Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 19 février 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, sur la politique minière

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, sur la politique minière.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, auditionné pour la première fois par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme du code minier. Nous allons donc parler de politique minière et de droit minier, mais aussi de la prise en compte des enjeux environnementaux.

La Commission s’est beaucoup investie sur cette réforme : lors de la précédente mandature, elle s’est saisie de l’épineuse question des gaz de schiste, et deux de ses membres, Christophe Bouillon et Michel Havard, ont rédigé un rapport d’information sur les matières premières métalliques.

Depuis le début de la nouvelle législature, nous poursuivons nos travaux sur le sujet : nous avons auditionné Me Arnaud Gossement, auteur d’un rapport sur le droit minier ; une délégation s’est rendue en Guyane il y a quelques semaines pour discuter forage en mer avec Shell et extraction aurifère avec les élus et les associations du parc amazonien ; j’ai moi-même reçu M. Thierry Tuot, chargé par le ministre du redressement productif et la ministre chargée de l’écologie, du développement durable et de l’énergie d’une réflexion sur la réforme du code minier dans le cadre d’un groupe de travail ; enfin, le 23 janvier dernier, nous avons organisé une table ronde avec les industriels et les organismes scientifiques. Je précise qu’une seconde table ronde sur la réforme minière, avec les associations et les élus locaux, aura lieu le mercredi 20 mars.

Aucun thème ne doit être occulté : nous devons parler du gaz de schiste et de l’or guyanais, mais cela ne doit pas nous conduire à négliger les questions relatives aux enjeux de compétitivité ou aux ressources énergétiques et métalliques.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. L’intitulé de mon ministère est inspiré par le National Industrial Recovery Act du président américain Franklin Roosevelt ; cette loi avait été votée dans les années trente, époque où a émergé la prise de conscience des dégâts que peut provoquer le système financier sur l’économie réelle et productive. C’est dans cet état d’esprit que je travaille sur le dossier du code minier avec Delphine Batho, conformément au décret d’attribution du ministre du redressement productif, qui accorde à ce dernier la compétence pour la politique des matières premières et des mines, conjointement avec la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en ce qui concerne les matières énergétiques.

Nous assistons aujourd’hui à une intensification de la lutte pour le contrôle de ressources en voie de raréfaction, certains pays adoptant une stratégie de captation des minerais. Lors du conseil de compétitivité d’aujourd’hui, le commissaire européen chargé des questions industrielles, Antonio Tajani, a fait part de sa préoccupation face aux menaces qui pèsent, dans ce domaine, sur la souveraineté économique des États européens. Aussi notre pays est-il en droit de s’interroger sur ce qu’il entend faire de son sous-sol et sur les conditions dans lesquelles il compte l’exploiter, dans le respect des populations qui restent attachées à la fois à la préservation des emplois et à la protection de l’environnement, même si ces deux deniers objectifs peuvent paraître antinomiques.

Dans un contexte de mondialisation des ressources et de recherche des bas coûts, notre pays a fermé au cours des dernières années un grand nombre de sites d’extraction tandis qu’il en ouvrait fort peu. Néanmoins, le renchérissement actuel des cours pose légitimement la question de la réouverture des mines, notre pays disposant d’un sous-sol très riche. La France ne peut pas être qu’une destination touristique ; l’accès aux ressources naturelles, surtout pour les industries de transformation, constitue pour le Gouvernement un sujet stratégique.

Le délai moyen de délivrance d’un titre minier est de huit ans. Les procédures sont interminables – enquêtes publiques, avis, procès, recours –, mais n’offrent que peu de protection à la population. Si, au départ, elle est généralement défavorable aux projets miniers, ceux-ci finissent toujours par être menés à bien. Delphine Batho et moi-même avons le souci de trouver un équilibre qui permette de mieux protéger la population, de faire comprendre les enjeux, d’examiner l’opportunité de l’exploitation de telle ou telle ressource, et de fixer des délais plus courts à la procédure préalable, propices à l’activité économique.

Le Gouvernement souhaite non seulement moderniser le code minier, mais aussi promouvoir plusieurs innovations juridiques, à commencer par l’élaboration d’un schéma national de valorisation du sous-sol, qui devrait faire consensus puisque, en apportant une information exacte sur ce que recèle le sous-sol, il nous aidera à déterminer les priorités. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) devrait affiner notre connaissance des ressources. Le Gouvernement, qui autorise les titres d’exploration et d’exploitation, pourra engager avec le Parlement une discussion stratégique sur l’usage de notre sous-sol.

Cependant, il faut distinguer l’exploration à des fins d’acquisition de connaissances scientifiques et l’exploration à des fins d’exploitation. La mise en place de deux régimes juridiques nous semble justifiée par la nécessité d’investigations plus libres, d’une part, et par la légitimité des explorations de nature privée, d’autre part. Ainsi, notre connaissance du sous-sol pourrait être détachée de l’intérêt privé ou lucratif. Ce point est important, ne serait-ce que pour élaborer en toute indépendance les futurs schémas d’exploration ou d’exploitation.

Une autre innovation serait d’imaginer la procédure de délivrance conduite, dans certains cas, par une instance indépendante chargée d’assurer, en association avec l’exploitant, l’évaluation de l’intérêt du projet, éventuellement au moyen d’expertises, ainsi que la participation et l’information du public, et de proposer des recommandations à l’autorité compétente. Un débat préalable entre tous les acteurs – les élus, qui ne sont pas défavorables aux projets miniers, les associations, qui sont capables de comprendre les enjeux économiques, les exploitants, qui peuvent comprendre les enjeux environnementaux – permettrait de dégager des compromis, comme dans le dialogue social. Ainsi, de même que « parfois, la foule trahit le peuple », comme disait Victor Hugo, l’intelligence collective peut faire le choix d’un développement équilibré.

En outre, nous pensons intéressant de nous inspirer de l’immense progrès qu’a constitué l’instauration de la procédure pénale de purge préventive de l’ensemble des vices de forme. Ainsi, s’agissant des titres miniers, une sorte de validation de la procédure permettrait que soient soulevés les seuls arguments d’opportunité, autrement dit que le débat juridictionnel ait lieu avant, plutôt qu’après. Cela permettrait de clarifier la position des ONG et de ne pas laisser peser une épée de Damoclès sur l’opérateur économique, sous la forme de l’éventuelle annulation d’un permis pour lequel il a programmé des investissements. La réputation de la France en sortirait grandie.

Enfin, nous souhaitons instaurer davantage de transparence au regard de la richesse de notre sous-sol. Avec un déficit du commerce extérieur de 65 milliards d’euros, notre pays doit considérer son indépendance énergétique comme un enjeu majeur.

Tels sont les grands principes de la réforme du code minier que je souhaitais vous présenter. Le projet de loi devrait être soumis au Conseil d’État puis inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres au mois de juin, avant d’être transmis cet été au Parlement où il devrait être examiné à l’automne 2013. Je me tiendrai à la disposition de la représentation nationale pour avoir avec elle une discussion approfondie sur ce texte important afin d’assurer la synthèse des positions communes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, quelle commission devrait selon vous être saisie au fond pour examiner la réforme du code minier : la commission des affaires économiques, compétente dans le domaine de l’énergie et de l’industrie, ou la commission du développement durable, qui connaît des travaux publics et du droit de l’environnement ? Ne devrait-on pas privilégier une commission spéciale ?

Vous avez insisté sur la nécessité de purger les recours abusifs. Certaines des propositions de M. Thierry Tuot vont dans ce sens, en particulier la mise en place d’un groupement momentané d’enquête.

Enfin, pourriez-vous nous dire un mot de la réforme de la fiscalité minière ?

Mme Sabine Buis. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, Delphine Batho et vous avez délivré au Conseil des ministres une communication sur les grands principes de la réforme du code minier. Les objectifs annoncés sont ambitieux, et nous nous en félicitons. Le sous-sol est un bien commun de la nation, dites-vous, et les pouvoirs publics doivent pouvoir le valoriser dans le respect des exigences environnementales, tout en tenant compte de la raréfaction des ressources. Vous soulignez la nécessité d’assurer la mise en œuvre effective de la participation du public, définie à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Sur ce dernier point, il y avait urgence puisque le projet de loi que j’ai eu l’occasion de rapporter à la fin du mois de décembre dernier soumet la délivrance des permis exclusifs de recherches à l’organisation d’une procédure de participation. Enfin, vous insistez sur la protection des travailleurs, la sécurité publique ou celle qui concerne la protection de l’environnement.

La politique minière concerne des matières premières qui présentent un intérêt stratégique pour l’économie et, donc, pour l’emploi. Néanmoins, il ne me semble pas que la défense de l’emploi et la protection de l’environnement soient antinomiques : non seulement les deux sont possibles, mais une filière d’avenir, notamment dans le secteur de l’industrie, peut être développée en la matière.

Cet intérêt stratégique pour l’emploi, qui nous impose d’élaborer une politique sur le long terme, ne peut cependant ignorer que les ressources sont limitées et difficiles d’accès. L’exemple des hydrocarbures montre que, derrière le caractère stratégique de l’exploitation de gisements sur le territoire français, se cache la dépendance de notre pays à des ressources épuisables dont l’exploitation nécessite des techniques de plus en plus risquées.

Monsieur le ministre, comment anticiper dès aujourd’hui les axes de recherche et développement afin que des solutions de remplacement existent lorsque les gisements seront épuisés ? Aujourd’hui même, à Lyon, à l’occasion de l’inauguration du salon des énergies renouvelables, Delphine Batho a dressé un constat très optimiste, indiquant que des solutions existent et que, malgré la crise, il ne tient qu’à nous de les appliquer.

Enfin, quel est le rôle de la fiscalité minière dans la recherche et la mise en œuvre de solutions alternatives ?

M. Guillaume Chevrollier. Le redressement productif constitue un vaste programme dans une période où l’économie est atone. L’intérêt national commande la relance de la production industrielle et, outre la nécessité de réformes structurelles, une politique d’approvisionnement en matières premières constituerait un fort levier de croissance. Ainsi, aux États-Unis, l’exploitation des gaz de schiste crée de la croissance et des emplois. Quelle est votre ambition en matière de politique minière au regard de l’indépendance énergétique que vous invoquez, en particulier dans le domaine des gaz de schiste ?

Le sous-sol de la France, notamment dans les territoires d’outre-mer, recèle d’importantes ressources. En Guyane, le permis Limonade est délivré dans une zone de biodiversité au cœur du parc amazonien qu’il convient de protéger, ce qui illustre la difficulté à concilier le passage d’un permis d’exploration à un permis d’exploitation. Or, dans le domaine minier, les procédures longues retardent le développement et les créations d’emploi. Les gisements d’hydrocarbure en mer constituent également un potentiel économique majeur. Nous devons nous interroger sur la part qui reviendra aux territoires ultramarins et sur la redistribution des richesses minières.

Le Gouvernement a-t-il une approche européenne de la réforme du code minier ? Une harmonisation des règles européennes s’impose. Il ne faudrait pas se doter de contraintes dont seraient dépourvus les autres pays.

Enfin, nous partageons votre analyse sur le frein que constituent en France les procédures lourdes pour le développement et le redressement productif.

M. Bertrand Pancher. Il nous semble indispensable d’utiliser différemment nos ressources naturelles dans le cadre d’une gestion équilibrée de notre patrimoine naturel et d’une stratégie de long terme sur l’utilisation des ressources rares. À cet égard, nous sommes favorables à des simplifications juridiques en contrepartie d’un renforcement de la concertation.

La relance de l’activité minière ne doit donc pas remettre en cause les politiques relatives à la gestion équilibrée et durable des ressources. Ces politiques publiques de préservation de l’environnement sont élaborées à différentes échelles territoriales en fonction des particularités locales. Dans certains domaines, ces politiques sont exprimées au travers de planifications prévues par la loi, voire par le droit européen : il en va ainsi, notamment, des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, des schémas régionaux de cohérence écologique et des plans climat-énergie territoriaux. Comment comptez-vous prendre en compte ces questions environnementales dans les politiques publiques ?

Le Gouvernement envisage de charger le Parlement de l’adoption du schéma national minier. Nous ne pouvons que soutenir une telle initiative qui confiera à la représentation nationale la lourde tâche de fixer les priorités et les limites de l’exploitation de nos ressources stratégiques. Préalablement au débat parlementaire, il serait indispensable de prévoir des procédures de consultation du public.

Monsieur le ministre, contre l’avis de scientifiques qui avaient alerté sur les dangers qu’un tel projet représente pour l’environnement et la santé publique, contre la volonté des habitants, mais aussi contre les organisations environnementales (WWF, FNE, Guyane Nature environnement), vous avez accordé en Guyane le permis d’exploitation Limonade dans un secteur du parc national interdit à l’activité minière. Vous avez indiqué aux représentants que vous avez reçus qu’il serait possible de trouver des compromis : lesquels ?

Enfin, vous proposez plusieurs régimes juridiques, et nous vous soutiendrons. Néanmoins, la tâche est lourde, car la connaissance du sous-sol nécessitera des moyens considérables. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre à cet effet ?

M. François-Michel Lambert. Il est indispensable de replacer la démocratie participative au cœur de la réforme du code minier. À cet égard, le permis aurifère dit « Limonade » octroyé en Guyane à la société Rexma est un exemple édifiant puisque les services de l’État – direction départementale de l’équipement, parc amazonien, direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, direction régionale de l’environnement, direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, commission des mines, préfet de Guyane, chef du bureau des ressources minérales – ont tous émis un avis défavorable, le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies ayant lui-même été circonspect avant de recevoir in extremis des cautions financières douteuses puisque, cinq semaines plus tard, la société Rexma était condamnée pour escroquerie et tromperie à hauteur de 1,75 million d’euros. Dans ce dossier, personne n’a pris le temps de valider le permis au regard de la loi de 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. En définitive, ce permis est quasiment accordé alors que tout démontre qu’il n’aurait pas dû l’être et que les lois n’ont pas été correctement appliquées.

La réforme du code minier doit donc être l’occasion de passer d’une économie linéaire, qui exerce une pression de plus en plus forte sur les ressources naturelles, à une économie circulaire, que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre. En ce sens, nous souhaitons que les besoins d’extraction soient minimisés au moyen d’un schéma national qui intègre la nécessaire préservation de l’environnement et qui place la démocratie participative et citoyenne au cœur du processus décisionnel.

Dans ce cadre, pouvez-vous nous préciser la distinction entre exploration à des fins d’acquisition des connaissances scientifiques et exploration à des fins d’exploitation ?

Vous souhaitez la réduction de la durée d’instruction des demandes de permis, mais cela ne risque-t-il pas d’aboutir à des approbations tacites une fois le délai passé ?

Quel intérêt représenterait l’application de la réglementation ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) pour les mines ?

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’instance indépendante qui délivrerait les autorisations de permis garantissant une adéquation entre extraction des ressources et préservation des intérêts environnementaux et sociétaux de la nation ?

L’appropriation collective, l’acceptation par toutes les parties prenantes est indispensable dans une démocratie moderne – dans une VIe République, par exemple. Comment engager un processus décisionnel prenant véritablement en compte l’avis des populations ?

L’intéressement des collectivités est souvent abordé. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Enfin, j’aimerais connaître votre point de vue sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par la compagnie Schuepbach Energy visant les articles 1er et 3 de la loi du 3 juillet 2011, dite loi Jacob, interdisant la fracturation hydraulique. Une décision, en dernier ressort, du Conseil constitutionnel faisant droit à cette QPC remettrait en état les permis annulés et les demandes de permis rejetées. Comment le Gouvernement se positionnerait-il dans un tel cas de figure ?

M. Olivier Falorni. L’année 2004 a vu la dernière mine de charbon fermer sur notre territoire et, depuis dix ans, notre politique minière n’a fait l’objet d’aucune vision à long terme, cependant que l’Allemagne puis l’Europe se dotaient à partir de 2010, face aux tensions sino-japonaises autour des terres rares, d’une vraie stratégie en matière de ressources et d’approvisionnement.

La réforme du code minier est aujourd’hui indispensable, et c’est pourquoi le groupe RRDP se réjouit de l’élaboration d’une telle loi. Des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement seront organisés au mois de mai prochain. Quelle sera la composition du groupe de travail chargé de formuler des propositions et quel en sera le calendrier ?

La question des gaz de schiste et le bras de fer engagé avec la compagnie Shell ont mis en lumière les enjeux environnementaux. Le 6 février dernier, vous avez présenté, avec la ministre chargée de l’énergie, en association avec le ministre des outre-mer, les grands principes de la réforme du code minier, au premier rang desquels figure le respect des exigences environnementales. Vous avez récemment défendu l’exploitation du gaz de houille – dont l’extraction est possible sans recours à la fracturation hydraulique –, tout en soutenant la recherche sur d’autres modes d’extraction du gaz de schiste, plus respectueux de l’environnement, ce qui permettrait de réduire la facture énergétique des industries françaises et d’éviter qu’elles ne se délocalisent vers des pays où l’énergie est moins chère.

Au mois d’octobre dernier, vous avez émis le souhait que la France redevienne un pays minier. Vous avez également déclaré que la refonte du code minier doit permettre d’accroître la transparence et la concertation dans l’attribution des permis et d’améliorer l’implication des populations. Jusqu’à présent, les demandes de permis d’exploration n’étaient précédées que d’une simple information du public. Dans la mesure où il n’est effectivement pas normal que celui-ci ne soit pas consulté, le Parlement a adopté en commission mixte paritaire l’application de la procédure de participation du public au permis exclusif de recherches prévu par le code minier. Ainsi, à compter de la promulgation de la loi, les permis exclusifs de recherche seront soumis à participation du public, en anticipation du code minier. Il faut donner davantage de pouvoir aux associations et aux élus locaux afin d’être en mesure, demain, de reprendre des décisions d’exploitation du sous-sol.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser le calendrier de cette réforme ?

M. Philippe Plisson. Le projet de loi qui nous est proposé va dans le bon sens, car il permettra d’encadrer strictement la procédure minière. Il est, entre autres, envisagé l’intégration du principe de participation défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Comment sera garantie l’indépendance de l’instance chargée de l’évaluation du projet ? Qu’en est-il de l’instance indépendante chargée de la délivrance du permis ?

S’agissant de l’extraction du gaz de schiste, pour laquelle vous avez émis un avis éventuellement favorable, le débat sur la méthode – fracturation hydraulique ou autre – ne doit-il pas laisser place à celui portant sur la recherche et le développement des différentes techniques de production ?

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le ministre, dans le cadre du comité des métaux stratégiques (COMES), vous avez déclaré que la France doit redevenir un pays minier afin notamment de sécuriser les approvisionnements en métaux stratégiques, et vous avez souhaité que soit améliorée la connaissance du sous-sol en revisitant son inventaire. Aujourd’hui, chacun a conscience que notre pays doit aller de l’avant en réalisant sa reconversion industrielle. La refonte du code minier doit permettre d’accroître la transparence et la concertation.

La Seine-et-Marne, dont je suis élue, est un département très prisé par les grandes compagnies pétrolières, puisque sept autorisations de travaux miniers pour l’exploration du gaz de schiste y ont été délivrées, ce qui représente un dixième des autorisations octroyées dans tout le pays en 2012. Dans le sud de ce département francilien, constitué essentiellement de zones rurales et agricoles, les élus et la population sont inquiets des conséquences des travaux de reconnaissance et des moyens qui seront utilisés.

Il est grand temps de prendre en compte les impacts environnementaux. À cet égard, il est effectivement essentiel de créer, pour la délivrance des permis d’exploration, une instance départementale capable de jouer un rôle important au stade de l’évaluation de l’intérêt du projet, mais aussi d’assurer la participation et l’information du public. La mise en œuvre de ces dispositions doit se faire sans délai. Monsieur le ministre, en ce qui concerne les permis d’exploration et d’évaluation déjà délivrés et annoncés verbalement par les préfectures, êtes-vous en mesure de rassurer les populations, les élus et les associations sur la non-utilisation de la technique de fracturation hydraulique ? En outre, quelles sont vos intentions quant à la création d’une instance indépendante ?

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre, l’évolution du droit minier doit répondre à plusieurs enjeux, en particulier ceux liés à la production d’énergie renouvelable. Notre sous-sol abrite des énergies fossiles, mais permet également d’exploiter de la chaleur à des fins énergétiques grâce à la géothermie. Lors de la table ronde du 23 janvier dernier, le directeur général délégué du BRGM a émis des propositions sur le cas particulier de la géothermie, soulevant notamment la question du meilleur support législatif pour traiter ses différentes formes. Si nul ne conteste que la géothermie profonde relève du code minier, il n’en va pas de même pour la géothermie de surface qui n’aurait pas à être soumise aux dispositions du code minier. Actuellement, les incertitudes juridiques, notamment pour la géothermie à très basse température, sont susceptibles de nuire au développement de cette énergie. Pourriez-vous nous éclairer sur la question ?

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, si l’intitulé de votre ministère remonte aux années 1930, le bouquet énergétique indispensable à notre pays ne doit pas s’inspirer de cette époque, mais du XXIe siècle ! Si nous apprécions beaucoup votre volontarisme face au libéralisme sauvage, vos déclarations sur l’utilisation de nouvelles ressources fossiles suscitent notre inquiétude. Quand on sait que, pour contenir la hausse des températures à 2° C d’ici à la fin du siècle, notre planète ne devra pas utiliser plus de 20 % de l’ensemble des réserves d’énergie fossile – charbon, gaz et pétrole –, il est clair que l’avenir n’est plus aux énergies fossiles, mais à l’efficacité énergétique.

Mme Françoise Dubois. Un projet concernant quinze communes réparties sur 205 kilomètres carrés, dans le nord de la Sarthe, suscite l’inquiétude de la population, d’autant qu’une expérience antérieure a déjà dégradé le site où un amas de résidus cyanurés d’un volume de 250 000 mètres cubes a été laissé sur place par la société Total. Au mois de juillet dernier, le préfet a annoncé aux communes le dépôt d’un nouveau permis d’exploration. Le futur code minier garantira-t-il la prise en compte des nuisances éventuelles après exploitation ?

M. Jean-Marie Sermier. Le code minier régit tous les types d’extraction – mines ou carrières. Or, aujourd’hui, il est très difficile d’ouvrir et même de développer des carrières, dont ont pourtant besoin certains sites industriels importants, usines chimiques ou cimenteries. Quelles dispositions du futur code minier permettraient d’améliorer la pérennité des carrières qui sont attachées à de grands sites de production ?

M. Christian Assaf. Un des objectifs de la réforme du code minier est de rendre effective la participation de la population aux enjeux. Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, qui est conforme à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Quelle place sera réservée aux collectivités locales ? Quel rôle joueront-elles dans la délivrance des permis pour des exploitations ayant lieu sur leur territoire ?

N’y a-t-il pas, en effet, une forme de contradiction entre la volonté d’améliorer la participation des populations et celle de limiter strictement dans le temps la durée de la procédure préalable ? Les autorisations seront-elles réputées acquises lorsque le temps imparti à la procédure sera écoulé, même si celle-ci n’est pas achevée ?

Enfin, les prochains états généraux du droit de l’environnement annoncés par le Premier ministre et organisés en mai seront-ils l’occasion de débattre de la mouture finale du projet de réforme ?

M. Yves Albarello. Monsieur le ministre, avec votre accord, je souhaiterais évoquer la filière graphique française, qui pèse quelque 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour 6 678 entreprises, et qui est en très grande difficulté. Quel peut être son avenir compte tenu de l’impact du numérique et de la dématérialisation ? Comment le Gouvernement entend-il la défendre ? Pourrait-elle obtenir le label France ? Quels dispositifs prévoir pour apporter de l’oxygène au tissu industriel de la chaîne graphique ? Enfin, une directive européenne sur l’avenir du marketing direct inquiète les professionnels de la filière : qu’en pensez-vous ?

M. Arnaud Leroy. Les éco-industries, qui représentent plusieurs centaines de milliers d’emplois, sont devenues, pour notre économie, de vraies locomotives. Le recyclage des terres rares peut notamment assurer sa part dans la sécurité de nos approvisionnements. Comment votre ministère agit-il pour structurer la filière au sein du comité stratégique de filières éco-industries (COSEI) ? Quelles relations la filière entretient-elle avec la Banque publique d’investissement, pour consolider ces éco-industries qui, je le rappelle, participent à l’équilibre de la balance commerciale à hauteur de 50 milliards d’euros ?

M. Christophe Priou. Le code minier traitera-t-il également de la question des ressources du sous-sol marin, la France possédant le deuxième espace maritime du monde ? L’approvisionnement en granulats marins est aujourd’hui de plus en plus difficile, l’obtention de nouvelles concessions se heurtant au respect de la biodiversité, notamment des frayères halieutiques, et aux intérêts de la pêche artisanale. Les nouvelles concessions sont par ailleurs attribuées le plus souvent au plan départemental, c’est-à-dire en dehors de toute idée de planification, laquelle vous est chère. Ne conviendrait-il pas de passer au moins au plan régional ? L’enjeu est important, notamment pour le bâtiment et le maraîchage.

M. Jean-Jacques Cottel. Au mois de juin 2010, l’État a accordé pour cinq ans un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux à la société Gazonor, dans le Nord-Pas-de-Calais, sur une zone appelée « Sud Midi », qui s’étend du sud de Béthune au sud d’Arras. Ce permis d’exploitation de gaz de couche a provoqué une levée de boucliers, en raison notamment de l’incertitude qui plane désormais sur le secteur. Le nouveau code minier permettra-t-il de répondre à ce type de difficulté ? De façon plus générale, que pensez-vous de l’exploitation du gaz de couche ?

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, la Guyane étant en période de développement de ses ressources plutôt qu’en période de redressement de son industrie, je suis tentée de vous appeler le ministre du développement durable productif.

Si je tiens à saluer le fait qu’on assimile désormais les ressources du sous-sol à un bien commun de la nation, il faut alors les protéger en toute clarté en combattant ce pillage des ressources nationales que constituent l’orpaillage illégal et la pêche illégale.

Il est crucial que la Guyane exploite ses ressources de manière équilibrée, en conjuguant production et protection. Pensez-vous, comme moi, qu’il est nécessaire de rendre systématiques les études d’impact environnementales pour toutes les activités minières, qu’il s’agisse de la délivrance et de l’extension des titres ou de l’autorisation des travaux ?

Pensez-vous également qu’il est nécessaire pour la France de disposer d’une législation pétrolière spécifique, à l’instar d’autres pays, législation qui aurait notamment pour objet de préciser la part des retombées de la rente pétrolière dévolue aux collectivités territoriales ?

Enfin, le code minier permettra-t-il une meilleure redistribution sur le territoire des fruits de l’exploitation de l’or ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Vous avez raison, monsieur le ministre : il est nécessaire de réformer dans son ensemble un code minier qui date de plus de cinquante ans. Il ne peut plus être rafistolé au gré des besoins.

En effet, le code actuel n’a pas permis de protéger nos territoires au cours des dernières décennies. Comment ne pas évoquer le drame pour la vallée de l’Orbiel, dans l’Aude, de l’ancienne mine d’or de Salsigne ? L’exploitation s’étant faite sans aucun contrôle des services de l’État qui en avaient pourtant la responsabilité, la rivière est aujourd’hui entièrement polluée. Sans compter la destruction de la biodiversité, les riverains ne peuvent même plus irriguer leurs jardins avec l’eau de la rivière ! Je tiens également à évoquer les conséquences des anciennes activités minières de la compagnie Peñarroya à Saint-Laurent-le-Minier dans le Gard : l’exploitant, après la fermeture de la mine, n’a pas remis en état les eaux du lac de barrage qui sont désormais polluées et risquent, en plus, de se déverser en cas de crue dans la vallée environnante.

La révision du code minier devra être l’occasion non seulement de redéfinir les conditions d’autorisation d’exploration et d’exploitation ainsi que les contraintes à l’ouverture et à la fermeture du site, mais aussi de prévoir le « suivi des suivis », c’est-à-dire la manière dont les autorités publiques – État, collectivités territoriales, communautés de communes et communes – seront impliquées de manière régulière et rémanente dans la gestion des conséquences de l’exploitation d’un site. Il faut que la loi leur accorde un pouvoir de police et d’injonction, et prévoie, après l’exploitation, le retour des parcelles non seulement à l’État et aux collectivités territoriales, mais également aux propriétaires pour investissement éventuel.

M. Fabrice Verdier. Un des objectifs du nouveau code minier est d’accorder une place importante à la protection de l’environnement, notamment au travers de dispositifs d’évaluation environnementale, de surveillance de l’exploitation et de gestion de l’après-mine. L’évaluation environnementale de l’exploitation et de ses conséquences sera-t-elle pour les compagnies une option ou une obligation ? Seront-elles soumises à l’obligation de compenser les conséquences environnementales de leurs activités, durant ou après l’exploitation ? Une forme de remise en état est-elle prévue – je pense notamment au démontage de l’exploitation après sa fermeture et à toutes dispositions permettant à la nature de reprendre ses droits ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le ministre, je souhaite d’autant plus appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent les collectivités dans la gestion de l’après-mine, que les contraintes du plan de prévention des risques miniers se révèlent parfois incohérentes, notamment en matière de cartes d’aléas ou de travaux d’investigation complémentaires. Alors que ces travaux incombent en zone urbanisée à la maîtrise d’ouvrage, le fonds d’intervention opère a posteriori. Le nouveau code minier prévoira-t-il des mesures d’appui spécifiques à la gestion de l’après-mine ?

M. le ministre. Je vous remercie de la franchise et de la diversité de vos questions. Vos témoignages, issus de vos différentes circonscriptions, prouvent que le code minier ne fonctionne pas et qu’il est urgent de le réformer. Il faut, de plus, remédier à la méconnaissance par les populations des enjeux des exploitations minières. Le code actuel pose également des problèmes d’ordre juridique, comme dans le cas du permis Limonade, accordé par mon prédécesseur à Rexma : c’est un permis sur lequel je ne peux pas revenir, car il s’ensuivrait des contentieux coûteux pour les finances de l’État, malvenus en cette période de disette budgétaire. Ce code minier, vieux de plus de cinquante ans, ne nous permet pas de répondre aux enjeux actuels : c’est pourquoi, je le répète, il faut le réformer.

Le Gouvernement ne souhaite pas confier à une autorité indépendante la responsabilité de la décision politique, qu’il doit assumer. En revanche, l’autorité qui conduira l’instruction, qui y associera ONG et populations concernées, sera indépendante. Nommer des autorités indépendantes pour organiser un débat équilibré entre des positions contradictoires est une nécessité.

Le choix entre fiscalité ou redevance n’est pas encore arrêté : vos lumières intéressent donc le Gouvernement. Faire le choix de la fiscalité, c’est faire celui de la loi de finances. Faire le choix du code minier, c’est faire celui de la redevance, dans le cadre de règles relativement immuables. Le rapport Tuot fait des propositions intéressantes sur le sujet.

En tant que ministre du redressement productif, je souhaite rétribuer les territoires – métropolitains comme ultramarins – des efforts qu’ils consentent. Ne sont-ils pas le plus souvent associés à l’ouverture des sites, à la réfection des infrastructures pour la desserte des exploitations, à la remise en état à leur fermeture ? Les différentes lois sur la dépollution des sites d’exploitation ne délivrent pas les collectivités du devoir d’intervenir sur le long terme, ce qui n’est pas sans peser sur leurs budgets. C’est pourquoi nous tenons à nous pencher de manière attentive sur l’après-mine en organisant notamment un fonds de solidarité nationale suppléant les exploitants défaillants. Nous souhaitons également que, durant la période d’exploitation, les collectivités perçoivent une juste rémunération pour leur accueil d’une activité lucrative en étant associées au partage de la richesse.

Je n’ai jamais dit que le schéma d’exploitation minier serait approuvé par le Parlement et qu’il aurait force de loi, mais que le Gouvernement l’établirait sous le contrôle du Parlement, ce qui n’est pas la même chose. Le Gouvernement est responsable de ses choix politiques sous le contrôle et la censure du Parlement. L’équilibre que nous voulons instaurer repose sur la transparence et la discussion, y compris sur le terrain. C’est pourquoi la connaissance de celui-ci par les parlementaires, députés et sénateurs, intéresse le Gouvernement. Les populations doivent être associées aux projets et à leurs enjeux, afin de résister à la tentation d’en rejeter la réalisation chez le voisin. Chaque territoire doit prendre sa part de l’intérêt général – et donc des nuisances, acceptables, inhérentes à tout projet. Pour éviter la tentation individualiste, il convient d’équilibrer dans les territoires les avantages et les inconvénients. Tel est l’esprit du code minier. Il reviendra à l’autorité politique de trancher si un compromis ne peut être trouvé.

Madame Françoise Dubois, vous avez raison, les enquêtes publiques doivent être aussi transparentes que possible. Il faut donc en moderniser la procédure. Delphine Batho et moi-même partageons la conviction que l’intelligence collective des enjeux est un atout. L’esprit participatif est le nôtre.

S’agissant des techniques d’extraction des différents gaz, vous connaissez la politique du Gouvernement, énoncée par le Président de la République dans sa conférence de presse de novembre 2012 : le refus de la fracturation hydraulique – si la loi est attaquée devant le Conseil constitutionnel, sa décision s’imposera au Gouvernement et le Parlement sera de nouveau saisi – n’est pas le refus de la recherche scientifique, visant à dépasser la technique actuelle qui est commune à la géothermie profonde et à l’exploitation des hydrocarbures et des gaz de schistes. Les problèmes que pose cette technique ne tiennent pas tant à la fracturation de la roche – des spécialistes n’y sont pas opposés par principe – qu’à l’injection de produits chimiques qui, d’une part, causent des dégâts irrémédiables au sous-sol en provoquant un bouleversement géologique que nous ne savons pas maîtriser et, d’autre part, risquent de polluer de manière irréversible les nappes phréatiques. C’est la raison pour laquelle cette technique est interdite en France et qu’aux États-Unis même le mouvement qui la rejette est de plus en plus puissant. J’ai même entendu ceux qui pratiquent cette technique reconnaître qu’elle n’est pas « élégante », euphémisme pour « dangereuse ».

En revanche, si on trouvait une technologie permettant d’éviter l’injection de produits chimiques, je serais favorable à son expérimentation.

M. Denis Baupin a soulevé un autre débat, relatif à l’extraction des hydrocarbures eux-mêmes. Or, comme nous importons 98 % de nos besoins en hydrocarbures pour plus de 65 milliards d’euros, il ne me semble pas inutile d’extraire nos propres ressources plutôt que de recourir à prix d’or à celles des pays étrangers. Il en va d’autant plus de l’intérêt économique de la France et de sa souveraineté, que l’Agence internationale de l’énergie, qui a les mêmes objectifs que nous en termes de transition énergétique et qui est loin de sous-estimer les risques liés au réchauffement climatique au XXIe siècle, reconnaît que, en raison d’une résilience puissante des hydrocarbures, nous continuerons d’en extraire au-delà du pic pétrolier et donc d’en importer. Du reste, des organisations non gouvernementales écologistes ne prônent-elles pas le remplacement du nucléaire par le gaz ? Plutôt que de l’importer, extrayons-le ! Nous devons choisir entre différents scénarios qui s’excluent les uns les autres – Nicolas Hulot l’a reconnu lors de la conférence environnementale que Delphine Batho et moi-même avons organisée. Nous ne pouvons pas à la fois supprimer le nucléaire, importer du gaz et du pétrole et financer des énergies renouvelables plus chères que les énergies classiques. Le débat sur la transition énergétique doit ouvrir sur des choix réalistes.

C’est pourquoi, je le répète, je suis favorable à l’expérimentation sur le territoire national de techniques évitant les dégâts liés à la fracturation hydraulique, en vue de lever les interdictions actuelles. Si les gaz de houille ou de mine sont accessibles, c’est que le charbon est déjà fissuré. Je vous invite à visiter le démonstrateur, situé en Lorraine, de la société European Gas Limited : le président de la région, qui a vu fermer les mines, se fera un plaisir de vous exposer comment il sera de nouveau possible de les exploiter. J’ai commandé des études pour mesurer la faisabilité économique de ce modèle : les réserves situées dans les veines de charbon inexploitées sont considérables. Il faut savoir qu’autrefois on descendait rarement au-dessous de 500 mètres en raison du coût du soutènement. Or, aujourd’hui, les techniques d’extraction du gaz permettent de suivre les veines de charbon, ce qui permet d’exploiter le grisou – du méthane – à l’état quasi naturel.

Nos ressources couvriraient – j’insiste sur ce conditionnel – entre cinq à dix ans de notre consommation de gaz naturel. Alors que nous importons 40 milliards de mètres cube l’an – 20 % du bouquet énergétique –, je ne pense pas que le débat sur l’exploitation du gaz soit anecdotique. Je suis évidemment prêt à y associer la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, notamment en accompagnant des parlementaires en Lorraine pour examiner avec eux les possibilités offertes par le gaz de houille. Le gaz de mine, quant à lui, possède les mêmes vertus mais il provient des veines de charbon déjà explorées : aussi les réserves sont-elles moindres.

Les prix de l’énergie s’envolent à l’heure actuelle. L’exploitation de gaz de houille ou de mine représente un enjeu considérable, non seulement en termes de rentabilité mais aussi de souveraineté économique. Alors que nous cherchons des moyens pour assurer à notre économie un nouveau développement, alors que partout dans le monde, au prix de délocalisations massives, les arbitrages en matière d’industries électro-intensives se font en faveur des régions qui offrent l’énergie la moins chère, comment voulez-vous que j’annonce aux Français que le Gouvernement se désintéresse des ressources nationales ? En vingt ans, la France a perdu, au profit de la Russie, du Canada, des pays du Golfe ou de l’Australie, 1 million de tonnes de capacité de production d’aluminium en raison du prix de l’électricité, qui entre pour 40 % dans le prix de revient de l’aluminium primaire, obtenu par électrolyse. Or ces quatre pays ont fait le choix stratégique de baisser le prix de l’énergie à destination de l’industrie. L’Europe a déjà perdu la bataille du prix de l’énergie au profit du reste du monde. À l’intérieur de l’Europe, les Français risquent de la perdre au profit des Allemands, qui ont décidé d’augmenter le tarif pour les ménages et de le baisser pour l’industrie.

Désormais, nous importons de l’aluminium et, si j’ai du mal à empêcher la fermeture de l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne, où les procédés industriels de production de l’aluminium ont été inventés il y a un siècle, c’est que Rio Tinto a décidé d’investir dans son pays, le Canada, où le prix de l’énergie est moins élevé. Le débat public, qui sera difficile mais devra être équilibré, ne pourra pas faire l’impasse sur la capacité de la France à proposer un prix de l’énergie attractif pour les industries électro-intensives. Telle est ma conviction : le gaz « made in France », à base de gaz de houille et de gaz de mine, nous permettra de financer notre compétitivité industrielle.

S’agissant du gaz de schiste, je le répète, nous devons accompagner la recherche. Je suis attaché à l’idée de ne pas en confier le pilotage à des intérêts industriels privés mais à un service public de la recherche scientifique. Quoi qu’il en soit, si nous devions nous diriger vers l’exploration, voire l’exploitation du gaz de schiste, nous le ferions avec l’aval du Parlement : le Gouvernement n’a pas de compétence en la matière, il devrait passer par la loi. Le débat, dans le cadre de la transition énergétique, aurait donc lieu au Parlement où le projet réunirait, ou non, une majorité en sa faveur. Aucun directeur de cabinet ministériel n’octroiera de permis d’exploration de gaz de schiste comme ce fut le cas auparavant. C’est une compagnie nationale, sous le contrôle conjoint du Parlement et du Gouvernement, qui encadrerait une éventuelle mise en exploitation de ce gaz, et ce, afin d’éviter les dérapages qu’ont connus d’autres pays – telle est du moins ma position, dont je n’ai pas encore fait part au reste du Gouvernement.

Faute d’ouvrir de nouvelles carrières, nous importons du clinker, qui entre dans la composition du ciment, alors que la France en a toujours produit – c’est, avec l’importation d’aluminium, un nouveau signe du déclin de notre économie. Nos importations de clinker ont augmenté de 10 % en 2012 – elles augmentaient de 5 % l’an jusqu’à l’année dernière. Tout ce que nous avons inventé ou produit, nous l’importons désormais, faute de recourir à nos propres ressources, qui sont abondantes et variées, alors que nous pourrions les exploiter de manière intelligente et équilibrée. Tel est l’esprit de la réforme du code minier. Nous sommes devenus les champions de l’importation, comme si la France pouvait se permettre une telle désinvolture à l’encontre de secteurs industriels qui sont passés de l’état de producteurs à celui d’importateurs. La mission du ministre du redressement productif est d’inverser cette tendance. N’oublions pas que nous sommes désormais contraints de procéder à des ajustements – je le constate tous les jours à Bercy – et que notre pays ne sait plus comment il pourra continuer de financer son modèle social, sa sécurité environnementale, son niveau de service public et de dépenses militaires, ainsi que son rayonnement diplomatique et culturel. Monsieur Jean-Marie Sermier, nous nous efforcerons d’inscrire les granulats dans le code minier.

Madame Valérie Lacroute, le code minier permettra de résoudre le problème de l’impact des activités minières, parce que celui-ci sera traité dans le cadre d’une autorité indépendante – c’est déjà le cas des infrastructures routières qui font l’objet d’un débat public. L’autorité de délivrance du titre d’exploitation tiendra compte d’un tel débat.

Madame Françoise Dubois, je vous l’accorde bien volontiers, le problème, à l’heure actuelle, est celui de l’absence de règles précises. C’est pourquoi nous nous efforçons, dans le traitement du dossier Variscan Mines, dans la Sarthe – projet qui a fait l’objet d’une concertation locale –, d’anticiper l’esprit du nouveau code minier. Dans un souci de transparence, le ministère associera les parlementaires du département à ce projet, pour que la population, elle aussi, y soit associée après avoir été dûment informée.

Monsieur Yannick Favennec, vous avez évoqué la géothermie profonde. Peut-être la loi pourrait-elle inscrire la géométrie de surface dans le régime déclaratif, les règles propres au régime d’autorisation étant plus lourdes. Il reviendra au Parlement de tracer la ligne de partage entre les deux.

Le permis Limonade, délivré le 3 mai 2012, soit quelques jours avant ma nomination, a fait l’objet de la part de mon prédécesseur, M. Éric Besson, d’un arrêté notifié à l’intéressé, la société Rexma, par télécopie et non par la voie du Journal officiel. La publicité n’étant pas nécessaire, seule vaut la notification. Cet arrêté est donc créateur de droit et, quoi que nous en pensions, nous nous sommes trouvés dans l’impossibilité juridique de revenir dessus sous peine d’un recours coûteux pour les finances publiques. Telles sont les contraintes du code minier actuel : il ne nous permet pas d’interrompre les travaux.

Nous avons réuni tous les partenaires – les ONG, les élus dont Mme Chantal Berthelot, et la société Rexma – afin de trouver un compromis. Les positions sont pour la plupart raisonnables, du fait que le permis ne concerne pas la zone de cœur du parc amazonien de Guyane. D’ailleurs, plusieurs élus, considérant que la densité démographique ne dépasse pas deux habitants au kilomètre carré, ne souhaitent pas sanctuariser la zone, de peur que les orpailleurs clandestins ne prennent la place laissée par l’activité légale, et ne polluent le sol au mercure. Comme il n’est pas possible de mettre un policier derrière chaque hévéa, il est nécessaire de trouver un accord entre les différentes parties prenantes. De plus, le titre d’exploration est antérieur au schéma départemental d’orientation minière : la décision est donc valable sur le plan juridique – le code minier actuel le veut ainsi. Nous sommes, je le répète, dans l’obligation de trouver une solution et nous nous y employons. Contrairement aux ONG radicales, le maire de Saül a adopté une position raisonnable : s’il refuse toute exploitation aurifère à quelques kilomètres du village, ce qui peut se comprendre, il n’y est pas opposé dans un périmètre plus large. Je fais tout mon possible pour clore un dossier dont j’ai hérité – je tiens à le rappeler.

Nous avons besoin d’une meilleure connaissance de nos ressources en granulats marins dont l’exploitation, manifestement, ne rencontre aucune opposition de principe. L’approche systématique de la façade maritime doit entrer dans l’extension des missions du BRGM. S’agissant des amas sulfurés, nous en reparlerons dans dix ans !

Alors que la France a ouvert un débat sur la transition énergétique, il faut savoir que les États membres de l’Union européenne agissent en la matière en cavaliers seuls. L’Espagne a accumulé 25 milliards d’euros de dettes liées aux énergies renouvelables, qui lui ont coûté plus cher que prévu sans lui rapporter les bénéfices escomptés. Les Allemands ne savent pas, eux non plus, comment financer leur sortie du nucléaire. Certes, il convient de développer les énergies renouvelables, et Delphine Batho et moi-même y sommes attachés, notamment grâce à l’éco-industrie, mais les difficultés de nos voisins doivent servir de leçons à la France dans son débat sur la transition énergétique.

Considérant que chaque filière est responsable de son économie circulaire, nous souhaitons accentuer la pression sur les producteurs et les fabricants de grands biens de consommation en vue d’interdire l’exportation de la matière première issue du recyclage et de la déconstruction. À cette fin, Manuel Valls et moi-même avons engagé des contrôles dans les casses illégales qui exportent des galettes de voitures comprimées sans avoir extirpé les matières réutilisables ou recyclables. Ces contrôles mettent à mal l’économie souterraine liée à ces casses. Les 750 000 véhicules hors d’usage produits chaque année sur le territoire national pourraient alimenter une importante filière économique. Delphine Batho et moi-même y travaillons.

Nous souhaitons aider les entreprises à s’engager dans le photovoltaïque, l’éolien en mer, les technologies de stockage de l’énergie, la valorisation des déchets ou l’efficacité énergétique, grâce notamment à cet outil qu’est la BPI. L’État passe des commandes à tous les secteurs en leur imposant ses choix. Le ministère du redressement productif est en quelque sorte celui du colbertisme participatif : il concilie la dictature éclairée, d’origine monarchique, de l’État qui trace la voie, et la participation des entreprises, qui font les propositions. C’est ainsi que j’ai souhaité connaître les progrès réalisés par la filière chimique en matière de biochimie et de biodégradabilité, en vue de l’aider par une réglementation adéquate et des décisions appropriées. La mission de l’État, qui est d’ordre réglementaire et financier, vise à montrer la voie et à favoriser le passage des caps technologiques, qu’il s’agisse de l’automobile, de l’aéronautique ou des éco-industries. Je souhaiterais revenir devant vous avec Delphine Batho pour exposer en détail les avancées réalisées dans les dix-huit sous-filières des éco-industries. Nous sommes des écologistes convaincus.

Monsieur Yves Albarello, je ne peux pas vous répondre sur la filière graphique : c’est la ministre de la culture qui est chargée du dossier. Si je gère les sinistres, Mme Aurélie Filippetti fait les choix politiques structurants en matière de pluralisme culturel.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, la réforme du code minier peut relever aussi bien de la commission des affaires économiques pour le volet industriel et énergétique que de la commission du développement durable pour le volet adaptation du code minier au droit de l’environnement et réglementation des travaux publics. Ne serait-il pas préférable d’envisager la constitution d’une commission spéciale ?

M. le ministre. Il serait bon que vous engagiez, à l’instar du Gouvernement, une démarche bipartite, conjuguant les intérêts économiques et les intérêts écologiques selon l’esprit du nouveau code minier. Il appartient évidemment à l’Assemblée nationale de choisir son mode d’organisation. À défaut d’une commission spéciale, le Gouvernement choisira entre la commission des affaires économiques et celle du développement durable. Toutefois, il me semblerait préférable de pouvoir déposer le texte devant une commission ad hoc.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour toutes ces précisions.

——fpfp——

Information relative à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission organise une visite du salon international de l’agriculture, mercredi 27 février à partir de 16 h 30, sur le thème de l’agriculture durable. Vous avez reçu une invitation par mail et certains d’entre vous ont déjà répondu. Si d’autres sont intéressés, je leur demande de prévenir aujourd’hui le secrétariat de la commission.

M. Jean-Marie Sermier. Si cela reste possible, je souhaite que la visite permette de rencontrer des éleveurs de chevaux car la filière mérite d’être soutenue.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 19 février 2013 à 17 h 15

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, Mme Chantal Berthelot, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Patrice Carvalho, M. Jean-François Copé, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Michel Lesage, M. Philippe Martin, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Marie-Lou Marcel, M. Patrice Prat, M. Lionel Tardy, M. Fabrice Verdier