix plus élevés pouvant faire l’objet de réductions, si bien que, pour les vols moyen-courrier, les prix se rejoignaient souvent, dans une tranche comprise entre 100 et 130 euros.

Avec la présente réforme, nous avons fait le choix de la transparence : le prix minimal est un prix low fair, qui ne correspond pas forcément à l’horaire souhaité. Du point de vue économique, nous sommes producteurs de sièges : ceux d’entre eux qui restent non utilisés ne sont pas stockés ; ils sont, en quelque sorte, « détruits ». En d’autres termes, nous sommes obligés d’assurer le meilleur taux de remplissage de nos appareils, tout en optimisant la recette.

Le modèle du value cost – « juste prix », en français – revient à afficher le plus bas prix en première page et les autres prix, incluant options et services, dès la deuxième page. Les trois compagnies régionales continueront d’exploiter des heures de vol et maintiendront leur nombre de sièges, pour des raisons qui tiennent à la qualité du service et à la nécessité de répondre au plus vite, sans passer par des négociations, aux besoins de nos clients et à la concurrence des compagnies low cost. Pour Transavia, « Hop ! » et Air France, il s’agit en effet d’offrir des liaisons fréquentes, les Airbus du groupe étant dévolus aux flux les plus importants, avec les navettes entre Paris, Toulouse, Marseille, Bordeaux et Nice. « Hop ! « opérera sur des flux de moindre importance, et Transavia devra contrer les compagnies low cost sur le marché des déplacements de loisir. Le développement de ces compagnies sur ce marché s’apparente en effet à une bicyclette qui doit avancer pour ne pas tomber : les compagnies low cost commencent donc à capter une partie de la clientèle des déplacements d’affaires, d’où le déficit de quelque 500 millions d’euros qu’Air France accuse pour les vols court et moyen-courrier.

On m’a interrogé sur la réglementation européenne. Il faut savoir que le salaire en France des personnels navigants commerciaux de la compagnie Volotea inclut certaines cotisations sociales, mais pas les taxes dévolues, par exemple, à la formation. Au surplus, ces personnels sont payés au SMIC, à raison de 90 heures par mois. Cette forme de concurrence déloyale, via une délocalisation inversée, rappelle un peu celle du plombier polonais avec la directive Bolkestein. Le combat est difficile, mais nous devons le mener dès à présent. Pour ce faire, nous offrons un service bien plus fréquent, comprenant de deux à cinq allers-retours quotidiens, contre quelques vols hebdomadaires pour les compagnies low cost. La concurrence a eu la vertu de nous faire réagir, certes, mais il ne faut pas être naïf s’agissant de certaines pratiques.

Par ailleurs, la crédibilité de nos offres est contrôlée en permanence par les consommateurs. C’est évidemment une bonne chose, mais il n’en va pas de même pour nos concurrents, dont le siège social est à l’étranger. Si nous faisions des publicités comparables aux leurs, nous nous exposerions à des sanctions.

Ces faits expliquent que, de 2000 à 2010, notre compagnie ait perdu tous les ans 1 % de parts de marché en France, passant de 58 % à 48 %. En 2011, la perte est même montée à 2 %. Faute de réaction, c’est l’ensemble du pavillon français qui, à une échéance de cinq ou dix ans, aurait vu sa part réduite à une quantité négligeable, à l’instar de ce qui s’est produit pour les transports maritime et routier.

Nous étions favorables à l’ETS, à condition qu’il soit appliqué partout dans le monde. Il faut aussi vérifier que de telles mesures auront un réel impact pour la planète. Je suis personnellement un écologiste convaincu, mais non un spécialiste en la matière : sur le bilan carbone, le cabinet Carbone 4 nous aide à trouver des solutions qui ne soient pas de fausses bonnes idées, comme celle qui consisterait, par exemple, à remplacer le support papier par la dématérialisation, alors que l’informatique représente de 2 à 3 % des émissions de CO2 dans le monde, soit autant que le transport aérien. Il existe un vrai engouement, au sein de nos équipes, pour ces objectifs qui, d’ailleurs, contribuent à réduire nos coûts.

La hausse du prix du carburant est évidemment préoccupante. Elle appelle en premier lieu des pilotages éco-responsables, qui s’apparentent à ceux d’une simple voiture, par exemple pour les temps de freinage. La deuxième piste est d’assurer le meilleur taux de remplissage de nos avions, et la troisième réside dans l’utilisation de moteurs plus économes, pour autant, bien entendu, que nous ayons les moyens de les acheter : en ce sens, la fiscalité doit être conçue comme une aide à l’investissement.

Une ligne aérienne entre Paris et le Jura, pour deux heures de trajet, n’est malheureusement pas envisageable. La règle n’a pas changé depuis l’époque d’Air Inter : les parts de marché respectives de l’aérien et du rail suivent une courbe qui dépend du temps de trajet. Si celui-ci est inférieur à deux heures et demie, il doit être réservé au rail. Pour n’être pas déficitaires, les hubs doivent accueillir autant de clients en correspondance que de clients au départ. Seuls les aéroports de Charles-de-Gaulle et de Lyon tirent leur épingle du jeu, compte tenu de la puissance économique des régions Île-de-France et Rhône-Alpes. Il faut savoir que le prix d’un tronçon Strasbourg-Roissy ou Strasbourg-New York est quasiment le même. Notre compagnie doit donc procéder à des arbitrages permanents, afin de préserver les équilibres sur les moyen et long-courriers. La ligne de TGV est d’ailleurs bénéfique, puisqu’elle achemine des clients jusqu’à Roissy.

Depuis 2002, la desserte d’Aurillac est en augmentation croissante. Elle relève d’une délégation de service public (DSP), et en l’occurrence d’un appel d’offre européen. Par ailleurs, c’est le passager aérien qui assume le financement de l’État, puisque celui-ci intervient à travers le FIATA, abondé par la taxe de l’aviation civile. À ce financement s’ajoute la participation des collectivités. En 2004, le coût lié à la perte d’exploitation sur la ligne Paris-Aurillac, par le train de nuit, s’élevait pour la SNCF à 10 millions d’euros. Cette ligne transportait quelque 10 000 passagers par an. Or 20 000 passagers empruntent la ligne aérienne d’Aurillac, qui bénéficie de 2 millions d’euros de subventions. Le choix fait à l’époque par le ministère des transports s’explique par le fait que les trains, d’une capacité totale de 500 places, n’étaient remplis qu’à 10 %. La desserte d’Aurillac continuera d’être assurée par « Hop ! », d’autant que les communications depuis l’Île-de-France, jusqu’à présent assurées par Airlinair, seront mieux connues, notamment par la clientèle touristique. La météo nationale présente souvent des prévisions pour le Cantal, ce serait particulièrement bienvenu de faire à ce moment-là de la publicité pour l’aéroport d’Aurillac.

Les aides des collectivités ne nous posent pas de problème dès lors qu’elles permettent des investissements transparents ; en l’occurrence, le modèle économique de Ryanair soulève des interrogations. L’on peut ouvrir de nouvelles lignes, si c’est dans le cadre de l’application transparente de directives européennes ; or, force est de constater que ce n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Nous conserverons le réseau existant, en analysant l’évolution du marché lors de l’été 2013, afin, le cas échéant, de fermer des lignes trop déficitaires ou, si la chose est possible, d’augmenter la fréquence et d’offrir de nouvelles lignes à la clientèle. Nous devons être plus réactifs qu’avant et entrer dans une vraie logique d’entreprise. Les compagnies low cost drainent de gros flux : au vu de leur maillage territorial partout dans le monde, il y a une place pour un transport régional.

La décision de supprimer des postes, jamais agréable, résulte de la suppression de lignes trop déficitaires. Elle touche alors les personnels navigants : les postes techniques sont maintenus et des synergies sont réalisées, comme je l’ai indiqué, pour les personnels au sol. Aucune impasse sur la sécurité, faut-il le préciser, n’est envisageable ; au reste, je ne pense pas que les compagnies low cost en fassent : le sujet est trop grave. En tout état de cause, la création de la nouvelle compagnie nous permettra d’assurer une qualité de service, en matière de ponctualité comme de régularité, et de mettre en commun un certain nombre de moyens. Ainsi, 12 de nos 98 avions pourront tourner afin de pallier les incidents d’exploitation et les pannes que l’on a pu observer, par exemple à Aurillac, même si l’aéroport est aussi en cause.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci, monsieur le président, pour ces développements précis.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 12 février 2013 à 17 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Florent Boudié, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Florence Delaunay, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Jean-François Copé, M. Jean-Jacques Cottel, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, M. Patrick Vignal

Assistait également à la réunion. - M. Dominique Raimbourg