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Mercredi 27 février 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 40

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur l’efficacité énergétique, avec Me Philippe Pelletier, avocat, chargé du pilotage et de la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des bâtiments, M. François Bourriot, directeur scientifique et M. Jean-Yves Katz, directeur du développement du Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie (CEREN), M. Jean-Yves Robin, vice-président de la Fédération française du Bâtiment et président du conseil des professions, M. Jean-Marie Carton, premier vice-président de la CAPEB en charge du développement durable, M. Pierre Ducret, membre du comité de direction du groupe Caisse des Dépôts, et M. Franck Lacroix, président directeur général de la société DALKIA

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur l’efficacité énergétique, avec Me Philippe Pelletier, avocat, chargé du pilotage et de la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des bâtiments, M. François Bourriot, directeur scientifique et M. Jean-Yves Katz, directeur du développement du Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie (CEREN), M. Jean-Yves Robin, vice-président de la Fédération française du Bâtiment et président du conseil des professions, M. Jean-Marie Carton, premier vice-président de la CAPEB en charge du développement durable, M. Pierre Ducret, membre du comité de direction du groupe Caisse des Dépôts, et M. Franck Lacroix, président directeur général de la société DALKIA.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cette table-ronde traite d’un sujet particulièrement important : l’efficacité énergétique et à la maîtrise de la demande d’énergie dans le bâtiment ont fait l’objet d’engagements internationaux de la France, d’une directive européenne et de promesses du Président de la République en matière de construction et de rénovation. Un débat sur ce même thème s’est tenu hier dans l’hémicycle, en présence de Mmes Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, et Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Il ne nous a toutefois pas permis d’obtenir toutes les réponses à nos questions. C’est pourquoi la table-ronde de ce matin vient à point nommé pour préciser les moyens d’atteindre nos ambitieux objectifs.

Nous entendrons successivement Me Philippe Pelletier, chargé du pilotage et de la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des bâtiments ; MM. François Bourriot, directeur scientifique, et Jean-Yves Katz, directeur du développement du Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN) ; Jean-Yves Robin, vice-président de la Fédération française du bâtiment (FFB) et président du conseil des professions ; Jean-Marie Carton, premier vice-président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) en charge du développement durable ; Pierre Ducret, membre du comité de direction du groupe Caisse des dépôts, et Franck Lacroix, président-directeur général de la société DALKIA.

Me Philippe Pelletier, chargé du pilotage et de la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des bâtiments. La mise en œuvre du Plan bâtiment durable rassemble à la fois la filière de l’offre de services en construction, rénovation, financement, assurance et gestion des bâtiments sobres en énergie et présentant une faible empreinte environnementale, ainsi que toutes les personnes concernées, à titre de propriétaires ou d’occupants. C’est un mode de mobilisation original mais pertinent.

Les acteurs impliqués attendent, avec une certaine impatience, l’application des annonces du Président de la République du 14 septembre dernier : la rénovation énergétique de 500 000 logements par an, présentée comme un axe fort du quinquennat, est une ambition à laquelle nous adhérons pleinement. Lancé en réalité en 2009, ce plan monte lentement en puissance et présente une grande fragilité. Tout retard, atermoiement, hésitation ou soubresaut dans sa mise en œuvre sème des doutes, dans les entreprises sur les perspectives du marché, et auprès des maîtres d’ouvrage que nous essayons d’entraîner dans la recherche de l’efficacité énergétique. La réalisation de l’objectif me paraît possible à l’horizon 2016 si 2013 n’est pas une année perdue.

Nous avons proposé un plan cohérent, portant sur tous les biens immobiliers, aussi bien dans les secteurs tertiaire que résidentiel et, pour celui-ci, s’adressant aux ménages en situation de précarité énergétique comme aux propriétaires de maisons individuelles, aux copropriétaires d’immeubles collectifs, aux bailleurs sociaux et à leurs locataires. Sa réussite dépend d’un effort d’ensemble, qui exige une bonne cohésion entre l’État et les territoires. La dimension régionale nous semble idoine pour en assurer l’animation et les agglomérations sont adéquates pour accompagner les ménages.

Nous devons enfin porter une attention particulière au déploiement de la filière de l’offre de services, qui doit s’appuyer sur des entreprises performantes et reconnues dans leur qualification.

M. François Bourriot, directeur scientifique du Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN). Le CEREN est un groupement d’intérêt économique qui regroupe l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les transporteurs et distributeurs d’énergie, comme le réseau de transport de l’électricité (RTE), celui du gaz (GRT Gaz), Électricité réseau distribution France (ERDF), Transport infrastructure Gaz de France (TIGF), ainsi que EDF et GDF-Suez. Le Commissariat général au développement durable (CGDD) et l’INSEE siègent dans son conseil d’administration à titre d’observateurs.

Observatoire de la demande d’énergie, le CEREN produit des données dans les secteurs résidentiel, tertiaire et industriel, enrichissant la statistique énergétique française par des analyses approfondies visant à répondre à des questions telles que : combien consomme-t-on d’énergie, pour quels usages, et au travers de quels matériels ?

Le secteur industriel, dont on parle peu, ne doit pas être tenu à l’écart du débat public sur la transition énergétique. S’agissant du bâtiment, la construction est aujourd’hui bien encadrée par la réglementation thermique (RT) de 2012, mais l’étude des précédentes normes révèle que les objectifs affichés ne sont jamais atteints au-delà de 70 à 80 % dans le secteur résidentiel.

S’agissant du secteur résidentiel, 70 % des combustibles de chauffage sont consommés dans des logements construits avant 1975, contre 37 % pour l’électricité. Si nous distinguons les maisons des appartements et si nous tenons compte des périodes de construction – avant 1975, entre 1975 et 1981, entre 1982 et 1989, entre 1990 et 1998, enfin depuis 1999 – fixées selon le calendrier des règlementations thermiques successives à l’exception de la plus récente en 2005, nous observons que tous les ménages ont davantage économisé l’énergie de 2005 à 2010, de 1 % en moyenne annuelle, que de 1995 à 2005.

Les ménages chauffés par un combustible, en maison ou en appartement et quel que soit l’âge du bâtiment ou son niveau d’isolation, ont économisé 2 % par an en moyenne durant la période 2005-2010. Le facteur prix est donc prépondérant dans l’évolution des consommations unitaires. Une enquête auprès de 1 000 ménages ayant réalisé des travaux donnant droit à un certificat d’économies d’énergie (CEE), collecté par EDF ou par GDF-Suez, montre qu’une grande partie des travaux, notamment le changement de chaudière, a été réalisée indépendamment de l’existence du certificat. En outre, les réseaux d’artisans jouent un rôle important pour conseiller les consommateurs dans le choix de leur équipement.

Le secteur tertiaire est plus difficile à appréhender du fait de sa grande hétérogénéité, allant de l’aéroport de Roissy à l’épicier de quartier, et mêlant des acteurs aussi divers que l’État, les collectivités territoriales et le secteur privé. Mais, depuis plus de vingt-cinq ans, nos enquêtes annuelles et leurs 15 000 réponses procurent une vision de sa consommation d’énergie. De 1990 à 2010, les surfaces chauffées sont passées de 660 millions à environ un milliard de mètres carrés, soit une hausse de 2 % par an. Dans le même temps, la consommation d’énergie croissait de 1 % par an ; celle imputable au chauffage de 0,5 %. Malgré sa relative décroissance, ce dernier représente 50 % de la consommation d’énergie du secteur.

D’autres usages se développent : l’électricité spécifique, qui progresse de plus de 2 % par an, et la ventilation-climatisation qui augmente de 6 %. Toutefois, contrairement à bien des prévisions, la consommation au mètre carré d’électricité spécifique s’est stabilisée au cours des dernières années.

Les gisements d’économie d’énergie pourraient, dans les cinq ou sept prochaines années, atteindre 30 % dans le secteur tertiaire au titre du chauffage, grâce notamment aux techniques de combustion, d’isolation et de régulation. Je rappelle que l’objectif du Gouvernement est de parvenir, sur la base de 2005, à une économie de 38 %. Pour cela, les consommations unitaires de chauffage devraient diminuer de 5 à 6 % par an. Or, elles n’ont baissé que de 1,6 % au cours des années récentes. Ceci montre l’effort considérable qui reste à accomplir sur les bâtiments du secteur tertiaire.

Les travaux statistiques du CEREN permettent la mise en perspective des objectifs fixés compte tenu de l’observation des années récentes. Les ambitions françaises en matière d’économies d’énergie par la rénovation du parc existant seront atteintes seulement si l’on met en place des instruments de financement et d’incitation fiscale, la standardisation des travaux, des obligations règlementaires, etc.

M. Jean-Yves Robin, vice-président de la Fédération française du Bâtiment et président du conseil des professions. Les 57 000 entreprises de la FFB, qui vont du petit artisan aux grands groupes comme Vinci, représentent environ 800 000 salariés. Depuis le Grenelle de l’environnement, nous nous efforçons de mobiliser nos professionnels en vue d’apporter des solutions techniques aux ambitions politiques de la nation.

Des outils incitatifs pour la rénovation énergétique de 500 000 logements par an ont été mis en place, comme le crédit d’impôt développement durable, les éco-prêts à taux zéro (éco-PTZ) et les CEE. Des programmes ambitieux ont été financés, comme la formation aux économies d’énergie des entreprises et artisans du bâtiment (FEE Bât). Des normes ont été instituées, comme les règles de l’art du Grenelle de l’environnement (RAGE 2012).

Mais, alors que l’énergie reste chère, le niveau des activités demeure atone. En 2012, on n’a effectué que 130 000 rénovations thermiques de logements pour un objectif initial de 400 000. Aucun segment du marché ne décolle véritablement, ni pour les bâtiments de l’État, ni pour ceux des collectivités territoriales, ni dans le secteur tertiaire, ni dans le logement social, ni dans les copropriétés, ni dans les maisons individuelles.

La filière a pourtant engagé un important effort de formation de ses agents, touchant 50 000 stagiaires au cours de dernières années, pour un objectif initial de 120 000 revu à la baisse du fait de la crise économique.

Les éco-PTZ sont quasiment ignorés par les banques. Le taux de TVA sur les travaux de rénovation, après être passé de 5,5 à 7 %, s’élèvera à 10 % à compter du 1er janvier 2014. Cependant, le débat national sur la transition énergétique nous redonne un peu d’espoir. Que manque-t-il pour relancer les actions en faveur de la maîtrise de la consommation d’énergie ?

D’abord, il manque une parole publique forte. Il faut passer des discours généraux aux actes, et accélérer le processus devant conduire aux 40 % d’économies d’énergie dont le pays a besoin. Ensuite, nous appelons de nos vœux des instruments juridiques et financiers mieux réglés : une TVA qui redescendrait à 5%, la pérennisation du CIDD durant cinq ans, un éco-PTZ libéré de l’emprise des banquiers au profit d’un tiers certifié ou d’une entreprise reconnue au titre du Grenelle de l’environnement, la réaffirmation dès 2014 du principe de l’éco-conditionnalité qui subordonne l’aide publique au respect de normes environnementales.

Le problème du financement du FEE Bât a enfin été résolu. Les énergéticiens ont apporté une importante contribution. Perfectible, le CEE a, au moins, le mérite d’exister. Mais il faudrait le toiletter pour le rendre un peu plus lisible.

Nous attendons la publication des textes sur les travaux énergétiques dans le cadre de copropriétés et dans le secteur tertiaire.

M. Jean-Marie Carton, premier vice-président de la CAPEB en charge du développement durable. La CAPEB représente 380 000 entreprises artisanales et un million de salariés. Elle compte 100 000 adhérents.

Dès les années 2000, nous nous sommes préoccupés du développement durable. Puis nous nous sommes beaucoup investis dans le Grenelle de l’environnement, essayant de proposer des formules permettant à l’ensemble des entreprises de s’adapter à l’ambitieux défi de l’époque. Nous avons ainsi créé la marque ECO Artisan, attribuée à 2 600 entreprises et engageant 9 000 personnes. Mais les marchés ne sont toujours pas au rendez-vous. En 2007, nous avions prévu d’organiser pour ces entreprises une période d’apprentissage d’environ huit ans afin qu’au moins un tiers d’entre elles procèdent à leur mue en faveur du développement durable. Des outils ont été mis en place, comme le FEE Bât, et le monde industriel s’est mobilisé pour accompagner nos entreprises.

En 2011, nous avons signé avec l’État un engagement sur la qualification d’entreprises reconnues « Grenelle de l’environnement ». Depuis lors, nous sommes dans l’incertitude : nous attendons toujours une décision des pouvoirs publics afin que le dispositif soit, comme prévu, applicable à partir du 1er janvier 2014.

Le chiffre d’affaires du secteur du bâtiment est passé, en 2012, de 79 à 78 milliards d’euros. Nous avons perdu 12 000 emplois. Nous continuons d’en perdre, à raison de 181 par jour et de 81 fermetures d’entreprises quotidiennes.

Nous conservons cependant de grandes ambitions pour améliorer l’efficacité énergétique dans la lignée de l’engagement du Président de la République sur les 500 000 rénovations annuelles. Mais il faudra beaucoup de temps pour parvenir à ce niveau, au mieux en 2016 comme le prévoit aussi le Plan bâtiment durable. Il faut des actions fortes. Nous demandons un taux de TVA ramené à 5 % pour l’ensemble des travaux de rénovation des bâtiments ainsi qu’un produit financier intermédiaire adossé au livret développement durable pour 10 000 euros, sachant que la plupart des travaux s’inscrivant dans le programme Habiter mieux se montent à 7 000 ou 8 000 euros, correspondant à une chaudière et à une isolation, pour un taux de performance de 39 %. Nous souhaitons que les CEE associent les artisans, aujourd’hui écartés du dispositif alors qu’ils sont les principaux conseillers des ménages. Nous sollicitons enfin la relance et le recalibrage de l’éco-PTZ, aujourd’hui délaissé par les banques, grâce peut-être à un PTZ + qui faciliterait à la fois les travaux de mutation dans les maisons individuelles et les travaux de bouquet dans les résidences collectives.

Il faudrait se montrer plus audacieux en faisant varier le curseur de la TVA, c’est-à-dire en portant le taux normal au-delà de 20% afin de pouvoir descendre celui applicable aux travaux de rénovation.

M. Pierre Ducret, membre du comité de direction du groupe Caisse des Dépôts. La Caisse des dépôts est impliquée dans la rénovation thermique principalement comme financeur du logement social à travers ses prêts bonifiés aux organismes HLM, pour 120 000 opérations depuis 2009. Ce dispositif éprouvé peut encore monter en puissance.

Le plus grand bailleur social français, la Société nationale d’investissement (SNI) dont la Caisse des dépôts est actionnaire, s’est engagé dans une rénovation complète de son patrimoine immobilier avec l’objectif d’atteindre le facteur 4.

Partenaire traditionnel des collectivités, la Caisse des dépôts intervient en faveur de celles qui prennent des positions pionnières, comme la région Île-de-France qui vient de créer la société d’économie mixte Énergies Posit’If, afin de lancer les premières opérations de tiers investissement.

Depuis six mois, notre filiale CDC Climat s’est intéressée, avec un regard d’ingénieur financier, au secteur résidentiel, notamment l’optimisation des ressources publiques pour la rénovation thermique du logement privé. Nous avons contribué au rapport du Conseil économique, social et environnemental, et travaillé au Plan bâtiment durable.

Sans les copier, nous pouvons nous inspirer de quelques exemples étrangers, outre-Rhin et outre-Manche. L’Allemagne a engagé, depuis près dix ans, un programme massif de rénovation thermique fondé sur l’action de la KfW, banque de financement à long terme apportant sa garantie au refinancement de l’ensemble du dispositif. Quant au Royaume-Uni, il met en place un système original, green economy initiative, reposant sur le principe du tiers investisseur, c’est-à-dire du remboursement des emprunts par les économies dégagées. Dans les deux cas, le circuit de financement est assuré par le marché obligataire, donc par l’émission d’obligations vertes achetées par des investisseurs institutionnels.

L’indispensable participation des énergéticiens, à hauteur de 1,5 % de leur chiffre d’affaires – montant considérable – est prévue et organisée par la directive européenne relative à l’efficacité énergétique qui doit être prochainement transposée en droit français.

Le Gouvernement souhaite, à juste titre, disposer d’une évaluation du dispositif des CEE par la Cour des comptes, ce qui nous manque aujourd’hui.

Lancer un dispositif de ce genre nécessite des ressources d’amorçage qui pourraient provenir de la Banque européenne d’investissement (BEI), au moment où celle-ci va augmenter son capital et accroître ses capacités de financement de l’économie française à hauteur de 60 milliards d’euros. Il me paraît souhaitable qu’une part de ce volant soit affectée au refinancement de la rénovation thermique.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La transposition en droit français de la directive européenne relative à l’efficacité énergétique devrait être inscrite dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) que l’Assemblée nationale examinera en avril prochain. Le rapporteur en sera M. Philippe Plisson, membre de notre commission ici présent.

M. Franck Lacroix, président directeur général de la société DALKIA. L’efficacité énergétique est au cœur de la vocation de DALKIA. À l’origine entreprise de maintenance de chauffages, celle-ci est aujourd’hui en pointe sur les services énergétiques. Implantée dans trente-cinq pays, elle possède un savoir-faire constitué en France à travers les 50 000 installations qu’elle gère, consolidé par son expérience dans 60 000 installations à l’étranger. J’ai l’ambition d’en faire la référence mondiale en matière d’économies d’énergie dans les territoires, c’est-à-dire là où l’équation énergétique trouvera l’essentiel de sa solution.

70 % de l’énergie que nous consommons sert à nous chauffer et la France dispose, en la matière, d’un magnifique potentiel de développement compte tenu de son retard par rapport à d’autres pays européens.

DALKIA déploie trois activités complémentaires. Elle gère d’abord 850 réseaux de chaleur dans le monde – l’Europe en compte 4 500 utilisés par 100 millions de personnes – qui sont aussi des vecteurs d’efficacité énergétique car ils permettent de récupérer de l’énergie perdue, notamment sur des sites industriels à proximité des villes, d’exploiter des énergies renouvelables et de développer des technologies efficaces comme la cogénération. Elle intervient, ensuite, en matière d’efficacité énergétique dans l’industrie. Enfin, elle propose des services énergétiques dans le secteur du bâtiment, qui représentent la moitié de son chiffre d’affaires en France, pour 150 millions de mètres carrés, dont 15 dans le tertiaire et 135 dans l’habitat collectif.

Ayant pour objectif d’aider nos clients à réduire leur consommation d’énergie, nous examinons les pistes d’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments. À nos yeux, il est possible de trouver des solutions efficaces tout en investissant de façon mesurée. Ainsi, plutôt que d’investir dans la rénovation lourde du bâti, qui nécessite d’importants capitaux et qui souffre des durées très longues des retours sur investissement – jusqu’à vingt ou trente ans et même au-delà –, nous préconisons de retenir des cibles d’économies d’énergie ambitieuses, de l’ordre de 20 à 30 %, en identifiant tous les postes d’économie possible, y compris la sobriété des usagers, le rendement des chaudières, la qualité du pilotage des installations ainsi que les interventions ponctuelles sur le bâti lui-même. Cette démarche fait travailler tous les corps de métier, comme nous le montrons déjà sur des bâtiments publics, notamment des collèges, et sur des logements sociaux.

Nous appelons ce nouveau modèle le contrat de performance énergétique. Son développement exige une impulsion des pouvoirs publics, aussi bien pour les bâtiments publics que dans le secteur tertiaire, public ou privé, ainsi que sur les copropriétés et en gardant toujours à l’esprit le principe suivant : ambition pour les économies à réaliser, mais liberté pour le maître d’ouvrage de choisir les moyens d’y parvenir. Il faut pour cela adopter des modalités différenciées selon que l’on s’adresse à des maîtres d’ouvrage professionnels ou non. Il nous paraît possible de leur assigner des obligations de rénovation énergétique, mais aussi de leur offrir la possibilité de découper les travaux en plusieurs phases afin que les interventions techniques se fassent au moment opportun, par exemple à l’occasion de la réfection d’une toiture ou d’un ravalement.

Les copropriétés soulèvent des problèmes plus difficiles en raison de la lourdeur de leurs processus de décision, du caractère disparate des capacités d’investissement des copropriétaires et des relations entre bailleurs et locataires. Il existe toutefois des marges de progression : seulement 20 % des copropriétés de plus de cinquante logements fixent des objectifs de résultats à leurs prestataires de services énergétiques. Les 80 % restants se limitent à des prestations de maintenance des équipements.

La loi Grenelle II impose que le thème des économies d’énergie soit discuté en assemblée générale d’ici à 2017, mais sans rendre obligatoire des décisions. On pourrait aller plus loin.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ne faudrait-il pas, comme le préconisent certains agents immobiliers, modifier les règles de majorité dans les assemblées générales de copropriétaires ?

Selon certaines sources, dans un logement de 80 m2, il suffirait d’un investissement de 2 000 euros pour réduire de 25% la consommation d’énergie. Est-ce réaliste ?

M. Jean-Yves Caullet. Nous débattons d’un thème parfaitement consensuel, au moins depuis le Grenelle de l’environnement, quant aux objectifs de l’action publique, comme pour constater que le simple jeu du marché ne permet pas aux décideurs, publics ou privés, de déclencher les investissements nécessaires aux économies d’énergie en vue d’obtenir un plus grand confort pour un moindre coût.

Cet enjeu se double d’un enjeu économique global, justifiant lui aussi l’intervention publique.

Quelle articulation territoriale préconisez-vous pour mener cette politique, à la fois européenne, nationale, régionale et locale ? Quels sont les échelons pertinents ? Étant un élu rural, je me demande si l’on ne devrait descendre jusqu’au niveau le plus fin, et le plus proche des réalités : celui du citoyen.

Les initiatives allemande et anglaise dont il a été fait état présentent cette vertu de poser simplement l’équation énergétique, en intégrant le financement nécessaire, le gain espéré et, entre les deux, le bon terme et les bonnes ressources. Nous ne saurions nous en affranchir, ne serait-ce que pour mesurer la quotité de l’effort public à déployer et pour déterminer son affectation optimale.

Quel est l’ordre de grandeur du financement de la transition énergétique dans nos bâtiments ? Sachant que l’on doit réduire le décalage, qui aujourd’hui bloque les décisions, entre le gain espéré et la durée de retour sur investissements, et que seule la puissance publique peut assumer le financement au-delà d’un certain seuil.

Nous avons, au fil des années, mis en place plusieurs outils afin de faciliter le déclenchement des décisions d’investissement, mais ils obéissent chacun à leurs propres règles, générant une certaine complexité. Ainsi l’EPTZ ne fonctionne pas. Que pensez-vous de l’idée d’un guichet unique, évoqué depuis déjà quelque temps, facilitant par sa proximité les acteurs de terrain ?

On pourrait aussi fixer des objectifs de performance un peu moins ambitieux que ceux exprimés par certaines normes en vigueur, difficiles à respecter techniquement. Peut-on imaginer un cheminement par étapes, facilitant les décisions initiales de chaque propriétaire puisque celui-ci obtiendrait, à moindre coût, un résultat déjà appréciable ? Les économies ainsi réalisées favoriseraient le financement de l’étape suivante.

Vous semble-t-il possible d’isoler, pour l’application de la TVA, ce qui relève de la performance énergétique dans les travaux de rénovation ?

Comment mesurer, année après année, le bénéfice global de notre politique publique. En d’autres termes, que gagne chaque année la France grâce aux investissements réalisés par l’ensemble des acteurs économiques ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’idée du guichet unique est excellente, mais l’expérience des opérations programmées d’amélioration de l’habitat a montré que leur succès dépendait largement de l’animation mise en place. Il faudra donc trouver les moyens d’organiser celle-ci pour les investissements dans l’efficacité énergétique.

M. Martial Saddier. Le débat d’hier soir, que nous attendions avec impatience, nous a beaucoup déçus. Les ministres présentes avaient beau paraître convaincues de la nécessité d’une politique d’économies d’énergie clairement déterminée, le Gouvernement ne semble pas capable de répondre précisément à nos questions et ne manifeste aucune volonté de rendre les politiques publiques plus lisibles. Le Grenelle de l’environnement est certes perfectible, mais il a provoqué une prise de conscience et créé une dynamique qui, neuf mois après la formation du nouveau gouvernement, semblent menacées par cette absence de lisibilité due à des annonces lancées dans tous les sens et à des comités de pilotage créés tous azimuts. Ainsi, nous attendons toujours la table ronde sur la rénovation énergétique annoncée le 26 novembre dernier. Professionnels et décideurs sont confrontés à des incertitudes qui les empêchent de s’engager durablement.

Je rappelle donc solennellement, au nom des députés du groupe UMP, l’absolue nécessité de fixer rapidement un cap clair aux politiques énergétiques.

Aucun d’entre vous n’a évoqué ce matin la proposition de loi de M. François Brottes instaurant une tarification progressive de l’électricité. Pourquoi ? Vous fait-elle peur ? Son coût de mise en œuvre est-il maîtrisable ? On n’a pas davantage parlé du compteur intelligent…

La potentielle diminution de la TVA a-t-elle fait l’objet d’une simulation ? Je crains que son augmentation ne se révèle catastrophique.

Connaissez-vous les montants financiers nécessaires à la rénovation énergétique des logements sociaux, compte tenu notamment du relèvement de 20 à 25% de leur taux de construction obligatoire dans les communes ?

La qualité intérieure de l’air est-elle prise en compte à l’occasion des opérations de réduction des pertes énergétiques dans les bâtiments ?

M. Stéphane Demilly. Le nombre de demandeurs d’emplois vient de remonter au niveau de juillet 1997 et pourrait dépasser bientôt le record historique de janvier de cette même année. Or, selon l’état des lieux publié par l’ADEME en novembre dernier, l’amélioration énergétique des logements existants constitue l’une des rares activités dans lesquelles l’emploi progresse, avec une augmentation de 7,4% de 2010 à 2012. Même si les chiffres fournis à l’instant par le représentant de la CAPEB relativisent cette tendance, il n’en demeure pas moins que le nombre d’emplois directs en équivalents temps plein liés à l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel ancien s’élèverait à 135 000 en 2012, contre 125 000 en 2010 – 80% de ces emplois concernent les interventions sur le bâti, 12% le chauffage et 6% le gros électroménager performant.

L’objectif de 500 000 logements représenterait entre 100 000 et 150 000 créations d’emplois, à condition que, comme il a déjà été dit, les financements appropriés soient dégagés.

D’une façon générale, nous savons que le développement d’une filière française de l’efficacité énergétique, tant chez les équipementiers que chez les artisans ou les entreprises de travaux, voire dans les sociétés de conseil en énergie, aura des conséquences positives pour l’emploi.

Au-delà des enjeux énergétiques et environnementaux stricto sensu, le thème de l’efficacité énergétique est aussi celui de l’efficacité économique.

Toutefois, les objectifs ambitieux de la France ne pourront être atteints que si les professionnels capables de répondre à la demande sont suffisamment nombreux. Or plusieurs obstacles se dressent en travers de cette perspective.

Le premier concerne la formation. Il n’existe aujourd’hui aucun avantage réglementaire en faveur des entreprises accomplissant un effort de formation, comme le signale souvent la CAPEB. En outre, les artisans choisissent, en temps de crise, de répondre immédiatement à leurs clients, ce qui les empêche de consacrer des journées entières à la formation. Enfin, celle-ci n’est pas toujours adaptée aux besoins du marché. Je serais heureux d’entendre les positions de la CAPEB et de la FFB sur ces différents points.

Le deuxième obstacle réside dans l’instabilité du cadre fiscal et règlementaire. Le récent changement des règles d’attribution de certaines aides, la diminution du CIDD et les dernières augmentations de la TVA ont nui à la perception du caractère prioritaire de la rénovation thermique. De ce fait, professionnels du bâtiment comme industriels et consommateurs hésitent à s’engager. La nouvelle directive européenne, la consolidation des acquis du Grenelle de l’environnement et le débat en cours sur l’énergie représentent autant d’occasions d’arrêter une stratégie de long terme et de mettre fin au stop and go.

Enfin, la rénovation des bâtiments publics obéit à une réglementation spécifique issue du Grenelle II, comprenant une obligation de travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments à usage tertiaire ou de service public d’ici à 2020. Selon les dispositions de la loi, l’État s’est engagé à faire réaliser des audits énergétiques de ses bâtiments afin de réduire de 40% leur consommation d’énergie dans un délai de huit ans. Se pose néanmoins la question du financement à la charge des collectivités locales. L’association des maires des grandes villes de France a évalué le montant total des besoins correspondants à 50 milliards d’euros, soit 6 milliards par an. Or on nous annonce encore des diminutions draconiennes de dotations aux collectivités locales. Les mêmes causes ont provoqué le même attentisme de l’État pour ses propres bâtiments. Le rythme des rénovations est donc étroitement dépendant des ressources financières disponibles. Qu’en pense le représentant de la Caisse des dépôts ?

M. Denis Baupin. La politique de rénovation thermique des bâtiments constitue un élément essentiel de la transition énergétique, car elle est pertinente du point de vue environnemental, indispensable du point de vue social – avec huit millions de nos concitoyens en situation de précarité énergétique – et nécessaire du point de vue économique, eu égard à notre balance des paiements énergétiques et au volant d’emplois non délocalisables qu’elle peut induire.

Nous sommes moins confrontés à un problème technologique qu’à une question d’ingénierie financière. Dans la plupart des cas, le coût de rénovation d’un bâtiment se rembourse sur sa durée de vie grâce aux économies d’énergie générées et à la valorisation du patrimoine afférent. Il faut donc mettre en place des instruments performants, ce à quoi travaille déjà la Caisse des dépôts à travers le tiers financement, objet d’expérimentations en Île-de-France. Il faut aussi perfectionner les mécanismes fiscaux incitatifs, instaurer des fonds de garantie pour assurer à la fois la solvabilité des clients et la qualité des travaux, et maîtriser l’évolution des prix de l’énergie car elle conditionne la rentabilité à long terme des investissements.

Les travaux BBC (bâtiment basse consommation) compatibles manquent souvent d’un financement rapidement disponible. Mais il faut éviter de réaliser des travaux intermédiaires qui rendraient plus difficiles des travaux ultérieurs. Nous avons donc besoin d’un éclairage règlementaire dans ce domaine, notamment en termes d’efficacité active dans le tertiaire.

La TVA sur la rénovation thermique des bâtiments devrait être ramenée au taux de 5,5%. Nous en discuterons ici et avec le Gouvernement.

Quels sont les leviers principaux dont les professionnels ont aujourd’hui besoin pour que la formation professionnelle et la certification des entreprises se mettent en place ?

Quelle serait la pertinence de l’institution, définie maintenant mais applicable seulement dans quelques années, d’une obligation de rénovation des bâtiments, comme cela existe déjà en matière de sécurité incendie ou d’accessibilité pour les handicapés ? On pourrait envisager d’assortir l’obligation d’une dégressivité des aides en fonction de l’année de réalisation des travaux jusqu’à une date butoir, sachant que certains locataires vivent dans de véritables passoires énergétiques et subissent les conséquences de l’inaction de leurs bailleurs.

M. Jacques Krabal. Il existe un consensus autour de l’espoir en la transition énergétique. Mais nous constatons des blocages, alors que des pays voisins ont entrepris la même démarche depuis plusieurs années. Il nous faut agir rapidement contre la précarité énergétique, comme en faveur de l’emploi.

La question de la TVA, dans un contexte économique difficile, a été posée au cours du débat qui a eu lieu hier soir, s’agissant au moins des travaux de rénovation énergétique et de construction de BBC. Au-delà du message politique, nous devons adresser à nos concitoyens des signaux forts pour la réalisation d’économies d’énergie et le Gouvernement partage cette préoccupation.

Le grand débat national sur la transition énergétique dans nos territoires doit inciter à l’action collective et apporter des précisions sur les normes. Quels sont les blocages auxquels se heurte le Plan bâtiment durable et sur lesquels nous pourrions agir ?

Comment se traduirait concrètement l’idée d’un fonds de financement récoltant des ressources sur les marchés ? Comment s’organiseraient, dans ce cas, les liaisons entre partenaires publics et privés ?

Comme l’a écrit Jean de La Fontaine dans sa fable Les frelons et les mouches à miel : « à l’œuvre on connaît l’artisan ». Tous les responsables politiques et économiques concernés par l’efficacité énergétique devraient s’inspirer de cette formule éternelle !

M. Philippe Plisson. M. Martial Saddier a la mémoire sélective : quand il parle du Grenelle de l’environnement, il relit l’histoire avec des lunettes « bleues ». Si l’on peut accorder un satisfecit au Grenelle I, que nous avions voté, il faut se souvenir des conséquences sur le Grenelle II des propos du Président Sarkozy : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ». Les réflexes productivistes de l’UMP ont alors démoli les principales dispositions du Grenelle I, en particulier la politique en faveur des énergies renouvelables avec les filières éolienne et photovoltaïque. (Murmures sur les bancs UMP)

Je mesure la mobilisation des acteurs en matière de formation et de mise aux normes des bâtiments car la communauté de communes que je préside en Haute-Gironde a signé une convention de partenariat avec les chambres des métiers et la CAPEB. Cela dit, les réunions de sensibilisation ne réunissent que très peu d’artisans. Quelles mesures préconisez-vous pour favoriser la mobilisation des petites entreprises et permettre aux filières de formation de fournir en temps et en heure le personnel nécessaire ?

M. Jacques Kossowski. Pour réussir sa transition énergétique, notre pays met en place une gestion plus économe de ses ressources. Il se doit aussi de développer des solutions technologiques et organisationnelles nouvelles. Des programmes d’investissements d’avenir ont été initiés en ce sens ; certains concernent-ils spécifiquement le bâtiment ?

Je remercie la CAPEB et la FFB pour avoir formé en matière énergétique 48 000 professionnels depuis le Grenelle de l’environnement.

Mme Geneviève Gaillard. La question citoyenne des modes de vie et des comportements se pose. Faut-il vraiment pouvoir rester chez soi vêtu d’un simple tee-shirt en plein hiver ? Faut-il vraiment climatiser tous les lieux de vie en été ? Nos invités considèrent-ils que l’éducation et l’information sur la biologie humaine ont bien leur place dans une politique d’efficacité énergétique ? Comment faire évoluer les comportements ? Quelle place donner en la matière aux élus que nous sommes, aux collectivités locales et à l’école ?

M. Christophe Priou. Le mieux peut être l’ennemi du bien. Sans remettre en cause les nouvelles contraintes de la RT 2012 ou, dans certaines régions, celles de la réglementation antisismique, je constate que ces normes ont entraîné une augmentation des coûts de construction de 15 %. Aujourd’hui, de nombreux Français, notamment les jeunes actifs, ne sont plus en mesure d’acheter, d’autant que le coût du foncier a considérablement progressé.

La question du financement se pose aussi pour la rénovation. Comment trouver les 5, 10 ou 15 000 euros nécessaires ? Le retour sur investissement a été évoqué, mais il n’est guère motivant quand il se fait sur dix ou quinze ans.

Mme Martine Lignières-Cassou. Les progrès en matière d’efficacité énergétique nécessitent manifestement une expertise non seulement technique et financière – 20 000 à 30 000 euros par logement, c’est énorme ! –, mais aussi comportementale – Mme Gaillard évoquait l’éducation des usagers.

Dans ce cadre, les outils que nous développons actuellement, comme le tiers investisseur, peuvent-ils être efficaces au niveau régional ou faut-il miser sur une proximité plus grande – M. Jean-Yves Caullet citait les communautés de communes ? Dans ce cas, monsieur Pierre Ducret, pensez-vous possible de conserver un équilibre financier ?

M. Michel Heinrich. Monsieur Franck Lacroix, l’approvisionnement en biomasse des réseaux de chaleur fonctionnant en cogénération pose-t-il des problèmes liés à la dispersion géographique ?

Les représentants de la CAPEB et de la FFB estiment-ils que les incessantes modifications des normes et certifications relatives aux matériaux biosourcés, souvent fabriqués par des PME, constituent un obstacle à leur utilisation pour les travaux d’isolation ?

M. Jean-Louis Bricout. Monsieur Jean-Marie Carton, afin de créer un prêt énergie pour la rénovation des logements, il faudrait désigner des personnes habilitées au diagnostic. Pensez-vous qu’il pourrait s’agir des artisans en général ou qu’il faudrait réserver ce rôle à certains métiers ? Quelles actions de sensibilisation de vos adhérents menez-vous ?

Pour compléter votre intéressante proposition, nous pourrions instaurer un « permis de louer » qui rendrait obligatoire la mention, dans les contrats de location, de garanties claires en termes de sécurité et de lutte contre la précarité énergétique.

M. Laurent Furst. Les maladies pulmonaires sont, si je puis dire, les pathologies de l’avenir. Réfléchit-on aujourd’hui assez à l’isolation des logements, au traitement de l’humidité, et au renouvellement de l’air intérieur ?

À population constante, l’augmentation de la durée de vie et la décohabitation des couples suffiraient à rendre nécessaire une offre supplémentaire de logements. Si l’on ajoute à ces facteurs la moindre maîtrise de la politique migratoire et l’augmentation de la population, il est clair que la demande de logements est très forte. Pourtant le droit de l’urbanisme, incompréhensible, bloque le développement potentiel de l’offre, les coûts de production sont élevés et les évolutions fiscales peu favorables. Je suis partisan d’une évolution de la réglementation en matière énergétique mais, en renforçant ces normes, ne va-t-on pas renchérir les logements et se retrouver, au final, avec moins de logements vertueux et plus de Français en difficulté pour se loger ?

M. Arnaud Leroy. Que peuvent nous dire nos invités de leurs relations stratégiques avec la Banque publique d’investissement ? Nous avons tous été surpris par le communiqué de presse qui, à l’issue du conseil d’administration de la semaine dernière, ne faisait pas mention de la transition énergétique et écologique. Les parlementaires sont prêts à se battre pour que cette ambition, citée dans l’article 1er de la loi créant la BPI, ne soit pas oubliée.

M. Alain Gest. En tant que vice-président de cette commission, je rappelle que la parole est libre dans cette enceinte. Le porte-parole de notre groupe a parfaitement le droit de s’exprimer comme il le souhaite.

L’augmentation du taux de TVA a constitué une erreur considérable : elle étouffe l’activité et supprime des recettes fiscales. Monsieur Carton, vous estimez qu’une réduction du taux est indispensable ; pouvez-vous démontrer l’efficacité qu’aurait cette mesure – on pourrait même imaginer la création d’un taux super-réduit ?

Monsieur Jean-Yves Robin, le chiffre illusoire de 500 000 logements à construire circule ; quel nombre de logements peut-on raisonnablement envisager de construire selon vous ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je confirme que la parole est libre dans notre commission. C’est vrai quelle que soit l’appartenance politique de l’orateur. J’y veille.

Nos invités peuvent-ils nous dire ce qu’il en est de la fiabilité et de l’opposabilité des diagnostics de performance énergétique (DPE) ? La ministre a demandé à la Cour des comptes une évaluation des CEE. M. Pierre Ducret, êtes-vous en mesure d’évaluer leur coût ?

Me Philippe Pelletier. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, je n’ai pas le sentiment que la mise aux normes épuise la capacité contributive des acteurs. Le Plan bâtiment durable, principalement incitatif, vise pour l’essentiel des bâtiments existants. Son aspect normatif ne concerne que la construction. En la matière, la RT 2012 a conduit les constructeurs à un effort significatif puisque l’objectif d’économies d’énergie a été multiplié par trois – passant de 150 à 50 kWh par mètre carré et par an. Or cet objectif peut être atteint à enveloppe financière constante grâce à des économies vertueuses sur d’autres coûts. Nous cherchons donc plutôt à susciter l’adhésion à un projet de société qu’à préparer l’édiction d’obligations.

La réponse à vos questions peut s’ordonner autour de trois points relatifs à l’offre par la filière, au soutien de la demande, et à son accompagnement.

Pour mobiliser les entreprises, tout d’abord, il est nécessaire d’agir dans la durée et de façon cohérente en faveur de la formation. Fin 2012, l’incertitude sur la reconduction du financement de la FEE Bât a donné un coup d’arrêt aux demandes de formation. En la matière, il faut, au contraire, assurer une prévisibilité au-delà de l’année 2013.

Les entreprises qualifiées doivent être reconnues et tirer bénéfice des formations suivies. Nous avons proposé la création d’un éco-avantage : les travaux ayant fait l’objet d’un devis présenté par ces entreprises seraient éligibles aux aides d’État sans vérification. Nous estimons que, pour rendre la formation plus attractive, les commandes publiques et privées devraient privilégier le recours à ces entreprises. En accord avec les deux fédérations du secteur, nous prévoyons de mettre en place, dans un terme assez proche, l’éco-conditionnalité des aides : seules les entreprises qualifiées pourront en bénéficier. Ce mouvement devrait entraîner la filière du bâtiment et la maîtrise d’œuvre vers un niveau de compétence supérieur.

Ensuite, le soutien de la demande passe par une articulation des financements existants avec le développement de solutions innovantes, dont celle du tiers financement. Il faudra nécessairement réajuster les mécanismes existants : le crédit d’impôt développement durable devra permettre de davantage soutenir des actions de rénovation lourdes, les banques devront ne plus avoir à contrôler des travaux effectués dans le cadre de l’éco-prêt à taux zéro, et un éco-prêt collectif devra offrir une solution pour les copropriétés.

La lutte contre la précarité énergétique reste une priorité. Elle mobilise les investissements d’avenir à hauteur de 500 millions d’euros. Il nous reste à établir les conditions d’accès pour les ménages concernés.

Si l’année 2013 n’est pas une année perdue, et si les arbitrages espérés sont rendus, l’objectif des 500 000 logements est à notre portée. Je rappelle que la précédente majorité avait fixé à 400 000 le nombre de logements à rénover à partir de 2013. Le Président de la République y a ajouté 100 000 logements : il s’agit d’un objectif ambitieux mais raisonnable. Ces perspectives reposent sur diverses modes de financement. Pour ma part, j’accorde une grande importance à la création de valeur par l’accroissement de la densité, la surélévation du bâti, ou le « build in my backyard » consistant à donner des droits à construire supplémentaires en zone pavillonnaire. Ces solutions sont à la fois efficaces en termes de financement et peu coûteuses pour les contribuables.

Aujourd’hui, la société n’est pas mûre pour imposer une obligation de travaux. Les maîtres d’ouvrage sont en phase d’adhésion et l’offre de service n’est pas suffisante sur l’ensemble du territoire. Nous devons néanmoins mettre immédiatement en chantier une réflexion collective. À la demande du Débat national sur la transition énergétique, un groupe de travail du Plan bâtiment durable sera lancé demain sur ce thème.

Annoncer une obligation future permettra de faire comprendre que les mécanismes incitatifs iront en s’épuisant. Cette prévisibilité incitera les acteurs à faire des choix plus tôt. J’ajoute qu’il y a probablement un moyen terme incitation et obligation. Il me parait impératif de faire sortir les épaves thermiques du parc locatif privé en modifiant la définition de la décence du logement telle qu’elle résulte d’un décret de 2002. Les résultats d’une telle modification réglementaire seraient sans doute similaires à ceux d’une obligation de travaux, mais la mesure est plus subtile. La fiscalité locale pourrait également être modulée.

Enfin, la demande doit être accompagnée. J’ai évoqué le plan régional pour que l’on parle moins du plan national. Le moment est venu de passer à un échelon plus proche des acteurs, ménages et entreprises. Les grandes rénovations du parc tertiaire public ont été effectuées dans les lycées par les régions qui mènent les actions de formation professionnelle. Ce niveau d’intervention parait pertinent, mais pas suffisant. Au plus proche du terrain, il faut aussi tenir compte de ce qui a déjà été mis en place par des agglomérations pour aider les ménages à prendre leur décision.

L’accompagnement des ménages devra être divers. Il sera parfois public, parfois mixte, comme avec les sociétés d’économie mixte. Il pourra relever des professionnels. Je souhaite que les architectes s’intéressent davantage à la rénovation et jouent le rôle d’assistants à maître d’ouvrage, à défaut de maîtres d’œuvre. L’ensemble de ces solutions constitue un guichet unique, service public de l’efficacité énergétique mettant en œuvre une grande diversité de moyens. Un numéro de téléphone unique devrait permettre aux ménages de joindre l’ADEME, l’ADIL et l’ANAH, qui délivreraient un message commun.

Le DPE a été créé pour servir d’outil de sensibilisation des ménages lors de la vente ou de la location. En tant que tel, il n’est pas opposable par le locataire ou l’acquéreur. Par ailleurs, grâce à ce choix, tous les bailleurs et propriétaires peuvent disposer d’un diagnostic à un prix abordable sur l’ensemble du territoire national. Si nous voulions mettre en place un diagnostic de qualité supérieure, il faudrait avoir recours à des bureaux d’études thermiques, moins nombreux et moins accessibles, aux prestations plus onéreuses. Des efforts visent néanmoins à rendre le DPE fiable en élevant le niveau d’exigence du diagnostic – soixante rubriques sont désormais renseignées au lieu de trente –, ainsi que les compétences demandées aux diagnostiqueurs. Lorsqu’il est fait état du DPE dans les petites annonces, celui-ci constitue un levier puissant pour la prise de décision et la fixation des prix. Toutefois, la mise en place d’un audit énergétique, semblable à celui créé pour la copropriété, sera nécessaire pour accompagner le passage à l’acte.

La RT 2012 a été un peu légère sur la question de la qualité de l’air intérieur. Nous sommes unanimes à estimer qu’il faut progresser. Nous préconiserons que la réglementation 2020 aille dans ce sens.

M. François Bourriot. En tant que citoyen, je m’interroge sur le coût des rénovations. Je reste sceptique sur la possibilité de réduire de 25 % la consommation énergétique d’un logement en investissant seulement 2 000 euros. Quant à la somme de 20 000 euros par logement pour une mise en conformité avec la RT 2005, elle me semble d’autant plus dissuasive que, même en considérant que les travaux entraîneraient une économie de 50 % sur une facture énergétique moyenne annuelle de 1 000 euros, l’amortissement serait extrêmement long.

Il me parait nécessaire de travailler sur le phasage des travaux pour qu’ils soient à la fois efficaces et d’un coût abordable. Au lieu d’hésiter devant des travaux trop coûteux, un processus de décision trop complexe, ou l’espoir d’une solution technologique future, il est sans doute préférable d’agir au juste niveau.

M. Jean-Yves Katz, directeur du développement du Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN). Les propriétaires de maisons individuelles s’adressent en général aux entreprises locales. La collectivité locale est donc à même de défendre l’emploi local pour répondre à la demande locale. L’Alliance ville emploi (AVE) participe à la formation des artisans en complément de la formation FEE Bât qui, à mon sens, devrait comporter une formation à l’ingénierie financière.

M. Jean-Yves Caullet s’interrogeait sur l’évaluation a posteriori de l’impact des mesures. Le Plan bâtiment durable met au point un tableau de bord qui collecte des informations publiques et recense les travaux bénéficiant d’aides. Le CEREN est en mesure d’opérer une évaluation, mais le temps statistique n’est pas le temps politique : nous ne pourrons constater les premiers bénéfices de la RT 2012, mise en œuvre depuis le mois de janvier, qu’en 2015.

M. Jean-Yves Robin. FFB et CAPEB, nous avons tous souffert des dérives du photovoltaïque et de l’attitude des éco-délinquants. Le client final était évidemment la première victime mais, au-delà, ni l’argent public ni l’image de la filière n’ont été épargnés.

Pour notre part, nous sommes favorables à la promotion de la qualité par une formation qui ne peut se faire que sur la longue durée, ce qui demande un engagement financier lourd pour un chef d’entreprise. Ce dernier ne suivra donc cette voie que s’il a le sentiment d’avoir affaire à une politique stable et prévisible.

M. Philippe Pelletier a répondu à M. Alain Gest : pour peu qu’il soit clair, nous sommes prêts à nous adapter à l’objectif fixé en termes de nombre de logements à construire ou à rénover. Que ce soit 400 000 ou 500 000, la FFB et la CAPEB se mobiliseront pour mettre les troupes en ordre de marche.

Il faudra sans doute faire une promotion particulière des matériaux biosourcés sous réserve qu’ils obtiennent la même classification thermique que les matières traditionnelles.

M. Jean-Marie Carton. Nous ne sommes pas favorables à une TVA spécifique aux travaux de performance énergétique. Cette solution rendrait les choses complexes et induirait incertitude et insécurité pour les consommateurs et les entreprises. La rénovation de combles nous obligerait, par exemple, à appliquer un taux réduit de TVA pour la pose de la laine de verre isolante, et un taux différent pour celle du plâtre qui la recouvre ! Restons simples : le taux de TVA unique est particulièrement lisible !

Les effets de l’annonce d’une modification des taux de TVA ont été clairs : notre secteur compte 18 000 emplois en moins ! Peut-être ce changement n’est-il pas la seule cause de cette évolution, mais avec trois points de TVA supplémentaires, on aurait 40 000 emplois en moins.

Notre dispositif de financement pour la performance énergétique et la rénovation de logements se fondait sur l’ancien Pass Travaux. Cet outil nous manque car nous sommes en mesure de faire de la performance énergétique pour 7 000 à 8 000 euros, tout en tenant compte de la qualité de l’air, et cela concerne un grand nombre de maisons individuelles.

En tant que chef d’entreprise, je me sers tous les jours des certificats d’économie d’énergie. Quand on apporte à un client 10 % de la valeur des travaux d’isolation en CEE, ce n’est pas rien.

Le tiers financeur peut constituer un grand danger s’il restreint l’accès au marché des entreprises comme en Angleterre. Nous y sommes néanmoins favorables s’il n’y a aucune confusion avec la maîtrise d’ouvrage. Le système français a l’avantage de permettre le contact direct entre les entreprises et les clients : respectons les atouts de la filière !

Les matériaux biosourcés peuvent poser un problème au regard de l’assurance décennale obligatoire. Cela dit, les professionnels savent aujourd’hui utiliser des matériaux qui bénéficient d’un agrément.

M. Pierre Ducret. L’objectif de rénovation de 500 000 logements par an devrait concerner 120 000 logements sociaux et 380 000 logements privés. Je considère que la rénovation du logement social est financée. En tablant sur un coût légèrement inférieur à 20 000 euros par logement, le besoin de financement annuel pour la rénovation du logement privé est de l’ordre de 7,2 milliards d’euros.

Nous disposons d’un milliard d’euros dans le budget de l’État, auquel il faut ajouter des financements provenant des collectivités locales, du FEDER, et des ressources ponctuellement issues de l’ANAH, fléchées sur la précarité énergétique – grâce aux investissements d’avenir et aux ventes de quotas de CO2. Pour les cinq prochaines années, les ressources publiques doivent donc s’élever à environ 1,5 milliard par an. Par ailleurs, en prenant en compte l’hypothèse de croissance des tarifs de l’énergie retenue par la Commission de régulation de l’énergie, les économies d’énergies peuvent dégager un financement de 4 milliards d’euros sur une durée de douze ans – montant sur lequel peuvent intervenir des tiers investisseurs.

Le besoin d’autofinancement s’élève donc à un peu moins de 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas excessif au regard des dépenses autofinancées par les ménages pour des travaux de rénovation. Sur la base de ces ordres de grandeur, l’opération semble finançable.

Il est malheureusement difficile de répondre aux questions relatives aux certificats d’économies d’énergie car les données les concernant ne sont pas connues. On sait seulement que plusieurs centaines de millions d’euros par an permettent aux bénéficiaires de collecter une prime finale d’un montant représentant 5 à 10 % des travaux. Les CEE, qui ont des effets très positifs, ne sont pas à proprement parler un système de financement mais plutôt une prime : une récompense pour les bénéficiaires et une incitation pour les énergéticiens. L’évaluation de la Cour des comptes permettra de mesurer la part qu’il faut réserver à ce dispositif, et celle qu’il faudrait donner, au moment de la transposition de la directive, à un autre mode de financement de la rénovation thermique – ni l’Allemagne, qui a dix ans d’avance sur nous, ni le Royaume-Uni ne disposent de CEE. Cette analyse permettra de savoir dans quelle mesure les énergéticiens peuvent participer à ce financement, comme ils le font en Allemagne.

En effet, pour financer sur douze ans des opérations qui se rémunèrent sur des économies d’énergie, il faut pouvoir immobiliser des fonds propres et servir un taux d’intérêt très faible. Il serait évidemment préférable que cette dette soit privée – les fonds des énergéticiens ont cet avantage –, et que l’opération soit neutre pour les finances publiques. L’enjeu est stratégique pour le plan de financement global de la rénovation thermique.

L’organisation de l’intervention des acteurs publics et privés dans l’expertise, le diagnostic, et l’information constituent un sujet majeur qui porte le nom de « guichet unique ». Les différents échelons de collectivités locales sont concernés, mais les opérations de financement nécessaires ne sont envisageables qu’au niveau régional.

Les contraintes des pouvoirs publics, les conditions de transposition de la directive, le niveau de mobilisation des réseaux bancaires conditionnent la forme que prendra le fonds auquel nous réfléchissons. Nous sommes ouverts sur le sujet. En tout état de cause, il faut injecter des fonds à long terme dès le départ – cela relève de la BEI –, immobiliser des fonds propres et organiser la liquidité du système afin de déboucher sur le marché obligataire.

M. Arnaud Leroy, la BPI est entièrement tournée vers le financement des entreprises en crédits et en fonds propres. Elle contribuera à la rénovation thermique du bâtiment en finançant les entreprises concernées. Son intervention pourrait permettre d’éviter les errements que nous avons connus avec les énergies renouvelables car, si la filière est brillante, elle est aussi en cours de construction. Si les fonds propres et le crédit manquent pour soutenir son développement, la demande risque de s’adresser à d’autres – je pense à un grand pays voisin très performant dans ce secteur.

M. Franck Lacroix. Il faut réfléchir de façon économique à la combinaison de l’efficacité du bâtiment avec le système énergétique territorial. Il sera souvent moins onéreux d’installer des cogénérations que d’isoler des bâtiments alimentés par des systèmes autonomes. Nous devons raisonner de manière globale.

S’il est nécessaire, le raisonnement à l’échelle du bâtiment n’est peut-être pas le plus pertinent. Le niveau intercommunal peut être efficace, comme le démontre l’expérience de Montluçon où l’intercommunalité a enregistré une diminution de plus de 20 % de sa consommation énergétique.

Il faut aussi raisonner en tenant compte des infrastructures de réseaux de chaleurs, et changer d’échelle en passant de réseaux de quartier à des réseaux plus vastes, au niveau des villes, voire des métropoles, pour partager les investissements et valoriser les énergies perdues sur le territoire. Les régions ont également montré leur grande efficacité, notamment au travers des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie. La planification du développement des infrastructures collectives en Île-de-France est un bon exemple.

L’objectif de réduction de 40 % des consommations énergétiques est sans doute très ambitieux, mais aussi très coûteux. Compte tenu des finances publiques et des moyens des Français, il est préférable de raisonner par étapes et de considérer que nous sommes en mesure d’atteindre un premier objectif raisonnable de 20 %.

Je rappelle qu’aujourd’hui 80 % des immeubles de plus de cinquante logements ne sont pas « conduits » en matière d’efficacité énergétique. Or les bâtiments ne se gèrent pas seuls : des professionnels savent régler, comparer et optimiser l’efficacité énergétique.

Les politiques de sobriété énergétique doivent aussi intégrer les usagers. Un degré de chauffage supplémentaire, c’est une augmentation de la consommation d’énergie de 7 %. Imaginez le coût du chauffage pour un bâtiment vide ! À l’international, nous avons dû faire de gros efforts pour éduquer les consommateurs et développer des méthodes pour induire des comportements plus vertueux. Nous créons en France une filière chargée de conseiller les utilisateurs. Contractuellement, nous nous engageons à une baisse de la facture énergétique.

En France, nous gérons 300 installations qui fonctionnent grâce à la biomasse, dont des cogénérations. Notre expérience montre que l’approvisionnement est possible si le projet reste raisonnable. Est-il logique d’aller chercher dans le nord de la France du bois transporté par camion pour alimenter un énorme projet dans le sud du pays ? Small is beautiful. Plutôt que les grands projets, il serait préférable de soutenir les petites cogénérations qui alimentent les réseaux de chaleur améliorant la performance énergétique des bâtiments. Je suggère que l’on donne rapidement un coup de pouce au tarif d’obligation d’achat.

Il me semble légitime qu’à l’échelle de la région, l’on puisse contrôler les filières d’approvisionnement et vérifier que le territoire est bien capable de fournir ce qui lui est demandé sans conflit d’usage. Le préfet de région remplit parfaitement ce rôle. Il faut seulement veiller à ne pas pécher par excès de prudence.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je retiens de vos interventions qu’il est possible de rénover 500 000 logements par an, dès 2016, à condition que l’année 2013 ne soit pas « blanche ». Il est également clair qu’une parole publique et politique forte est nécessaire.

Vous avez par ailleurs insisté sur l’importance de la dimension régionale de cette politique. L’acte III de la décentralisation permettra sans doute de la mettre en œuvre, mais des initiatives ont déjà été prises, par exemple par la région Île-de-France.

L’évaluation des CEE vous a paru nécessaire. La ministre Delphine Batho a chargé la Cour des comptes de ce travail. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’ils ont constitué un effet d’aubaine. Les récentes études cofinancées par l’ADEME qui parviennent à des conclusions particulièrement élogieuses m’inquiètent énormément. Lors de son audition, hier après-midi, j’aurais d’ailleurs dû suggérer à M. Bruno Léchevin, qui devrait devenir président de l’ADEME, de se pencher sur le sujet.

Les chiffres présentés par M. Pierre Ducret montrent qu’il faudra trouver un apport en fonds propres d’origine privée pour réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés.

Je remercie nos invités pour la qualité de leurs interventions. Grâce à eux, les parlementaires présents ont pu mesurer les enjeux et la nécessité de mettre en œuvre rapidement une politique d’efficacité énergétique prenant en compte la réglementation, les outils financiers et le rôle des régions.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 27 février 2013 à 9 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Philippe Martin, M. Rémi Pauvros, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Goldberg, Mme Laure de La Raudière, M. François de Mazières, M. François Rochebloine