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Mardi 26 mars 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 47

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition de M. Jean-Louis Bianco, chargé par le Gouvernement d’une mission de concertation sur la réforme du système ferroviaire

– Informations relatives à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Jean-Louis Bianco, chargé par le Gouvernement d’une mission de concertation sur la réforme du système ferroviaire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Nous avons le plaisir d’accueillir Jean-Louis Bianco, ancien ministre des transports, auquel le Gouvernement a confié une mission de concertation sur la réforme de notre système ferroviaire, parallèlement aux missions confiées au président de Réseau ferré de France (RFF), M. Jacques Rapoport, au président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, et au président de la région Pays de Loire, M. Jacques Auxiette.

M. Jean-Louis Bianco nous fait l’amitié de nous livrer en primeur les premières conclusions de son travail sur cette réforme attendue, qui peut donner l’occasion d’une œuvre collective enthousiasmante. Sans plus tarder, je lui cède la parole.

M. Jean-Louis Bianco, ancien ministre des transports. Je suis accompagné de M. Claude Sardais, inspecteur général des finances qui est mon adjoint dans cette mission, et de M. Ludovic Espinasse, ingénieur des ponts et chaussées.

La mission que m’a confiée le Gouvernement est transversale. Contrairement à ce que certains ont pu croire, elle ne porte pas seulement sur la dimension sociale du projet de réforme. Bien que conduite en étroite liaison avec le ministre des transports, M. Frédéric Cuvillier, ma mission est clairement interministérielle. Ma lettre de mission porte d’ailleurs aussi le paraphe du ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici, et du ministre chargé du travail, de l’emploi et du dialogue social, M. Michel Sapin. Les missions confiées respectivement à M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, tout récemment reconduit dans ses fonctions, et M. Jacques Rapoport, nouveau président de Réseau ferré de France (RFF), sont de nature différente : il leur est demandé à chacun comment en tant que président d’entreprise ils voient leur tâche dans la perspective de la réforme. M. Jacques Auxiette a été chargé, lui, de travailler auprès des régions qui, depuis la décentralisation, ont endossé le rôle d’autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs. Votre collègue Philippe Duron, pour sa part, travaille, dans le cadre de la commission Mobilité 21, à faire le tri parmi les très nombreux projets du Schéma national d’infrastructures de transport (SNIT). Toutes ces commissions échangent bien sûr et travaillent ensemble, même si au final chacune assumera la responsabilité de ses propres propositions. Mais je n’ai pas de raison de penser qu’avec M. Jacques Auxiette par exemple, nous ayons de grandes divergences.

Il est prévu que je remette mes conclusions au Gouvernement vers le 15 avril. Au-delà, nous présenterons à nos concitoyens, nombreux à s’intéresser à la SNCF qui fait partie de notre patrimoine national, un document grand public résumant ce que nous avons appris des quelque deux cents personnalités et organisations que nous avons entendues, expliquant le raisonnement qui a été le nôtre, exposant nos constats et nos conclusions.

Aux termes de ma lettre de mission, la concertation que je dois conduire s’articule autour des quatre axes principaux de la réforme. Premier axe : unifier l’organisation de notre système ferroviaire, de façon qu’il réponde pleinement aux besoins des usagers. Deuxième axe : assurer l’efficacité économique et la pérennité de ce système, aujourd’hui lourdement endetté. Troisième axe : définir un nouveau pacte social, fondé sur un cadre modernisé, applicable à l’ensemble des entreprises de la branche. Quatrième axe : préparer l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence à l’horizon de 2019 et garantir que cette concurrence sera équitable.

Je ne sais pas encore comment s’intitulera exactement notre rapport final, mais je pense que nous oserons parler non de réforme, mais de refondation. Pour répondre aux objectifs fixés par le Gouvernement, il faut en effet repenser l’ensemble du système. En ayant tout d’abord une vision européenne : il serait grand temps de mettre en place un réseau trans-européen – ce serait d’ailleurs l’occasion de parler d’Europe de façon concrète et positive, avec à la clé de l’activité et des emplois, induits par les travaux nécessaires. En repensant également le transport « de bout en bout » avec à l’esprit l’intermodalité indispensable. En revenant aussi sur la séparation entre RFF et la SNCF qui a été source de dysfonctionnements et de coûts supplémentaires. Enfin, en élargissant la réflexion au-delà des questions de gouvernance. Il s’agit de penser un véritable système industriel capable de produire, s’agissant du gestionnaire des réseaux, des sillons – c’est-à-dire des réservations de voies pour certains types de trains à certaines heures – mieux adaptés à la demande, et pour les opérateurs ferroviaires, essentiellement la SNCF, une offre renouvelée répondant mieux aux besoins des usagers et du pays.

On a trop tendance à raisonner en circuit fermé : il y a certes RFF et la SNCF, mais aussi les opérateurs privés de fret ferroviaire, et bien sûr le grand concurrent que constitue le transport routier. Plus que jamais, la puissance publique – État, Gouvernement, Parlement et régions – doit se placer au cœur du dispositif. Ainsi nous semble-t-il indispensable que ce soit le Parlement, et non l’autorité de régulation ou un pôle public, fût-il unifié, qui décide des investissements et assure le suivi des contrats de performance. Nous en ferons la proposition.

Un large consensus se dégage pour réunifier RFF avec les directions de la SNCF dont le métier est étroitement lié aux voies. Le nouveau gestionnaire d’infrastructure unifié (GIU) regrouperait donc RFF, la direction de la circulation ferroviaire et SNCF Infra, qui assurent la maintenance, la modernisation et le développement des voies. Alors que RFF n’emploie aujourd’hui que quelque 1 700 personnes, le nouvel ensemble n’en compterait pas moins de 50 000. Je salue l’esprit de collaboration dont font preuve M. Pepy et M. Rapoport. Les personnels de leurs deux entreprises, comme nous avons encore pu le constater tout à l’heure à la gare du Nord, travaillent déjà ensemble et souhaitent continuer de le faire.

Créer un pôle public ferroviaire unifié ne signifie pas revenir à une entreprise verticale intégrée comme a pu l’être la SNCF par le passé, à une administration des chemins de fer. Même s’ils sont étroitement liés, « produire du rail » et « produire du train » demeurent deux métiers différents. Pour des raisons de clarté d’organisation, d’efficacité opérationnelle, mais aussi par souci de service public, il est devenu indispensable de recréer un pôle public, tout en garantissant l’impartialité du gestionnaire d’infrastructure qui devra donner accès au réseau à tous les opérateurs ferroviaires, actuels et futurs entrants, dans des conditions équitables.

L’approche de la Commission européenne la concurrence était une fin en soi. Or, nous pensons que celle-ci n’est qu’un outil. Le système ferroviaire est plus contraint que l’aérien ou la route puisqu’il y a le rail et le train qui circule sur ce rail. Sa situation n’est pas non plus comparable à celle des réseaux électriques, encore moins à celle des réseaux de télécommunications. Pour qu’il fonctionne bien, il faut que ceux qui sont chargés des trains et ceux qui sont chargés des voies travaillent ensemble, plutôt que d’imposer une séparation artificielle. Le souci d’efficacité lui-même a conduit nos voisins britanniques, qui étaient allés à l’extrême dans la privatisation et l’étanchéité des fonctions, à revenir à une part d’intégration. Notre souci n’est pas de nous affirmer idéologiquement comme pro ou anti-concurrence mais seulement de permettre que ce qui marche bien aujourd’hui continue à bien marcher et d’améliorer ce qui fonctionne moins bien.

La Commission indique désormais qu’il est deux systèmes possibles : celui de la séparation, comme aujourd’hui en France avec RFF et la SNCF, et celui de l’intégration, le commissaire Siim Kallas ne cachant pas sa préférence pour le premier. Mais au nom du principe de subsidiarité, nous avons le droit de choisir le second. Les discussions vont porter maintenant sur les conditions de l’impartialité et de la transparence du gestionnaire de l’infrastructure. Autant il convient, c’est le cas aujourd’hui en France, que le gestionnaire des voies soit indépendant et impartial dans la fixation des tarifs de péage et l’attribution des sillons, autant pour le reste, excepté le secret commercial nécessaire sur certaines opérations, point n’est besoin de « muraille de Chine » entre lui et l’opérateur ferroviaire. La transparence nous paraît plus importante que l’étanchéité. L’essentiel est qu’un contrôle soit possible, par l’autorité de régulation et par le Parlement.

Le manque de financement de notre système ferroviaire – ce terme me paraît plus approprié que ceux de dette ou de déficit – oscille entre 1,2 et 1,5 milliard d’euros par an. Dans le même temps, chacun s’accorde à considérer qu’il faut investir davantage que par le passé dans l’entretien, la modernisation et le développement du réseau actuel : n’oublions pas que 90 % des voyageurs empruntent d’autres trains que les TGV. Contrairement à ce que certains veulent laisser accroire, nous ne sommes pas « anti-TGV » ou « anti-LGV ». Nous pensons seulement que l’effort doit porter en priorité sur les zones congestionnées ainsi que sur la qualité de la desserte et de l’offre dans les zones rurales, avant la réalisation de nouvelles lignes à grande vitesse. Il appartient au Gouvernement et au Parlement, en un mot à la nation, et non aux entreprises ferroviaires elles-mêmes, de rendre les arbitrages sur le sujet.

Rapportée au chiffre d’affaires et au volume d’activité, la dette actuelle n’est pas aussi considérable qu’il pourrait y paraître. Nous disons donc qu’il faut pour l’heure s’attacher à la contenir et trouver les moyens de financer 1,2 à 1,5 milliard par an. Car il faut continuer d’investir, et surtout ne pas tomber dans une logique régressive où, par manque de crédits et peur de s’endetter, les investissements reculent, si bien que la qualité du service se détériore et que les recettes diminuent. Il faut au contraire chercher à accroître le trafic – la SNCF y travaille en renouvelant son offre –, de voyageurs et de marchandises, car il n’est pas question d’abandonner le fret. C’est ainsi, et non par une politique restrictive, d’austérité dirais-je, que l’on peut espérer atteindre l’équilibre.

Des centaines de millions d’euros d’économies sont escomptées du meilleur fonctionnement permis par le GIU. On peut attendre beaucoup aussi de l’essor de moyens et de services nouveaux. Pourquoi ne pas développer une offre de trains roulant à 200 ou 220 km/h, offrant le même confort que les rames de TGV les plus récentes, utilisant le plus souvent les lignes classiques, ce qui éviterait d’investir dans de nouvelles lignes à grande vitesse, et permettant de mettre en place, comme en Suisse et en Allemagne, un dispositif de cadencement ? Entre faire gagner une demi-heure sur un trajet au prix de milliards d’euros d’investissements et offrir, pour un coût bien inférieur, davantage de trains, à des horaires plus adaptés, il n’y a pas, selon moi, à hésiter. Mais il faut que nous prouvions au pays, et pas seulement aux autorités européennes, que notre système ferroviaire est capable d’atteindre l’équilibre financier.

S’agissant du nouveau pacte social, disons-le d’emblée, il n’est pas question de toucher au statut des personnels de la SNCF. Contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas la remise en cause de certains droits qui permettra d’accroître la productivité, mais bien plutôt l’octroi d’une souplesse négociée de manière intelligente au plus près du terrain. Une harmonisation est nécessaire, d’abord pour des questions de concurrence. L’expérience de l’ouverture du fret à la concurrence est riche d’enseignements. Les conditions sociales n’ayant pu être harmonisées auparavant – les écarts tenant d’ailleurs davantage à la réglementation de la durée du travail qu’aux salaires eux-mêmes –, la SNCF a perdu 30 % de parts de marché depuis l’ouverture à la concurrence, tandis que l’ensemble du fret ferroviaire reculait par rapport au transport routier. Il faudra, comme l’avait d’ailleurs préconisé M. Dutheillet de Lamothe, un décret-socle énonçant les règles d’ordre public qui, pour des raisons de sécurité, s’imposent pour les personnels de tous les opérateurs. Une convention collective de la branche ferroviaire devra aussi être négociée. Les positions de départ étant assez éloignées, la discussion ne sera pas facile, mais il est indispensable de mener à bien cette négociation.

Je terminerai par le sujet de la gouvernance. Certains ont évoqué des sociétés anonymes, d’autres des sociétés publiques. Tout bien considéré, il nous paraît que la structure juridique bien connue de l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) est la mieux adaptée. Nous proposons donc que la SNCF conserve son statut d’EPIC – même si la jurisprudence relative à la Poste peut susciter certaines craintes – et que le nouveau GIU conserve lui aussi le statut d’EPIC de RFF. Quant à la structure faîtière – le terme holding n’est pas approprié –, elle aussi pourrait être un EPIC. Cette structure assurerait notamment les fonctions ressources humaines, exportation, recherche, étant entendu que chacun des deux établissements SNCF et GIU serait pleinement responsable de l’opérationnel. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) devrait, quant à elle, voir ses pouvoirs renforcés. Aux règles compliquées, bureaucratiques, parfois, je préfère un fonctionnement plus pragmatique, s’attachant à prévenir toute dérive et ne faisant appel à la sanction qu’en cas de non-respect des règles.

Au total, l’objectif de retour à l’équilibre du système ferroviaire, vraisemblablement étalé sur une dizaine d’années, se concrétisera dans les contrats d’objectifs et de performances conclus respectivement entre le GIU et l’État, et la SNCF et l’État. L’autorité de régulation sera invitée à donner son avis, et le Parlement à prendre des décisions si les objectifs ne sont pas atteints.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’invite maintenant les porte-parole des groupes à s’exprimer.

M. Gilles Savary. Votre mission, cher Jean-Louis Bianco, n’est pas facile. En effet, l’état des lieux de notre système ferroviaire, indépendamment de toute considération européenne, exige qu’une réforme en profondeur soit entreprise. Avec un endettement de RFF dépassant les 30 milliards d’euros et qui a augmenté de trois points l’année dernière, il n’est plus possible de continuer sur cette pente. Les difficultés opérationnelles sont par ailleurs bien connues : effondrement du fret, obsolescence des lignes sur lesquels circulent les fameux trains d’équilibre du territoire (TET), défis nouveaux à relever dans le mass transit en Île-de-France et au niveau du transport express régional (TER).

À cela s’ajoute la contrainte européenne connue depuis l’adoption, en 1991, de la directive qui prévoyait l’ouverture progressive du rail à la concurrence. Cette ouverture a pris du retard et beaucoup plus de temps que pour les autres modes de transport. Le secteur du transport routier a été ouvert à la concurrence dès les années 1990, mais il faut reconnaître que c’était plus facile du fait de l’absence de contraintes techniques.

Le regroupement des métiers de l’infrastructure fait consensus dans notre pays –c’était l’une des conclusions des Assises du ferroviaire. Notre culture même nous porte à revenir à une organisation intégrée, préférable pour des raisons opérationnelles, comme en atteste le fait que tous les grands pays ferroviaires comme la Suisse, le Japon, l’Allemagne ou bien encore les États-Unis pour le fret, ont fait ce choix. Reste à trouver le moyen de ne pas pénaliser les nouveaux entrants.

Si l’allocation des sillons doit être opérée en toute indépendance par le gestionnaire d’infrastructure et le secret commercial préservé au sein du GIU, une « porosité » financière entre l’entreprise ferroviaire historique et RFF est-elle envisageable ? En Allemagne, par le niveau élevé des péages dont ils s’acquittent, les nouveaux entrants subventionnent indirectement l’opérateur ferroviaire de la Deutsche Bahn intégrée. En effet, les bénéfices du gestionnaire d’infrastructure sont réinjectés à son profit. Les conditions de concurrence ne sont donc pas équitables. Le dispositif que nous proposons est de nature à être défendu avec l’Allemagne au niveau européen mais aussi à la favoriser ultérieurement à nos dépens dans un espace totalement concurrentiel.

Le rôle de l’ARAF et l’articulation de ses contrôles avec le travail des opérateurs mériteraient d’être précisés. L’État sera souverain, dites-vous, mais il n’a pas été exemplaire en matière de gouvernance ferroviaire. Ainsi c’est lui, et non RFF, qui a demandé à la fois qu’on « mette le paquet » sur le réseau francilien, qu’on réalise la liaison Seine-Escaut et qu’on construise de nouvelles lignes à grande vitesse, etc, pour un montant d’investissements estimé au départ à 245 milliards d’euros et aujourd’hui à 260, dont nous n’avons pas le premier sou ! RFF s’endette chaque année de deux milliards supplémentaires, du fait de ce qu’il lui a été demandé de réaliser. Comment pourrait-on « réguler l’État » si je puis m’exprimer ainsi ? Les à-coups de ses décisions ne sont pas faciles à gérer pour le système ferroviaire.

En ce qui concerne le volet social, les syndicats ont bien identifié les problèmes et compris les enjeux, instruits par la très mauvaise gestion des précédentes étapes d’ouverture à la concurrence. En effet, on a caché le plus longtemps possible le projet d’ouverture pour y procéder au dernier moment dans l’impréparation la plus totale. C’est ainsi que cela s’est passé pour le fret dans notre pays. Or, comment, avec un statut comme celui des personnels de la SNCF, lutter avec de nouveaux entrants qui n’offrent pas de protection supérieure à celle du code du travail ? D’ailleurs, pour essayer de survivre, SNCF-Geodis a créé une filiale, Voies ferrées locales et industrielles (VFLI), qui aujourd’hui concurrence Fret SNCF ! Si l’on ne fait rien sur le plan social, une dérégulation totale est à craindre avec l’explosion de l’intérim, de la sous-traitance et de conditions très défavorables. Les syndicats en sont conscients mais ont-ils à l’esprit la compétitivité globale du système ? L’enjeu n’est pas la concurrence pour la concurrence, ni la construction européenne pour la construction européenne mais de savoir si la SNCF devient ou non un grand acteur ferroviaire mondial et si notre pays demeure compétitif en matière de transport – c’est l’un des secteurs où nous figurons aujourd’hui parmi les meilleurs au monde, qu’il s’agisse de l’aérien, du naval, du ferroviaire ou des transports publics.

Comment garantir que la réforme envisagée sera euro-compatible ? Elle sera en effet vraisemblablement terminée avant que le quatrième paquet ferroviaire n’ait été adopté par le Parlement européen, le renouvellement de celui-ci au printemps 2014 risquant de retarder cette adoption.

M. Martial Saddier. Les députés UMP n’ont aucun a priori sur la réforme envisagée. Étant donné la difficulté du dossier, nous apprécions que vous vous inscriviez dans l’avenir, sans critiquer systématiquement ce qui a été fait par le passé. M. Guillaume Pepy, que nous avons auditionné la semaine dernière, l’a dit : à côté de grandes réussites, il y en a eu de moins grandes. Il importe maintenant de relever les défis de l’endettement, de l’équilibre financier, du redressement du fret, de l’eurocompatibilité…

Votre mission s’inscrit dans la continuité des objectifs des Assises du ferroviaire, organisées à la fin de la législature précédente. Vous deviez initialement rendre vos conclusions à la fin de ce mois et le Gouvernement envisageait de déposer un projet de loi dans la foulée. Où en est-on ? Le Gouvernement compte-t-il profiter du « véhicule législatif » de la future loi de décentralisation pour introduire des amendements sur la réforme ferroviaire ?

Je laisserai mes collègues vous interroger plus en détail sur les aspects de ressources humaines. Le défi est de taille avec le transfert de quelque 50 000 personnels. Il est normal que des inquiétudes se fassent jour.

Enfin, quelle est la position de l’Allemagne et de la Deutsche Bahn sur le système français et que pourraient être les conditions d’une concurrence équitable ?

M. Bertrand Pancher. Chacun s’accorde au sein de notre Commission sur la nécessité de poursuivre le développement de notre système de transports collectifs, ferrés notamment, et de disposer d’un grand pôle ferroviaire public, fonctionnant mieux que la SNCF et RFF aujourd’hui.

L’augmentation de la dette de RFF est préoccupante. Le président de la SNCF nous expliquait ici même la semaine dernière que la création d’un pôle unifié permettrait d’éviter un ou deux milliards de dette supplémentaire par an, en tout cas de stabiliser l’endettement. Est-ce vraiment possible ? Il n’est pas envisagé, et c’est heureux, de remettre en cause le statut historique des salariés de la SNCF. La question de la productivité globale n’en demeure pas moins posée. Pourquoi par exemple faut-il en France deux conducteurs pour les trains de marchandises alors que partout ailleurs il n’y en a qu’un ? La création du pôle unifié va ouvrir le débat sur l’harmonisation des conditions sociales. Que pouvez-vous nous dire du projet de nouvelle convention collective ? Car si chacun est prêt à consentir des efforts pour assumer cette dette colossale – si ce n’est pas l’usager qui paie, ce sera le contribuable ! –, quelles contreparties réalistes pourrait-on demander aux salariés ?

Le ministre chargé des transports nous avait dit il y a quelque temps donner la préférence à un dispositif d’intégration totale. C’est également la vision du président de la SNCF, mais il faudra tenir compte des recommandations de la Commission européenne. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le fonctionnement du futur pôle unifié ? Qui le présidera : le président de la SNCF, celui de RFF, ou une tierce personnalité ? Quels seront les liens financiers et juridiques entre les différentes structures ? Quelles économies d’échelle en attendre ?

Enfin, comme vous, nous pensons nécessaire de soutenir l’entretien et le développement des réseaux existants plutôt que de privilégier la construction de nouvelles lignes à grande vitesse.

Mme Laurence Abeille. Les propositions intermédiaires de votre mission, monsieur Jean-Louis Bianco, vont dans le bon sens. Vous l’aurez constaté, les membres de notre Commission, comme vous, pensent que mieux vaudrait investir en priorité dans le maintien et le développement d’un réseau dense et de gares de proximité, notamment dans les zones rurales, l’amélioration de la fréquence, de la ponctualité et du confort des trains. Il faut aujourd’hui trouver une autre solution que le « tout-TGV », qui a conduit à privilégier certains axes au détriment du reste du réseau. Pour notre part, nous demandons depuis longtemps un moratoire sur la construction des nouvelles lignes à grande vitesse, je pense notamment au tronçon Poitiers-Limoges, dont la fréquentation attendue ne paraît pas justifier un investissement aussi colossal.

La ligne Lyon-Turin, investissement que nous jugeons lui aussi extravagant, n’est-elle pas emblématique d’un grand projet inutile ? Se justifie-t-elle sur le plan économique ?

La future écotaxe poids lourds peut-elle constituer une opportunité de financement pour le transport ferroviaire ? À l’heure où il est question de fiscalité écologique, il ne paraît pas pertinent que le produit de cette taxe serve à développer encore le réseau routier.

La Commission nationale du débat public (CNDP) pourrait-elle à l’avenir jouer un rôle d’arbitre dans la réalisation de certains grands projets ?

Vous avez souligné la nécessité de penser le transport « de bout en bout ». Le dernier kilomètre est en effet crucial et il faut jouer de la complémentarité des différents modes de transport. Le service auto-train, qui n’est plus offert désormais que sur un nombre très limité de liaisons et demeure très cher, alors qu’il présente beaucoup d’avantages, a-t-il encore un avenir ?

M. Jacques Krabal. Je suis heureux que vos propos aujourd’hui, comme ceux du président Guillaume Pepy la semaine dernière et plus largement les projets du ministre des transports en matière de ferroviaire, recueillent un large assentiment. Je me félicite également de la volonté de concertation et de dialogue qui se manifeste depuis le 30 octobre dernier, date à laquelle le ministre a tracé les grandes lignes de la future réforme visant à doter notre système ferroviaire d’une nouvelle gouvernance et à préparer, sans le fragiliser, le secteur à l’ouverture à la concurrence à l’horizon 2019 – et pas avant, a bien précisé M. Frédéric Cuvillier !

C’est dans ce contexte, monsieur Jean-Louis Bianco, qu’une mission de concertation vous a été confiée. Je le dis sans vouloir susciter de polémique, la réforme qui s’engage aujourd’hui est en rupture totale avec les propositions issues des Assises du ferroviaire, conduites fin 2011 par Mme Kosciusko-Morizet. S’éloigne le spectre de la privatisation mais aussi d’une perte d’identité pour la SNCF. Les personnels de l’opérateur historique attendent beaucoup de la refondation annoncée et sont aujourd’hui rassurés.

Nous souhaiterions que la rénovation des réseaux s’engage plus vite. Nous espérons qu’avec un seul chef d’orchestre, les choses seront plus lisibles pour les élus locaux que nous sommes aussi, et que le grand chantier de la rénovation des voies et des matériels roulants des transports du quotidien pourra être conduit de manière plus efficace. Il aura fallu attendre le quatrième paquet ferroviaire et une alternance politique pour qu’un rapprochement entre RFF et la SNCF puisse s’amorcer et qu’on s’oriente vers un pôle public semblable au système allemand ou italien, et acceptable pour les autorités européennes.

Vous nous assurez que le statut des personnels ne sera pas remis en question. Comment se passera l’intégration des 1 700 agents de RFF ?

Quelles économies de fonctionnement peut-on escompter de la création du futur pôle unifié ?

Quel bilan global tirez-vous pour la SNCF de l’ouverture du fret à la concurrence et comment voyez-vous celle du trafic voyageurs ?

Vous préconisez, et je partage totalement votre avis, plutôt que de construire de nouvelles lignes à grande vitesse, de développer une offre intermédiaire entre les TGV et les TET, anciennement trains Corail. Comment articuler l’ensemble ? Vous suggérez également de responsabiliser l’État et les différentes entités du futur pôle unifié par le biais de contrats d’objectifs et de performances pluriannuels. En quoi consisteront ces contrats ? Je me félicite que vous proposiez que le Parlement en soit saisi.

Les usagers tireront-ils réellement profit de la réforme ferroviaire ? « Toute puissance est faible à moins que d’être unie », écrivait La Fontaine dans la fable Le vieillard et ses enfants. Félicitons-nous de ce projet de regroupement, mais ne perdons jamais de vue ses finalités, au premier rang desquelles la qualité du service au bénéfice des usagers car ce sont eux qui doivent être au centre de nos préoccupations.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant de donner la parole aux autres commissaires qui souhaitent intervenir, je souhaiterais connaître vos propositions, monsieur Jean-Louis Bianco, concernant les TET. Quel avenir voyez-vous pour eux ?

M. Philippe Plisson. Je me réjouis de la reconstitution d’un service public ferroviaire avec le regroupement de la SNCF et de RFF. Comme le disait ma grand-mère, « faire et défaire, c’est toujours du travail » !

Le fret ferroviaire, qu’il conviendrait pourtant de développer dans une perspective de développement durable, perd aujourd’hui des parts de marché. Quelle stratégie de reconquête pour ce secteur ? Avec quels financements ?

Dans le contexte budgétaire actuel, je pense comme vous qu’il convient de revenir à la raison et ne plus songer à multiplier les lignes de TGV. Les coûts sont en effet colossaux pour bien souvent ne faire gagner que quelques dizaines de minutes sur un trajet !

Les territoires ruraux enclavés où les rails des anciennes voies ferrées ont été, comme ceux des tramways, retirés il y a une trentaine d’années, peuvent-ils espérer voir rouvrir des lignes de chemin de fer, qui seraient précieuses pour lutter contre la congestion du trafic aux heures de pointe ?

M. Yves Albarello. Le projet de réforme ferroviaire qui nous est proposé n’est pas dans la ligne de la Commission européenne. Ce qui bloque est la dette de 30 milliards d’euros « logée » chez RFF. Pourrait-elle remettre en cause le projet de réforme ?

Quelle forme exacte prendra le futur GIU ?

La branche fret est très lourdement déficitaire. L’uniformisation des statuts ne risque-t-elle pas d’alourdir les charges du fret et d’en compromettre encore davantage le redressement ?

Aurons-nous les moyens de nos ambitions pour mener de front la réforme ferroviaire, la modernisation du réseau francilien et la réalisation du nouveau Grand Paris, pour lequel le Premier ministre annonçait-il y a deux semaines à Marne-la-Vallée 29 milliards d’euros d’investissements ?

M. Jean-Marie Sermier. Alors que le développement du fret ferroviaire serait nécessaire pour désengorger les axes routiers de notre pays, celui-ci régresse d’année en année. Je prendrai un exemple dans le département du Jura : une grosse coopérative agricole, Interval, bien desservie par un embranchement ferroviaire et dont les céréales qu’elle vend comme les engrais qu’elle achète seraient faciles à transporter par le rail, utilise pourtant de moins en moins, voire plus du tout, ce mode de transport, parce que les tarifs de la SNCF sont supérieurs de 20 à 30 % à ceux des transporteurs routiers et que, lorsqu’elle s’adresse à d’autres opérateurs ferroviaires, ceux-ci ne peuvent accéder à sa demande car il faut deux mois pour que l’autorité organisatrice leur octroie les sillons nécessaires alors que la coopérative aurait besoin d’une réponse en quelques jours, une semaine tout au plus ! Il faut donc revoir tout cela si on veut développer le fret ferroviaire.

M. Yannick Favennec. La refondation du système ferroviaire à laquelle vous travaillez, monsieur Jean-Louis Bianco, a notamment pour objectif de restaurer l’équilibre économique du secteur et d’améliorer les performances industrielles du réseau. Pour cela, vous préconisez, entre autres, de privilégier les TET plutôt que de construire de nouvelles lignes TGV. Comment améliorer la qualité du service proposé aux voyageurs, pour ce qui est du nombre et de la qualité des dessertes dans les territoires ruraux ?

M. Charles-Ange Ginesy. Comme de nombreux collègues, je me félicite de la solution intermédiaire que vous préconisez entre TGV et TET. Avez-vous déjà une idée du débit et des vitesses qui pourraient être atteints ? Une évaluation des gains potentiels de clientèle et de chiffre d’affaires a-t-elle été réalisée ? Dans ma région, personne ou presque ne prend plus aujourd’hui le train entre Nice et Marseille, alors que beaucoup pourraient emprunter entre ces deux villes les trains qui relient Nice à Paris et font arrêt dans la cité phocéenne. La concurrence avec l’avion est également très vive, le billet d’avion ne coûtant pas plus cher que le billet de TGV, alors que le temps de trajet est tout de même six fois plus court. Ce n’est pas ainsi que la SNCF augmentera son chiffre d’affaires, et il doit y avoir d’autres exemples de ce genre sur l’ensemble du territoire !

M. Christophe Priou. La faiblesse du fret ferroviaire dans notre pays s’explique aussi par l’insuffisance des connexions avec les ports maritimes, qui seraient pourtant indispensables étant donné l’explosion du transport de containers. Tout le trafic maritime de ces containers passe aujourd’hui au large de nos côtes faute de structures portuaires et d’hinterland pouvant l’accueillir.

Chacun se félicite du bon climat social qui prévaut actuellement au sein de la SNCF, le président Guillaume Pepy l’a évoqué la semaine dernière. Il faut aller vers une convention collective nationale, assortie d’accords de branche et d’entreprise. Est-il prévu dans votre mission que vous abordiez le sujet sensible du régime spécial de retraite des personnels de la SNCF, pour lequel un rendez-vous est prévu en 2014 ?

M. Jean-Pierre Vigier. Vous préconisez, monsieur Jean-Louis Bianco, de cesser la construction de lignes à grande vitesse et de développer une solution intermédiaire entre TGV et TET. Je partage totalement votre avis sur ce point. Les TET sont indispensables à la survie et au développement économique des territoires enclavés, notamment de moyenne montagne comme la Haute-Loire. C’est d’ailleurs pourquoi, avec de nombreux élus, je défends avec force le maintien du Cévenol. Que proposez-vous pour sauvegarder le maillage du pays et de ses territoires ruraux ?

M. Jean-Louis Bianco. Vaste programme que de « réguler l’État », comme vous le souhaiteriez, monsieur Gilles Savary ! C’est à l’État de se réguler lui-même. Heureusement, si je puis m’exprimer ainsi, la contrainte budgétaire nous oblige collectivement à faire preuve d’intelligence et de responsabilité – comme quoi à quelque chose malheur est parfois bon…

Plusieurs questions m’ont été posées concernant le volet social. Nous avons longuement reçu les syndicats à plusieurs reprises. Tous ont compris, je le crois, que la concurrence, quoi que l’on en pense, faisait partie du paysage, et qu’il fallait travailler à assurer l’avenir de la SNCF. Tous admettent qu’il faut améliorer la productivité du système – à ce mot, je préfère d’ailleurs ceux d’efficacité ou de performance. Rassurés et motivés par la constitution d’un pôle public unifié fort alors qu’ils redoutaient, non sans raison, une séparation et une privatisation, ils sont plus constructifs. De longues négociations n’en sont pas moins à prévoir.

Une convention collective est nécessaire pour rapprocher les conditions sociales et rendre plus loyale la concurrence dans le domaine du fret, et demain du transport de voyageurs. Cela n’a rien à voir avec la dette, qu’il faut aujourd’hui s’attacher simplement à contenir car il importe de continuer à investir. La convention collective donnera lieu à une négociation dans laquelle chacun est en principe prêt à s’engager. Les positions de départ sont assez éloignées, mais chacun est disposé à faire des concessions, à condition que ce soit gagnant-gagnant.

À condition de ne pas procéder à l’ouverture à la concurrence, comme cela, hélas, a trop souvent été le cas, de manière subreptice, trop tardive et aveugle, dans l’impréparation, nous sommes dans une position favorable dans la négociation européenne. Tout d’abord, nous avons au départ des alliés avec l’Allemagne mais aussi d’autres pays. Même les Britanniques disent qu’il leur paraît nécessaire que le gestionnaire des infrastructures et celui des trains soient intégrés. À cela s’ajoute, comme vous l’avez dit, un calendrier favorable du fait des élections européennes du printemps 2014.

La réforme de notre système ferroviaire interviendra bien avant l’adoption du quatrième paquet européen. Il se dit aujourd’hui à Bruxelles que la première lecture du quatrième paquet ferroviaire interviendrait au mieux en 2014, année de renouvellement du Parlement. Ayant, nous, déjà dessiné par la concertation et le dialogue, les contours du futur système intégré, la charge de la preuve se trouve en quelque sorte renversée. Ce ne sera pas à nous de démontrer que ce système est eurocompatible mais à la Commission d’apporter la preuve que ses exigences ont une utilité pour le bon fonctionnement du système au bénéfice des usagers et de la nation. Et je suis optimiste car nous aurons, là, d’excellents arguments concrets à lui opposer, au-delà de l’argument selon lequel la concurrence, qui n’est qu’un outil, ne saurait être l’alpha et l’oméga. Le but de la construction européenne n’est pas que partout prévale le libre jeu de la concurrence.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les Assises du ferroviaire. Celles-ci ont servi à poser un diagnostic partagé mais, je le dis sans nulle intention de polémique moi non plus, l’orientation que nous défendons aujourd’hui est différente de celle préconisée à leur issue.

Pour ce qui est du calendrier, il est à peine décalé. Je remettrai mes conclusions à la mi-avril, et le Gouvernement a toujours l’intention de déposer un projet de loi rapidement, sachant que le texte peut d’ores et déjà être travaillé, parallèlement à la mission que je conduis.

Peut-on profiter du véhicule législatif de la future loi de décentralisation ? Il appartiendra au Parlement de juger si des dispositions utiles peuvent être introduites par ce biais. Beaucoup d’élus, nationaux et régionaux, ont exprimé la crainte que l’État ne se défausse des TET sur les régions. Ce danger paraît aujourd’hui écarté. Mais quoi qu’il en soit, la loi de décentralisation ne pourra pas remplacer la future loi ferroviaire.

La mission que je conduis n’a pas à se prononcer sur telle ou telle ligne locale, ni même sur telle ou telle offre commerciale. Nous nous limitons à dire qu’il faut développer une offre pour la desserte des territoires ruraux, s’orienter vers le cadencement des trains, améliorer la qualité du service, et privilégier une solution intermédiaire alternative à toujours plus de nouvelles lignes à grande vitesse. C’est au Parlement qu’il revient de fixer les objectifs et aux entreprises, notamment la SNCF, de développer une offre qui réponde aux besoins du pays et des usagers.

Quel bilan peut-on dresser de l’ouverture à la concurrence pour le fret ? Le fret va très mal à cause non pas des écarts de salaire, je l’ai dit, mais des différences dans la réglementation du temps de travail, notamment par le jeu des repos compensateurs et des temps de repos exigés entre la conduite de deux trains. L’impréparation avec laquelle on a procédé à cette ouverture à la concurrence n’y est pas étrangère non plus. Depuis lors, le secteur privé a pris 30 % de parts de marché. Ses offres ne sont pourtant pas, de ce que j’ai vu, beaucoup plus intéressantes que celles de la SNCF. Les opérateurs ont simplement eu une attitude commerciale plus agressive et plus ouverte. Nous sommes convaincus qu’en dépit des difficultés, il faut continuer de développer le fret car il en va d’aménagement du territoire et de développement durable. Comment ? Tout d’abord, oui, monsieur Christophe Priou, en s’appuyant sur nos ports. Alors que notre pays a la chance de disposer de formidables façades maritimes, les connexions ferroviaires avec les ports maritimes font cruellement défaut. Ensuite, en veillant à ce que la SNCF ne discrimine pas les petits opérateurs de proximité qui travaillent sur des niches répondant à des besoins locaux. Il existe dans les territoires des offres associant des producteurs, qui, dans certaines conditions, peuvent avoir intérêt à investir dans le rail, des chargeurs, des chambres de commerce et d’industrie, et des collectivités – régions, départements, agglomérations –, le tout accompagné bien sûr d’investissements publics au niveau national. Ces acteurs peuvent localement avoir un intérêt commun à ce que se développe une offre ferroviaire de proximité pour le fret. Voilà « la stratégie de reconquête » à laquelle nous songeons.

Aura-t-on les moyens de la réforme envisagée ? La mission que je conduis se limitera à faire des propositions. C’est à la nation qu’il reviendra de déterminer comment se doter des moyens nécessaires. De la même manière, il ne m’appartient pas de dire quelle offre ou quelle ligne devrait être privilégiée ici ou là. C’est aux autorités organisatrices, les régions, de déterminer, en lien avec les usagers, ce qui répond aux besoins.

Le succès sera au rendez-vous si on s’attache à sauvegarder le fret dans les conditions que je viens d’indiquer, si la SNCF est capable de renouveler son offre avec de nouveaux trains d’équilibre du territoire – qu’il ne faut pas surtout pas sacrifier mais au contraire développer – si les dessertes sont pensées pour mieux irriguer mieux les territoires. Ainsi, je l’ai constaté dans le Doubs où j’ai de la famille, les frontaliers qui travaillent en Suisse prennent leur voiture plutôt que le train, avec pour conséquence une congestion du trafic aux heures de pointe, alors qu’en Suisse les travailleurs sont beaucoup plus nombreux à utiliser le transport ferroviaire, notamment parce que le cadencement des trains permet de s’organiser de façon plus prévisible. Certes, la Suisse a beaucoup investi pour ce cadencement mais pourquoi ce qui y a été possible ne le serait-il pas en France ? Je parle du Doubs que je connais, mais on pourrait parler aussi des Alpes-Maritimes, citées par M. Charles-Ange Ginesy.

La question des régimes spéciaux ne faisait pas partie de la mission qui m’a été confiée. Nous n’en avons donc pas traité.

Voilà le point d’étape que je pouvais faire sur nos réflexions et propositions. Je serai toujours heureux de revenir dialoguer avec vous, si vous le jugez nécessaire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, nous vous félicitons pour la qualité du travail que vous avez effectué et vous remercions de l’échange que nous avons eu aujourd’hui. Vous l’aurez constaté, il y a une grande unité de vues au sein de notre Commission. La mise en place d’un pôle ferroviaire public unifié constitue un formidable objectif. C’est un beau projet d’avenir que nous serons heureux et fiers de porter ensemble.

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Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant que nous n’auditionnions notre invité, je vous informe que le président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone, a mis en place un groupe de travail chargé de préparer une réforme du Règlement. Les premiers travaux font état d’un projet de modification du champ de compétences des commissions permanentes. Il est notamment envisagé que la commission des affaires économiques absorbe la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, proposition à laquelle j’ai déjà réagi avec vigueur. Je réunirai le bureau de la Commission le 3 avril prochain à 11 heures pour en débattre. Le combat ne fait que commencer…

Mme Geneviève Gaillard.  Et nous le mènerons avec vous, monsieur le président !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous en remercie. Je n’ai aucune inquiétude sur le fait que l’ensemble des commissaires s’associera à ce combat. Nous ne pouvons ainsi laisser décrédibiliser et déprécier notre Commission.

Plusieurs députés sur tous les bancs. Nous vous soutiendrons !

Puis, la Commission a désigné Mme Odile Saugues rapporteure pour l’examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 708).

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Réunion du mardi 26 mars 2013 à 17 heures

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Philippe Duron, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Annick Lepetit, Mme Marie-Line Reynaud