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Mardi 1er juillet 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 77

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités en matière de développement durable dans le cadre de la réforme territoriale

– Informations relatives à la Commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités en matière de développement durable dans le cadre de la réforme territoriale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission a décidé de se saisir pour avis des deux textes de réforme territoriale que sont, d’une part, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (Sénat n° 635), d’autre part, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Sénat n° 636). Ces textes ont été déposés le 18 juin dernier au Sénat, où une commission spéciale a été constituée pour examiner le premier.

Nous allons procéder à l’audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités en matière de développement durable dans le cadre de la réforme territoriale. Je remercie Madame la ministre d’avoir répondu favorablement à l’invitation de notre commission.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. La réforme territoriale a été divisée en deux parties, à la fois par choix et par nécessité institutionnelle. Je suis chargée de celle qui a trait aux compétences tandis que Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, s’est vu confier celle relative à la délimitation des régions et aux modes de scrutin, dont l’étude d’impact vient d’être validée par le Conseil constitutionnel. Nous pensons que la décision du Conseil d’État devrait être également favorable.

Nous avons pris l’engagement de faire cheminer de concert les deux textes en sorte que la deuxième lecture du projet relatif à la délimitation des régions et aux modes de scrutin ait lieu à la suite de la première lecture du projet relatif aux compétences. Le report des élections départementales et régionales est en effet lié au transfert de compétences des départements, et non à une révision de leur carte puisque celle-ci reste inchangée.

La réforme que nous préparons fait suite aux grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983, revues à la fin des années 1990 avec la relance de l’intercommunalité, puis en 2004 et 2010. Nous souhaitons renforcer les régions au moyen de deux schémas régionaux, l’un portant sur le développement économique, l’autre sur l’aménagement du territoire et des infrastructures, tout en visant une rationalisation et une intégration de l’intercommunalité. Nous avons fait le choix d’un fonctionnement fondé sur le couple région-intercommunalité, mais aussi sur le dialogue entre l’État et le bloc communal.

Du fait de l’absence d’une majorité au Parlement pour adopter la révision constitutionnelle que nécessiterait une suppression des départements, la question se trouve repoussée à l’horizon 2020. Pour le moment, seule une évolution peut être envisagée, associée à une réorganisation de la proximité qui dépendra des départements concernés : le Président de la République a lui-même souligné la nécessité d’une instance de proximité dans les départements ruraux. Pourrait-il s’agir d’une conférence des présidents d’intercommunalité ? Cela poserait un problème de constitutionnalité car ces dernières ne tiennent pas leur mandat du suffrage universel direct – ce qui a conduit à faire élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct à partir de 2014, pour donner à leur président un statut similaire à celui des autres chefs d’exécutifs locaux.

Pour ce qui est des différentes dispositions du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, je vais évoquer celles qui concernent votre commission, à commencer par le plan régional de prévention et de gestion des déchets créés à l’article 5. À ce jour, trois plans coexistent en la matière : le plan régional ou interrégional de prévention et de gestion des déchets dangereux, le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux, et le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets issus du bâtiment – souvent qualifiés d’inertes, ce qui ne correspond pas tout à fait à la réalité car certains ont un impact sur l’environnement. Cela dit, un seul schéma interdépartemental a été rédigé à ce jour, ce qui montre que la coopération entre les départements laisse à désirer.

L’article 5 crée un plan unique, élaboré à l’échelle régionale et constituant le volet « déchets » du nouveau schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) créé à l’article 6. Nous nous sommes inspirés, pour proposer cette rationalisation, de travaux parlementaires de qualité – je pense notamment à un rapport des sénateurs Jean Germain et Pierre Jarlier. La question des déchets est d’une énorme importance, et je profite de l’occasion pour souligner que l’augmentation du nombre d’emplois dans les intercommunalités – dont il leur est parfois fait grief, y compris par la Cour des comptes – est souvent liée à la gestion des déchets, qui est bien plus satisfaisante qu’auparavant.

On a reproché à la loi Voynet de 1999 son manque d’efficacité réelle. Plutôt que de laisser une organisation par choix, nous avons donc conçu le SRADDT de l’article 6 comme opposable aux collectivités, en le dotant d’effets prescriptifs à l’égard des documents d’urbanisme des communes ou de leurs groupements. Comme, en vertu du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales, il n’y a pas de tutelle d’une collectivité sur une autre, un aménagement d’ordre institutionnel est nécessaire : pour être opposable, il faut qu’un schéma soit approuvé par le préfet afin de garantir la légalité de ses prescriptions.

Il nous semble important que les orientations stratégiques du territoire prennent en compte la question essentielle de la mobilité ainsi que celle de la lutte contre le réchauffement climatique. Le SRADDT doit se substituer à tous les autres schémas existants – schéma de l’intermodalité, schéma climat-air-énergie, schéma de la gestion des déchets et parfois même schémas « auto-créés », tels ceux des trames vertes et bleue. En l’absence d’opposabilité, la gestion de ces schémas prend un « temps agent » infini pour une efficacité finalement très limitée. Nous avons voulu que l’élaboration du SRADDT procède d’une vraie concertation. La définition de règles en la matière est délicate ; elle nous conduira à évoquer le transfert, des départements aux régions, de la compétence en matière d’espaces naturels sensibles actuellement financée par une taxe d’aménagement. Si certains ont regretté que la loi sur la biodiversité n’apporte pas de réponse sur ce point, je considère qu’elle avait vocation à définir des principes dont le texte portant nouvelle organisation territoriale de la République constitue une « mise en musique ». Les deux projets sont, de ce point de vue, complémentaires.

Les régions auront la possibilité d’adapter la loi aux réalités locales, ce qui répond à une revendication ancienne. C’est un sujet que j’aborderai vendredi prochain avec la collectivité territoriale de Corse, dont les 42 demandes en ce sens ont donné lieu à autant de décisions de rejet, justement du fait qu’il n’était pas prévu jusqu’à présent que les règlements d’application permettent une adaptation de la loi. À partir du moment où un tel principe sera reconnu, chaque loi devra définir ce qui est adaptable et ce qui ne l’est pas. Le récent rapport d’information intitulé : « Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines », qu’ont déposé au nom de la commission du développement durable du Sénat Mme Odette Herviaux et M. Jean Bizet, décrit une anomalie du dispositif actuel : dès lors qu’une commune est considérée comme littorale, la loi du 3 janvier 1986 s’applique sur l’ensemble de son territoire d’où, pour l’ensemble des communes de France situées en bord de mer – à l’exception de celles de Méditerranée où la densité est telle que la question ne se pose plus –, des entraves aux projets d’aménagement et des situations aberrantes. Par exemple, la commune de Saint-Martin-des-Champs, près de Morlaix, est située à l’extrémité d’une ria, c’est-à-dire d’une vallée fluviale envahie par la mer, ce qui fait que la loi Littoral s’applique à tout son territoire, y compris là où la faible qualité des terres agricoles permettrait la construction d’établissements industriels.

Autre effet pervers de la loi Littoral, également observé avec la loi Montagne : comme elle interdit de construire dans la bande dite des cent mètres, on construit en retrait en empiétant sur les meilleures terres agricoles, alors que l’agglomération pourrait se densifier du côté de la mer, là où l’assainissement et la gestion des déchets sont déjà organisés. Il convient donc d’autoriser la construction là où elle est possible, en y posant des conditions – ainsi elle ne doit se faire que dans un secteur viabilisé ; à l’inverse, aménager un hinterland portuaire pour y implanter de grands établissements de stockage n’aurait pas de sens, car les surfaces portuaires doivent être réservées à un usage industriel.

Il y a là un vrai problème auquel il conviendra de trouver des solutions. Je suis, pour ma part, favorable à la densification des bourgs et des villes afin de préserver les espaces agricoles, car fermement convaincue que l’indépendance alimentaire constituera un enjeu essentiel dans les années 2030 à 2050. Nous sommes déjà passés de 0,5 hectare de surface agricole utilisée par habitant de la planète en 1950 à 0,8 hectare actuellement, et l’évolution n’en est qu’à son début car, fort heureusement, les peuples des pays émergents consommeront bientôt les protéines végétales qu’ils auront produites. Mais le modèle agricole français repose en grande partie, comme celui de nombre de ses voisins européens, sur la transformation en protéines animales de protéines végétales importées : il en résultera des tensions sur le marché des céréales. Si nous voulons continuer à exporter 60 % de nos produits agricoles, nous devons repenser notre modèle en protégeant fortement les terres arables – et cela le plus tôt possible, car nous avons encore perdu l’équivalent d’un département au cours des dernières années.

La densification des villes répond, à mon sens, à ce problème de l’indépendance alimentaire. Elle constitue également un facteur de protection des espaces naturels sensibles, des espaces naturels remarquables (NDs), des périmètres de captage, des sites Natura 2000 et des parcs.

La demande de la région Bretagne d’expérimenter une délégation de l’animation de la gouvernance de l’eau fait l’objet d’un examen par les services du ministère de l’écologie. Nous ne sommes pas persuadés que cette expérimentation soit faisable ; cela donnera certainement lieu à débat.

Nous aurons également à définir les modalités d’application du SRADDT sur l’ensemble du territoire – quel type de documents, quels fascicules spécifiques ? – et comment on peut rendre compatibles le schéma régional, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) : même si tout cela a vocation à être précisé par voie réglementaire, la loi doit poser quelques principes.

Les articles 8 et 9 sont relatifs aux transports et à la voirie. La voirie départementale ainsi que les transports publics départementaux et scolaires seront confiés à la région, de manière à parvenir à une unité de gestion pour l’ensemble de la chaîne de transport. La multiplicité des autorités organisatrices de transport (AOT) engendre, en effet, des aberrations : les villes de Brest et de Quimper sont reliées à la fois par des lignes ferroviaire et d’autocars pour lesquelles la région et le département, qui en sont respectivement responsables, ont mis au point des tarifs étudiants. Il en est de même entre Chalon-sur-Saône et Dijon. Il faut donc une réorganisation qui ne sera pas sans rappeler, toutes proportions gardées, la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982. Certains marchés seront concédés mais nous espérons que la qualité des services pourra être maintenue et les coûts maîtrisés. Nous disposons pour cela d’un outil : la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) instituée au niveau régional par la loi de janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Elle sera le lieu où discuter d’une éventuelle délégation ou subdélégation de compétences, mais aussi des transferts de contrats de concession ou des nouveaux marchés à passer.

Sur ce sujet des transports, nous pouvons nous appuyer sur le rapport annuel de la Cour des comptes qui a souligné le déficit de réflexion stratégique dans la politique routière de la majorité des départements – ce qui n’est guère étonnant, chacun ayant tendance à raisonner en fonction de son territoire et de ses responsabilités : c’est ainsi que la nouvelle route partant de Morlaix et devant rejoindre Lannion s’est arrêtée à Lanmeur ! Je citerai également le rapport présenté en 2008 par les députés Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas au nom de la commission des lois ainsi que celui, moins connu, rédigé en 2009 par les sénateurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault.

Aux termes de l’article 10, les aérodromes pourront être transférés à des collectivités territoriales – régions et métropoles – intéressées à leur développement, lorsqu’ils constituent des outils de gestion locale en raison, par exemple, de la présence d’un atelier de maintenance, comme c’est le cas à Dinard ou à Tarbes – ce dernier aérodrome servant d’ailleurs aussi au transport de passagers. Le même principe s’appliquera aux ports, au moyen d’appels à candidatures, ce qui suscite d’ores et déjà quelques inquiétudes de la part de syndicats mixtes de gestion des ports de pêche. À cet égard, le débat parlementaire sera certainement utile pour approfondir la réflexion.

À la demande du Gouvernement, la sénatrice Odette Herviaux vient de rendre un rapport proposant de rationaliser l’exercice de la compétence portuaire, aujourd’hui dispersée entre la région, le département et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle serait transférée en fonction des cas, aux EPCI ou à la région. Cette question d’importance couvre également celle de la gestion des magasins à marée et du transport du poisson, qui peut nécessiter de gros équipements en hinterland.

L’objectif de l’article 16 est de rationaliser l’organisation des syndicats intercommunaux ou mixtes, dont bon nombre exercent des prérogatives en rapport avec l’environnement. Au début 2014, on en comptait 13 408, dont 7 200 investis de compétences en matière d’eau potable, d’assainissement, de gestion des déchets, d’énergie et de transport. Certains constituent un frein à l’intercommunalité, dans le sens où leur périmètre est égal ou inférieur à celle-ci, tandis que d’autres sont départementaux. La loi ne fera que lancer l’idée de la rationalisation sans procéder à sa mise en œuvre, qui nécessitera d’examiner les situations au cas par cas pour déterminer les modalités du transfert et de la gestion déléguée – concession, affermage, société publique locale (SPL) ou autre formule.

Les articles 25 et 26 visent à améliorer l’accessibilité des services. Le premier institue à cet effet un schéma de l’amélioration de l’accessibilité des services au public, élaboré à l’échelle du département par le préfet et par les présidents d’intercommunalité, dans la mesure où cette action publique leur incombe déjà conjointement. Pour ce qui est de l’accessibilité aux services publics envisagée d’une manière plus générale, elle a vocation à être assurée par les maisons de services au public, auxquelles l’article 26 est consacré. Il existe également des schémas de services au public prévoyant la possibilité pour l’État, pour les collectivités territoriales, pour les entreprises publiques – la SNCF par exemple – ou pour d’autres partenaires de se concerter pour mettre des points d’accès à disposition du public. Les syndicats se posent beaucoup de questions à ce sujet, ayant mal vécu certains épisodes comme la mise en place relais postaux dans les petits commerces.

Tels sont, Monsieur le président, les points que je voulais évoquer devant vous et qui me paraissent relever plus particulièrement de la compétence de cette commission.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie, madame la ministre. Je souhaiterais des précisions sur deux points. Premièrement, dans le texte relatif aux métropoles, ce sont les régions qui ont compétence en matière de biodiversité. Demain, il faudra bien leur donner les moyens d’agir dans ce domaine, où certaines agissent d’ailleurs déjà beaucoup. Le transfert de la taxe d’aménagement des départements aux régions me paraît une orientation souhaitable. À l’heure actuelle, une seule région – l’Île-de-France – a la possibilité de prélever une taxe d’aménagement. Compte tenu de la volonté de supprimer à terme les départements, ne pourrait-on généraliser la mesure par anticipation ?

Deuxièmement, la loi ne pourrait-elle transférer aux intercommunalités les compétences – eau, assainissement et déchets – exercées par les syndicats intercommunaux ? Il me semble qu’à défaut, nous nous heurterions à des difficultés : les périmètres se chevauchent mais ne se recouvrent pas.

M. Florent Boudié. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté cet échange avec notre commission plusieurs semaines avant l’examen de votre projet en séance publique. Je me réjouis d’apprendre que la discussion sur le premier texte, relatif à la délimitation régionale, débute au Sénat après quelques péripéties.

Nous sommes conscients de la nécessité de mener de front la réforme des collectivités territoriales et celle des services déconcentrés de l’État. Dans sa tribune de juin dernier, le Président de la République faisait le lien entre la disparition des conseils départementaux à l’échéance de 2020 et la réforme de l’État, en particulier le renforcement de l’État territorial dans les départements. Où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point, en particulier sur le problème des doublons ?

Ma deuxième question a trait au devenir et à la taille des intercommunalités. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale propose de rehausser le seuil de population exigé en le portant de 5 000 à 20 000 habitants avec la possibilité, confirmée par le Premier ministre, de dérogations pour les zones de montagne ou à faible densité de population. Il y a, dans les départements comprenant une métropole, nécessité de structurer les territoires qui ne lui appartiennent pas. Comment inciter, voire contraindre dans certains cas, à des regroupements intercommunaux tout en tenant compte des spécificités locales et de l’existence d’un SCoT, d’un pays ou d’un parc naturel ?

Chacun convient de la nécessité de concentrer à l’échelon régional ce qui relève de l’innovation, de la recherche – en lien avec les universités – et du développement économique. Le projet de loi propose une première avancée avec l’instauration d’un schéma régional prescriptif portant sur le développement économique et l’innovation. Nous sommes cependant encore loin de ce qui se fait dans d’autres pays européens, à savoir une compétence exclusive de la région, quitte à autoriser des délégations. Pourquoi ne pas avancer davantage sur ce point ?

La taille des régions doit être suffisamment importante, notamment du point de vue démographique, pour soutenir la comparaison avec nos voisins européens. Cependant, l’essentiel réside dans l’affirmation des compétences et de l’autonomie financière des régions, considérablement réduite au cours des dix dernières années. Ma dernière question, qui fait écho à la tribune du Président de la République, porte donc sur les ressources qui leur seront dévolues : comment ce thème sera-t-il traité dans le calendrier parlementaire ?

M. Patrice Carvalho. Après un enterrement de première classe, l’écotaxe a été remplacée par un péage de transit poids lourds censé entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Mais alors qu’elle devait rapporter 1,1 milliard d’euros répartis entre l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – l’AFITF – pour 700 millions d’euros et les départements propriétaires du réseau taxable pour 160 millions d’euros, le péage ne rapportera que la moitié, soit 550 millions d’euros. La division par deux de la recette fait craindre un renoncement à d’importants projets d’infrastructures.

Jusqu’à leur disparition annoncée en 2021, les conseils généraux disposent de la compétence sur le réseau routier départemental ainsi que sur une grande partie du réseau national. Le budget de la voirie est, dans la plupart des cas, le deuxième budget des départements après celui de l’action sociale. Avec quels moyens vont-ils assurer l’entretien du réseau, entretien d’autant plus lourd que le report du trafic des poids lourds des autoroutes vers le réseau secondaire taxable va nécessiter des réfections plus fréquentes ?

Enfin, dans la mesure où nous sommes passés de 15 000 à 4 000 kilomètres taxables, il existe un risque majeur de report du réseau taxable vers celui qui ne l’est plus. Il suffit de voir ce qui se passe le dimanche soir sur l’A1, gérée par la SANEF, où les automobilistes, pour ne pas être taxés à partir de Senlis, prennent la sortie de Ressons-sur-Matz avant de revenir sur l’autoroute un peu plus loin. Ainsi les gens du Nord-Pas-de-Calais, qui ont dû s’expatrier en région parisienne à la suite de la fermeture des mines et des usines, se font-ils taxer quand ils reviennent d’un dimanche en famille – au même titre que les automobilistes sortant du parc Astérix ! L’hypothèse d’une contribution des sociétés autoroutières a été évoquée ; cela doit, nous dit-on, se négocier, mais cela signifie évidemment que l’automobiliste paiera deux fois, en tant qu’usager et en tant que contribuable.

Si les départements disparaissent, qui va hériter de la compétence de la voirie : les grandes régions ou les intercommunalités et les métropoles, ou les unes et les autres, et avec quels moyens ? Le dispositif auquel nous aboutissons compromet la réalisation du report modal, c’est-à-dire le transfert du fret de la route vers le rail et la voie d’eau, le tout au prix de sommes colossales que les collectivités territoriales devront investir pour remédier aux dégradations occasionnées par les poids lourds sur le réseau national et départemental.

M. François-Michel Lambert. Pour notre part, madame la ministre, nous considérons que vous n’irez jamais assez loin dans cette réforme de décentralisation pour approcher de l’idée fédéraliste que défendent les écologistes, partisans de régions plus autonomes et plus responsables. (Murmures)

À l’heure où la mondialisation a fait perdre leurs repères à nombre de Français et d’Européens, avec les conséquences électorales qu’on sait – je pense aux votes de défiance qui se sont exprimés dernièrement à l’égard de la construction européenne –, nous devons retisser le lien entre citoyens et territoires, et donner aux régions les moyens de se développer. En procédant de la sorte, nous ne réglerons pas tous les problèmes du jour au lendemain, mais nous devons avoir le courage d’agir pour le long terme.

La régionalisation est un processus à l’œuvre dans nombre de pays développés, notamment en Chine, qui travaille à l’échelle de métropoles comparables à nos régions en termes de démographie et de puissance économique. Les intercommunalités ont à jouer le rôle de relais de proximité pour rassurer les citoyens, ce qui sera particulièrement nécessaire dans certains cas – notamment dans l’hypothèse de la constitution d’une région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, qui n’a pas ma faveur. L’articulation entre services de l’État et services de la région doit être plus compréhensible, spécialement dans le domaine, crucial pour nos concitoyens les plus faibles, des aides sociales. Les prestations actuellement gérées par les départements le seront-elles demain par les intercommunalités ?

Par ailleurs, à la différence de mon collègue Patrice Carvalho, je pense que nous pouvons construire intelligemment une écotaxe en deux volets : d’une part, les péages de transit à l’échelle nationale ; d’autre part, une écotaxe mise en place sur certaines routes par les régions – responsables du choix des axes concernés, elles en percevraient les recettes.

Enfin, que deviendront les départements avec la constitution des métropoles – je pense notamment aux Bouches-du-Rhône, après la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence en janvier 2016 ? Comment envisagez-vous de favoriser l’appropriation des nouvelles collectivités par les Français ? Le débat public, auquel les écologistes sont attachés, est un outil complexe mais efficace pour réformer tout en créant du lien.

M. Olivier Falorni. Le projet de loi prévoit de confier des missions précises à chaque échelon de notre organisation décentralisée. Les régions vont récupérer de nombreuses compétences dont celle du développement durable. Il leur reviendra d’élaborer un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, ayant une vraie vertu simplificatrice puisqu’il regroupera une demi-douzaine de plans et schémas dont la coexistence rend aujourd’hui illisibles les politiques publiques en matière d’aménagement du territoire, de mobilité, de lutte contre le réchauffement climatique et de gestion des déchets.

Ma première question porte sur les documents de planification destinés à être intégrés au SRADDT en raison de leur incidence sur l’aménagement du territoire. Au moment où la profession mytilicole connaît une grave crise, je pense particulièrement au schéma de mise en valeur de la mer, élaboré par l’État à une échelle qui n’est pas celle de la région, et qui détermine la vocation générale des différentes zones maritimes et les principes garantissant la compatibilité des usages entre terre et mer. Ce document pourrait-il être inclus dans le SRADDT afin de protéger les cultures marines ?

D’autre part, ce schéma est doté d’effets prescriptifs s’imposant aux communes et à leurs groupements compétents pour l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. Cela devrait asseoir sa portée et conforter les politiques publiques concernées. Comment sera-t-il élaboré et à l’issue de quelle concertation, si l’on veut éviter la tutelle d’une collectivité sur une autre ? Enfin, pour que ces nouvelles compétences puissent être exercées réellement, il convient que les régions constituent des territoires cohérents, tenant compte des particularités géographiques et historiques, mais aussi des mobilités de population entre bassins de vie et bassins économiques. C’est loin d’être le cas de la région Centre-Limousin-Poitou-Charentes telle qu’on nous la concocte.

M. Jacques Krabal. Nous devons prendre garde à ne pas nous focaliser sur les cartes alors que s’engage le débat sur l’organisation territoriale de la République. Pour ma part, madame la ministre, je me félicite de la volonté du Gouvernement de procéder à une réforme nécessaire dont tout le monde parle depuis vingt ans : enfin, on va simplifier et clarifier dans les domaines de l’énergie, du tourisme, du numérique, des déchets, de l’aménagement du territoire, des transports et du développement économique ! C’est ce qu’attendent les chefs d’entreprise et les habitants des territoires.

Ce qui me préoccupe, c’est de savoir comment décliner au niveau des territoires la portée prescriptive du schéma régional. Certes, les intercommunalités seront renforcées, mais il ne faut pas oublier la conférence des territoires, que vous envisagez en matière de développement économique. Prenons garde à ce que la proximité ne reste pas qu’un mot ! Si la réflexion stratégique au niveau régional est essentielle, il faut également veiller à l’efficacité de l’action locale. Sur ce dernier point, quelle est la place des pôles d’équilibre des territoires ruraux ?

Enfin, aux termes de l’article 37, les compensations financières des transferts de compétences seront évaluées « à coût historique » d’exercice par l’État. Est-ce une manière de dire que les compensations ne seront pas corrigées par les données de la conjoncture ?

Mme Sophie Rohfritsch. Les pôles de compétitivité et les programmes d’investissement d’avenir ont suscité de très lourds investissements qui commencent à aboutir à une organisation pertinente de territoires économiques autour des universités et des établissements de recherche – ce qui permet aux entreprises de bénéficier localement d’une véritable culture de l’innovation. Je ne vois pas en quoi le texte que vous présentez permettra de sacraliser ce dispositif. En ne protégeant pas ces nouveaux territoires, on risque de perdre ce qui promettait une action plus pertinente, une meilleure compétitivité et un développement économique créateur d’emplois – car aujourd’hui, tout cela vient de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comment sacraliser ces nouveaux écosystèmes en précisant, dans la loi, les rôles respectifs des métropoles et des grandes régions ? Les réformes ne doivent pas seulement servir à faire des économies, mais aussi à produire des effets de levier pour un véritable essor économique.

D’autre part, la poursuite d’expérimentations transfrontalières prometteuses – je pense aux eurodistricts et aux euro-régions – figurera-t-elle dans le texte, et si oui, sous quelle forme ? Si l’eurodistrict est une très belle idée, je regrette que, pour le moment, ses faibles compétences l’empêchent démontrer son efficacité.

M. Yannick Favennec. La semaine dernière s’est tenue, à Nantes, une session du conseil régional des Pays de la Loire – cette région qui jette des regards éperdus vers la Bretagne, madame la ministre – consacrée à la gestion de la biodiversité. A notamment été adoptée une charte du développement durable pour la période 2014-2016, dont une politique régionale en faveur de la biodiversité constitue le cinquième objectif. Sa cohérence avec l’ensemble des politiques publiques régionales est indispensable, notamment dans une logique d’éco-conditionnalité. Plus largement, la politique de biodiversité pour laquelle cette région est chef de file doit être coordonnée avec le schéma régional climat-air-énergie, mais aussi avec le schéma régional de cohérence écologique, les contrats Nature, le Fonds régional d’études stratégiques, les contrats régionaux de bassins-versants, le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Fonds social européen et le contrat de plan État-région.

La cohérence entre tous ces intervenants doit être améliorée, tout en gardant suffisamment de souplesse pour intégrer les évolutions législatives. Comment votre réforme pourra-t-elle garantir une telle cohérence ? Quel type de gouvernance voulez-vous mettre en place ? Enfin, si la compétence sur les espaces naturels est transférée des départements à la région, comment évolueront la perception et la gestion de la taxe départementale des espaces naturels sensibles ?

M. Philippe Plisson. Cette ambitieuse réforme des collectivités territoriales se heurte à de fortes oppositions en ce moment même au Sénat. Le dispositif présenté prévoit un binôme région-intercommunalités qui se partagera les compétences du conseil général appelé à disparaître. L’obligation de procéder à une réforme constitutionnelle contraint le Gouvernement à différer la suppression des conseils départementaux, qui seront délestés d’une partie de leurs compétences lors de leur prochain renouvellement en décembre 2015. Pouvez-vous détailler les étapes de ce processus et préciser quelles compétences resteront au conseil départemental, à qui les autres seront transférées et à quelle date ?

Je partage l’avis de Florent Boudié quant à la taille des nouvelles intercommunalités qui, à mon sens, n’a pas vocation à être uniforme, mais adaptée à la densité des territoires concernés, et tenant compte des territoires déjà identifiés – arrondissements, SCoT ou pays. Les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) auront-elles un rôle à jouer dans la répartition et la configuration des intercommunalités ? Si oui, lequel ?

Ces intercommunalités appelées à exercer des compétences fortes, il semble nécessaire que leur exécutif soit élu au suffrage universel direct afin de disposer d’une légitimité incontestable. Sur ce point, je rejoins le souhait du président Chanteguet : si l’on veut la rationalité, la professionnalisation, l’efficacité et les économies, il faut impérativement que tous les syndicats – eau, assainissement, électrification et autres – soient inclus dans les intercommunalités.

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la ministre, je me réjouis que vous défendiez la ruralité dans le cadre de cette réforme. Nous devons tenir compte de la spécificité des territoires. On sait qu’à l’heure actuelle, certaines métropoles prennent déjà le pas sur le département, à tel point que les habitants concernés ignorent le nom de leur conseiller général. En revanche, en milieu rural, le département joue un rôle de proximité et de lien social avec la population : il me paraît donc devoir être maintenu.

Pour ce qui est des futures intercommunalités, le seuil de 20 000 habitants va sans doute être assoupli, mais le plus important est que leur périmètre soit défini en fonction des bassins de vie. Si elles sont trop grandes, leur lien avec la population se distendra, et certains territoires vont se vider. Il y a 179 communes dans ma circonscription ; si l’on conserve le seuil de 20 000 habitants, il y aura à peine quatre communautés de communes, étalées sur de très vastes territoires. J’aimerais savoir comment vous comptez procéder pour éviter que certains territoires ruraux se transforment en déserts.

Mme Geneviève Gaillard. Le concept de solidarité territoriale, évoqué depuis un certain temps en France, a été étendu en 2006 au domaine de l’environnement avec la loi sur les parcs naturels nationaux et, dernièrement, nous l’avons également intégré à la loi relative à la biodiversité. On sait aujourd’hui que certains écosystèmes – les zones humides, par exemple – engendrent des fonctionnalités écologiques qui bénéficient à des territoires bien plus larges que ceux que dessinent les découpages administratifs, sans toutefois susciter toujours une activité touristique. Leur conservation et leur entretien entraînent pour les collectivités un coût que ne compense aucune recette – j’ai évoqué ce problème dans un rapport rédigé avec Philippe Duron il y a une douzaine d’années. Peut-on concevoir qu’en vertu d’une solidarité territoriale environnementale, les dotations de l’État soient pondérées afin de mieux répartir le coût de la gestion des espaces naturels ?

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, votre projet de réforme territoriale constitue la parfaite illustration d’une certaine incohérence de la politique conduite depuis deux ans. (Murmures sur divers bancs)

Pourquoi avoir supprimé le conseiller territorial créé par Nicolas Sarkozy alors qu’il préfigurait ce que vous semblez proposer à terme, à savoir la fusion des départements dans les régions ? Au demeurant, ce projet arrive à la hâte, sans avoir été précédé d’une étude d’impact et, notamment, sans qu’en aient été mesurées les conséquences financières alors qu’on connaît la nécessité absolue de diminuer la dépense publique.

Si l’intégration du développement durable aux compétences de la région de demain paraît justifiée en ce qui concerne les transports et la mobilité durable, sujets cruciaux pour assurer la transition énergétique, encore faut-il savoir de quelles régions nous parlons. Ainsi, alors que la région des Pays de la Loire a été guignée par ses voisines de Poitou-Charentes, du Centre et peut-être même de Bretagne, on a choisi pour elle le statu quo sans que l’on sache quels critères, démographiques ou autres, ont justifié cette décision. Notre pays doit présenter une organisation équilibrée où métropoles et territoires ruraux aient chacun leur place.

La réforme territoriale est essentielle mais elle doit être claire et réfléchie, ce qui ne semble pas être le cas de celle que vous proposez, qui ne définit pas de répartition des compétences pour chaque échelon. Pourriez-vous exposer votre vision de la mobilité durable dans les futures régions ? Par ailleurs, quel sera le degré de souplesse en ce qui concerne le seuil de 20 000 habitants pour la constitution d’une intercommunalité, étant précisé qu’à l’heure actuelle, des communautés de communes à 15 000 ou 30 000 habitants fonctionnent bien dans certains territoires ruraux ?

M. Jean-Jacques Cottel. La région semble devoir acquérir la compétence de gestion des déchets. Aujourd’hui, cherchant le niveau pertinent pour l’organisation du tri et du traitement des déchets, certains EPCI délèguent leur compétence à un syndicat tout en percevant le financement de la prestation auprès des usagers afin de maintenir leur coefficient d’intégration fiscale. Il en résulte pour les usagers un manque de lisibilité du service et des prix, ceux-ci pouvant varier d’un EPCI à l’autre alors même que le syndicat intervenant est le même. Comment harmoniser les situations ? Doit-on encore autoriser les collectivités à financer une partie du service des déchets sur le budget général ? Enfin, à qui doit revenir la compétence en matière de déchets, liée à l’économie circulaire ?

La mobilité semble également faire partie des futures compétences de la région. J’aimerais savoir comment vont être organisés les déplacements interurbains actuellement gérés par les départements, et ce que vont devenir les différentes autorités organisatrices de transports.

M. Michel Heinrich. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – dite ALUR – a confirmé l’intégration des documents de rang supérieur dans le SCoT. Dès lors, n’est-il pas contradictoire de conférer au SRADDT, par l’article 6 du projet de loi, des effets prescriptifs à l’égard des PLU ?

Me trompé-je si je déduis des termes du projet que les schémas départementaux, interdépartementaux, régionaux et interrégionaux de gestion et de prévention des déchets disparaîtraient pour être intégrés dans le SRADDT, unique document s’appliquant dans ce domaine à l’échelle des futures grandes régions ?

M. Alexis Bachelay. Le président de la région Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, soutient la fusion des départements franciliens dans la région ; cette proposition ne sera peut-être pas retenue, mais tenir compte de la spécificité des territoires est une exigence qui vaut aussi pour les espaces fortement urbanisés. Avec la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016, ne pourrait-on anticiper le transfert des compétences départementales à la métropole – ou à la région – dès janvier 2016 ?

Dans les zones rurales, les citoyens sont attachés à leurs conseillers généraux – devenus départementaux – qu’ils élisent, alors que les conseillers communautaires ne procèdent pas directement du suffrage universel. La légitimité d’un président d’EPCI se révèle plus faible aussi que celle d’un maire ; son lien est distendu avec une population qui ne connaît pas toujours le contenu et les acteurs des politiques intercommunales. La démocratisation des intercommunalités constitue un élément important de la réforme territoriale.

M. Jean-Louis Bricout. Les citoyens veulent connaître la répartition des compétences entre les collectivités territoriales. Supprimerez-vous la clause de compétence générale ? Si tel n’était pas le cas, seront-ce les régions ou les départements qui seront responsables de la culture, du tourisme et du sport ?

Comptez-vous faire évoluer les modes de scrutin régionaux et intercommunaux ? La précédente réforme du scrutin intercommunal n’a pas été couronnée de succès et, lors des dernières élections municipales, nos concitoyens ont bien davantage plébiscité leurs conseillers municipaux que choisi des délégués intercommunaux. La démocratie a connu une petite avancée, mais insuffisante pour donner aux élus intercommunaux une légitimité satisfaisante.

Madame la ministre, vous avez opté pour un critère démographique pour délimiter les intercommunalités. Ne vaudrait-il pas mieux privilégier un critère géographique comme pour le SCoT, puisque les intercommunalités ont des compétences d’aménagement du territoire ?

M. Laurent Furst. Les périmètres des SCoT se révèlent peu pertinents, car ils ont été fixés à un moment où l’on ne pensait pas que ces schémas prendraient une telle importance.

Certaines réformes doivent reposer sur un consensus national, ce qui requiert une très longue période de concertation. (Rires) Si ce temps n’est pas pris, la loi risque d’être démantelée par une nouvelle majorité. Je voterai contre l’adoption de votre réforme, madame la ministre, et je militerai ardemment pour la défaire. (Murmures sur divers bancs) Elle conduirait en effet à un échec pour notre Nation – et je pense que vous n’êtes pas loin de partager mon avis !

Plusieurs députés. Mais pas du tout ! (Rires)

Mme la ministre. Il convient en effet, monsieur le rapporteur pour avis Boudié, d’assurer une cohérence entre la réforme de l’administration territoriale de l’État et celle des collectivités territoriales. Le Premier ministre conduit la première au travers du secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, qui lui est rattaché ; M. Bernard Cazeneuve, en tant que ministre de l’intérieur, est chargé de l’ordre public institutionnel.

Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ont partagé l’opinion du Président de la République selon laquelle la révision générale des politiques publiques (RGPP), puis la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) – qui reposaient sur une bonne idée – ont échoué du fait de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Je n’en prendrai qu’un exemple : les fonctionnaires débutant pour beaucoup leur carrière dans la région parisienne ou dans le Nord ne peuvent être nommés que tardivement dans les régions du Grand Ouest, si bien que cette règle a désorganisé le contrôle agroalimentaire, les retraités ne pouvant être efficacement remplacés. Après avoir transformé la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) – dont plus personne n’acceptait le fonctionnement – en secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), nous menons de front la réforme de l’État, celle de l’administration territoriale et celle des collectivités locales. Certaines dispositions concernant la fonction publique nécessiteront sans doute l’adoption de dispositions législatives mais, pour l’essentiel – carrières, organisation du dialogue social, rôle du préfet, contribution des ARS au SRADDT… –, le Gouvernement utilisera son pouvoir réglementaire. Il importera en particulier de conforter les missions des corps de contrôle, pour que l’État soit réellement garant de la bonne qualité de l’eau, de l’air, des aliments ou des abattoirs. Ces contrôles sont importants, notamment à l’exportation : un pays asiatique a récemment refusé d’importer des produits au motif qu’ils n’avaient pas été contrôlés par des agents publics.

Nous ne pouvons pas créer de grandes régions, échelle de la contractualisation sur longue période, sans nous assurer du fonctionnement des services publics de proximité. Ceux-ci seront maintenus au niveau des départements, seuls les conseils départementaux étant supprimés.

La théorie de la masse critique, datée, manque de pertinence. S’il est préférable de s’interroger sur les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements et sur les mobilités des citoyens dans un territoire. La notion de bassin de vie se révèle plus adaptée pour déterminer les périmètres des intercommunalités que celle de bassin d’emploi, impliquant uniquement une réflexion sur le trajet entre domicile et travail. Dans les zones denses comme rurales, nos concitoyens traversent parfois deux à trois intercommunalités par jour, pour conduire leurs enfants à l’école, pour faire leurs courses, pour se rendre à leur travail, puis pour rentrer chez eux. Il convient d’autant plus de penser l’intercommunalité à l’échelle du bassin de vie que de grands mouvements de spécialisation se sont opérés en France, par exemple à travers l’implantation des centres commerciaux. Comment éviter que tous ces trajets influent négativement sur le climat et sur le pouvoir d’achat des familles ?

Le seuil de 20 000 habitants pour créer une intercommunalité ne constitue pas un impératif, et le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) devra réfléchir à la définition de bassins de vie « aménagement du territoire », dont le périmètre différera de celui des bassins de vie et d’emploi de l’INSEE. Il prendra en compte les transports en commun assurant les mobilités exceptionnelles, mensuelles ou hebdomadaires. Au 1er janvier 2015, les préfets recevront mandat de réviser la carte des intercommunalités si vous adoptez la loi – et de même d’ailleurs dans le cas contraire, en application de la clause de revoyure de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le Président de la République et le Premier ministre ont approuvé mon idée de pondération du nombre d’habitants par la notion de bassin de vie et par la prise en compte de la densité, car les 20 000 habitants doivent résider dans une zone qui ne soit pas trop vaste. Les préfets apprécieront ces critères après consultation des commissions départementales de l’intercommunalité. J’espère que ce processus se déroulera hors des arrangements du passé et qui ont parfois abouti à dessiner des périmètres aberrants.

Les nouvelles compétences et la mutualisation des services inciteront à l’élaboration des nouveaux périmètres. L’inégalité de richesse entre les territoires, dont souffrent les Français, provient du fait que certains d’entre eux sont trop petits pour que puissent y être implantés des équipements et des services efficaces. Par exemple, les intercommunalités de taille trop réduite n’ont pas pu développer des services de qualité dans le domaine de la petite enfance.

L’innovation et la recherche se trouvent au cœur de l’action publique en matière de développement économique. Je reviens de République démocratique du Congo où j’ai inauguré une école de formation de la fonction publique. Ce pays est riche d’une population jeune et créative ainsi que des ressources de son sol et de son sous-sol. Des investisseurs privés y sont présents. Pourtant, il ne se développe pas car il y manque une action publique stratégique et à des infrastructures indispensables. En France, cette action publique a permis au pays de croître et de résister à la crise. Mais il convient de la rationaliser : ainsi l’immobilier artisanal ne doit pas être du ressort de l’échelon régional et la CTAP permettra d’opérer des délégations. Nous devons déployer des stratégies de développement économique, ne serait-ce qu’en raison de la rareté de l’argent public. Quel développement souhaitons-nous ? Dans quels domaines devons-nous soutenir la recherche ? Quelles collaborations privilégier entre les universités ?

Ces interrogations rejoignent celle de l’avenir des pôles de compétitivité. Ceux-ci seront très majoritairement transférés aux régions : une vingtaine seulement, sur quelque soixante-dix, devraient rester de compétence nationale – on m’a demandé de ne les classer ni en pôles mondiaux ni en pôles régionaux. Cette évolution ne brisera pas les coopérations interrégionales, qui restent tout à fait nécessaires. Le commissariat général à la stratégie et à la prospective doit devenir un centre de ressources pour l’ensemble des régions de France et alerter s’il constate qu’un domaine est laissé en déshérence.

Seules les régions pourront consentir des aides directes. Le rapport de la mission sur la modernisation de l’action publique, présidée par Jean-Jack Queyranne, a recensé plus de 6 000 aides à l’activité économique en France. Le niveau du chômage atteste de l’inefficacité de cette politique. En outre, nous avons commis une erreur à la fin du XXsiècle en privilégiant une économie de services et en renvoyant la production industrielle hors de nos frontières. Il convient de réactiver la chaîne allant de la stratégie et de la R&D à la production industrielle, d’où l’intérêt du débat sur la compétitivité. La région devra définir ses priorités pour les aides directes, pour le soutien d’urgence à apporter aux entreprises – sachant qu’elle pourra entrer temporairement à leur capital –, pour les destinations à privilégier à l’exportation…

Nous avons approfondi les compétences des régions, que le Sénat qualifiera sans doute d’« obligatoires » et non d’« exclusives », car l’exclusivité serait incompatible avec la compétence générale reconnue aux métropoles et aux communes ; en outre, le terme « obligatoire » marque bien la contrainte pesant sur une collectivité qui doit exercer ses compétences. Nous visons également à doter les régions d’une plus grande autonomie financière, d’où l’importance du choix des périmètres.

S’agissant de l’écotaxe, je regrette qu’une loi votée ne s’applique pas du fait de l’action de groupes de pression, parfois relayés par des parlementaires. La réécriture de la loi conduira à transférer en partie aux régions la part destinée aux départements. Certes, la ressource sera moindre que prévu, mais le problème est avant tout de détourner les poids lourds d’itinéraires comme Nantes-Caen qu’ils emprunteraient pour réduire leurs coûts, en évitant les péages et en délaissant les autoroutes maritimes.

Je ne suis pas fédéraliste, Monsieur François-Michel Lambert, mais j’admire votre enthousiasme. Comme il faut être de quelque part pour être citoyen du monde, nous avons conservé les communes, la montée en puissance de l’intercommunalité atténuant le coût de ce choix. Cela permettra à nos compatriotes de garder leurs repères – on restera de Martigues, d’Aix ou d’Aubagne : on ne sera pas de la métropole Aix-Marseille-Provence. De même, les conseils départementaux disparaîtront, mais non les départements auxquels les Français sont attachés comme l’a montré la polémique des nouvelles plaques minéralogiques. Le repère est affaire d’appartenance et d’identité, non d’institution. Ne confondons pas région et État-nation. Un conseil régional n’est qu’une institution qui ne crée aucun peuple – les Basques ont une très forte identité bien qu’il n’existe pas de région ni même de département basque. Une institution de la République ne doit pas prendre en compte l’appartenance linguistique : elle n’existe que pour gérer des compétences économiques, et je ne sais pas marier identité et économie.

Si l’on conjugue régionalisation et affirmation des intercommunalités, il conviendra d’élire les délégués intercommunaux au suffrage universel direct. La métropole pourra déléguer des actions aux conseils de territoire – qui n’ont aucune compétence fiscale afin de ne pas recréer les EPCI – pour conserver une gestion de proximité. Il y a bien davantage lieu de se pencher sur les bassins de vie et d’échanges, et sur les coopérations entre les universités.

Il convient d’intégrer les réponses à tous les conflits d’usage dans un schéma – comme celui de mise en valeur de la mer qui doit en effet se trouver intégré dans le SRADDT.

L’institution de la CTAP vise à garantir l’existence d’un lieu permanent de concertation avec les exécutifs locaux, élus par la population, ce qui n’empêchera pas la région d’organiser des concertations plus fines, par exemple avec les associations. C’est également l’outil de déclinaison dans les bassins de vie des décisions prises à l’échelle régionale.

Les mondes rural et urbain se livrent depuis longtemps une guerre qui n’a pas lieu d’être. L’activité économique des villes nécessite une production agricole suffisante et de bonne qualité. L’indépendance alimentaire confère à la ruralité un poids important dans le développement et le redressement de notre pays. Il faut organiser le milieu rural, soit autour des petites villes et des bourgs centres, soit grâce aux outils de solidarité tels que la conférence des présidents d’intercommunalité. On ne peut pas invoquer la nécessité de densifier pour protéger les terrains agricoles et les espaces naturels sans se préoccuper des ressources fiscales des communes et des intercommunalités. À ce titre, il convient d’inventer l’assiette qui permettra de ne pas construire là où l’intérêt général commande de ne pas le faire – nous sommes preneurs d’une solution technique à cet égard, car nous continuons de la chercher. Ce sujet sera pris en compte dans la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). En effet, nous devons dégager une ressource qui permette de fournir des services à ces populations rurales dont nous avons tant besoin.

La suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements ne s’étendra pas au sport et à la culture, de sorte que les collectivités de tout niveau pourront y intervenir si elles le souhaitent.

En revanche, les métropoles bénéficieront de cette clause. J’espère que la CTAP – où se retrouveront les régions, les conseils départementaux tant qu’ils existeront, les métropoles et les intercommunalités – sera le lieu de répartition des actions. Si la région décide d’aider un laboratoire de recherche de haute technologie, il faut qu’une métropole accueille – voire aide – le centre de développement du laboratoire. Je fais toute confiance aux élus pour conduire ce type de coopération. La loi reconnaît déjà le droit à l’expérimentation, il s’agit maintenant d’utiliser cet instrument.

Le projet de loi relatif à la biodiversité et les dispositions sur le sujet du texte qui nous occupe forment un ensemble cohérent. La taxe d’aménagement souffre d’être versée au budget général au lieu d’être affectée à la protection de l’environnement. Il est difficile de maintenir la taxe départementale des espaces naturels sensibles en l’absence de compétence. À l’occasion de la réforme de la DGF, il conviendra de réfléchir au déploiement de taxes affectées afin de ne pas perdre de vue le fait générateur de l’imposition. Sur ce point, nous devons trouver une solution d’ici à 2015. Le ministère de l’écologie a souhaité conserver une compétence partagée sur le sujet, d’où le schéma régional de cohérence écologique et de biodiversité que propose le texte. En cette matière comme en d’autres, le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé l’ouverture du Gouvernement aux amendements que vous déposerez.

La loi de 2010 prévoyait la création du conseiller territorial – sans d’ailleurs prendre en compte les désagréments engendrés par la double fonction d’élu départemental et régional, comme les déplacements entre chef-lieu de département et chef-lieu de région –, mais elle ne modifiait en rien l’architecture institutionnelle. L’UMP n’a jamais reconnu avant l’élection présidentielle de 2012 que cette loi visait à supprimer les départements. Nous pouvons nous rejoindre sur la nécessité de prendre le temps de bâtir une réforme transpartisane, mais Jean-Pierre Raffarin a reconnu le 6 janvier dernier, au Sénat, que son projet régionaliste était devenu départementaliste contre sa volonté. D’autres parlementaires ont affirmé que le Gouvernement ne les avait pas soutenus en 2010 pour introduire des transferts de compétences.

Ce sujet est compliqué pour tout le monde. En revanche, un vrai travail a été conduit. Je défends les mêmes positions que lors de la mission d’allégement des normes applicables aux collectivités territoriales, présidée par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, notamment sur la question de la clause de compétence générale. Ce projet de loi présente de manière synthétique les dispositions comprises dans le texte déposé précédemment. Les discussions ont donc duré deux ans et les états généraux du Sénat ont montré la difficulté d’aboutir à la moindre position commune, d’autant que des positions contradictoires sont défendues au sein de chaque famille politique. On peut néanmoins dessiner une ligne d’opposition entre la droite et la gauche, la première considérant que les services publics sont une charge quand la seconde les voit comme une source de richesses à préserver.

Je suis depuis longtemps favorable à l’élection des délégués intercommunaux au suffrage universel ; comme parlementaire de l’opposition, j’avais d’ailleurs déposé un texte en ce sens en 2011. Les citoyens votant pour un projet, il faudrait que les listes, incarnées par un chef de file, en portent chacune un : c’est une condition de la démocratie. Parallèlement, il y aurait lieu de conserver un collège des maires chargé de représenter les territoires.

Je suis attentive à la notion de proximité, d’où mon attachement aux bassins de vie et aux conférences des présidents d’intercommunalité qui veilleront à la solidarité. Des études nous aideront à déterminer la bonne échelle pour ces bassins, le nombre d’EPCI par département ne constituant pas une référence pertinente.

La réforme de la DGF prendra en compte, je l’ai dit, la solidarité territoriale. Nous disposons de nombreux outils – pays, pôles de développement territoriaux, SCoT –, mais nous devons veiller à leur bon fonctionnement. Certains pays couvrent tout le territoire et conduisent une action efficace. Quant aux pôles de développement territoriaux, dont vous avez voté la création en première lecture, il y aura lieu de veiller à ce que certains d’entre eux n’aient pas la taille d’une intercommunalité. Enfin, le SCoT doit prendre en compte le SRADDT ; c’est la bonne échelle pour la prospective, le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) étant à celle de la parcelle. Nous disposons d’assez de zones constructibles pour absorber la croissance de la population jusqu’à 2080. Il faut donc plus de rationalité dans les décisions de constructibilité des terrains, qui conduisent à la disparition d’exploitations agricoles et à l’installation d’habitants, parfois en nombre limité, mais qui demandent instamment des services dont certains, comme l’assainissement et la gestion des déchets, ont un coût très élevé.

On pourrait faire un gros livre des études parues depuis 1999 – de parlementaires, de l’association des régions de France (ARF), de l’assemblée des départements de France (ADF) ou de l’association des maires de France (AMF) – et on peut indéfiniment lancer des missions, mais vient un moment où il faut décider. Le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l’organisation décentralisée de la République, de Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, a proposé un projet en deux ans. Il reposait sur la constitution de très grandes régions et sur le maintien des départements dans les zones rurales. D’autres ont défendu des options différentes, et le Gouvernement doit maintenant trancher. Même si nos collectivités ne fonctionnent pas si mal qu’on le dit, il faut leur permettre de s’adapter aux évolutions actuelles et futures. La CTAP jouera un rôle important en la matière, car elle sera le lieu de l’ajustement aux nouvelles compétences à mesure qu’elles apparaîtront. Et notre ambition, que vous jugerez peut-être excessive, est de vous proposer avec ces deux projets de loi un dispositif qui n’ait pas à être modifié.

La mobilité durable exige l’équilibre adéquat entre route et rail. S’agissant des autorités organisatrices de transports, ce sera aux régions d’arrêter une organisation cohérente. En cette matière comme dans les affaires d’emprunts ou de marchés publics, les choses sont surtout difficiles pour les communautés de communes et les départements ruraux, qui ne disposent pas de beaucoup de cadres A, si bien qu’ils dépendent des consultants et des bureaux d’études. Il faut organiser la communauté régionale des ressources humaines.

Les départements disparaîtront plus rapidement dans les territoires très urbanisés ; les métropoles devront s’entendre avec eux pour gérer au moins trois compétences sur sept d’ici au 1er janvier 2017. Nous avons lancé une mission sur le cas de Paris, mais il paraît d’ores et déjà évident que les évolutions seront différentes entre les zones très denses et celles qui le sont moins. L’expérimentation sera toujours possible comme le Premier ministre l’a confirmé.

On insiste souvent sur la proximité entre électeurs et conseillers généraux, notamment dans les zones rurales. Mais l’abstention aux élections cantonales a explosé, la participation s’étant effondrée pour tomber de 70 % à 40 % ! Ce lien de proximité n’existe donc plus car il est devenu difficile de connaître le rôle du conseiller départemental – ce qui n’est pas le cas pour les maires, même si l’abstention aux élections municipales progresse également. Une fois conduite la rationalisation de l’action publique, il conviendra de mettre en avant le projet davantage que l’élu – la proximité perdue étant à regagner au niveau des intercommunalités.

Sans la CTAP, il aurait été difficile de supprimer la clause de compétence générale car il aurait manqué le lieu de la concertation entre exécutifs permettant l’exercice des compétences. Je me suis battue avec l’Assemblée nationale – bien plus qu’avec le Sénat – pour imposer cette conférence. Elle incarne la société du contrat, dans laquelle nous entrons, qui repose sur une répartition claire des compétences et sur une allocation des ressources pensée en conséquence.

Jusqu’à leur disparition, les départements continueront de prendre en charge la solidarité envers les individus et les territoires. Pour ce qui est des premiers – allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou prestation de compensation du handicap (PCH) –, nous n’avons que quatre options : nous pouvons mettre à contribution soit la personne à travers un relèvement du ticket modérateur, soit la famille à travers la récupération sur succession – mais ce serait une double peine car elle aura déjà pris en charge la personne malade –, soit le département à travers l’impôt sur le foncier bâti et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit le contribuable national à travers l’impôt sur le revenu acquitté par la moitié de la population et concentré sur les classes moyennes. La fin des départements fournit l’occasion d’ouvrir sur cette question un débat national – réclamé par les associations d’insertion et d’aide aux personnes âgées et handicapées, et que nous aurons peut-être au Parlement –, débat qui conflue avec celui de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée. En tout état de cause, la fiscalité doit rester le vecteur de la solidarité en France et nous ne choisirons pas le modèle des fondations.

Disposant d’une ressource dont nous devrons décider si elle est nationale ou non, les intercommunalités opéreront le lissage et nous verrons si elles sont capables d’assurer une solidarité territoriale ou si elles ne pourront que se charger de la gestion. La seule solidarité territoriale viable réside dans la péréquation, horizontale ou verticale. Cette dernière repose sur la DGF, qui sera repensée en fonction du revenu moyen par habitant, des refus de construction opposés au nom de l’intérêt général, de la production de logements sociaux, de la mutualisation des services. La pression fiscale constituera un élément de lisibilité des services fournis. Enfin, il conviendra de lisser cette dotation pour en corriger le caractère injuste.

Comme je l’ai dit, les préfets recevront le 1er janvier 2015 un mandat qui sera fonction des conclusions du débat parlementaire. Les syndicats de communes dont le périmètre n’excède pas celui de l’intercommunalité disparaîtront progressivement après un arbitrage de l’État pour prendre en compte les contrats d’affermage et de concession, ainsi que l’action des sociétés publiques locales (SPL). Je veux aussi prendre le contre-pied des propos démagogiques qui courent sur les indemnités versées aux élus, qui se sont souvent engagés dans ces syndicats en renonçant à un autre mandat ou à une part de leur activité professionnelle : il faudra prendre leur situation en compte. Au reste, ces dédommagements ne se montent qu’à 80 millions d’euros alors que les syndicats engagent environ 17 milliards d’euros de dépenses d’investissement et 9 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement. La question est bien plutôt de réduire les frais liés aux fonctions support, qui comptent pour une part non négligeable dans les charges de fonctionnement.

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Informations relatives à la Commission

La commission nomme M. Florent Boudié rapporteur pour avis :

—fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 1er juillet 2014 à 17 h 15

Présents. - M. Alexis Bachelay, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Christian Jacob, M. Michel Lesage, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy