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Mardi 12 mars 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, sur les négociations climatiques et les aides au développement

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, sur les négociations climatiques et les aides au développement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souhaite la bienvenue à M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, pour une audition sur les négociations climatiques internationales et les aides au développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. C’est déjà un symbole que le ministre chargé du développement vienne s’exprimer devant votre commission – on m’a d’ailleurs plusieurs fois attribué dans la presse le titre de ministre du développement durable !

Je voudrais évoquer deux questions principales : la façon dont nous intégrons le développement durable dans la politique de développement et l’action de la diplomatie française pour réussir l’accord sur le climat de Paris 2015, qui est conduite conjointement par les ministères chargés de l’écologie et des affaires étrangères.

Sur le premier sujet, je rappelle qu’existent, d’une part, un agenda du développement et de la solidarité internationale sur l’éducation, la santé ou les infrastructures, et, d’autre part, un agenda du développement durable, du climat, de la biodiversité et de la lutte contre la diversification, et que les deux ne sont pas spontanément convergents. Tel est l’enjeu des grandes négociations qui ont commencé à s’ouvrir dans le cadre de l’ONU sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) – à savoir les huit objectifs de lutte contre la pauvreté – et ceux du développement durable, à la suite du sommet de Rio+20, qui doivent être respectivement renouvelés et définis en 2015.

La position française a été affinée avec la société civile dans le cadre des Assises du développement et de la solidarité internationale, conclues le 1er mars dernier, et les positions européennes sont en train de se stabiliser. Je me rendrai demain à New York pour deux jours de réunions de travail à l’ONU sur la définition des futurs objectifs du développement durable. Nous partageons notre siège avec l’Allemagne – ce qui est une première, dont je me réjouis – et la Suisse sur ce sujet.

La France et l’Europe plaident pour une convergence entre ces deux agendas : il s’agit d’un point majeur des négociations internationales des trois années à venir. Il est inenvisageable de poursuivre une politique de développement n’intégrant pas les questions de soutenabilité. C’est d’ailleurs ce que dit la Banque mondiale dans un récent rapport publié juste avant la conférence de Doha sur le climat, dans lequel elle précise qu’un monde connaissant une température de 4 degrés supplémentaires aurait plus d’enfants mourant avant l’âge de cinq ans à cause de l’insécurité alimentaire et de la sécheresse. Au Sahel, il pleut aujourd’hui en moyenne 30 % de moins qu’il y a dix ans ; au Sénégal, à Saint-Louis, l’érosion côtière commence à grignoter la ville. Les pays les plus pauvres sont les plus touchés et les plus vulnérables. Il est illusoire de penser qu’on puisse continuer à se développer avec 9 milliards d’habitants en 2050 comme on l’a fait jusqu’ici.

J’ai pris plusieurs mesures pour intégrer la soutenabilité environnementale dans les politiques de développement – la soutenabilité sociale l’étant par essence dans celles traitant d’éducation ou de santé.

En matière énergétique, nous avons modifié en octobre dernier la stratégie de l’Agence française de développement (AFD) – qui est notre troisième banque publique après la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement (BPI) –, de façon à faire des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique les deux priorités de notre intervention. Cet organisme va prêter entre 5 et 6 milliards d’euros dans les trois prochaines années à des pays du Sud, émergents ou en développement, pour favoriser des investissements dans ce secteur. Le Président de la République a annoncé à cet égard, lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, que nous arrêterons de financer des centrales à charbon sans dispositif de type CCS (capture et stockage de carbone) : nous considérons que soutenir de telles infrastructures est incompatible avec notre agenda de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique.

Dans le domaine agricole, nous sommes en train de revoir la doctrine de l’AFD, de manière à donner la priorité, dans nos investissements sous forme de prêts mais aussi de dons, à l’agriculture paysanne, c’est-à-dire à des formes d’agriculture peu intensives en carbone, et à des circuits courts sur des marchés locaux – plutôt qu’à une agriculture d’exportation sur le marché mondial, qui a sa raison d’être mais ne doit pas forcément être financée par des fonds publics. Nous avons achevé la concertation avec une soixantaine d’organisations de la société civile, du Nord comme du Sud, et allons adopter un texte lors du prochain conseil d’administration de l’AFD fin mars.

S’agissant de la biodiversité, la doctrine évoluera au cours du second semestre 2013 en vue de renforcer sa prise en compte dans les projets financés par l’AFD.

En outre, deux éléments transversaux ont été mis en place.

D’abord – cela est à l’œuvre pour la première fois sous une forme pilote ce mois-ci, avant une instauration définitive en octobre pour tous les projets de l’AFD –, chaque projet fera l’objet, au-delà d’un premier avis bancaire et financier, d’un avis « développement durable » – qui intégrera une méthodologie permettant d’évaluer le projet et de le noter –, au vu duquel le conseil d’administration prendra sa décision. Cela donnera un système de références communes à l’ensemble des projets financés par l’agence.

Deuxièmement, la France s’est donnée pour objectif de porter à 50 % les projets financés ayant des « co-bénéfices » climat – nous allons d’ailleurs atteindre un taux de 45 %.

Notre action est aussi conduite au niveau européen. Le dernier budget européen en matière de politique de développement pour les sept prochaines années est de 27 milliards d’euros. Nous souhaitons intégrer dans cette politique l’objectif de 20 % de projets favorables au climat au travers du Fonds européen de développement (FED) – il n’y a pas aujourd’hui d’objectif de soutenabilité en la matière.

Par ailleurs, la France a proposé d’organiser en 2015 la grande conférence sur le climat. Lorsque j’ai annoncé cette nouvelle dans le cadre du forum des économies majeures, le négociateur chinois a déclaré « vous voulez faire Copenhague sur Seine ! », ce qui montre la difficulté de la tâche ! Cela donne à l’ensemble des acteurs politiques français une responsabilité particulière. Je gère ce dossier pour le ministère des affaires étrangères, sous l’autorité de Laurent Fabius.

Nous devons éviter l’erreur du « tout ou rien » de la Conférence de Copenhague, où l’on a voulu obtenir un accord qui allait changer le monde pour finalement aboutir à peu de chose – ce qui a créé une sorte de « climate blues » freinant toutes les mobilisations. Il convient d’être modeste : la logique voudrait qu’il n’y ait pas d’accord, même si nous allons tout faire pour que ce soit le cas.

Nous commençons à travailler sur plusieurs pistes. D’abord, nous essayons de savoir pourquoi les agendas en vigueur échouent. On voit qu’on est dans un imaginaire du « burden sharing » ou partage du fardeau. Or la capacité de l’humanité à se mettre d’accord sur un tel partage de manière coopérative et pacifique sans que rien ne l’impose est aujourd’hui à peu près nulle, même si l’on peut toujours espérer une forme de sursaut à Paris en 2015. Il y a donc lieu de construire autre chose : d’où l’importance de travailler sur un imaginaire positif en termes de technologies ou de financements et des bonus de coopération pour chaque pays. Nous devons trouver des alliés, au Nord comme au Sud, pour prendre des initiatives à cet égard.

Deuxièmement, on peut se demander si les 100 milliards de dollars que les pays riches ont décidé de consacrer aux pays en développement lors de la Conférence de Copenhague sont publics et additionnels aux actions en cours en matière d’aide publique au développement ou intègrent les fonds privés et ce qui est déjà entrepris. Même si l’on se situait dans le premier cas, l’objectif serait très difficile à atteindre dans le contexte budgétaire actuel, et s’il l’était, cela ne changerait pas grand-chose dans la mesure où ce montant constitue une goutte d’eau par rapport à celui consacré à l’ensemble des infrastructures – au mieux 2 à 3 % – et ne permettrait pas de vraiment lutter contre le changement climatique. Il faut essayer de construire un agenda à la fois plus réaliste politiquement et plus ambitieux, ce qui suppose de faire de l’investissement favorable au climat la norme. On pourrait déjà orienter en ce sens les 100 milliards actuels consacrés à l’aide publique au développement sans qu’il en coûte un euro de plus, autrement dit faire en sorte que les fonds finançant des centrales à charbon ou des modèles agricoles ou énergétiques n’intégrant pas la question climatique le fassent.

La France a une responsabilité particulière car elle dispose d’un appareil diplomatique lui permettant d’être présente à peu près partout dans le monde pour faire avancer ce dossier au cours des trois années à venir. Je compte sur vos idées et vos initiatives pour nous y aider et obtenir un succès diplomatique à Paris en 2015.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai lu que dix fois plus de moyens étaient consacrés par l’AFD  à lutter contre le réchauffement climatique que contre la perte de biodiversité : est-ce toujours le cas ?

M. Jean-Yves Caullet. Au nom du groupe SRC, je retiens de votre propos, monsieur le ministre, la nécessité d’intégrer la responsabilité environnementale et sociale dans la politique publique de développement. On peut en effet difficilement soutenir une divergence entre les agendas que vous avez évoqués, qui serait un grave échec.

S’agissant des outils à mettre en place, notamment dans le cadre de l’AFD, que pouvons-nous envisager comme saut technologique dans l’énergie comme dans l’agriculture, permettant d’offrir un développement ne passant pas par des consommations énergétiques, des investissements ou des dépendances industrielles mettant à mal les efforts en termes de durabilité ? Quand aurons-nous un pilotage numérique solaire pour les instruments de traction agricole ou des matériaux composites allégés pour améliorer les performances d’un certain nombre de paysans pauvres, plutôt que de voir la traction animale diminuer de moitié ?

De nombreux établissements publics français mènent des politiques de coopération en matière de formation vis-à-vis des pays en développement, mais la coordination de leurs actions n’est pas la règle : comment unir davantage ces efforts ?

Concernant l’avis sur le développement durable que vous souhaitez généraliser, comment s’assurer que l’on disposera des compétences nécessaires à cet effet ?

Enfin, nous avons pensé qu’un travail parlementaire pouvait être nécessaire pour préparer la conférence de Paris de 2015, afin de faire converger les positions : comment pourrions-nous coordonner les actions du Parlement et du Gouvernement dans ce domaine ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. À cet égard, je rappelle que nous avons créé une antenne du forum interparlementaire Globe international – une première rencontre de Globe Europe a eu lieu il y a quelques semaines à Paris – et que nous sommes prêts à prendre dans ce cadre des initiatives en la matière.

M. Bertrand Pancher. L'éradication de la pauvreté et le droit au développement sont les deux messages prioritaires adressés par les pays en développement aux pays riches depuis le Sommet de la Terre de 1972. De plus, la conférence de Rio+20 a démontré que l’on ne pouvait plus aborder les questions environnementales sans parler de développement et de progrès social. Je rappelle que la première réunion du Fonds vert pour le climat de l'ONU s'est déroulée à Genève en août dernier et que ce fonds est hébergé en Corée du Sud. Selon l'accord de Copenhague de 2009, il devait mobiliser 100 milliards d'euros d'ici 2020.

Or ce fond est actuellement vide et les nations sont confrontées à la crise. En outre, le mécanisme technologique et le comité d'adaptation – les deux autres institutions onusiennes d'aide au développement – ne sont pas encore opérationnels. L'urgence est d'abord de donner des signaux politiques sur les financements de ce fonds vert.

La France consacre 0,46 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide aux pays pauvres, ce qui a représenté 9,35 milliards d'euros en 2012. Le 1er mars, lors des Assises du développement et de la solidarité internationale, le Président de la République a affirmé que, malgré les difficultés actuelles, nous conserverions une « politique ambitieuse de développement ». Il a également annoncé une loi d'orientation, la création d'un Conseil national du développement et de la solidarité et le doublement de la part de l'aide au développement délivrée par les organisations non gouvernementales (ONG).

Les moyens préconisés sont de trois ordres : une part importante de la taxe sur les transactions financières, la taxe de solidarité sur les billets d'avion, qui sera réactualisée, et les moyens supplémentaires qu’auront les collectivités territoriales pour financer leur coopération décentralisée. En outre, la loi Oudin-Santini pourra être appliquée aux déchets – j’avais déposé à cet égard un amendement, qui a été adopté par notre commission mais non repris malheureusement lors du débat budgétaire.

Toutefois, selon les ONG, les enveloppes budgétaires ne correspondent pas aux annonces du Président de la République et la Coordination Sud regrette que la politique de développement n’ait pas intégré la responsabilité sociale et environnementale, qui pourrait être développée au travers de mécanismes nouveaux.

Je souhaite, dans ces conditions, vous poser plusieurs questions au nom du groupe UDI : quelle mobilisation française est exactement prévue ? Comment s'organisera-t-elle ?

Les ONG demandent que la France tende vers l'objectif mondial fixé par l'ONU de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement : qu'en sera-t-il ?

Par ailleurs, quel est le calendrier prévu pour permettre aux collectivités territoriales de disposer de moyens supplémentaires pour financer leur coopération décentralisée ? Combien rapportera le mécanisme envisagé, qui ne devrait être qu'incitatif ?

Beaucoup de problèmes et d'interrogations subsistent également sur la gouvernance du Fonds vert : le choix de son directeur, la transparence des réunions du conseil d’administration, le mandat et la sélection des observateurs actifs en son sein. Quelle est la position de la France en la matière ?

Concernant la lutte contre la déforestation, quelles sont vos préconisations ? Je rappelle que les chances de mise en place d'un mécanisme de réduction contre la déforestation, effectif au niveau international, sont malheureusement faibles, le financement de l’initiative REDD étant fortement conditionné à l'élargissement du mécanisme de Kyoto.

Enfin, n'est-il pas temps de réfléchir au conditionnement de certaines de nos réductions d'impôts à des pratiques en faveur d'un développement international partagé – je pense aux actions des fondations d'entreprises et aux placements des produits des assurances-vie en faveur de l'épargne responsable ?

M. Denis Baupin. Les politiques de développement et d’environnement sont en effet extrêmement liées. Tant qu’on ne sera pas capable d’apporter une réponse commune dans ces domaines, on n’aboutira pas.

Le fait que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ait obtenu le Prix Nobel de la paix montre que le dérèglement climatique est bien plus qu’une question environnementale : il soulève celle de savoir si nous serons capables de concevoir l’avenir des 9 milliards d’habitants de la planète en 2050.

2015 sera une année très importante, au cours de laquelle sont prévus à la fois un accord planétaire sur le dérèglement climatique, la réévaluation des objectifs du Millénaire pour le développement et l’élaboration des objectifs de développement durable issus de la conférence de Rio+20. Cette tâche très lourde peut constituer une opportunité de sortir de l’équation complexe à laquelle nous sommes confrontés dans le cadre d’un accord global.

Cela implique que nous modifiions la façon dont nous abordons les choses : il faut en effet apporter un imaginaire positif, qu’il convient d’assortir d’une négociation de droits et de devoirs pour l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des efforts en termes d’émissions de CO2 ou d’aide au développement. Les 100 milliards de dollars évoqués ne représentent qu’un quinzième des dépenses planétaires annuelles d’armement : si l’on regarde les enjeux géopolitiques liés à une mauvaise gestion du dérèglement climatique, il ne serait pas absurde que cette somme serve à prévenir les conflits.

Il faut essayer d’élaborer de nouvelles réponses sur les mesures mises en place au niveau planétaire. On observe à cet égard une évolution positive en matière de développement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, des fiscalités de lutte contre le dérèglement climatique ou des marchés du carbone.

Quels sont les alliés privilégiés de la France pour mener les négociations en vue de 2015 ? Quelle posture l’Europe peut-elle prendre en termes de propositions pour aller au-delà de l’objectif des « trois fois vingt » et le porter par exemple à « trois fois quarante-cinq » à l’horizon de 2030 ? Quelle analyse faites-vous de l’évolution des États-Unis avec la nouvelle équipe présidentielle américaine ? Observe-t-on un changement de posture de leur part pouvant permettre de débloquer la situation ?

Je suis également favorable, au nom du groupe écologiste, à associer le plus grand nombre d’acteurs aux niveaux national et international, notamment les parlementaires pour la réussite de la conférence de Paris en 2015.

M. Olivier Falorni. Au nom du groupe RRDP, je suis heureux, monsieur le ministre, de votre présence parmi nous aujourd’hui.

S’agissant de l’aide au développement, j’aborderai l’exemple du Mali. Les forces françaises sont intervenues avec succès afin de mettre un coup d'arrêt au fondamentalisme : nous pouvons saluer leur courage et leur détermination. Mais Tombouctou, Gao et bien d'autres villes et villages sont un champ de ruines : il va falloir reconstruire.

Les collectivités locales sont un relais essentiel pour la dynamisation des rapports économiques bilatéraux. En ce sens, la coopération décentralisée est un levier extraordinaire pour l'essor des contrats passés par les entreprises françaises et l'aide à la pénétration du marché national par les entreprises maliennes. Si les associations sont actives dans ce domaine – particulièrement dans mon département –, elles sont aussi au bord de l'asphyxie : les aides provenant des régions et des collectivités locales sont de moins en moins nombreuses en raison du contexte budgétaire et elles ne peuvent prétendre à une aide de l'État dans le cadre de la coopération décentralisée.

Vous avez repris un certain nombre de mesures du rapport Laignel, notamment la continuité du budget, la tenue chaque année d'une conférence « Diplomatie et Territoires » et la création d'un fonds d'urgence. Dans quelles conditions prendront-elles concrètement forme et selon quel calendrier ?

Le 1er mars, lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, le Président François Hollande a fixé trois objectifs, dont celui de contribuer à l'essor des pays en développement, en donnant au Mali toutes les conditions nécessaires pour assurer son développement une fois les opérations militaires terminées.

Malgré tout, l'aide française d'aide publique au développement stagne et, en dépit de taux de concentration croissants en faveur de l'Afrique, on ne peut que constater la diminution des moyens en subventions. Nous pouvons cependant saluer l'attribution de l'enveloppe de 150 millions d'euros gelée après le coup d'État de mars 2012, dont la distribution se fera en fonction de la feuille de route qui a été établie : pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

La mise en place de la taxe sur les transactions financières, dont 10 % des recettes seront affectés au développement, est une bonne chose. La Commission européenne ainsi que les onze pays engagés dans la voie de la coopération renforcée s'attendent à des recettes de l'ordre de 35 milliards d'euros pour 2014 : qu'en est-il réellement ? Les ONG ont fait part de leur inquiétude sur le manque d'engagement concernant la réalisation des Objectifs du millénaire, et ce malgré la promesse de porter la part de l'aide de la France transitant par les ONG de 1 à 2 %.

En matière climatique, il y a urgence : la Banque mondiale redoute une hausse de la température de la planète de 4 degrés d'ici 2100, voir 2060, si rien n'est engagé d'ici là. Alors que les pays en développement en subiront les plus forts effets, la France ne sera pas en reste : l'effort que doit fournir notre pays pour s'adapter à ces changements est considérable. Les politiques publiques évoluent depuis quelques années et le budget alloué au changement climatique est de plus en plus conséquent, se situant à 33,4 millions d’euros ; cette action, bien que modeste au regard des enjeux, est louable. Or vous êtes un ministre très engagé dans la solidarité climatique et le programme mis en route au Cambodge sur la compensation en CO2, permettant de réduire les dépenses dans les pays du Nord afin d'aider les pays du Sud, est prometteur. Pensez-vous engager d'autres actions de ce type dans différents pays ?

M. Philippe Plisson. Alors que le processus de changement climatique évolue plus rapidement que le plus pessimiste des scénarios du GIEC, il est inquiétant que les plus grandes nations restent dans la logique du « tout pour la croissance » : la dernière conférence des Nations unies sur le changement climatique a été fortement critiquée par les organisations environnementales, qui ont parlé de fiasco absolu. Il aura fallu pas moins de 18 réunions internationales de cette organisation pour se mettre d’accord sur le minimum : une extension de huit années du protocole de Kyoto, qui expirait le 31 décembre 2012. Si les 190 pays participant à la conférence mondiale ont décidé de poursuivre leurs efforts pour trouver une solution en 2015 à la conférence de Paris, vers quel type d’accord nous dirigeons-nous ? Quel est le programme de travail pour y arriver ? Vous semblez afficher une ambition limitée pour éviter d’être déçu : face à l’urgence, ne sommes-nous pas déçus de n’avoir que des ambitions limitées ? (Sourires)

Qu’en est-il des 100 milliards du Fonds vert pour le climat ? Qu’adviendra-t-il de l’article stipulant que ses engagements financiers ne seront honorés que lorsque les circonstances financières des pays le permettront ? Quelles sont les solutions prévues pour les pays insulaires et les perspectives pour la protection de l’environnement et le développement des énergies renouvelables en Afrique ?

M. Guillaume Chevrollier. Je souhaiterais vous alerter sur la question des déchets dans les pays les moins avancés (PMA), notamment en Afrique. Nombre de ces pays récupèrent en effet des pays occidentaux des déchets en leur donnant une deuxième, voire une troisième vie ; comment sont-ils traités quand ils sont transformés, sachant que certains peuvent contenir des produits dangereux ? Quelle est votre position sur ce sujet, qui pourrait constituer un véritable enjeu de coopération entre le Nord et le Sud ?

M. Yann Capet. Je salue la feuille de route du Gouvernement tendant à lier négociations sur le développement durable et aide au développement. On sait que la trilogie lutte contre la pauvreté, développement et développement durable, est une condition du succès. Il est essentiel de consacrer la participation de l’ensemble des acteurs contribuant à celui-ci, qu’il s’agisse des ONG, des parlementaires ou des collectivités territoriales. Ces dernières sont souvent en avance, y compris dans les États les plus climatosceptiques, notamment les États-Unis : leur rôle dans le cadre des coopérations décentralisées et des transferts d’expérience et de technologie – au travers des projets de coopération à l’initiative du ministère des affaires étrangères –, leurs compétences propres – facilitant ce transfert de savoir-faire vers les collectivités étrangères –, et leur échelle – permettant des changements de comportement et une meilleure association des citoyens, y sont pour beaucoup. Elles disposent à cet effet d’outils tels que les conventions de coopération ou la loi Oudin-Santini : comment envisagez-vous de renforcer leur rôle dans le cadre des négociations à venir ?

M. Yannick Favennec. La Conférence de Doha s’est achevée le 8 décembre par un accord a minima, insuffisant mais nécessaire, dans la mesure où il permet de prolonger le protocole de Kyoto jusqu’en 2020 dans les conditions souhaitées par l’Union européenne : renforcer la mobilisation politique vers un accord mondial en 2015 et répondre aux pays en développement en matière de réparation des pertes et dommages dus au changement climatique – sans pour autant céder à leurs demandes de compensation financière. La France a notamment fait valoir la mobilisation de la taxe sur les transactions financières et la poursuite de son soutien aux actions de lutte contre le réchauffement climatique, notamment par le biais de l’AFD, dont la moitié d’entre elles est consacrée à cette fin.

Avez-vous l’intention de mobiliser le Parlement français en vue de la conférence de Paris en 2015 ? Si oui, comment ?

M. Christophe Priou. Lors des Assises du développement et de la solidarité internationale, on a parlé d’une loi d’orientation qui pourrait être débattue au Parlement au début de 2014 : qu’en est-il exactement ?

Un rapport de la Cour des comptes de juin 2012 a souligné trois travers de la politique française d’aide au développement : l’absence de priorités géographiques, l’éparpillement des responsabilités entre ministères et l’usage croissant des prêts – au détriment des dons – certes coûteux budgétairement mais plus adaptés aux capacités des États les plus démunis.

Comment à cet égard mieux coordonner les actions de coopération mises en place par les collectivités territoriales ? Dans ma région, nous avons par exemple un partenariat avec des pays africains à travers des producteurs de sel. Ce partenariat fonctionne bien, sans mobiliser des crédits importants : il faut savoir se nourrir de ce type d’expériences qui ont fait leurs preuves depuis des décennies !

M. Philippe Noguès. Je suis d’accord pour intégrer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises dans le cadre de la refonte de la politique française d’aide au développement, à condition de prendre les dispositions nécessaires pour ne pas exclure les PME locales des appels d’offre.

Le conseil d’administration de l’AFD a validé en octobre dernier le principe selon lequel, dorénavant, l’ensemble des appels d’offre comportera des clauses sociales et environnementales. Les opérations financées par Proparco peuvent par ailleurs être soumises à une démarche de maîtrise des risques environnementaux et sociaux. Ces mesures sont-elles concrètement mises en place ? La prise en compte des critères sociaux et environnementaux est-elle aujourd’hui systématique dans les appels d’offre et les décisions de l’AFD ?

Le Gouvernement a annoncé, lors de la Conférence environnementale, la création d’une plateforme interministérielle, qui semble tarder à se mettre en place : quand sera-t-elle effective ?

Mme Catherine Quéré. Lorsque les projets soumis à l’AFD répondent à tous les critères requis, les aides sont-elles attribuées quel que soit le pays concerné ?

Mme Brigitte Allain. Concernant la biodiversité, quelles mesures internationales doit-on mettre en place pour lutter contre les effets nocifs de la brevetabilité du vivant – de nombreuses plantes ayant été accaparées dans des pays en voie de développement ?

Par ailleurs, les semenciers réussissent à proposer leurs semences génétiquement modifiées aux pays en développement, en risquant de placer les paysans dans une position de soumission mais aussi de porter gravement atteinte à l’environnement – je pense notamment aux plantes insensibles aux désherbants ou aux OGM insecticides qui risquent de déséquilibrer la biodiversité animale. Par ailleurs, les pays en développement subissent une concurrence déloyale de nos produits industriels. Une réforme de fond de la politique agricole commune n’est-elle pas indispensable pour permettre un réel développement intracontinental ? L’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne doit-elle pas se conformer aux droits de l’homme et au respect de l’environnement ?

M. Christian Assaf. Les modifications environnementales, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou de la raréfaction de certaines ressources, ont des implications importantes sur le développement de certains États. Les pays en développement se trouvent souvent démunis autant face aux crises ponctuelles que vis-à-vis de ces évolutions de long terme – je pense par exemple aux événements climatiques extrêmes à répétition, qui font peser de lourdes menaces sur la sécurité alimentaire de certaines régions du monde, ou à la situation préoccupante de pays insulaires, sans parler de la difficulté croissante à pratiquer certaines activités comme la pêche, en raison de l’épuisement des écosystèmes. Ces phénomènes touchent les populations les plus pauvres, dont l’indigence ne fait qu’aggraver la situation : comment, dans ce contexte, l’aide française au développement accompagne-t-elle ces évolutions ? De quelle façon aidons-nous ces pays à faire face à ces changements ? S’il est important de lutter contre le changement climatique, il est également nécessaire de s’adapter à ses conséquences.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Lors de la conférence d'Hyderabad, des engagements ont été pris de doubler les fonds consacrés à l’aide à la lutte contre la perte de biodiversité à l’horizon de 2015 : comment cet objectif sera-t-il atteint ?

M. le ministre. S’agissant de la responsabilité sociale des entreprises, vous avez raison de dire qu’elle constitue un axe déterminant. C’est la raison pour laquelle nous avons doté l’AFD d’une nouvelle doctrine en octobre dernier pour que tous les appels d’offre comportent des critères sociaux et environnementaux définis et contrôlés ; nous sommes en train de la mettre en place.

La question est de savoir si l’on doit continuer à faire du « moins-disant », en ayant en amont sélectionné les entreprises sur la base du respect de ces critères, ou si l’on passe au « mieux-disant », sachant que l’AFD cofinance la plupart de ses projets, ce qui suppose de faire partager notre point de vue par les autres partenaires. C’est ce que nous sommes en train de faire auprès de l’Union européenne et de la Banque mondiale – dont les règles sont en cours de révision –, mais cela prend du temps. Si les règles de l’AFD seront modifiées au milieu de cette année, elles n’entreront pleinement en vigueur que lorsque nos partenaires auront adopté la même position.

En ce qui concerne le rôle du Parlement, je vous invite à nous faire part de vos propositions – votre commission a un rôle particulier à jouer dans ce domaine – ; nous les prendrons en compte.

À travers le partenariat que constitue Globe international, que j’ai rencontré à Doha, vous pouvez identifier les obstacles au déploiement des énergies renouvelables. Dans les pays du Sud, on butte d’abord dans ce domaine sur des obstacles techniques et réglementaires – le fait par exemple que les sociétés d’électricité ne sont pas en mesure de gérer une source intermittente sur des réseaux extrêmement faibles ou saturés. Les analyser nécessite souvent une volonté politique locale en complément des financements internationaux. Nous avons suivi avec beaucoup d’attention le travail réalisé par la Norvège et le PNUD sur ce sujet : il donnera lieu à un rapport qui sera publié dans quelques semaines. La gouvernance d’une société d’électricité demande la plupart du temps des évolutions managériales, réglementaires ou législatives : les parlementaires des pays concernés ont donc un rôle primordial à jouer en la matière et votre action peut être utile à cet égard. Nous pourrions vous faire parvenir la liste des pays dans lesquels nous travaillons. Nous allons déployer par exemple dix assistants techniques sur une plateforme intitulée « Énergies durables pour tous », qui permettront de lever ces obstacles : nous pourrions indiquer dans leur feuille de route qu’ils auront à travailler avec les parlementaires ; Globe international serait une instance appropriée pour une telle coopération.

Concernant l’innovation, nous pensons que l’aide publique au développement doit s’inscrire dans une logique d’innovation d’ensemble – technologique ou non. Pour les Kenyans, le mobile banking – ou paiement mobile – est ce qui a le plus changé leur vie ces dernières années. De même, la microassurance permet, à côté du microcrédit, d’assurer contre les changements climatiques les petites organisations paysannes ou coopératives qui n’ont pas accès au marché international de l’assurance. C’est la raison pour laquelle j’avais fait de l’innovation l’un des cinq chantiers des Assises du développement et de la solidarité internationale.

Dans l’agenda climatique, nous pourrions gagner à identifier une quinzaine à une trentaine de technologies – ou d’objectifs impliquant des changements technologiques – constituant des passages obligés pour réussir les négociations et piloter ensuite notre aide publique au développement – qui contribue à financer ces technologies – par les résultats. La Fondation Bill & Melinda Gates a par exemple lancé un appel d’offre international auprès de centres de recherche pour trouver les toilettes du futur, conciliant les contraintes financières et écologiques pour les populations qui en manquent : si le prototype n’est pas encore déployable, compte tenu de son coût, de l’ordre de 1200 dollars, une réponse technique a pu être élaborée. Nous pourrions ainsi adopter une gouvernance des projets, non seulement par les moyens, mais aussi par les résultats et les objectifs.

Nous avons aujourd’hui 4 000 chercheurs au sein de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) qui sont mobilisés pour le développement et la recherche au Sud : nous pourrions plus clairement leur indiquer ce qu’on leur demande de trouver – ce que nous avons d’ailleurs commencé à faire.

Quant à la taxe sur les transactions financières, je rappelle que la France a été le premier pays à l’instaurer au plan national et à affecter 10 % de son produit au développement. Cette année, cette part a été consacrée à l’accès à l’eau et à la santé, notamment au Sahel et, l’an prochain, elle le sera pour moitié au Fonds vert – sachant que nous attendions que les règles de celui-ci soient fixées pour le faire, ce qui a permis de peser davantage sur leur définition.

Vous avez un rôle à jouer dans la négociation européenne en la matière. L’étude de la Commission européenne a évalué le montant des recettes à 35 milliards d’euros, ce qui est considérable. Il serait paradoxal, alors que cette taxe a vocation à financer les biens publics mondiaux, dont le développement, la lutte contre le changement climatique, la pauvreté ou le Sida, qu’aucune recette ne soit affectée à ce qui l’a historiquement légitimée. Or certains pays comme l’Espagne, l’Italie ou l’Autriche sont assez réservés, voire hostiles, à ce qu’une partie de cette taxe européenne soit consacrée au développement. Le Président de la République a pourtant redit le 1er mars dernier qu’il souhaitait qu’une part significative de celle-ci le soit. J’ai essayé moi-même de convaincre différents partenaires de l’intérêt de cette mesure. Nous pourrions avoir dans ce domaine une action commune en raison de votre capacité à peser sur les décisions prises par les autres parlements européens. Si la France est pilote sur ce sujet, nous avons besoin d’alliés car nous ne sommes pas majoritaires.

Au sujet du Mali, la stratégie française repose sur trois piliers : le pilier militaire, le pilier politique – faire en sorte qu’il y ait un dialogue politique menant à des élections et à un gouvernement démocratique, ce qui est de la responsabilité des Maliens – et le pilier du développement. Mon objectif est de contribuer à gagner la paix, ce qui veut dire, par exemple, faire en sorte que les élections puissent se tenir, ce qui suppose que les 400 000 réfugiés et déplacés rentrent chez eux et que les conditions matérielles de ce retour soient réunies.

Je me concentre sur ce qui n’est ni l’humanitaire ni le développement stricto sensu, ce que l’on appelle la réhabilitation – que la plupart du temps on rate. En effet, nous savons mener des missions humanitaires – d’ailleurs les ONG nous disent qu’au Mali, la situation humanitaire est à peu près sous contrôle – de même que de grands projets de développement sur deux à trois ans, mais il faut réussir les « six mois » de reconstruction, ce qui veut dire par exemple rétablir l’eau à Tombouctou, l’électricité à Gao ou faire en sorte que le centre de santé de Kidal fonctionne à nouveau. Nous nous sommes mis d’accord sur une liste de priorités avec l’Union européenne et la Banque mondiale, après en avoir discuté avec le gouvernement malien, pour nous répartir le travail. Je rappelle qu’aujourd’hui, à Tombouctou et à Gao, les habitants vont chercher leur eau dans le fleuve Niger, ce qui présente des risques pour la santé. La responsabilité de la France – la mienne en particulier – a été de mettre tous les donateurs autour de la table pour gagner ces « six mois ». Nous organiserons d’ailleurs mi-mai à Bruxelles une grande conférence internationale des donateurs présidée par la France et l’Union européenne, en présence du Président de la République, afin de mobiliser le monde entier.

Les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer à cet égard. Nous organiserons le 19 mars à Lyon une réunion ayant vocation à mobiliser les 100 collectivités locales ayant un partenariat avec le Mali pour définir le type de coopération que nous voulons, ses priorités et la répartition des rôles. Les élus locaux pourront écouter à cette occasion des représentants de la société civile, de l’État malien et des grandes organisations internationales, afin de mieux comprendre la situation sur place.

Nous souhaitons qu’une partie substantielle de l’aide passe par ces collectivités, dont le rôle est en effet de plus en plus marqué. Cela nous paraît correspondre à une logique de décentralisation, qui constitue une part de la solution politique dans ce pays. De plus, cette approche donne lieu à des circuits financiers plus directs et mieux contrôlés.

Vous avez cité, monsieur Falorni, le rapport Laignel : je rappelle que 5 000 collectivités locales ont des actions de coopération décentralisée. Plusieurs mesures ont été retenues dans ce domaine : la sanctuarisation des crédits budgétaires pour la coopération décentralisée – ce qui n’était pas évident –, la transformation du concept de coopération décentralisée en un dispositif davantage lié à l’action extérieure des collectivités, ainsi que, après une étude d’impact, l’extension de la loi Oudin-Santini à la gestion des déchets.

En ce qui concerne les négociations climatiques, je souhaite vous faire part de premiers éléments – je vous répondrai après mon audition personnellement sur les points que je n’aurais pas eu le temps d’aborder.

Nous souhaitons écrire un nouvel agenda nous permettant de lever les obstacles actuels, de manière à réussir à Paris là où toutes les autres conférences ont échoué auparavant.

On observe un petit changement aux États-Unis : les discussions entre Laurent Fabius et John Kerry le laissent penser. Mais sur la question, par exemple, d’un accord légalement contraignant tel que nous l’entendons en Europe, la position américaine reste inchangée. Ce pays reste attaché à une approche « bottom-up » – reposant sur des engagements nationaux – en invoquant l’absence de majorité politique pour ratifier ce type d’accord. Or cette approche a montré ses limites : elle est très en deçà de ce qu’il faudrait opérer pour limiter une augmentation de la température à deux degrés. Nous devons trouver un compromis entre ces deux conceptions : la pure approche inverse – « top-down » – se heurterait très vite à un refus, non seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine ou du Brésil.

À la mi-avril, un forum des économies majeures se tiendra sur ce sujet : il permettra de voir si les États-Unis entrouvrent de nouvelles portes.

Quant à nos alliés, ils sont de trois ordres. En premier lieu, les pays riches, contributeurs financiers, qui auront à prendre des engagements fermes – nous travaillons par exemple avec les Norvégiens sur les questions énergétiques ou avec les Britanniques sur l’agenda du financement et les marchés de carbone. La France est à cet égard passée dans le camp des États européens qui soutiennent des règles plus ambitieuses – par exemple autoriser la Commission européenne à modifier le nombre de quotas en circulation pour augmenter le prix du carbone. Deuxième catégorie d’alliés : les progressistes au sein du G77 et des pays émergents, comme le Mexique, l’Indonésie ou l’Afrique du Sud, avec lesquels nous devons construire des agendas communs – l’agenda technologique ou celui du financement par exemple. Enfin, les pays les plus vulnérables, avec lesquels nous devons également élaborer un agenda commun et à qui nous devons aussi proposer quelque chose d’acceptable, de plus ambitieux que ce qui leur a été proposé à Copenhague, notamment en matière de financement.

Cela implique une diplomatie active de la part de la France. C’est la raison pour laquelle nous avons un nouvel ambassadeur sur le climat, que les services des ministères de l’écologie et des affaires étrangères travaillent ensemble, ou que nous avons envisagé d’organiser une session entière consacrée à la négociation climatique lors de la prochaine journée des ambassadeurs, de façon à ce que ceux-ci soient sensibilisés à cette priorité.

Mais nous avons aussi besoin de vos initiatives ainsi que des collectivités locales. Nous réfléchissons à cet égard à la forme que pourrait prendre l’association de celles-ci à la négociation de 2015 – cela correspond à une grande revendication des réseaux internationaux des collectivités. Vous pourriez également participer à ce travail.

(Applaudissements sur divers bancs)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour cet échange fructueux et intéressant.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 12 mars 2013 à 17 heures

Présents. - M. Christian Assaf, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal

Assistait également à la réunion. - Mme Brigitte Allain