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Mercredi 18 décembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Rémi Pauvros sur le Canal Seine-Nord Europe

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Rémi Pauvros sur le Canal Seine-Nord Europe.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission auditionne aujourd'hui M. Rémi Pauvros, qui a été chargé par le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, d’une mission de reconfiguration du projet de canal Seine-Nord Europe. Il s’agit d’un projet ancien, qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, et d’évaluations des coûts fortement divergentes. Notre collègue avance sept propositions pour faire aboutir ce projet majeur tant pour le report modal que pour l’aménagement du territoire.

M. Rémi Pauvros. J’ai abordé cette mission, mes chers collègues, avec le souci de ne pas reprendre les polémiques qui ont suivi l’état des lieux dressé l’année dernière par l’Inspection générale des finances (IGF). J’ai pris le dossier tel qu’il était en avril 2013, pour le rendre le plus faisable et le plus acceptable possible. La remise en cause de la déclaration d’utilité publique (DUP) qu’avait obtenue l’équipe de Voies Navigables de France (VNF) aurait risqué de repousser encore le projet de dix ou vingt ans. Je propose néanmoins plusieurs aménagements de la DUP, qui ne demandent que des consultations rapides, sans revenir sur le tracé.

Il m’a paru aussi évident qu’il fallait assurer une cohésion entre les acteurs, afin que le projet soit porté. Pour ce faire, il était nécessaire de prendre en considération l’ensemble du réseau et l’impact économique global de l’infrastructure. Les deux ports du Havre et de Rouen étaient très inquiets de la concurrence directe d’Anvers et de Rotterdam, de même que Dunkerque. Je leur ai donc consacré les premières réunions de travail et, sur ce point, les positions d’HAROPA, structure qui réunit les ports du Havre, de Rouen et de Paris, ont évolué et incitent à un optimisme raisonnable.

De même, la prise en compte de l’ensemble du réseau a modifié l’approche de l’Union européenne. Dans le cadre du plan de relance négocié par le Président de la République, a été décidée une intervention majeure du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE) à hauteur de 40 %, qui s’est traduite par un engagement pris en octobre au conseil des ministres des transports à Tallinn. Ce pourcentage vaut non seulement pour le canal mais aussi, et cela a contribué à faire bouger les lignes, pour les infrastructures complémentaires. Ainsi, les équipements assurant la connexion du maritime et du fluvial au Havre pourront bénéficier d’un financement de l’ordre de 30 à 40 % pour les investissements, et de 50 % pour les études. Sous cet angle, le projet se présente de façon complètement différente.

Quant aux autres éléments constitutifs du projet que sont les plateformes, et qui ont nourri d’innombrables débats, j’ai considéré qu’elles relevaient de la compétence des régions, au titre de leur responsabilité en matière de développement économique, d’une part, et qu’elles devaient s’adapter à l’évolution des marchés, d’autre part. L’idée d’une progressivité de l’utilisation du canal sous-tend tout le rapport. Le canal Albert, qui relie Liège, sur la Meuse, à l’estuaire de l’Escaut, a été inauguré en 1939, et il n’a cessé d’évoluer depuis – les ponts ont changé, certains ont été relevés – pour améliorer l’accessibilité du port d’Anvers. Le canal Seine-Nord Europe n’est pas un produit fini, il se transformera au gré de la demande.

Laisser l’initiative aux conseils régionaux ne veut pas dire que l’État se désintéressera du projet – il est, avec VNF, propriétaire d’une grande partie du foncier nécessaire aux plateformes – mais, en matière d’aménagement, la région aura la main, notamment pour nouer des partenariats avec le privé, comme cela s’est pour Delta 3 à Dourges, et qui donne de très bons résultats. Les plateformes se feront en fonction des préoccupations des secteurs économiques. Deux d’entre elles s’imposent : dans le Nord à Marquion où s’effectue l’interconnexion du canal de Dunkerque, de l’Escaut et du canal à grand gabarit, à proximité de la base aérienne désaffectée de Cambrai qui permet la massification des flux ; en Picardie, mais ce sera aux Picards de décider où. Le travail est bien engagé, notamment avec les céréaliers.

Ces jalons posés, et acceptés par les trois présidents de conseils régionaux concernés, les collectivités pouvaient être sollicitées pour financer la structure, ce qui n’était pas le cas avant, si bien que nous pouvons compter sur un engagement de 1 milliard d’euros, pour moitié des conseils régionaux et pour moitié des conseils généraux. Au total, avec 40 % de financements de l’Union européenne et 1 milliard des collectivités locales, la facture de l’État baisse. Pour qu’il soit compétitif, il faudrait que le canal reste au gabarit Vb, c'est-à-dire qu’il puisse accueillir des péniches de 185 mètres de long et de 4 400 tonnes. C’est un minimum.

Pour réduire encore le coût de revient, nous faisons des propositions techniques : la suppression d’une écluse et d’autres ouvrages d’art ; la réutilisation du canal du Nord sur une dizaine de kilomètres – c’est sur ce point qu’il faudra modifier la DUP – ; et l’étanchéité qui avait été conçue pour être la meilleure possible et dont le prix de revient peut être abaissé. Faute de crédits, nous n’avons pas mené les études et fait les sondages nécessaires, si bien que l’économie possible n’a pas été chiffrée. On arrive ainsi à un total de 4,5 milliards.

Je propose de confier la maîtrise d’ouvrage à une société de projet. Le financement apporté par les collectivités locales leur donne la légitimité nécessaire pour participer à la maîtrise d’ouvrage, aux côtés de VNF. La société de projet, créée par voie législative, permettrait, ce que VNF ne peut pas faire, un endettement à hauteur de 500 ou 700 millions d’euros, sans impact sur le ratio d’endettement public, dans la mesure où il s’agit d’un projet européen financé à 40 % par l’Europe et accompagné par la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Le reste à charge pour l’État se monterait à 1 milliard.

Si les décisions sont prises, si l’année 2014 est consacrée à régler les problèmes techniques et juridiques, si nous faisons en sorte, dans le cadre des contrats État-région, que les travaux connexes commencent dès 2015, les chantiers sur le corps central pourraient démarrer en 2016 ou 2017 et se terminer en 2022 ou 2023. Le calendrier est contraignant, mais faisable.

Je propose enfin de nommer un garant sur l’ensemble du projet, à l’instar de ce que fait l’Europe. Elle désigne, pour accompagner les grands projets d’infrastructure, des responsables « politiques » au sens large, qui ne sont en général pas en activité politique directe, des autorités morales en quelque sorte. Le but est d’assurer la cohérence globale du projet et de maintenir l’adhésion du monde économique qui est, il faut le souligner, mobilisé autour de ce projet.

Le Nord de la France se sent directement concerné par l’impact économique du chantier. Les études complémentaires que j’ai fait faire sur le chantier pour vérifier les chiffres, font état de 10 000 à 13 000 emplois pendant le chantier, et de 50 000 dans la durée.

M’être plongé dans le dossier m’a confirmé que le fluvial avait été délaissé depuis une trentaine d’années, au profit du tout routier ou du tout ferroviaire. Nos prédécesseurs ont écrit un nombre impressionnant de rapports sur l’hinterland des ports, le fret fluvial, mais ils ne s’inscrivaient manifestement pas dans la stratégie générale qui a prévalu. Le fret en France n’utilise la voie d’eau qu’à 2 % à 5 % ; en Belgique, c’est 20 %, et jusqu’à 30 % dans les pays d’Europe du Nord. Nous avons donc de la marge.

Le fluvial présente en outre un intérêt environnemental. Sachant qu’une péniche de 4 400 tonnes équivaut à 100 camions de 44 tonnes, ce mode de transport est essentiel pour le report modal. Tous les acteurs que j’ai rencontrés, les déplacements que j’ai effectués m’ont convaincu de l’attente très forte que suscite le projet chez les céréaliers, bien sûr, dans le bâtiment, la grande distribution, mais aussi dans la récupération, un secteur qui se développe et serait intéressé par des terrains en bord à canal.

Il appartient désormais au Gouvernement de s’emparer de ce projet passionnant qui a été mené au seuil de réalisation.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pourquoi une telle différence avec le projet antérieur de partenariat public-privé (PPP), en termes de coût ou d’emprunt ? Dans le montage précédent, les péages devaient couvrir les annuités, d’un montant bien supérieur puisque le projet était plus cher et que la participation de l’Union européenne ne dépassait guère 6 %.

M. Jean-Jacques Cottel. Après le travail remarquable de Rémi Pauvros, comment contester encore la nécessité du canal Seine-Nord Europe ?

Sur le plan économique, il constitue un outil fondamental pour la compétitivité des entreprises, indispensable au développement des ports et de la batellerie, et porteur d’emploi, comme l’a confirmé l’étude d’un cabinet indépendant. Le canal mettrait en réseau les bassins économiques de filières émergentes comme le recyclage, les conteneurs, le papier… Qu’en est-il de la dynamique dont pourrait bénéficier le réseau fluvial secondaire ? Pourra-t-il contribuer à terme au développement d’un tourisme plaisancier ?

Le canal Seine-Nord Europe n’est pas qu’une infrastructure de transport ; il est aussi un instrument d’aménagement du territoire d’intérêt européen. L’engagement confirmé par la déclaration de Tallinn l’atteste. Ce canal figure parmi les cinq projets retenus par le MIE, voté en novembre 2013 et doté de 22 milliards d’euros à l’initiative du Président de la République. Sur le terrain, les attentes sont très fortes, notamment pour les plateformes. Elles pourront profiter des emprises foncières déjà disponibles, et serviront au développement économique futur. Ainsi, la base aérienne de Cambrai pourra servir à l’extension de la plateforme multimodale de Marquion.

Il s’agit d’un projet vertueux sur le plan environnemental puisqu’une péniche représente 100 camions. Il offre une alternative au transport routier et accélère le transfert multimodal. D’ailleurs, ne pourrait-on inscrire des objectifs de report modal dans le prochain texte sur la transition énergétique ? À quel type de marchandises et de secteur est-il particulièrement adapté ? À terme, le canal et ses rives feront l’objet d’une trame verte et bleue, mais pouvez-vous, cher collègue, rassurer ceux qui redoutent des nuisances ?

Il convient de souligner la quote-part de financement de l’Europe, 40 %, qui est exceptionnellement élevée. Les collectivités apporteront 1 milliard d’euros, ce qui est considérable également. Le monde économique pourra-t-il être mis à contribution ? Quelle est l’implication de la Belgique et des Pays-Bas ?

Le groupe socialiste se réjouit que le projet soit évolutif dans le temps. Le calendrier est intéressant. Pouvez-vous être plus précis sur les structures de pilotage du projet ?

Ce rapport est à même de rassurer les collectivités locales et le monde économique. Il est, en outre, parfaitement acceptable sur le plan écologique. C’est pourquoi il est souhaitable que le Gouvernement se positionne le plus rapidement possible.

M. Alain Gest. En préambule, une précision : je ne suis plus président du conseil d’administration de Voies navigables de France.

L’UMP a toujours été favorable au canal Seine-Nord comme au canal Rhin-Rhône.

Je tiens d’abord à saluer le sérieux et l’honnêteté du travail accompli qui aboutit à un projet reconfiguré mais dont l’esprit a été préservé. À vrai dire, je n’étais pas trop inquiet. Rémi Pauvros est un élu du Nord-Pas-de-Calais où persiste une culture du fluvial qui n’existe pas ailleurs. Ensuite, le canal n’est pas envisagé seulement comme une infrastructure de transport, il est conçu aussi comme un outil de compétitivité pour les territoires qu’il traverse. Enfin, vous avez reçu, mon cher collègue, le 26 mars dernier, une note de M. Frédéric Cuvillier détaillant des « éléments de langage », intitulée « Comment le Gouvernement va sauver le projet ».

Le Gouvernement s’appuyait essentiellement sur un rapport à qui vous tournez résolument le dos, infligeant ainsi un terrible camouflet à ses auteurs. Confié au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGED) et à l’IGF, il avait servi au ministre à justifier qu’il soit mis fin au PPP et à demander une nouvelle reconfiguration du projet. Ce rapport dénonçait le caractère atypique du dossier pour VNF ; vous vous êtes fondé sur le travail de l’équipe qui l’avait monté. Il critiquait la dérive des coûts de 4,5 à 7 milliards d’euros ; vous avez eu l’honnêteté de reconnaître qu’il y a deux différences : la subvention européenne est bien supérieure parce que les critères d’attribution ont changé, et il n’y a plus de PPP. De toute façon, on ignore à quoi il aurait abouti puisqu’il n’a pas donné lieu à propositions engageantes et que les deux candidats pressentis n’ont jamais été sollicités sur la base d’une participation européenne de 1,8 milliard d’euros. Les recettes avaient été surestimées, paraît-il. Vous confirmez que les collectivités locales vont s’engager, et même au-delà de ce qu’elles avaient annoncé.

Autre Gouvernement, autres mœurs ! Les départements qui, jusque-là, refusaient de financer le canal lui-même, sont revenus sur leurs positions : je ne boude pas mon plaisir parce que je souhaite que ce projet aboutisse. On fustigeait notre optimisme : l’Europe met 40 % sur la table ; on trouvait imprécis les protocoles conclus avec les entreprises : vous soulignez l’engagement du monde économique. Je pourrais égrener les exemples… En somme, je vous remercie, cher collègue, d’avoir mis un terme à des élucubrations qui n’honorent pas les auteurs du rapport de mars dernier.

Il restera à la charge de l’État un milliard d’euros. Mais où le trouver sans l’écotaxe, ce qui, accessoirement, prive VNF de budget pour 2014 ?

Pourriez-vous nous expliquer plus précisément comment fonctionne une société de moyens ?

Votre projet n’est plus tout à fait le même. Techniquement, il y a peu de changements. Sans doute VNF avait-elle été un peu trop perfectionniste, mais il y aura des plateformes en moins, une seule en Picardie au lieu de trois. Lesquelles seront supprimées ?

Vous remettez en cause les péages qui devaient contribuer à couvrir les frais du PPP qui s’étalaient sur quarante ou cinquante ans.

Enfin, connaissez-vous l’avis du Président de la République et du Premier ministre sur ce projet qui, depuis dix-huit mois, s’entourent d’un silence assourdissant ?

M. Bertrand Pancher. Nous aurons le débat dépassionné que Rémi Pauvros souhaite mais, tout de même, M. Frédéric Cuvillier nous a pris pour des abrutis ! (Murmures) Il a fustigé un projet à 7 milliards d’euros, claironné qu’avec lui, on allait voir ce qu’on allait voir, que le projet passerait au « réductiomètre ». Évidemment ! Je n’ai rien à redire au contenu de votre rapport, mon cher collègue, mais le coût de construction – 4,4 milliards – n’a rien à voir avec le coût de revient sur quarante ans, qui comprend l’entretien et la maintenance et qu’il faudra bien payer de toute façon. Nous revenons à la position de départ. Tant mieux si la majorité soutient le projet et je salue le retour du bon sens.

En revanche, le calendrier proposé me paraît totalement irréaliste. Il faudrait 1 milliard d’euros supplémentaire pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) dans la mesure où ce projet n’était pas prévu dans son budget. Il vient en outre s’ajouter à d’autres annonces, comme la ligne à grande vitesse Lyon-Turin ou Notre-Dame-des-Landes, qui ne sont pas étrangères à l’approche des élections locales. (Murmures)

Comment allez-vous faire ? De plus, pour disposer des financements européens avant qu’ils ne soient remis dans le pot commun, il faudra avoir déposé le dossier avant juin 2014. Les délais sont très serrés. Dans ces conditions, confirmez-vous le calendrier ?

Enfin, la manne européenne financera-t-elle seulement le canal ou bien également les aménagements connexes ?

Mme Barbara Pompili. Ce projet suscite aussi doutes et interrogations chez les élus et les acteurs économiques. Votre excellent travail, monsieur le député, comporte des avancées, notamment l’abandon du PPP, l’intermodalité et le renoncement à des plateformes trop rapprochées. Il marque donc le retour à la rationalité.

Toutefois, je regrette le ton un peu incantatoire sur la croissance que le projet devrait insuffler, le nombre d’emplois qu’il devrait créer, le transfert modal qu’il provoquerait. Je n’ai pas trouvé de réponses au rapport de l’IGF et du CGED selon lequel « Les prévisions de trafic et donc de recettes doivent être revues à la baisse [car] les risques résultant d’évolutions significatives du potentiel transportable n’ont pas été pris en compte par VNF ; […] la concentration des financements européens sur le projet SNE provoquerait un effet d’éviction sur d’autres projets français ». Il suggérait de mieux utiliser le canal du Nord dont le fonctionnement pouvait être amélioré. Ainsi, le rapport mettait en cause l’opportunité même du projet et insistait sur son caractère irréaliste. Votre rapport tente d’éviter l’obstacle mais quand l’enjeu porte sur 4,5 milliards d’euros, on ne peut pas se contenter d’invoquer le volontarisme et l’intérêt de certains acteurs pour le projet. Nous devons prendre en considération toutes les conséquences.

Le projet reconfiguré conserve les mêmes caractéristiques techniques – le gabarit Vb est maintenu – tandis que le reste du réseau au Nord et au Sud n’est accessible qu’à des convois de 3 000 tonnes. Ainsi, cet équipement, présenté comme le « chaînon manquant » du réseau européen serait relié à des voies navigables de gabarit plus petit où les ouvrages d’art ne permettent pas de superposer les conteneurs. Il faudrait donc transborder à l’entrée et à la sortie, selon une logique qui n’est pas sans rappeler celle des Shadoks, à moins de programmer le passage au grand gabarit de la vallée de l’Oise, de la traversée de Compiègne, du réseau fluvial au nord de Marquion, à quoi s’ajouteraient les aménagements de la vallée de la Seine. Vous l’écrivez d’ailleurs entre les lignes : « Ce développement économique se fera dans le temps. » Je vois l’intérêt de conserver la même DUP et de postuler aux fonds européens dans l’urgence. Mais pourquoi ce tronçon central à 4 400 tonnes si le reste du réseau n’est pas au même gabarit ? Et quelle serait la facture totale d’une telle harmonisation ?

Deuxièmement, vous indiquez la possibilité d’un cofinancement à hauteur de 40 % par l’Union européenne. Si le projet de canal Seine-Nord atteint effectivement ce taux d’intervention de l’Europe, quels sont les autres projets qui seront évincés ?

Enfin, les ports du Havre et de Rouen sont peu présents dans votre rapport. Ce sont pourtant les portes d’entrée naturelles du Bassin parisien. Pourquoi les collectivités françaises devraient-elles cofinancer à la même hauteur que l’État l’hinterland d’Anvers et de Rotterdam ?

M. Patrice Carvalho. J’ai été auditionné par Rémi Pauvros parce que ma circonscription est concernée, et je l’en remercie.

Le premier atout de son rapport réside dans la conviction qu’il faut réaliser le canal Seine-Nord Europe. Le précédent Gouvernement avait eu dix ans pour le faire, mais son grand show télévisé juste avant les présidentielles n’a débouché sur rien. Heureusement, nous avons eu un ministre très efficace pour récupérer de l’argent à l’échelon européen.

Le rapport s’appuie sur deux arguments complémentaires. D’une part, la France doit rattraper son retard sur ses partenaires européens puisque sur nos 8 500 kilomètres de voies navigables, 2 000 kilomètres seulement sont d’un gabarit adapté à une exploitation commerciale moderne. Le transport fluvial représente 16,4 milliards de tonnes-kilomètres, contre 64 milliards en Allemagne et 45 milliards aux Pays-Bas. Un rééquilibrage des modes de transport est donc indispensable, surtout que la voie d’eau est le mode le plus sûr, le plus écologique et le moins cher. Une péniche de 1 500 tonnes émet quatre fois moins de CO2 à la tonne transportée qu’un poids lourd. D’autre part, le canal Seine-Nord sera aussi un outil au service de la croissance, du développement durable et de l’emploi pour peu que les territoires soient desservis. Sinon, les retombées économiques seront dérisoires.

Les plateformes multimodales devront être complétées par de petites plateformes locales ou des quais. Initialement, trois plateformes étaient prévues en Picardie. Il n’en restera qu’une. M. Rémi Pauvros recommande de s’en remettre au marché pour décider et d’associer des acteurs privés aux collectivités territoriales et à VNF. Pourquoi pas, à condition que le PPP, abandonné en raison de son coût très élevé, ne ressurgisse pas pour financer les plateformes et ne soit pas, pour les collectivités, synonyme d’endettement. Avez-vous une idée plus précise du mode de financement de ces plateformes ?

Parmi les trois plateformes étudiées, figurait celle du Noyonnais, dans l’Oise, qui détient des records en termes de chômage et auquel rien n’aura été épargné. Nous travaillons depuis des années à désenclaver cet espace et à le rendre plus accessible. Le canal et la plateforme sont une chance pour cette région meurtrie, d’autant que nous sommes au croisement du canal de Saint-Quentin, à proximité du canal du Nord, du canal latéral à l’Oise, du canal latéral de la Sambre à l’Oise, et du canal latéral à l’Aisne. La position géographique est intéressante. Sans plateforme, les retombées économiques du canal seront marginales. Je comprends qu’il faille faire des économies, mais mettons en regard des coûts ce qui rapportera la plateforme multimodale.

Le groupe GDR apprécie les préconisations du rapport, en dépit de la zone d’ombre qu’il laisse subsister. De notre côté, nous réfléchissons avec VNF à la façon de développer le tourisme en construisant une grande zone d’accueil parce que le canal peut avoir d’autres usages que le transport de marchandises : il peut aussi être une formidable opportunité écologique si l’on sait en tirer profit.

M. Jacques Krabal. Le groupe RRDP souligne lui aussi la qualité du travail accompli, propre à rétablir la sérénité, et salue la démarche globale qui a été retenue, faisant du canal Seine-Nord plus qu’une infrastructure de transport. Personne ne conteste qu’il sera aussi un outil de compétitivité, de croissance et de développement durable. C’est pourquoi la polémique antérieure n’avait pas lieu d’être.

Il n’est pas contestable que le financement n’était pas assuré. Si on reprend l’historique : la lettre de M. Borloo le 12 novembre 2012, cosignée par le président de VNF, s’engage à hauteur de 4,318 milliards de financements ; au cours de sa visite, le Président de la République Nicolas Sarkozy annonce un financement à hauteur de 97 % et l’amorce du dialogue compétitif, confirmé en avril 2012 ; enfin, en août 2012, tout s’écroule et on révise le projet à 7 milliards d’euros. Ce sont des faits que personne ne peut contester.

M. Alain Gest. Mais si ! Je vous expliquerai.

M. Jacques Krabal. Mais non. Je rappelle des faits et je ne veux pas polémiquer.

M. Alain Gest. C’est pourtant le cas !

M. Jacques Krabal. En tout cas, le succès de M. Frédéric Cuvillier, lui, est incontestable puisqu’il a fait passer la quote-part de financement de l’Europe de 6 % à 40 %.

Je salue l’engagement des régions. Depuis le début, le président du conseil régional de Picardie, Claude Gewerc, a montré son attachement au projet en raison de l’intérêt qu’il porte au transport décarboné. Il a d’ailleurs fait voter 80 millions de crédits. Mais où en sont les autres collectivités territoriales ?

Comment les emprunts seront-ils remboursés ? Le rapport parle d’Eurovignette. Mais ne craignez-vous pas un syndrome semblable à celui de l’écotaxe ? Les péages ne doivent pas être dissuasifs.

Au-delà des aspects financiers, l’important réside dans la façon dont les céréaliers picards s’intégreront au projet.

Qu’entendez-vous, à la page 4 de synthèse de votre rapport, par « l’effet réseau » que créera le canal ?

Château-Thierry est arrosé par la Marne, et la demande de développement du transport fluvial, venant de filières émergentes autour du recyclage, y est très forte. L’offre les tirera-t-elle vers le haut ?

Je conclurai en citant la morale bien connue du Lièvre et de la Tortue : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » car les plus beaux projets sont ceux qui se concrétisent par le franchissement de la ligne d’arrivée. (Sourires)

M. Jean-Louis Bricout. Cher ami, mes sincères félicitations et, au nom des gars du Nord et des Picards, merci.

Je tiens à souligner l’intérêt de la mise en réseau pour les canaux comme celui de la Sambre à l’Oise qui traverse ma circonscription et qui est fermé à la navigation depuis 2006 du fait de la réhabilitation nécessaire de ponts-canaux, et du tourisme fluvial. Pouvez-vous préciser si la connexion du canal de la Sambre à l’Oise et sa remise en navigation ont été abordées dans le cadre d’un projet que vous avez voulu plus global ?

M. David Douillet. Je salue le volontarisme manifesté par la mission de reconfiguration mais je regrette qu’il ne s’applique pas à d’autres projets tout aussi structurants comme le Grand Paris. Le montage financier retenu prouve qu’en étant offensif, on peut encore, avec le soutien des élus, du monde économique et de l’Union européenne, engager de grands projets d’infrastructures structurants.

Il est urgent aussi de relancer l’axe Le Havre-Rouen-Paris, un grand chantier pour notre économie, notamment à l’heure où plusieurs puissances économiques en Europe et en Asie aménagent et fluidifient leur accès à la mer.

Un courrier du 9 décembre dernier, cosigné par vingt-sept collectivités couvrant la totalité de la vallée de Seine, a été adressé au Premier ministre pour lui demander de faire aboutir ce qui serait un axe majeur du développement économique, social, environnemental et culturel en Europe. Napoléon lui-même n’avait-il pas expliqué que la Seine était « les Champs-Élysées d’un grand Paris se déployant jusqu’au Havre » ? Ce n’est certes pas l’objet de cette audition, mais il faut rappeler sans cesse que le canal Seine-Nord Europe et l’axe Le Havre-Rouen-Paris participent tous deux à notre rayonnement économique.

M. Yannick Favennec. Ce projet étant consensuel, tant mieux si, au lieu des 7 milliards estimés dans le cadre d’un PPP, le coût du projet reconfiguré a été ramené à 4,4 ou 4,7 milliards d’euros ! Mais sa réalisation sera-t-elle compatible avec le financement d’autres projets d’infrastructures, routières notamment, essentielles pour le développement de territoires ruraux ?

Mme Laurence Abeille. Le canal Seine-Nord Europe ne fait pas l’objet d’un consensus absolu. Des questions subsistent quant à son alimentation en eau : d’où viendront les 20 millions de mètres cubes nécessaires à sa mise eau et les 2 millions de mètres cubes nécessaires à son entretien ?

Je m’interroge sur la mise en réseau. Comment seront organisés les liens avec les canaux de plus petit gabarit ? Sera-ce l’occasion de réintroduire des circuits courts ?

M. Gilles Savary. Je félicite notre collègue pour son approche réaliste et pragmatique qui permettra probablement de sauver le projet dans un contexte financier tendu.

Je m’interroge cependant, moi aussi, sur l’impact qu’il aura sur la politique portuaire française car ce canal ouvrira à des ports hypercompétitifs le plus grand hinterland économique d’Europe, la région Île-de-France.

Plusieurs députés. Exactement !

M. Gilles Savary. A-t-on mesuré les conséquences pour Le Havre, Nantes, alors même que d’autres pays ouvrent des ports tout neufs pour accueillir demain sur la façade atlantique le trop-plein du Pas-de-Calais ?

M. Jean-Pierre Vigier. La mission menée par M. Pauvros a permis d’abaisser très sensiblement le coût du projet, sans porter pour autant atteinte à la qualité des prestations. Comment est-ce possible avec un budget qui passe de 7 milliards à 4,5 milliards d’euros ? Un démarrage en 2015 est-il vraiment réaliste ?

M. Jean-Marie Sermier. Je crains que l’histoire ne se répète. Le canal Freycinet, qui relie le Rhin et le Rhône, avait besoin d’être modernisé. Une réflexion est lancée en 1951. En 1961, le passage au grand gabarit est inscrit au Plan. En 1976, la décision d’engager les travaux est prise, mais les partisans et les opposants du projet s’affrontent avec les mêmes arguments qu’aujourd’hui. Finalement, en 1997, Mme Dominique Voynet met un point final au projet, bridant ainsi le développement du Doubs. Alors, monsieur le rapporteur, quelle certitude avez-vous que rien ne viendra entraver un projet qui a déjà coûté 250 millions d’euros d’études ? En quoi cette infrastructure pourra-t-elle servir à l’ensemble des canaux Freycinet ?

M. Philippe Duron. Bravo pour ce rapport qui remet à flot le canal Seine-Nord. (Sourires)

Vous montrez qu’il s’agit d’un vrai outil d’aménagement du territoire et de report modal. Le montage financier est considérablement amélioré. Cependant le rapport de Michel Massoni et de Vincent Lidsky s’interrogeait sur la fiabilité des prévisions de trafic compte tenu de la faiblesse de la croissance. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ? Il mettait aussi en doute les estimations de coût des travaux réalisés par VNF. Les avez-vous revues ? Enfin, avez-vous l’assurance que l’État se mobilisera après la suspension de l’écotaxe ?

M. Guillaume Chevrollier. Il est rare de voir le coût d’un projet passer de 7 milliards à 4,5 milliards et surprenant que le passage du privé au public soit une source d’économies. Réjouissons-nous donc de cette bonne nouvelle qui favorisera les connexions entre pays européens, créera des emplois dans des régions qui en ont bien besoin, grâce à un mode de transport écologique. Quand ce projet sera-t-il effectivement réalisé ?

M. Laurent Furst. Je suis heureux pour les Chtis et les Picards, mais les Alsaciens et les Francs-Comtois se souviennent de l’estocade portée par Mme Dominique Voynet à la modernisation du canal Freycinet.

Je félicite M. Gilles Savary pour sa question. La compétitivité des ports français est une des conditions de notre développement économique. À défaut, nous perdrons encore de la compétitivité et des parts de marché.

Si le chiffre le plus élevé tient compte du coût d’entretien, mais pas l’estimation la plus basse, la comparaison n’est pas faite à périmètre constant, et il n’y a pas lieu de se réjouir trop vite de la baisse des coûts.

Les réactions suscitées par le montage financier témoignent d’une maladie bien française. Sur les 4,5 milliards à trouver, 1 milliard proviendra des collectivités qui connaissent des difficultés financières inouïes et qui devront emprunter ; 500 à 700 millions d’euros seront empruntés par un établissement même s’ils n’entrent pas dans l’endettement selon les critères de Maastricht, et 1 milliard sera mis sur la table par un État qui n’est même pas capable d’autofinancer ses dépenses de fonctionnement ! Autrement dit, hormis les crédits européens, le projet sera financé à 100 % par des emprunts publics.

M. Arnaud Leroy. Bravo à Rémi Pauvros pour avoir remis au goût du jour la batellerie, dont on ne parle jamais sauf avant les élections. On n’est pas dans le même scénario que pour le canal Rhin-Rhône et si l’idée avait été si bonne, la droite se serait empressée de sortir le projet de la vase. (Murmures)

Comme Gilles Savary, je souligne l’enjeu pour nos ports et notre compétitivité. Je ne pense pas qu’il faille faire de ce projet un épouvantail car il en va purement et simplement de leur survie et de celle des implantations industrielles qui vont avec : les industries pétrochimiques, les aciéries, etc. Je suggère tout de même, en tant qu’ancien rapporteur pour la compétitivité du transport maritime, une étude d’impact fouillée avec le secteur maritime et portuaire en vue de l’adapter, parce que ces infrastructures sont un enjeu stratégique pour notre avenir. Le report modal est un outil de lutte contre le changement climatique, et je me réjouis des perspectives qu’offre le canal Seine-Nord à cet égard.

M. Martial Saddier. Je soutiens ce projet qui dépasse largement les frontières de notre pays, tout comme le TGV Lyon-Turin. Je le fais au nom de toutes les populations des vallées alpines qui subissent les nuisances du trafic routier, notamment de la vallée de l’Arve qui mène au tunnel du Mont-Blanc et que traversent 1 700 poids lourds par jour. Je le fais aussi en pensant à la qualité de l’air qui représente, pour nous, Français et Européens, un défi considérable, et dont les grandes infrastructures de transport sont une condition de l’amélioration.

M. Rémi Pauvros. Élu d’un territoire en crise économique depuis trente ans, et où le taux de chômage est l’un des plus élevés de France, je veille à aborder les dossiers d’intérêt économique majeur avec l’esprit ouvert, à chercher les bonnes solutions. C’est pourquoi je me suis refusé à polémiquer. Mais si certains m’entraînent sur ce terrain, je serai obligé de répondre. Il se trouve qu’un ministre avait obtenu du Président de la République précédent un engagement, qui n’était pas du goût du Premier ministre de l’époque. En tout état de cause, oui, l’Europe fournira 40 % du financement du projet ; oui, c’est nous qui sommes allés les chercher, le Président de la République en tête. Oui enfin, cela change la donne.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le caractère évolutif du dossier. En effet, c’est bien ce que je propose. Volontairement. En tant que représentant de la Nation, comme vous tous ici, je n’ai pas intérêt à promouvoir un projet qui mettrait nos ports en difficulté dès l’ouverture du tronçon central. S’il pouvait accueillir d’emblée les péniches de 185 mètres de long, hautes de trois ou quatre conteneurs, il est certain que Le Havre et Rouen souffriraient. D’où la tactique que je prône, en accord avec nos ports : on commence par adapter le canal aux péniches de 185 mètres de long pour répondre aux besoins prioritaires des chargeurs, notamment des céréaliers, et on montera progressivement à deux conteneurs, puis à trois et ainsi de suite…

Il s’agit d’un chantier pour un siècle, madame Barbara Pompili, surtout à ce prix. Notez bien que je n’ai pas parlé de phasage, mais de progressivité. Le démarrage des travaux dès 2016 ou 2017 laisse un répit à HAROPA, à Dunkerque, et à la batellerie française. Quoi qu’il en soit, le gabarit Vb est indispensable pour répondre à la demande des chargeurs, et pour obtenir les financements de l’Europe qui a eu son mot à dire sur les extrémités du canal. (Approbations sur divers bancs)

Il est clair que tous les réseaux complémentaires devront progressivement faire l’objet d’aménagements définis dans les contrats de plan État-région et qui pourront aussi être financés à hauteur de 30 % ou 40 % par l’Europe. Je développe donc une stratégie qui répond à vos préoccupations : un investissement maîtrisé inscrit dans la durée.

Dans le rapport, je mets en garde contre des péages trop lourds. En Belgique, ils sont pratiquement pris en charge par les gouvernements wallon et flamand. Pour que la batellerie française s’adapte, il ne faut pas « l’assommer » et les péages devront servir à l’entretien. Pour financer l’investissement, j’ai évoqué l’Eurovignette. Mais, dans le contexte actuel, mieux vaut ne pas parler d’une vignette supplémentaire. Il faut se souvenir que la SANEF avait participé au dialogue compétitif ; elle est intéressée par le report modal car la circulation des camions provoque la saturation de l’autoroute A1 : il y a une piste de ce côté.

Les porte-conteneurs qui accostent dans les ports transportent chacun 18 000 conteneurs, soit 60 kilomètres de conteneurs à la file. Alors, soit on ne fait rien et chaque camion continuera à transporter un conteneur sur 600, 700 kilomètres, voire plus ; soit on joue la complémentarité des modes de transport en misant sur les péniches et le ferroviaire. En agissant, nous donnerons au fret de nouvelles perspectives. Le fret SNCF ne peut pas continuer à accumuler un déficit de 3 milliards d’euros tous les ans. RFF est d’ailleurs beaucoup plus ouvert au projet.

Les plateformes favorisent l’intermodalité. Ainsi, Nike, installé depuis plusieurs années au bord du canal Albert, en Belgique, va doubler sa superficie, avec 1 000 emplois à la clef, parce que les atouts essentiels du transport fluvial sont la sécurité et la régularité. Par rapport à la route, il simplifie la gestion des flux. Notre stratégie n’a pas misé sur des plateformes suffisamment multimodales.

Monsieur Patrice Carvalho, j’ai été impressionné par le travail de l’équipe de Noyon. Le site est compétitif, mais je ne peux pas en dire plus. Vous redoutez les conséquences d’une association avec le privé, mais à Dourges, la structure retenue – les collectivités ont porté le projet et le privé exploite l’équipement par le biais d’une société d’économie mixte autonome – fonctionne parfaitement. Le secteur privé reviendra : il serait logique, et conforme à leurs intérêts, que les céréaliers participent à la réalisation de la plateforme en Picardie.

Si on ne fait pas la connexion avec les ports, on se condamne à écrire des rapports et à laisser le trafic aller ailleurs par manque de compétitivité de nos ports, y compris des ports intérieurs comme Paris ou Lille. En Picardie, on m’a dit que le canal naturel, c’était la Manche ! Le canal s’impose comme alternative à cette autoroute des mers, saturée, où les risques de catastrophe écologique sont considérables. Il reliera nos ports et la massification autour de Marquion et de Paris profitera finalement au Havre.

Quant au tourisme, il n’entre pas dans le projet du canal à grand gabarit, mais il se développera naturellement sur les réseaux secondaires qui accueilleront de la batellerie de plaisance à côté d’autres activités économiques. Ce sera notamment le cas du canal de la Sambre dont certains ponts devront être reconstruits ou aménagés. Il ne faut pas négliger le tourisme surtout vers la capitale quand nous aurons les structures nécessaires, mais, ne nous leurrons pas, il restera une source de financement non négligeable, mais marginale.

Venons-en aux questions d’ordre financier. Les PPP coûtent horriblement cher et, s’ils sont dénoncés régulièrement en Grande-Bretagne, c’est tout simplement parce que ce sont des opérations de portage financier. (Approbations sur divers bancs) Or, on n’en a pas besoin quand on obtient de la BEI des crédits à quarante ou cinquante ans, à des taux très bas. On peut alors se contenter de lever entre 500 et 700 millions d’euros pour boucler le financement. Quant à l’entretien, il ne représentait pas l’essentiel du coût du PPP. Je vous transmettrai les chiffres par écrit.

Le portage pourrait se faire par le biais d’une société de projet créée par une loi et limitée dans le temps. Cela s’est déjà fait. Des appels d’offre seront lancés par tronçon de façon à y associer aussi les entreprises locales et à favoriser ainsi l’emploi.

Enfin, madame Laurence Abeille, les caractéristiques de l’étanchéité seront conservées mais on choisira des matériaux plus économiques et plus écologiques. Il faut créer un observatoire partagé, qui fasse de ce canal un exemple de développement durable. J’ai supprimé du projet une connexion avec Lille, qui pompe déjà de l’eau dans la nappe phréatique de l’Avesnois – ce qui représente tout à la fois une économie de 90 millions d’euros et surtout une moindre consommation d’eau –, ainsi que l’écluse de Moislains qui, avec ses 30 mètres de haut, était la plus gourmande en eau. Mes propositions concernent aussi les économies d’énergie. J’ai été très intéressé par l’hydroélectricité produite par le canal Albert à partir de moteurs hyperperformants. Je suggère également une trame verte et bleue, et l’installation de panneaux solaires, partout où c’est possible, notamment autour des plateformes qui doivent être autosuffisantes sur le plan énergétique.

Ces pistes laissent penser qu’au-delà de son impact sur la qualité de l’air, le projet sera intéressant économiquement et écologiquement. Nous laisserons un bel ouvrage à nos enfants. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci, mon cher collègue. Je ne doute pas qu’avec l’excellent travail que vous avez mené, le projet aboutira. (Sourires)

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 18 décembre 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. David Douillet, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Montaugé, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Alain Leboeuf, M. Olivier Marleix, M. Franck Marlin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Laurence Abeille, M. Dino Cinieri, Mme Barbara Pompili, M. François Vannson, M. Fabrice Verdier