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Mardi 22 juillet 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 85

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition, ouverte à la presse, de M. Augustin de Romanet, candidat à la présidence d’Aéroports de Paris

– Vote sur la nomination

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Augustin de Romanet, candidat à la présidence d’Aéroports de Paris.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous accueillons M. Augustin de Romanet, dont le renouvellement à la présidence d’Aéroports de Paris (ADP) est envisagé par le Président de la République. Notre commission vous avait auditionné le 27 novembre 2012, lors de votre première nomination, monsieur le président, alors que vous succédiez à M. Pierre Graff.

Aux termes de l’article 13 de la Constitution, une loi organique a dressé la liste des 51 emplois pourvus par le Président de la République. Quatorze doivent faire l’objet d’un avis préalable de notre Commission. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente plus de trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Cette audition publique sera suivie d’un scrutin secret pour lequel aucune délégation de vote n’est possible et qui sera effectué par appel public. La Commission du développement durable du Sénat vous ayant auditionné au début de l’après-midi, le dépouillement aura donc lieu immédiatement après votre audition.

M. Augustin de Romanet, candidat à la présidence d’Aéroports de Paris. C’est un honneur d’être à nouveau devant pour vous pour présenter ce que nous avons accompli au cours de ces vingt derniers mois et vous dire ce que je projette de faire au cours des soixante mois à venir si vous me renouvelez votre confiance.

En ce siècle, les pistes des aéroports sont des sortes de squelettes auxquels s’agrègent des villes, comme dans l’Antiquité elles se construisaient autour des ports, et au XIXe siècle autour des gares. Depuis que les avions sont moins bruyants se créent des « aérovilles », nœuds de connexions essentiels au transport des personnes et des marchandises. La France a le privilège de disposer en Île-de-France d’un système aéroportuaire unique en Europe, composé de la plateforme du Bourget, premier aéroport d’affaires européen avec 55 000 mouvements annuels ; du hub international de Roissy Charles-de-Gaulle (CDG), dont les quatre pistes constituent un avantage comparatif par rapport à Londres ; de l’aéroport d’Orly enfin, dont les trois pistes permettent d’accueillir 28 millions de passagers. Les aéroports jouent un rôle crucial en ce qu’ils permettent de capter la croissance du marché aéronautique et surtout du secteur du tourisme, deuxième employeur mondial avec 102 millions d’emplois, et qui représente 10 % de l’activité économique internationale. Les touristes internationaux sont maintenant au nombre d’un milliard ; ils seront 1,8 milliard au moins en 2030. De la capacité des aéroports à les accueillir dépend en partie la prospérité d’un pays ; chaque million de touristes induit 4 500 emplois directs et indirects, et pour 100 000 tonnes de fret en plus, on compte 1 000 emplois supplémentaires. Notre ambition est donc de développer l’aéroport, une infrastructure soumise à concurrence.

On a longtemps considéré que les aéroports d’Île-de-France étaient en situation de monopole. En réalité, ils sont soumis à une double concurrence, la première étant celle des hubs de la zone Europe-Moyen Orient. D’Europe, on peut voler sans correspondance vers tous les continents sauf l’Océanie. Mais pour la plupart des passagers qui ne résident pas en Europe, une correspondance est obligatoire. On ne peut aller de Los Angeles à Pékin sans s’arrêter : il faut transiter soit par une ville européenne, soit par une ville du Moyen Orient. Le hub de Paris est donc en compétition avec ceux de Londres, Amsterdam, Dubaï, Doha, Abou Dhabi et Istanbul, et c’est pourquoi les investissements de modernisation du hub sont si importants.

Dans une moindre mesure, nous sommes aussi en concurrence avec d’autres moyens de transport ; elle s’aiguise à mesure que le voyage en train devient plus confortable sans que cède l’anxiété des passagers aériens à l’idée de devoir trouver une place de parking, d’accéder à une borne d’enregistrement, de devoir se soumettre aux contrôles de sécurité et à ceux de la police de l’air et des frontières. Ces facteurs n’encouragent pas à prendre l’avion.

Notre objectif est donc de rendre Aéroports de Paris (ADP) toujours plus dynamique pour permettre le plus grand nombre possible de créations d’emplois, avec tous les effets induits que cela emporte pour l’économie française – sait-on que chaque touriste attiré à Paris y dépensera, en moyenne, plus de 500 euros par jour ? Ce développement qui est un atout pour notre économie ne saurait se faire qu’avec une vigilance entière en matière de respect de l’environnement, qu’il s’agisse de nuisances sonores ou de pollution.

Au cours des vingt mois écoulés, nous avons cherché sans relâche à améliorer notre gestion et à rationaliser l’entreprise en l’engageant dans un développement de long terme en lien avec ses territoires, tout en nous centrant sur le client.

Améliorer le séjour des passagers dans un aéroport est un devoir, afin de permettre aux compagnies aériennes d’avoir la plus forte activité possible. On considérait traditionnellement la compagnie aérienne comme le client final, mais aussi comme un client captif dont on pouvait se désintéresser après lui avoir attribué quelques créneaux horaires. Il n’en est rien : les compagnies aériennes ne sont pas des clients captifs, et si l’on tient à ce qu’elles développent leur activité à Paris, il faut rendre les aéroports agréables à vivre pour les passagers et, par exemple, les aider à mieux s’y repérer. Depuis 1945, le développement de l’ingénierie aéroportuaire a été exemplaire, comme l’a été le développement des activités commerciales depuis l’introduction d’ADP en Bourse, avec 58 000 mètres carrés installés. L’hospitalité, en revanche, est demeurée très insuffisante. Nous avons donc pris de nombreuses initiatives à ce sujet, qui ne sont pas restées sans effet puisque l’indicateur mesurant la satisfaction des passagers est passé en 2013 de 86 % à 88 %, un taux de progression cinq fois supérieur à ce qu’il était habituellement. En particulier, nous proposons le WiFi gratuit et illimité depuis le 1er juillet à CDG et à Orly ; nous sommes le premier hub d’Europe à le faire.

Le souci de mieux servir les passagers nous a aussi conduits à transférer le siège d’ADP à l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy. Ainsi les équipes cerneront-elles plus précisément les besoins des voyageurs, singulièrement en matière d’accès à l’aéroport. Je ne doute pas que ce changement culturel favorisera des améliorations constantes et accélérera la prise en compte des besoins des clients.

Nous avons aussi fait porter nos efforts sur l’amélioration de la gestion de l’entreprise. La recherche d’économies ne doit pas être érigée en quête du Saint Graal, poursuivie pour complaire à la Bourse. Il s’agit d’abord de mieux servir nos clients, les compagnies aériennes, soumises à une très forte concurrence et dont les marges sont très faibles. Plus contenues sont les charges de gestion et d’exploitation qui affectent notre base régulée, mieux nous pouvons modérer nos tarifs ; il le faut si nous voulons attirer des compagnies aériennes plus nombreuses. Nous sommes parvenus à diviser par près de trois le rythme d’augmentation de nos charges : elles ont progressé de 7,5 % en 2012 et de seulement 2,6 % en 2013, et ce mouvement continuera. Pour honorer la parole donnée par mon prédécesseur à l’État et aux compagnies aériennes, un plan de départ volontaire a été mis en œuvre. Je n’ai pas souhaité recourir à l’intérim pour les emplois d’accueil, lui préférant le recrutement de personnel permanent ; lorsque l’on a pour métier l’hospitalité, on ne la sous-traite pas. Pour ne pas disperser nos connaissances des réseaux, infiniment complexes, des aéroports, nous avons d’autre part renforcé nos équipes de maintenance en recrutant 60 agents. D’une manière générale, nous avons réorganisé l’entreprise pour améliorer son efficacité.

À l’international, mon prédécesseur avait acquis 38 % de la société turque TAV Airports, qui gère onze aéroports en Turquie et au Moyen Orient. J’ai veillé à ce qu’ADP contrôle plus étroitement cette entreprise exceptionnellement dynamique. Ainsi avons-nous évité de nous trouver engagés plus avant dans le périlleux appel d’offres lancé pour la construction et la concession du nouvel aéroport d’Istanbul. En refusant d’enchérir quand était demandé le loyer déraisonnable de 25 milliards d’euros pour une concession de vingt-cinq ans, nous nous sommes épargnés bien des ennuis ultérieurs.

Nous avons aussi remis de l’ordre dans la gestion financière pour le moins imparfaite d’Aéroports de Paris Ingénierie (ADPI), ainsi que dans l’application des règles de déontologie. Sur un plan général, notre stratégie internationale est fondée sur l’idée qu’avant d’aller séduire à l’étranger nous devons améliorer la performance et l’image de Paris. Les Français ont en ingénierie aéronautique des compétences uniques au monde, notamment au sein d’ADPI. Une fois cette société remise sur les rails, il me paraît nécessaire d’offrir à nos ingénieurs la possibilité de dessiner des aéroports partout dans le monde. Dans cette perspective, l’activité internationale est créatrice d’emplois à Paris. Enfin, nous avons aussi un savoir-faire reconnu comme exploitant d’aéroports, mais aussi de construction, une activité que nous exerçons par le biais de notre filiale TAV Construction et qui nous permet, à certaines conditions, de créer de la richesse en France en nous développant à l’étranger. Nos acquisitions sont en effet conditionnées par quatre facteurs : nous n’acquérons d’aéroports étrangers que si nous les contrôlons ; nous voulons pouvoir exercer toutes nos compétences
– ingénierie, construction et exploitation ; la croissance de la société visée doit être supérieure de 50 % à celle de notre croissance à Paris ; sa rentabilité doit être satisfaisante.

J’en viens aux enjeux de proximité. Pour maintenir une performance à long terme, les aéroports ne peuvent se désintéresser des territoires, à commencer par les accès. Nous avons milité en faveur des lignes du Grand Paris et nous saluons la décision prise par le Premier ministre d’accélérer la réalisation de la desserte des aéroports d’Orly et de Roissy ; nous avons bon espoir que la desserte de Saclay sera également accélérée. D’autre part, et sans que cela entre aucunement en concurrence, nous plaidons en faveur de la ligne CDG Express. Aucun aéroport comparable au monde n’est dépourvu de liaison ferroviaire dédiée et sans arrêt jusqu’au centre-ville ; à l’ouverture de l’aéroport du Bourget déjà, en 1936, un haut responsable de l’aviation civile disait qu’il était crucial d’en envisager une, très vite… La ligne CDG Express ayant connu les vicissitudes que vous savez, nous avons fait savoir au Gouvernement qu’ADP accepterait d’investir dans ce projet au même taux de rentabilité interne que Réseau ferré de France. Il le fallait, non pour gagner de l’argent, mais parce que si cette ligne n’est pas construite, nous risquons de ne plus pouvoir exploiter l’aéroport Charles-de-Gaulle dans de bonnes conditions en 2025. Pour boucler le financement de ce projet, une « contribution » d’un euro par passager – passagers origine et destination uniquement – sera nécessaire à partir de 2023 ; il appartiendra au Parlement d’en définir le statut juridique. Nous aurons donc besoin de votre aide pour faire aboutir cet ouvrage emblématique des difficultés que peut rencontrer la réalisation d’un projet en France, alors même que 62 millions de passagers profiteront de ces 7 kilomètres de ligne nouvelle. En dépit de l’énergie déployée par MM. Cuvillier, Fabius et Montebourg, tous solidaires de notre démarche, et du soutien du Premier ministre et du Président de la République, on sait que le diable est dans les détails, et votre aide nous sera précieuse. J’ajoute que la rentabilité de la ligne CDG Express sera d’autant meilleure – ce qui permettra peut-être de réduire la durée pendant laquelle la contribution sera nécessaire – que les salariés de la plate-forme aéroportuaire l’utiliseront. Ils seront plus de 100 000 en 2023, et je n’imagine pas que leurs employeurs ne financent pas leur abonnement à la ligne qui leur permettra de rejoindre en 20 minutes l’aéroport depuis la gare de l’Est.

L’innovation touristique est un autre enjeu du territoire. C’est pourquoi nous soutenons l’incubateur Welcome City Lab avec la Mairie de Paris. Nous promouvons l’offre touristique francilienne en cofinançant les points d’accueil des touristes dans les aéroports. Nous menons également de nombreuses actions qui visent les riverains. En matière de transport par exemple, l’association Papa Charlie qui met à disposition des véhicules à des conditions extrêmement avantageuses ; nous avons aussi créé un service de transport à la demande, vers leur lieu de travail, pour tous nos salariés habitant dans un rayon de 15 kilomètres autour de l’aéroport.

Nos initiatives ont été appréciées par les investisseurs, puisque notre capitalisation boursière a franchi cette après-midi même la barre des 10 milliards d’euros. Le cours de l’action, qui était de 58 euros le 28 novembre 2012, s’établit à 101 euros aujourd’hui. La valorisation d’Aéroports de Paris a donc progressé de quelque 4,2 milliards d’euros.

Toutes ces réalisations sont le fruit du remarquable travail de nos équipes, dont le sens des responsabilités, l’attention au détail et le sens du client m’ont impressionné. Cela reflète la conscience professionnelle de ceux qui savent qu’ils détiennent entre leurs mains la vie des gens. Nous avons été très agréablement surpris par la faculté de transformation de l’entreprise, qui est déjà largement en mouvement.

Si vous me renouvelez votre confiance pour les soixante prochains mois, je me propose de renforcer la compétitivité des aéroports parisiens. Pour capter la croissance du secteur aérien, qui se développe deux fois plus vite que la richesse nationale, nous avons triplé notre présence dans les salons professionnels afin d’attirer à Paris de nouvelles compagnies aériennes – avec succès, puisque nous en avons accueilli seize nouvelles au cours du dernier semestre. Ainsi de la compagnie Jet Airways, qui dessert principalement Mumbai, et de la compagnie Hunnu Air, qui a établi la première liaison directe avec Oulan-Bator, faisant de Paris une étape privilégiée pour la diaspora mongole de Los Angeles, à la grande satisfaction de M. le député Jérôme Chartier, ardent promoteur de cette liaison avec un pays à l’économie prospère. Nous faisons d’une pierre deux coups, en accroissant le trafic aérien à Paris et en permettant à Air France d’attirer plus de passagers dans notre hub de CDG, qui propose 25 000 correspondances hebdomadaires en moins de deux heures, contre quelque 12 000 pour Francfort et 8 000 pour Amsterdam-Schiphol. La position de Paris est particulièrement forte pour les vols vers l’Afrique : 20 % de toutes les connexions européennes vers le continent africain se font en passant par l’escale parisienne. Nous continuerons dans cette voie en négociant avec l’État un contrat de régulation économique assurant que nos investissements répondront de la meilleure manière aux besoins de développement du hub.

Le renforcement de la compétitivité du secteur passe aussi par la poursuite de la rénovation de l’aéroport d’Orly où, depuis trois ans, se dessinent les contours d’une « aéroville » d’une extrême modernité. En 2025-2028, l’aéroport sera un pôle de connexion majeur, regroupant la ligne du Grand Paris, une gare TGV, la desserte de Saclay, première technopole européenne, et un quartier d’affaires – Cœur d’Orly – pour lequel nous avons déjà acquis 140 000 mètres carrés de droits à construire ; le premier immeuble est sorti de terre il y a un an. La jonction entre les terminaux Sud et Ouest va permettre d’augmenter la capacité d’accueil d’Orly de 5 millions de personnes, au bénéfice de cette future ville aéroportuaire.

Nous souhaitons aussi attirer davantage de fret à Paris, et je me félicite que, lors du Conseil d’attractivité du territoire du 17 février dernier, le Gouvernement ait décidé de simplifier le régime actuel de la TVA applicable aux entreprises importatrices, qui nuit sérieusement à l’attractivité des plateformes logistiques françaises et à la compétitivité des PME. Grâce à cette mesure, à partir du 1er janvier 2015, certains colis convoyés par Fedex à Paris ne seront plus envoyés par camion à Amsterdam pour y être dédouanés avant de revenir à Paris…

Nous devons aussi poursuivre la recherche de l’excellence dans l’accueil des passagers. Aujourd’hui, un voyageur n’attend rien d’un aéroport, sinon que son avion parte à l’heure. Notre objectif est de créer une marque Aéroports de Paris, ce qui suppose de fournir des services bien identifiés, et pour commencer d’homogénéiser les terminaux. Je souhaite par exemple que l’on trouve au terminal G de l’aéroport de Roissy, dont l’aménagement actuel suscite des interrogations légitimes, des commerces, des possibilités de restauration et des salons d’attente équivalents à ceux du terminal E.

Nous voulons surtout exprimer notre engagement en termes de qualité de service. Notre métier tient, par certains aspects, de l’hôtellerie. Toute personne qui se présente à l’aéroport doit donc être accueillie et orientée par un agent facilement identifiable, en faction aux portes des terminaux. Plus généralement, nous tenons à améliorer le parcours des passagers. Nous nous pencherons aussi sur les besoins des clientèles étrangères, en indiquant de manière lisible l’emplacement des bureaux de détaxe et en améliorant notablement la signalétique à l’arrivée. Sait-on que de nombreux Chinois renoncent à venir en Europe pour éviter l’humiliation due à l’absence d’indications dans leur langue ? Imaginons quelle serait la réaction d’un voyageur étranger débarquant à l’aéroport de Pékin et devant se diriger en lisant des idéogrammes et seulement des idéogrammes… Notre attitude à l’égard des visiteurs chinois, qui constituent un gisement de touristes phénoménal, doit être plus amicale. L’aéroport international de Copenhague a déjà défini un plan d’accueil des Chinois, et nous devons faire mieux. Nous continuerons aussi de nous mobiliser en faveur de l’amélioration des accès aux aéroports franciliens. Nous prévoyons des gros investissements en faveur des accès routiers dans le prochain contrat de régulation économique, et en faveur de l’accès ferroviaire avec notre participation à la construction de la ligne CDG Express.

Je vous l’ai dit, nous poursuivrons aussi notre développement international, facteur de créations d’emplois et de croissance de l’entreprise, en étant toujours attentifs à la rentabilité de nos investissements au regard des risques pris. Il ne s’agit pas d’aller planter notre drapeau pour le plaisir ; le développement international exige de la modestie, et l’analyse de dix dossiers pour n’en gagner qu’un. En 2014, nous espérons remporter au moins l’un des deux appels d’offres auxquels nous avons soumissionné ou allons le faire: le marché de rénovation et d’exploitation de l’aéroport La Guardia à New York, en association avec un fond d’investissement américain et notre partenaire turc TAV, et, en partenariat avec Vinci Airports, le marché de construction d’un nouveau terminal à Santiago du Chili et de concession de l’exploitation de l’aéroport pour vingt ans.

Enfin, notre développement devra satisfaire toutes les parties prenantes, et d’abord nos clients, les compagnies aériennes. La coutume est d’opposer la prétendue bonne santé des aéroports à la santé difficile des compagnies aériennes. La loi dispose que les aéroports doivent être rémunérés pour les installations qu’ils mettent à la disposition des compagnies à un rendement égal au coût du capital : l’intégralité de ce coût, mais ce coût seulement. Or, le coût du capital d’ADP est estimé à 6 %, et le rendement de notre base d’actif régulé est de 3 % ; autrement dit, à chaque nouvel investissement pour des terminaux ou des pistes, nous détruisons de la valeur. C’est dans ce contexte que, négociant le prochain contrat de régulation économique avec l’État, nous nous efforçons de faire tous les investissements nécessaires mais aucun investissement superflu, et de réduire nos charges de fonctionnement au maximum pour pouvoir proposer les tarifs les plus bas possible, de manière à accroître le trafic aérien et le nombre de commerces dans les aéroports.

Je me dois cependant de ramener à sa juste proportion la charge que représentent pour les compagnies aériennes les redevances aéroportuaires perçues par ADP. Ainsi, notre principale cliente dépense 7,5 milliards d’euros en frais de personnel, 7,5 milliards d’euros encore en carburant, et 430 millions d’euros en redevance aéronautique. C’est dire qu’une augmentation de 1 % de la redevance représente 0,03 % de ses charges cumulées de personnel et de carburant. En réalité, nos intérêts sont les mêmes. Celui d’ADP, je m’en porte garant, c’est de proposer, pour attirer des compagnies, les tarifs les plus bas possible, en respectant la loi et l’intérêt social de l’entreprise qui demandent un rendement de 6 % de la base régulée. Mais pour parvenir à ce résultat, nous n’avons d’autre marge de manœuvre que notre enthousiasme pour réduire nos dépenses et faire croître nos recettes. Pour leur part, les compagnies aériennes ont un vif intérêt à ce que les aéroports jouent le jeu du développement et du service aux clients, qui passent souvent beaucoup plus de temps dans l’aéroport que dans l’avion. En installant le Wifi gratuit illimité ou en aménageant un centre de correspondances longues, nous répondons directement à cette demande.

J’ai beaucoup insisté sur les clients parce que, je le sais, nombre d’entre vous sont à juste titre préoccupés par la santé du secteur aérien, mais nous devrons, je l’ai dit, nous préoccuper aussi de notre environnement, de nos salariés et de nos actionnaires. Nous poursuivrons la lutte contre les nuisances sonores en travaillant avec l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), et la lutte en faveur de l’intégration des plates-formes dans le territoire. Nous souhaitons aussi développer autant que possible l’actionnariat salarié. Enfin, nos actionnaires ont des motifs d’être rassurés et confiants dans l’avenir.

Dans le domaine aéronautique, la France peut s’enorgueillir d’un triple A : pour Airbus, Air France et Aéroports de Paris, trois entreprises leaders d’un secteur qui se développe plus vite que les autres. Il nous appartient d’occuper toute notre place dans l’amélioration de la prospérité de ce secteur économique.

Vous pouvez être assurés de tout mon engagement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie. L’État détient un peu plus de 50 % du capital d’ADP. Pensez-vous que cette participation est amenée à se réduire ? Selon vous, à quelle échéance se fera la ligne CDG Express, et pour quel coût ? Quand aura lieu le déménagement du siège à Roissy et combien cela coûtera-t-il ? Mis à part les aéroports de La Guardia et de Santiago du Chili, quels sont vos autres projets de développement à l’étranger et quels montants d’investissement représentent-ils ? Enfin, je considère que, pour ce qui est de l’appel d’offres relatif à l’aéroport d’Istanbul, vous avez pris la décision qui s’imposait.

La parole est maintenant à mes collègues, à commencer par les représentants des groupes.

M. Alexis Bachelay. Votre présentation très complète, Monsieur de Romanet, permettra au représentant du groupe SRC d’être bref. Le déménagement à Roissy du siège d’ADP suscite inquiétudes et interrogations parmi les salariés. Pourquoi ce choix ? Le climat social en est-il affecté ?

On entend dire que les travaux de la ligne CDG Express pourraient commencer en 2017 ; qu’en est-il ? Sachez, monsieur le président, que vous avez mon soutien, et celui d’autres élus franciliens. Je me félicite que la majorité, grâce au nouveau Grand Paris, ait fait aboutir un projet qui datait de vingt ans au moins, et que le Premier ministre ait annoncé vouloir en accélérer la mise en œuvre, ce qui renforcera l’attrait de nos aéroports soumis à une rude concurrence internationale.

Estimez-vous fondée l’estimation de 20 millions de passagers supplémentaires en France en 2030 ?

La ville aéroportuaire est un concept intéressant. La question des nuisances sonores à proximité immédiate des aéroports n’est pas réglée, mais avez-vous pris des contacts avec certaines municipalités en vue de construire des logements ? Utilisez-vous votre contribution au « 1 % patronal » pour financer des logements sociaux permettant à vos salariés de vivre plus près de leur lieu de travail ?

Enfin, ADP se donne-t-il les moyens de lutter contre la concurrence souvent sauvage que les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) font aux taxis, ou laissez-vous faire ?

M. Yves Albarello. Vous apparaissez devant nous comme un grand capitaine d’industrie placé à la tête d’un porte-avions où l’atterrissage n’est pas aisé. Car l’autoroute A1 est saturée, tandis que la route départementale RD 212 n’est pas encore rénovée. Certes, les travaux ont commencé et Aéroports de Paris en finance une partie, ce qui constitue une première. Mais il faut faire davantage si nous voulons que la France reste la première destination touristique au monde. Candidate à l’accueil de l’Exposition universelle 2025, Paris pourrait se voir opposer l’absence de liaison directe entre la ville et son principal aéroport.

Où en sont les projets de la société qui réunit l’État, ADP et Réseau ferré de France (RFF) ? S’oriente-t-elle vers une arrivée de la future ligne express à la gare du Nord ou à la gare de l’Est ? La ligne express sera-t-elle une ligne dédiée ou une ligne partagée ? Le financement laisse au demeurant souvent apparaître un écart entre les intentions annoncées et la réalisation. Quelles sont aujourd’hui les pistes de financement envisagées, hormis une nouvelle taxe sur Air France qui ne serait pas souhaitable ?

Sur un plan environnemental, la plateforme de Charles-de-Gaulle, avec ses deux doublets de pistes, constitue un vaste ensemble imperméabilisé dont les eaux de pluie sont, pour 90 %, directement rejetées dans le bassin de la Renardière, de telle sorte que la station de traitement des eaux s’en trouve saturée. Ne faudra-t-il donc pas en construire une nouvelle pour que le cercle vertueux soit atteint sur le plan écologique ?

Quant à vos rapports avec les compagnies utilisatrices, vous avez augmenté de 30 % en huit ans les droits à payer par votre premier client, Air France. En vertu du principe de la caisse aménagée, qui limite le subventionnement des services aéroportuaires par les activités commerciales, la présence de boutiques et de restaurants ne définit plus le niveau de la redevance. Elle a augmenté ainsi de 3 % par an. Or Air France réalise des pertes depuis six ans, tandis qu’Aéroports de Paris affiche un excédent brut avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations (EBITDA) d’un milliard d’euros en 2013. Un retour à une caisse unique faciliterait donc les choses.

Enfin, je crois qu’Aéroports de Paris est la première plateforme d’Europe pour le nombre de mouvements, et Londres la première pour le nombre de passagers. Quand l’aéroport de Charles-de-Gaulle passera-t-il devant celui de Heathrow y compris sur ce dernier critère ?

M. Bertrand Pancher. Nous confirmez-vous qu’Orly, Le Bourget et Roissy ont encore des capacités d’accueil et de trafic qui justifient que le débat sur la création d’un éventuel nouvel aéroport soit désormais clos ?

Ces capacités d’accueil et de trafic pourraient d’ailleurs augmenter encore si les collectivités, leurs élus et les administrations prenaient conscience de ce que les nuisances sonores dues aux avions diminuent rapidement. Vous avez évoqué avec raison ce sujet peu connu. Il y a vingt ans, comme jeune élu du conseil général de la Meuse, j’appelais de mes vœux un aéroport en Champagne, mais nous nous rendons compte aujourd’hui que les aéroports parisiens suffisent à absorber la demande.

Pour ce qui est de la responsabilité sociale et environnementale, vous dites vouloir devenir la référence européenne en ce domaine. Mais, s’il est vrai que vos intérêts sont alignés sur ceux de vos clients, un paradoxe se fait jour. Certaines compagnies aériennes, telles que celles des pays du Golfe, exploitent leur personnel de telle manière que leur venue ne saurait être encouragée. Le consommateur ou client est de mieux en mieux informé et de plus en plus vigilant sur cette question. Certes, cela relève aussi de la négociation internationale, mais il y a responsabilité partagée. Que faites-vous ?

Enfin, comme mon collègue Yves Albarello, je m’inquiète de voir l’infrastructure aéroportuaire réaliser seule de la valeur. Il est bon qu’elle soit rentable, mais le contraste est frappant avec les difficultés d’Air France. Comment pouvons-nous soutenir la compagnie nationale ?

M. Martial Saddier. Je tiens d’abord à vous indiquer que le groupe UMP soutiendra votre candidature. Je fais l’expérience régulière de la liaison « intenable » entre Charles-de-Gaulle et le centre de Paris, car le trajet entre mon domicile et l’Assemblée nationale passe précisément par la zone de l’aéroport. Une liaison express est indispensable si nous voulons rester la première destination touristique au monde, dont Aéroports de Paris soit comme la tour de contrôle.

M. Yannick Favennec. Êtes-vous aussi compétitif que les aéroports d’Amsterdam ou de Francfort ? Quelles sont vos intentions pour la négociation du prochain contrat de régulation économique ? Je pense que les redevances versées par les compagnies aériennes seront au cœur des pourparlers. Enfin, comment appréciez-vous les chances d’un troisième aéroport à Notre-Dame-des-Landes ?

M. Christophe Bouillon. Villes et aéroports tendent à se rapprocher. Comme président du Conseil national du bruit, je suis souvent interpellé par des associations de riverains. Quels efforts faites-vous, quels efforts supplémentaires êtes-vous prêts à faire, pour réduire les nuisances sonores, que ce soit en augmentant la protection ou en favorisant une réduction du bruit à la source ? Votre action en ce domaine est susceptible de dégager une réelle valeur ajoutée.

M. Jean-Pierre Vigier. Le trafic de passagers augmente à un rythme tel que son volume aura doublé de 2010 à 2030. Cette hausse s’observant cependant pour l’essentiel en Asie plutôt qu’en Europe, comment Aéroports de Paris se positionne-t-il pour en tirer parti ? Par ailleurs, après son entrée récente au conseil d’administration d’ADP, Vinci a noué un partenariat avec l’entreprise pour développer l’aéroport de Santiago du Chili. S’agit-il d’une coopération ponctuelle, ou augure-t-elle d’autres projets communs de ce type ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Je salue l’ambition que vous portez, dans un secteur d’importance stratégique, puisque Aéroports de Paris est comme une porte d’entrée sur la France. Avec notre collègue Bruno Le Roux, nous constatons, au sein de la mission d’information sur la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025, combien est importante la question de la liaison entre Charles-de-Gaulle et le centre de Paris. Pour favoriser l’intermodalité, comment la future liaison expresse s’articulera-t-elle avec les lignes à grande vitesse ?

Mme Catherine Quéré. Oui, l’absence d’une liaison directe entre Paris et Roissy ferait grand tort à une candidature de la France à l’exposition universelle de 2025. J’ai récemment testé, en compagnie de notre collègue Jérôme Chartier et de quelques autres, la liaison nouvelle entre Paris et Oulan-Bator. Il me semble qu’elle ne pourra se développer pleinement que lorsque les cinquante kilomètres qui séparent là-bas l’aéroport et la ville seront eux-mêmes parcourus par une ligne directe, qui n’est encore qu’en chantier.

À Mexico, il y a quelques années, je me souviens que les renseignements étaient donnés aux voyageurs à leur arrivée par des personnes en fauteuil roulant. Cela donnait d’emblée une belle image de solidarité. Ne gagneriez-vous pas à vous inspirer de cette expérience ? Quelle est votre propre politique du handicap ?

À Doha, plus récemment, je n’ai vu sur les pistes que des avions de la compagnie Qatar Airways. Était-ce un hasard ou l’aéroport n’est-il pas ouvert aux autres compagnies ?

M. Christophe Priou. Au dernier Salon des maires de France, vous avez reçu une Marianne d’Or pour votre politique environnementale, en particulier pour votre maîtrise des consommations d’énergie et de production d’énergies renouvelables. Quelles sont les grandes lignes de la politique environnementale que vous proposez pour l’avenir ?

Au demeurant, je ne doute pas que la commission s’oriente vers une approbation à l’unanimité de votre candidature.

Quel avis portez-vous sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Serait-il dans une relation de concurrence ou de complémentarité avec Aéroports de Paris ?

L’agglomération parisienne ne cesse de croître et de déborder de ses limites historiques, de sorte que Paris n’est plus dans Paris. Il faut en prendre conscience si nous voulons rester la première destination touristique au monde.

M. Gilles Savary. Je veux faire chorus avec notre collègue Yves Favennec sur la hausse des redevances exigées des compagnies aériennes, en particulier de la compagnie nationale. Dans le domaine ferroviaire, le problème se pose dans les mêmes termes, et s’ajoute aux autres difficultés stratégiques. Nous devons donc rester très vigilants sur cette question.

Dans cette perspective, faut-il vraiment financer la future ligne express vers Charles-de-Gaulle par une redevance à un euro, plutôt que de faire fond sur les activités commerciales ? La séparation stricte entre ces dernières et les activités aéroportuaires, en vertu du principe de double caisse, constitue un véritable privilège que la négociation du troisième contrat de régulation économique remettra peut-être en cause, car je crois qu’il ne faut pas trop charger le baudet.

Quelle est votre stratégie vis-à-vis des aéroports régionaux ? Ne peuvent-ils être un outil de desserrement ?

Quelle est votre stratégie avec les hubs du Golfe ? Sous contrôle gouvernemental, ils pratiquent, dans une relative opacité, des redevances faibles qui peuvent, me semble-t-il, mettre à mal la concurrence.

M. Guillaume Chevrollier. La desserte aéroportuaire étant un enjeu d’intérêt national, je tiens à saluer votre bilan et vos chiffres de croissance. En fournissant l’accès WiFi gratuit et illimité à tous les passagers depuis le 1er juillet 2014, vous améliorez l’accueil, à un moment où l’hospitalité est primordiale pour le tourisme comme pour les autres secteurs. Malheureusement, de ce point de vue, la liaison entre Charles-de-Gaulle et Paris donne encore une mauvaise image de notre pays.

Comme mes collègues des Pays de la Loire, je m’interroge sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. L’envisagez comme un enjeu pour l’aménagement du territoire ou pour le tourisme ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il vous revient maintenant, monsieur le président, de répondre aux questions de nos collègues, même si vous avez déjà apporté de nombreux éléments que vous complèterez.

M. Augustin de Romanet. Est-ce une bonne chose que l’État détienne une courte majorité – 50,6 % – du capital d’Aéroports de Paris ? Il ne me revient pas de me prononcer, mais je peux vous livrer une certitude professionnelle et mon opinion de citoyen. Jeune fonctionnaire, j’étais souvent irrité d’entendre, quand un fonctionnaire était nommé à la tête d’une entreprise publique, le nouveau titulaire préconiser dès son arrivée le désengagement de l’État de son capital. Le jour où mon actionnaire principal m’empêchera de faire ce qui me semble bon pour l’entreprise ou me demandera de faire quelque chose qui me semble mauvais pour elle, j’en discuterai en tête à tête avec lui, avant, éventuellement, de démissionner, mais il se trouve que je travaille bien avec l’actionnariat actuel, qui me permet de servir l’intérêt social de l’entreprise.

Comme vous l’aurez compris, une entreprise publique peut être aussi une entreprise performante. À titre personnel, j’estime utile que l’État détienne à tout le moins une minorité de blocage au sein de l’actionnariat d’Aéroports de Paris, qui gère un outil essentiel pour le pays.

S’agissant de la ligne express entre Paris et Charles-de-Gaulle, je crois que le diable est dans les détails. Nous attendons incessamment un avis juridique pour savoir si une nouvelle déclaration d’utilité publique sera nécessaire pour lancer le projet, ce qui retarderait celui-ci de six mois à deux ans. Il serait pourtant idéal que les travaux débutent en 2017. Selon ce calendrier, la société créée le 31 décembre 2013 par ADP, RFF et l’Etat conduirait les études de faisabilité et de financement en 2014, établirait le cahier des charges en 2015, choisirait le constructeur en 2016 et commencerait les travaux en 2017.

Le déménagement du siège à Charles-de-Gaulle ne doit pas coûter plus que ce que rapporte la vente de l’immeuble du boulevard Raspail, soit entre 55 et 60 millions d’euros. Nous accueillerons du reste au sein du nouveau siège la Maison de l’Environnement d’Aéroports de Paris, qui permet aux enfants des écoles de découvrir nos activités et renforce la proximité de l’entreprise avec son voisinage.

Notre position en matière d’investissements internationaux ne consiste surtout pas à planter partout à l’étranger de petits drapeaux pour le plaisir. Sur un total de 3 milliards d’euros investis à l’étranger, l’investissement par pays se chiffre en millions : une vingtaine, par exemple, en Croatie ou en Jordanie. Le projet turc fait plutôt figure d’exception avec ses 700 millions d’euros, qui constituent sans doute un cas unique en dix ans. Dans le cadre du troisième contrat de régulation économique (CRE), nos engagements à l’international ne devraient pas dépasser 15 % du total, ce qui signifie qu’ils ne se feront pas au détriment d’investissements sur le territoire national.

Pour l’accueil des passagers, des écrans d’accueil seront bientôt placés au débouché de chacune de nos quelque 330 passerelles. Aucun couloir de nos aéroports ne sera laissé nu : les voyageurs pourront au contraire y admirer au contraire des photographies de nos magnifiques sites français.

Des inquiétudes se sont exprimées à propos du climat social qui entoure le déménagement du siège vers Charles-de-Gaulle. Ne voulant être à l’origine d’aucune dépression chez les membres du personnel, j’ai souligné d’emblée que personne ne serait forcé de partir à Roissy. Je comprends tout à fait que telle situation de famille, ou tel emplacement du domicile, puisse rendre difficile un transfert de ce type. Nous disposons d’ailleurs à Orly d’une base considérable pour ceux qui habitent le Sud de l’Île-de-France.

En outre, le nouveau siège sera relativement petit et ne comptera que 350 places de travail, contre 3 000 à l’aéroport d’Orly et autant à celui de Charles-de-Gaulle, le siège actuel du boulevard Raspail en hébergeant entre 300 et 400. Or, nous avons déjà 680 demandes, ce qui prouve que les inquiétudes du début sont dissipées.

Il faut cependant reconnaître que la desserte actuelle ne fera pas de ce transfert une partie de plaisir. Aussi me suis-je rendu dans l’entreprise Atos, à Bezons, où le télétravail est couramment pratiqué. Etant donné les conditions du trajet, il serait bon, pour éviter tout mécontentement de nos jeunes cadres ou agents d’entretien, qu’ils puissent travailler à distance un jour par semaine, en contrepartie de ces conditions de transport difficiles. Pour l’avenir, nous prévoyons de prendre en charge une bonne part de leur abonnement à la future ligne expresse vers Charles-de-Gaulle, si elle se fait et si elle n’est pas saturée par le trafic des voyageurs – trafic dont je vous confirme qu’il est susceptible d’augmenter de 20 millions d’unités d’ici à 2030.

Nous pensons également au logement des personnes travaillant sur la zone aéroportuaire. Ainsi, Aéroports de Paris a financé un foyer de jeunes travailleurs à Charles-de-Gaulle. À Villeneuve-le-Roi, des logements sont aussi en construction, tandis qu’à Saint-Cyr-l’École nous étudions les possibilités d’en bâtir sur les terrains d’aviation générale. Autour de Charles-de-Gaulle, des maires nous ont enfin approchés pour que nous envisagions des constructions dans des secteurs exposés au bruit, mais où l’indice global pondéré qui permet de le mesurer a baissé de 93 en 2007 à 79,8 en 2012. Car la diminution des nuisances sonores crée de nouvelles possibilités en matière de logement.

Les salariés d’Aéroports de Paris travaillent à éviter que les taxis clandestins ne chahutent les taxis réglementés. Votre collègue Thomas Thévenoud a exploré le problème à fond dans son récent rapport. Les solutions qu’il préconise méritent l’attention : la création d’une voie dédiée ; la mise en place d’un forfait aéroport, qui simplifierait la tâche aux VTC ; l’ouverture d’un parking destiné aux professionnels pour les terminaux 2 E et 2 F.

Pour la liaison expresse entre Paris et Charles-de-Gaulle, nous avons repris le projet de Vinci de 2012, qui prévoyait une arrivée de la ligne à l’extrémité ouest de la gare de l’Est, tout près de la gare du Nord. Néanmoins, nous étudions aussi l’éventuelle possibilité d’un branchement à la gare Eole, c’est-à-dire gare du Nord, et à la gare Saint-Lazare. Ce ne sera néanmoins possible que s’il y a possibilité de retournement des trains à Saint-Lazare. Ce problème technique n’ayant pas encore trouvé de solution, la priorité reste à la création d’une ligne qui, en l’état actuel de nos réflexions, arriverait gare de l’Est. Cette gare est toute proche de la gare Magenta et de la gare du Nord, étant reliée à elle par la rue d’Alsace et par des escaliers en haut desquels se trouve le café L’Entredeux, le nom signalant – déjà ! – l’équidistance entre les deux gares. La gare de l’Est est deux fois plus grande et accueille six fois moins de voyageurs que la gare du Nord, de sorte qu’elle est douze fois moins dense que cette dernière et qu’elle présente un potentiel réel. Pour tenir la date de 2023, il faudra en tout état de cause se fixer assez rapidement sur une gare d’arrivée, sans plus trouver chaque jour de nouvelle variante.

Pour le financement de la ligne, ADP et RFF apporteraient les fonds propres, dont le taux de rentabilité serait fixé au taux défini par leur actionnaire. Quant au reste, la société fera appel aux banques, aux fonds souverains et aux « caisses des dépôts » du monde entier, pour obtenir les financements les plus avantageux sur une période longue.

L’eau constitue un sujet qui mobilise élus et préfets. Nous travaillons sur le bassin de la Renardière, pour lequel la convention quinquennale a été renouvelée il y a quelques jours. Il faut en effet séparer eaux vives et eaux de ruissellement. À terme, les eaux pluviales qui se déversent sur les plateformes devraient être dirigées vers la Marne. Certes, quand je suis arrivé à Aéroports de Paris, un projet d’investissement de 100 millions d’euros était envisagé, que j’ai réduit à 30 millions. Cependant, nous restons très attentifs aux avis des experts sur les risques d’inondation ou de pollution des eaux.

Le risque que, à cause de la double caisse aménagée, les activités rentables ne participent pas au financement des autres activités préoccupe beaucoup d’entre vous. Certes, comme dirigeant d’entreprise, je dois œuvrer pour l’intérêt social de celle-ci, qui est de se développer de manière performante dans tous ses segments d’activité. Reste que le système de la double caisse aménagée constitue, à mon humble avis, « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ».

Dans un article publié dans Les Échos il y a trois ou quatre mois, M. Xavier Fontanet imaginait une classe de mathématiques composée de deux élèves, l’un ayant une moyenne de 2 sur 20 et l’autre de 18 sur 20, et dont le professeur déciderait de mettre 10 à l’un et à l’autre. Dans ce cas de figure, poursuivait-il, tout le monde cesserait de faire des efforts… De même, avec un retour à la caisse simple, la pression à la rentabilité baisserait du jour au lendemain. Il n’y aurait plus d’incitation à construire des commerces, de l’immobilier ou des parkings. Ce serait « sous-optimal ». Or, le centre de correspondances longues, les salles d’attente très confortables, l’accès rénové par la RD 212, la mise à disposition du WiFi illimité ont aussi un coût, qui ne peut être pris en charge que grâce à une gestion performante. Nous verrons dans le troisième CRE ce qu’il est possible de mettre en œuvre, sur le plan de la comptabilité analytique, pour favoriser le développement des compagnies, mais, dès aujourd’hui, le produit des parkings contribue au financement des activités régulées.

Je suis donc partisan d’un statu quo d’intérêt collectif. Les compagnies aériennes, en tout cas notre principal client Air France, comprennent la démarche. Quant à l’évolution des tarifs, j’admets que, depuis le deuxième CRE, les redevances ont augmenté de 8 % entre 2010 et 2012, mais elles ont augmenté dans le même temps de 12 % à Heathrow et de 20 % à Francfort. En accordant un indice 100 à Aéroports de Paris, les services aéroportuaires sont facturés au niveau 118 à Francfort ou au niveau 221 à Heathrow, aéroport congestionné il est vrai. Nous restons cependant, j’en conviens, plus chers qu’Amsterdam ou Madrid, en particulier pour les vols long courrier, mais nous nous efforçons de rééquilibrer nos tarifs, en nous fondant davantage sur le taux de remplissage de l’avion que sur sa capacité, afin de favoriser le développement de Charles-de-Gaulle comme plateforme de connexion.

Au rythme actuel, l’aéroport de Paris dépassera Londres dans cinq ans pour le nombre de passagers. Nous gagnons en effet deux millions de passagers par an, alors que les infrastructures de Heathrow tournent déjà à 99 % de leurs capacités. Or Londres accueille aujourd’hui 72 millions de passagers, tandis que nous n’en accueillons que 62 millions.

Aussi puis-je me réjouir de vous dire que des capacités sont encore disponibles à Paris, de sorte qu’un troisième aéroport ne devrait pas être nécessaire. Charles-de-Gaulle n’arrivera en effet arriver à saturation qu’en 2050, et la connexion aura été largement améliorée d’ici là avec les aéroports situés à moins d’une heure de Paris, c’est-à-dire Lille-Lesquin, Metz-Nancy-Lorraine ou Vatry. Que représentent trois quarts d’heure de TGV pour un voyageur qui va en Chine ? Pour Vatry, cependant, la perspective est peut-être un peu moins optimiste, car la liaison ferroviaire reste peu commode sur le dernier tronçon du trajet.

S’agissant des compagnies des pays du Golfe, c’est une prérogative de l’État que de décider si une compagnie doit jouir de droits de trafic. Aux yeux d’Aéroports de Paris, toutes les compagnies sont bienvenues dès lors qu’elles ont été agréées par l’Etat, et toutes sont traitées sur un pied d’égalité.

Mon premier client, Air France, bénéficie de tous les égards qui lui sont dus. Une semaine après mon arrivée, j’ai rencontré son président-directeur-général, qui m’a suggéré d’améliorer l’accès Est de Charles-de-Gaulle et d’y transférer le siège social implanté boulevard Raspail. Une fois revenu de ma surprise, j’ai dû convenir qu’il avait raison.

Les travaux d’aménagement Est menaçaient de prendre quatre à dix ans sans l’intervention d’Aéroports de Paris. Aussi ai-je décidé d’apporter les deux millions d’euros initialement prévus. L’État s’est montré fair-play et a apporté les deux millions d’euros supplémentaires qui se sont avérés nécessaires lorsque le coût total des travaux a été révisé à 4 millions d’euros. Ainsi sera inauguré en novembre 2014 un ouvrage financé à égalité par l’État et par ADP, selon une formule qui a permis de gagner beaucoup de temps.

Quant à la concurrence avec Francfort, nous ne la craignons pas, car la ville, malgré ses atouts considérables, n’est pas une destination touristique et ne bénéficie pas d’un bassin d’implantation aussi dense. Reste que, pour attirer les compagnies, nous devons pratiquer des tarifs bas, car le prix est le premier critère qu’elles prennent en compte.

Monsieur Christophe Bouillon, vous avez raison d’aborder le problème des nuisances sonores, qui peuvent en effet être diminuées à la source ou par des protections accrues, parfois très sophistiquées. La réduction à la source relève des constructeurs d’avion. J’ai vu récemment voler le nouvel avion électrique qui fait aussi peu de bruit qu’un séchoir à cheveux. S’agissant de la protection, nous nous efforçons de gérer au mieux la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). La situation de trésorerie étant actuellement difficile, il serait opportun de rétablir un ticket modérateur, ne serait-ce que de 20 %, afin de responsabiliser les acteurs et d’engager les dépenses là où elles sont le plus nécessaires.

Enfin, à l’instigation de l’ACNUSA, nous avons mis à l’étude une alternance des vols de nuit entre les zones nord et sud de Charles-de-Gaulle. Nous la mettrons volontiers en œuvre si elle est techniquement possible.

Quant à nos capacités d’augmentation du trafic, je voudrais souligner que notre objectif reste d’attirer plus de compagnies aériennes, à un rythme supérieur à la croissance du marché, elle-même supérieure à la croissance du produit intérieur brut.

En vertu d’un agrément de l’État, Vinci, actionnaire à 8 % d’Aéroports de Paris, siège en effet à son conseil d’administration. Les dispositions du règlement intérieur sur le conflit d’intérêt permettent de prévenir toute confusion. Dans ce contexte, l’opération réalisée en commun à l’aéroport de Santiago donne l’occasion aux deux entreprises d’approfondir leur compréhension réciproque.

Monsieur Jean-Christophe Fromantin, l’intermodalité est un enjeu capital pour Orly et pour sa gare TGV, dont l’emplacement sera primordial. Il faut qu’elle soit située au-dessus d’Orly Sud, et non à la gare de Rungis, située à un kilomètre : c’est peu, me dira-t-on, mais c’est en fait décisif. C’est un point que vous pourrez surveiller à travers la mission sur l’exposition universelle 2025, qui a mis en effet en évidence le problème de la liaison de Paris avec ses aéroports.

Soucieux de solidarité, Aéroports de Paris a porté de 5 % à 6 % la part de ses salariés handicapés. Antérieurement, j’avais fait passer cette proportion de 2 % à 6 % à la Caisse des dépôts et consignations. Mais la perception de l’accueil et du service n’est pas toujours ce qu’on imagine.

Ainsi, nous avons recueilli des réactions négatives après avoir fait arborer à notre personnel d’accueil des écharpes orange portant, dans toutes les langues, la mention : « Heureux de vous accueillir. » Des voyageurs à l’esprit moqueur n’ont pas hésité à le tourner en dérision devant leurs enfants, car le mot de « service » reste trop souvent, dans notre pays, associé à celui de « servitude ». Malgré des intentions excellentes, le recours à du personnel handicapé pour assurer l’accueil pourrait être ainsi être interprété comme une intolérable exploitation.

D’une manière générale, Aéroports de Paris emploie 1 700 personnes pour la prise en charge les personnes handicapées à mobilité réduite. Le handicap est donc un secteur où l’entreprise est très active.

L’aéroport de Doha n’est qu’un petit hub, même s’il est plutôt grand par rapport à la taille de la ville. Il est donc fort possible, madame Catherine Quéré, que vous n’y ayez vu que des avions de la compagnie nationale du Qatar, mais d’autres y sont également présentes. D’une manière générale, cette situation doit nous inviter à réfléchir au maintien de conditions de concurrence égales entre les compagnies aériennes, au regard de la tarification des différentes installations aéroportuaires qu’elles utilisent.

S’agissant du dossier de Notre-Dame-des-Landes, Aéroports de Paris n’y est pas du tout impliqué et je pourrai me contenter de cette réponse, comme on me le suggère (Sourires). Il me semble cependant que le projet a souffert de ce que la croissance du trafic aérien s’est révélée moins rapide que prévu. Il n’en demeure pas moins que Nantes est aujourd’hui très exposée au bruit et que le développement d’un nouvel aéroport serait de ce point de vue bénéfique à l’environnement, mais également avantageux pour le développement économique de la Bretagne et des Pays de la Loire, sans pour autant « voler » de clientèle à Aéroports de Paris.

M. Martial Saddier. Il est dommage que nos collègues écologistes ne soient pas là pour vous entendre ! (Sourires)

M. Augustin de Romanet. Monsieur Gilles Savary, vous avez posé la bonne question en évoquant la double caisse régulée. Je maintiens que ce système constitue le pire à l’exception de tous les autres, ce qui n’exclut pas une réflexion quant à son évolution, pour que son maintien continue à profiter aux intérêts que nous défendons en commun.

Je vous confirme également que nous avons défini une stratégie vis-à-vis des aéroports régionaux, qui nous porte moins à vouloir les contrôler qu’à chercher à profiter de l’accroissement global de trafic qu’entraîne leur développement.

Vis-à-vis des hubs du Golfe, la coordination européenne n’est sans doute pas encore suffisante, car les Européens se voient encore trop comme concurrents entre eux. Il faudra sans doute travailler à la définition d’une position commune.

M. Gilles Savary. Est-ce qu’Airbus pèse sur les Européens sur cette question des conditions de concurrence plus équitables ?

M. Augustin de Romanet. Vous êtes un spécialiste de ces questions, Monsieur le député, et votre formulation contient en elle-même la réponse. Aéroports de Paris n’est pas compétent pour attribuer les créneaux horaires aux compagnies.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous vous remercions, monsieur le président, d’avoir répondu à toutes nos questions, sans jamais chercher d’échappatoire.

*

* *

Après le départ de M. Augustin de Romanet, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d’âge étant Guillaume Chevrollier et Martial Saddier :

Les résultats du scrutin qui a suivi l’audition sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

—fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Réunion du mardi 22 juillet 2014 à 16 h 45

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Napole Polutélé, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gabriel Serville