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Mardi 3 décembre 2013

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Présentation, ouverte à la presse, de la troisième étude sur la législation sur le climat réalisée par le Forum parlementaire Globe International par Lord Jay of Ewelme, membre de Globe Grande Bretagne, et M. Adam Matthews, secrétaire général de Globe International

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la version française de l’étude sur la législation sur le climat réalisée par le Forum parlementaire Globe International par Lord Jay of Ewelme, membre de Globe Grande Bretagne, et M. Adam Matthews, secrétaire général de Globe International.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je voudrais tout d’abord vous demander d’excuser l’absence de ceux de nos collègues qui se trouvent retenus dans l’hémicycle par les trois votes solennels prévus cet après-midi.

Je suis heureux de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à Lord Jay of Ewelme, membre de Globe Royaume-Uni, ainsi qu’à M. Adam Matthews, secrétaire général de Globe International, forum interparlementaire créé en 1989 et basé à Londres. Lord Prescott, vice-président de Globe Royaume-Uni, devait également assister à notre réunion mais il a dû annuler son déplacement.

Je rappelle que, durant la précédente législature, plusieurs de nos collègues avaient participé aux réunions organisées par Globe International, notamment à Nagoya, en octobre 2010, sur la biodiversité ; à Tianjin, en novembre 2010, sur le changement climatique ; à Mexico, en décembre 2010, et au Cap, en décembre 2011 en préparation des conférences des Nations Unies sur le changement climatique.

Le groupe Globe France a été créé le 28 novembre 2012 avec l’accord du Bureau de notre Assemblée et a organisé une première réunion de Globe Europe, au Palais Bourbon, les 1er et 2 février dernier. Trois de nos membres ont participé au second forum des législateurs à Londres les 14 et 15 janvier. M. Arnaud Leroy a accompagné une délégation de Globe pour discuter avec les autorités chinoises et Mme Sophie Errante a assisté, il y a quelques jours, à des réunions Globe au cours de la Conférence sur le climat à Varsovie (COP 19).

Lord Jay of Ewelme est venu nous présenter la version française de l’étude 2012 menée par Globe International sur la législation relative au changement climatique dans 33 pays.

Lord Jay of Ewelme, membre de Globe Royaume-Uni. Je vous remercie pour votre accueil. Je crois en effet important de renforcer les liens entre Globe et le Parlement français dans la perspective du Sommet de Paris sur le climat qui aura lieu fin 2015. Je vous présente les regrets de Lord Prescott, qui a été contraint d’annuler sa venue pour des raisons familiales. Je suis pour ma part membre indépendant de la Chambre des Lords, et vice-président de Globe Royaume-Uni.

L’étude qu’Adam Matthews vous présentera en détail dans un instant en est à sa troisième édition. Rendue publique en janvier dernier à Londres, elle couvre 33 pays. La 4édition, attendue pour la réunion qui se tiendra au Congrès américain en février prochain, en couvrira le double.

Il est à cet égard intéressant de noter que 66 pays aujourd’hui se sont dotés d’une législation sur le changement climatique. En effet, l’étude démontre que l’adoption de législations nationales est un facteur facilitateur en amont des négociations internationales. C’est donc un point positif important dans la perspective de la COP 21 en 2015, qui est la date butoir pour la fin des négociations si nous voulons un texte international pour l’après 2020. L’implication des Parlements nationaux et l’adoption de législations nationales devraient donc être intégrées dans la stratégie française pour aboutir, au Sommet de Paris, à un résultat positif. Renforcer les liens entre parlementaires est, à cet égard, essentiel pour permettre d’arriver à un accord fin 2015, et le réseau Globe, qui a des membres dans 70 pays et des groupes constitués dans 40 pays dont la France, est à même d’y contribuer de façon importante, car c’est le seul réseau engagé dans ce champ.

M. Adam Matthews, secrétaire général de Globe International. Je vous remercie pour votre accueil. Mon niveau de français ne me permettra malheureusement pas de faire autre chose que l’introduction de mon propos dans cette langue. Ma mère aurait dit que mon niveau d’anglais ne me permettait pas de le faire en anglais non plus. (Sourires)

La version française de notre étude devrait être disponible d’ici une quinzaine de jours. Nous la tiendrons à votre disposition, tant en version papier qu’en version électronique, sur notre site Internet. Le document qui vous a été remis vous en présente un court résumé. Le propos de Mme Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) résume parfaitement le lien nécessaire entre l’action au niveau national et les accords internationaux, et l’articulation qui permettrait d’aboutir à un accord en 2015 : « …la législation nationale sur le changement climatique est la charnière absolument essentielle, indispensable, entre l’action au niveau national et les accords internationaux… Rien ne sera convenu au niveau international tant qu’assez n’aura pas été réglementé au niveau national… ».

Cette 3e étude couvre 33 pays très différents, développés, émergents ou en voie de développement. Elle implique une relative flexibilité dans la notion de législation, compte tenu de la diversité des systèmes politiques si différents : il s’agit ici des lois, des règlements, ou des politiques ayant un statut comparable, mais toujours et exclusivement au niveau national.

Vingt-huit des trente-trois pays étudiés ont vu une évolution positive de leur législation en 2012, particulièrement dans des pays hors Annexe 1 de la CCNUCC. Même si les chiffres, pris isolément, ne sont pas forcément un bon indicateur, 285 lois existent au niveau national, et 31 des 33 pays de l’étude ont adopté une loi-cadre pour guider leur action dans l’adaptation au changement climatique.

Je veux souligner les développements très positifs qu’ont connus des pays hors Annexe 1, comme la Corée du Sud, qui a conduit une réflexion globale sur son modèle économique, le Mexique, premier pays émergent à s’être doté d’une loi générale sur le changement climatique, ou bien encore la Chine, avec des changements législatifs d’importance attendus dans les douze prochains mois, qui auront sans doute une répercussion pour 2015.

Il convient malheureusement de noter aussi des évolutions négatives, comme au Canada, qui a abrogé la loi de mise en œuvre du protocole de Kyoto, ou bien au Japon et en Australie (ces changements ne seront toutefois pris en compte que dans la prochaine édition de notre rapport).

Les trois « déclencheurs » de l’adoption d’une législation nationale sont le processus onusien (beaucoup de pays ont donné une base législative à leurs engagements pris à Copenhague en 2009), le principe du « leadership » – de nombreuses lois cadres ont suivi l’accueil sur le territoire de grandes manifestations internationales, comme au Mexique en 2012 soit après la COP de Cancun en 2010 ; en Indonésie en 2008, soit après la COP de Bali en 2007, au Royaume-Uni en 2005, après le sommet du G8 de Gleneagles –, enfin la prise de conscience des bénéfices domestiques : plus grande sécurité énergétique et meilleure efficacité des ressources ; avantage compétitif et vulnérabilité aux impacts du changement climatique.

L’acception de « législation nationale sur le changement climatique » est très large puisque cela recouvre l’efficacité énergétique (dans 31 pays), l’approvisionnement énergétique (dans 32 pays) incluant la promotion des énergies renouvelables, les réseaux intelligents et parfois l’énergie nucléaire, l’adaptation (dans 28 pays, en particulier dans les pays en voie de développement), ainsi que la croissance verte, explicitement promue en Éthiopie et en Corée du Sud.

Le constat peut ainsi être fait que pratiquement tous les pays ont entrepris des actions en matière de changement climatique, à rebours du sentiment parfois exprimé d’être « le seul à faire des efforts », mais si mesures nationales et engagements internationaux se complètent mutuellement, cet effort partagé est encore insuffisant pour atteindre l’objectif fixé.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’intéresse de manière très forte à la préparation du Sommet sur le Climat de 2015. Elle vient ainsi de mettre en place une mission d’information sur l’évaluation de l’impact du réchauffement climatique sur le territoire français, qui s’intéressera aussi à la préparation du sommet de 2015. J’ai d’ailleurs adressé un courrier au Président de l’Assemblée nationale pour lui demander d’accepter l’organisation d’une rencontre parlementaire en novembre ou décembre 2015 à l’occasion du Sommet du Bourget. Je souhaite donc vous interroger sur l’idée que vous vous faites du rôle que nous pourrions jouer et sur la façon dont Globe peut nous aider à préparer ce sommet qui est une étape capitale si nous voulons qu’en 2020 un nouveau traité international puisse être mis en œuvre.

Je vais maintenant donner successivement la parole à chaque orateur désigné par son groupe.

Mme Sophie Errante. Je vous remercie pour votre étude, et je salue votre action. J’ai participé à une des journées organisées à Varsovie par votre réseau ; c’est un lieu unique d’échanges pour faire apparaître les points d’accord mais aussi ceux de divergence, et essayer de trouver le moyen de les surmonter. Globe est ainsi un instrument essentiel pour passer des paroles aux actes. J’ai ainsi pu échanger avec des parlementaires de la République démocratique du Congo (RDC), du Pérou, du Mexique, notamment à propos du mécanisme REDD+ pour la gestion des forêts tropicales. Ce réseau est précieux et il est important que les parlementaires se mobilisent pour le faire perdurer.

Je souhaiterais vous entendre sur la position exprimée par le Gouvernement français sur la transition énergétique, ainsi que sur les enjeux mondiaux alors que Jayanthi Natarajan, la ministre indienne de l'environnement, a appelé les pays développés à faire davantage afin de ne pas transférer le fardeau sur les pays émergents.

Je souhaiterais également connaître votre position sur les enjeux sanitaires et économiques alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis en évidence en mars dernier l’impact de pollution de l’air en Europe sur la durée de vie et que le commissariat général au développement durable en France a estimé le coût annuel de la pollution atmosphérique à 1,7 milliard d’euros au système de santé. De plus, en parallèle à la COP 19, se déroulait un Sommet international sur le charbon, à l’origine de 44 % des émissions de gaz carbonique émis sur la planète. L’industrie du charbon doit changer : comment Globe pourrait-il agir en ce sens ?

Enfin, l’affichage environnemental est un moyen d’inciter les consommateurs à intégrer l’aspect environnemental dans leurs stratégies d’achat, et les entreprises à modifier leurs processus de fabrication, avez-vous pu étudier cet aspect dans votre étude ?

M. Bertrand Pancher. Je vous remercie pour votre travail. Les parlementaires spécialisés que nous sommes ont besoin de pouvoir comparer les modèles et donc de disposer de comparaisons internationales, par exemple sur les modèles énergétiques.

Vous indiquez que beaucoup de pays ont donné une base législative à leurs engagements pris à Copenhague en 2009. Pourriez-vous nous donner des exemples hors Europe de ces pays vertueux ? Ces engagements leur permettent-il d’être sur la bonne trajectoire pour ne pas dépasser 2 ° d’augmentation des températures à l’horizon 2100 ?

Nous constatons, en raison de la grave crise économique en cours, une tendance à l’essoufflement des politiques vertueuses en matière d’énergie, je pense ici au Canada, à l’Australie ou au Japon. Est-ce à votre sens un phénomène en voie de généralisation sur le plan international ou bien des exceptions pouvant être corrigées ces prochaines années ?

Enfin, quelle est votre perception de la COP 19 à Varsovie. En France, elle est négative, mais elle l’était aussi après Copenhague en 2009, mais cette perception était erronée : à l’encontre de l’analyse des médias et de certaines ONG, le sommet de Copenhague a en fait constitué une véritable avancée. Les engagements des principaux pays ne seront pas effectifs au début de 2014 et ne permettent pas d’être optimistes pour le sommet de 2015.

M. Patrice Carvalho. Le changement climatique est aujourd’hui un fait établi, imputable en grande partie à l’activité humaine, ainsi qu’une grande menace, et la communauté internationale, avec la Convention Cadre puis le Protocole de Kyoto, a reconnu l’ampleur du problème. Or il faut aussi faire le constat que la plupart des grandes économies n’ont pris aucun engagement formel ou spécifique d’ici à 2020, les États-Unis ne sont pas signataires, les pays émergents recourent au charbon pour leur énergie, etc. Durban en 2011 a marqué une avancée avec l’accord sur des négociations pour atteindre un engagement international.

J’ai assisté à la COP de Varsovie, il en ressort assez peu d’engagements concrets, chacun campe sur ses positions avec pour toile de fond ses intérêts industriels et financiers. Pourtant le temps presse, comme vient encore de nous le montrer, de façon dramatique, le typhon qui a durement frappé les Philippines. Comment avancer ? Votre étude est intéressante, mixant approche ascendante et descendante, dans un contexte où l’accord international seul reste inopérant, puisqu’aucun leader n’accepte de sacrifier son intérêt national. Les pays émergents utilisent un mode de développement dont nous avons nous-même fait usage ; mais, aujourd’hui, nous en connaissons les dangers.

Lord Jay of Ewelme. Je vous remercie pour vos nombreuses questions, je vais m’efforcer de répondre à quelques-unes d’entre elles, et M. Adam Matthews prendra ensuite le relais, pour les plus difficiles. (Sourires)

L’action de Globe vise avant tout les parlementaires, pour sensibiliser à la problématique ceux qui ne le seraient pas encore, mais les réunions dans les enceintes parlementaires – nous en avons déjà organisé une douzaine – permettent également d’associer les membres des exécutifs, comme par exemple au Brésil, en Chine, en Allemagne ou bien encore aux États-Unis.

La question du charbon est cruciale. On ne peut pas poursuivre dans cette voie si l’on veut atteindre l’objectif de limiter la hausse des températures à 2 degrés. La stratégie de capture et de stockage de carbone est souvent évoquée, mais je m’interroge sur la faisabilité de cette technologie.

S’agissant de l’Australie, du Canada ou du Japon, je ne peux pas dire s’il s’agit ou non d’une tendance générale ; je souhaite bien évidemment que cela ne soit pas le cas, sinon ce serait une vraie difficulté. Mais Globe facilite l’échange des points de vue et permet ainsi à des pays comme le Bengladesh ou les Maldives, qui sont en première ligne, de porter aussi leurs demandes.

M. Adam Matthews. Des conférences thématiques comme celle de Varsovie sur le charbon, à l’initiative du gouvernement polonais, ont leur pertinence ; en parallèle à la réunion de Globe en février prochain au Sénat des États-Unis sera aussi organisée une conférence sur les « coûts échoués » (« stranded assets »). Globe estime que ce concept est très important notamment pour l’évaluation par le marché à leur juste valeur des actifs ; cette question est aussi importante pour les régulateurs du marché.

S’agissant des pays vertueux non européens, je peux mentionner le Mexique, qui dispose de la législation la plus complète en la matière, adoptée de façon très large par le précédent Parlement. Les élections ont conduit à un changement de majorité au Congrès, mais Globe est optimiste quant au maintien d’une orientation similaire lors de la prochaine discussion de la loi sur l’énergie.

J’ai déjà parlé de la Corée du Sud qui a adopté la législation la plus complète en faveur de l’économie « verte » ; le Costa Rica mérite également d’être évoqué – qui a une législation comparable à celle du Mexique –, ou bien encore les Philippines, même si l’on constate dans ce pays un problème de mise en œuvre de la réglementation. J’évoquerai également la Chine, où les discussions à venir dans les douze prochains mois auront un impact sur le positionnement de ce pays dans la négociation internationale.

La Conférence de Varsovie a débouché sur un accord important, étape pour celle de Paris, puisqu’une question a été résolue – celle des forêts –, mais elle a aussi révélé la profondeur des désaccords et des divisions : il est clair que la question des financements devra être réglée avant le Sommet de Paris si nous voulons que ce dernier soit un succès. Elle a aussi mis en évidence le gain de crédibilité que procure à un pays l’adoption d’une législation nationale en faveur du changement climatique. Le ministre mexicain a parlé d’une clé importante pour ouvrir la porte des possibles devant le chemin qui mène à une issue positive au Sommet de Paris. Globe croit fortement en ce lien entre situation nationale et ambition internationale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie en notre nom à tous Lord Jay et Adam Matthews, ainsi que notre traducteur ce jour, Declan McCavana.

Je forme le vœu que 2015 soit un succès : nous nous battrons tous pour cela. La responsabilité collective est immense, c’est la nôtre, celle de nos partenaires, de leurs dirigeants, qui seront, je n’en doute pas un instant, pleinement conscients des enjeux. Votre présence ici est un signe positif, et la préparation de ce Sommet de Paris en 2015 nous permettra de poursuivre cette fructueuse collaboration.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 3 décembre 2013 à 16 heures

Présents. - M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Sophie Errante, M. Alain Gest, M. François-Michel Lambert, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Jean-Pierre Vigier

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri