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Mercredi 2 octobre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la gestion des matières et déchets radioactifs avec la participation de Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, M. Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l’industrie nucléaire (direction générale de l’énergie et du climat), M. Sylvain Granger, directeur de la division du combustible nucléaire (EDF) et M. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire (Greenpeace France)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table-ronde sur la gestion des matières et déchets radioactifs, avec la participation de Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, M. Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l’industrie nucléaire (direction générale de l’énergie et du climat), M. Sylvain Granger, directeur de la division du combustible nucléaire (EDF) et M. Yannick Rousselet (Greenpeace France).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission du développement durable a entamé, dès le début de la présente législature, une réflexion sur la gestion des matières et des déchets radioactifs, non seulement en raison du débat en cours sur la transition énergétique, mais également face aux enjeux que soulève cette question dans les domaines environnementaux, sanitaires et économiques.

Nous avons ainsi lancé une mission d’information sur le sujet. Les deux rapporteurs, Julien Aubert et Christophe Bouillon, se sont rendus sur site en France et en Suède et ont présenté leur rapport le 3 juillet dernier.

Face aux questions et controverses soulevées – on pense notamment à l’éventuelle construction d’un centre de stockage géologique profond en Meuse/Haute-Marne pour les déchets les plus radioactifs –, il nous a semblé utile de poursuivre nos travaux en organisant une table-ronde afin de dresser un état des lieux de la situation française. Dans le cadre de cette table-ronde, notre commission reçoit donc aujourd’hui :

– M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l’industrie nucléaire à la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ;

– Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), que nous avions déjà accueillie avec le président de l’Agence François-Michel Gonnot ;

– M. Sylvain Granger, directeur de la division du combustible nucléaire à EDF ;

– M. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greeenpeace France ;

– M. Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui pourrait, s’il en était d’accord, prendre la parole en dernier, car c’est à l’Autorité de sûreté que tous les acteurs doivent, à la fin, rendre compte et c’est bien l’Autorité de sûreté qui se trouve au cœur de la gouvernance du système.

M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l’industrie nucléaire à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer devant vous, au nom de la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.

La DGEC est chargée de la mise en œuvre de la politique française concernant les matières et les déchets radioactifs. Cette politique vise à assurer leur gestion durable dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sûreté et de l’environnement. Elle repose sur trois piliers : l’établissement d’un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) ; la mise en place d’un établissement public, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA), qui est chargée de la mise en œuvre des solutions de gestion ; enfin, la sécurisation du financement du démantèlement des installations nucléaires et de gestion des déchets radioactifs.

La France a été l’un des premiers pays à prendre conscience de la nécessité de mettre en place une politique responsable et volontariste de gestion de ses déchets radioactifs. Avec la « loi Bataille » de 1991, le Parlement a inscrit la politique française dans une perspective de recherche de solutions pérennes et sûres pour ces déchets. Dans le prolongement du cadre défini par cette loi de 1991, le Parlement a voté le 28 juin 2006 une nouvelle loi qui définit notre cadre national pour la gestion des déchets radioactifs. Elle place au cœur des priorités la protection de la santé des personnes et de l’environnement, la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs, la prévention ou la limitation des charges supportées par les générations futures, et le principe « pollueur payeur ».

La loi crée un outil de pilotage triennal, ce PNGMDR dont je viens de parler, afin d’assurer le suivi et la mise en œuvre des objectifs et des principes définis au niveau législatif. Le PNGMDR a vocation à couvrir de la façon la plus complète possible la gestion des matières et des déchets radioactifs, et à garantir que ces substances seront gérées dans le respect des conditions de sûreté les plus élevées. Il constitue un élément essentiel de transparence puisqu’il est élaboré au sein d’un groupe de travail pluraliste, coprésidé par l’ASN et la DGEC et associant l’ensemble des parties prenantes.

Le Gouvernement a transmis le PNGMDR pour la période 2013-2015 au Parlement à la fin de 2012. Les principales recommandations de ce plan sont les suivantes : développer de nouveaux modes de gestion à long terme pour les déchets radioactifs ; améliorer les modes de gestion existants, en particulier par la mise en place d’outils de suivi permettant de suivre les capacités volumiques et radiologiques des centres de stockage ; prendre en compte les évènements qui sont survenus au cours de la période précédente, en établissant un retour d’expérience – par exemple, l’arrêt pendant plusieurs mois de la filière d’incinération de Centraco.

La France porte cette exigence d’une gestion responsable au-delà de ses frontières. Elle a ainsi activement contribué à l’élaboration de la directive européenne établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. Cette directive, adoptée le 19 juillet 2011, réaffirme la responsabilité de chaque État dans la gestion de ses déchets radioactifs. Elle demande la mise en place d’un programme national pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs – tel que cela été déjà réalisé en France, avec l’élaboration du PNGMDR – ainsi que celle d’un inventaire national.

Nous avons lu avec le plus grand intérêt le rapport d’information des députés Julien Aubert et Christophe Bouillon, qui est un remarquable travail de synthèse et de clarification sur un sujet complexe.

Après ce tour d’horizon, je voudrais revenir sur trois points soulevés dans ce rapport.

Premièrement, le rapport souligne l’importance de l’indépendance de l’ANDRA, à laquelle le Gouvernement est également très attaché. Je voudrais ajouter qu’assurer cette indépendance et garantir en même temps l’efficacité de l’Agence emporte au moins deux conséquences. D’abord, que l’ANDRA soit évaluée : c’est le rôle de l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), s’agissant de la sûreté, mais aussi celui de la Commission nationale d’évaluation des recherches, s’agissant des recherches essentielles effectuées par l’ANDRA à l’appui des projets qu’elle développe. Je précise que l’ANDRA a également subi cette année un audit de l’ARS et que la DGEC a organisé plusieurs revues de la conduite du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Il faut également qu’une coordination suffisante existe entre l’ANDRA et les producteurs de déchets afin, par exemple, que les filières de gestion s’articulent de façon optimale avec les flux de production de déchets. La DGEC s’assure de cette coordination industrielle au titre de l’article R.542-73 du code de l’environnement instituant un Comité de coordination industriel pour les déchets radioactifs. Ce comité assure également le suivi des financements mis en œuvre pour la construction, l’exploitation et la surveillance des centres de stockage.

Le deuxième point de ce rapport que je voudrais relever concerne les déchets les plus radioactifs. Le rapport de MM. Aubert et Bouillon propose de créer une zone d’intérêt national (ZIN), afin de marquer la reconnaissance de la Nation vis-à-vis des territoires accueillant le projet Cigéo – s’il est autorisé. Ce projet représente un enjeu majeur pour la Nation. Son insertion harmonieuse et sa contribution positive à la réussite des territoires concernés revêtent donc une importance toute particulière. Le Gouvernement est soucieux de garantir que le projet sera porteur de développement économique pour les territoires qui l’accueillent. Il lui tient à cœur que l’industrie nucléaire poursuive et intensifie l’accompagnement économique autour d’une opération industrielle essentielle et structurante. L’ensemble de ces questions sont discutées avec les territoires dans un comité de haut niveau, qui se réunit annuellement sous la présidence du ministre chargé de l’énergie. Il examinera prochainement les outils de gouvernance appropriés pour assurer le développement des territoires concernés. La création d’une zone d’intérêt national fait bien sûr partie des choix possibles.

Le troisième et dernier point que je voulais relever concerne la gestion des déchets les moins radioactifs. Le rapport propose que soit engagée une « réflexion prudente » sur l’introduction d’un seuil de libération en France, et sur une possible réutilisation, au sein de la filière nucléaire, de matières pour lesquelles la démonstration a été apportée qu’elles ne sont pas plus radioactives que la matière issue de filières conventionnelles.

En France, la réglementation ne prévoit pas de libération des déchets de très faible activité (TFA). Cette approche permet de garantir que l’industrie nucléaire nationale ne peut être à l’origine d’une contamination venant d’un matériel qui en est issu, en garantissant la traçabilité des déchets produits. Pour des raisons tant techniques que politiques, le Gouvernement est convaincu qu’il faut maintenir cette traçabilité, quels que soient les choix à venir. Cette question est régulièrement abordée lors des travaux du groupe de travail PNGMDR, qui montrent qu’il est très difficile de trouver, au sein de la filière nucléaire, des filières de recyclage de déchets TFA qui présentent un intérêt économique. Le PNGMDR demande par ailleurs la poursuite des études relatives à la mise en œuvre de ces filières de valorisation.

Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Je rappellerai en premier lieu que l’ANDRA est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par la première loi sur les déchets radioactifs. Nous avons une triple tutelle : énergie, environnement et recherche. Notre unique mission est la gestion à long terme des déchets radioactifs. Nous avons aujourd’hui 600 salariés et notre budget est d’environ 200 millions d’euros. Nos activités sont essentiellement financées par les producteurs de déchets, suivant différents canaux : taxes ou contrats.

La problématique des déchets radioactifs est bien illustrée par l’inventaire national que nous publions tous les trois ans ; c’est une de nos missions d’intérêt général, qui est financée par l’État. Les derniers chiffres que nous avons publiés montrent que nous avions, fin 2010, 1 320 000 mètres cubes de déchets sur le territoire français, dont 90 % ont une solution de gestion. Il s’agit essentiellement de déchets de faible et moyenne activités à vie courte et de déchets de très faible activité – essentiellement des déchets d’exploitation et de maintenance des centrales et des déchets de démantèlement.

Si les volumes de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue sont très faibles, l’activité totale de ces deux catégories représente à elle seule la presque totalité de la radioactivité (99 %).

L’inventaire publié par l’ANDRA établit une photographie à l’instant t, mais fait aussi œuvre prospective. En effet, pour pouvoir travailler sur des solutions de gestion, il est important de se projeter dans le temps et d’évaluer la production prévisionnelle des déchets radioactifs. En accord avec le Comité de pilotage de l’inventaire qui réunit toutes les parties prenantes, nous avons donc établi deux scénarios et étudié la production de déchets correspondante.

Ce sont deux scénarios volontairement contrastés et théoriques : l’un suppose la poursuite de la production d’électricité nucléaire, avec une hypothèse de durée de vie du parc de cinquante ans par réacteur ; l’autre suppose le non renouvellement de la production électronucléaire, qui impliquerait l’arrêt des réacteurs dès qu’ils atteignent quarante ans de durée de vie, et l’arrêt du retraitement en 2019, afin de ne pas produire du plutonium ou du MOX qui ne pourraient pas ensuite être réutilisés dans les centrales.

S’agissant des déchets de faible et moyenne activité, on ne constate pas de grosse différence de volume selon les scénarios ; la différence s’explique essentiellement par la différence de durée de vie : dans un cas quarante ans, et dans l’autre cinquante ans – ce qui a forcément un impact sur les déchets d’exploitation et de maintenance. La différence majeure tient au fait que, dans le scénario d’un arrêt du nucléaire et du retraitement, l’ANDRA aura de surcroît à étudier le stockage de combustibles usés – ce qui n’est évidemment pas le cas quand on poursuit la production d’électricité, puisqu’on ne stocke alors que des déchets vitrifiés.

Il faut également retenir de l’inventaire et du PNGMDR que, finalement, avec les centres de stockage existants de l’ANDRA, nous sommes tranquilles s’agissant de la gestion des déchets d’exploitation et de maintenance du parc nucléaire. En effet, avec le centre de surface de l’Aube aujourd’hui en exploitation, qui a été mis en service en 1992, nous avons une capacité suffisante (1 million de mètres cubes) pour accueillir les déchets du parc, y compris dans une hypothèse de cinquante ans de durée de vie.

Nous nous inquiétons davantage des capacités actuelles du centre de stockage des déchets de très faible activité situé à Morvilliers, également dans l’Aube, qui est autorisé pour 650 000 mètres cubes. Les projections de l’inventaire prévoient en effet plus d’1,3 million de mètres cubes de déchets à produire par les démantèlements des installations nucléaires de base. Il nous faut donc nous interroger sur notre capacité à stocker ces volumes très importants de déchets de très faible activité, issus de démantèlements. L’ANDRA a mis sur la table un certain nombre de propositions, tant du point de vue de la recherche et du développement, que des possibilités de traitement de ces déchets, voire de recyclage, évidemment dans le respect de l’absence actuelle de seuil de libération. Le Haut comité à la transparence et à la sécurité nucléaire vient, de son côté, de mettre en place un groupe de travail sur ces mêmes questions.

À l’ANDRA, nous sommes très mobilisés par le projet de stockage géologique pour les déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue. Le projet Cigéo fait actuellement l’objet d’un débat public, qui rencontre certaines difficultés puisque toutes les réunions publiques ont dû être écourtées ou annulées. Cela étant, un tel débat est très riche : des centaines de questions, auxquelles l’ANDRA répond ; des débats contradictoires sur Internet ; d’ores et déjà, plus de quarante cahiers d’acteurs, qui représentent la diversité des positions. De fait, il y a de nombreuses prises de parole, tant des collectivités locales que de scientifiques, de chefs d’entreprise ou d’associations opposées au stockage.

Aujourd’hui, le stockage géologique est la solution de référence pour ce type de déchets, retenue par tous les pays nucléarisés dans le monde. La vraie difficulté rencontrée par les pays qui souhaitent mettre en œuvre cette solution de gestion consiste à trouver un territoire qui veuille bien accueillir une telle installation. Voilà pourquoi les démarches qui sont préconisées, et d’ailleurs reconnues par toutes les instances internationales, doivent être progressives, concertées et transparentes. En ce sens, la démarche française, qui a été initiée par le Parlement dès 1991 et renouvelée en 2006, fait office de modèle dans le monde entier.

Je profite de l’occasion pour dire que, compte tenu des enjeux, il me paraît important de marquer notre reconnaissance vis-à-vis des territoires qui acceptent d’accueillir ces installations essentielles pour le pays, et de mettre en sécurité, à long terme, ces déchets. De ce point de vue, la proposition du rapport de MM. Bouillon et Aubert consistant à mettre en place des zones d’intérêt national pour encadrer et définir une fiscalité ad hoc pour ces territoires me paraît très bonne. Je me permettrai simplement d’élargir le débat au département de l’Aube, qui accueille aujourd’hui deux installations de stockage essentielles. Ne serait-il pas opportun d’y maintenir une fiscalité spécifique liée au stockage ? En effet, il y a des conflits d’intérêt entre la fiscalité spécifique accordée aux installations de stockage de déchets radioactifs et des mesures de portée générale : en raison des systèmes de péréquation, tout ce que les collectivités pourraient toucher en complément de ressources peut se trouver reréparti de manière générale. J’appelle donc l’attention du Parlement sur cette question.

Je terminerai sur la réversibilité. En 2006, en effet, le Parlement a chargé l’ANDRA de travailler sur un stockage réversible. Nous avons compris que le Parlement et la société avaient deux demandes fortes : premièrement, pouvoir récupérer les colis de déchets en cas de besoin ; deuxièmement, pouvoir revenir sur les décisions prises aujourd’hui. Les propositions que nous avons formulées tournent autour de trois points.

D’abord, techniquement, nous travaillons sur un projet de stockage qui permettrait, grâce aux engins qui travaillent dans les deux sens et au dimensionnement des colis et des alvéoles, de pouvoir retirer les déchets si la décision en était prise.

Ensuite, quand nous déposerons notre demande d’autorisation de création en 2015, nous proposons de mettre sur la table un planning de fermeture progressive pour assurer la sûreté à long terme. La sûreté à long terme d’un tel stockage, qui repose essentiellement sur le confinement par l’argile, ne pourra être assurée qu’en fermant hermétiquement les installations à l’issue de l’exploitation. Cela étant, les générations futures pourront ne pas partager cette vision. Voilà pourquoi l’ANDRA suggère que la vision qu’elle défend soit réexaminée tous les dix ans, à l’occasion d’un point qui sera fait avec l’ASN et avec la société civile.

En conclusion, si le débat public de 2005 avait conclu sur la question sous-tendue par la problématique du stockage géologique, à savoir : « Vaut-il mieux faire confiance à la géologie, à travers le stockage géologique, ou à la société, à travers un entreposage pérennisé ? », l’ANDRA propose aujourd’hui les deux solutions : un stockage géologique sous contrôle de la société, avec un contrôle démocratique qui serait à définir par le Parlement dans la fameuse loi sur les conditions de réversibilité.

M. Sylvain Granger, directeur de la division du combustible nucléaire à EDF. Je voudrais partager avec vous certains faits, qu’il me semble utile d’avoir à l’esprit s’agissant de la gestion des déchets radioactifs en France.

Dans notre pays, les déchets radioactifs sont connus. Ils sont pris en charge et gérés de manière sûre grâce à un dispositif industriel qui résulte d’investissements très importants réalisés principalement dans la décennie 1990-2000. Ce dispositif, que l’on peut objectivement considérer comme étant unique au monde, peut évidemment être encore amélioré et complété. C’est, notamment, l’objet du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, institué par la loi du 28 juin 2006, piloté par l’État et l’Autorité de sûreté nucléaire et qui est établi sur la base d’une concertation large avec les différentes parties prenantes – par exemple, les opérateurs industriels mais aussi les associations de protection de l’environnement.

Aujourd’hui, même s’il n’y a pas, à proprement parler, d’urgence ni en termes industriels, ni en matière de sûreté, il nous semble que l’enjeu principal est de compléter le dispositif existant par un stockage en couches géologiques profondes, comme prévu par la loi mais en allant aussi au-delà de la loi, parce que nous avons une responsabilité envers les générations futures.

Je l’ai dit, les déchets radioactifs sont connus. L’ANDRA publie un inventaire national qui montre que 60 % de ces déchets proviennent de l’industrie nucléaire ; que 90 % de ces déchets sont des déchets dits à vie courte contenant moins de 1 % de la radioactivité ; les 10 % restants concentrent donc plus de 99 % de la radioactivité. Il s’agit, pour l’essentiel, des déchets ultimes, non recyclables, résultant du processus de traitement des combustibles qui sont déchargés chaque année des réacteurs nucléaires d’EDF.

Aujourd’hui, les déchets radioactifs sont gérés de manière sûre. Les déchets à vie courte, donc l’essentiel en termes de volume (90 %) sont triés sur les sites, traités, conditionnés et au final définitivement stockés dans l’un des deux centres de stockage de surface aujourd’hui en exploitation, sous la responsabilité de l’ANDRA.

Les déchets issus du traitement des combustibles usés sont, pour leur part, conditionnés puis placés en entreposage de long terme – qui ont une durée de vie potentielle de l’ordre du siècle. Ces opérations, comme les opérations de traitement du combustible usé à proprement parler, sont réalisées par Areva sur son site de La Hague. Il s’agit, en fait, d’une première étape qui est particulièrement importante : elle permet un conditionnement, donc un emprisonnement des déchets radioactifs sur des durées qui sont compatibles avec la durée de vie des déchets ; elle place ces déchets dans des entreposages de manière sûre, pour des durées qui peuvent être longues (à peu près un siècle). Ce faisant, cette étape donne du temps à la mise en place de solutions complémentaires qui sont tout à fait nécessaires, dans la mesure où la durée des déchets est très supérieure au siècle – durée potentielle de ces entreposages.

Voilà pourquoi il est important d’avancer dans la voie du développement du stockage en couches géologiques profondes. Il faut le faire résolument, mais sans brûler les étapes. La faisabilité scientifique en a été démontrée par l’ANDRA en 2005-2006 et le projet est aujourd’hui entré dans sa phase de conception industrielle.

EDF qui, de par la loi, est responsable de ses propres déchets et qui est, par ailleurs, soucieux de la cohérence et de la performance d’ensemble de la filière nucléaire française, veille et veillera tout particulièrement au développement de ce projet, dont il entend maîtriser la sûreté, l’efficacité industrielle et le coût – trois objectifs qui ne devraient pas être incompatibles.

M. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France. Je regrette d’être le seul représentant d’associations dans la salle. Selon moi, le jeu institutionnel a toute sa place. Et je vous remercie de votre invitation.

Mais venons-en à la situation actuelle en matière de gestion des déchets. À entendre les trois premiers intervenants, le dispositif fonctionne bien, de manière équilibrée. En particulier, le choix du retraitement qui a été fait permettrait d’avoir des filières de déchets particuliers, bien rangés dans de petites cases. Comme si on ne savait pas, ou qu’on avait voulu oublier, que le retraitement n’est qu’une partie de la solution de gestion des combustibles irradiés. De fait, on extrait du plutonium, qu’on consomme dans du MOX, mais comme on ne peut pas extraire davantage de plutonium que ce qu’on va consommer, on finit par ne retraiter qu’une partie de nos combustibles irradiés.

Une première filière, grâce au retraitement, permettrait qu’il n’y ait pas, à l’arrivée, de combustible irradié. Or en fait, notre stock de combustible irradié augmente tous les ans d’environ 250 tonnes ; et actuellement, il y a 1 100 tonnes de combustible irradié dans les piscines de La Hague. En réalité, nous avons une gestion mixte de nos combustibles irradiés. Contrairement à ce que tout le monde pense, il n’y a pas de filière de retraitement qui « avalerait » l’ensemble de nos combustibles.

Nous aurions deux options : premièrement, on continue le retraitement et on n’a plus de combustible irradié ; deuxièmement, on arrête le retraitement, on arrête le nucléaire et on se retrouve avec des combustibles irradiés. D’où les deux scénarios présentés par l’ANDRA. Mais cela ne correspond pas à la réalité.

Il faut que tout le monde ait bien conscience que, d’une manière ou d’une autre, nous aurons des combustibles irradiés à gérer. Pour l’éviter, il faudrait que nous arrêtions notre filière nucléaire, tout en continuant le retraitement des déchets. Mais alors, on se retrouverait avec des stocks de plutonium dont personne ne saurait que faire.

Le retraitement constitue un vrai problème. On nous dit en permanence qu’il permet d’éliminer une grande partie des produits, et que grâce à la future génération 4 qui viendra à notre secours, le problème se réduira finalement à ces déchets de très haute activité, qu’il suffira d’enfouir. Malheureusement, la situation est beaucoup plus compliquée que cela. Cette politique mixte nous conduit, de toutes les façons, à avoir un stock de combustibles irradiés qu’il faudra bien gérer. Pour le moment, on refuse d’en parler dans le projet Cigéo. Mais il faudra bien s’en préoccuper un jour.

J’ai l’impression, depuis quelques années, d’assister à une intoxication collective. On entend toujours le même refrain autour du retraitement et des filières de recyclage. Par exemple, le plutonium ne serait pas un problème parce qu’on le met dans le MOX. Sauf qu’aujourd’hui, ce cycle n’existe pas. Par exemple, on pourrait recycler les autres produits que le plutonium, qui restent entreposés. De fait, dans le passé, on a envoyé en Sibérie de l’uranium de retraitement. Sauf que ce n’est plus le cas.

J’ai l’impression que la représentation nationale continue toujours à raisonner par rapport à un scénario idyllique, qui n’a rien à voir avec la réalité du moment.

On nous dit que ce n’est pas grave et que grâce à ASTRID et à la quatrième génération, on pourra brûler tous les produits qui nous posent problème. Or il faudra bien engager une réflexion à ce propos, car la quatrième génération ne se réduit pas à la filière qui nous est « vendue » par le CEA.

J’en viens à nos propositions en tant qu’association.

Nous refusons de remettre dans le circuit public toute forme de déchet nucléaire. Cette question sur le seuil de libération ne doit pas être reposée. Cela dit, rien n’empêcherait de discuter de ce que l’on pourrait faire, par exemple, de la ferraille et d’envisager une filière dédiée, en interne, au niveau de l’industrie nucléaire. Il est exclu de refondre cette ferraille et de la réintroduire dans l’industrie classique. Mais il faut tout de même faire attention, car cela reviendrait moins cher aux exploitants.

Nous sommes favorables, comme l’ASN, à un démantèlement rapide, sous la responsabilité de l’exploitant, et nous nous opposons à certains de nos amis qui souhaitent la sortie du nucléaire, mais qui pensent qu’il vaut mieux laisser progressivement les installations perdre leur activité.

Nous sommes opposés à l’enfouissement en grande profondeur tel qu’il est présenté aujourd’hui. En effet, on ne nous a pas encore fait la démonstration que la sûreté à long terme serait ainsi assurée, aussi bien pendant la période d’exploitation que pendant la période finale. Nous sommes donc, pour le moment, favorables à la solution la moins mauvaise, à savoir l’entreposage en subsurface, adopté par de nombreux pays. Mme Marie-Claude Dupuis affirmait tout à l’heure que tous les pays du monde avaient choisi le stockage en grande profondeur : j’aimerais en connaître la liste, elle risque d’être courte…

Pour garder la responsabilité morale, juridique, financière des pays producteurs, nous refusons catégoriquement d’exporter nos produits. C’est peut-être une évidence, mais il faut le rappeler. J’espère qu’EDF ne va pas continuer à exporter de l’uranium de retraitement, comme il l’a fait il y a quelques années en Russie. Les résidus de cet uranium de retraitement ont fini injectés directement sous terre – je vous renvoie aux travaux du Haut comité sur la transparence sur ce sujet. Ce sont des pratiques que, bien évidemment, nous n’accepterions pas nous-mêmes.

En conclusion, je rappelle notre position : il serait bon de « fermer le robinet » avant d’avoir à se préoccuper de la baignoire qui déborde. Nous sommes bien sûr favorables d’abord et avant tout à l’arrêt de la production de déchets. Je rappelle que l’Allemagne mène actuellement une discussion relativement sereine sur le sujet, même avec les militants les plus radicaux. Mais il faut reconnaître qu’une fois que la décision de sortir du nucléaire a été prise, on se trouve dans un état d’esprit assez différent de ceux qui entendent aujourd’hui, en France : « On va discuter de la gestion des déchets, mais ne vous inquiétez pas, on va continuer à en produire ! »

M. Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’ASN est une autorité indépendante, chargée de contrôler les installations, et notamment la façon dont elles gèrent les déchets. Elle doit s’assurer, installation par installation, que les choses sont correctement menées du point de vue de la sûreté. Mais la sûreté des déchets s’apprécie également de façon globale : où met-on les déchets, dans quelle installation ? Voilà pourquoi, historiquement, notre approche classique, installation par installation, s’est doublée d’une approche sur la stratégie globale de gestion des déchets.

Pour nous, trois principes prévalent dans le domaine de la gestion des déchets.

Premièrement, il faut des filières de gestion définitive, sûres, pour tous les déchets. C’est la fameuse matrice que l’on trouve dans tous les rapports, où l’on s’est attaché à classifier tous les déchets, selon leur durée de vie et leur nocivité. C’est une matrice essentielle, qui rappelle que, case par case, il faut trouver une solution pour chaque type de déchets.

Deuxièmement, tout ce que l’on peut faire maintenant pour limiter la charge des générations futures, en réponse aux décisions politiques qui ont été prises en matière de nucléaire, doit être engagé. Ce sont des sujets compliqués, qui demandent du temps, mais il faut avoir le courage de rechercher dès maintenant des solutions adaptées, alors même que le bénéfice que l’on peut tirer du nucléaire est un bénéfice présent.

Troisièmement, ces sujets compliqués doivent se traiter de manière ouverte avec tous les acteurs. L’ASN et la direction générale de l’énergie et du climat en ont pris l’initiative dès 2003 – soit avant la loi de 2006. On arrive à parler calmement, en laissant les uns et les autres exprimer leurs points de vue. C’est un progrès important, d’autant que la sûreté est un domaine difficile à aborder.

Par ailleurs, nous considérons comme essentiel de disposer d’un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Ce plan est remis à jour tous les trois ans. Le dernier est en ligne depuis le printemps dernier. C’est le fruit d’un travail collectif auquel nous participons tous. Sa révision régulière se justifie par le fait que les inventaires changent, que des options sont prises et que les matières et les déchets peuvent changer de place. Il faut absolument suivre ce qui se passe, c’est un élément important de la construction progressive des solutions qui s’avèrent nécessaires.

Mais je remarque que jusqu’à présent, nous avons parlé uniquement des déchets, et notamment des plus radioactifs d’entre eux. Or dans les débats publics préalables à la loi de 2006 sur les déchets, on avait dit qu’il fallait s’intéresser non seulement aux déchets, mais aussi aux matières radioactives, qui présentent également un risque. Où sont-elles ? Quel est leur devenir ? Dans certaines options, ces matières peuvent être considérées comme des déchets, et pas dans d’autres. D’où l’importance des travaux que nous menons autour de ces matières, de manière à avoir une vue exhaustive des déchets ou de ce qui pourrait le devenir. Et c’est un des sujets de discussion essentiels du plan national.

J’en viens maintenant à quelques commentaires rapides.

S’agissant du projet Cigéo, l’ASN a pris publiquement position – notamment en juin dernier. Nous sommes favorables au principe même du stockage géologique. Nous considérons que la solution d’entreposage de très longue durée présente des inconvénients majeurs en termes de sûreté et que l’option de référence – qui est d’ailleurs celle posée par la loi de 2006 – est bien le stockage géologique en profondeur. Par la suite, nous serons conduits, en tant qu’Autorité de sûreté, à porter un jugement sur le projet industriel que nous présentera l’ANDRA. Mais nous n’en sommes pas là. Il nous faudra travailler sur ce projet, après que le débat public aura eu lieu et après qu’un certain nombre d’étapes auront été franchies, en toute indépendance.

S’agissant du stockage en profondeur, nous souhaitons insister sur plusieurs points.

Premièrement, la question de la réversibilité, introduite par la loi. Techniquement, c’est loin d’être une évidence. De nombreux aspects, liés à l’objectif de réversibilité, sont un peu contradictoires avec les objectifs de sûreté. Et il est compliqué de résoudre le problème au fil du déploiement de l’exploitation de Cigéo. Nous avons bien noté les propositions que faisait l’ANDRA sur ce sujet. Celles-ci me paraissent assez cohérentes, même si nous n’avons pas encore rendu d’avis définitif.

Deuxièmement, l’inventaire. Il s’agit d’être clair, notamment dans le débat public, sur ce qu’il y aura ou pourrait y avoir dans un tel stockage. C’est d’ailleurs une question essentielle de sûreté. Nous avons dit publiquement, ce qui a suscité quelque émoi, que dans les dix ou vingt ans à venir, interviendraient sans doute des évolutions de la politique énergétique et qu’il convenait d’en tenir compte. De fait, l’ANDRA s’attache, dans le débat public en cours, à présenter ces variations d’inventaire. Mais, au-delà, des réorientations majeures pourraient intervenir. Par exemple, là où on envisage de stocker des verres, on pourrait être amené un jour – ce qui suppose des grands changements en termes de politique énergétique – à envisager de stocker des combustibles usés. En tant qu’autorité de sûreté, nous souhaitons que le jour venu, quand le dossier officiel de sûreté nous sera présenté par l’ANDRA, on nous démontre que le projet Cigéo ne sera pas incompatible avec une éventuelle évolution en matière de retraitement. Évidemment, si un jour la décision de changer d’orientation en matière de retraitement se concrétisait – et ce n’est pas à moi d’en décider – il faudrait refaire un débat public ou une enquête publique, parce qu’on ne serait plus sur les mêmes bases.

Troisièmement, le démantèlement. Nous sommes favorables au démantèlement immédiat : par « immédiat », nous entendons « dans les deux ans après l’arrêt d’une installation », quelles qu’aient été les raisons qui ont conduit à cet arrêt. La raison en est qu’un démantèlement est une opération à risques et qu’il faut pouvoir disposer des personnes compétentes qui connaissent bien l’installation pour la démonter correctement et sans risque. Pour cela, il faut que la durée entre l’arrêt de l’installation et le début des travaux soit suffisamment courte. Vous ne pouvez pas imaginer de garder les gens pendant dix ans sur un site, uniquement pour préparer le démantèlement ! Voilà pourquoi nous sommes favorables à un démantèlement immédiat, même si ce n’est pas au jour près.

J’ajoute que, dans une stratégie de démantèlement, nous partons du principe qu’il faut viser l’assainissement complet du site. Si, pour des raisons démontrées, justifiées, ce n’est pas totalement acquis, on pourra étudier des solutions alternatives au moment de l’examen concret des dossiers. Mais l’objectif reste celui-là.

Je remarque que jusqu’à présent, personne n’a évoqué les déchets anciens. Dans un certain nombre d’installations françaises, appartenant notamment à Areva (La Hague) ou au CEA, des déchets ont été improprement conditionnés et traités par rapport aux standards actuels. Ce n’est pas nouveau, mais la situation perdure. Nous insistons pourtant auprès des exploitants pour que des opérations de traitement, de reprise ou de conditionnement correct soient menées le plus rapidement possible et en toute sûreté. Il est important, en termes de bonne gestion des déchets, de s’intéresser aussi à ces déchets anciens.

Je terminerai, tout en vous renvoyant à mon tour au rapport Aubert-Bouillon, sur le seuil de libération – ou seuil d’exemption. Je partage la recommandation formulée dans ce rapport, qui est de travailler dans le cadre d’une « libération conditionnelle », c’est-à-dire d’une réutilisation sans contrainte, mais au sein de la filière nucléaire.

Tous les déchets, une fois qu’ils ont été qualifiés de nucléaires, notamment parce qu’ils viennent de zones considérées comme nucléaires, doivent faire l’objet d’un traitement dans une filière nucléaire. Cela ne veut pas dire qu’il faudra multiplier les Cigéo. Simplement, il faut prévoir des installations adaptées et conserver la trace de l’origine des déchets. Ce point est pour nous essentiel. Voilà pourquoi l’idée de réutiliser les déchets dans le cadre d’une filière nucléaire, où l’on n’en a pas perdu la trace, nous paraît intéressante, même si elle n’est pas si simple que cela à mettre en œuvre. En revanche, nous ne sommes pas favorables à un seuil de libération. Certes, cela se pratique dans d’autres pays, mais j’ai peur que, par dilutions successives, et en raison de difficultés de contrôle, des déchets ou des matières nucléaires se retrouvent sans contrôle dans le domaine public. Ce serait préjudiciable et contraire à une gestion rigoureuse des déchets nucléaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons aux représentants des groupes.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, je voudrais tout d’abord vous remercier d’avoir organisé cette table-ronde. Depuis quelque temps, au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et au sein même de l’Assemblée, le sujet est régulièrement évoqué au cours de tables-rondes comme celle-ci, soit à l’initiative de groupes, soit de votre propre initiative, ou au cours des auditions que vous avez organisées – ANDRA, ASN ou d’autres acteurs de la filière des déchets radioactifs.

Vous avez raison, parce que c’est un sujet qui préoccupe les Français. D’ailleurs, lorsque nous les interrogeons, dans le cadre d’enquêtes, sur leur vision du nucléaire, ils s’inquiètent souvent de la sûreté et des déchets. Les réponses qu’on pourra leur apporter sur la question des déchets seront à même d’emporter, ou non, leur adhésion à la politique suivie en matière nucléaire.

Je remercie bien évidemment les différents intervenants de leurs propos. J’ai eu le sentiment – et je pense que mon collègue Julien Aubert le partage – d’être moi aussi auditionné, lorsqu’ils ont posé des questions sur les préconisations formulées dans le rapport que nous avons eu le plaisir et l’honneur de présenter au sein même de cette commission.

On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de discussion autour des déchets nucléaires, alors que certains avaient pu regretter, il y a déjà un certain temps, qu’il n’y ait pas eu de véritable débat sur le nucléaire au Parlement.

Vous avez rappelé les lois de 1991 et de 2006 – sans oublier les rendez-vous futurs qui sont d’ores et déjà prévus. La représentation nationale a donc eu l’occasion de s’exprimer sur les questions de la réversibilité, de l’enfouissement géologique profond, de la séparation-transmutation, etc. et même de définir une véritable stratégie en la matière.

Je pense que c’est essentiel, dans un pays comme le nôtre, que le Parlement se prononce sur des questions aussi sensibles et importantes. D’ailleurs je me réjouis que dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, la question du nucléaire figure en bonne place. Bien évidemment, derrière, il y aura la question des déchets. De fait, on a changé d’époque et on ne peut plus concevoir aujourd’hui que sur de telles questions, la représentation nationale ne soit pas saisie.

Vous avez évoqué l’écosystème qui entoure la filière nucléaire – producteurs, opérateurs, instances de contrôle et de régulation. Dans un tel environnement, il est essentiel de garantir l’indépendance de l’ANDRA, une spécificité française qui assure la nécessaire transparence de la filière des déchets nucléaires et radioactifs.

Je vous poserai quelques questions rapides.

La première concerne le seuil de « libération conditionnelle » et la traçabilité des déchets, sur laquelle vous avez insisté à juste titre. Pour autant, peut-on garantir aujourd’hui, au moment même où on construit l’EPR de Flamanville, que les matériaux utilisés, béton, métaux ou autres, répondent à ces exigences de traçabilité ?

Ma seconde question a trait à la zone d’intérêt national, proposition de notre rapport dont chacun a salué la pertinence. Mais quel serait le bon véhicule pour la mettre en œuvre, sachant qu’il convient de prendre en compte la spécificité des territoires qui acceptent d’accueillir un centre d’enfouissement ?

Ma troisième question concerne l’articulation du sujet des déchets avec le débat national sur la transition énergétique. On a beaucoup parlé de volumes, mais la question du calendrier se pose également. Serions-nous prêts, si les choix qui seront faits en matière de transition énergétique nous y amenaient, à d’accueillir un peu plus rapidement que prévu des déchets, notamment des déchets hautement radioactifs ?

Nous avons pu nous apercevoir, avec mon collègue Aubert, quand nous nous sommes rendu à l’étranger, que la France était une référence. Cela peut-il avoir une incidence sur ce que nous pouvons porter de par le monde, s’agissant de la filière nucléaire ?

Enfin, M. Chevet a évoqué les stériles miniers et les résidus de traitement. On en parle régulièrement, notamment à l’occasion de la présentation du PNGMDR. Pour autant, concrètement, où en est-on ? Va-t-on pouvoir, notamment auprès des producteurs, traiter assez rapidement cette question ?

M. Julien Aubert. Monsieur le président, je voudrais également vous remercier pour l’organisation de cette table-ronde, qui permet en même temps d’éclairer le rapport que nous avons déposé avec mon collègue Christophe Bouillon. Ce rapport fut l’occasion de débats et d’une coopération nourrie avec l’ANDRA et l’ASN, et avec un très grand nombre d’associations. Je tiens d’ailleurs à rassurer le représentant de Greenpeace : lors des auditions, les associations ont été écoutées.

Sur ce sujet, il y a, d’un côté, les faux problèmes et, de l’autre, le vrai problème.

Premièrement, la question des déchets et celle de la filière nucléaire sont deux questions disjointes. Même si on prenait toutes sortes de décisions sur l’avenir de la filière nucléaire en France, cela ne réglerait pas le problème du passé, et donc celui des déchets.

Deuxièmement, ce n’est pas parce que la France n’a pas de seuil de libération qu’on peut certifier à ses citoyens qu’il n’existe pas, dans la nature, des objets importés qui, à un moment donné ou à un autre, ont été utilisés dans des filières nucléaires étrangères. Plus généralement, ce n’est pas parce que vous décidez de « désinventer » le nucléaire que votre voisin le « désinvente » lui aussi.

Le vrai problème est un problème de responsabilité et de relation au temps : nous devons aujourd’hui imaginer une politique publique qui devra encore être sur pieds dans dix mille ou cent mille ans. La mission que nous avons conduite avec C. Bouillon nous a permis de constater que certains pays comme la Suède avaient une approche extrêmement pragmatique de la question. Ils considèrent que les déchets existent, qu’ils sont notre responsabilité puisqu’ils sont le fruit de nos choix et de ceux qui nous ont précédés et que, par conséquent, il serait irresponsable d’en laisser la gestion à nos successeurs en leur disant que c’est à eux de trouver le moyen de les traiter. Ces déchets doivent être effectivement traités. Ils sont de notre responsabilité, et c’est à notre génération d’en supporter le coût. Sur ce point, le consensus politique est assez large, de la droite à la gauche.

La quatrième génération de réacteurs pourrait modifier notre façon d’appréhender la question des déchets. Nous devons donc faire en sorte que les débats actuels sur la transition énergétique ne viennent pas compromettre, pour des raisons de coût, la possibilité, pour la France, de basculer dans cette quatrième génération.

De fait, dans les différentes interventions, la question du coût n’a pas été suffisamment mise en avant. Nous sommes plutôt favorables à la solution technique proposée, qui offre des garanties bien supérieures à ce que nous avons pu constater en Suède. Par exemple, nous y avons visité un centre de stockage profond, où l’eau dégoulinait des parois ! Nous avons par ailleurs constaté que les Suédois construisaient des centres de stockage près de la mer en considérant que, sur le très long terme, ces déchets ont vocation à revenir au fond des eaux. La France s’attache davantage à la sécurité des installations. Mais évidemment, la sécurité maximale a un coût. Nous devons donc prévoir une configuration optimale pour le site de Cigéo et éviter les dérapages.

Je terminerai sur une de nos recommandations : la zone d’intérêt national. À mon sens, celle-ci ne doit pas se résumer à des avantages fiscaux. Ceux qui acceptent Cigeo acceptent un héritage et un bien commun, au nom de la collectivité. Pourtant, nul n’a envie d’habiter avec un sous-sol dangereusement radioactif sous les pieds. L’intérêt d’une zone d’intérêt national est alors de pouvoir y investir parce que l’on a accepté d’y accueillir ces déchets nucléaires, ce qui est très lourd en termes d’image et implique un engagement pour des centaines et des milliers d’années.

M. Bertrand Pancher. Je ne regrette pas de participer à cet échange et j’exprime le vœu que de nombreux parlementaires se rendront sur le site de Cigéo. Ainsi, je me sentirai un peu moins seul quand je réclamerai des moyens d’accompagnement auprès de l’ensemble des acteurs.

Je me suis tout à fait retrouvé dans les propos qui ont été tenus par mes collègues. Le débat s’est ouvert et nous avons pu le mener de manière dépassionnée. C’est l’objectif de ces rencontres et je vous remercie encore, monsieur le président, d’avoir organisé celle-ci, y compris avec les représentants de la société civile, et notamment avec le représentant de Greenpeace.

Mes questions s’orienteront essentiellement autour du débat public. Nous avons vécu une période un peu curieuse. Une grande majorité de nos concitoyens de la région de Cigéo qui souhaitaient participer au débat public se sont trouvés dans l’incapacité de s’exprimer. La représentante d’Europe Ecologie–Les Verts, qui était pourtant venue de la région Champagne-Ardenne pour dire publiquement pourquoi elle était opposée au stockage des déchets nucléaires, a ainsi été sifflée ! On se demande comment on pourrait réintroduire un peu de bon sens dans le dispositif de concertation. J’aimerais que vous puissiez me faire part de votre point de vue sur ce sujet.

Je pense qu’il faut commencer à réfléchir à l’introduction, en France, d’un droit au débat public contradictoire. Les représentants de la Commission nationale du débat public avaient demandé au préfet du département de les aider au moins à réguler les débats et à faire en sorte que les salles ne soient pas envahies par une poignée d’opposants qui font tout pour empêcher les autres de s’exprimer. La préfecture a répondu qu’elle ne le pouvait pas. J’aimerais donc recueillir votre avis sur ce sujet.

Par ailleurs, il semble que nous ayons un vrai problème de vulgarisation de la culture scientifique dans notre pays. Certes, il existe, à Paris, la Cité des Sciences, dont certaines actions ont été décentralisées sur les territoires, d’ailleurs avec l’aide des services de l’État. Or s’il y a un endroit où il serait vraiment utile de reconstituer une « mini Cité des Sciences », c’est bien dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne. Les grands acteurs et les représentants de la société civile sont-ils prêts à travailler sur ce sujet ? Nous constatons que les blocages sont de plus en plus nombreux. Que peut-on faire pour évoluer dans ce domaine ?

Je souhaiterais enfin connaître vos réactions et propositions sur quatre questions précises et importantes :

– le seuil de libération, évoqué par le président de l’ASN et qui me paraît constituer un sujet essentiel ;

– l’acheminement vers Cigéo des déchets entreposés à La Hague, Marcoule et Cadarache : il est en effet prévu que de 700 à 900 colis emballés en partent chaque année ;

– la sécurité et les moyens alloués à l’ANDRA : on voit bien que les grands acteurs de la filière énergétique veulent faire des économies, mais ces économies ne doivent pas se faire au détriment d’un organisme indépendant comme l’ANDRA ;

– enfin, la réversibilité, qui est tout de même l’acquit du premier grand débat public. On ne peut pas vouloir des débats publics, faire en sorte que les orientations qui s’en dégagent soient inscrites dans la loi, pour ne pas en tenir compte ensuite sous prétexte que le sujet est complexe.

M. Denis Baupin. Monsieur le président, merci d’avoir organisé cette table-ronde.

Je constate que quarante-cinq ans après avoir lancé cette filière industrielle qu’est le nucléaire, on n’a toujours pas résolu le problème des déchets. Quand on pense aux exigences qu’on impose aujourd’hui à certaines filières émergentes, on se dit qu’il y a vraiment deux poids, deux mesures !

Aujourd’hui, cette filière dite d’excellence n’a rien trouvé de mieux que de creuser un grand trou pour y déposer ces déchets. Certes, le trou est élaboré, comme j’ai pu le constater en me rendant à Bure. J’y ai d’ailleurs rencontré de vrais professionnels… de la géologie et des galeries souterraines. Mais ce qui nous est proposé aujourd’hui, sur le site de Cigéo, ce n’est pas une expérience géologique, mais un projet industriel gigantesque, unique au monde, sur un siècle !

Serons-nous capables de mener à bien un tel projet ? En attendant, pendant un siècle, nous transporterons – sans savoir d’ailleurs comment – à travers l’hexagone des centaines de milliers de colis. Ils seront d’abord stockés en surface, puis descendus dans un site confiné, avec tous les risques que cela comporte : incendies, relâchements d’hydrogène, explosions. Que se passera-t-il en cas de panne ? Combien de temps pourra-t-on tenir ? Six jours ? Plusieurs semaines ? On ne sait pas très bien, surtout quand le directeur de l’IRSN nous dit qu’en matière nucléaire, depuis Fukushima, il faut imaginer l’inimaginable !

Pendant un siècle, sur ce site, il y aura en fait deux installations nucléaires simultanées : une en surface et une en profondeur. Avec tous les transports que cela suppose, on peut s’interroger sur la sûreté du dispositif – surtout quand le représentant d’EDF nous affirme que tout cela doit se faire « à coûts maîtrisés ». D’une part, la « maîtrise des coûts » dans la filière nucléaire est une notion assez relative, l’exemple de l’EPR est là pour nous le prouver… D’autre part, quand on nous parle de coûts maîtrisés, c’est parce que l’on compte faire appel à la sous-traitance et que les économies risquent d’être préjudiciables à la sûreté. Quoi qu’il en soit, pourra-t-on, pendant cent ans, respecter tous les critères de sûreté et s’assurer de moyens financiers suffisants ?

Autre interrogation : que se passera-t-il en cas de changement de politique énergétique ? Nous-mêmes souhaitons qu’on arrête en priorité le retraitement et la fabrication du MOX et qu’on sorte progressivement du nucléaire.

Je me permets de citer un chiffre d’un rapport de la Cour des comptes sur la filière nucléaire, relatif à l’uranium appauvri, actuellement stocké : même avec la génération 4, il faudrait, pour écouler l’ensemble du stock d’uranium appauvri existant, près de 2 500 ans ! Pourriez-vous seulement imaginer l’état dans lequel était notre pays, il y a 2 500 ans ?

Le problème est bien là : comment penser des projets sur des durées aussi longues ? Bien sûr, j’entends le discours : « c’est l’héritage, il faudra bien le gérer ». Yannick Rousselet a rappelé la grande différence qu’il pouvait y avoir entre l’Allemagne, où la décision a été prise de fermer le robinet puis de gérer les résultats du passé, et la France, où l’on essaie de nous convaincre, à travers ce type de projet, que l’on pourrait continuer finalement à produire encore des déchets pendant des décennies.

Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes particulièrement inquiets pour le territoire qui va accueillir cette installation. Tout le monde a dit avec honnêteté que ce n’était pas un cadeau de se retrouver avec une telle poubelle. Si jamais le moindre incident intervient, par exemple, les producteurs de champagne qui se trouvent à proximité auront du mal à vendre leur « Champagne made in atome » au reste de la planète. (Murmures sur divers bancs). Demandez d’ailleurs aux viticulteurs proches des centrales nucléaires pourquoi ils veulent que l’on change le nom de leur production. Est-il si bizarre qu’ils ne souhaitent pas que les appellations viticoles soient associées à des sites nucléaires ?

Nous avons de quoi nous interroger sur le projet que l’on est en train de nous vendre, surtout quand on sait qu’il pourrait être complètement modifié en cas de changement de politique énergétique. Bien sûr, on refera un débat public. Mais une fois qu’on aura commencé à creuser, il y a fort à parier qu’on nous dira : « On vous avait promis un laboratoire, mais pas de déchets. Vous aurez des déchets. Et en fin de compte, vous en aurez même encore plus ». Voilà ce qui est en train de se préparer et voilà pourquoi ce projet nous inquiète grandement.

M. Jacques Krabal. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé cet échange sur un sujet qui a été abordé à de multiples reprises par notre commission, avec en point d’orgue la mission et le rapport d’information de nos collègues Christophe Bouillon et Julien Aubert. Toutefois, tant le travail en commission et sur le terrain que le débat public nous interpellent, en tant qu’élus, sur l’absence de débats au sein de la représentation nationale. Le débat public peut-il se dérouler dans de bonnes conditions si la représentation nationale, depuis 1991, n’a pas été capable de l’organiser ?

Il faut que nous ayons ce courage, d’autant que le sujet peut donner lieu à un consensus. Quant à l’ersatz de communication qui a été mis en place sur Internet – avec 348 questions, 280 avis et 37 cahiers – il peut présenter un intérêt, mais, sur le plan du fonctionnement de la démocratie, c’est très insuffisant. Je ne sais pas s’il convient de légiférer, mais nous devons engager un débat au sein de la représentation nationale et faire en sorte que le projet soit acceptable.

Nul doute que nous devons regarder vers l’avenir, mais nous devons avant tout nous préoccuper de la gestion des stocks existants et rendre le dispositif équitable pour le faire accepter par les élus territoriaux. Quel est le dispositif prévu sur le plan fiscal ?

Le projet Cigéo, estimé initialement à 15 milliards d’euros, est évalué aujourd’hui à 35 milliards. Ce chiffrage a-t-il encore dérapé ?

La sûreté n’a pas de prix, mais la crise et la réduction de nos moyens financiers risquent d’entraîner une réduction des effectifs. Dans ces conditions, serons-nous demain en mesure d’assurer la sûreté ?

Quant à la réversibilité, ne remet-elle pas en cause la sûreté ? Les dépenses supplémentaires qu’elle engendre ont-elles été évaluées ?

Les associations et plusieurs acteurs ont critiqué le télescopage du débat national sur la transition énergétique et du débat public sur le site de Bure, ainsi que l’absence de définition précise du futur mix énergétique français. L’ANDRA a répondu le 14 juin dernier, suite à la saisine du ministère, en présentant les quatre trajectoires énergétiques évoquées dans le cadre du débat national sur la transition énergétique et qui impliquent la mise en service de nouveaux moyens de production électronucléaires, tandis que le scénario basé sur la sobriété et la sortie du nucléaire implique l’arrêt de tous les réacteurs en exploitation après 40 ans de fonctionnement. Ces réponses vous paraissent-elles satisfaisantes ?

M. Philippe Plisson. Les déchets ultimes, s’ils représentent 0,2 % du volume réalisé, stockent 91,7 % de la radioactivité totale. La solution apportée par Cigéo a suscité des critiques de la part de l’Institut de la recherche et de l’environnement américain, qui écrivait en 2011 que les conclusions avancées pour le site de Bure étaient trop optimistes en ce qui concerne la circulation de l’eau, la sismicité, l’homogénéité de la roche et l’impact de la chaleur émise par les déchets. Ces arguments ne plaident-ils pas pour la réversibilité du processus ?

Par ailleurs, les rejets de produits radioactifs dans la mer se poursuivent à La Hague à hauteur de 19 quadrillions de becquerels. Quand mettrons-nous fin à ces émissions ?

M. Jacques Alain Bénisti. Je tiens à féliciter les rapporteurs pour le travail considérable qu’ils ont accompli sur un sujet important qui devrait rassembler tous les membres de cette assemblée.

Je rassure les intervenants : les parlementaires sont responsables et vigilants. Nous faisons une confiance totale à l’autorité de sûreté nucléaire, qui est un organisme indépendant, et notre confiance n’est nullement mise à mal.

Ce qui nous inquiète, c’est que beaucoup de questions restent sans réponse. La durée de vie des déchets, par exemple, est évaluée par certains d’entre vous à près d’un siècle, tandis que d’autres disent ne pas la connaître. Pouvez-vous nous indiquer clairement quelle sera la durée de vie des déchets radioactifs ?

M. Yannick Favennec.  Le projet de loi sur la transition énergétique sera adopté, selon le Gouvernement, au plus tard à la fin 2014. Le Président de la République, lors de la dernière conférence environnementale, a confirmé que la part du nucléaire dans la production d’électricité passerait de 75 à 50 % à l’horizon 2025 et rappelé sa décision de fermer la centrale de Fessenheim d’ici à la fin 2016.

Le projet Cigéo doit répondre aux besoins de stockage des déchets issus du parc nucléaire actuel, mais comment s’adaptera-t-il aux évolutions de la politique énergétique ?

Concernant le fonctionnement de la Commission nationale du débat public (CNDP), j’ai constaté les mêmes difficultés dans mon département de Mayenne lors de la présentation de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine. Faut-il maintenir la CNDP sous sa forme actuelle, au risque de voir les débats perturbés par des minorités partisanes, ou imaginer un autre mode de concertation qui permettrait aux citoyens de s’exprimer et de s’informer démocratiquement ?

M. Olivier Falorni. Ma question porte sur le transport des matières radioactives. Comme vous le savez, la proposition de règlement européen qui établit un système électronique d’enregistrement des transporteurs de matières radioactives doit permettre de combler le vide laissé par les deux directives européennes qui régissent actuellement le transport de ces matières. La proposition de règlement met en place un outil destiné à rationaliser l’enregistrement des transporteurs afin d’améliorer la radioprotection, faciliter le transport et assurer un meilleur suivi des matières radioactives par les autorités compétentes sur le territoire de l’Union européenne. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cependant, la commission « Industrie, recherche et énergie » du Parlement européen a voté le rapport Kovacs qui ne concerne que les voies terrestres et ferroviaires et n’encadre pas la totalité des matières et déchets radioactifs. Ce faisant, il fait la part belle aux constructeurs, au détriment des populations, des travailleurs et de l’environnement. À titre personnel, je souhaite que le Parlement choisisse une autre voie que celle retenue par la Commission. Quel est votre sentiment sur cette question ?

M. Jacques Kossowski. Nous parlons ce matin de la gestion des matières et des déchets radioactifs, mais nous oublions les hommes.

Souvenez-vous : fin août, dans le cadre d’une opération de tri de déchets radioactifs sur un chantier de démantèlement des installations nucléaires de Grenoble, un employé a été potentiellement exposé à une dose inhabituelle de radiations. Si les contrôles radiologiques effectués immédiatement par le CEA n’ont pas révélé de contamination, l’analyse effectuée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à l’aide d’un dosimètre passif a révélé un dépassement de l’une des limites réglementaires.

À la suite de cet incident, je voudrais savoir si les personnels d’intervention dans les zones à risque sont suffisamment formés, s’ils disposent de tous les matériels nécessaires à leur protection et si les procédures d’intervention sont suffisamment sécurisées. Les entreprises concernées par la gestion des déchets et matières nucléaires font-elles l’objet de contrôles réguliers et approfondis de la part des autorités publiques ?

Mme Sabine Buis. Je suis élue d’une circonscription particulièrement sensible aux questions qui touchent de près ou de loin l’énergie nucléaire, puisque le long de la vallée du Rhône, ce ne sont pas moins de deux centrales nucléaires qui ont été construites à une cinquantaine de kilomètres l’une de l’autre. Dans un territoire où le nucléaire est aussi présent, la gestion des déchets radioactifs, leur transit et leur stockage suscitent un intérêt particulier.

Au cours des dernières années, le laboratoire de la CRIIRAD, commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité, a repéré à de nombreuses reprises des niveaux de radiation anormalement élevés à la limite de l’un des sites. En 2008, l’association révélait que cette radioactivité excessive émanait d’une simple butte de terre présente sur le site et qui s’est avérée être un lieu de stockage illégal pour 760 tonnes de déchets radioactifs.

L’ANDRA publie tous les trois ans un inventaire des lieux de stockage de déchets radioactifs qui présente dans le détail les types de déchets, leur radioactivité ainsi que leurs conditions de stockage et d’enfouissement. Dans son inventaire de 2002, l’Agence admettait l’existence d’un enfouissement de déchets sous une butte de terre à cet endroit. En réaction à ces révélations, le directeur de la centrale s’était voulu rassurant, déclarant que cet enfouissement n’était pas la cause du niveau de radiation constaté, sans toutefois expliquer l’origine de ce taux anormalement élevé.

L’existence de cette butte de terre est peut-être un cas isolé mais elle laisse planer le doute sur la conformité des stockages gérés par les producteurs. Car si 72 % des déchets radioactifs sont définitivement stockés dans des centres gérés par l’ANDRA, il reste 28 % de déchets provisoirement entreposés dans l’attente d’un stockage définitif et, pour ceux-là, il subsiste une zone d’ombre. Le terme « provisoirement » doit être redéfini. Comment expliquer que des déchets stockés depuis les années 1970 apparaissent dans les rapports de l’ANDRA seulement depuis les années 2000 ? Êtes-vous en mesure de me rassurer ? Des contrôles directs, de la part de l’ANDRA ou d’autres structures, sont-ils effectués sur ces sites ?

M. Jean-Marie Sermier. Notre collègue Denis Baupin laisse entendre que le stockage de Bure pourrait avoir des conséquences sur les vignes champenoises. Or Bure se trouve à près de soixante-dix kilomètres des premières vignes !

M. Denis Baupin. Vous savez, soixante-dix kilomètres, vu des États-Unis

M. Jean-Marie Sermier. Cette insinuation jette l’opprobre sur toute une filière.

Plusieurs députés. Très bien !

M. Jean-Marie Sermier. Oui ou non, le stockage de Bure fait-il peser un quelconque risque à la viticulture champenoise ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. M. Baupin fait allusion à l’image de marque du champagne.

M. Jean-Marie Sermier. Probablement, mais sa remarque sera inscrite dans le compte rendu de cette réunion, et vous savez bien, monsieur le président, vous qui êtes honnête intellectuellement, qu’un compte rendu peut être détourné de son objectif. Je n’ai pas envie, pour ma part, qu’à New York ou à Pékin on utilise cette remarque pour expliquer que le champagne de France est un mauvais vin ! (Les députés des groupes UMP et UDI applaudissent).

M. Denis Baupin. Il suffit de ne pas stocker de déchets à proximité !

Mme Sophie Rohfritsch. L’information du public et des élus doit être franche et transparente. Quelle est la raison pour laquelle les communes ne sont plus du tout informées des passages de convois ferroviaires de déchets radioactifs, comme elles l’étaient entre 2001 et 2006 ? Si les convois sont bien surveillés, le transport ne présente aucun danger et, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi vous n’en informez pas les communes. Mais les itinéraires des convois sont sans cesse modifiés et ceux-ci sont parfois stoppés en gare pendant des heures, voire des journées entières, où ils sont encore moins contrôlés. Est-ce parce qu’il y a un risque que vous ne délivrez plus la moindre information ? (Applaudissements de M. Dénis Baupin).

M. Guillaume Chevrollier. La revalorisation des déchets est une thématique majeure dans notre société de consommation et un élément important de la filière nucléaire. L’absence de seuil de libération semble être une spécificité française. Ne peut-on envisager une « libération conditionnelle » qui permettrait à la filière de réutiliser des matières qui ne sont plus radioactives, ce qui serait une alternative au stockage ?

M. Jean-Pierre Vigier. La gestion des matières et des déchets radioactifs est un sujet préoccupant. Plusieurs rapports techniques ont été publiés au cours des dernières années, mais plus les études et les recherches avancent, plus il apparaît difficile de se débarrasser des déchets radioactifs définitivement et sans que l’opération ait de lourdes conséquences. Qu’ils soient entreposés ou enfouis et quelles que soient les techniques utilisées, le risque de souillure des sols et des eaux souterraines, donc des plantes et des cultures, reste important. Sur quels critères les solutions de traitement et le choix des lieux d’enfouissement sont-ils établis ?

Quelles solutions proposez-vous afin de traiter et de valoriser les 10 % de déchets ultimes dans un futur proche ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Dans les années qui viennent, la politique de gestion des déchets sera très impactée par les choix qui seront faits en matière de stratégie énergétique. Le président de l’ASN a évoqué le démantèlement des réacteurs à l’arrêt et l’assainissement des sites. Outre le cas de la centrale de Brennilis, combien subsiste-t-il en France de réacteurs à l’arrêt qui n’ont toujours pas été démantelés ?

M. Claude de Ganay. Le recyclage des matières valorisables extraites des déchets des installations nucléaires est une piste à privilégier au regard des principes fondamentaux fixés à l’article L. 541-1 du code de l’environnement.

Il existe sur le territoire français deux filières de valorisation mises en exploitation dans les années 2000 pour permettre la valorisation des déchets radioactifs : l’unité de fusion de Centraco, qui recycle les déchets métalliques ferreux destinés à la protection radiologique des déchets radioactifs, sous la forme de coques béton, et la filière de recyclage du plomb, destiné également à la protection radiologique.

La pérennité de ces filières est remise en cause. L’unité de Centraco est à l’arrêt depuis l’accident de septembre 2011 et l’arrêt de la filière de recyclage du plomb est programmé en 2013 – arrêt sur lequel, d’ailleurs, j’exprime le plus grand scepticisme.

Les études conduites dans le cadre du PNGMDR pour 2013-2015 ont fait émerger deux pistes de valorisation : le recyclage des gravats de très faible activité (TFA) en matériaux de comblement pour l’installation de stockage du Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (CIRES), et le recyclage des déchets métalliques en colis de déchets radioactifs en fonte.

Toutefois, la faisabilité de ces projets n’a pas encore été établie. Aussi et compte tenu des besoins relatifs à la gestion des déchets TFA, à la fois l’ANDRA, AREVA, le CEA et EDF se sont engagés à présenter, d’ici à fin 2014, un bilan des études relatives à la mise en œuvre de filières de revalorisation en vue de préserver la ressource que représentent les stockages ultimes. Quel est l’état d’avancement de ce bilan ? Quelles pistes pourraient-elles être retenues ?

M. David Douillet. Ma question s’adresse au président de l’ASN. Le stockage des déchets anciens, notamment sur les sites de La Hague et du CEA, comporte-t-il des risques ? Leur reconditionnement est-il urgent ? Êtes-vous certain que ces déchets seront reconditionnés ? De quels moyens de pression disposez-vous pour obliger les sites concernés à le faire ?

M. Charles-Antoine Louët. J’évoquerai pour commencer deux thématiques : la ZIN, proposée par vos collègues dans leur rapport d’information, et la fiscalité.

Ces questions font l’objet d’un travail important, en lien avec les territoires, au sein du comité de haut niveau présidé par le ministre en charge de l’énergie. Celui-ci, dans un premier temps, a acté le principe de la mise en place d’une zone interdépartementale dans le but d’instaurer un mécanisme de redistribution de la fiscalité générée par le projet Cigéo au niveau des collectivités. La création de cette zone interdépartementale sera décidée dans le cadre de la loi de finances.

Ce dispositif pose naturellement des questions d’aménagement et de développement du territoire. Il ne s’agit pas d’imposer un schéma aux territoires, mais d’organiser la rencontre entre l’État et les territoires pour qu’ils déterminent ensemble quel est l’outil adéquat, qui pourrait être un établissement public d’aménagement, une opération d’intérêt national ou une structure ad hoc. Toutes ces options sont sur la table. Les discussions sont en cours au sein du comité de haut niveau et les solutions préconisées passeront par des modifications législatives. Il appartient également aux territoires de se prononcer sur la manière dont ils souhaitent accompagner ce projet.

En ce qui concerne les coûts de Cigéo, aux pages 84 et 85 du rapport d’information figure un exposé très détaillé des évaluations de l’ANDRA. Nous disposons, en outre, de deux évaluations : la première a été réalisée en 2005 par un groupe de travail de la direction générale de l’énergie et des matières premières et constitue une base pour évaluer les provisions des producteurs ; la seconde, dont le chiffrage est plus élevé, a été publiée en 2009. Nous nous apprêtons à définir un nouveau chiffrage, établi par un groupe de travail présidé par la direction générale de l’énergie et du climat. Il s’agit avant tout d’un processus d’ingénierie et de convergence, car déterminer un coût ne consiste pas seulement à écrire un chiffre au bas d’un document, mais à le mettre en face du projet de l’ANDRA. Or celui-ci, au fil du temps, est de plus en plus détaillé. Nous souhaitons que la prochaine évaluation repose sur un projet consolidé proche de ce que l’ANDRA présentera dans sa demande d’autorisation.

Quant à la suite du processus, l’ANDRA soumettra, à la fin de l’année 2013, une proposition en fonction de l’avancée concrète du processus et cette proposition sera soumise pour avis à l’ASN.

S’agissant de l’arbitrage entre coût et sûreté, les choses sont claires. L’ANDRA, dont vous avez souligné l’indépendance, est le maître d’ouvrage du projet Cigéo et c’est elle qui proposera les modalités de conception et le chiffrage correspondant. L’avis de l’ASN nous permettra de nous assurer que ce chiffrage repose sur des bases autorisables et les producteurs de déchets, indépendants de l’ANDRA, feront valoir leurs arguments puisque c’est à eux, in fine, qu’il reviendra de payer la facture, en application du principe pollueur–payeur. Sur la base de ces avis, le ministre chargé de l’énergie arrêtera le coût de Cigéo et permettra, le cas échéant, de revoir les provisions des producteurs.

J’en viens à l’inventaire des matières et déchets appelés à être stockés dans Cigéo et à la question des mélanges d’oxydes (MOX). Leur recensement précis est une question importante qu’il convient d’analyser dans le détail. C’est d’ailleurs ce qui a été demandé au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui a présenté un rapport exhaustif sur la question, avec des chiffrages différenciés selon différentes hypothèses et après avoir procédé à de nombreuses auditions. Ce rapport, adopté à l’unanimité par les membres du Haut comité, est extrêmement clair sur le statut des combustibles usés MOX.

Il est bien évident que, dans la politique actuelle, les MOX ne font pas partie de l’inventaire de Cigéo en tant que combustibles usés. On considère qu’ils pourront être retraités à l’avenir dans une filière de quatrième génération, si toutefois celle-ci voit le jour. En revanche, les déchets vitrifiés issus de ce traitement font partie de l’inventaire.

Ceci étant, et c’est l’esprit du projet Cigéo, il ne s’agit pas aujourd’hui de décider pour un siècle ni de la politique énergétique, ni du déroulement concret, année après année, du projet Cigéo, mais de faire un premier pas et d’offrir la démonstration scientifique et technique que nous sommes capables de gérer en toute sûreté les déchets produits par notre génération tout en conservant une certaine flexibilité quant à la mise en place de la réversibilité. Une étude a été demandée à l’ANDRA, dans le cadre du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, sur la faisabilité d’un stockage de combustibles MOX irradiés. Si nous décidions de changer d’orientation, ce serait tout à fait possible puisque nous n’aurons pas, après les premières années d’exploitation de Cigéo, franchi des étapes rédhibitoires qui empêcheraient de gérer ces combustibles MOX.

J’en viens aux moyens dont dispose la Commission nationale du débat public. Il est délicat pour moi de répondre à cette question car la Commission, qui a pour mission d’organiser les débats publics, est une autorité administrative indépendante. Ayant constaté des difficultés dans le déroulement des réunions, elle en a tiré les conclusions en organisant le débat différemment. Quant aux outils dont l’État devrait se doter pour faire en sorte que les réunions publiques puissent avoir lieu quoi qu’il arrive : je ne peux que confirmer que de tels outils n’existent pas. En effet, il n’est permis ni de filtrer les gens à l’entrée d’une réunion publique – car, alors, elle ne serait plus publique – ni d’organiser des réunions publiques sur invitation et, une fois que les gens sont dans les lieux, et à partir du moment où ils ne sont pas violents et n’enfreignent pas les règles communes, rien ne permet de les empêcher de prendre la parole et de faire du bruit. Il appartient au Parlement de réfléchir aux moyens qu’il convient d’accorder à la CNDP.

Mme Marie-Claude Dupuis. La question des risques se trouve au cœur de nos travaux. L’ANDRA mobilise ses compétences et son énergie depuis 1991 sur la sûreté à long terme et, depuis la loi de 2006, dans le cadre de notre projet industriel, sur la sûreté opérationnelle du stockage pendant l’exploitation.

Les risques liés à la présence d’hydrogène et les incendies sont au cœur de nos recherches et de nos études. Nous avons parfaitement conscience que le projet ne sera autorisé que si nous avons convaincu l’IRSN et l’ASN que nous maîtrisons bien tous les risques.

À ceux qui prônent le stockage ou l’entreposage temporaire en subsurface en tant que solutions alternatives, je réponds qu’en milieu souterrain, à une profondeur de 50 mètres, il existe les mêmes risques d’incendie et liés à l’hydrogène dégagé par les colis. Ces risques sont évalués et leur maîtrise est au cœur de nos travaux.

Les premières personnes concernées par les risques des futures installations sont les chercheurs et les ingénieurs de l’ANDRA qui travaillent sur le projet Cigéo et dont la première préoccupation est de se protéger. Je tiens à le rappeler. La direction générale de la sécurité civile, les pompiers de Paris et les services départementaux d’incendie et de secours de la Meuse et de la Haute-Marne sont associés à nos travaux pour intégrer la maîtrise de ces risques et des moyens d’intervention dès la conception du projet.

Les travaux de l’IEER (Institute for Energy and Environmental Research) ont été cités à juste titre, puisque le comité local d’information et de suivi, qui suit nos travaux, a demandé à deux reprises à cet expert américain de réaliser des contre-expertises. Le rapport de l’IEER a été cité en partie dans les remarques qui nous ont été faites et nous avons transmis nos réponses au comité. Il aurait été intéressant de citer le rapport de l’IEER dans sa totalité, car il mentionnait également que le stockage géologique était la seule solution capable de mettre ce type de déchets en lieu sûr et, par ailleurs, il saluait la qualité de la recherche scientifique de l’ANDRA.

Comment garantir les risques sur une durée de cent ans ? L’ANDRA n’ignore nullement qu’elle ne recevra jamais un « chèque en blanc » de la part de l’ASN et du Gouvernement. Le stockage sera construit de manière très progressive, un rendez-vous est prévu tous les dix ans pour faire le point, et l’ANDRA propose le tout premier bilan seulement cinq ans après la mise en service de Cigéo.

S’agissant des coûts, il faut cesser d’opposer sûreté et maîtrise – ou optimisation – des coûts. La sûreté sera l’exigence première, ce qui ne nous empêche pas de rechercher l’optimisation économique. Les deux peuvent être totalement décorrélées – je vous en donne un exemple : le dimensionnement des installations de surface de colis de déchets doit être établi en fonction du flux de déchets, sur lesquels EDF, le CEA et Areva doivent s’accorder ; sachant que les déchets de moyenne activité sont très variés, la réponse industrielle de l’ANDRA sera adaptée à la demande, ce qui entraînera un coût mais ne remettra pas en cause la sûreté.

Par ailleurs, il est quelque peu prématuré de parler de dérapage des coûts. La conception industrielle de Cigéo a commencé en 2012 et son coût n’a pas encore été arrêté ; il ne peut donc pas avoir dérapé. Je rappelle également que ce qui est demandé à l’ANDRA est un exercice inédit : alors que personne ne requiert d’un industriel de chiffrer l’exploitation de son installation pendant cent ans, on nous demande, dans le cadre de nos discussions avec les producteurs, quel sera pendant cent ans le nombre de pièces de rechange et combien de gardiens il faudra prévoir… C’est difficile à dire, car, dans cent ans, nous aurons peut-être des drones pour surveiller le stockage !

La question des coûts est complexe, mais elle représente des enjeux très concrets pour les entreprises EDF, Areva et le CEA, puisque la loi exige qu’ils sécurisent les sommes nécessaires. Quoi qu’il en soit, les réévaluations auront lieu régulièrement et l’ANDRA fournira un chiffrage estimatif. Elle présentera les hypothèses et les données qui seront appelées à évoluer en fonction des connaissances et de l’évolution des techniques.

Un mot sur la culture scientifique. L’ANDRA souhaite valoriser son savoir-faire et tout d’abord en Meuse et en Haute-Marne. Le ministère de la recherche a labellisé « Infrastructure nationale de recherche » l’ensemble constitué par le laboratoire souterrain, l’observatoire pérenne de l’environnement – un outil unique en France en matière de surveillance de l’environnement – et l’Écothèque destinée à conserver les échantillons. Nous avons proposé à l’État de créer un campus universitaire et un centre de formation pour former des étudiants aux techniques d’observation et de mémoire de l’environnement et de la terre. C’est un beau sujet qui pourrait aisément nourrir un projet de territoire.

Pour ce qui est de la vulgarisation, il faut rappeler le rôle du comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain, composé de bénévoles représentant les parties prenantes du territoire et qui a, entre autres, pour mission de vulgariser les documents et les propos de l’ANDRA.

Si la butte de Pierrelatte et les autres sites historiques n’étaient pas mentionnés dans les inventaires de l’ANDRA avant 2000, c’est tout simplement parce que l’inventaire des déchets a été créé à cette date et qu’il n’existait pas auparavant sous cette forme.

La diffusion du savoir-faire français à l’étranger est l’une des missions que nous a confiées la loi. Nous entendons toutefois concentrer nos forces sur les projets nationaux. Cela dit, nous sommes prêts à aider d’autres pays à progresser en matière de gestion à long terme de leurs déchets, car le modèle français – qui prévoit le contrôle parlementaire et la création d’une agence publique dédiée – est un exemple pour de nombreux pays.

M. Sylvain Granger. S’agissant des coûts, je suis parfaitement d’accord avec Marie-Claude Dupuis : il ne faut pas opposer la question des coûts à la sûreté. Pour ma part, je préfère parler de coûts maîtrisés, car le contraire, à savoir des coûts non maîtrisés, ne correspond pas à l’objectif du projet. J’ajoute que des coûts maîtrisés sont ce que l’on attend de gens qui font leur métier avec professionnalisme et que ce ne sont nullement des coûts bas, obtenus au détriment de la sûreté.

Je suis également d’accord avec Mme Dupuis sur le fait qu’il ne faut pas confondre les objectifs et les exigences, qu’il s’agisse de sûreté ou d’efficacité industrielle. Indépendamment de la sûreté à long terme et du risque de migration d’éléments radioactifs dans la biosphère, il convient avant tout de sécuriser les personnels qui vont intervenir dans les phases de chantier et d’exploitation. C’est pourquoi nous devons nous intéresser à une autre forme de sûreté, la sûreté opérationnelle, qui relève de l’efficacité industrielle. Ainsi, au moment du creusement, il faudra prendre garde à ne pas abîmer la roche pour éviter des microfissures qui pourraient être dommageables à la sûreté à long terme du stockage.

L’ANDRA a évalué différentes techniques de creusement. Nous en avons discuté ensemble et proposé des techniques alternatives comme l’usage d’un tunnelier. J’ai le sentiment que les avis de l’ANDRA convergent vers cette technique, sous réserve que les tests de vérification soient concluants.

Il s’agit d’un projet complexe qui exige que nous avancions résolument mais sans brûler les étapes, car passer d’une phase de recherche à une phase d’ingénierie est toujours complexe, surtout s’agissant d’un projet de cette ampleur. Ce n’est pas un hasard si nous procédons à une analyse de la valeur lorsque nous passons de la phase de recherche aux premières esquisses d’ingénierie. Cette analyse de la valeur, qui permet de dégager rapidement des pistes d’optimisation, nous permet souvent de dégager des gains substantiels, jusqu’à 70 % du premier chiffrage. Cette analyse a permis à l’ANDRA d’identifier plus de cent pistes d’optimisation. En clair, il faut laisser travailler les personnes et prendre le temps qu’il faut pour établir des chiffres réels.

Les chiffres de 15 et de 35 milliards d’euros n’ont pas beaucoup de signification, car ils correspondent à un chiffrage qui nous permet d’assurer la sécurisation financière du projet. Nous devons nous assurer qu’une partie du coût de l’électricité que nous faisons payer à nos clients servira à financer le développement du stockage. Pour cela, nous avons besoin non d’un coût brut, mais d’un coût actualisé, qui correspond à la somme que nous devons placer aujourd’hui, avec un rendement prudent, pour disposer demain de la somme nécessaire. Or disposer dans quelques années de la somme de 15 milliards d’euros revient, dans nos comptes, à placer aujourd’hui 5 milliards d’euros dans des conditions prudentes.

S’agissant du débat public, je souscris à 100 % aux propositions de Bertrand Pancher. Sur un sujet aussi complexe, si nous voulons que le public se fasse une idée sur le vrai, le faux et l’incertain, nous devons organiser le plus grand nombre possible de débats contradictoires. Comment nous assurer que ce débat contradictoire aura bien lieu ?

Sur un certain nombre de sujets complexes, la vulgarisation n’est pas inutile. Je suis tout à fait favorable à la proposition qui a été faite d’étudier ce qui a été fait dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne.

J’ai le sentiment que certains font une confusion entre matières valorisables et déchets. Beaucoup déplorent la présence d’uranium appauvri dans nos sols, mais nous ne serions pas mécontents de découvrir de l’uranium, du charbon ou du pétrole dans notre sous-sol qui est particulièrement pauvre en matières premières, ce qui pose des problèmes en termes de balance commerciale. Actuellement, nous importons l’uranium naturel dont nous avons besoin. L’utilisation dans le réacteur actuel n’étant que très partielle, l’uranium restant, notamment appauvri, pourrait être utilisé dans de nouveaux types de réacteur. Certes, si les nouvelles filières industrielles capables d’utiliser ces matières ne se développent pas, il faudra se résoudre à une solution de stockage. Cette solution est étudiée par l’ANDRA, en lien avec les producteurs, dans le cadre du plan national de gestion des déchets radioactifs. Mais veillons à ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » et à ne pas obérer de nouvelles filières industrielles en devenir.

M. Yannick Rousselet. Pour ne pas être totalement négatif, je tiens à souligner que l’inventaire de l’ANDRA, le PNGMDR et les rapports du Haut comité sont des outils de réflexion collective très rares dans le monde et dont je me félicite.

Faut-il associer ou dissocier la production d’énergie et les déchets ? Demain, la gestion énergétique impactera directement la manière dont nous gèrerons nos déchets. Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, nous contenter de dire que ce sont deux problèmes différents. J’en veux pour preuve les combustibles MOX qui ne sont pas retraités, bien que technologiquement nous sachions le faire – puisque nous avons réussi, en 1994, à retraiter 14 tonnes de combustibles MOX allemands, en les diluant avec de l’oxyde classique. Pour le moment, nous ne savons pas retraiter du MOX sans le diluer. Nous avons aujourd’hui trop de combustibles irradiés par rapport à que ce que nous sommes capables de retraiter, mais nous ne pouvons en retraiter davantage car cela nous obligerait à produire du plutonium. La question est importante, mais nous avons tendance à l’évacuer, ce qui pose un problème.

Les deux sujets se percutent. Si demain nous arrêtons la filière nucléaire ou si nous la diminuons, cette décision aura une influence considérable sur la manière dont nos concitoyens accepteront la gestion des déchets. Si, dans une situation de face out, ils peuvent admettre la responsabilité collective de l’héritage, c’est moins vrai si le devenir des matières radioactives et des déchets n’est pas clairement défini.

Lorsqu’on nous dit que l’uranium de retraitement pourrait être utilisé un jour, cela signifie qu’on a décidé implicitement qu’il le sera. Si nous avons tant de difficultés, c’est qu’un grand nombre de nos concitoyens pensent que leur avis ne sert à rien, puisque tout est déjà décidé. Et j’ai l’impression que la manière dont nous traitons le sujet autour de cette table amènera nos concitoyens à se demander à quoi sert le débat public, puisque vous avez déjà pris des décisions. (Divers murmures).

Souvenons-nous du débat sur l’EPR de Penly, dont le Président de la République avait annoncé la construction avant que celle-ci ne soit décidée. Nous payons cet héritage. Je me souviens d’une audition, ici même, au cours de laquelle j’ai demandé à la représentante de l’ANDRA d’éviter de parler du projet Cigéo au futur de l’indicatif – je constate d’ailleurs que Mme Marie-Claude Dupuis prend désormais des précautions oratoires et utilise le conditionnel. (Sourires). Si nous voulons que les Français parlent librement d’un sujet, il faut qu’ils aient le sentiment que cela sert à quelque chose.

En ce qui concerne les rejets de La Hague, il est certain que tant que notre pays mènera une politique de retraitement, nous rejetterons dans la Manche des produits radioactifs, au prorata du nombre de tonnes retraitées.

J’en viens à l’image du champagne. Vous ne pourrez pas empêcher les personnes de faire la liaison entre les événements. Les normes sanitaires sont obligatoires pour l’alimentation ou l’eau – et c’est bien naturel – mais, pour des produits de luxe et de plaisir comme le vin et le champagne, il suffit de lire ici ou là qu’ils contiennent du tritium pour que leur image en pâtisse. Le projet comporte-t-il un risque pour le champagne ? Si c’est le cas, il nous faut étudier la progression des eaux en direction du bassin parisien pour détecter un éventuel problème. Mais préoccupons-nous en maintenant, sans attendre d’être obligés de casser le thermomètre pour nous cacher que la température est trop élevée.

Je me souviens du temps où notre organisation se faisait insulter simplement parce qu’elle avait osé parler des rejets de La Hague. Depuis, les normes ont diminué les seuils de rejets. Les vins du Tricastin viennent de changer de nom, parce que la présence de la centrale nuisait à leur image, bien que les vignes ne soient pas situées sur le bassin versant, contrairement à certains vins de la région – plaine du Codolet, Chusclan – qui peuvent contenir du tritium. Il est facile d’évacuer la question de l’image avec des mots, mais en réalité, comme le dit Denis Baupin, à l’autre bout du monde, en Australie ou aux États-Unis, la distance de 70 kilomètres paraît bien petite. Le journal allemand Der Spiegel a illustré une photographie du champion du monde de rallye automobile Sébastien Loeb s’arrosant de champagne avec la question suivante : « En France, pourra-t-on encore boire du champagne dans quelques années ? » Que vous le vouliez ou non, nous devons prendre en compte la question de l’image.

L’information sur les transports de produits dangereux mérite la transparence la plus totale. L’ASN nous affirme que les transports répondent aux normes de sécurité. Je reconnais que les transports de déchets vitrifiés ne sont pas des cibles pour les terroristes.

Quant aux déchets anciens, M. Douillet, la première lettre que l’ASN a adressée à la Cogema pour lui ordonner de reprendre ses déchets dans les fosses anciennes date de 1998. Une dizaine de lettres ont suivi pour ordonner à Areva de s’occuper de ces déchets. Il semble qu’Areva ait désormais réalisé un vrai travail en ce sens, mais, pour des raisons budgétaires ou techniques, certaines opérations ont été reportées.

La future loi sur la transition énergétique contiendra un volet sur la sûreté. Dans ce cadre, il appartiendra aux parlementaires de donner à l’ASN les moyens de mettre en place des sanctions graduelles. La ministre Delphine Batho avait proposé d’instaurer des astreintes par jour de retard. Pourquoi ne pas envisager cette solution ou tout autre moyen réellement coercitif qui permettra à l’Agence de contraindre les exploitants ?

M. Pierre-Franck Chevet. Je remercie M. Yannick Rousselet de son soutien, en précisant qu’il est indépendant.

La génération 4 de réacteurs est conçue dans la perspective d’améliorer le traitement ou la réutilisation des déchets. Mais cette terminologie comporte une ambiguïté, car la génération 2 correspondait à un certain niveau de sûreté et la génération 3 à un niveau supérieur de sûreté. Avec la génération 4, on s’attend donc à un niveau de sûreté encore plus élevé. Or la génération 4 n’est supérieure qu’en matière de gestion des déchets. N’oublions pas que le déploiement industriel des réacteurs de cette nouvelle génération n’aura lieu qu’en 2040 : les normes de sûreté auront alors nécessairement progressé.

Vous avez compris notre position sur le seuil de libération. Elle provient des problèmes réels qui ont été rencontrés à la fin des années 1980, lorsque des déchets radioactifs faisaient sonner les portiques des déchetteries classiques. Dans la plupart des cas, ce n’était pas grave, mais cela remettait immanquablement en question la robustesse du système. Personne n’était alors capable de dire d’où venaient ces radiations. C’est pourquoi la célèbre matrice utilisée dans les documents officiels a été mise en place, dans le respect du principe selon lequel tout déchet, une fois identifié comme nucléaire, doit être traité de manière adaptée. Nous sommes ouverts à la réutilisation au sein de la filière nucléaire et je suis prêt à reprendre le terme de « libération conditionnelle » proposé par les députés Aubert et Bouillon.

Je ne m’étendrai pas sur les stériles miniers, car vingt pages leur sont consacrées dans le PNGMDR. C’est un sujet qui avance, comme beaucoup de sujets portant sur le traitement des pollutions anciennes, mais qui doit être envisagé sur le long terme.

S’agissant de la sûreté de Cigéo, le projet n’est pas totalement ficelé puisque la décision n’interviendra que dans plusieurs années. Il reste des questions ouvertes, dont certaines – y compris celles qui portent sur la sûreté – n’ont pas encore reçu de réponse.

La réversibilité est une question complexe. Il nous faudra encore trois ou quatre ans de travail avant que nous puissions nous prononcer et porter un jugement, qui sera positif ou négatif, et qui interviendra après la décision de la représentation nationale.

En ce qui concerne la radioprotection, après l’incident survenu au CEA à la fin du mois d’août, nous nous sommes interrogés en effet sur les conditions de travail des employés. Nous n’avons pas pris connaissance des circonstances exactes de l’accident, mais nous savons qu’il s’est passé sur une installation en démantèlement. Cet incident doit nous rappeler que les opérations de démantèlement, qui consistent à découper des matériaux radioactifs, ne sont pas neutres et qu’elles constituent un enjeu de sûreté. Elles doivent être préparées correctement, conformément aux procédures.

S’agissant de la pollution due aux déchets anciens, il en subsiste en effet à Pierrelatte mais également à Cadarache et à La Hague. Ces déchets, qui n’avaient pas été correctement traités à l’époque, ne comportent pas de risques immédiats, mais ils peuvent atteindre au fil du temps un niveau inacceptable. La situation n’est pas inquiétante, mais elle le deviendra si les choses durent trop longtemps. Nous manquons de moyens appropriés pour traiter ces cas. La sanction qui consiste à imposer aux exploitants qui conservent des déchets une amende journalière est très adaptée, mais sa mise en œuvre relève de la loi. Nous ferons des propositions plus précises par écrit pour adapter la disposition aux cas que nous avons à traiter. Il faudra différencier les gros exploitants et les très petits, pour qui une sanction journalière trop importante risquerait de provoquer l’arrêt de l’activité.

En ce qui concerne les transports de matières radioactives, l’ASN n’est pas en charge de ces transports, mais nous sommes favorables à la plus grande transparence en la matière. Cela dit, certains éléments d’information doivent être tus pour éviter les actes de malveillance.

Pour ce qui est de nos moyens, si nous nous sommes déclarés satisfaits de notre budget pour 2014, qui n’a pas augmenté depuis l’an passé, c’est que nous avons parfaitement conscience que, dans le contexte actuel, il s’agit d’une bonne nouvelle. Dans les trois ou quatre ans qui viennent, je m’attends néanmoins à voir nos charges croître, quels que soient les choix opérés : prolongation de la durée de vie ou arrêt des centrales nucléaires, démantèlement, radioprotection. Sur tous ces sujets, les enjeux ne cessent de progresser et nous aurons besoin de moyens supplémentaires. Et, pour être tout à fait clair, je ne suis pas sûr que le budget de l’État sera en meilleure santé dans trois ou quatre ans qu’il ne l’est aujourd’hui. Ma conclusion, qui a été rendue publique dans un récent avis, est la suivante : nous devons réfléchir à une réforme des modes de financement du contrôle de la sûreté nucléaire en France. Faire contribuer de façon plus directe et plus proportionnée les exploitants permettrait sans doute de soulager l’effort que nous demandons au budget de l’État.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous n’avez pas répondu à ma question sur le démantèlement.

M. Pierre-Franck Chevet. Un dernier mot avant de vous répondre, monsieur le président, en réaction à l’intervention de M. Baupin sur l’impact du site de Cigéo sur le champagne : nous émettrons dans plusieurs années un avis, sur la base d’un dossier constitué par l’ANDRA, concernant la sûreté et les enjeux environnementaux du projet ; s’il y a un impact, avéré ou susceptible de se produire, nous le mentionnerons dans notre instruction.

J’en viens au démantèlement. Je crois pouvoir dire que huit ou neuf démantèlements sont engagés, mais aucun n’a abouti. Lorsque je parle de stratégie de démantèlement immédiat, cela signifie que le plan de démantèlement doit être engagé dans les meilleurs délais. Il n’en reste pas moins que les opérations sont longues et nécessitent de nombreuses précautions, car un chantier de démantèlement dure plusieurs dizaines d’années.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pour conclure, je soulignerai l’utilité de cette rencontre. Les sujets sont nombreux, prégnants et urgents. Dans le domaine du nucléaire, les choses ont évolué, c’est ce qui ressort des questions et des réponses qui leur ont été apportées. Nous évoquons souvent, ici même, la question du nucléaire dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la transition énergétique et compte tenu des engagements pris par le Président de la République. M. Yannick Rousselet a évoqué le second EPR de Penly et la façon dont les choses se sont passées : aujourd’hui, la transparence est acquise, mais nous devons aller plus loin, notamment dans le domaine des transports de matières radioactives. La France n’est pas exemplaire dans tous les domaines, mais le travail réalisé par l’ANDRA, la présence de l’ASN et le PNGMDR sont des acquis importants. Il convenait de le rappeler.

Je retiens également de cette audition qu’il conviendrait d’accorder des moyens financiers et des outils juridiques supplémentaires à l’ASN, et de lui donner compétence en matière de transports des déchets radioactifs.

Cette table-ronde était nécessaire, car elle démontre l’intérêt que les parlementaires de la Commission du développement durable portent à la politique menée en matière de gestion des déchets radioactifs.

Je remercie sincèrement l’ensemble des intervenants pour leur participation à cette audition et me félicite de leur liberté de ton.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 2 octobre 2013 à 9 h 30

Présents. – Mme Laurence Abeille, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Olivier Marleix, M. Franck Montaugé, M. Yves Nicolin, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Luc Moudenc, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Jean-Louis Dumont, M. Laurent Furst