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Mercredi 23 octobre 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi de ratification de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 459) (Mme Catherine Quéré, rapporteure pour avis)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Catherine Quéré, le projet de loi de ratification de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 459).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission s’est saisie pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Hormis pour les traités européens et les accords de défense, il est rare qu’une commission se saisisse pour avis d’un projet de loi autorisant la ratification d’un accord international ou d’une convention, ces textes étant systématiquement renvoyés à la Commission des affaires étrangères. Notre commission le fait pour la première fois, mais l’on peut citer au moins deux autres exemples depuis le début de la quatorzième législature : la saisine par la Commission des affaires sociales sur le projet de loi de ratification de l’accord franco-espagnol sur la coopération sanitaire transfrontalière et la saisine par la Commission des lois sur le projet de loi de ratification de l’accord franco-allemand sur l’instauration d’un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts. En l’espèce, la saisine pour avis m’a parue légitime en raison de la compétence de notre commission en matière de transports et à la suite de ses travaux sur la commission Mobilité 21, le schéma national des infrastructures de transport et la réforme ferroviaire.

L’examen du texte en séance publique aura lieu jeudi 31 octobre au matin. Nous avons désigné, la semaine dernière, Mme Catherine Quéré rapporteure pour avis.

Je vous rappelle qu’en application de l’article 128 du Règlement de notre Assemblée, les traités ou accords internationaux dont la ratification est demandée ne peuvent être amendés : l’Assemblée ne peut que conclure à l’adoption, au rejet ou à l’ajournement du projet de loi autorisant la ratification.

Mme Catherine Quéré, rapporteure pour avis. Pour la première fois, en effet, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire se saisit pour avis d’un projet de loi de ratification d’un accord international. Il est particulièrement bienvenu que nous puissions ainsi évoquer, quelques semaines avant le sommet bilatéral franco-italien prévu le 20 novembre prochain, un projet d’infrastructure de transport majeur et controversé : le projet de liaison ferroviaire nouvelle Lyon-Turin.

Je précise qu’il convient de parler de liaison ferroviaire et non, comme on l’entend souvent, de ligne à grande vitesse : sur la future liaison, aucun train n’atteindra la vitesse de 250 kilomètres-heure qui correspond à la définition européenne de la grande vitesse. Il s’agit certes d’aller plus vite, tant pour les voyageurs que pour le fret, mais le « tout TGV » n’est plus d’actualité. La terminologie des années 1980, où l’on parlait d’un « TGV Lyon-Turin » uniquement consacré aux voyageurs, est complètement dépassée : l’accent est désormais mis sur le fret, et le fait de porter la vitesse des trains de fret à 120 kilomètres-heure représente déjà un progrès considérable.

La nouvelle ligne ferroviaire mixte – voyageurs et fret – bénéficiera aux déplacements régionaux, nationaux et européens à travers les Alpes. Bien plus qu’un projet d’infrastructure de transport, c’est un projet de territoire, porteur d’enjeux environnementaux, économiques et sociaux importants pour les régions concernées – et bien au-delà, en raison de sa « valeur ajoutée européenne ».

Si la saturation technique de la liaison ferroviaire historique n’est pas encore avérée – et pour cause, j’y reviendrai –, le seuil de saturation sociale due au passage des poids lourds à la frontière franco-italienne est largement dépassé : en 2010 et 2011, ce sont près de 7 400 poids lourds qui ont franchi chaque jour les passages routiers entre la France et l’Italie. Par le report modal massif de la route vers le rail qu’elle rendra possible, la liaison
Lyon-Turin contribuera à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la quantité de produits nocifs rejetés dans l’atmosphère et des nuisances sonores, tant dans les vallées alpines que sur le littoral méditerranéen, sans parler des risques d’accidents.

La nouvelle liaison ferroviaire constituera en outre une prouesse technique remarquable. L’ouvrage central sera le tunnel « bitube », long de 57 kilomètres, auquel s’ajouteront, sur le territoire français, 8 autres tunnels, dont celui de Chartreuse – près de 25 kilomètres – et 6 viaducs, ainsi qu’une cinquantaine d’autres ouvrages d’art.

La commission Mobilité 21, présidée par notre collègue Philippe Duron, n’a pas mis en question la légitimité du projet. Elle ne s’est pas prononcée sur le projet de tunnel de base, exclu de son périmètre d’analyse en raison de son caractère international, si ce n’est pour souligner les limites des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. S’agissant des accès français, inclus dans le périmètre d’analyse et dans le classement final, la commission a confirmé l’intérêt de leur réalisation et les a intégrés aux « secondes priorités » de son scénario n° 2 – celui retenu ensuite par le Gouvernement –, tout en préconisant un réexamen tous les cinq ans de ce classement, donc un premier réexamen en 2018.

Le Lyon-Turin est porté par une volonté politique forte, constamment réaffirmée depuis les années 1990 par les autorités françaises et italiennes, en particulier, en France, par quatre Présidents de la République successifs. Il a déjà fait l’objet de deux accords bilatéraux, respectivement en 1996 et 2001. Le texte qu’il est aujourd’hui question de ratifier, signé à Rome le 30 janvier 2012, constitue la troisième étape de ce processus.

Il ne s’agit, soulignons-le, que d’une étape intermédiaire : c’est dès 1994, dans le cadre de l’Union européenne, qu’il a été décidé de conduire ce projet, et le lancement des travaux définitifs de construction devra faire ultérieurement l’objet d’un nouvel accord bilatéral. Il s’agit néanmoins d’une étape importante de la réalisation du Lyon-Turin dans sa partie internationale. Le texte précise ainsi la gouvernance du projet par les deux États, la définition du droit applicable au règlement des différends, et clarifie le partage des coûts de la section internationale – sur laquelle il porte exclusivement.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à la ratification de cet accord bilatéral.

Cet avis favorable, qui porte spécifiquement sur le texte à ratifier, n’équivaut pas nécessairement à une adhésion sans réserve à l’ensemble du projet de liaison ferroviaire nouvelle : il ne s’agit en aucune façon d’ignorer les incertitudes que celui-ci comporte et qui suscitent des inquiétudes. Nous le reconnaissons volontiers : le calendrier de réalisation est encore indéterminé – ce qui est assez compréhensible tant que le plan de financement n’est pas bouclé et compte tenu de la complexité technique du projet.

La contribution du budget de l’Union européenne sera décisive. Or, lors de la table ronde organisée hier par la Commission des affaires européennes de notre Assemblée, la représentante de la Commission européenne en France a confirmé que la participation de l’Union européenne au financement des travaux de réalisation de la partie transfrontalière pourra atteindre 40 % si certaines conditions sont satisfaites. Dès lors, sur les 8,5 milliards d’euros, valeur 2010, qui correspondent au coût estimatif de cette section, la France n’aurait à apporter « que » 2,2 milliards d’euros, valeur 2010, contribution qui sera échelonnée sur au moins dix ans.

Certaines inquiétudes légitimes seront progressivement apaisées ; elles touchent au calendrier d’ensemble et à la cohérence entre ses différentes phases, aux emprises nécessaires à la construction de la nouvelle ligne sur les terres agricoles – le travail est en cours – et au financement. D’autres incertitudes sont, à mon sens, déjà dissipées, qui avaient trait aux alternatives techniques possibles. Il faut le dire clairement : ce qui pouvait permettre de moderniser et de développer la ligne ferroviaire existante a déjà été fait. M. Hubert du Mesnil, président de Lyon Turin Ferroviaire et ancien président de Réseau ferré de France, l’a affirmé hier au cours de la table ronde : il n’existe pas d’alternative ferroviaire crédible au
Lyon-Turin. La ligne ferroviaire existante n’est pas saturée : au-delà de l’effet conjoncturel de la crise économique sur les trafics de fret, des facteurs structurels expliquent qu’elle ne soit pas attractive, donc pas compétitive.

C’est un bond capacitaire qu’il faut accomplir. C’est une véritable autoroute ferroviaire à grand gabarit et à haut débit qu’il s’agit de réaliser, au bénéfice de l’environnement dans les régions alpines franco-italiennes, de la sécurité des usagers des passages routiers alpins et du développement économique de toute l’Europe du Sud.

M. Jean-Yves Caullet. Je m’exprimerai au nom du groupe SRC. Madame la rapporteure, un petit calcul suffit à déduire des chiffres que vous nous avez fournis qu’un poids lourd passe la frontière toutes les 12 secondes ! On imagine les perturbations auxquelles on s’exposerait en tentant simplement d’aménager l’inaménageable : les travaux eux-mêmes, en désorganisant le peu de liaisons ferroviaires restantes, entraîneraient une véritable embolie.

Dans le temps long qui caractérise ce projet, nous abordons une étape importante, celle de l’accord entre deux États européens voisins qui font le pari de l’autoroute ferroviaire. Même si toutes les incertitudes ne sont pas dissipées, il nous appartient aujourd’hui de saluer la capacité de deux grands pays à s’accorder pour relier deux régions importantes du point de vue économique et leur donner ainsi un nouvel élan, sans pour autant faire fi des problèmes de nuisances et d’émissions de gaz à effet de serre. Ce qui montre que la croissance peut être favorable à l’environnement.

En émettant un avis favorable à l’adoption du projet, le groupe SRC espère contribuer à ce que les délais, même longs, soient tenus.

M. Martial Saddier. Les députés UMP, qui soutiennent le projet, émettront un avis favorable au texte qui nous est soumis.

Je rappellerai en leur nom que la construction européenne représente l’un des grands projets humains du siècle dernier et du siècle présent. Né des pires moments de notre histoire, il nous a apporté depuis près de 70 ans un bien inestimable : la paix. Or le projet européen s’est construit sur les échanges, de biens et de personnes. Il s’est fondé sur des politiques, dont la politique agricole commune, mais aussi la politique monétaire, qui nous permet aujourd’hui de traverser l’Europe en utilisant une seule et même monnaie. Il n’a pu se bâtir et ne pourra se développer sans infrastructures de transport compatibles entre elles, qu’elles soient destinées aux personnes ou aux biens.

La situation géographique de la France la place au cœur des grands projets d’infrastructures du siècle à venir – transport de biens, de personnes, d’énergie, et nouvelles technologies. Il est conforme à l’intérêt de l’Europe et au nôtre que nous nous investissions sans réserve dans ces projets qui peuvent contribuer à bâtir le fabuleux destin de la communauté de vie européenne. Tel est le sens de l’engagement de quatre Présidents de la République successifs et des différentes majorités au pouvoir, qui n’ont eu de cesse de défendre, depuis vingt ans, le projet dont nous discutons.

La pollution de l’air est l’une des principales causes de mortalité en Europe, sans parler du bruit – deux facteurs directement liés aux transports. En France, 36 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports. Et pourtant, 8 % seulement du fret est assuré par voie ferroviaire.

L’étude d’impact le rappelle : le massif alpin constitue un espace stratégique pour les déplacements des personnes et les flux de marchandises en Europe, mais demeure une zone fragile. Quatre axes supportent les trafics dans les Alpes franco-italiennes entre le lac Léman et la Méditerranée : le tunnel routier du Mont-Blanc – Mont-Blanc dont j’ai eu pendant dix ans l’honneur d’être le député ; je salue Mme la députée-maire de Chambéry –, l’autoroute côtière A8, qui traverse notamment l’agglomération niçoise – l’ensemble de l’arc alpin est touché –, la voie ferrée historique empruntant le tunnel du Fréjus, la ligne ferroviaire côtière. Je n’oublie pas nos amis des Vosges, d’Alsace et du Jura, eux aussi concernés par les problèmes de transport de marchandises.

Dans ces échanges, le mode routier est très prépondérant. Or la concentration des flux de poids lourds sur quelques axes entraîne des nuisances et fragilise dangereusement le système de transport. Permettez-moi d’évoquer ici solennellement la mémoire des 39 victimes de l’accident du tunnel du Mont-Blanc, qui a marqué notre pays et donné un nouvel élan à la sécurisation des tunnels. N’oublions pas non plus l’accident du tunnel routier du Fréjus, en 2005, ni l’énorme éboulement rocheux survenu en 2006 sur l’autoroute A8. Ils montrent qu’en l’absence d’une alternative ferroviaire performante et de capacité suffisante, seule une réduction des trafics à travers les passages alpins ou un fort détour des trajets permettraient au système de fonctionner, mais sans fournir une solution durable.

Je comprends et je respecte ceux qui ont des doutes, ceux qui s’inquiètent du financement. Oui, ce projet est coûteux ; mais ce coût doit être rapporté aux enjeux qui viennent d’être évoqués. Nous devons en faire un grand projet européen, et non simplement national, de transport des marchandises et des personnes. D’autres, avant nous, se sont interrogés au moment de créer de grands aéroports ou des lignes de TGV ; nous nous sommes posé les mêmes questions lorsque nous avons envisagé de lancer de grands projets d’infrastructures à très haut débit. À titre personnel, je pense – et je sais que ce sentiment est largement partagé sur tous les bancs de notre Assemblée – que ceux qui seront à notre place dans quarante, cinquante ou soixante ans nous remercieront d’avoir soutenu le Lyon-Turin.

M. Stéphane Demilly. L’accord signé le 30 janvier 2012 par les ministres Mariani et Ciaccia est le fruit d’une longue histoire qui s’enracine dans les années 1990 et qui a déjà donné lieu à deux accords internationaux, en 1996 et en 2001.

L’Italie et la France ont convenu en 2004 d’une clé de répartition du financement des travaux, dans un mémorandum entérinant le principe d’un financement à part égale de la liaison assurant le franchissement des Alpes. Puis la commission intergouvernementale a été chargée en 2007 de préparer un nouvel accord, objet du présent projet de loi, portant notamment sur le tracé définitif, la prise en charge financière, les principes de gouvernance de l’opération, les modalités de réalisation et la politique de report modal.

La création de cette nouvelle ligne ferroviaire était justifiée par plusieurs éléments : la concentration des flux de poids lourds sur trois axes seulement, la saturation de la voie ferrée sur la côte méditerranéenne, les caractéristiques très difficiles de la ligne historique de la Maurienne et l’insuffisance des liaisons ferroviaires entre les grandes agglomérations alpines du versant français. La ligne ferroviaire Lyon-Turin doit ainsi permettre de basculer de la route vers le fer le trafic de marchandises traversant les Alpes entre la France et l’Italie, d’améliorer les liaisons entre les grandes agglomérations alpines des deux pays, et de réduire le temps de trajet entre Paris et Milan à quatre heures, contre sept aujourd’hui.

Nos interrogations ne portent pas sur l’opportunité d’un projet soutenu par l’ensemble des majorités depuis plus de vingt ans, ni sur le contenu de cet accord qui ouvre la voie à la création du promoteur public chargé de la réalisation des travaux. En revanche, nous avons quelques inquiétudes quant au financement de ce projet colossal, dont nous souhaitons faire état dans le cadre d’un débat plus large sur la politique gouvernementale en matière de grandes infrastructures de transport. Pas une ligne de l’accord n’évoque le financement de cette réalisation pharaonique, alors que sa ratification engage la France dans un projet dont le coût global est évalué par la Cour des comptes à 26,1 milliards d’euros, contre 12 milliards à l’origine. Il est certes demandé à l’Union européenne de financer 40 % de la section internationale ; mais sur la section française, qui comprend le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, aucune contribution n’est prévue pour la partie nord de ce contournement.

S’agissant du financement européen, malgré la satisfaction affichée – aujourd’hui encore, lors des questions au Gouvernement – par le ministre des transports, l’on peut craindre qu’une telle mobilisation ne « vampirise » tous les crédits européens, dont certains auraient pu aller à des projets tout aussi structurants. Comment la prise en charge des 60 % restants
sera-t-elle précisément répartie ? Le Gouvernement renonce-t-il à recourir aux partenariats public-privé, comme il semble le faire pour le canal Seine-Nord Europe ? Comment la France pourra-t-elle financer une telle somme, compte tenu de l’état de ses finances publiques et de la faible marge de manœuvre budgétaire dont dispose l’AFITF ?

Du reste, le rapport de la commission Mobilité 21, mandatée par le Gouvernement pour préciser les grandes orientations de notre pays en matière d’infrastructures de transport, a conclu que, dans un contexte économique et budgétaire contraint, les investissements doivent aller en priorité à la modernisation et à la mise à niveau du réseau existant, plutôt qu’à des projets de développement dispendieux. Certes, le Lyon-Turin ne relevait pas de la compétence de la commission ; mais il est étonnant que le Gouvernement le soutienne alors qu’il va absorber une grande part des crédits dévolus aux projets d’infrastructures de transport et que la commission en a littéralement enterré d’autres, tout aussi essentiels et qui appelaient également des financements européens.

Enfin, l’actuelle ligne historique du Mont-Cenis, entre Lyon et Turin, est nettement sous-utilisée, avec moins de 4 millions de tonnes par an de marchandises, alors que, selon une étude commandée par l’Union européenne, le trafic de marchandises peut atteindre 17 à 19 millions de tonnes par an, soit 4 à 5 fois plus. La Cour des comptes a d’ailleurs récemment rappelé qu’il fallait utiliser au mieux le réseau existant.

Elle a également déploré l’insuffisance du ferroutage dans cette région, faute d’une politique volontariste. Le Gouvernement envisage-t-il de favoriser davantage cette technique pour désengorger les routes ?

Mme Laurence Abeille. Face à l’aberration d’un projet du xxie siècle conçu à l’aide des outils et des modèles du xixe, les députés écologistes s’opposent à la ratification du traité franco-italien sur le Lyon-Turin. Prévisions de trafic fantasques, rentabilité non démontrée de la future ligne, sources de financement hasardeuses pour un budget pharaonique, dans un contexte de disette budgétaire, incompatibilité avec les conclusions de la commission Mobilité 21, problèmes climatiques et de santé publique liés à l’émission de particules fines par le trafic routier, consommation d’espaces agricoles : la table ronde convoquée hier par Mme Danielle Auroi, présidente de la Commission des affaires européennes de notre Assemblée, a permis d’établir la longue liste des nombreuses contradictions inhérentes à un projet qui ne semble avoir d’autre raison d’être que de ne pas renier les engagements pris par la France il y a plus de vingt ans, sur des fondements tous remis en cause depuis !

Comme l’a rappelé hier mon collègue Paul Molac, nous disposons des moyens de moderniser la ligne existante pour passer très vite au fret ferroviaire. En effet, la ligne fait partie d’une infrastructure qui va d’Almería à la frontière ukrainienne, déjà harmonisée et fonctionnelle, et qui n’est aujourd’hui utilisée qu’à 17 % de sa capacité de 20 millions de tonnes. Notre collègue François-Michel Lambert a en outre demandé aux promoteurs du projet comment ils intégraient à leurs scénarios les solutions alternatives que sont la technologie R-shift-R, la motorisation répartie ou l’internet physique, qui se développent ailleurs dans le monde et permettraient de moderniser la ligne existante pour un coût inférieur aux 26 milliards d’euros annoncés.

Le représentant de la Cour des comptes à la table ronde, rappelant les principales conclusions du référé de la Cour en date du 12 août 2012, ne dit pas autre chose lorsqu’il souligne que les solutions techniques alternatives ont été écartées trop vite, que le pilotage du projet n’est pas assez lisible et que son plan de financement reste incomplet, alors que le coût total estimé ne fait que croître.

M. Noël Mamère, auteur le 23 septembre dernier, avec M. Paul Molac, Mme Michèle Bonneton et M. François-Michel Lambert, d’une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui par abstention auprès du procureur de la République de Chambéry, interpelle les autorités en leur rappelant que ceux qui ne font rien pour utiliser la ligne existante – sur laquelle pourraient circuler 800 000 à 1 million de camions transportant des marchandises – mettent en danger la vie des populations riveraines. En d’autres termes, l’on fait fi des coûts environnementaux et sanitaires de l’inaction et du privilège de la route.

Pour les écologistes, le message est clair : la priorité doit être donnée à la prospective et aux solutions techniques du xxie siècle, afin de moderniser et d’exploiter la ligne existante de manière à favoriser le fret ferroviaire, en utilisant les financements publics comme le préconise la commission Mobilité 21.

Nous émettrons donc un avis défavorable à ce projet de loi.

Mme Bernadette Laclais. Merci, madame la rapporteure, pour votre présentation enthousiasmante du projet.

Rappelons d’abord que le projet Lyon-Turin est destiné à capter la totalité des trafics entre le Léman et la Méditerranée, qui concernent aujourd’hui 2,7 millions de poids lourds, ce qui représente une économie potentielle de 2 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an sur la seule section Lyon-Turin. À titre de comparaison, il reste aujourd’hui sur les routes suisses 1,2 millions de poids lourds, un trafic que l’ouverture du tunnel du Gothard allégera bientôt encore davantage. Les Alpes françaises ne sont pas protégées, contrairement aux Alpes suisses et autrichiennes. Or nous devons cette protection aux générations futures.

Ensuite, comme l’a dit la rapporteure, il est illusoire de croire que l’on pourrait moderniser la ligne existante. Les lourds travaux – de l’ordre d’un milliard d’euros – réalisés sur la ligne historique entre Dijon et Modane ne l’ont pas rendue plus attractive ni plus compétitive, pour une raison très simple : à partir de Saint-Jean-de-Maurienne, les pentes sont excessives, elles mènent à un tunnel situé à 1300 mètres d’altitude, et, malgré le renfort de locomotives de traction, l’accès reste très difficile. Partout ailleurs, on creuse des tunnels de plaine. Tel est bien le sens du traité qui nous est soumis : la construction d’un tunnel de plaine, gage de haute capacité puisqu’il permettra d’atteindre l’objectif de 40 millions de tonnes de trafic sous les Alpes. Partout ailleurs, les lignes historiques qui peuvent être modernisées en vue du transport de marchandises se situent à 300 mètres d’altitude au maximum. Partout ailleurs, lorsqu’il existe des tunnels de crête, l’on fait le choix – coûteux, certes – de tunnels de base.

Rappelons qu’en amont de ce tunnel très difficile, on trouve sur la ligne historique, entre Culoz et Aix-les-Bains, deux voies, il est vrai, mais qui passent en surplomb du lac du Bourget – or qui prendra la responsabilité d’une pollution par un accident ou un déraillement sur ces lignes anciennes ? – et, sur l’autre accès, 43 kilomètres de voie unique entre
Saint-André-le-Gaz et Chambéry.

Enfin, je suis tout à fait d’accord avec M. Martial Saddier à propos de la dimension européenne et de l’enjeu économique du projet, auquel on ne saurait rester insensible : avec les tunnels suisses, les trafics s’opèrent aujourd’hui entre l’Italie et l’Allemagne plutôt qu’entre la France et l’Italie.

M. Yves Albarello. Même à propos d’un très beau projet d’aménagement du territoire, il est légitime que certains parlementaires se posent des questions et obtiennent des réponses, sans que cela préjuge de leur vote final.

Mon obsession reste l’étude d’impact financière. L’a-t-on actualisée depuis 2008 en fonction de l’évolution du projet, dont le coût est passé, ainsi que l’a rappelé M. Stéphane Demilly, de 12 à plus de 26 milliards d’euros ? Réseau ferré de France a évalué à un peu plus de 4 milliards le coût de la desserte de Chambéry alors que la ville est actuellement desservie en 2 heures 50. Enfin, a-t-on étudié les nouvelles potentialités de cette ligne en termes de trafic ?

Certains travaux ont déjà été engagés sur le petit tunnel, des deux côtés, français et italien. Quel est le montant des crédits investis et comment sont-ils répartis entre les deux versants ?

M. Bertrand Pancher. Je voterai contre ce projet, qui ne se fera jamais, ou pas avant des années. Alors que son coût est exorbitant, nous ne disposons d’aucune source de financement ou presque. Ne nous racontons pas d’histoires : l’Union européenne affecte certes des crédits, mais les financements européens sont à la baisse alors que le nombre de projets à soutenir reste élevé. La partie ferroviaire, qu’elle soit française ou italienne, est totalement exsangue. Quant au budget de l’AFITF, il subit une réduction importante car on ne lui affecte pas la totalité de la taxe poids lourds. La commission Mobilité 21 a d’ailleurs tout bonnement décidé de ne pas examiner ce projet, ayant pris conscience de son caractère disproportionné.

Ensuite, si vous avez aimé Notre-Dame-des-Landes, vous allez adorer le Lyon-Turin ! (Murmures sur certains bancs) Le projet suscite en effet une opposition extraordinaire, du côté français – toutes nos organisations environnementales le contestent – et surtout, de manière très intéressante, du côté italien. Voici par exemple un communiqué publié par un média italien il y a quelques jours : « Le gouvernement italien maintient la pression pour faire avancer le projet de LGV Lyon-Turin. Dans la vallée de Suse, là où doit être creusé le tunnel, l’armée se comporte en force d’occupation face à la résistance des habitants. » Une grande manifestation est d’ailleurs prévue à Rome le 16 novembre prochain.

Dès lors, un peu comme pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne,…

M. Arnaud Leroy. On s’égare !

M. Bertrand Pancher. …on retarde indéfiniment le projet en se disant qu’il ne se réalisera jamais ! Le bon sens voudrait que nous nous y opposions clairement – ce qui arrangerait bien l’Italie, laquelle n’a pas prévu le moindre financement destiné à ce chantier faramineux.

M. Jean-Pierre Vigier. Dans son rapport, publié le 27 juin dernier, la commission Mobilité 21 recommande de favoriser le fret ferroviaire mais d’éviter l’installation d’infrastructures onéreuses. Or le coût du chantier du Lyon-Turin sera élevé : on l’a dit, il est passé de 12 milliards d’euros, selon l’estimation réalisée en 2002, à 26,1 milliards fin 2012. Je ne remets toutefois pas en cause le projet, mais j’aimerais savoir comment il sera financé et, surtout, si les autres projets prioritaires ne seront pas lésés.

M. Arnaud Leroy. Je voterai avec joie en faveur de ce projet. Nous voulons tous sortir les camions de la route et nous faisons de la relance du fret ferroviaire une priorité nationale, sur tous les bancs de l’hémicycle. Pourtant, chaque projet d’envergure nous place face à une question de conscience, celle que nous pose le progrès. Or nous devons certes aux générations futures un environnement de qualité, mais aussi des infrastructures durables et utiles. Le choix que nous sommes appelés à faire est décisif pour le demi-siècle à venir. Je suis également sensible à l’aspect économique et financier, mais nous devons lutter au niveau européen pour obtenir de grandes infrastructures, une politique de grands travaux qui donne enfin un sens à la construction européenne d’après l’euro et justifie auprès des citoyens européens la délégation d’une partie de notre souveraineté.

Mes chers collègues de l’UDI, interrogez-vous sur votre propre cohérence. Nous réfléchissons à de nouveaux modes de transport des marchandises ; nous avons un choix à faire ; je comprends certaines interrogations ou réticences, mais je ne crois pas qu’il faille céder à la pression de la rue, et je suis surpris d’entendre l’UDI utiliser cet argument. Organisons le débat public, sachons écouter ce qu’il en ressort, efforçons-nous de réduire au maximum les effets du projet sur les populations et l’environnement, mais dotons notre pays d’infrastructures qui nous survivront !

M. Yannick Favennec. Élu de l’Ouest, j’aimerais y voir un peu plus clair dans cet important projet d’aménagement du territoire. Nous allons devoir statuer dans l’urgence sur la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne dont le coût est évalué à 26 milliards d’euros par la Cour des comptes, dans un contexte de contrainte budgétaire et de très forte pression fiscale. En outre, la France engage plus de fonds que l’Italie puisque le prolongement de 33 kilomètres de la section commune internationale est à sa seule charge. Comment financer un tel investissement ? Un partenariat public-privé est-il envisageable ? Existe-t-il des alternatives au percement d’un nouveau tunnel ? Que deviendront les accès ferroviaires existants ? Enfin, quels sont les projets structurants qui risquent d’être sacrifiés à celui-ci ?

M. Guillaume Chevrollier. Notre Constitution nous autorise à émettre un avis sur ce projet de loi de ratification d’un accord international, mais non à l’amender. Le projet est intéressant : il s’agit de construire des infrastructures de transport du xxie siècle pour le fret et les voyageurs. Il comporte des avantages économiques puisqu’il favorisera les échanges européens, et environnementaux puisqu’il contribuera à réduire les nuisances dans les vallées alpines. Il engage enfin la politique de l’Union européenne en matière de transports. Il a été mûrement réfléchi.

Il est de notre devoir de parlementaires d’en étudier le plan de financement avant de nous prononcer. Or, au vu de l’état des finances publiques de la France comme de l’Italie – dont on aimerait que soient clarifiées les contributions respectives – et des budgets annoncés, plus nous attendrons, plus le coût sera élevé. Il serait dommage que ce projet rejoigne la liste de ceux qui, à l’instar de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou du canal Seine-Nord Europe, ne voient pas le jour alors que nous avons besoin de développer nos infrastructures par des plans de relance.

Mme Michèle Bonneton. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission.

Loin d’augmenter, le trafic de marchandises diminue depuis dix ans, soit bien avant la crise, et l’on ne voit pas comment il pourrait s’accroître. Le trafic d’ouest en est que l’on évoque parfois, de l’Espagne aux Balkans, à l’Ukraine et à la Russie, n’existe quasiment pas aujourd’hui ; il est peu probable qu’il se développe beaucoup d’ici une dizaine d’années. Quant au gain de temps, qui n’est pas clairement évalué, il n’introduira pas une véritable concurrence avec l’avion, surtout compte tenu de l’attractivité du low cost.

Une ligne rénovée existe, qui n’est exploitée qu’au cinquième de sa capacité. Les wagons automoteurs, désormais parfaitement au point et utilisés en Allemagne et dans les nouveaux TGV français, permettraient de franchir les pentes de la ligne existante. Dans son référé du 12 août 2012, la Cour des comptes a pointé le manque crucial d’études alternatives. Où en est-on donc en la matière ?

Qu’en est-il par ailleurs du plan de financement, sur lequel la Cour a également appelé l’attention ?

Enfin, nous devons tenir le plus grand compte de l’avis de la commission Mobilité 21.

M. Jean-Marie Sermier. Je suis assez effaré de ce que j’entends. On nous demande de valider un accord entre la République italienne et la République française sur la réalisation d’une ligne Lyon-Turin – en d’autres termes, d’autoriser la poursuite d’un projet, et non le premier coup de pelle. Il est assez malvenu d’arguer du risque de concurrence entre ce projet et d’autres qui concernent nos régions : nous sommes députés de la Nation ! Nous parlons d’une infrastructure déterminante pour deux pays, et on répond : « Mon TGV à moi ! ». Ce n’est pas digne de ce débat.

Face à quelques manifestants et pour ménager les sensibilités, l’on suspendrait ce projet ? Mais la démocratie doit s’exprimer. Dieu sait que notre commission est attachée au respect des règles, au point que l’on nous met parfois en garde contre le risque de renoncer, pour sauver tel ou tel batracien, à un projet essentiel à l’intérêt général et à l’environnement.

Mes chers collègues écologistes, vous n’êtes favorables ni à l’autoroute – on le sait –, ni à l’aéroport – vous l’avez démontré –, ni au canal – ce qui, dans ma région, a fait tomber à l’eau, si j’ose dire, le projet de grand canal. Voilà que vous n’êtes plus favorable non plus au TGV et à ses infrastructures. Mais comment allons-nous donc transporter l’ensemble des biens ? De grâce, faisons preuve d’un tant soit peu de responsabilité et permettons à ce projet de suivre son cours.

Mme Catherine Beaubatie. Je suis plutôt d’accord. Il s’agit d’autoriser la ratification d’un accord entre deux Républiques ; des élus de nos territoires, qui sont aussi des élus de la Nation, nous ont assuré que cette décision était consensuelle. Pour ma part, je crois à la démocratie élective et non aux seules vertus de la démocratie participative. Là où je vis, de grands projets, notamment éoliens, ont été entravés pour de mauvaises raisons par quelques associations comptant des environnementalistes. Heureusement, nous n’en sommes pas là. Nous ne pouvons pas aller contre le progrès. Il est absurde de s’opposer au ferroutage lorsque l’on fait partie de la Commission du développement durable. Comme députée socialiste, je ne m’en inquiète pas moins du financement du projet à long terme. Mais n’opposons pas les projets ferroviaires, routiers et aéroportuaires : nous ferions un mauvais choix politique pour l’ensemble de notre territoire.

M. Jean-Luc Moudenc. Je ne suis pas de la région concernée, mais il me paraît parfaitement légitime que des élus d’un territoire, qui se battent pour son développement et pour son avenir, soient très mobilisés lorsque des projets structurants sont en jeu.

Comme élu de la nation, j’aimerais savoir dans quelle mesure le présent projet préserve sa crédibilité en tirant les leçons des observations de la Cour des comptes, qui, en présentant le référé déjà cité, signalait en novembre 2012 « des coûts qui augmentent, des estimations de trafic excessivement optimistes et des financements incertains ».

M. François-Michel Lambert. Nous, écologistes, ne sommes pas favorables aux grands projets lorsqu’ils sont inutiles. Parmi eux, Notre-Dame-des-Landes et le canal Seine-Nord Europe, déjà cités, et maintenant le tunnel Lyon-Turin. Pour résoudre le problème du transport de marchandises du Jura à la Méditerranée, pour aller de la péninsule ibérique aux pays de l’Est, on opte pour une infrastructure au niveau du tunnel du Mont-Blanc sans tenir compte des nombreux projets alternatifs, ni adapter les flux prévisionnels de marchandises à l’évolution de nos modèles de production et de consommation, qui ont bien changé depuis une trentaine d’années. Le Predit – programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres –, financé par l’État et sollicitant des experts français et internationaux, contient pourtant de nombreuses propositions technologiques ou d’organisation et des éléments de prospective sur les flux. Ont-ils été pris en considération ?

Mme la rapporteure pour avis. Je vais m’efforcer de vous répondre de la manière la plus complète possible en défendant à nouveau ce projet enthousiasmant, dont j’ai déjà longuement parlé avec M. François-Michel Lambert.

Le calcul de M. Jean-Yves Caullet est éloquent. Un camion toutes les 12 secondes : on imagine les conséquences sur les habitants de la vallée en termes de pollution sonore, de pollution de l’air et de risques d’accidents.

M. Martial Saddier a rappelé à juste titre que le Lyon-Turin est un projet européen. C’est en effet l’un des principaux projets d’infrastructure de l’Union européenne. Il doit apporter une véritable valeur ajoutée à l’Europe, car il correspond à un axe important parmi les « corridors européens » : le corridor méditerranéen, qui relie l’Espagne à l’Ukraine. Voilà pourquoi l’Union y est si favorable.

Messieurs Stéphane Demilly et Yves Albarello, si l’Union européenne finance la partie transfrontalière, elle devrait apporter – sa représentante semblait hier très sûre d’elle sur ce point – 3,4 milliards d’euros, dont la France aurait bien tort de se priver, d’autant qu’ils ne pourront être utilisés à une autre fin. L’Europe a déjà beaucoup investi dans le projet en finançant la moitié des 850 millions d’euros nécessaire à la conduite des études, qui ont nécessité le recours à ce que l’on appelle des descenderies. En droit international, chacun finance en principe ce qui est fait sur son territoire ; toutefois, la dépense étant beaucoup plus élevée pour la France que pour l’Italie, une nouvelle clé de répartition nettement plus équitable a été arrêtée : en ce qui concerne le tunnel, pourtant bien plus long sur le territoire français, l’Italie financera 60 % des dépenses et la France 40 %. Voilà qui répond également à M. Chevrollier. Tel est l’objet de l’accord dont il nous est proposé d’autoriser la ratification.

Il n’est pas tout à fait juste de parler de 26 milliards d’euros : ce chiffre fait pour effrayer entretient une certaine confusion, car il englobe le coût pour la France et pour l’Italie. En réalité, la France aurait environ 10 milliards à financer, dont 400 millions pour le contournement ferroviaire de Lyon, qui sera réalisé de toute façon, et 7,5 milliards pour les accès, qui devront eux aussi être aménagés, avec ou sans tunnel.

M. Arnaud Leroy en a appelé à la confiance et à l’audace. Oui, ayons la même audace que les Français qui ont percé en 1871 le tunnel Mont-Cenis-Fréjus !

Madame Abeille, je suis très surprise de la position des Verts. Les Verts de Savoie et de toute la région concernée sont favorables au projet.

Mme Michèle Bonneton. C’est un scoop !

Mme la rapporteure pour avis. C’est ce que l’on m’a dit ce matin.

M. François-Michel Lambert. Vous écoutez trop ce que disent les medias !

Mme la rapporteure pour avis. Pourquoi n’acceptez-vous pas que l’on favorise le ferroutage ? La ligne existante ne pourra jamais le supporter pour des raisons techniques, même si l’on réalise des travaux.

J’ai vu M. Philippe Duron ce matin ; il était très surpris que M. François-Michel Lambert ait dit de lui qu’il était opposé au projet.

M. François-Michel Lambert. Je l’ai dit de M. Yves Crozet, qui fait également partie de la commission Mobilité 21.

Mme la rapporteure pour avis. Soit, mais le Lyon-Turin ne relève pas du domaine de compétence de Mobilité 21, car il s’agit d’un projet européen.

Monsieur Yannick Favennec, d’après ce que l’on nous a dit hier, la Banque européenne d’investissement participera au financement dans la mesure où des partenaires privés le feront également. Ce sera certainement le cas selon M. François Lépine, qui représentait les industriels et les élus locaux de la région et a insisté sur l’intérêt économique du projet, qui va faire travailler 6 000 à 10 000 personnes.

Madame Michèle Bonneton, le transport de marchandises diminue en France, mais non en Suisse, ni en Autriche.

Mme Michèle Bonneton. J’ai dit qu’il diminuait sur cette ligne.

Mme la rapporteure pour avis. Il serait dommage de le laisser à ces deux pays et de nous priver de l’intérêt économique qu’il représente pour nous.

Toujours selon les explications qui nous ont été fournies hier, il est très difficile aux wagons automoteurs d’emprunter des tunnels comportant des pentes marquées. Il faudrait une, deux ou trois locomotives pour tirer les trains de fret ou de ferroutage, ce qui coûterait très cher.

Le gain de temps est important : Lyon et Turin seront reliés en deux heures, Paris sera à 2 heures 25 de Chambéry et à 4 heures de Milan ; on pourra aller de Barcelone à Milan en 6 heures et demie, au lieu de 12 aujourd’hui. Toutefois, l’essentiel n’est pas là, mais dans l’avantage écologique manifeste du train sur l’avion et la route. Voilà pourquoi, si je comprends les réserves relatives au financement, j’ai plus de mal à saisir la position des écologistes.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Jean-Marie Sermier et Mme Catherine Beaubatie. Celle-ci n’a d’ailleurs pas fait fi des inquiétudes légitimes que suscite le projet. Simplement, il ne s’agit en effet que d’une nouvelle étape et non du premier coup de pelle.

Enfin, M. François-Michel Lambert a invoqué la diminution des échanges, conséquence des nouveaux modes de vie, mais que deviendrait l’économie sans échanges ? Vous citez le Predit comme une bible, mon cher collègue, mais méfions-nous des bibles !

——fpfp——

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La discussion générale est close. Venons-en au vote.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de ratification, les groupes UDI et Écologiste votant contre.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 23 octobre 2013 à 16 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, Mme Catherine Beaubatie, M. Florent Boudié, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Yannick Favennec, M. Michel Heinrich, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Jacques Cottel, M. Philippe Duron, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Michèle Bonneton, Mme Bernadette Laclais, Mme Béatrice Santais