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Mercredi 29 octobre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président puis de Mme Catherine Quéré Vice-présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Depuis le début de la législature, notre commission a souhaité suivre régulièrement les engagements financiers et les projets de développement durable concernés par les investissements d’avenir. Après avoir reçu à deux reprises M. Louis Gallois – le 22 mai et le 29 octobre 2013, il y a tout juste un an –, nous accueillons aujourd’hui pour la première fois M. Louis Schweitzer, nouveau commissaire général à l’investissement, afin qu’il présente l’utilisation des fonds d’investissements d’avenir en faveur du développement durable.

Monsieur Schweitzer, je vous souhaite la bienvenue – et beaucoup de succès dans vos nouvelles fonctions.

M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement. Troisième commissaire général du programme d’investissements d’avenir (PIA) créé il y a quatre ans, je m’inscris résolument dans la continuité de mes deux prédécesseurs, René Ricol et Louis Gallois – qui vous a présenté les grandes lignes de ce programme il y a un an. Les fondateurs du PIA, Alain Juppé et Michel Rocard, coprésident toujours notre comité de surveillance, contribuant également à la cohérence de notre action.

Le PIA est avant tout fondé sur une exigence d’excellence. Depuis le rapport Juppé-Rocard, le Commissariat général à l’investissement (CGI) ne finance pas les investissements tout-venant, mais uniquement des projets innovants qui construisent notre avenir en permettant d’exploiter notre potentiel de croissance durable. Cette exigence se traduit par des procédures particulières de sélection – appels d’offres, appels à manifestation d’intérêt, recours à des experts reconnus et parfois à des jurys – qui apparaissent pourtant trop lentes et parfois trop compliquées. À la suite de Louis Gallois, je souhaite donc promouvoir la vitesse, mais également – afin de ne pas perdre en qualité – la simplicité. Les progrès sont particulièrement nécessaires dans le domaine de l’énergie et de l’économie circulaire où la lenteur des procédures décourageait certains candidats à l’investissement. En effet, le délai entre le dépôt d’un projet par un investisseur et la décision d’attribution d’un financement par le CGI dépassait souvent douze à quinze mois. Pour les entreprises – souvent jeunes et faisant face à des problèmes de trésorerie –, de tels délais sont insupportables, surtout en matière d’innovation où tout retard peut permettre aux concurrents de prendre de l’avance.

Le CGI est une petite structure d’une trentaine de collaborateurs – dont Thierry Francq, commissaire général adjoint, Jean-Yves Larraufie, conseiller « Filières industrielles et transports », et Fabrice Hermel, chef de cabinet et responsable de la communication, ici présents. Notre équipe s’appuie sur des opérateurs dont la mission est d’instruire les projets en amont de la décision d’attribution d’une aide – prise par le Premier ministre ou, par délégation, par le commissaire général –, puis de contractualiser et de suivre les projets en aval. Avec l’un d’entre eux, la Banque publique d’investissement (BPI), nous avons convenu de réduire la plupart des délais entre le dépôt du projet et la décision de principe à trois mois. Avec un autre – l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) –, nous avons décidé de réformer les procédures pour parvenir à un délai de quatre à six mois. Pour les dossiers moins importants, que je peux signer par délégation, je souhaite aller plus loin encore pour arriver à un délai de trois mois entre le dépôt du projet et la contractualisation – moment où le bénéficiaire signe un contrat avec l’opérateur et reçoit le premier versement de l’aide. En effet, pour certains projets très compliqués et très chers, comme celui des hydroliennes – fermes pilotes transformant l’énergie des courants marins liés à la marée en énergie utilisable –, le délai de traitement du dossier est nécessairement important car on a affaire à plusieurs entreprises de métiers différents et à des risques techniques et économiques élevés. Mais dans beaucoup d’autres domaines, rien ne justifie la lenteur, et il faut simplifier et accélérer notre action.

Au PIA 1 de 35 milliards d’euros s’ajoute un PIA 2 de 12 milliards, portant le total à 47 milliards. Ces sommes ne sont pas toutes de la même nature. Dans le cadre des dotations non consommables destinées aux universités et aux laboratoires d’excellence, le bénéficiaire ne touche pas la somme – déposée au Trésor –, mais seulement ses intérêts. Ceux-ci représentent 3,5 % par an pour le PIA 1 et 2,5 % pour le PIA 2 ; un engagement de 1 milliard d’euros génère ainsi, pour le PIA 1, 35 millions et pour le PIA 2, 25 millions d’euros effectivement versés par an. Nous faisons également des subventions et des avances remboursables – prêts à très hauts risques qui ne sont remboursés que si certaines conditions sont remplies. Ces deux dernières catégories entrent dans le déficit budgétaire au sens de Maastricht ; d’autres mécanismes d’intervention – dotations en capital ou prêts – n’y entrent pas dès lors que nous agissons en investisseur avisé, avec un souci de rentabilité similaire à celui qu’aurait un acteur privé. Prépondérante dans le PIA 1, la part des financements qui affectent le budget de l’État est beaucoup plus faible dans le PIA 2.

Sur les 47 milliards d’euros du PIA, nous avons engagé un peu plus de 32 milliards. Il y a un an, Louis Gallois en était à un peu moins de 30 milliards ; le rythme d’engagement est donc à mes yeux trop faible. Quant aux décaissements, ils ne représentent qu’un peu moins de 9 milliards d’euros. En effet, pour les dotations non consommables, les décaissements sont faibles par construction ; quant aux autres projets – subventions ou avances remboursables –, les sommes sont versées à l’avancement. Un premier montant est décaissé au moment de la contractualisation, le reste ne suivant qu’au fur et à mesure que le partenaire exécute les dépenses. Il est donc naturel que les décaissements effectifs qui pèsent sur le déficit d’exécution du budget de l’État soient beaucoup plus faibles que les engagements. Pour les années à venir, nous imaginons des décaissements de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros par an. Mon objectif, d’ici à fin 2017, est d’engager la totalité des crédits des PIA 1 et 2.

Les projets relatifs à l’environnement et au développement durable bénéficient d’enveloppes dédiées au sein des PIA 1 et 2, d’un montant de 4,3 et d’environ 2,2 milliards d’euros respectivement. En même temps, au moins 50 % des investissements industriels du PIA 2 doivent comporter une dimension « développement durable » explicite et mesurable. Les appels à projets dans ce domaine attirent pourtant moins de candidats qu’ailleurs. Si l’on peut partiellement l’expliquer par la lourdeur de nos procédures – il peut être décourageant, pour une entreprise, d’engager un processus dont elle ne verra le résultat que dans dix-huit mois –, les projets pertinents en matière de développement durable sont peut-être moins nombreux que nous ne le voudrions. J’étudie cette question avec M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME, qui suit particulièrement ces sujets.

En sens inverse, votre Commission souhaite savoir si nous savons interrompre des actions qui ne répondent pas aux attentes. En effet, sur une soixantaine de projets, une dizaine ont été arrêtés. C’est ce qui arrive notamment aux structures qui ne décollent pas ; ainsi, alors que certains instituts de transition énergétique (ITE), dont Louis Gallois a dû vous relater le lancement, fonctionnent très bien, deux – Geodenergies et Green Stars – n’ont pas réussi. Un projet peut également être arrêté à la suite d’un effondrement du marché. Ainsi toutes les espérances liées aux énergies renouvelables n’ont-elles pas été confirmées : en matière de solaire à concentration, les perspectives de marché ont été divisées par quatre en raison de l’évolution du prix de l’énergie et des coûts technologiques ; aucun modèle ne permettant de réussir dans ces conditions, nos partenaires ont dû abandonner le projet. Dans ce type de cas, nous arrêtons le programme, et s’il s’agit objectivement d’une évolution imprévisible et de grande ampleur du marché, nous ne demandons pas le remboursement des avances déjà versées. Au contraire, lorsqu’une entreprise change d’avis et décide d’elle-même de renoncer au projet, elle doit nous rembourser les avances. Enfin, on interrompt également certains projets où la technologie ne remplit pas ses promesses et où les coûts de développement paraissent beaucoup plus élevés que prévu. La proportion de ces abandons reste limitée. Ayant affaire, dans le cadre du PIA, à des projets qui portent sur le long terme, il faut accepter un certain taux d’échec ; si nous n’en avions jamais, cela voudrait dire que nous ne prenons pas assez de risques, que nous vivons dans le présent et non dans l’avenir. Mais par nos procédures – appel à des experts, recours à des jurys, discussion approfondie avec les porteurs de projets –, nous essayons de rendre le risque raisonnable.

Parce qu’il s’agit de projets de long terme, il est encore trop tôt pour mesurer l’impact économique réel de notre action. Le groupe de travail que nous avions mis en place dès la création du PIA avait souligné que l’efficacité du programme devait être évaluée à plusieurs niveaux : la qualité des contrats, le succès des projets, et enfin l’impact de ces derniers sur une évolution plus générale. Ainsi dans l’exemple des fermes hydroliennes, la réussite du projet se mesure-t-elle d’abord à la signature du contrat ; ensuite, au fait que les fermes soutenues fonctionnent, produisant de l’électricité à un coût acceptable ; au-delà, le succès de ces installations peut avoir un effet d’entraînement sur le développement d’hydroliennes en régime économique normal ; enfin – quatrième niveau d’évaluation –, elles peuvent contribuer à atteindre l’objectif européen en matière de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables : 27 % à l’horizon 2020 pour la France.

Dans d’autres domaines, les objectifs peuvent être d’une autre nature. Ainsi, s’agissant des universités, notre action vise non seulement à soutenir la recherche, mais aussi à inciter les organisations universitaires à se rapprocher entre elles et à développer la coopération avec les entreprises de façon à faire progresser notre appareil de recherche publique. Pour certains de ces objectifs, l’efficacité de notre action peut être mesurée très vite ; pour d’autres, elle n’apparaîtra qu’à l’horizon de cinq, dix, voire quinze ans.

Je voudrais enfin évoquer les trente-quatre plans industriels – initiative d’Arnaud Montebourg – qui vous ont été présentés par Louis Gallois et dont le lancement a été entériné par le dernier comité ministériel de pilotage, qui s’est tenu le 9 juillet. Le CGI a été associé à l’instruction de ces plans, sans que ceux-ci n’ouvrent systématiquement un droit à financement au titre du PIA. En tout état de cause, leur approbation ne se substitue pas au processus de décision propre à notre programme. Certains de ces trente-quatre plans démarrent bien ; d’autres semblent moins cohérents. M. Emmanuel Macron en a annoncé le réexamen, sachant que la possibilité de les reconfigurer avait été annoncée dès l’origine, le défaut de coopération des industriels pouvant conduire à des regroupements ou à l’abandon de certains d’entre eux. La dynamique de ces trente-quatre plans me paraît bonne. Au-delà du fond, ils ont permis d’instaurer un dialogue efficace entre différents partenaires – petites et grandes entreprises, organismes de recherche, pouvoirs publics et administration – qui ont pour mission d’assurer la croissance durable. Il s’agit d’une réussite en soi, tant l’insuffisance de ce dialogue a pu handicaper la France dans la compétition internationale. En outre, ces plans ont fait apparaître des pistes nouvelles, suscitant l’intérêt des entreprises qu’ils orientent vers l’avenir.

Parmi les plans qui touchent au domaine du développement durable, le stockage de l’énergie bénéficie d’une bonne dynamique. Les deux solutions concurrentes qu’on y voit s’affronter – hydrogène ou batteries – méritent d’être explorées, tout choix apparaissant aujourd’hui prématuré. En matière de chimie verte, les progrès s’accompagnent d’une difficulté : certains de nos partenaires espéraient que ce plan permettrait de financer des activités proches de la production par des mécanismes subventionnels – procédé interdit par les règles européennes. Onze projets ont été identifiés au sein du plan « Recyclage et matériaux verts », dont l’instruction se poursuit. Pour le plan « Qualité de l’eau et gestion de la rareté », la situation est plus complexe, les règles françaises des marchés créant dans ce domaine des contraintes particulières. En matière de réseaux électriques intelligents, tout se passe bien. Le plan « Rénovation thermique des bâtiments » renvoie, en plus de l’effort de recherche, à une importante dimension réglementaire. Séduisant, le plan « Industries du bois » vise à construire des immeubles de six ou sept étages à partir de ce matériau ; alors que des maisons à énergie zéro sont déjà construites dans un département, il s’agit d’une voie prometteuse que notre pays devrait développer. Enfin, je m’intéresse particulièrement au plan relatif au véhicule consommant moins de deux litres aux cent kilomètres, qui fait l’objet de débats techniques et dont l’exécution est mise en difficulté parce qu’un des grands groupes automobiles français, qui a récemment bénéficié d’aides publiques, n’a plus le droit d’en recevoir.

Le CGI intervient également en matière de formation, finançant notamment des places d’apprentis dont 40 % sont liées à la transition écologique et énergétique. Notre action dans ce domaine rejoint ainsi l’enjeu du développement durable.

M. Arnaud Leroy. Monsieur le commissaire général, le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) est heureux du dialogue constructif que nous avons institué avec le CGI.

Vous avez évoqué l’exigence du PIA qui ne finance pas n’importe quels investissements ; combien recevez-vous de projets et combien passent le filtre ? Combien sont requalifiés ? Il est important pour la relation que vous instaurez avec les entreprises qui participent aux appels d’offres ou aux appels à manifestation d’intérêt de développer ce type d’échange.

Je salue votre volonté de remédier à la longueur et à la complexité des procédures.

Le nombre de brevets déposés a doublé à la suite de l’action du PIA. La faiblesse dont l’économie française souffrait dans ce domaine – qui l’handicapait dans la compétition internationale – est donc en train d’être efficacement combattue.

En matière de bois, vous avez mentionné les filières de construction, mais notre commission se préoccupe avant tout de la matière première. La France dispose d’une forêt étendue, mais qui n’est pas utilisée à bon escient. Nous voulons travailler sur ce problème que notre collègue Jean-Yves Caullet, président de l’Office national des forêts (ONF), connaît bien.

Je suis également heureux de vous entendre parler des trente-quatre plans de la nouvelle France industrielle, qui ont bénéficié d’un écho au-delà de nos frontières. Élu d’une circonscription des Français de l’étranger, j’ai constaté l’intérêt des autres pays à l’égard de cette démarche. L’Europe a besoin d’une industrie forte, et nous devons en convaincre la nouvelle Commission européenne.

Le PIA a également pour objectif de faire travailler les PME et de les aider à grandir pour se transformer en ETI. Le manque de propositions en matière de développement durable, que vous avez évoqué, vient peut-être aussi de la taille de nos opérateurs dans ce secteur. Quelles relations entretenez-vous avec le Comité stratégique de filières éco-industries (COSEI) ?

Qu’en est-il de vos rapports avec l’Union européenne (UE) ? Alors que s’ouvre une course contre la montre pour le plan d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par Jean-Claude Juncker, il faudrait relier ce programme au PIA. Comment permettre des financements croisés avec les instruments européens ?

Quelle suite sera donnée à la commission « Innovation 2030 » présidée par Mme Anne Lauvergeon ?

Vous avez mentionné le stockage de l’énergie et le recyclage ; quid des métaux rares et de la valorisation des richesses maritimes ?

Enfin, s’oriente-t-on vers un PIA 3 ?

M. Martial Saddier. Monsieur le commissaire général, au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), je vous remercie pour votre intervention. Pourriez-vous citer quelques exemples emblématiques de projets – déjà réalisés ou encore dans les cartons –, pour rendre le thème de cette réunion plus concret aux yeux de ceux qui suivent nos débats en direct ?

Quel montant précis a été alloué au volet environnemental des investissements d’avenir ? Pouvez-vous situer la dynamique de la filière environnementale au regard des autres secteurs prioritaires – médical, industriel ou numérique ? Le vieil adage qui veut qu’en temps de crise ce type d’investissement soit sacrifié en premier est-il vérifié ?

Pouvez-vous revenir sur le processus de choix des projets ? Comment les dossiers retenus sont-ils évalués ?

Comme vous, nous croyons à la nécessité de simplifier les procédures et de stabiliser les règles. Au-delà du constat, avez-vous des pistes à proposer ? Les parlementaires ont leur part de responsabilité dans cette complexité ; mais le volet réglementaire n’y contribue-t-il pas davantage encore que le volet législatif ?

Quel est le rôle des collectivités territoriales partenaires ? Avez-vous évalué l’impact potentiel de la baisse drastique de leurs dotations prévue dans les années à venir sur les investissements ?

Enfin – question plus générale –, le principe de précaution que nous avons décidé d’inscrire dans la Constitution souffre en permanence de l’amalgame avec celui de prévention. Selon certains, il freinerait les investissements d’avenir en matière d’environnement ; qu’en pensez-vous ?

M. Bertrand Pancher. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) salue également votre présence devant notre commission. Alors que nous souhaitions tous, par-delà nos opinions politiques, consacrer une part importante des investissements d’avenir aux projets liés au développement durable, ceux-ci semblent marquer le pas. Quel sens donner à ce ralentissement ?

Une partie du problème tient sans doute à la procédure d’instruction des dossiers. Alors que dans le cadre du budget 2015, on s’était fixé pour objectif de renforcer le volet environnemental des projets financés, on avait également noté la nécessité de rendre plus simples et plus lisibles les critères d’éco-conditionnalité que les porteurs de projets devaient pouvoir renseigner à un coût et avec un délai raisonnables. Les observateurs s’interrogeaient par ailleurs sur la capacité de l’État, des opérateurs et des experts à analyser avec un œil critique les informations fournies par les postulants à l’appui de leur candidature. Comment simplifier l’ensemble de ces procédures ?

Sur le fond, comment rendre attractive la présentation de projets d’investissements d’avenir ? Les candidats doivent pouvoir s’appuyer sur des signaux efficaces et stables. En effet, lorsqu’on repousse à demain la fiscalité sur le carbone et la réorientation de la fiscalité sur le transport, et qu’on abandonne les tarifs de rachat des énergies renouvelables, on ne doit pas s’étonner du tarissement des projets liés au développement durable ! Comment développer les signaux et les mécanismes d’incitation ?

Vous avez évoqué les conseils des responsables de l’ADEME en matière de portage de projets. Il faudrait pourtant, pour commencer, réformer le fonds chaleur de l’ADEME, sous peine de rendre incompréhensibles les orientations de l’État dans le domaine des énergies renouvelables.

Ne s’est-on pas trompé en affectant autant d’investissements d’avenir aux projets liés au développement durable ? La réduction du nombre de ces dossiers ne doit-elle pas nous conduire à porter davantage nos efforts sur les infrastructures et les équipements ?

Mme Laurence Abeille. Le groupe écologiste s’intéresse aux avis que vous formulez dans les cahiers des charges qui accompagnent les appels à projets. Vous avez indiqué qu’en matière de réseaux électriques intelligents tout se passait bien ; faites-vous des propositions concernant la réduction de l’exposition aux ondes électromagnétiques ?

Dans le cadre du programme « Ville de demain » – qui concerne l’urbanisme et le logement –, prenez-vous en compte les impératifs de la biodiversité, les questions de santé environnementale et les enjeux climatiques ?

S’agissant de l’aménagement du territoire et de l’agriculture, pourriez-vous envisager de participer au financement de projets tels que la ferme des « mille vaches », qui ne répondent pas aux exigences écologiques formulées dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ou prévues dans le projet de loi sur la biodiversité déjà adopté par notre commission ?

M. Olivier Falorni. Monsieur le commissaire général, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) est heureux d’interroger le grand serviteur de l’État que vous êtes. La France dépense beaucoup d’argent dans les investissements d’avenir ; encore faut-il que ces sommes soient bien employées. Dans une note pour Terra Nova, Michel Aglietta évoque le « mal-investissement » que connaissent beaucoup de pays et donne trois grandes orientations à privilégier : les infrastructures de réseaux qui génèrent de fortes retombées positives sur le reste de l’économie ; les investissements bas carbone tournés vers l’efficacité énergétique ; la formation continue qui cherche à adapter les salariés à un monde du travail en mutation constante. Quel est votre sentiment sur ces recommandations ?

La transition énergétique passe par la mobilité. En février dernier, vous avez signé le projet « Véhicule décarboné communicant » (VEDECOM), créant le premier institut en Europe dédié au transport automobile et à la mobilité individuelle qui cherche à réduire l’émission de gaz à effet de serre et à opérer à terme un changement dans le comportement des usagers, et qui soutient particulièrement le développement des PME. Quelles sont les premières retombées de cette initiative ?

La Rochelle a été choisie pour tester le bus sans chauffeur du programme européen CityMobil 2 dont le développeur – Robosoft – est français ; soutenu par l’ADEME, ce projet offre des opportunités importantes de croissance en termes d’emplois. Ce type d’expériences, si elles s’avèrent positives, pourrait devenir un formidable levier pour les investissements ; qu’en pensez-vous ?

La lettre de cadrage écologique comme les dispositions du projet de loi sur la transition énergétique encouragent la méthanisation – procédé de production d’énergie sous forme de biogaz. Dans le cadre du plan « Énergie, méthanisation, autonomie, azote », le Gouvernement annonce la construction, à l’horizon 2020, en trois ans, de 1 500 méthaniseurs. À votre avis, cet objectif est-il réalisable ? Le potentiel de croissance de ce programme peut-il pousser le CGI à lancer un appel à projets ?

L’année dernière, nous regrettions que le programme de rénovation thermique des bâtiments n’ait pas atteint son objectif. Votre prédécesseur mettait en cause la réticence des propriétaires confrontés au manque de financements. Avez-vous suggéré de renforcer l’information des collectivités et de développer les mesures d’accompagnement ?

Mme Geneviève Gaillard. Soutenez-vous aujourd’hui des projets relatifs à la biodiversité ?

Les recherches sur le transport de marchandises par des dirigeables de qualité représentent un sujet d’avenir. J’ai soumis cette idée à Michel Rocard et à Alain Juppé dès la création du CGI, puis tenté de la promouvoir durant trois ans auprès de tous nos ministères. D’autres pays – comme les États-Unis – prennent actuellement de l’avance sur ce dossier prometteur alors que la France aurait les moyens de le faire. Ainsi, un porteur de projet de ma circonscription, qui travaille avec l’université de La Rochelle et une entreprise privée, n’arrive pas à développer le système qu’il a breveté. Les investissements d’avenir sont-ils inaccessibles aux inventeurs et aux chercheurs qui ne font pas partie d’une grande entreprise telle qu’EADS ?

M. Yves Albarello. Monsieur le commissaire, vous êtes également président d’Initiative France. Les très petites entreprises (TPE) sont-elles éligibles aux financements du CGI ? Si oui, avez-vous des exemples de réussite à nous citer ?

Les collectivités territoriales peuvent, dans les années à venir, jouer un rôle important dans la mise en œuvre des trente-quatre plans industriels. Compte tenu de la baisse programmée de leurs dotations, peuvent-elles bénéficier des fonds du CGI ? Les en faire profiter permettrait d’accélérer les décaissements.

M. Yannick Favennec. Au détour de la loi de finances rectificative pour 2014, l’État a prélevé 250 millions d’euros sur les investissements d’avenir, au profit notamment de la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Pensez-vous que ce type de ponction sur les fonds du grand emprunt risque de se reproduire ?

Comment simplifier, par ailleurs, les procédures d’instruction des dossiers, bien trop lentes ?

Enfin, pouvez-vous illustrer concrètement certains projets que vous avez évoqués, que nos concitoyens ne connaissent pas forcément ? Je pense notamment aux programmes touchant au secteur de l’automobile qui, je le sais, vous tiennent particulièrement à cœur.

Mme Catherine Beaubatie. Je souhaiterais vous interroger sur la filière photovoltaïque. Il y a une quinzaine d’années, la France se lançait sur ce marché avec grand succès. En même temps que l’Allemagne, elle a participé à l’essor de cette filière dont le taux de croissance moyen mondial est de 45 % depuis 2003. Un des leaders mondiaux du secteur des trackers solaires, Exosun, est d’ailleurs français. Son chiffre d’affaires est passé de 870 000 euros à plus de 20 millions d’euros entre 2013 et 2014, son activité à l’international connaissant une forte expansion.

La France dispose d’atouts non négligeables pour développer cette filière industrielle : faible coût de l’énergie, qualité des infrastructures, accès à une main-d’œuvre qualifiée, qui nous permettrait de concurrencer l’industrie chinoise dans la production de panneaux solaires.

Pourtant, depuis le moratoire de 2010 sur le photovoltaïque, qui a stoppé quasiment tous les projets industriels en cours sauf ceux destinés à un usage domestique, la France est quasiment sortie d’un marché estimé à 140 milliards d’euros d’ici 2020. C’est une filière d’avenir qui représente un potentiel énorme en termes d’emplois et de relance de l’économie. Monsieur le commissaire général, après des années de stagnation, pourriez-vous nous dire si une nouvelle politique d’investissement dans cette filière est envisagée ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit une réduction de 20 points de la part de l’énergie nucléaire dans la production électrique d’ici 2030. Peut-on quantifier et estimer, sur le plan financier, les conséquences de la diversification qui en découlera nécessairement ? Ne serait-il pas bon de créer un environnement favorable à la production en France d’équipements en énergies renouvelables, alors qu’aujourd’hui ils sont souvent, à l’instar des panneaux photovoltaïques, importés d’un pays où une très forte pollution est observée ?

M. Stéphane Demilly. Je voudrais vous interroger sur l’écoconditionnalité. La moitié au moins des projets de la seconde tranche des programmes d’investissements d’avenir y seront soumis, comme le Gouvernement s’y est à juste titre engagé. Si elle est évidente pour certains projets, comment ses critères peuvent-ils s’appliquer concrètement à d’autres ?

Au sein du budget de l’ADEME, 170 millions d’euros devaient être consacrés aux énergies renouvelables, à l’économie circulaire et à la chimie verte, mais, faute d’avoir été employés à temps, ils ont été redéployés vers l’excellence technologique des industries de défense. Ce genre de coupe budgétaire est regrettable. Par ailleurs, le programme des investissements d’avenir a pour fin de faire émerger une approche par filière. Les universités, les entreprises et les pouvoirs parviennent-ils réellement à nouer des relations les uns avec les autres et à conjuguer leurs efforts ? Enfin, financez-vous des projets relatifs aux biocarburants et aux carburants du futur ?

Mme Françoise Dubois. Je salue la prise en compte de la dimension écologique dans les programmes d’investissement d’avenir de deuxième génération. Cela représente une avancée significative qui ouvre des perspectives d’avenir. Quels sont les critères de l’écoconditionnalité ? Comment est-elle concrètement prise en compte : par des bonifications, par des sélections ou par des exclusions ? La lisibilité et la clarté des procédures sont primordiales pour les porteurs de projet.

M. Charles-Ange Ginesy. À l’heure de la révolution numérique, je voudrais évoquer l’appel à projets e-éducation, qui concerne les enseignements fondamentaux à l’école. Mais il serait opportun de soutenir en parallèle le déploiement de la fibre optique dans les zones rurales, où la connectivité reste souvent trop faible. J’ai le sentiment que le plan national numérique est en panne, alors que ces projets qui rapprochent le numérique, l’innovation et l’éducation jouent un rôle crucial.

M. Gilles Savary. Confirmant les excellentes conclusions de Philippe Duron et de la commission Mobilité 21, la Cour des comptes a publié un rapport où elle estime que le « tout TGV » a conduit la SNCF dans l’impasse. Avec ses 230 gares desservies, le maillage actuel ne permet pas au matériel Alstom d’être exploité comme il le devrait, puisque les trains circulent 40 % du temps sur des lignes qui ne sont pas à grande vitesse. Au Japon, le Shinkansen ne dessert que dix-sept gares.

Alors que pointe la concurrence des autocars ou même du covoiturage et que le modèle économique se dégrade, un plan Montebourg est en préparation pour développer une nouvelle génération de trains à grande vitesse, plus rapides et plus chers. Ne faudrait-il pas plutôt s’inspirer du projet allemand ICx, qui envisage la circulation de trains roulant à 240 kilomètres-heure, soit à un niveau les plaçant juste en dessous de la grande vitesse européenne et permettant d’assurer plus de missions à un prix moindre ?

Par ailleurs, l’approche par projet ne favorise-t-elle pas les groupes organisés, au détriment d’une vision stratégique d’ensemble ?

M. Jean-Louis Bricout. Dans le cadre des investissements d’avenir, l’État a confié à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) le programme « Ville de demain » dont l’objectif est de soutenir l’investissement dans les villes afin de faire émerger un nouveau modèle urbain. Ce programme comprend deux volets : le premier se termine ; le second commencera en 2015 et s’étendra jusqu’en 2017.

À ce stade, quel bilan pouvez-vous en tirer ? Par ailleurs, comme élu, je m’interroge sur la façon dont les territoires ruraux, notamment les plus isolés, pourront s’inscrire dans la dynamique des investissements d’avenir. Pensez-vous par exemple soutenir les futurs projets de redynamisation des villes centres-bourgs ?

M. Philippe Bies. Je voudrais revenir, à travers un exemple concret, sur la lourdeur des procédures. À Strasbourg, un projet d’îlot résidentiel en bois est en cours, qui comprendra près de 400 logements, dont un quart de logements publics. La communauté urbaine de Strasbourg (CUS) pilote le projet en partenariat avec les pôles de compétitivité Fibres Grand Est et Alsace Énergivie. Il présente toutes les garanties en matière de performance énergétique et d’usage de matériaux de source biologique.

Pourtant, nous risquons d’en rabattre sur les ambitions initiales à cause de blocages réglementaires. En ligne avec la volonté de simplification affichée par le Gouvernement, nous avons imaginé quatre pistes d’amélioration. Il s’agirait d’envisager des dérogations, sous le contrôle de l’État, au profit des périmètres incluant des écocités ; de supprimer les appréciations techniques d’expérimentation (ATEx), dont l’obtention est longue, coûteuse et dissuasive pour les maîtres d’ouvrage ; d’engager un travail spécifique avec les banques et les assurances ; d’adopter un cadre de marchés publics plus adapté à ce type de projets. Que pensez-vous de ces propositions ?

M. Jean-Yves Caullet. Je m’associe à la réflexion de notre collègue Arnaud Leroy, qui a établi un lien entre la question des ressources et celle de l’utilisation du bois. La forêt nécessite des soutiens financiers qui sont négligeables si on les compare avec les avantages qu’elle peut produire. Où en est le programme du pôle de compétitivité Pégase relatif au transport de charges lourdes ? Souvent, la solution aux problèmes que connaît un secteur se trouve dans un autre secteur. Ainsi, la technique des rayons X a permis de valoriser le bois grâce à la détection des anomalies internes à la grume, permettant un sciage non destructeur de valeur, notamment pour les feuillus. Comment multiplier ces rencontres entre secteurs qui sont porteuses de solutions ?

M. Philippe Martin. Monsieur le commissaire général, vous avez déclaré à plusieurs reprises que les programmes d’investissement d’avenir ne constituent pas à proprement parler un outil de relance. Qu’entendez-vous par là ? Le soutien à la rénovation thermique des bâtiments ne peut-il être considéré comme un outil de relance ? Par ailleurs, dispose-t-on d’une grille de critères pour l’appréhender l’écoconditionnalité sous toutes ses formes dans les différents secteurs ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les orientations initialement définies par Alain Juppé et Michel Rocard sont-elles à ce jour respectées ? Fin décembre 2013, les programmes d’investissement d’avenir représentaient une masse de 34 milliards d’euros de crédits engagés ; la loi de finances pour 2014 leur a ensuite alloué 12 milliards supplémentaires, portant le total des investissements à 47 milliards d’euros. Cela signifie-t-il que vous n’aurez bientôt plus de moyens à engager ?

La ministre de l’écologie a annoncé qu’un fonds de la transition énergétique serait bientôt institué et qu’il serait doté de 1,5 milliard d’euros, le cas échéant par redéploiement de crédits des programmes d’investissement d’avenir dont l’ADEME et la BPI sont opérateurs. Qu’en est-il ?

Pourquoi finançons-nous de la rénovation énergétique de l’habitat au titre des investissements d’avenir ? Je suis surpris qu’ils puissent apporter leur soutien à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou financer 10 millions d’euros de primes à la rénovation thermique. Il en irait différemment si ces fonds finançaient de la recherche sur les matériaux et sur les nouvelles techniques, et non les opérations elles-mêmes.

Enfin, sur les 47 milliards d’euros que totalisent les PIA 1 et 2, quel montant est compris dans l’endettement public entendu au sens des critères de Maastricht ?

M. Louis Schweitzer. N’étant commissaire à l’investissement que depuis peu et ne disposant que de connaissances limitées, je me permettrai d’apporter à certaines de vos questions des réponses écrites ultérieures, pour votre complète information.

Monsieur le président, les programmes d’investissement d’avenir sont en effet dans la ligne des intentions définies par Alain Juppé et Michel Rocard. Je suis en contact régulier avec tous deux, qui continuent de présider le dispositif. Sur les 47 milliards d’euros prévus, 15 milliards restent à engager d’ici 2017, ce qui est tout à fait significatif. Finançons-nous parfois des projets qui ne relèvent pas de l’innovation ? Oui, quelquefois, car la rigueur budgétaire ne cesse de croître, faisant monter la pression sur les financements disponibles. Nous y résistons comme nous pouvons, mais nous ne pouvons le faire de manière indéfinie. (Sourires)

Quant au filtre que nous opérons sur les projets présentés, ils conduisent de 15 % à 70 % d’entre eux, selon les appels, à être retenus à l’issue d’un processus qui n’est pas un concours, mais un dialogue constructif engagé sur la base de la proposition initiale et permettant d’affiner et d’améliorer l’épure. C’est la raison du taux élevé de réussite.

Pour nos procédures, il est vrai qu’elles peuvent être longues et compliquées. Mais nous avons aussi des cas exemplaires, tels les travaux de la commission Lauvergeon. Grâce à elle, nous avons retenu 111 projets sur plusieurs centaines, qui ont reçu 200 000 euros chacun, dans un délai de trois mois, et même deux millions d’euros pour certains d’entre eux, voire vingt millions d’euros pour quelques start-up ayant de forts besoins en capital. Nous lancerons bientôt un concours mondial d’innovation. Par son spectre large, il s’adressera aux TPE et aux start-up, qui développent souvent des idées extraordinaires et passionnantes, comme celle de récupérer les matières rares grâce au recyclage, trop cher aujourd’hui. Ces projets sont donc très positifs d’un point de vue économique et écologique, mais aussi du point de vue de l’indépendance nationale.

En ces domaines, le programme d’investissement d’avenir est irremplaçable et efficace. Nous agissons de manière très rapide, de l’examen approfondi par un jury à l’octroi effectif du financement. Un des bénéficiaires de nos programmes, ayant fait l’expérience des procédures américaines, n’avait jamais vu qu’on puisse lui apporter en trois mois un soutien aussi « miraculeux ».

Quant à l’Union européenne, elle est plus souvent un frein qu’un appui aujourd’hui. Peu de financements croisés existent. À nos yeux, ils méritent d’être développés. Le programme d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par le président Juncker va dans le bon sens. Un groupe de travail est constitué pour réfléchir à l’emploi de ces crédits ; le commissaire général adjoint, M. Thierry Francq, ici présent, en fait partie. Ce serait une très bonne chose que des cofinancements soient possibles. Je souligne que l’innovation est un domaine où les effets en matière d’emploi se font sentir plus vite que lorsqu’il s’agit de construire des infrastructures, dont les travaux mettent souvent deux à cinq ans à commencer.

La question reste ouverte de savoir s’il faut une troisième génération d’investissements d’avenir. La première génération était due à une rigueur budgétaire qui menaçait de sacrifier en priorité les investissements et l’avenir. Mon expérience à la direction du budget m’incline à penser que ce danger existe en effet. Aussi le programme permet-il de sanctuariser un financement dédié à ces causes. Notre ambition demeure d’engager tous ces crédits d’ici 2017. Les raisons qui ont motivé la création des programmes d’investissement d’avenir subsisteront certainement au-delà, mais beaucoup d’années se seront écoulées depuis le rapport d’Alain Juppé et de Michel Rocard.

Sur les 47 milliards d’euros constituant les investissements d’avenir, 26 milliards aggravent la dette publique au sens de Maastricht et 11 milliards constituent des dotations non consommables. Les dotations en capital et les prêts complètent le total.

Pouvons-nous inciter à mieux structurer les filières ? Oui, nous envisageons notre action dans cette perspective. Le concours Lauvergeon est venu en aide à des start-up qui ont fait grandir des filières, lorsqu’elles font la preuve de la viabilité de leur projet. Mais la France, qui se place à la première place en Europe pour la création d’entreprises, se situe moins bien sur la base du taux de croissance de ces entreprises nouvelles.

Présidence de Mme Catherine Quéré, vice-présidente de la commission

Les inventions que nous soutenons sont nombreuses, qu’il s’agisse de dirigeables lourds, d’avions électriques ou de satellites électriques. Ces derniers parviennent déjà à allonger la durée de vie des satellites classiques, perfectionnant et améliorant le système satellitaire. D’autres exemples sont mieux connus encore, telles les banques de recharge pour véhicules électriques.

Quant au très haut débit disponible sur la France entière, il pointe à l’horizon. Nous disposons de financement pour soutenir les projets qui ne sont pas commercialement rentables et dont les opérateurs privés ne font donc pas leur affaire. Mais lorsque le type de financement disponible repose sur des prêts, ils sont par nature difficilement utilisables, car ils supposent une rentabilité assurant un certain niveau de remboursement. Quand des subventions ne peuvent être employées, le prêt est alors tout de même utilisé, mais en étant adossé à une ressource récurrente spécifique. Le remboursement se trouve alors garanti par un rendement récurrent. L’imagination financière permet ainsi de résoudre les difficultés de manière élégante et d’accélérer les opérations.

De leur côté, les collectivités locales jouent un rôle de partenaire dans certains de nos projets. Des discussions sont également engagées avec elles dans le cadre de la négociation des contrats de plan État-régions (CPER). Leur participation aux PIA ne constituant pas une obligation juridique, cela rend un cofinancement plus difficile. Nous y voyons pourtant beaucoup d’avantages. Si notre action ne relève pas de l’aménagement du territoire, elle s’enracine dans ce dernier et les collectivités territoriales y concourent. La prise en compte des programmes d’investissement d’avenir dans les contrats de plan État-régions ne dispense cependant pas d’accomplir les propres au commissariat général à l’investissement.

Au principe de précaution, je suis, à titre personnel, favorable. Je l’étais déjà comme président-directeur-général de Renault ou lorsque je travaillais dans le secteur pharmaceutique. Personne n’imagine aujourd’hui d’ignorer le principe. Certes, le principe est parfois surinterprété ou simplement évoqué comme idée pour justifier un blocage. Mais, tel qu’il est défini dans la Constitution, il ne fait pas obstacle au progrès scientifique, industriel et technologique.

Je concède que nos procédures peuvent être améliorées dans le sens d’une plus grande simplicité, ne serait-ce qu’en évitant des délais trop longs ou toute redondance dans l’examen des dossiers. Il se trouve que je partage les mêmes locaux que M. Thierry Mandon, secrétaire d’État en charge de la simplification, et nous dialoguons ensemble. L’un des programmes d’investissement d’avenir porte précisément sur la simplification administrative et la modernisation de l’État. Au demeurant, nous sommes tenus d’appliquer une réglementation externe qui ne dépend pas de nous.

Dès l’origine, il fut également entendu que nous ne financerions pas de projets d’infrastructures. Nous ne dérogeons pas à cette règle. Ce n’est pas notre rôle, d’autres mécanismes existant à cet effet. L’écart entre eux et les investissements d’avenir ne dépendra que du financement qui leur sera alloué.

En vue de rendre plus lisible l’écoconditionnalité hors programme de développement durable, nous demandons à tous les porteurs de projets présentés d’afficher des progrès mesurables en termes de recyclage ou d’émission de gaz à effet de serre. Il s’agit donc d’une écoconditionnalité positive. Ils doivent prouver comment leurs idées peuvent amener un progrès dans ces domaines.

Quant aux signaux-prix, ils ne relèvent pas de nous, hélas. Nous vivons avec ceux qui existent et nous nous y adaptons. Cependant, dans le domaine des fermes hydroliennes, nous fixons des objectifs de coût cohérents avec l’évolution à long terme du prix de l’énergie.

Nous finançons une série d’actions dans le secteur des villes de demain, mais nous cherchons désormais des partenaires privés, ce qui n’est pas toujours facile. Les subventions se consomment bien, mieux que les prêts.

Nous travaillons également sur les réseaux électriques intelligents. Le recours accru aux énergies renouvelables crée en effet des contraintes complètement nouvelles sur les réseaux. Nous ne nous occupons pas en revanche de la prévention des effets des ondes électromagnétiques.

Nous consacrons un programme à l’agriculture, à hauteur de 125 millions d’euros. Il me semble tout à fait justifié, étant donné le rôle de notre industrie agricole et agroalimentaire, d’imaginer quelles y seront les voies d’avenir. J’ai été exaspéré toute ma vie par l’opposition entre industries du passé et industries d’avenir. Au demeurant, nous ne financerions certes pas, dans le cadre de notre programme agricole, une ferme comme celle des « mille vaches ».

Nous participons au programme « Véhicule décarboné communicant » (VEDECOM), qui fonctionne bien. Dans le domaine de la biodiversité, en revanche, nous sommes peu présents, hormis une aide très récente au Muséum d’histoire naturelle dans le cadre d’un programme de promotion de la culture scientifique. Il s’agit d’apporter notre soutien à un réseau participatif de surveillance de la biodiversité. Nous en sommes donc aux prémices.

Pour la méthanisation, elle est plus facile à conduire dans des exploitations agricoles de taille industrielle. Cela nous place devant des contradictions évidentes si nous voulions la soutenir.

Parmi les trente-quatre projets sectoriels, l’un concerne le transport de grumes de bois par dirigeable. Des réunions actives ont déjà eu lieu. La banque publique d’investissement française et les pôles de compétitivité y contribuent, mais le projet n’en est encore qu’au stade amont.

Existe-t-il un risque de redéploiement des crédits des programmes d’investissement d’avenir ? Oui. J’ai écrit hier au président Jean-Paul Chanteguet pour lui faire part de mouvements envisagés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d’année. Si les uns sont des redéploiements internes tout à fait positifs, d’autres réorientent les crédits vers l’excellence technologique des activités de défense. Nous nous situons alors aux limites du programme d’investissement d’avenir. Le sujet se représentera sans doute à l’avenir.

Il existe des projets concrets dans le domaine de l’automobile. Ils portent non seulement sur l’allègement des véhicules grâce à l’utilisation de matériels autres que l’aluminium ou l’acier, mais aussi sur les moteurs thermiques ou sur l’hybridation. Les progrès réalisés sont beaucoup plus rapides que ce qu’on aurait imaginé il y a dix ans.

De toute évidence, les orientations politiques ont produit un effet concret et positif sur le progrès technologique.

Mme la vice-présidente Catherine Quéré. Vous nous rassurez quant à l’idée que nous servons à quelque chose… (Sourires)

M. Louis Schweitzer. Les développements dans ce secteur ont été sans conteste plus lents aux États-Unis, parce que la pression politique y était moins forte et la fiscalité sur le carburant moins lourde.

Sur les carburants du futur, des programmes en cours. La première génération n’affiche pas un bilan coûts-avantages positif en termes écologiques ; la seconde en est au stade de la recherche développement ; la troisième n’en est vraiment qu’aux balbutiements.

Quant au TGV, j’ai été associé dans de précédentes fonctions à la mise en place de la ligne Paris-Lyon. La Cour des comptes a raison de mettre le holà sur les infrastructures. Mais le système actuel demeure pertinent, même en le comparant avec le Japon. En desservant des gares qui ne sont pas les seules gares TGV, les trains attirent beaucoup plus de voyageurs, même si cela réduit l’utilisation effective du matériel au maximum de ses capacités. Ainsi, un kilomètre de voie nouvelle attire en France cinq fois plus de voyageurs qu’en Espagne. Je rencontrerai prochainement le président de la SNCF pour m’entretenir avec lui des TGV du futur. J’attends donc pour me former une opinion. Mais je crois que le projet allemand en cours est surtout lié à un problème de financement des infrastructures outre-Rhin. Il s’agit donc, à mon sens, d’une approche de substitution, car je ne crois pas que l’avenir appartienne à des trains à grande vitesse roulant moins vite. (Sourires)

Au sujet de la lourdeur des procédures, j’espère pouvoir apporter, au cours d’une prochaine audition, des exemples concrets de réduction des délais. Que les demandes soient si peu nombreuses dans le domaine de la transition énergétique tient à mon sens à ce que les délais d’examen de ces dossiers soit si long. Encore faut-il admettre que les incertitudes sont elles aussi assez grandes sur leur viabilité économique.

Comme mon prédécesseur, je doute que les investissements d’avenir constituent un outil de relance, vu leur volume et leur rythme d’engagement, soit environ 4 à 5 milliards d’euros par an. C’est un ordre de grandeur qui n’est pas cohérent avec une relance par l’investissement. Le programme européen du président Juncker a une tout autre échelle. Les programmes d’investissement d’avenir ont néanmoins un effet positif. Mais, surtout, ils permettent d’empêcher que la crise compromette l’avenir de façon durable, en dressant d’autres obstacles devant la croissance revenue, si elle devait avoir un caractère non soutenable.

Car, dans un monde de compétition, la France ne peut se positionner de manière avantageuse par des prix extrêmement bas. Dans cette perspective, l’innovation constitue un élément de compétitivité essentiel. Les programmes d’investissement d’avenir ont donc un effet positif sur la balance commerciale de la France et sur la création d’emplois, même s’ils ne visent pas un résultat macro-économique immédiat.

M. François Vannson. Je voudrais vous interroger sur le maintien des lignes actuelles de TGV. Je partage votre vision des choses sur d’éventuels nouveaux programmes d’infrastructures dont la viabilité serait incertaine. En revanche, la Cour des comptes a remis en cause la ligne existante entre Paris et Remiremont. Je souligne que les départements et les régions ont cependant fortement contribué à cet investissement. Je ne vois d’ailleurs pas comment un TGV plein à son départ de Remiremont pourrait accueillir de nouveaux voyageurs à Nancy. Sur cette question, les élus ruraux auront besoin de votre soutien.

M. Louis Schweitzer. Je serai un spectateur attentif de ces évolutions. Comme je l’ai dit, nous n’intervenons pas sur les projets d’infrastructure. Mais nous contre-expertisons tous les projets d’un montant supérieur à 100 millions d’euros. Nous serons donc amenés à nous prononcer prochainement sur les projets du Grand Paris.

Mme la vice-présidente Catherine Quéré. Je vous remercie, Monsieur le Commissaire général à l’investissement.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 29 octobre 2014 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Guillaume Chevrollier, M. David Douillet, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Napole Polutélé, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thomas Thévenoud

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Noguès, M. François Vannson