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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis le projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 (n° 1880) (M. Arnaud Leroy, rapporteur).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 (n° 1880) qui a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères. Nous avons désigné M. Arnaud Leroy, en tant que rapporteur pour avis.
M. Arnaud Leroy, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi de souligner la coïncidence heureuse qui fait examiner par notre commission, à une semaine d’intervalle, deux sujets majeurs pour l’avenir de notre planète via le devenir de deux des trois conventions du Sommet pour la terre de Rio de 1992, la Convention sur la diversité biologique, la semaine dernière, et la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ce matin.
Nous avons tous en tête les éléments scientifiques qui nous appellent à une action résolue, le 5e rapport du GIEC bien sûr, mais aussi le rapport conjoint de sept agences américaines sur l’état des lieux de l’impact des changements climatiques aux États-Unis, et c’est une première très positive, ou encore l’alerte lancée par l’Organisation Météorologique Mondiale en avril, puisque pour la première fois, les concentrations mensuelles de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont dépassé 400 ppm dans tout l’hémisphère Nord, ce qui nous rapproche dangereusement du seuil fatidique des 450 ppm.
Le Conseil européen a fait du climat l’un de ses cinq priorités d’action pour les cinq ans à venir. 20 % du budget européen est d’ores et déjà « fléché » vers des actions liées au climat, reste à le décliner de façon opérationnelle, et j’appelle d’ailleurs notre Commission à exercer sa vigilance sur ce point.
Enfin, bien évidemment, la France sera l’hôte de la Conférence pour le Climat en décembre 2015, et je souhaite à ce propos saluer l’excellente initiative du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, de faire appel aux présentateurs météo, pour faire de la pédagogie sur un sujet qui doit absolument ne pas être restreint au cercle limité des environnementalistes. Notre assemblée s’associe pleinement à la préparation de la COP 21, et a mis en place un groupe de travail tripartite « commissions des affaires étrangères, du développement durable et des affaires européennes » sur la préparation de cette conférence, qui complète la mission d’information de notre Commission sur les conséquences du changement climatique en France et sur le suivi de la COP 21.
Il était donc très pertinent que notre Commission évoque aujourd’hui, dans le cadre de ses travaux, l’état des discussions sur le régime international du climat, à travers sa saisine pour avis du projet de loi de ratification de l’une des étapes qui concourent à la construction de ce dernier, à savoir l’amendement, adopté lors de la Conférence de Doha en 2012, au protocole de Kyoto de décembre 1997.
La ratification de l’amendement au Protocole de Kyoto par les pays qui se sont réengagés dans une deuxième période est à la fois un acte politique très attendu par nos partenaires et un objectif important pour l’Union européenne et ses États membres, avec pour horizon d’achèvement des procédures de ratification respectives la fin février 2015.
À ce jour, onze États, dont deux Parties réengagées, ont déjà transmis leurs instruments d’acceptation aux Nations Unies, Monaco (le 27 décembre 2013) et la Norvège (le 14 juin dernier), soit deux États, je le souligne, n’appartenant pas à l’Union européenne.
D’un point de vue national et européen, l’amendement de Doha au protocole de Kyoto est conforme aux positions de notre pays, ainsi que de l’Union européenne, l’engagement pris par l’Union européenne à Doha ayant en effet été défini en fonction des objectifs du Paquet Énergie Climat de 2009. La mise en œuvre de l’objectif de – 20 % de limitation ou de réduction des émissions inscrit pour la période 2013-2020 a été initiée dès le 1er janvier 2013, de façon conjointe, comme pour la première période d’engagement, selon les modalités définies dans le paquet Climat énergie précité, l’Islande et la Croatie y étant associées. Nous devrions l’atteindre sans difficulté notable.
Il importe donc que le processus de ratification par la France soit mené à son terme le plus rapidement possible, et je vous invite en conséquence, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
Deuxième étape dans la construction du régime international du climat, après la CCCNUCC en 1992, le protocole de Kyoto de décembre 1997 est un « contrat à durée déterminée » d’engagements contraignants de réduction des gaz à effet de serre, applicable uniquement à 38 parties (les pays dits de l’annexe B) sur les 196 à la CCNUCC (soit un peu plus de 19 %), en application du principe de responsabilité commune mais différenciée, principe qui est à mon sens une des difficultés dans le processus en cours vers un accord global. Le protocole porte également les premiers mécanismes de flexibilité avec la création d’un marché mondial des permis d’émission – pour lequel l’Union européenne a d’ailleurs joué un rôle de précurseur –, la Mise en œuvre conjointe (MOC) et le Mécanisme pour un développement propre (MDP).
L’amendement qui nous est soumis pour ratification clôt un cycle de 3 ans : de l’espoir déçu de l’adoption d’un accord « post Kyoto » à Copenhague en 2009 – où seuls des objectifs chiffrés volontaires de réduction, donc en dehors du cadre défini jusqu’à présent par la CCNUCC, ont été actés, même s’il convient de retenir aussi l’acte politique majeur que furent la reconnaissance de la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 2°C et les engagements significatifs en matière de financement –, à la réintégration à Cancun puis Durban de ces engagements dans le cadre de la CCNUCC et le lancement immédiat de négociations pour obtenir un accord applicable à tous, à partir de 2020, en contrepartie de la mise en œuvre d’une deuxième période d’engagement de réduction des émissions de GES, pour les pays volontaires de l’annexe B du protocole.
Cet amendement au protocole de Kyoto, finalisé lors de la COP 18 à Doha, traduit ce double compromis, véritable « passerelle » pour éviter le vide juridique « post 2012 » : permettre la préservation de certains acquis importants du protocole et assurer la transition vers le nouvel accord global qui doit, pour pouvoir prendre le relais en 2020, être adopté au plus tard en 2015, à Paris.
Complété par un volet financier, avec des engagements pris par les pays développés, en deux temps (30 milliards de dollars débloqués entre 2010 et 2012, puis une montée en puissance jusqu’à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020), et une structure pour les recevoir – le Fonds pour le climat (FVC) –, cet amendement renforce l’intégrité environnementale du protocole, d’une part, avec l’inclusion dans l’annexe A du trifluorure d’azote, gaz à très fort potentiel de réchauffement planétaire, et un premier pas vers une révision « adaptative » des objectifs, d’autre part, avec l’ajustement automatique de l’objectif d’une partie afin de garantir que les engagements pris en deuxième période seront au minimum aussi ambitieux que la moyenne des émissions sur la période 2008-2010, et la simplification en parallèle de la procédure de relèvement du niveau d’ambition d’une partie au cours d’une période d’engagement.
Mais c’est aussi l’aveu d’une certaine faiblesse. Si plus de 60 pays, dont les États-Unis, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, se sont engagés à prendre des mesures volontaires d’atténuation, seules 38 parties ont accepté d’entrer dans une deuxième période d’engagements de réduction des émissions juridiquement contraignants, quasi exclusivement des États européens, et on ne peut que remarquer l’absence du Canada et États-Unis (respectivement sorti et jamais entrés dans le Protocole), de la Fédération de Russie, du Japon et de la Nouvelle Zélande.
Ce qui, sans vouloir faire une analyse exhaustive de la réalité de la mise en œuvre des décisions passées, qui relève de la commission saisie au fond, me conduit à exprimer trois questionnements.
D’abord, la politique des annexes a sans doute atteint un niveau de complexité qui est la marque d’un système dépassé : la CCNUCC regroupe 41 parties dans une annexe 1, contre 154 parties « non annexe 1 », avec une subdivision à l’intérieur de l’annexe 1, qui comprend 24 parties « annexe 2 », qui ont une obligation spécifique de fournir une assistance financière et de faciliter le transfert de technologie. Quant au protocole, parmi les 41 parties « annexe 1 » de la CCNUCC, 39 parties relevaient de l’annexe B en 1997, 37 parties en relevaient encore à la fin de la première période, et les 38 parties réengagées volontairement en ce début de deuxième période ne recoupent pas exactement celles de l’annexe B « initiale »…
Son résultat est pour le moins mitigé, puisque non seulement en sont aujourd’hui absents les États-Unis, alors qu’ils ont joué un rôle majeur dans l’écriture de la Convention, mais aussi le Canada et le Japon, et qu’il ne reflète plus la réalité des émissions de GES.
Alors que le protocole a été conçu pour inscrire les engagements des pays développés qui, lors de sa discussion, représentaient plus de la moitié des émissions mondiales de GES, ceux-ci ne reflètent plus aujourd’hui ni la réalité des émissions de GES ni l’éventail des situations économiques. La défection des États-Unis a réduit la couverture de la première période d’engagement à 39 % – soit un peu plus d’un tiers seulement – des émissions mondiales, tandis que la deuxième période d’engagement n’en couvre qu’un peu plus de 15 %. Les pays dits émergents et les pays pétroliers contribuent désormais largement aux émissions : la Chine est ainsi aujourd’hui le premier émetteur mondial ; les quatre pays que sont la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie, émettent déjà plus d’un tiers des GES anthropiques. Et trente-deux pays considérés comme des « pays en développement » au sens de la CCNUCC ont d’ores et déjà un PIB par habitant plus élevé que celui des États membres de l’Union européenne qui ont le plus faible PIB par habitant ; la probabilité est forte que le nombre de ces pays se soit encore accru d’ici 2020.
Il semble donc inévitable de tenir compte de cette nouvelle réalité et de dépasser le modèle dichotomique opposant les pays développés aux pays en développement au profit d’un système reflétant mieux la réalité des pressions exercées par leurs sociétés et les ressources financières dont disposent les États parties à la CCNUCC.
Deuxième point de questionnement, les mécanismes financiers mis en place dans le protocole et en accompagnement de l’amendement de Doha n’ont pas totalement rempli les attentes placées en eux.
C’est d’abord un marché carbone qui fonctionne de manière dégradée. Le SCEQE est symptomatique à cet égard, qui combine des excédents de crédits en circulation évalués à 2 milliards environ, et un prix trop faible pour transformer le comportement des industriels, puisque de 27 euros en 2008, la tonne est tombée à moins de 5 euros début 2014, avant de se redresser à environ 7 euros aujourd’hui à la suite du gel temporaire d’une partie des quotas d’émissions devant être mis aux enchères d’ici 2020. Là-encore, il nous faut regarder au-delà de nos frontières, sept provinces chinoises ont mis en place un marché carbone qui tire les leçons des insuffisances du nôtre.
L’instauration d’un prix du CO2 est l’un des instruments permettant de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, en intégrant le coût lié aux émissions de gaz à effet de serre dans le bilan financier des activités qui en sont responsables. Si le choix de faire du marché l’instrument pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de GES devait être réitéré, en parallèle de la proposition de réforme du marché carbone européen présentée par la Commission le 22 janvier, il est primordial, d’une part, d’en corriger les imperfections – et je vous incite vivement, sur ce sujet, à lire le rapport de la Cour des Comptes, faisant suite à une saisine par notre Assemblée, sur l’application du paquet énergie climat, et, d’autre part, d’en assurer la crédibilité à long terme. La meilleure façon d’y parvenir repose dans un engagement contraignant jusqu’en 2030, ce que l’Union Européenne a commencé de faire avec les propositions du nouveau paquet Énergie-Climat annoncé en janvier dernier pour 2030, mais toujours non abouti.
C’est ensuite un FVC dont l’ossature est achevée, mais qui doit encore être abondé. Opérationnel seulement depuis mai 2014 (alors qu’il a été décidé en 2009…), sa première capitalisation sera un des enjeux d’ici la COP 20 de Lima. L’ambition affichée est de 100 milliards par an d’ici 2020, dans le contexte budgétaire que nous connaissons et qui n’est pas propre à la France… Or le financement est un enjeu crucial des négociations climat, et sans doute l’élément clé pour trouver un accord politique entre les différents groupes de pays. Nous devons, nous et nos partenaires, être exemplaires en la matière.
Abonder le FCV, et donc respecter la parole donnée, est aussi un moyen de renforcer la confiance réciproque. Cette confiance est aussi à mon sens une des clés d’un accord politique, et ce sera mon troisième et dernier point.
La convergence des outils de suivi, notification et vérification acceptée à Copenhague puis Varsovie est un signe encourageant d’atténuation progressive de la différentiation en matière de vérification et de transparence. Une première inflexion est survenue en 2009, lorsque les pays émergents ont accepté que les mesures d’atténuation appropriées au niveau national (NAMA’s) bénéficiant d’un financement puissent faire l’objet d’un contrôle approfondi, et qu’un regard puisse être porté sur les NAMA’s non financées. La COP de Varsovie en 2013 a vu, quant à elle, la mise sur pied d’un cadre commun et exigeant de transparence pour le secteur forêt, qui s’appliquera, pour la première fois, à des pays hors annexe 1, avec des procédures de MRV auditées internationalement et proches de celles régissant les inventaires d’émission de gaz à effet de serre des pays développés, ainsi que l’amélioration des processus de vérification des rapports biennaux des pays.
Pour le « pas d’après », je crois que les Parlements ont une carte à jouer, c’est même une de mes convictions les plus profondes. C’est bien parce qu’il s’agit d’une question de souveraineté, et d’une confiance réciproque, que les Parlements ont un rôle à jouer de mise en œuvre subsidiaire des « contributions » prises par les États, dans une nouvelle approche mixant un accord central avec un objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mis en œuvre par le moyen des législations nationales. Regardons autour de nous, de nombreux États aujourd’hui se sont dotés d’une législation sur le climat, certes plus ou moins ambitieuse, en fonction de leurs capacités et de leurs émissions, je vous renvoie à l’excellente étude faite par Globe International, dont nous suivons attentivement les travaux.
Ce serait à mon sens un facteur de transparence et de légitimité, avec un examen sur le modèle de la « revue des pairs » selon des critères normés, afin de s’assurer que les législations nationales sont équitables et conformes à l’objectif global de réduction des émissions. Je suis pour ma part persuadé que la méthode d’élaboration des textes selon le droit international classique arrive à un terme, et qu’il nous faut être imaginatif, voire ambitieux.
Il nous faut sortir les questions climatiques des questions purement environnementales, car elles touchent des thématiques bien plus larges (énergie, développement urbain, etc.). La ratification qui nous est aujourd’hui proposée doit être le temps 1 de notre action, mais nous pourrions pousser notre ambition, et imaginer une assemblée parlementaire thématique, à l’image d’autres assemblées parlementaires internationales, qui serait le volet parlementaire de l’Assemblée des Nations Unies sur l'environnement (UNEA), qui vient de tenir sa première réunion à Nairobi, la semaine dernière.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, je vous indique que, puisqu’il s’agit d’un traité international, il ne peut y avoir d’amendements. Aussi, après la discussion générale, je vous appellerai à voter directement sur ce projet de loi de ratification.
Je suis convaincu, et je l’affirme depuis plusieurs mois, qu’il faut parvenir à extraire ces négociations du cadre diplomatique ou du cadre onusien. La société civile a un rôle particulièrement important à jouer, ainsi que les parlements nationaux, qui doivent être à la fois des interlocuteurs et des sources d’initiatives et de propositions.
M. Christophe Bouillon. Je remercie notre rapporteur pour la présentation de ce projet de loi de ratification, dont l’importance est majeure. En tant que pays organisateur de la COP 21, la France doit être exemplaire. Les enjeux de la conférence de 2015 sont de taille : il s’agira de signer un accord mondial afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de ne pas atteindre le point de non-retour climatique que constituerait une augmentation de 2°C à l’horizon 2050. Bien que la Chine et les États-Unis commencent à prendre conscience de la nécessité d’agir, le chemin est semé d’embûches.
Comment partager l’effort ? Avec quels objectifs, et quels moyens ? Rien n’est fait ! Méfions-nous des postures et agissons dès maintenant. Ce projet de loi montre le volontarisme de la France pour la reconduction du protocole de Kyoto pour la période 2013-2020. Les dispositions relatives à cette « deuxième période » devront avoir des conséquences en droit français.
On ne peut que se féliciter des nouvelles mesures annoncées : de nouveaux objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le paquet Énergie-Climat 2030 de l’Union européenne en préparation, la future stratégie nationale « bas carbone » qui découlera de la loi sur la transition énergétique s’inscrivent dans cette optique. Des précisions ont été apportées sur la mise en œuvre des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. Ces mécanismes permettent d’optimiser le coût, pour la société, de la réduction des gaz à effet de serre, en autorisant la France à financer des projets innovants, tant dans les pays en développement que sur son territoire. L’accélération est sensible pour la mise en place du Fonds vert pour le climat à destination des pays du Sud, comme nous nous y sommes engagés à Varsovie en 2013 – et je salue le travail mené par M. Laurent Fabius et M. Philippe Martin à l’occasion de cette conférence décisive. Il y a eu aussi la création de mécanismes de pertes et dommages pour réparer les dégâts liés au réchauffement climatique dans les pays exposés comme les Maldives. Enfin, le problème des unités excédentaires des quotas est réglé, pour les pays dont l’activité a chuté dans la décennie précédente, ce qui a réduit leurs émissions de GES.
Les aléas économiques ne doivent pas endiguer notre volonté d’agir. Au contraire, c’est en anticipant la crise environnementale que nous rendrons nos économies plus résilientes à la crise financière et économique.
Le groupe SRC donne donc un avis très favorable à la ratification de cet accord relatif à la deuxième période du protocole de Kyoto, et je salue le travail de notre rapporteur. Il a parlé de « contrat à durée déterminée » : nous avons un rapporteur déterminé, et nous sommes déterminés à accompagner sa démarche pour la réussite de la COP 21 à Paris en 2015. (Sourires)
M. Jacques Kossowski. Ce projet de loi entérine la décision, prise à la conférence sur le climat de Durban en 2011, de prolonger le protocole de Kyoto dans le cadre d’une deuxième période d’engagement de huit ans, dans l’attente d’un futur accord mondial, qui devrait être adopté en 2015 et entrer en vigueur au plus tard en 2020.
L’amendement de Doha est conforme aux positions de la France et de l’Union européenne, et au paquet Energie-Climat qui prévoit la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. L’Union européenne s’est déjà dotée d’un socle juridique en matière de lutte contre le changement climatique, avec la décision 406/2009 du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de GES, et la directive 2003/87 établissant un système d’échange de quotas d’émissions de GES et la directive 2009/29 modifiant celle-ci.
L’adoption de cet amendement n’entraîne pas un renforcement des contraintes sur les États membres, ni du point de vue environnemental, ni du point de vue économique et financier.
L’Union européenne a toujours joué un rôle moteur dans les négociations internationales sur le climat, et a lié le prolongement de son engagement à l’adoption d’une feuille de route pour un nouvel accord mondial qui devrait remplacer celui de Kyoto en 2015.
Mais force est de constater que les négociations patinent, et que les conditions pour la signature d’un nouvel accord mondial ne paraissent pas réunies à ce jour. Comme l’a rappelé le rapporteur, seuls 8 pays sur 55 signataires du protocole de Kyoto se sont engagés, aux côtés de l’Union européenne, pour une deuxième période, ce qui fait que seulement 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont couvertes. De grands émetteurs de GES que sont la Fédération de Russie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, n’ont pas souhaité s’engager à nouveau. Le Canada s’est retiré en 2011. Les États-Unis n’ont jamais ratifié le protocole, la Chine en est signataire mais sans objectifs contraignants ; or ces deux pays cumulent 40 % des émissions de gaz à effet de serre. L’Europe s’est souvent senti bien seule dans ses avancées en faveur du climat.
Tout en soulignant l’impact faible que la poursuite du protocole de Kyoto aura sur la baisse des émissions mondiales, je rappelle que ce protocole est le seul instrument juridique qui existe à cet effet. Il est important de montrer que l’action internationale contre le changement climatique ne s’arrête pas en 2012 mais qu’elle va continuer d’ici 2020, en prévoyant notamment la poursuite de mécanismes de développement « propre » qui permettent de favoriser la croissance économique sobre en carbone.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de ce projet de loi de ratification.
M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI votera bien entendu pour la ratification de cet engagement pour la deuxième période de mise en œuvre du protocole de Kyoto. L’ambition de cet engagement reste très modeste : il ne fait que reprendre les engagements européens du paquet Énergie-Climat, dont les ambitions seront très vraisemblablement enterrées du fait des efforts d’un certain nombre d’États de l’Union et de la violence de la crise économique.
La ratification de cet accord sera-t-elle suffisante ? Comme l’a dit le rapporteur, pas du tout. En 2002 l’engagement des grands pays développés concernait 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous sommes actuellement dans un dispositif réunissant moins de pays et ne concernant donc plus que 19 % de ces émissions. Nous exprimons donc de très vives inquiétudes, d’autant qu’il s’avérera très difficile de parvenir, lors de la conférence de Paris, à un vaste accord qui, à défaut d’être contraignant, sera tout de même crédible. Un grand nombre de pays occidentaux, y compris en Europe, ont baissé les bras.
L’Union européenne a toujours été en première ligne dans l’action mondiale contre le réchauffement climatique. Mais elle éprouve actuellement de très grandes difficultés pour construire une politique commune ambitieuse et durable en la matière. La concrétisation du nouveau paquet Énergie-Climat n’est pas du tout convaincante, à travers la matérialisation d’objectifs ambitieux pour arriver à une trajectoire du « facteur 4 » en 2050. Le marché du carbone s’est écroulé, faute de volonté politique. Enfin, le vrai moyen qui serait un début de régulation environnementale aux frontières de l’Europe se heurte à la volonté de continuer coûte que coûte à se développer en oubliant que l’on va tous subir un réchauffement climatique inéluctable.
L’élu de l’Est de la France que je suis tiens à signaler que c’est la première fois depuis 1945 que les moissons ont lieu si tôt dans l’année, qu’il s’agisse des régions viticoles du Sud de la France ou des régions de l’Est. On assistera très vraisemblablement à des pointes d’augmentation de température de 6 ou 7 degrés pendant l’été, qui seront catastrophiques.
La Cour des comptes a récemment dressé un bilan plutôt négatif de la mise en œuvre par la France du paquet Energie-Climat. La multiplicité des textes et des objectifs a rendu la politique communautaire difficilement compréhensible.
M. Denis Baupin. L’exposé très détaillé du rapporteur a parfaitement démontré, si besoin en était, que les instruments internationaux de lutte contre le changement climatique constituent une véritable « usine à gaz » et que les mécanismes onusiens trouvent aujourd’hui leurs limites.
Depuis la conférence de Copenhague, on s’est habitué à se contenter de peu.
Si le groupe écologiste votera naturellement la ratification de l’amendement au Protocole de Kyoto, afin que le mécanisme perdure, il le fera avec la conscience de l’immense décalage entre, d’une part, les enseignements des rapports successifs du GIEC et la réalité des dégâts déjà causés sur différents territoires par le dérèglement climatique, et, d’autre part, le piétinement des négociations multilatérales.
Tous les regards sont désormais tournés vers la COP 21 en 2015, qui pourrait être le moment où un accord se concrétise enfin. Quelques signaux négatifs apparaissent, lorsqu’on constate que certains États comme le Canada ou l’Australie se désengagent des discussions. D’autres pays envoient des messages plus encourageants, puisqu’il semble que les États-Unis et la Chine prennent progressivement conscience de la nécessité d’agir. Tout cela débouchera-t-il sur des efforts à la hauteur des besoins et, surtout, sur des prises de décision ?
Je considère que l’Union européenne n’est pas, aujourd’hui, à la hauteur de ces enjeux : l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 % à l’horizon 2020 n’a pas été validé, alors même que l’objectif initial de - 20 % devrait pouvoir être atteint sans effort particulier – du fait notamment de la crise économique. Pour ce qui concerne l’horizon 2030, les décisions sont systématiquement reportées, sous la pression notamment de la Pologne et des autres États charbonniers qui, aux frontières de la Russie, ont du mal à réaliser leur autonomie énergétique.
D’autres questions sont, en outre, pendantes d’ici 2015. Il s’agit notamment de l’adaptation au dérèglement climatique et de la question des financements – les 100 milliards de dollars annuels promis pour aider les pays les plus pauvres risquent d’être difficiles à rassembler et, sur ce sujet comme sur d’autres, l’Union européenne ne fait pas preuve d’un volontarisme extrême.
La nécessité de fixer un prix du carbone s’impose plus que jamais au plan européen, afin d’éviter les phénomènes de substitution du charbon au gaz, et mondial.
La question du changement climatique dépasse largement celle de la simple préservation de l’environnement. Elle est susceptible d’avoir un impact considérable sur nos économies, négatif comme positif : le rapport Stern de 2006 avait tiré la sonnette d’alarme et sa nouvelle édition, attendue en septembre prochain, devrait démontrer que la situation n’a cessé d’empirer depuis cette date.
M. Patrice Carvalho. Le protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005, a pour objet de réduire les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés et en développement. Sa première période d’application, entre 2008 et 2012, serait prolongée jusqu’en 2020 par l’amendement que nous examinons.
Cette prorogation est importante, puisqu’elle vise à assurer la transition jusqu’à l’adoption d’un nouvel accord global sur le climat à Paris, en 2015, entrant en vigueur en 2020.
La conférence de Varsovie de novembre 2013 n’a débouché que sur peu de résultats : les grands pays industrialisés peinent à s’engager, voire se retirent de tout dispositif contraignant ; les nations émergentes se refusent à accepter des règles qui compromettraient leur développement ; quant aux pays pauvres, ils attendent des pays industrialisés le respect de leurs engagements pour les aider à assumer les conséquences négatives du réchauffement.
Le chemin à parcourir est donc encore long, même s’il va de soi que l’amendement au protocole de Kyoto doit être ratifié.
M. Guillaume Chevrollier. Ce projet de loi vient confirmer notre volonté de remplir nos objectifs chiffrés de limitation des émissions de gaz à effet de serre pour la deuxième période d’engagement au titre du protocole de Kyoto, entre 2013 et 2020.
La démarche ne peut qu’être soutenue et il faut se féliciter de l’engagement et de la détermination de l’Union européenne en matière de changement climatique. Le cinquième rapport du GIEC insiste en effet, une nouvelle fois, auprès de l’ensemble de la population mondiale sur une nécessaire révolution économique pour limiter le réchauffement en cours : nos habitudes en matière de transport, d’habitat, d’énergie ou de consommation doivent évoluer.
Mais si l’Union européenne est déterminée, d’autres pays grands émetteurs ne partagent pas cette volonté – on pense notamment à la Chine et aux États-Unis, qui totalisent ensemble 40 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
L’impact sur notre planète et sur nos enfants dépend des décisions qui doivent être prises : il faut espérer qu’un accord sur le climat sera trouvé à Paris en décembre 2015. D’ici là, il appartient aux responsables politiques d’agir pour convaincre les citoyens et de s’impliquer davantage sur ce sujet majeur : certains pays sont de grands émetteurs, mais n’en subissent que peu les conséquences ; un continent comme l’Afrique, peu émetteur, subit quant à lui massivement de telles conséquences, avec des impacts géopolitiques parfois considérables.
M. Yannick Favennec. On ne peut qu’encourager les parties à poursuivre leurs efforts et soutenir l’amendement au Protocole, conforme aux positions de la France et des autres États membres de l’Union européenne. Cet amendement constitue une avancée en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, même si l’Union a du mal à construire une politique commune ambitieuse et durable dans ce domaine.
La France n’a pas à rougir de son propre bilan : notre pays figure parmi les meilleurs élèves du monde en matière d’émissions, grâce notamment aux efforts consentis dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Ces performances, que nous pouvons encore amplifier, doivent nous conduire à prendre le leadership au sein de l’Union dans la lutte contre le réchauffement climatique.
À quelques mois de la conférence de 2015, la France a un rôle à jouer. Elle doit montrer son implication et afficher de fortes ambitions pour une politique communautaire engagée et pragmatique, permettant la conclusion d’un accord climatique global et contraignant.
Comme mon groupe, je voterai donc sans états d’âme un projet de loi qui va dans le bon sens et témoigne de notre détermination… même si celle-ci se heurte aux approches moins solidaires d’autres pays comme la Chine et les États-Unis.
M. David Douillet. Pourquoi le gouvernement chinois refuse-t-il de se doter d’objectifs contraignants ? Des négociations sont-elles en cours avec les États-Unis ? Quelles sanctions sont prévues par le Protocole pour un pays qui ne respecterait pas ses engagements ?
M. Philippe Plisson. Je voudrais redire ma déception devant le manque d’ambition de certains États face à un défi qui met en jeu la survie de la planète. Je suis même consterné de l’attitude de grands pays comme le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie. N’y aurait-il pas un moyen, d’une manière ou d’une autre, d’imposer des contraintes, de sorte que tous les États se soumettent à un mouvement qui participe de la sauvegarde de l’humanité ?
M. Arnaud Leroy. Pendant longtemps, d’interminables débats se sont tenus autour de la question : « Existe-t-il une communauté internationale ? » Pour la première fois, la question climatique permet d’y apporter une réponse affirmative.
Il me semble que les critiques récurrentes entendues sur la Chine sont injustes, car ce pays a réalisé des progrès considérables. Je me suis entretenu, il y a quelques mois, avec des membres de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale populaire : le dernier plan quinquennal chinois fixe des objectifs très contraignants en termes de pollution de l’air, d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Tout peut aller très vite là-bas, comme en témoigne la croissance accélérée des « industries vertes » – production de panneaux photovoltaïques, motorisations hybrides, etc. La Chine sera demain un grand acteur des négociations climatiques, non plus seulement sur la défensive, mais au contraire proactif.
Pour ce qui concerne les États-Unis, on est dans l’irrationnel total ! Des pétitionnaires proches du Parti républicain remettent régulièrement en cause la réalité du changement climatique. En 1992, Georges H. W. Bush affirmait encore que « le mode de vie américain n’est pas négociable ».
Or il me semble évident que la question climatique aura des impacts sur la vie de tous les hommes, qu’on le veuille ou non. Aux Pays-Bas, le développement des éco-quartiers flottants redonne de l’espace de circulation à la mer et certains polders sont progressivement abandonnés. En Europe, des règles contraignantes comme la limitation du nombre de véhicules par famille devront probablement être envisagées. La liberté d’action sera parfois encadrée et il appartient aux responsables politiques d’y préparer les esprits et de faire preuve de pédagogie.
On parle désormais du chiffre astronomique de 250 millions de réfugiés climatiques potentiels. Que chacun comprenne bien que, quoi qu’on fasse et qu’en disent certains responsables politiques, ces personnes arriveront un jour sur les rives de la Méditerranée, aux portes de l’Europe.
Il faut donc travailler, agir et éventuellement se confier à notre imagination. Nous ne sommes que trop engoncés dans certains concepts datés de droit international, applicables depuis cinq siècles, comme celui de la souveraineté des États. Un « saut imaginatif » avait été réalisé dans les années quatre-vingt, pour répondre à une thématique comparable en milieu océanique : ayons demain la même imagination que celle des rédacteurs de la convention de Montego Bay !
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M. le président Jean-Paul Chanteguet. La discussion générale est close. Venons-en au vote.
À l’unanimité, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997.
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Informations relatives à la Commission
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, Mme Geneviève Gaillard et moi-même avons déposé une proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité. Cette proposition de loi organique a été renvoyée à la commission des lois. Comme nous l’avions fait pour la réforme ferroviaire, je vous propose que la commission se saisisse pour avis et nomme Mme Geneviève Gaillard, rapporteure pour avis sur ce second texte.
Para ailleurs, je vous propose de désigner les rapporteurs pour avis de la commission sur le projet de loi de finances pour 2015.
La commission a alors désigné :
– Mme Geneviève Gaillard, rapporteure pour avis sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (n° 2055) ;
– les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2015.
Mission Écologie, développement et mobilité durables Transports terrestres et fluviaux |
Rémi PAUVROS |
SRC |
Transports aériens |
Jacques-Alain BÉNISTI |
UMP |
Affaires maritimes |
Jean-Christophe FROMANTIN |
UDI |
Protection de l’environnement et prévention des risques |
Jacques KRABAL |
RRDP |
Paysages, eau et biodiversité |
Michel LESAGE |
SRC |
Transition écologique |
Denis BAUPIN |
Écolo |
Politiques de développement durable |
Guillaume CHEVROLLIER |
UMP |
Mission Politique des territoires |
Alain CALMETTE |
SRC |
Mission Recherche et Enseignement supérieur Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources |
Sophie ROHFRITSCH |
UMP |
Recherche dans les domaines du développement durable – recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables (programme 190) |
Philippe PLISSON |
SSRC |
—fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 2 juillet 2014 à 9 h 30
Présents. - M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Falorni, M. Christian Jacob, M. Michel Lesage, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville
Assistait également à la réunion. - M. François Vannson