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Mercredi 22 mai 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 64

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable

– Informations relatives à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Gallois, nous sommes heureux de vous accueillir. Notre Commission avait déjà eu le plaisir de vous entendre le 1er décembre 2009, lorsque vous étiez président exécutif d’EADS. Vous venez aujourd’hui nous parler des crédits du grand emprunt, dont une bonne partie est maintenant affectée. Les critères de sélection des projets ont-ils évolué ? Avez-vous institué des procédures d’évaluation de ces projets ?

M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement. Je crois savoir que mon prédécesseur, M. René Ricol, a été reçu à plusieurs reprises par votre Commission. Je dirai quelques mots sur les investissements d’avenir en général avant de traiter plus particulièrement des investissements dans les réseaux à très haut débit et de ceux qui visent à favoriser la transition énergétique.

L’enveloppe initiale du programme d’investissements d’avenir s’élève à 35 milliards d’euros, dont une quinzaine de milliards sont non consomptibles : ce sont des crédits affectés dont le bénéficiaire reçoit les intérêts ; ils concernent principalement le domaine universitaire, mais aussi celui de la transition énergétique, et notamment les instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées (IEED).

De ces 35 milliards d’euros, 28,5 milliards ont été engagés et sont en cours de contractualisation ou contractualisés. À ce jour, 4,7 milliards ont été versés. Il a fallu lancer les appels à projets, réunir les jurys, engager les crédits, puis contractualiser et tout cela a pris du temps. Mais nous arrivons aujourd’hui à une phase de maturité, et les versements vont s’accélérer. Nous verserons environ 4 milliards par an en 2013, 2014 et 2015. De 2,7 à 3 de ces 4 milliards, selon la définition que l’on adopte, seront consacrés à l’innovation. Cela devrait permettre de changer la donne.

Quelque 7 milliards restent donc à engager. Une partie de ces crédits est déjà pré-affectée ; des enveloppes ont par exemple été définies pour le très haut débit. On peut estimer qu’il existait une marge de manœuvre de l’ordre de 3 milliards, que le Gouvernement a redéployés vers l’appareil productif. Le Premier ministre a retenu les technologies génériques et notamment le numérique, la santé et l’économie du vivant, et enfin la transition énergétique. Quelques crédits sont également prévus pour la formation professionnelle.

Tel est l’état des lieux. La période de l’engagement des crédits est donc en train de s’achever. Il n’est pas impossible qu’ils soient réabondés – c’est en tout cas ce que le Président de la République a laissé entendre lors de sa dernière conférence de presse – mais nous n’avons encore aucune certitude à cet égard. Quoi qu’il en soit, le Commissariat se concentre désormais sur deux tâches. La première est d’accélérer le processus de contractualisation pour accélérer les versements, notamment aux IEED ; désormais, il faut aller vite. La seconde est l’évaluation. Depuis l’origine, le suivi est prévu dès la mise en place des crédits, pour vérifier qu’ils sont utilisés dans les conditions contractualisées et pour évaluer leur impact économique. Nous entretenons un dialogue étroit avec les opérateurs qui contractualisent pour le compte du Commissariat général – lequel accorde peu de crédits directement : comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou encore la Banque publique d’investissement (BPI). Comme nous contractualisons par leur entremise, c’est avec eux que nous discutons du suivi et de l’évaluation, selon des procédures établies.

Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact macroéconomique des investissements d’avenir, mais nous avons soutenu des opérations remarquables. Je pense au nouveau système Hybrid Air développé par PSA Peugeot Citroën ; cet accumulateur hydro-pneumatique qui récupère l'énergie cinétique dans les phases de freinage puis la libère est une première mondiale. Je pense aussi à la chirurgie robotisée mini-invasive dans laquelle s’est spécialisé l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg, que j’ai visité il y a peu. Il faudra bien sûr vérifier par une évaluation macroéconomique que nous avons effectivement créé un flux additionnel d’innovations déclinées en produits aptes à soutenir l’appareil productif français sur les marchés.

J’en viens plus précisément à l’aménagement numérique des territoires. Le Président de la République et le Premier ministre ont confirmé que le programme d’investissement dans les réseaux à très haut débit serait de 20 milliards d’euros sur les dix années à venir. Il devra permettre d’équiper l’ensemble du pays, avec une étape intermédiaire : l’accès généralisé au haut débit. Ce programme de 20 milliards sera financé pour les deux tiers par les opérateurs privés, et pour un tiers par les collectivités territoriales. Dans ce cadre, les investissements d’avenir interviendront de deux manières : à hauteur de 700 millions d’euros par des prêts aux opérateurs privés et pour 1 milliard d’euros sous forme de subventions aux collectivités territoriales pour la partie à leur charge.

Trois types de zones territoriales ont été définies : les zones denses, où les opérateurs privés interviennent seuls car l’investissement est rentable ; les zones conventionnées où interviendront à la fois opérateurs privés et collectivités territoriales, la rentabilité n’étant pas suffisante pour attirer les seuls opérateurs privés ; enfin, les zones dites d’initiative publique, où l’investissement est entièrement financé par les collectivités territoriales faute d’opérateur privé intéressé. Ainsi que je l’ai indiqué, les opérateurs privés bénéficieront de prêts à hauteur de 700 millions d’euros et les collectivités territoriales pourront accéder à une enveloppe de prêts de la Caisse des dépôts et consignations : l’État subventionnera les réseaux d’initiative publique à hauteur de 3 milliards, dont un milliard au titre des investissements d’avenir.

Le cahier des charges de l’appel à projets a été approuvé par un arrêté du Premier ministre daté du 29 avril 2013. Le Fonds national pour la société numérique a reçu 29 dossiers de subvention relatifs à des projets d’envergure au moins départementale. Ces projets concernent 38 départements et une population de 22 millions d’habitants ; chaque dossier concerne donc 1,3 département en moyenne. Au cours des prochaines années, 2,5 millions de foyers bénéficieraient ainsi de ce redéploiement dans les zones d’initiative publique, pour un investissement total de 3,15 milliards d’euros.

J’en viens aux trois programmes énergétiques. Ils concernent respectivement les énergies renouvelables et décarbonées et la chimie verte, l’économie circulaire, les réseaux électriques intelligents. J’aborderai également la sûreté nucléaire, ainsi que la ville de demain et la suppression des « passoires énergétiques », autrement dit la rénovation thermique des logements.

Les crédits prévus s’élèvent à 1,380 milliard d’euros pour les trois programmes énergétiques, dont 120 millions sont affectés à un fonds Ecotech aujourd’hui géré par la BPI, et qui a pour objet de prendre des participations dans un certain nombre de sociétés.

En ce qui concerne les énergies décarbonées, notre action s’appuie sur les IEED. Neuf projets d’IEED ont été retenus en mars 2012, pour 156 millions d’euros de crédits consommables et 685 millions de crédits non consommables. Quatre projets n’ont pas été retenus mais ont paru dignes d’intérêt ; une enveloppe de 80 millions leur a donc été accordée. Aucun des 9 projets retenus n’a encore fait l’objet d’une contractualisation, à la fois pour des raisons de complexité et parce que les IEED doivent franchir l’étape communautaire, ce qui exige d’incessants allers et retours entre l’administration française et la Commission européenne. La première contractualisation devrait intervenir dans les prochains jours, et elle fera date ; il n’est pas acceptable que des projets avalisés en mars 2012 ne se soient pas encore traduits par des contractualisations. C’est qu’il nous faut démontrer en permanence que ces projets n’entraînent pas des aides publiques dépassant certains seuils. Nous espérons signer 5 IEED dans les prochaines semaines ; le premier sera le projet Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques. La longueur du processus n’a pas empêché le lancement des programmes de recherche et développement (R&D), mais ils sont pour le moment exclusivement financés par les industriels.

Par ailleurs, grâce aux investissements d’avenir, l’ADEME finance des démonstrateurs. Le Commissariat général ne finance pas des séries – par exemple l’équipement en éoliennes ou en hydroliennes – mais des démonstrateurs qui permettront une industrialisation ultérieure. Il le fait dans trois domaines : les énergies décarbonées, les réseaux électriques intelligents et l’économie circulaire. Soixante-quinze projets ont été retenus, pour 650 millions d’euros de financement au titre des investissements d’avenir, qui génèrent, selon la règle communautaire, des financements privés équivalents. On parvient ainsi à un financement total de quelque 1,3 milliard d’euros. Ces projets concernent pour 23 % des établissements publics de recherche, pour 44 % des grandes entreprises et pour 33 % des PME. J’appelle votre attention sur ce dernier chiffre, qui est exceptionnel puisqu’en France, les PME réalisent moins de 20 % de la recherche industrielle : il traduit notre volonté d’attirer les PME vers ces programmes.

Trente-et-un projets sont à l’instruction, pour environ 200 millions d’euros – ce qui devrait donc déboucher, conformément à la règle, sur une dépense de 400 millions de R&D. Nous ciblons plus précisément les filières industrielles que nous souhaitons soutenir.

Pour ce qui est des réseaux électriques intelligents, nous cherchons à offrir aux acteurs nationaux les vitrines qui leur permettront de vendre leurs systèmes en France et surtout à l’exportation en leur permettant de développer des démonstrateurs. Je suis allé voir l’un d’entre eux chez Alstom à Saint-Nazaire.

Nous avons constaté deux obstacles à la valorisation des déchets. Tout d’abord, il convient de regrouper les déchets pour constituer des gisements plus massifs, qui seuls permettent l’industrialisation des processus. Il reste ensuite à poursuivre la réflexion sur les moyens d’accroître les débouchés des produits de l’économie circulaire. Désormais, nous ciblerons moins les opérations de valorisation de déchets proprement dites que les équipementiers qui produisent des équipements de tri et de valorisation.

Pour les démonstrateurs aussi, notre objectif est la simplification et l’accélération des procédures. J’ai indiqué en prenant mes fonctions que mes trois mots d’ordre seraient « simplifier, accélérer et travailler ensemble ». Pour autant, nous continuerons d’insister sur la présence de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans ces projets, même si cela ralentit les procédures - il est en effet plus rapide de travailler avec les grandes entreprises, rompues à ce genre d’exercice.

Un mot sur la sûreté nucléaire. Après l’accident de Fukushima, 50 millions d’euros ont été dégagés dans l’enveloppe des investissements d’avenir au profit de la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection. Nous avons lancé un appel à projets, et en avons retenu 23, avec un taux de financement de l’ordre de 70 %. D’autres pourraient être financés si une enveloppe supplémentaire était décidée. Nous concentrons nos actions sur quatre thèmes : les évènements initiateurs, le déroulement de l’accident, la gestion de crise et les conséquences pour l’homme et l’environnement. Les programmes que nous finançons s’étendent sur quatre à huit ans ; l’objectif est d’aller assez vite pour permettre d’appliquer les résultats de ces recherches dans les travaux de sûreté en cours dans les centrales nucléaires.

J’en viens à la ville de demain. Il s’agit de financer des démonstrateurs de « ville durable » à la performance environnementale exemplaire. Nous avons engagé à cet effet 290 millions, soit 55 % d’une enveloppe qui est de l’ordre de 530 millions, dont 200 millions sont consacrés aux transports en commun en site propre et 90 millions aux actions sur la ville durable : systèmes d’information des voyageurs en temps réel, systèmes de billettique, équipements publics à énergie positive, îlots à énergie positive, systèmes de surveillance et de gestion des risques, gestion innovante de l’eau pluviale…

Le dernier programme, la rénovation thermique des logements, a suscité quelques difficultés. Il concerne les logements les plus modestes, qui sont souvent de véritables « passoires thermiques ». Nous devions subventionner 30 000 logements chaque année. Cet objectif n’a pas été atteint : nous en sommes aujourd’hui à 22 000 logements subventionnés. Nous constatons une assez forte réticence des propriétaires à s’engager dans ces travaux. Il s’agit souvent de personnes âgées, réticentes à l’idée de faire des travaux, qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour compléter la subvention, qui ont pris l’habitude de vivre mal chauffées et qui se méfient des colporteurs en tout genre… En bref, il n’y a guère que les maires qui puissent les convaincre.

Nous avons pris deux mesures pour accélérer la mise en œuvre de ce programme : nous avons renforcé le financement des travaux afin de diminuer la part restant à la charge des propriétaires et élargi l’assiette des publics concernés en relevant le seuil des revenus éligibles. Enfin, le Gouvernement a décidé d’accorder sur cette enveloppe, aux classes moyennes cette fois, une prime de 1 350 euros par logement à ceux qui souhaiteraient réaliser des travaux d’amélioration comportant au moins deux types d’intervention.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

M. Jean-Yves Caullet. Le groupe SRC insiste sur l’importance de mesurer l’impact du programme d’investissement dans les réseaux à très haut débit et de son étape intermédiaire – l’accès généralisé au haut débit – en termes d’aménagement du territoire. Les zones urbanisées ont l’atout de la concentration et le handicap de l’espace. C’est l’inverse pour les territoires ruraux. L’investissement dans les réseaux à très haut débit a donc un impact démultiplicateur en zone rurale, et un impact d’opportunité en zone urbaine. C’est pourquoi le secteur privé a investi les zones urbaines, et c’est aussi pourquoi les investissements publics doivent se concentrer sur les zones rurales. Si l’on veut « décarboner » les zones rurales et libérer leurs habitants de leur condition d’otages du véhicule individuel, il est logique d’insister sur cet impact. J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

En ce qui concerne les programmes consacrés à l’énergie, pourriez-vous préciser la teneur des neufs projets retenus ? Je partage votre préoccupation sur les délais de mise en œuvre. Peut-on faire mieux ?

Je m’interroge également sur la taille des entreprises concernées par les projets. Certes, 33 % des projets subventionnés sont mis en œuvre par des PME. Sans doute ce résultat est-il exceptionnel, et je m’en félicite, mais il me paraît encore insuffisant. Peut-on mesurer les retombées de l’implication d’un tissu de PME dans la R&D en termes d’efficacité des crédits publics investis, par rapport à la même somme investie dans de grandes entreprises ? Il me semble que l’argent employé à attirer les PME dans ces dispositifs a un plus fort impact en termes de développement économique, la marge de développement étant supérieure. Est-ce exact ? Si oui, comment améliorer encore cette performance ?

Vous avez posé la question des débouchés de l’économie circulaire. Il y a là un point très important, qui pose la question des normes. Est-il possible d’évaluer les obstacles – mais aussi les éventuelles mesures de facilitation – à l’utilisation des nouvelles matières premières ? Je pense à la recyclabilité du bois, enjeu majeur pour l’équilibre de la ressource en matière d’utilisation thermique. Que peut-on envisager au niveau réglementaire ?

En ce qui concerne la ville de demain, je reste dubitatif. Faut-il investir des sommes toujours plus élevées pour rendre la ville durable ? L’avenir de la ville n’est-il pas, sinon à la campagne, du moins dans un partenariat nouant les performances des deux espaces ?

S’agissant enfin de la réduction des logements « passoires thermiques », ne pourrait-on intégrer la valeur patrimoniale des locaux dans les critères de financement pour lever les réticences des propriétaires impécunieux ?

M. Martial Saddier. Au nom de mes collègues du groupe UMP, je tiens d’abord à vous remercier, monsieur Gallois, pour votre présence et votre exposé. Nous saluons vos qualités personnelles, et votre capacité de remplir la mission qui vous a été confiée est unanimement reconnue. Je vous remercie également d’avoir salué l’action de votre prédécesseur, M. René Ricol, à qui les propos que je viens de tenir à votre égard pourraient volontiers s’appliquer. Cela me conduit à rappeler que la majorité actuelle poursuit une politique qui a été initiée par le Grenelle de l’environnement, cette grande réflexion collégiale qui a permis d’identifier un certain nombre de secteurs d’avenir sur lesquels il fallait investir, en associant la société civile. Je pense notamment aux associations d’élus, qui ont pris une part importante aux arbitrages et aux orientations retenues, qu’il s’agisse de l’Association des maires de France (AMF), de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) ou de l’Association nationale des élus du littoral (ANEL).

J’aimerais vous entendre parler de la formation, point important sur lequel vous ne vous êtes guère attardé. Quelle croissance attendez-vous d’autre part de ces investissements ? Certains d’entre nous siègent au conseil national du débat sur la transition énergétique ou au comité pour la fiscalité écologique, et nous nous interrogeons : travaillez-vous de concert avec le Gouvernement pour vous assurer qu’on ne reprenne pas d’une main, par la fiscalité, ce que l’on a donné de l’autre par les investissements d’avenir ?

Vous avez rappelé que tous les territoires et les entreprises de toutes tailles étaient irrigués par les investissements d’avenir, conformément à ce que nous avions souhaité, et que 33 % des projets subventionnés étaient portés par des PME. Mais les maisons-mères portent parfois des brevets qui ont été conçus par des sous-traitants.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire sous la législature précédente : nous souhaitons que l’équipement de l’ensemble du territoire en très haut débit soit assuré le plus rapidement possible, dans l’équité. À cet égard, on regrettera qu’aucune réflexion n’ait été conduite sur l’opportunité d’introduire davantage de péréquation entre ceux qui développent le très haut débit dans les zones rentables et les collectivités qui devront supporter ce coût dans les zones non rentables, et qui sont souvent les plus pauvres – je pense aux zones rurales, au littoral ou aux zones de montagne. Il n’est sans doute pas trop tard pour y remédier.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que la définition du grand emprunt avait été préparée par un rapport œcuméniquement confié à MM. Alain Juppé et Michel Rocard...

M. Stéphane Demilly. En novembre 2012, vous avez remis au Premier ministre un rapport intitulé Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, qui constitue un socle pour le programme des investissements d’avenir. Parmi les conditions du redressement de la France évoquées dans ce rapport figurent à juste titre la logistique des entreprises et la qualité et les infrastructures de transport, dont vous soulignez à juste titre qu’« elles jouent désormais un rôle décisif pour l’attractivité industrielle, de plus en plus éclatée ». Le groupe UDI partage cette analyse. C’est pourquoi je vous parlerai d’un formidable enjeu de développement durable : le futur canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. L’enjeu stratégique de ce projet – que certains tendent à passer sous silence, y compris au plus haut niveau – réside dans l’ouverture de notre réseau fluvial aux 20 000 kilomètres de voies européennes à grand gabarit et à leur réseau de ports intérieurs. La France accuse un retard de cinquante ans par rapport aux économies de l’Europe du Nord pour ce qui est de l’efficacité de ses grands ports maritimes, en raison de la faible qualité de ses liaisons massifiées fluviales et ferroviaires. Ce projet touche des secteurs économiques aussi stratégiques et pourvoyeurs d’emplois que l’automobile, l’acier, l’agroalimentaire, la grande distribution, les matériaux de construction, les produits recyclables ou l’agriculture. Le considérez-vous comme un investissement d’avenir ? A-t-il toute sa place dans votre plan pluriannuel de programmation ? J’espère une réponse positive, courte et uniquement composée de voyelles (rires).

Vous en voudriez par ailleurs au député de la cinquième circonscription de la Somme et maire d’Albert – un site d’Airbus – de ne pas vous interroger sur les investissements consacrés à l’aéronautique et au développement des carburants aéronautiques du futur.

M. Patrice Carvalho. Je souscris pleinement aux propos de Stéphane Demilly. Le Gouvernement s’est pour l’instant peu exprimé sur le projet de canal Seine-Nord Europe ; il serait souhaitable qu’il s’engage, s’il entend promouvoir un développement durable digne de ce nom.

J’évoquerai pour ma part, au nom du groupe GDR, une notion oubliée dans votre exposé : celle du service public, dont relève assurément l’équipement des territoires en très haut débit. Renvoyer cet investissement aux départements ne peut que susciter des disparités au détriment des plus pauvres d’entre eux, qui rencontreront des difficultés pour équiper leurs zones montagneuses ou rurales. Il serait donc souhaitable d’approfondir la réflexion. Peut-on vraiment accepter que les opérateurs s’enrichissent là où les investissements sont très rentables, laissant aux autres la charge d’équiper les zones non rentables ?

Vous appelez au regroupement des déchets pour constituer des gisements plus massifs. Vous savez pourtant comment les grands groupes défendent leur monopole et empêchent toute réflexion collective à ce sujet, certains s’engageant tête baissée dans la voie de l’incinération tandis que d’autres choisissent d’autres systèmes de valorisation. J’observe d’autre part que l’enfouissement des déchets est soumis à une taxe générale sur les activités polluantes sept fois plus élevée que si l’on incinère, bien que les effets de l’incinération en matière de développement durable ne soient guère probants.

Vous avez évoqué le nucléaire et la réactivité que commandent les risques. Mais c’est en amont qu’il faut aborder ce sujet et l’on sait que certaines centrales ont été construites dans des endroits à risque. J’ai beau être favorable au nucléaire, je considère qu’il faut éviter les risques autant que possible.

En ce qui concerne l’habitat, on a affaire à des propriétaires prêts à tout pour ne pas faire de travaux. Les obligations réglementaires se répercutent alors sur le locataire. La réflexion doit donc être conduite bien plus en amont. Il faut également imposer l’emploi de certains matériaux : en matière d’isolation, il y a un monde entre deux solutions, et le moindre coût est trop souvent privilégié par les propriétaires – y compris les bailleurs sociaux publics.

M. François-Michel Lambert. Le groupe écologiste considère qu’en cette période de crise, les enjeux de l’industrie, cruciaux, doivent inspirer aussi bien les décisions politiques que des investissements en matière de développement durable.

Vous accordez une grande importance à la relance de l’industrie française par la création de conditions favorables à l’investissement, en misant notamment sur une montée en gamme par l’innovation et sur le développement d’ETI. Si nous voulons permettre à la France de retrouver un niveau correct en Europe, nous devons à tout prix favoriser la « reconversion écologique » de l’industrie. Vous avez cité l’économie circulaire, à laquelle je suis très attaché. La raréfaction des ressources naturelles et les préoccupations environnementales nous invitent en effet à repenser nos modes de consommation et de production. Contrairement à l’économie linéaire, l’économie circulaire permet d’optimiser les flux d’énergie et de matières, d’utiliser efficacement le minimum de ressources, de réduire la production de déchets et de trouver sur notre propre territoire les matières premières de demain. Ce concept englobe donc la réduction des déchets en amont, l’éco-conception des produits, le remplacement et la vente des produits par la vente de services de location, c’est-à-dire une économie de la fonctionnalité qui renvoie à la notion de production de biens, le réemploi et le recyclage.

L’enjeu est donc de passer d’une économie linéaire à cette économie circulaire, plus respectueuse des milieux naturels et de la biodiversité, créatrice d’emplois, mais aussi robuste, c’est-à-dire moins soumise aux aléas internationaux tels que la raréfaction ou le renchérissement des ressources et aux impacts environnementaux. L’Allemagne, le Japon ou la Chine l’ont déjà fait, en se dotant de stratégies ou de législations encourageant cette économie circulaire. La Commission européenne en a fait l’un de ses engagements prioritaires. Quelles sont vos intentions quant à la mise en place de politiques appuyant la transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources ?

Dans ce domaine comme dans d’autres, la France connaît des pratiques exemplaires. Comment faire en sorte que la recherche et le transfert de technologie français tiennent le haut du pavé en Europe et dans le monde ? Quelle est votre position sur ce modèle, qui s’appuie sur des circuits de proximité souvent portés par des PME et des coopératives ?

J’en viens à la transition énergétique. Afin de faire face à la dépendance énergétique de l’économie française, il est vital de relancer une véritable politique en faveur des énergies renouvelables, qui sont aussi créatrices d’emplois non délocalisables. En 2012, le Portugal a affiché un taux de plus de 60 % d’énergie renouvelable pour l’électricité : c’est la preuve que l’on peut s’engager dans cette voie.

Comment s’articulent les investissements stratégiques réalisés sous l’égide du Commissariat général à l’investissement et le débat national en cours sur la transition énergétique ? Quels sont les filières et les secteurs dans lesquels vous identifiez de forts potentiels industriels créateurs d’emplois ?

Dans le domaine des transports, la mobilité est en pleine réorganisation. Je n’évoquerai donc que les enjeux propres aux transports de marchandises, importants pour le développement durable et l’aménagement du territoire. Je pense notamment à l’optimisation de la logistique. Quelles sont les pistes d’innovation techniques et organisationnelles pour ce secteur ? La logistique représente 200 milliards d’euros de dépenses, soit 10 % du PIB. Les gains de productivité que l’on peut espérer en ce domaine sont de 10 % à 30 %, soit 20 à 60 milliards, des montants à mettre en relation avec le coût du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Je tiens enfin à souligner l’importance de la mise en place d’une fiscalité écologique. Le ministre du budget vient d’annoncer que la fiscalité sur les carburants – et notamment sur le diesel – n’évoluerait pas en 2014. Des engagements forts avaient pourtant été pris par le Gouvernement à ce sujet. Nous sommes convaincus qu’il faut mettre en œuvre une révolution fiscale pour sortir de la crise, en faisant porter la charge fiscale sur l’énergie et les activités polluantes et en soutenant l’investissement dans la transition énergétique. Une telle réforme serait bénéfique pour l’emploi, mais aussi pour l’économie. Quel est votre avis sur ce sujet, à l’échelle de la France comme à celle de l’Europe ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je me vois contraint d’appeler votre attention sur les dépassements de temps de parole. Les représentants des groupes disposent de quatre minutes pour s’exprimer. Le manque de concision aujourd’hui fera que, demain, ils n’en auront plus que trois. Je le dis en toute amitié, ces excès risquent de conduire à une modification du règlement interne de notre Commission. Je soumettrai ce point à la prochaine réunion du Bureau. Cette mise au point me paraît d’autant plus nécessaire que les représentants des groupes ont la possibilité de poser de nombreuses questions, privant du même coup les autres intervenants de la faculté de le faire.

M. Olivier Falorni. Vous abordez longuement dans votre rapport la question du coût de l’énergie, qui reste peu élevé en France par rapport à ce qu’il est chez nos concurrents européens, et vous précisez que le développement des énergies renouvelables ne doit pas nous faire perdre cet avantage concurrentiel. Le groupe RRDP est convaincu que cette filière, de la TPE à la multinationale, doit être encouragée par l’État. Or, le taux de rémunération du livret de développement durable, qui sert en partie à financer les équipements d’économie d’énergie et d’énergies renouvelables, reste peu attractif, même si son plafond a été relevé en août 2012. Ne serait-il pas opportun de mobiliser davantage un outil destiné à soutenir des entreprises dont les emplois sont difficilement délocalisables ?

Le comité pour la fiscalité écologique est à l’œuvre et nous devrions bientôt connaître ses propositions pour le prochain projet de loi de finances. Que pensez-vous de ses premiers travaux ? Ne serait-il pas regrettable de maintenir les avantages fiscaux du diesel ?

Vous ne croyez pas à la baisse de la consommation d’énergie et d’électricité dans le futur. Vous avez sans doute raison, mais cela ne doit pas nous décourager de poursuivre le chantier des économies d’énergie. À ce sujet, que pensez-vous du mécanisme de tarification progressive prévu dans la proposition de loi de M. François Brottes ?

M. Jacques Krabal. Vous avez par ailleurs évoqué le maillage du territoire en très haut débit mais, dans les communes rurales, nous n’en sommes encore qu’au haut débit. Dans quel délai seront-elles équipées ?

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de valoriser nos déchets, mais le problème de la collecte persiste, singulièrement pour les vieux papiers.

S’agissant de la rénovation thermique des logements « passoires », vous avez rappelé les objectifs fixés n’ont pas été atteints. Mais quelles informations ont été diffusées, et par quels canaux ? En ce qui concerne la ville de demain, quel soutien proposez-vous aux petites villes ? Les grandes agglomérations sont-elles les seules concernées ?

S’agissant de la sûreté nucléaire – nous avons compris que vous étiez partisan du tout nucléaire (sourires) –, avez-vous noué un partenariat avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ? Quelle est votre réflexion sur le mix énergétique ? Qu’en est-il enfin, dans le programme d’investissement du Commissariat général à l’investissement consacré à la transition énergétique, gaz de schiste, dont votre rapport recommande l’exploitation ?

M. Louis Gallois. Je m’élèverais au-dessus de ma condition en abordant tous les pans de la politique gouvernementale : les ministres que vous recevez sont mieux placés que moi pour le faire. Je ne m’exprime pas davantage en tant qu’auteur du rapport sur la compétitivité de l’industrie française, même si je serai conduit à l’évoquer pour répondre à certaines questions, mais seulement en tant que commissaire général à l’investissement.

La question de l’investissement dans les réseaux à très haut débit en recouvre une autre, plus générale, sur l’égalité de traitement et le rôle des grands opérateurs. Les choses ne sont pas aussi simples qu’il y paraît. Dans les grandes villes, qui sont déjà relativement équipées en haut débit, nombre de foyers ne sont pas prêts à payer pour accéder au très haut débit. Les opérateurs devront donc conquérir leurs marchés, le besoin apparaissant moins immédiat dans les villes que dans les zones rurales, qui n’ont même pas accès au haut débit.

Le plan « France très haut débit » est clair : il s’agit de traiter tous les domaines, en faisant en sorte que chacun ait intérêt à investir. Il n’est pas anormal de demander au secteur privé de prendre en charge les grandes villes, dont il tire déjà des ressources et qui sont une zone de chalandise que les opérateurs peuvent prospecter. Pour la zone intermédiaire conventionnée, il faudra trouver un équilibre entre ce que font les collectivités locales et ce que peuvent faire les opérateurs. C’est aux premières de négocier avec les seconds une sorte de péréquation entre l’avantage d’être dans les grandes villes et la possibilité d’investir dans des zones conventionnées. Ce ne sera pas facile, et les collectivités locales auront tout intérêt à faire jouer la concurrence entre les opérateurs.

En revanche, il existe déjà un système de péréquation dans la zone dite d’initiative publique, celle où les opérateurs privés ne vont pas spontanément. Le nouveau dispositif défini a précisément pour objet d’améliorer cette péréquation. Pour la partie « capillaire », le taux de subvention passe de 35 % à 50 %, la ruralité est prise en compte dans le taux d’aide – doublé dans ce cas – ainsi que la dispersion des habitats. Grâce à ce dispositif, l’aide publique passe par exemple de 35 à 57 millions d’euros en Auvergne. Il est prévu de parvenir à un déploiement complet en 2022, dont plus de la moitié doit être achevé dès 2017, les zones non couvertes à cette date devant au minimum bénéficier d’un haut débit de qualité, soit plus de 4 mégabits par seconde. Pour ce faire, le plan « France très haut débit » prévoit de financer des solutions de montée en débit et de subventionner des équipements et des techniques alternatives telles que WiMAX et satellites. Le plan mis en œuvre début mai rétablit ou améliore la péréquation entre les zones très denses et les autres.

En ce qui concerne les IEED, nous devrions avoir de bonnes nouvelles dans les prochains jours mais, sans conteste, la procédure a été beaucoup trop longue.

Vous avez estimé insuffisante la proportion de 33 % des investissements d’avenir allouée aux PME. En France, l’effort de recherche et développement est pour 80 % le fait des grands groupes ; nos PME n’ont pas la taille critique nécessaire pour cela. C’est pourquoi nous visons à les faire grandir jusqu’à ce qu’elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI) capables de se lancer dans la recherche et dans l’exportation, qui sont liées, si ce n’est pour les start up, qui se créent autour de la recherche. Nous continuerons de tirer les PME vers les programmes de recherche, c’est indispensable, mais certains grands équipements continueront d’être développés par des grandes sociétés : par exemple, seules des entreprises de la taille d’Alstom sont en mesure d’installer sur un mât haut de 100 mètres un alternateur de 40 tonnes. Cependant, l’une des clauses systématiques, ou presque, des contrats d’allocation d’investissements d’avenir est que le projet associe plusieurs entreprises, notamment des PME.

Vous avez mentionné l’épineux obstacle des normes dans l’économie circulaire. J’ai eu l’occasion de m’entretenir de cette question en septembre dernier avec le président du groupe Paprec, une société de recyclage. Au cours des huit premiers mois de l’année 2012, m’a-t-il indiqué, la gestion des déchets a fait l’objet de 41 modifications réglementaires, dont plus de la moitié était d’origine communautaire. Cette prolifération normative contraint, dans cette entreprise, une équipe de trois personnes à se consacrer à une veille législative permanente. D’évidence, une entreprise de plus petite taille ne peut gérer le flot ininterrompu de l’évolution normative, qui complique singulièrement le travail des industriels.

Pour les projets relatifs à la ville de demain, nous n’avons pas de préférence : peu nous importe que la ville soit petite, moyenne ou grande. J’ajoute que les opérations envisagées concernent des quartiers limités.

Les immeubles considérés étant le plus souvent en très mauvais état, la valeur patrimoniale des « passoires thermiques » est assez faible ; il paraît donc difficile d’en tenir compte. L’axe principal d’intervention est de rassurer les propriétaires concernés ; seuls les maires me semblent avoir la crédibilité nécessaire pour les convaincre de se lancer dans ce type de travaux, pour lesquels le « ticket modérateur » doit être aussi faible que possible.

Monsieur Martial Saddier, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à mon prédécesseur, M. René Ricol, avec lequel j’entretiens d’excellentes et fréquentes relations.

En matière de formation, nous menons une action diversifiée. Notre rôle n’est pas de compléter les 30 milliards alloués à la formation continue mais de financer, en partenariat avec les organismes paritaires collecteurs agréés, des opérations innovantes qu’ils pourront ensuite reproduire. C’est notamment le cas dans le secteur métallurgique et minier et dans celui du bâtiment et des travaux publics. Outre cela, les fonds consacrés aux IEDD comportent un volet « formation ». Je rappelle aussi que nous avons financé les internats d’excellence.

Dans le cadre du redéploiement des investissements d’avenir, nous privilégions les opérations permettant de lier formation initiale et formation continue, à l’image de ce que font avec succès les grandes écoles et l’enseignement agricole. L’association des deux types de formation dans les mêmes établissements est une organisation très judicieuse tant sur le plan financier – les bâtiments sont de la sorte utilisés toute l’année – que sur le plan éducatif, formateurs, élèves et stagiaires ayant ainsi l’occasion de se rencontrer. Nous avons d’autre part confirmé à M. le ministre de l’éducation nationale que nous sommes prêts à financer des projets pilotes d’« e-éducation » dans le premier et le second degré. Nous travaillons également à des projets d’ « e-université » : à l’heure où les universités américaines basculent vers l’enseignement numérique, il le faut, car dans quelques années un étudiant français pourra éventuellement obtenir un diplôme de l’Université de Harvard sans s’être presque jamais rendu aux États-Unis. L’« e-education » est une opportunité pour nos universités, mais elle deviendra une menace si elles ne se l’approprient pas car la compétition entre établissements d’enseignement supérieur, déjà très forte, va encore s’intensifier par ce biais.

Les infrastructures de transport ont été exclues d’emblée du champ des investissements d’avenir par la commission présidée par MM. Juppé et Rocard. C’est donc, monsieur Stéphane Demilly, à la commission Mobilité 21 présidée par M. Philippe Duron qu’il revient de réviser le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) et de définir dans ce cadre le sort du projet de canal Seine-Nord Europe.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous entendrons notre collègue Philippe Duron, en sa qualité de président de la commission Mobilité 21, le 5 juin prochain.

M. Louis Gallois. Pour avoir été, dans mes précédentes fonctions, de l’autre côté de la barrière, je puis dire que les investissements aéronautiques ont été remarquablement financés. C’est que le Conseil pour la recherche aéronautique civile avait défini de longue date les projets à mener. Cela a permis aux industriels de l’ensemble du secteur – avions, hélicoptères, satellites, moteurs – de se présenter, dès l’ouverture des guichets du Commissariat général à l’investissement, avec des dossiers bouclés, si bien que l’industrie aéronautique a bénéficié d’un fort soutien dans le cadre des investissements d’avenir. En revanche, le projet de carburant du futur n’a pas rencontré grand succès : un seul dossier a été présenté, qui n’a pu aboutir faute qu’un financement privé ait été trouvé.

Ayant dirigé la SNCF pendant une décennie, j’ai quelque idée de ce que sont les missions de service public, mais vous faites bien, monsieur Patrice Carvalho, de me rappeler à mes devoirs de peur que je ne les aie oubliés… (Sourires). Plus sérieusement, le plan de déploiement du très haut débit tend à mettre cette infrastructure à la disposition de la population sur l’ensemble du territoire ; c’est une infrastructure de service public.

Pour valoriser les déchets, il convient de créer des gisements de détritus exploitables et pour cela les rassembler. De grands groupes comme Suez Environnement se livrent à cette activité, mais aussi des entreprises de taille moyenne et une multitude de petites entreprises qui peinent à atteindre la taille critique permettant une exploitation rentable.

Les décisions relatives à la construction de nouvelles centrales nucléaires ne sont pas de ma compétence mais je vous ai dit ce que nous pouvions faire en matière de gestion des risques.

Nous nous sommes jusqu’à présent intéressés à des programmes d’isolation de logements de propriétaires occupants. Pour améliorer le bilan énergétique des immeubles, nous envisageons d’étendre ces financements au parc des logements locatifs anciens. La question se pose évidemment en d’autres termes pour les logements neufs, qui font l’objet de normes de plus en plus sévères – à juste titre, à condition qu’elles ne changent pas trop souvent.

La reconversion écologique de l’industrie est l’un de nos objectifs, monsieur François-Michel Lambert, mais la chose n’est pas simple, la débandade européenne face à l’hyper-concurrence chinoise en matière d’énergie solaire l’a montré. J’observe que la Commission européenne prend des mesures à ce sujet maintenant, c’est-à-dire avec deux ans de retard et alors que l’industrie européenne des panneaux solaires est pratiquement réduite à néant. La Commission doit veiller à mener une politique permettant aux industriels des nouvelles technologies de se développer. Pour défendre notre industrie, nous devons être innovants, ce qui dit l’importance de la recherche. C’est pourquoi j’avais proposé que l’on poursuive la recherche sur les énergies renouvelables, de manière à réduire leur coût, encore excessif, à améliorer leur stockage et à favoriser la croissance des industries concernées.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a participé au comité de pilotage qui a choisi les bénéficiaires de nos financements dans les domaines de son ressort et elle est contractuellement destinataire de tous les résultats des recherches entreprises.

Je me garderai de répondre à la place de Guillaume Pepy à vos questions relatives au fret ferroviaire. Je dirai simplement la corrélation entre l’affaiblissement de notre tissu industriel, la réduction des concentrations de trafic et les difficultés grandissantes de ce secteur. Pour donner toute sa pertinence au fret ferroviaire, il faut des lieux de massification du transport ; les ports français, enjeu décisif en cette matière, doivent retrouver leur dynamisme.

La fiscalité écologique n’est pas de mon ressort, non plus, monsieur Olivier Falorni, que la fixation du taux de rémunération du livret de développement durable. Quant à la tarification progressive de la consommation d’énergie, pourquoi pas ? – mais une extrême prudence s’impose dans la définition du dispositif, car les modifications fiscales peuvent avoir de gigantesques effets pervers.

Le papier, monsieur Jacques Krabal, est l’un des volets de la gestion des déchets dans lesquels la massification est essentielle.

Je partage votre opinion, il faut renforcer l’information sur les travaux d’isolation des logements, et surtout rassurer les personnes potentiellement concernées.

Enfin, les investissements d’avenir ne financent pas la recherche sur les techniques d’extraction et d’exploitation du gaz de schiste.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie. La parole est maintenant aux orateurs inscrits.

Mme Sophie Rohfritsch. Nous devons en finir, résolument, avec les financements croisés. Or, plusieurs pôles de compétitivité consacrent des moyens à certains des axes de recherche que vous avez décrits. Chacun conviendra pourtant que tous les financements publics doivent aller directement aux projets et aux entreprises, sans cloisonnement ni doublons. Entendez-vous faire le grand ménage qui s’impose ? En avez-vous reçu mission, et y parviendrez-vous ?

M. Jean-Jacques Cottel. Notre collègue Rémi Pauvros travaille également sur le dossier du canal Seine – Nord Europe et je souhaite demeurer optimiste à ce sujet.

En matière numérique, il est bien long de devoir attendre dix ans. Comment les collectivités territoriales peuvent-elles prendre les devants ? Quelles aides et quels soutiens sont possibles ?

Par ailleurs, quand je suis interrogé par des agriculteurs désireux de connaître les aides qui pourraient leur être allouées pour procéder à la méthanisation – dans le cas qui m’occupe, à partir de racines d’endives –, je ne sais que leur répondre. Qu’en est-il ?

Guillaume Chevrollier et moi-même avons été chargés par la commission d’une mission d’information sur la gestion des déchets. L’enjeu est de structurer la filière industrielle et de concrétiser les programmes. La France a un grand retard sur l’Allemagne et l’Italie en ce domaine. On parle de créer un pôle d’excellence pour mener à bien des programmes de recyclage de big bags agricoles ; qu’en pensez-vous ?

M. Jacques Kossowski. Les IEDD ont été conçus pour permettre à la France de garder son avance dans des secteurs clés et de se doter des filières industrielles et de services compétitifs, pour créer richesse et emploi. Quel est l’état d’avancement des financements ? Par ailleurs, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a-t-elle des indications sur l’efficacité de ces structures ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Sur un plan particulier, j’aimerais savoir si le projet de géothermie profonde Fonroche a une chance d’aboutir. Sur le plan général, on ne peut manquer d’être frappé, en vous entendant, par la lourdeur de la gouvernance des projets cofinancés par le Commissariat général à l’investissement. Vous voulez simplifier les procédures et renforcer le travail en commun ; comment vous y prendrez-vous ?

Mme Laurence Abeille. Il a été question de valorisation des déchets. Je tiens à souligner à ce sujet que priorité doit être donnée à la réduction des déchets et, dans un second temps seulement, à leur traitement. Par ailleurs, ni l’agriculture ni l’industrie agro-alimentaire n’entrent dans le champ d’intervention des investissements d’avenir ; il le faut pourtant, puisque la transition écologique de notre économie passe par la mutation des modes opératoires agricoles. Aussi convient-il de favoriser le développement de l’agriculture biologique, investissement vertueux tant pour la santé publique que pour la biodiversité.

M. Philippe Vigier. Étant, au Commissariat général à l’investissement, à la tête de 35 milliards d’euros, comment êtes-vous parvenu à résister aux pressions des ministères tendant à vous faire financer leurs politiques générales ? D’autre part, un second « grand emprunt » est-il envisageable ?

M. Philippe Bies. Membre des groupes d'études « Économie verte et économie circulaire » et « Construction, éco-construction et logement » de notre Assemblée, je souhaite mentionner un projet démonstrateur d’îlot résidentiel en bois, coordonné par les pôles de compétitivité Fibres Grand Est et Alsace Energivie. La consultation est lancée, mais, comme souvent en pareils cas, des problèmes d’ordre réglementaire compliquent passablement le passage de la phase de projet à la phase de contractualisation. Ne peut-on envisager un dispositif d’expérimentation plus souple, qui permettrait la réalisation des projets dans un délai raisonnable ? Une autre difficulté tient au cadre très contraignant de la commande publique.

M. Yves Albarello. La France manque d’ETI et son économie en souffre ; comment les faire émerger ? Dans un autre domaine, le projet de nouveau Grand Paris est-il éligible aux investissements d’avenir pour ce qui concerne la gestion innovante des infrastructures ferroviaires ou la géothermie destinée à alimenter les gares en chauffage ?

M. Gilles Savary. Bien que ma circonscription rurale soit suréquipée en haut débit, la production du réseau n’est accessible aux collectivités publiques qu’au prix du marché. Ce paradoxe témoigne d’une gouvernance déplorable, qui conduit à multiplier les subventions publiques à des réseaux privés ou publics différents sans les localiser.

Dans un autre domaine, nous nous interrogeons sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire (TET). Il manque, en France, un train décent roulant à 220 km/heure, et tout laisse deviner que la concurrence qui se profile opposera sous peu SNCF-Alstom à DB-Siemens. Ne pourrait-on destiner des investissements d’avenir à la mise au point d’un train « intermédiaire » qui permettrait de sauver les TET ?

M. Yannick Favennec. Les investissements d’avenir doivent pour partie contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Mais, pour qu’il en soit ainsi, la France ne doit-elle pas en venir à un véritable « choc de simplification », et en finir avec l’hystérie normative qui ronge notre pays dans tous les domaines et qui pourrait freiner les investissements d’avenir dans le développement durable ?

J’insiste par ailleurs à mon tour pour que l’agriculture et le secteur agro-alimentaire ne soient pas écartés du bénéfice de ces mêmes investissements.

M. Claude de Ganay. Je veux appeler l’attention sur l’avenir de la forêt, pour laquelle, depuis la disparition du fonds forestier national, en l’an 2000, politique stratégique et financement adéquat manquent cruellement. Ce fonds offrait pourtant, depuis sa création, en 1946, un cadre structurel et financier à la gestion dynamique des forêts françaises et au développement de la filière bois. Il visait principalement à encourager le reboisement et à désenclaver les forêts. Aujourd’hui, notre politique forestière est au point mort, et chaque année le déficit commercial de la filière bois est de 2 milliards d’euros – et je crains qu’il ne s’aggrave encore. Que penseriez-vous du lancement d’un appel à manifestations d'intérêt sur l’économie forestière permettant de financer le reboisement, le renouvellement de la forêt et le développement des entreprises de la filière ? L’urgence est avérée.

M. Philippe Plisson. Selon quels critères la part des investissements d’avenir destinée aux énergies renouvelables sera-t-elle ventilée ? Sur le fond, l’arbitrage financier relatif à la transition énergétique me paraît très insuffisant pour induire les changements de modèle qu’impose la situation.

M. Guillaume Chevrollier. Le grand emprunt, lancé par le précédent Gouvernement, a été conçu pour soutenir l’innovation. Une place importante est donnée au développement durable, secteur dans lequel les PME, qui jouent un rôle majeur en matière d’emploi, s’investissent. Des milliards d’euros ont été débloqués ; quelle part précise a été réservée aux PME, et cette manne a-t-elle été équitablement répartie sur le territoire ?

M. Michel Heinrich. L’innovation est le maître mot de la politique industrielle française, mais plus les entreprises innovent, plus elles sont positionnées sur des marchés émergents et plus forts sont les freins administratifs, réglementaires et financiers. Je donnerai pour exemple le secteur des éco-matériaux et particulièrement la production d’ouate de cellulose. De très nombreuses entreprises, partout sur le territoire, sont en difficulté en raison d’un système de certification trop long, opaque, au confluent de conflits d’intérêts et soumis à la pression des grands groupes. Nous souhaitons, sur tous les bancs, la création d’un organisme de certification indépendant. Soutiendrez-vous cette démarche ?

M. Laurent Furst. Les investissements d’avenir visent à favoriser l’activité économique future. Soit, mais quelle garantie avons-nous que les nouveaux produits financés par de l’argent public fort justement investi seront, demain, fabriqués en France ?

Le maillage du territoire en haut débit est indispensable à l’avenir de notre pays, mais l’investissement à la charge des collectivités territoriales est de 3 milliards. Parviendront-elles à les réunir, alors que le Gouvernement annonce une très forte réduction des dotations de l’État aux collectivités locales ? Le Commissariat général à l’investissement a-t-il tenu compte de cette situation nouvelle ?

M. Charles-Ange Ginesy. Outre que la somme de 20 milliards d’euros sur dix ans me semble trop faible pour financer le développement du très haut débit sur l’ensemble du territoire, je m’interroge sur la cohérence entre le réseau que nous entendons bâtir et le réseau européen, et en particulier, sur l’insuffisance de « points d’échange Internet » (Global Internet Exchange ou GIX) qui servent à la conservation des données personnelles.

M. Jean-Marie Sermier. Je prends la parole pour relater une expérience singulière, celle du déploiement du très haut débit à Champagne-sur-Loue, village jurassien de 110 habitants. Face à la réponse négative de France Télécom à une demande d’installation de réseau à haut débit, les élus locaux ont créé un réseau d'initiative publique (RIP) visant à créer une ligne de « fibre optique jusqu'à la maison » (FTTH) de dix kilomètres. Cette expérimentation bénéficiait de crédits européens. Or, à quelques jours de la mise en service de ce RIP, et pour les mêmes 110 habitants, France Télécom a décidé de poser une autre ligne de fibre optique, longue de dix kilomètres, à proximité immédiate. Ce gaspillage de deniers publics a paru tellement incongru qu’une rare manifestation a eu lieu, pour tenter d’arrêter le chantier de France Télécom. Il faut mettre un terme aux aberrations de cette sorte, et s’assurer que partout où de l’argent public est en jeu, il n’y pas de doublons – d’autant que la concurrence est possible que le réseau soit un réseau RIP ou un réseau France Télécom.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai connu la situation inverse…

M. Louis Gallois. Vous vous êtes, madame Sophie Rohfritsch, inquiétée des financements en doublons. Dans Les Échos de ce matin, l’économiste Patrick Artus tient qu’il faudrait supprimer toutes les aides publiques à l'innovation et leur substituer un allégement des charges sociales. Cette analyse me paraît un peu rapide : on sait que certains de ces dispositifs ont eu un effet patent pendant la crise, évitant l’effondrement des dépenses de R&D dans nos entreprises et focalisant la recherche en France sur certains domaines d’avenir. Autant il faut simplifier un système fait de quelque 800 types d’aides, autant je ne suis pas favorable à une suppression indifférenciée. Le « grand ménage » auquel vous m’appelez n’est pas de mon ressort, mais une simplification serait incontestablement utile.

Monsieur Jean-Jacques Cottel, en matière de très haut débit, le rythme dépend des moyens financiers apportés : les départements ou les régions qui veulent aller plus vite le peuvent.

M. Ivan Faucheux précisera la question de la valorisation des digestats, les résidus de la méthanisation.

M. Ivan Faucheux, directeur du programme « énergie, économie circulaire » au Commissariat général à l'investissement. Les gisements de déchets sont très diversifiés. Or, les processus industriels n’aiment pas la diversification, qui fait s’écrouler le rendement. Il faut donc mettre au point des étapes de prétraitement et de standardisation de la collecte. La question est particulièrement complexe pour les bois issu de déchets mobiliers, qui ont été traités plusieurs fois ; plusieurs étapes de prétraitement s’imposent pour supprimer tous les solvants précédemment utilisés, notamment si l’on vise une exploitation énergétique, car on ne saurait relâcher dans l’atmosphère des produits contaminants ou polluants en très grandes quantités. Dans une économie circulaire, la difficulté est toujours de disposer d’un gisement standardisé en quantité suffisante pour justifier un processus industriel compétitif.

M. Louis Gallois. Comme vous, monsieur Jacques Kossowski, je suis convaincu que, pour les IEDD, il faut aller beaucoup plus vite, et parvenir à alléger les contraintes communautaires.

Madame Martine Lignières-Cassou, nous n’avons pas cherché, en définissant les investissements d’avenir, à faire face à des urgences mais à sélectionner des projets innovants de qualité. Cela a conduit à la création d’un comité de pilotage et une démarche qui peut paraître assez lourde. Mais, selon moi, ce qui n’est pas acceptable, c’est le délai entre le moment où l’engagement est approuvé et celui de la contractualisation effective. Pour les IEDD, l’obstacle a été identifié. Pour le reste, nous devons aller beaucoup plus vite. Pendant une certaine période, un problème s’est posé avec l’ADEME qui, ayant eu à instruire beaucoup plus de projets qu’elle n’était capable d’en gérer, s’est trouvée saturée ; mais la situation s’est nettement améliorée. Croyez bien que notre préoccupation essentielle est maintenant de passer très vite de l’engagement à la contractualisation.

M. Ivan Faucheux. Je pense pouvoir vous dire, madame Lignières-Cassou, que le projet Fonroche n’est pas dans le bas du classement des quatre projets de géothermie instruits par l’ADEME… (Sourires).

M. Louis Gallois. Madame Laurence Abeille, ni l’agriculture ni l’industrie agro-alimentaire ne sont exclues des investissements d’avenir et nous menons de nombreuses opérations avec l’INRA, mais les quelques grands groupes industriels du secteur n’ont pas présenté de dossiers. J’ai signalé à MM. les ministres Le Foll et Garot que nous souhaitions une meilleure réponse de l’industrie agro-alimentaire. Nous devrons faire une opération spécifique de stimulation de cette industrie, qui a un formidable potentiel mais qui a besoin d’innovation pour le valoriser.

Il n’y a pas eu, monsieur Jean-Pierre Vigier, de pressions politiques. Cela étant, parce que nous sommes un des rares points d’eau dans le désert, les caravaniers, autrement dit les ministères auxquels les arbitrages budgétaires ont été défavorables, pourraient être tentés de venir vers nous, et nous devrions résister, puisque nous voulons maintenir nos critères – innovation, qualité, interministérialité, association de partenaires. Ainsi, notre rôle n’est pas de financer le développement des hôpitaux en France, mais nous sommes tout disposés à financer – nous l’avons déjà fait –  des opérations innovantes dans des centres hospitaliers.

La surréglementation, monsieur Philippe Bies, est un mal français, ce pourquoi nous entendons depuis longtemps parler de simplification. J’ai moi-même proposé dans mon rapport que, dans cinq domaines, on mette l’accent sur la simplification ; cette idée a été reprise et amplifiée par le Président de la République. Nous devons absolument enrayer la déferlante réglementaire, y compris celle qui émane de Bruxelles qui prend une importance grandissante.

Vous suggérez des dispositifs d’expérimentation plus souples. Je dirai seulement à ce sujet qu’une entreprise participant à une expérimentation se trouve de facto exclue du marché qui la généralisera ; de ce fait, elle subit le coût de l’innovation mais ne peut en tirer bénéfice. Nous nous penchons sur ce problème qui fait obstacle au développement des projets innovants. Enfin, nous essayons toujours qu’il y a ait partenariat dans la commande publique.

J’ai indiqué dans mon rapport, monsieur Yves Albarello, ce que sont les obstacles au développement des PME françaises. Je citerai notamment le manque de financement, l’impossibilité de lisser les seuils sociaux et la crainte qu’ont les entrepreneurs de prendre les risques associés à la croissance de leur entreprise, particulièrement en matière de recherche et d’exportations.

Les investissements d’avenir n’ont pas vocation à prendre en charge directement le projet Grand Paris, mais nous intervenons massivement dans le volet « Université » et dans le volet « aménagement » du plateau de Saclay. J’ai pris note de vos suggestions.

Monsieur Gilles Savary, le nouveau cahier des charges relatif au très haut débit encourage à la réutilisation des infrastructures existantes et accepte d’en financer l’utilisation. La tarification du recours à ces infrastructures ne relève pas de l’État mais de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Pour ce qui est des trains, la question qui se pose pour l’instant est de savoir comment Alstom développera la prochaine génération de TGV. Je ne sais pas si un train circulant à 220 km/heure fait appel à des innovations telles que nous ayons à intervenir. Quoi qu’il en soit, nous soutenons Railenium, l’institut européen de recherche technologique pour l'infrastructure ferroviaire.

Vous vous êtes inquiété, monsieur de Ganay, du déficit de la filière bois. M. Faucheux l’a indiqué, un des problèmes est de parvenir à massifier les résidus permettant de fabriquer la biomasse. La gestion du massif forestier français n’est pas dans les compétences du Commissariat, mais je sais l’obstacle que constitue son émiettement.

Je ne peux, monsieur Philippe Plisson, vous donner de tête la ventilation des crédits pour l’innovation énergétique alloués aux entreprises en fonction de leur taille, mais je vous ai donné une indication pour les IEED et je redis que, même si l’on peut toujours aller plus loin, consacrer 33 % des investissements d’avenir aux PME est une performance plutôt satisfaisante.

La question posée par M. Guillaume Chevrollier allant dans le même sens, je souhaite rappeler que le soutien apporté aux PME ne doit pas tourner à la croisade contre les grandes entreprises industrielles, une des richesses de notre pays. Elles constituent des filières, représentent 80 % de l’investissement privé dans la recherche et sont à l’origine des deux tiers de nos exportations même si une bonne part de leur développement se fait à l’étranger. Les stigmatiser, c’est risquer de les inciter à s’installer ailleurs, où elles seront bienvenues.

Il est exact, monsieur Michel Heinrich, que les processus de certification des produits nouveaux sont extrêmement contraignants et longs, mais je ne connais pas assez les éco-matériaux pour me prononcer sur ce sujet particulier.

Monsieur Laurent Furst, nous cherchons par nos financements à créer l’activité économique de demain. C’est une prise de risque, et il faudra accepter un certain taux de déperdition des investissements d’avenir, et que des opérations lancées s’interrompent si l’on s’aperçoit qu’elles ne fonctionnent pas. Le suivi sera essentiel.

Comment les collectivités territoriales financeront-elles leur part ? D’abord, je l’ai indiqué, par l’accroissement du taux de financement de l’État et des prêts aux opérateurs par la Caisse des dépôts. Nous souhaitons, pour permettre des économies d’échelle, la création de réseaux départementaux et régionaux. Je ne méconnais pas la difficulté de financement de ces projets par les collectivités locales, mais les contraintes budgétaires que subit l’État sont au moins aussi sévères.

Je prends acte, monsieur Charles-Ange Ginesy, que vous jugez insuffisantes les sommes consacrées au développement du très haut débit. Je puis être d’accord avec vous à propos de l’Europe : le développement du haut débit pourrait être un grand projet européen, tout comme l’interconnexion énergétique dont nous avons absolument besoin. J’ai proposé plusieurs fois que l’Europe emprunte pour financer des infrastructures telles que le très haut débit, ce qui permettrait la cohérence des équipements.

Vous avez, monsieur Jean-Marie Sermier, évoqué le cas surprenant du village français le mieux équipé en fibre optique (Sourires). Dans un pays où l’argent public est rare, nous devons limiter de telles aberrations autant que faire se peut.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie, monsieur Louis Gallois, pour ces intéressantes précisions. Vous avez évoqué l’éventualité d’une dotation complémentaire pour les investissements d’avenir ; nous aurons donc l’occasion de vous entendre à nouveau. J’ai noté votre insistance sur la nécessité d’évaluer par un suivi efficace les retombées des financements alloués et de savoir interrompre les recherches qui ne déboucheraient pas sur des possibilités d’industrialisation.

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* *

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le projet de loi relatif à la consommation a été renvoyé à la commission des affaires économiques. J’ai indiqué au président de notre assemblée que la commission du développement durable souhaitait se saisir pour avis des articles portant spécifiquement sur l’action de groupe (articles 1er et 2), les garanties apportées au consommateur (articles 3, 4, 6 et 7), les indications géographiques (articles 23 et 24) et le code des transports (articles 56 et 69).

Par ailleurs, le Gouvernement a déposé au Sénat trois projets de loi de décentralisation. Le premier qui sera examiné porte sur la « modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles ». En raison de sa compétence d’aménagement du territoire, j’estime nécessaire que la commission du développement durable se saisisse également pour avis du texte qui sera adopté par le Sénat. Il est nécessaire de désigner d’ores et déjà notre rapporteur afin qu’il commence ses travaux sur un texte complexe. À cet égard, je rappelle l’organisation d’une table ronde, mercredi 12 juin prochain, sur les métropoles.

*

La Commission a alors désigné :

– M. Jean-Louis Bricout rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la consommation (n° 1015) ;

– M. Florent Boudié rapporteur sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Sénat n° 495).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 22 mai 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Alain Fauré, M. Régis Juanico, Mme Christine Pires Beaune