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Mercredi 2 octobre 2013

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Delphine Hédary, Mme Claude Chardonnet et Maître Arnaud Gossement, sur la modernisation du droit de l’environnement

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Delphine Hédary, Mme Claude Chardonnet et Maître Arnaud Gossement, sur la modernisation du droit de l’environnement.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Avant d’aborder l’ordre du jour de notre réunion, je souhaite la bienvenue à notre collègue Luc Chatel, qui a quitté la commission de la défense pour siéger désormais, parmi nous, au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Nous recevons aujourd’hui Mme Delphine Hédary, maître de requêtes au conseil d’État, Mme Claude Chardonnet, spécialiste des débats participatifs, et Me Arnaud Gossement, qui a déjà été entendu dans notre commission, à la suite des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement consécutifs à la conférence environnementale de septembre 2012. Ils se sont déroulés le 25 juin. Ils devaient donner l’occasion au ministère de l’Écologie de dresser une feuille de route, que nous attendons cependant encore.

Le ministre Philippe Martin a délivré une communication lors du Conseil des ministres du 17 juillet pour rappeler que la modernisation du droit de l’environnement doit lui amener clarté et stabilité pour une plus grande sécurité juridique des parties prenantes. Il a défini en ce sens quatre principes directeurs : progrès, proportionnalité, efficacité et effectivité. Ces états généraux ont déjà eu des conséquences puisque l’Assemblée nationale a voté hier soir, dans le cadre du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, les expérimentations du certificat de projet et du permis environnemental unique.

Mme Delphine Hédary. Le président de la commission a d’ores et déjà dressé un résumé relativement complet des états généraux ; je me bornerai donc à compléter son propos sur quelques points précis.

En ce qui concerne la méthodologie employée par le comité de pilotage que nous formons, le travail a commencé en mars pour s’achever le 25 juin, jour du dixième anniversaire de la présentation de la Charte de l’environnement en Conseil des ministres. Nous avons souhaité, ainsi, nous inscrire dans la lignée des progrès accomplis par le droit de l’environnement.

Nous avons d’abord convenu de procéder à un « diagnostic » du code de l’environnement en identifiant ses qualités, ses défauts et les évolutions attendues par les différentes parties prenantes. En effet, c’est une chose de moderniser le droit, mais encore faut-il savoir dans quelle direction il convient d’orienter la réforme. Un questionnaire a été mis au point pour recueillir le sentiment de chacun ; il a été non seulement diffusé aux acteurs identifiés mais également mis en ligne de façon à susciter des contributions spontanées. Huit cents réponses ont été recueillies : 11 % émanant d’élus et de personnalités politiques locales, 8 % provenant d’associations environnementales, 30 % formulées par des autorités administratives et des groupements de la sphère publique, 30 % rédigées par les milieux économiques, 9 % renvoyées par des juristes et 11 % apportées par des particuliers. Dans toutes les catégories, les réponses ont été substantielles : nul ne mettra en doute le sérieux de la démarche ni les attentes qu’elle a fait naître. Nous avons constaté une cohérence dans le diagnostic porté et dans les doléances exprimées.

Les défauts du droit de l’environnement sont identifiés de façon consensuelle : trop difficile à comprendre, trop compliqué à appliquer, trop épars, comprenant trop peu de définitions, raisonnant avant tout par milieux. Il est également déploré que l’article 8 de la Charte de l’environnement, relatif à l’éducation environnementale et à la formation des professionnels, connaisse une très faible traduction dans le champ des politiques publiques.

Les qualités du droit actuel ont été recensées selon la même logique. Le code de l’environnement concourt à la protection du cadre de vie, à la qualité des produits alimentaires, à l’attractivité du territoire, à la prévention des problématiques de santé publique et de pollution des sites. Il existe également un effet positif sur l’innovation et sur la compétitivité des entreprises, souligné par les milieux professionnels, dans la mesure où la propension de la France à choisir systématiquement les normes les plus ambitieuses lors de la transposition de textes européens place les sociétés françaises en position de pionnier pour le développement de nouvelles technologies. Les règles applicables ont, toutefois, des conséquences variables en fonction de la taille des entreprises, puisque les grosses compagnies disposent de capacités d’analyse juridique inconnues des petites structures. Enfin, les emplois verts ont été fréquemment mentionnés comme perspective de sortie de la crise économique.

De façon unanime, les contributeurs souhaitent un droit plus clair, mieux écrit, prenant notamment compte des conditions d’application de règles dès le stade de leur élaboration. Une meilleure cohérence est espérée entre les différentes normes. En outre, beaucoup se plaignent d’une « frénésie normative » aboutissant à l’instabilité permanente ; il est vrai que des textes disparaissent avant d’avoir été évalués. Davantage de concertation est escomptée pour permettre une anticipation de la règle de droit par les entreprises, peut-être à travers les études d’impact des projets et propositions.

Les autres demandes consensuelles ont trait à la simplification et à l’harmonisation des procédures, notamment lorsque différents délais sont prévus et quand diverses législations régissent un même projet. Ce supplément de sécurité juridique passe aussi par la prévisibilité des règles et leur accessibilité ; la superposition des schémas sur un territoire uniquement a été fréquemment déplorée.

Nous avons pour ambition de mettre en ligne, sur le site du ministère, les travaux du 25 juin accompagnés d’une synthèse développée. La journée a rassemblé deux cent cinquante participants autour de Mme Delphine Batho…

M. Martial Saddier. Nous n’avons pas été conviés, hélas !

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Seule Mme Hédary a la parole !

Mme Delphine Hédary. Trois tables-rondes se sont tenues : la première sur l’élaboration de la règle de droit, la deuxième sur les procédures, la dernière sur le contrôle. A l’issue de cette journée, la communication au Conseil des ministres du 17 juillet a tiré des conclusions et quatre principes directeurs, comme l’a rappelé M. le Président.

La feuille de route est un document de travail qui n’est pas encore publié, mais qui sera débattu devant le conseil national de la transition écologique. Elle décline les engagements pris dans la communication du 17 juillet, en traçant les principales actions sur la base de consultations informelles avec les parties prenantes.

Le premier axe tient à l’élaboration des règles du droit de l’environnement. Une participation plus active est recommandée aux travaux de la Commission européenne sur la simplification du droit de l’Union européenne. Une plus grande présence de la France en amont de l’édiction des directives, correctement informée par les parties prenantes concernées, permettrait probablement de mieux contrôler les normes produites à Bruxelles et de veiller à leur intelligibilité.

En ce qui concerne le droit interne, il conviendrait de passer d’une logique d’obligation à une logique d’objectif. Tant les associations que les entreprises identifient dans le droit positif un excès de procédures sans que la protection de l’environnement s’en trouve améliorée. Repenser l’étude d’impact et évaluer systématiquement la loi existante avant de la réformer sont deux idées consensuelles. Les engagements volontaires des entreprises, les instruments contractuels, devraient aussi pouvoir se substituer à la multiplication des réglementations administratives.

Le nombre de schémas à vocation environnementale devrait être drastiquement réduit d’ici 2016, car la situation actuelle se caractérise par un empilement manifeste et excessif. Est-il pertinent de viser un document régional unique formalisant toutes les informations ? Il faut encore expertiser la faisabilité de cette ambition.

Nous envisageons enfin une expérimentation en matière de simplification de la gestion des espaces naturels : un groupe de travail sera mis en place sur ce sujet.

Accélérer et faciliter les projets respectueux de l’environnement : le second axe de réflexion autour de cet objectif a privilégié la simplification de l’évaluation environnementale, un groupe de travail devant aboutir à une clarification du « cas par cas ». La pratique de cette évaluation reste très critiquée, les porteurs de projet ne sachant pas exactement, à l’avance, dans quel cas ils doivent diligenter telle ou telle une étude d’impact, les administrations semblant disposer en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. À l’inverse, celles-ci se plaignent du nombre de dossiers à examiner.

L’organisation territoriale de l’autorité environnementale, c’est-à-dire l’articulation entre le niveau national et régional, souffre également de nombreuses critiques, en particulier lorsque cette autorité – qui délivre et l’avis à ce titre et l’autorisation – prend la forme du même préfet.

En second lieu, unification des procédures et fusion des autorisations semblent devoir être encouragées : il s’agit, là aussi, de procéder par étapes, en privilégiant d’abord les domaines dans lesquels l’autorité de l’État régit à la fois les aspects environnementaux et urbanistiques, comme dans celui de l’éolien. Le président Chanteguet y a fait allusion : le projet de loi d’habilitation en cours d’examen vise à expérimenter d’une part le certificat de projet, ou rescrit, et d’autre part l’autorisation unique. Le certificat permettra, au moment du dépôt, d’indiquer à un porteur de projet l’ensemble des procédures auxquelles il aura à se soumettre et dans quels délais.

L’autorisation unique ICPE permettrait, elle, de rassembler dans une seule et même procédure dérogation « espèces protégées », permis de construire quand le préfet est compétent pour le délivrer, et défrichement. L’éolien terrestre en Champagne-Ardennes fera l’objet d’une expérimentation, ainsi que les installations d’électricité à partir de méthanisation et de fabrication du biogaz. Quelques éléments de calendrier de mise en place de ces expérimentations : la loi d’habilitation - après la rédaction des ordonnances en octobre-novembre, les consultations obligatoires en novembre-décembre et la saisine du Conseil d’État à la mi-janvier – devrait entrer en vigueur pour le 1er mars 2014. À ce stade, ces informations revêtent un caractère prévisionnel et indicatif. Le suivi en mode projet des travaux de confortement de digues sur la façade Atlantique – il s’agit des suites de la tempête Xinthia - est également prévue.

Les relations administration usagers devraient bénéficier partout de la mise en place d’un guichet unique et d’outils informatiques harmonisés, permettant l’interconnexion entre réseaux inter-ministères, dont les porteurs de projets soulignent très souvent l’absence. La formation des agents à l’environnement doit également améliorer les relations avec ces derniers.

La première étape des états généraux a vu, en raison des contraintes imposées par les textes la régissant, la participation du public extrêmement critiquée. La loi du 27 décembre 2012, avant même son entrée en vigueur, a concentré certaines de ces critiques. Les participants aux états généraux ont préconisé de façon très ferme une évaluation du droit existant avant de rechanger quelque chose. Les services du ministère en charge de l’écologie vont donc préparer des fiches facilitant l’application du droit positif en matière de participation du public. Peut-être qu’ensuite il apparaîtra nécessaire d’en modifier certaines dispositions.

Mieux réparer, compenser et sanctionner les atteintes à l’environnement : ce troisième axe de réflexion passe, peut-être via un groupe de travail, par des propositions autour des recours administratifs, de l’accès au juge, et de son éventuelle saisine en cours de procédure dans le cas d’opérations longues et complexes. Celle-ci doit permettre la régularisation par exemple d’une phase de participation du public, comme une étape d’enquête publique, qui ne s’avérerait pas satisfaisante. Il faut également permettre au juge administratif d’user du pouvoir d’injonction dont il dispose déjà, en s’inspirant du référé pré-contractuel, afin de purger assez tôt certains vices, plutôt que d’attendre parfois plusieurs années pour voir une décision annulée pour un vice de procédure qui aurait pu être traité bien plus en amont.

Le contrôle et les sanctions des atteintes à l’environnement ont fait l’objet d’une réflexion approfondie : elle progressera sans doute grâce à l’évaluation des polices de l’environnement qui est en cours depuis le mois de septembre dans le cadre d’une action CIMAP. Le groupe de travail ad hoc traitera de cette question, l’harmonisation de ces polices ayant émergé comme un objectif partagé.

La réparation des atteintes à l’environnement a été une question nourrie par le rapport d’Yves Jégouzo sur le préjudice écologique : les conséquences devront en être tirées avec le ministère de la justice.

Mme Claude Chardonnet. Le comité de pilotage des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement reste dépositaire de nombreuses et fortes attentes, exprimées lors de la journée du 25 juin mais également au travers des 800 contributions reçues, émanant en particulier des porteurs de projets. Simplification, clarification, lisibilité, applicabilité, efficience générale des procédures, ces constantes doivent guider son action qui doit répondre à l’espérance née de ses travaux. Il ne faut pas décevoir les acteurs et mettre en route une mécanique de dialogue qui doit se poursuivre en respectant des échéances raisonnables et rapprochées, ainsi que des approches réalistes associant l’ensemble des parties prenantes.

J’ai été frappée, le 25 juin, par la multitude de situations concrètes vécues par des acteurs de l’environnement et de l’aménagement, dans lesquelles le développement des projets se trouve freiné – voire arrêté – et le développement de conflictualités favorisé. Cette situation crée de l’incompréhension de la part des uns et des autres.

MArnaud Gossement. Ces états généraux ont permis, entre autres, de faire émerger ce constat : beaucoup d’acteurs reprochent à la puissance publique d’édicter des normes sans que les services de l’État disposent des moyens de les faire appliquer sur le terrain. Un magistrat du parquet nous a expliqué le 25 juin que 90 % des procès-verbaux d’infraction à la législation environnementale étaient classés sans aucune instruction, et que sa juridiction ne disposait pas de code de l’environnement. Je précise que le ministre de l’époque a promis de lui en envoyer un exemplaire (Sourires). Des syndicats nous également alertés sur la situation des fonctionnaires du ministère en charge de l’écologie, dont la mission consiste précisément à faire respecter le droit de l’environnement.

Les parlementaires sont aussi « accusés » de voter beaucoup de textes, dont l’absorption pose souvent problème. Beaucoup de parties prenantes ont parlé de « frénésie législative ». Nous avons évoqué cette question alors même que simultanément le Parlement examinait un nouveau projet de loi dans le domaine de l’environnement, ce qui a contribué à semer la confusion dans l’esprit de certains participants à ces états généraux, qui ne savaient plus très bien où on discutait de quoi et à quel moment.

Certaines décisions, jugées malheureuses, ont parfois parasité nos travaux. France nature environnement, organisation à laquelle vous le savez je tiens beaucoup, a écrit au Président de la République ce jour pour exprimer son inquiétude et donner les raisons de son départ de ces mêmes états généraux. L’une d’entre elles tenait à la dégradation du dialogue environnemental, auquel je suis très attaché et sans lequel il ne peut y avoir de progrès en matière de droit de l’environnement, en raison de décisions unilatérales comme l’arrêté sur les cochons, qui transfère les élevages industriels du régime de l’autorisation à celui de l’enregistrement. Je regrette à titre personnel que nous ne soyons pas en mesure de discuteur – à cinq ou à six – de ce type de dossier. Avoir un dialogue environnemental apaisé permet notamment d’éclairer le législateur sur les suites à donner.

Pour poursuivre sur la partie anxiogène des états généraux, et profitant de la présence d’un ancien ministre de l’éducation nationale, je relève que le lien entre éducation et environnement – et cela avait été regretté lors du Grenelle – n’est pas toujours fait.

Les PME-PMI nous ont alertés sur le fait que lorsque le législateur votait des dispositions les concernant, il avait sans doute le sentiment d’avoir affaire à des entités disposant de services juridiques conséquents, ce qui est rarement le cas. Ces mêmes entreprises se sentent dépourvues de moyens pour appliquer à leur activité des textes dont elles ne connaissent parfois même pas l’existence ! La définition des concepts écologiques et environnementaux mérite par ailleurs des efforts de définition et d’éclaircissements. Il faut sortir des discours : la règle, lorsqu’elle est mieux connue, s’applique avec de meilleurs résultats et devient moins anxiogène.

Malgré tout, je dois mettre en exergue un point positif : le droit de l’environnement est désormais pris au sérieux. Aucune partie prenante ne nous a demandé de régression de ce droit. Aucune ne nous a dit qu’il fallait moins protéger l’environnement pour répondre à la crise économique, et au contraire : toutes ont réaffirmé la validité des objectifs fixés, en souhaitant parfois les dépasser. Il faut cependant agir sur les procédures pour simplifier, simplifier et encore simplifier justement pour atteindre ces objectifs.

Le président Jean-Paul Chanteguet. Madame Hédary a évoqué la loi de décembre 2012 sur la participation du public dans le domaine de l’environnement pour indiquer que les retours sur ce texte sont plutôt négatifs. Je trouve cela inquiétant. Le Parlement aurait-il mal légiféré ?

Mme Geneviève Gaillard. La modernisation du droit de l’environnement est une entreprise importante, elle vise à une meilleure efficacité des exigences environnementales, qui ne pourra cependant être obtenue qu’à condition de s’appuyer sur des moyens humains et matériels permettant de mener à bien une politique ambitieuse de protection de l’environnement. Le contexte est particulièrement difficile : la condamnation de la France pour non-respect de la directive « nitrates », le rapport de l’INSERM sur les dangers des pesticides, l’épuisement des ressources naturelles, le rapport sur la qualité de l’air dans les espaces clos qui met la France à l’index… Il est capital que la modernisation du droit de l’environnement n’aboutisse pas à une dérèglementation. Nous devons être très vigilants sur ce point. Comme vous l’avez dit, un certain nombre de textes législatifs vont être modifiés. À cette occasion, on sait que des lobbies vont tenter d’obtenir une remise en cause d’acquis qui nous sont chers, par exemple en ce qui concerne le régime d’autorisation des élevages industriels, que certains voudraient transformer en simple régime d’enregistrement.

Pour autant, il conviendra d’établir au préalable un bilan de l’efficacité de certains outils de conservation, face à l’état, par exemple, des espèces animales et végétales menacées. Tant qu’aucune évaluation n’en est faite, comment pourrait-on avancer ?

En tant que législateur nous devons parfois plaider coupable : des formulations introduites dans la loi telles que « Le préfet peut » au lieu de « doit », ou invitant à « tenir compte de… » sont effectivement problématiques car dépourvues de force juridique suffisante. Nous devons intégrer ces critiques, notamment dans le travail de notre commission.

Dans la future loi-cadre sur la biodiversité, pensez-vous qu’il serait pertinent d’introduire un délit général d’atteinte à l’environnement, sur le modèle du délit de mise en danger d’autrui ?

De manière générale, doit-on considérer le droit comme un outil évolutif en phase avec la société ? En matière de biodiversité, le droit positif, incluant de nombreuses conventions internationales, est-il assez armé pour appréhender des notions dont la part de subjectivité n’est pas négligeable, comme la notion de paysage.

M. Martial Saddier. À moins que les informations dont je dispose soient erronées, il n’y pas eu de parlementaires représentant tous les groupes politiques associés aux États généraux du droit de l’environnement. C’est regrettable, car en la matière le succès reposera sur la recherche d’un large consensus. Je rappelle que c’est notre majorité qui a voté la Charte de l’environnement.

Vous n’avez pas parlé de l’article 5 de cette Charte, sur le principe de précaution. Que pensez-vous de sa rédaction ?

Lors de la précédente législature a également été adoptée la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale. Ce texte a-t-il servi à quelque chose, ou n’est-il qu’un texte de plus ?

Parmi les pistes que vous évoquez, lesquelles relèvent du législatif, et lesquelles du pouvoir réglementaire ?

S’agissant de la valeur environnementale d’un bien et donc d’un dommage éventuel, comment la chiffrer ? Aujourd’hui dans vos travaux, comment approchez-vous la responsabilité pénale et la responsabilité civile ? Dans notre droit ces deux responsabilités sont en principe séparées, l’une n’implique pas forcément l’autre.

Je rejoins vos propos sur la nécessaire sensibilisation de l’appareil judiciaire. Cela passe-t-il, selon vous, par la mise en place d’unités spécialisées de police et de gendarmerie pour les infractions environnementales, et une par une spécialisation des magistrats et des juridictions ?

Enfin, et cela nous concerne tous, les responsables publics depuis la loi Fauchon sont censés être responsables lorsqu’ils ont été informés d’un problème. Les enjeux environnementaux doivent-ils entrer dans ce cadre ? On a d’ores et déjà des condamnations prononcées, et plusieurs procédures en cours contre des responsables publics, pas seulement des élus.

M. Bertrand Pancher. Ayant travaillé sur les conditions de renforcement de la démocratie écologique, je déplore un dialogue environnemental décousu et déstructuré. Nous n’avons plus de grand ministère de l’Écologie, mais un éclatement du traitement de ces thèmes entre plusieurs ministères. S’y ajoute une juxtaposition de textes manquant de complémentarité, au lieu d’un travail simultané et cohérent. Les États généraux de modernisation du droit de l’environnement devraient être l’occasion d’une grande concertation réunissant tous les acteurs, mais l’acteur-phare, France Nature Environnement, a « claqué la porte », à cause d’une absence complète d’arbitrage du Gouvernement. Comment un dialogue peut-il être plausible sans cet acteur capital ? Les discordances entre les membres du gouvernement et entre les autres acteurs sont regrettables, avec un ministère qui parle de modernisation, des industriels qui parlent de simplification, des ONG qui craignent une dérégulation. Comment aboutir à un juste équilibre ?

Qu’en est-il des risques de dérégulation, totalement contraire à l’esprit du Grenelle ? C’est une grande inquiétude des acteurs. Les grandes organisations environnementales appellent à l’affirmation d’un principe de non-régression du droit. Un groupe de travail sera-t-il consacré à cette question ? Oui à la simplification, non à la dérégulation !

Se pose évidemment la question des moyens, qui est centrale. Pour la deuxième année consécutive le ministère de l’Environnement est le grand sacrifié du projet de loi de finances, avec la suppression de 500 emplois supplémentaires. Le Gouvernement a-t-il les moyens de ses ambitions ? L’an dernier j’avais été frappé par un document que m’avaient fait parvenir les agents des Directions générales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, qui comportait la liste des actions des DREAL aujourd’hui en très forte augmentation par rapport à celle de leurs actions il y a dix ans, parallèlement à une réduction des moyens de ces services. Ces agents reconnaissaient qu’ils étaient, dans ces conditions, souvent amenés à repousser l’analyse des dossiers par manque de moyens.

Les États généraux déboucheront-ils selon vous sur un vrai texte de loi ? Il y a un frein très puissant de l’administration et des ministères, il faut le reconnaître. Déjà en 2012 nous avions demandé un délai de deux mois de concertation pour l’élaboration des décrets, et ce délai n’a été que de deux ou trois semaines. L’administration refuse de se réformer. Quel est votre sentiment là-dessus ?

M. Jacques Krabal. La modernisation de notre droit de l’environnement est une nécessité, afin de le rendre plus clair, plus compréhensible, plus stable. C’est une condition pour assurer la sécurité juridique de l’ensemble des parties prenantes. Comment ne pas souscrire à une telle ambition ? Néanmoins, ainsi que le rappelait encore hier notre excellent président dans le cadre de la discussion générale sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, « il faut rester vigilant afin que le souci de simplification ne se transforme pas en échappatoire aux obligations » (Sourires).

On ne peut qu’adhérer à ce propos. La simplification ne doit pas avoir pour conséquence de détruire ce qui, auparavant, nous protégeait. De ce point de vue, la décision prise par France nature environnement, le 13 septembre dernier, de mettre fin à sa participation aux États généraux de modernisation du droit de l’environnement, témoigne d’un réel malaise : jusqu’où aller dans la simplification sans remettre en cause l’acquis du droit existant ?

Il est vrai que la France croule sous les normes, mais encore faut-il en comprendre la raison. Le droit actuel de l’environnement est aujourd’hui, à 80 %, d’origine communautaire. Il faut y ajouter les dispositions contraignantes issues des démarches de normalisation sectorielles : dans le cas de l’éolien, par exemple, il n’existe pas de certification propre, mais il existe une norme EN50308, qui s’apparente à la norme internationale CEI61400-1, laquelle fait elle-même référence à près d’une trentaine d’autres normes. Ces dernières sont, pour l’essentiel, le fruit du travail des ingénieurs, derrière lesquels on perçoit à la fin la pression des grands groupes industriels.

Il faut simplifier notre droit, dès lors que cette simplification vise à soutenir le développement de filières environnementales. Mais simplification et protection de l’environnement doivent rester pleinement compatibles.

S’agissant de la QPC remettant en cause la loi du 13 juillet 2011 sur les hydrocarbures non conventionnels, le Conseil constitutionnel devrait se prononcer le 11 octobre prochain. Sa décision pourrait nous laisser désarmés face à la fracturation hydraulique et le vide juridique ainsi créé ouvrirait la voie à la reprise de l’exploitation du sous-sol avec cette technologie. Que pensez-vous de cette problématique d’ensemble ?

Par ailleurs, il faut regretter que le principe de précaution se trouve trop souvent remis en cause. Il rendrait impossibles la recherche, la découverte et la mise en œuvre de procédés innovants. Notre lecture en est radicalement opposée : le principe de précaution a pour objectif premier de favoriser, voire d’exiger, la recherche dès lors qu’un doute existe. C’est un principe stimulant et moderne.

À l’heure où le Gouvernement cherche, avec raison, à réaliser toutes les économies possibles, la commission présidée par le professeur Yves Jegouzo s’est penchée sur les modalités d’indemnisation du préjudice écologique et vient de présenter son rapport. Elle propose la création d’un établissement public national, chargé de réclamer et gérer les sommes dues au titre de la réparation de ce préjudice. Les citoyens français ne risquent-ils pas d’être doublement perdants, dépossédés, d’une part, par les associations ou les collectivités territoriales du droit de réclamer cette réparation, et privés, d’autre part, de la possibilité de voir indemnisés les dommages causés à leurs patrimoines individuels ?

Pouvez-vous nous garantir que le principe de précaution et celui de la participation du public sortiront bien, en pratique, renforcés des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement ?

M. Jacques Kossowski. Vous avez mentionné un groupe de travail sur la gestion des espaces naturels. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ses activités et propositions ?

M. Yannick Favennec. Quatre cent mille normes régissent aujourd’hui la vie quotidienne de nos concitoyens, dont une bonne partie dans le secteur de l’environnement. Elles représentent souvent une entrave, un frein, un carcan pour le monde agricole. Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation ? « Modernisation » signifie « simplification », signifie-t-elle de surcroît « allégement » ?

M. Jean-Marie Sermier. Au-delà du droit et du code de l’environnement, se pose la question des modalités du contrôle et de la sanction. N’aurons-nous pas besoin, à l’avenir, de magistrats spécialisés dans ce domaine ?

Par ailleurs, le contentieux de l’environnement n’est-il pas aujourd’hui noyé sous la masse des « micro-affaires », par exemple les procès-verbaux d’infraction dans le domaine de l’eau, et qui débouchent fréquemment sur des classements sans suite ? Ne serait-ce pas une raison supplémentaire en faveur de la création de juridictions spécialisées ?

M. Guillaume Chevrollier. Un des thèmes débattus lors des États généraux a été celui de la réparation et de la sanction des atteintes à l’environnement.

Les projets éoliens, qui se développent dans tous les départements, retiennent parfois des implantations contestables, près de sites historiques ou au milieu d’un paysage préservé. Combattre de tels projets est aujourd’hui très difficile, même si quelques rares décisions de justice commencent à prendre en compte le préjudice auditif ou visuel – tout récemment, le tribunal de grande instance de Montpellier a ainsi condamné un opérateur à démanteler dix de ses éoliennes situées à proximité du château de Flers, dans le Nord-Pas-de-Calais, au motif du préjudice esthétique résultant notamment d’une « dénaturation totale d’un paysage bucolique et champêtre ».

Comment le droit de l’environnement pourrait-il mieux rendre compatibles le souci respectable de réparer et sanctionner les atteintes à l’environnement, d’une part, et la volonté affichée de soutenir le développement de l’éolien, d’autre part ?

M. Jean-Pierre Vigier. La loi du 10 juillet 1976 constitue un texte fondateur de notre droit de l’environnement actuel. Il aura fallu attendre trente ans pour que la Charte de l’environnement soit inscrite dans notre Constitution, en 2005. Limitative à l’origine, la liste des domaines couverts par le droit de l’environnement s’est, depuis, largement étoffée et couvre maintenant presque tous les domaines de la vie quotidienne. Les textes applicables sont nombreux. La démarche de modernisation entreprise doit-elle viser à couvrir l’ensemble de ces domaines ou aurait-elle intérêt à se concentrer sur certains d’entre eux, particulièrement d’actualité ? Peut-on profiter de cette démarche pour également harmoniser et simplifier les textes ?

M. Laurent Furst. Le parlementaire et élu local que je suis – une espèce malheureusement appelée à s’éteindre (Sourires) – observe que l’addition des normes et des règles de toutes origines – zones inondables, loi sur les fouilles archéologiques, protection du Grand hamster et du crapaud vert, zones AOC, liste rouge de protection du biotope, etc. – devient véritablement étouffante au niveau d’un territoire. Les contraintes s’ajoutent sans cesse, sans que jamais les modalités d’articulation des unes avec les autres soient véritablement contrôlées. On les découvre au fur et à mesure, et l’État est incapable d’en donner une liste exhaustive sur un espace donné – ce qui est proprement terrifiant.

Un corset administratif, réglementaire et juridique nous enserre, qui bloque des territoires entiers et empêche le moindre projet de développement économique de prospérer. Nos concitoyens sont désemparés, ils ne comprennent plus. Rester dans la situation actuelle serait excessivement dangereux pour l’avenir de notre pays.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. L’article 13 du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises autorise l’expérimentation d’un « certificat de projet » dans certains territoires, notamment pour des projets éoliens et des unités de méthanisation. Le périmètre envisagé inclura-t-il l’éolien offshore et la production photovoltaïque ?

Par ailleurs, les documents d’appui et l’étude d’impact de ce projet de loi laissent entendre que la délivrance, aux porteurs de projet, d’un permis environnemental unique ne se traduirait pour eux que par un gain de l’ordre de deux mois. Je suis presque tenté de dire : « tout ça pour ça ? ».

Mme Delphine Hédary. Le comité de pilotage des États généraux n’est membre ni du Gouvernement, ni de l’administration : il nous sera donc malheureusement impossible de répondre à beaucoup des questions que vous nous avez posées, même si nous pouvons avoir une opinion personnelle sur tel ou tel sujet.

Le principe de précaution est très peu évoqué dans les huit cents réponses reçues : pour les différents contributeurs, ce n’est donc pas un sujet problématique. Inversement, une mise en œuvre plus effective des articles 8 et 9 de la Charte de l’environnement, relatifs respectivement à la formation en matière d’environnement et à la contribution de la recherche dans ce domaine, est très fréquemment sollicitée.

Le comité de pilotage des États généraux avait vocation à garantir le pluralisme et la pleine participation de toutes les parties intéressées. Nous y sommes parvenus au cours de la première phase. La seconde commence désormais et il est de notre responsabilité de veiller à ce que les futures recommandations soient le produit d’un travail interactif entre les différentes administrations.

La méthode retenue est participative, mais aussi réaliste : une « révolution » n’est ni possible, ni souhaitable, et elle n’est d’ailleurs demandée par personne. Il nous est apparu que le débat avec les acteurs était pleinement mature : par exemple, les entreprises n’appellent aucunement à une complète dérégulation ou au démantèlement pur et simple des contraintes environnementales ; elles aspirent, en revanche, à pouvoir plus facilement connaître les règles qui leur sont applicables et à bénéficier d’une meilleure sécurité juridique.

Les deux lois « Grenelle », avec leurs centaines d’articles et de décrets d’application, sont vécues comme des contre-exemples absolus : nos préconisations s’orienteront donc vers un ensemble de mesures et d’actions à la fois simples, pratiques et efficaces.

Mme Claude Chardonnet. En ce qui concerne la question du départ de France Nature Environnement – que nous espérons provisoire –, toute démarche de concertation comporte son lot d’incertitudes. Il est naturel que le Gouvernement et le Parlement aient poursuivi leurs travaux pendant les États généraux. L’articulation de chantiers parallèles est toujours chose complexe. En outre, je rappelle que le projet de feuille de route fera l’objet d’un avis du conseil national de la transition écologique. La concertation continue ; personne ne doit rester sur le bord du chemin. Nous mettons tout en œuvre à cette fin.

J’aimerais revenir sur la nature des actions consécutives à ces États généraux. Ce n’est pas une nouvelle loi massive qui se profile pour traiter un à un les écueils identifiés lors de la concertation. Nous prévoyons plutôt une série de mesures ponctuelles et complémentaires, les unes législatives, les autres réglementaires, certaines même purement méthodologiques et pédagogiques. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne les études d’impact, auxquelles nombre de maîtres d’ouvrages indiquent ne pas comprendre grand-chose. Il est juste de parler de « corset », en tout cas dans la perception. Le droit doit être plus simple, plus clair, plus rapidement applicable pour ne pas mettre en péril le développement économique.

M. Luc Chatel. On évoquait tout à l’heure l’éducation à l’environnement. Je voulais souligner que le développement durable figure dans les programmes du collège. On peut certes faire toujours plus, mais chacun est persuadé que le sujet qui lui tient à cœur mérite d’être enseigné. Or on ne peut multiplier les heures de la semaine des élèves – surtout pas quand le Gouvernement prend la voie de la réforme des rythmes scolaires. (Sourires)

Vos travaux comportent-ils une réflexion sur l’organisation des débats publics relatifs aux questions environnementales ? C’est une question délicate car ces sujets bousculent souvent les attitudes locales, éloignant la perspective d’un débat serein. Je suis élu d’un département qui accueille le laboratoire de Bure, et je dois relever que les opposants au projet multiplient les incidents pour empêcher la tenue du débat et la conduite d’une concertation efficace. Envisagez-vous un cadre de débat modernisé pour des thématiques si importantes ?

Mme Claude Chardonnet. De nombreux acteurs se penchent depuis des années sur cette question, et au premier rang la commission nationale du débat public en charge de la concertation sur le projet Cigéo auquel vous faites référence. En qualité de dépositaires des opinions exprimées dans le cadre des États généraux, nous devons constater que peu de choses ont été dites sur ce point. Le point abordé le plus souvent concerne l’enquête publique, organisée trop tard pour susciter un véritable débat utile à l’amélioration du projet. La critique porte moins sur la forme des consultations que sur le hiatus permanent entre les conclusions des débats et les décisions prises par la suite par les maîtres d’ouvrage.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Les enquêtes publiques ont mal vieilli…

M. Arnaud Gossement. À titre personnel, sur le débat public, quand on compare le discours de Mme Delphine Batho du 25 juin dernier et la communication au conseil des ministres de M. Philippe Martin, il y a un point commun : le dialogue environnemental est mis en avant. Il est inimaginable de faire évoluer le droit du travail sans dialogue social. En revanche on tente de faire avancer le droit de l’environnement cahin-caha, sans dialogue structuré ! La multiplication à laquelle on assiste des organismes, des concertations, des débats publics est tout le contraire d’un dialogue structuré et toutes ces instances ont en commun de ne satisfaire personne.

On peut rappeler l’exemple pris par Mme Delphine Batho elle-même lors de l’ouverture des États généraux : le Gouvernement a soumis à appel d’offres des projets d’éoliennes offshore, alors qu’en réalité tout est déjà ficelé, la localisation des éoliennes, leur nombre, leur puissance. On organise ensuite un débat public, qui coûte fort cher et rallonge les délais, dans lequel on interroge les citoyens sur l’opportunité même des projets, alors qu’il n’y a plus d’options ouvertes. On peut comprendre le désarroi des différents acteurs. Les bénévoles des associations sont aujourd’hui débordés de sollicitations pour participer à de très nombreuses instances, pour n’aboutir souvent qu’à des résultats peu satisfaisants et des risques de contentieux. L’élaboration du droit de l’environnement s’en trouve décrédibilisée.

A cet égard, je souligne que la création envisagée d’une nouvelle Agence, dans le domaine de la biodiversité, pourrait bien être la création d’un lieu de concertation supplémentaire alors qu’il existe déjà de nombreuses instances de consultation, sans compter celles qui sont annoncées. Ce serait d’ailleurs l’occasion de réfléchir à une réforme du Conseil économique, social et environnemental, comme s’y étaient d’ailleurs engagées toutes les parties prenantes au lendemain du Grenelle de l’environnement. Il ne s’agirait pas de le supprimer, mais d’en faire l’« Académie du futur » imaginée par M. Pierre Rosenvallon.

Faut-il une spécialisation de la justice ? Il faut d’abord poser la question des moyens dévolus à la justice. Je faisais état tout à l’heure des déclarations du président du Réseau des procureurs européens pour l’environnement, M. Jean-Philippe Rivaud, sur le manque de moyens des magistrats. Avoir un « pôle environnement » sans moyens serait inutile.

Je rappellerai également le procès de la pollution à la dioxine de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère : les parties civiles s’étaient vivement émues lorsqu’il avait été décidé de dessaisir le juge d’instruction pour confier l’affaire à des magistrats du « pôle santé » de Marseille.

Sur la spécialisation, les contributions que nous avons reçues posent clairement la question des moyens comme étape préalable. On voit par exemple comment, au sein de la Gendarmerie, les unités spécialisées dans les atteintes à l’environnement n’ont pas les moyens de leurs compétences. La police de l’environnement en France est un vrai souci, en l’absence d’augmentation des effectifs de l’inspection vétérinaire ou des installations classées.

En matière de responsabilité environnementale, il y a effectivement des problèmes dans l’application de la loi, et il s’y ajoute aujourd’hui, suite au rapport de M. Yves Jegouzo, un nouveau « bloc », certes réduit aux préjudices écologiques, mais qui a un lien avec le dommage pour atteinte à l’environnement qui se trouve déjà dans le code de l’environnement. J’espère que les États généraux seront aussi un espace de discussion sur l’articulation entre le code civil et le code de l’environnement.

L’introduction d’un nouveau délit d’atteinte à l’environnement dans la loi-cadre sur la biodiversité est une demande forte des associations. Mais là encore la question non résolue est celle des moyens de poursuivre et de faire juger. Ne faudrait-il pas commencer par faire mieux fonctionner l’existant ?

Le principe de précaution n’a pas été un grand sujet de discussion. En revanche la notion de non-régression a été mise en avant par la Société française du droit de l’environnement, qui a consacré deux jours à ce travail, et par de nombreuses contributions intéressantes de juristes.

Il y a d’autres sujets qui sont un peu périphériques mais néanmoins liés : les participants se sentaient parfois déboussolés par le fait que des sujets environnementaux étaient discutés ailleurs, comme par exemple la réforme du code minier.

Le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie les trois intervenants d’avoir accepté notre invitation et d’avoir fait le point sur les réflexions et les propositions. Nous suivrons bien sûr la suite de ces travaux avec grande attention.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 2 octobre 2013 à 16 heures

Présents. - M. Alexis Bachelay, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. David Douillet, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. Bertrand Pancher, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Jean-Jacques Cottel, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - M. Laurent Furst